300 Rise of an Empire

Embed Size (px)

DESCRIPTION

critique

Citation preview

300 Rise of an Empire

Une squelle tardive qui s'obstine ne rien comprendre de son modle, et qui confondre emphase et dmonstrativit, efficacit et dilettantisme, tombe dans le grand n'importe quoi anti-iconique.Un rsum desvnementsde la guerre entre la Perse et la Grce, de la mort de Darius Marathon aux batailles suivant celle des Thermopyles. L'on suit cette fois la destine de Thmistocle et des athniens, et leurs tentatives pour unifier les cits grecques contre l'envahisseur et notamment Artmise, grecque d'origine la tte de la flotte de l'empereur-dieu Xerxs.

Voil un projet bien trange. De ces hypothses fantasmatiques de soire entre potes, qui ne tiennent pas le premier examen de faisabilit parce qu'elles ne passent en toute logique pas la seconde rflexion quant leur pertinence. En effet, pourquoi vouloir, d'un point de vue thmatique et narratologique, broder autour d'un rcit qui tient sur son concept tendu, sur sa concision et son apparente simplicit ? Pourquoi titrer "300" un film qui ne subit pas la contrainte d'une arme limite 300 hommes ? Et quel est l'intrt de rduire l'aura mythologique d'un rcit dont le propos taient de rendre lgendaires ses protagonistes etvnements, en y jetant une lumire crue sans commune mesure avec le traitement qui faisait tout le prix de l'original ? Pourquoi si peu de perspective ? Nous sommes, il est vrai, une priode o Hollywood lance ses franchises les plus onreuses sur un cameo de Samuel Jackson la fin d'unIron Man...

300a dans la cinphilie contemporaine un statut comparable celui qu'a pu avoirMatrixau dbut des annes 2000. A savoir une indniable date technique et esthtique, un film qui s'il n'invente pas proprement parler ses procds qualifis htivement de rvolutionnaires, contribue cristalliser la tendance pour l'imposer durablement. De mme queMatrixrendait durablement tangibles des ides (techniques, esthtiques) qu'on avait pu deviner deDark CityBlade,300, dans son projet dingue de fabriquer un pplum pique dans un hangar, finissait de rendre impossible ignorer les exprimentations techniques et esthtiques deSin CityLord of the Rings, et entrinait la maturit de procds et de pratiques qui aujourd'hui ne suscitent plus de mfiance que dans les rdactions les plus catafalqueuses de notre cinphilie nationale : inflation de dcors sur fonds verts, stylisation extrme de la photographie et du dcoupage (de la pose pour certains), prpondrance de la postproduction et de l'effet optique, avec les effets logiques de ces bouleversements sur les modes de production. Les deux films ont t d'ailleurs autant conspues que clbres pour leur formalisme et leur style dramatis, mais ont aussi pris un certain coup de vieux prmatur, aids en cela par une palanque d'ersatz mdiocres qui n'mulent qu' leur valeur faciale leurs avances les plus reconnaissables. Combien d'empoignades martiales surdcoupes et illisibles, de personnages sans charisme vtus de cache-poussires en cuir noir, de bullet-time gratuits, ont suiviMatrix? De mme, on ne compte plus les popes en balsa sur fond de percussions et cuivres tonitruants, bourres de photographies dsatures et jauntres, de ralentis au petit bonheur la chance et d'action incrdible force de pousser le bouchon, cume de la vague qu' reprsent le film de Snyder. Cette suite mal pense en est d'ailleurs le dernier reprsentant en date.Car tout dans ce projet, de son principe sa mise en uvre, sent l'incomprhension volontaire et forcene non seulement de la facture de l'original, mais aussi de ses enjeux en termes de production et de construction thmatique. Le projet semble en tous cas prcipit en regard de son objet, dans la mesure o leXerxsde Frank Miller a t remis aux calendes, entre autres pour cause deSin City 2. De l a conclure que Snyder et Miller ( la production) et leur protg Noam Murro ( la camra) naviguent vue, il ny a quun pas que le rsultataujourdhuisous nos yeux aide grandement franchir. Ne retenant de300que son imagerie, sans jamais rflchir ce qui la sous-tend, ceRise of an Empireratisse aussi large que possible et lnifie lensemble de son histoire: adieu donc au paradoxe dune socit spartiate poussant son litisme au service de la libert (le film souvrait quand mme sur la vision frontale de leugnisme Lacdmone), bonjour des grecs quon a ramen au rang de G.I.s antiques. Cest ainsi quon passe par toutes les scnes obliges de sries tl pour vtrans de typeBand Of Brothers, avec grands discours toutes les dix minutes sur la responsabilit, la patrie et les familles restes la maison, dilemmes moraux amricano-centrs, et mme la mort d'un personnage dans les bras d'un autre qu'on jurerait avoir dj vue dansTropic Thunder! Par la mme trappe, s'coule le vrisme culturel que convoquait au moins la marge le film de 2006 : par exemple, pas un grec en deuil (et on nous en agite pas mal sous le nez) ne se couvre la tte de cendres alors que le pre d'Astinos accomplit ce geste dans300...

Cet ethnocentrisme explique sans doute grandement LE gros point noir du film, savoir le miscast total d'Eva Green en Artmise, pourtant le personnage de loin le plus sduisant du film. Il ne s'agit pas ici de contester la lgitimit intrinsque d'Eva Green en tant qu'actrice (ah non), simplement de pointer la disparit de son emploi et de ce rle en particulier. Pour rsumer, c'est la guerrire d'origine grecque la moins crdible au cinma depuis Jennifer Gardner en Elektra. Tout, chez l'actrice, de sa diction ses expressions, de sa gestuelle son magnifique profil patricien, hurle le 5me arrondissement de Paris - ce n'est pas forcment une mauvaise chose en soi, mais c'est un emploi trs restreint quand on prtend camper une cheffe de guerre jusqu'au-boutiste, prostitue depuis son enfance et au cuir tann par les soleils et cumes de tout l'empire Perse. Seulement cette perspective sur l'erreur de casting nest aussi criante que de notre ct de lAtlantique. Eva Green fait carrire aux Etats Unis, o le seul fait d'tre franais confre automatiquement l'exotisme requis pour jouer tout tranger au nouveau monde; assortie sa prsence l'affiche deSin City 2, il n'en aura pas fallu plus pour la qualifier de cast "parfait"... Et cela n'est rien fasse la caractrisation confinant au foutage de gueule : ainsi Artmise est recceuillie et entraine par l'missaire du premier film sans qu'on sache trop en quel honneur, et se permet carrment d'insulter son empereur lorsqu'il la contrarie avant d'aller faire ce qui lui chante avec une arme entire, sans tre plus inquites que a. Dans une nation o l'on dcapite tours de bras pour la moindre contrarit, quel pouvoir ! On est tout de mme rgulirement estomaqu que Miller et Snyder aient multipli des choix aussi courte vue sur un projet dont on se demande, finalement, s'ils y tiennent.

Car tout ou presque est du mme mtal dans ce film, croire parfois que ceRise of an Empireentreprend le mme travail de sape revancharde sur un modle dont il ne comprend pas les dynamiques, que la faitDark Knight RisesavecDark Knight. Cest--dire que tout ce qui tait autonome, vivant, ou possdait un souffle mythologique sy voit ratibois, plaqu au sol et abtardi jusqu la strilit. Au prix des pires invraisemblances et reniements thmatiques. Ainsi dEphialts devenu incongrument sarcastique, de Xerxs montr comme un strict pantin dandy seulement capable de se tenir sur des promontoires, de Daxos devenu un banal coursier, mais aussi et surtout de Lena Headey en reine Gorgo: peut-tre pour capitaliser sur la notorit de linterprte de Cercei Lannister, la voil artificiellement bombarde tour tour narratrice ( la manire de Delios dans le premier), capitaine de marine, guerrire mrite et bretteuse pleine de hargne, au ct d'ailleurs d'un homme dont son mari rcemment dcd combattait les ambitions... Si la prpondrance du rle des femmes dans l'original, quoique condamne par certains comme un contresens thmatique d'avec le comic (le signe d'assentiment avant le "this is sparta" en particulier), trouvait une justification dans le discours fministe (certes naf) qui irrigue l'uvre de Snyder. Ici, on se demande bien ce que dfend Murro avec cette alternance de fadeurs embarrassantes et de surenchres grotesques, tant l'ensemble de son exercice consiste ne gner personne et mnager toutes les chvres et tous les choux : qu'on ne se mprenne pas face la dmonstrativit gore et cul qui maille le film au point de le faire tourner au ridicule : ce300ne choque jamais qu'avec la forme, pour cacher l'amputation totale de sa substance.

C'est donc un inventaire de la beauferie et du saccage que se rsume bientt la projection; saccage et beauferie dont Murro n'est que l'instrument et qui sont hlas surtout le fait de Snyder lui-mme. Evidemment, puisque le film se base sur un modle formaliste, c'est au niveau de sa forme qu'il se couvre effectivement de ridicule. La mise en scne ne propose rien de cohrent, avec une 3D exploite uniquement dans la premire bobine, collant des ralentis partout sauf aux moments-clef des actions, et toujours dans une topographie hasardeuse (on met quiconque au dfi de comprendre ce qui se passe lors de la seconde bataille navale ou de l'assaut de Marathon), posant des personnages unidimensionnels et des situations qui mulent platement ceux du premier, sur une musique sans souffle mais toujours tonitruante. Le problme est que dans un univers o la forme tait le principal vecteur du sens du rcit, ledit rcit, dj tnu pour cette suite, perd tout ce qu'il pouvait possder d'intrt. A part vouloir tuer l'histoire raconte prcdemment, la chose est inexplicable car impossible corrler uniquement un manque de comptence : comment en effet cautionner, ces compositings dgueulasses, ces plaisanteries homophobes, ces revirements constants de caractres, ces visages falots moins mmorables qu'un moulage en latex de la tte de Lonidas, ce gore de cartoon (une pichenette et on perd un bras dans des gerbes de sang numrique modlis avec des mouffles), ces pubs de parfums pour hommes o l'on chevauche des destriers travers des incendies en pleine mer, o l'on fait exploser des ptroliers en nageant la brasse sous les projectiles les plus divers (a fait beaucoup pour la Grce antique, non ?), et o l'on exhibe du nichon sans autre but que celui d'coper d'un classement R ? La scne de sexe en Themistocle et Artmise, ce niveau, est d'un grotesque et d'un vain rarement atteint ces dernires annes sur un cran : l'empoignade ne sert en effet qu' sortir une vanne aussi paisse qu'un gif anim circonstanciel sur un tumblr de lycen, et faire une autorfrence attendue lors du duel final, o l'arme blanche remplacera les appendices de chair, mais sans aucune mise en abyme ni sens de la mtaphore, sans que quoi que ce soit dans l'pisode n'ait un quelconque poids symbolique, dans la mesure ou aucune opposition effective de caractres n'est esquisse aucun moment du film.Comment, donc, assumer cette dconfiture ? En l'appelant, manifestement, de ses vux. Deux dtails tendent le prouver : L'inversion du statut de la narration dans l'histoire qu'on nous montre, et la squence d'ouverture. Dans300, le rcit de Dlios encapsule compltement le mtrage, tablissant de fait le statut mythologique de ce qui y est racont ; Lonidas y est pos selon les canons du rcit classique, et Xerxs y apparat sortant de nulle part comme la dit qu'il prtend tre. DansRise of an Empire, Gorgo commence raconter les faits alors qu'elle y prend part, en omettant les vnements les plus rcents (les Thermopyles) mais en posant de sordides petites considrations sur un Xerxs dsiconis l'extrme et donc plus menaant du tout. Surtout elle le fait aprs un court prologue et avant de rejoindre l'action qu'elle voque. Dans le premier cas , les rcit sur un mode pique est une fin en soi, dans le second il n'est qu'un passe-temps pour le voyage. Autrement dit, rien n'est plus versifi parce que tout est sans forme, chaotique, sans signification d'aucune sorte. Une ngation de l'essence mme de300, confirme ds la premire squence o l'on voit Lonidas, mort, tre d'emble mutil et trivialis en tant qu'accessoire qu'on trimbale et avec le quel on s'amuse un peu avant de ne plus trop savoir qu'en faire et de l'oublier dans un coin afin de faire place la grande foire au n'importe quoi qui se droule dans le bruit, la fureur et surtout l'insouciance. Belle manire de faire table rase, Zack, on se croirait dfinitivement dans un Rodriguez, ou unGod of Warsur smartphone. Bravo.