2
GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert par Bertrand GUÉLY ©FFANG-DREAMSTIME.COM 28 vegetable.fr • n o 325 / septembre2015  On peut dégager grands leviers pour créer de la valeur : avec le produit, avec le packaging ou via la mise en œuvre sur le lieu de vente.” R appelons d’emblée le caractère légi- time et même vital de cette ambition tant nous savons la faiblesse des prix au kilo et des marges, ajoutées à la triste facilité à détruire de la valeur tout au long de la chaîne (cf. schéma visible sur www.vegetable.fr rubrique Regard d’expert). Par contre, il convient d’investir là où ça a une chance de rapporter. Le fournisseur peut choi- sir de créer de la valeur en BtoB, aidant le client à résoudre ses problèmes : comment vendre des solutions plus que des produits, et en ven- dant plus cher ou, mieux, en BtoC, en appor- tant au consommateur quelque chose en plus qu’il est prêt à rémunérer. Pour simplifier, on peut dégager 3 grands leviers pour créer de la valeur : avec le produit, avec le packaging ou via la mise en œuvre sur le lieu de vente. 1 Avec le produit Les multiples caractéristiques des nom- breuses espèces autorisent tout concernant les origines, les terroirs, les variétés, les calibres, les formes, les couleurs. A ttention pourtant à ne pas confondre création de valeur avec la simple proposition d ’attributs naturellement dus. Par exemple, je ne suis pas un défenseur des gammes segmentées de fruits mûrs, qu ’on les nomme décollés, prêts à consommer ou mûrs à point. S implement car aucun client ne vient chercher des fruits pas mûrs et le niveau de maturité propre à la consommation est pour moi un incontournable. On ne fait pas un exploit de proposer un poisson frais ou une viande tendre... Ainsi, les entrepôts qui ajoutent à la notion de stockage/éclatement celle d ’affi- nage sont sur la bonne voie. 2 Avec le packaging Même s’il est bien trop priorisé, le travail sur le packaging est un bon outil. P arce qu’il montre les produits sous l ’aspect le plus flatteur (fruits lités), les protège (alvéoles, croisillons, tapis bulle...), les rend nomades (shaker), les signe avec une marque. La même tomate cerise allongée dans une barquette ou dans un shaker ne se négocie pas au même prix. A contrario, la lunch box pour y transporter une banane, par nature protégée et nomade grâce à sa peau, n’apporte pas grand chose. 3 Via la mise en œuvre sur le lieu de vente J’ai déjà longuement détaillé dans cette rubrique l’importance capitale de la mise en œuvre et de la théâtralisation des F&L qui per - mettent au Primeur de créer de la valeur sans autre investissement que de la sueur et du pro- fessionnalisme. CRÉER DE LA VALEUR POUR DES F&L FRAIS EST PROBABLEMENT UN DES DÉFIS DE LA FILIÈRE QUE NOUS TENTONS DE RELEVER DE LA FAÇON LA PLUS MALADROITE, EN DEHORS DE LA RÉUSSITE INDISCUTABLE DES 4 E /5 E GAMME ET ENCORE TIMIDE DE LA FRAÎCHE DÉCOUPE. « Pour ça, oui, je suis prêt à payer plus cher ! » VG325_Assemblage2_Interieur.indd 28 28/08/2015 17:16

325 creation valeur sept 2015

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 325 creation valeur sept 2015

GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert

par Bertrand GUÉLY

©FFAN

G-DR

EAMST

IME.CO

M

28 • vegetable.fr • no 325 / septembre 2015

Comment créer de la valeur ?

 On peut dégager 3 grands leviers

pour créer de la valeur :

avec le produit, avec le packaging

ou via la mise en œuvre sur le lieu

de vente.”Rappelons d’emblée le caractère légi-time et même vital de cette ambition tant nous savons la faiblesse des prix au kilo et des marges, ajoutées à la triste facilité à détruire de la valeur

tout au long de la chaîne (cf. schéma visible sur www.vegetable.fr rubrique Regard d’expert).Par contre, il convient d’investir là où ça a une chance de rapporter. Le fournisseur peut choi-sir de créer de la valeur en BtoB, aidant le client à résoudre ses problèmes : comment vendre des solutions plus que des produits, et en ven-dant plus cher ou, mieux, en BtoC, en appor-tant au consommateur quelque chose en plus qu’il est prêt à rémunérer . Pour simplifier, on peut dégager 3 grands leviers pour créer de la valeur : avec le produit, avec le packaging ou via la mise en œuvre sur le lieu de vente.

1 Avec le produit Les multiples caractéristiques des nom-

breuses espèces autorisent tout concernant les

origines, les terroirs, les variétés, les calibres, les formes, les couleurs. A ttention pourtant à ne pas confondre création de valeur avec la simple proposition d ’attributs naturellement dus. Par exemple, je ne suis pas un défenseur des gammes segmentées de fruits mûrs, qu ’on les nomme décollés, prêts à consommer ou mûrs à point. S implement car aucun client ne vient chercher des fruits pas mûrs et le niveau de maturité propre à la consommation est pour moi un incontournable. On ne fait pas un exploit de proposer un poisson frais ou une viande tendre... Ainsi, les entrepôts qui ajoutent à la notion de stockage/éclatement celle d ’affi-nage sont sur la bonne voie.

2 Avec le packagingMême s’il est bien trop priorisé, le travail

sur le packaging est un bon outil. P arce qu’il montre les produits sous l’aspect le plus flatteur (fruits lités), les protège (alvéoles, croisillons, tapis bulle...), les rend nomades (shaker), les signe avec une marque. La même tomate cerise allongée dans une barquette ou dans un shaker ne se négocie pas au même prix. A contrario, la lunch box pour y transporter une banane, par nature protégée et nomade grâce à sa peau, n’apporte pas grand chose.

3 Via la mise en œuvre sur le lieu de venteJ’ai déjà longuement détaillé dans cette

rubrique l’importance capitale de la mise en œuvre et de la théâtralisation des F&L qui per -mettent au Primeur de créer de la valeur sans autre investissement que de la sueur et du pro-fessionnalisme.

CRÉER DE LA VALEUR POUR DES F&L FRAIS EST PROBABLEMENT UN DES DÉFIS DE LA FILIÈRE QUE NOUS TENTONS DE RELEVER DE LA FAÇON LA PLUS MALADROITE, EN DEHORS DE LA RÉUSSITE INDISCUTABLE DES 4E/5E GAMME ET ENCORE TIMIDE DE LA FRAÎCHE DÉCOUPE.

« Pour ça, oui, je suis prêt à payer plus cher ! »

VG325_Assemblage2_Interieur.indd 28 28/08/2015 17:16

Page 2: 325 creation valeur sept 2015

GRANDE DISTRIBUTION Regard d’expert

©FFAN

G-DR

EAMST

IME.CO

M

Retrouvez Bertrand Guély et son regard d'expert sur :vegetable.fr

QUID DE L’EMBALLAGE

« Ça, c’est pour Salluste ! »Une fois la valeur créée, encore faut-il savoir la partager de façon à ce que chaque maillon de la chaîne bénéficie d’une partie, et ce en sachant que les acheteurs sont dressés à ignorer ou minorer sciemment les surcoûts pour améliorer d’autant la marge à l’achat. Saveol met 1 kg de tomates cerises dans un petit colis carton, complexe transparent et le nomme Apéro Party, ou encore, mélange couleurs, formes et saveurs pour une barquette 350 g en forme de vague Méli-Mélo Saveur de l’Année 2015. Du très beau travail pour surfer sur la mode apéritif sain, convivialité, snacking, et... créer de la valeur car le prix tarif au kilo de ces tomates n’a très logiquement rien à voir avec la bonne vieille barquette traditionnelle typée 1er prix. On a écouté le client et pas le producteur qui râle parce que trop de conditionnements ou le logisticien car les palettes sont moins lourdes...

« Le carton, mon meilleur ami ? »

Le carton est au producteur ce que la PLV est au « marketeux » : on mise beaucoup dessus quand on ne sait pas trop quoi faire d’autre. Alors, une bonne fois pour toutes : le carton reconnaissable est utile sur les cases des grossistes pour s’annoncer comme détenteur d’une marque mais, dans les supermarchés, il sera au mieux masqué, peu visible, au pire supprimé et remplacé pour le dépotage, voire interdit si la livraison est demandée en caisse plastique. Concentrez-vous donc sur sa seule résistance et investissez dans l’UVC consommateur, les étiquettes indéchirables, les protections au fruit... Là, vous créez de la valeur et avez une chance de la valoriser à la vente.

en bref

Comment créer de la valeur ?

Le mois prochain : Faire des économies pour investir dans ce qui rapporte !

Aller vers la création de valeur

Dans un premier temps, pour créer de la valeur, il faut d ’abord apprendre à ne pas la détruire. On le sait, dans nos métiers à faible marge, une certaine avarice est généralement vertueuse. Alors fixez-vous une règle : dépen-sez le budget à l’Euro prêt que vous aurez réussi à économiser au préalable sur des choses qui ne rapportent pas. Par exemple, j’emballe dans des cartons moins beaux mais j’utilise des bar-quettes plus solides et moins déformables.

  Investissez dans ce que vous contrôlez jusqu’au client final et qui ne risque donc pas d ’être détruit par un maillon de la chaîne avant d’arriver à l’assiette. Exemple des petits fruits rouges : si vous mettez à disposition du point de vente un meuble réfrigéré habillé à vos couleurs et marques et que vous stickez in-pack les barquettes avec un prix rond à marge raisonnable, vous gagnez en visibilité d’offre, réduisez la casse, surfez sur la cau-tion du froid et contrôlez la marge. Le petit fruit rouge frais se démocratise naturelle-ment et se vend beaucoup mieux.

  Ne faites pas l’erreur de penser que votre expertise est transmissible en l’état au client, via des concepts compliqués. J’ai en mémoire des pastilles changeant de couleur en fonction de la matu-rité du fruit conditionné, des mangues empri-sonnées dans de volumineux airbags, des seg-mentations endive ou prune ultra-fines...

  Concentrez-vous sur ce qui est le plus souvent cité comme déceptif par le client : si vous faites des efforts pour que ce soit beau, bon et sain, il y a des chances pour que vous intéressiez.

  Interdisez-vous tous les jargons  : communication pompeuse, marketing anglicisé, diététique soporifique, social militantisme... Si vous vou-lez savoir comment parler au client, lisez les textes sur les jus Innocent, visionnez les pubs Michel et Augustin, rappelez-vous la communi-cation récurrente de Leclerc depuis des années.

  Mesurez ! Pour créer de la valeur , il faut impé-rativement être capable de tracer le retour sur investissement. Combien a rapporté un salon, combien on peut vendre plus cher un carton plus qualitatif ou une nouvelle certif ication. Bien sûr, c’est compliqué mais le déroulé en cost+ à l’acheteur est un incontournable de la négo pour ne pas entendre le « ils veulent tou-jours plus de trucs mais le prix d’achat lui ne bouge pas lui » du vendeur à cours d’arguments.

  Les idées les plus simples sont souvent les plus juteuses, même quand elles restent en partie conceptuelles. Quand vous positionnez une

vegetable.fr

Écrivons une nouvelle page avec

le label PACFL

www.cartononduledefrance.org

PLATEAU EN CARTON ONDULÉ : S’ASSURER LA PERFORMANCEPLATEAU EN CARTON ONDULÉ : S’ASSURER LA PERFORMANCEPLATEAU EN CARTON ONDULÉ : S’ASSURER LA PERFORMANCE

pomme comme « Bien plus qu’une pomme » ou une platano comme « Bien plus qu ’une banane », étrangement, les prix au kilo et les marges sont aussi bien plus... élevés.

  Explorez des pistes qui fonctionnent aujourd’hui sur d’autres produits mais encore timides en F&L : avantages produits (seedless, easy pea-ling, sans f ibre...), portion, petit grammage (on vend bien des bouteilles d’eau minérale de 20 cl).

  Essayez de vous tenir à l’écart de la mêlée quand c’est possible : chaque année, une certaine quantité de raisin est mise au frigo avec un produit spécial et proposée à la vente à un prix bien plus élevé pour les fêtes de Noël. Bien sûr, il ne s’agit pas ici de s’affranchir du calendrier des saisons tellement à la mode aujourd’hui mais plutôt, quand on le peut techniquement, de vendre quand il n’y a plus de produit.

Les points clés

•  Investissez dans ce que vous contrôlez jusqu’au client final.

•  Ne faites pas l’erreur de penser que votre expertise est transmissible en l’état au client, via des concepts compliqués.

•  Concentrez-vous sur ce qui est le plus souvent cité comme déceptif par le client.

•  Interdisez-vous tous les jargons.

•  Mesurez ! Pour créer de la valeur, il faut impérativement être capable de tracer le retour sur investissement.

•  Les idées les plus simples sont souvent les plus juteuses.

•  Essayez de vous tenir à l’écart de la mêlée quand c’est possible.

VG325_Assemblage2_Interieur.indd 29 28/08/2015 17:16