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    DISCOURSsur

    L'SOTRISME MAONNIQUEpar

    J.E. MARCONIS DE NGRE

    Un grand pote, l'une des gloires du sicle d'Auguste, et qui, par son gnie, fut jug dignedes faveurs de l'initiation, Virgile, voulant consacrer dans le sixime livre de son immortelpome quelques-uns des rites des mystres gyptiens, au moment d'aborder ces rvlations

    redoutables, pour dtourner de sa tte les maldictions fulmines contre les divulgateurs dedes secrets de l'initiation, s'crie : O dieux ! dont l'empire s'tend sur les mes, ombres silen-cieuses, impntrable chaos, Phlgton aux ondes dvorantes, lieu sur lequel plane, au loin,le silence de la nuit, qu'il me soit permis de raconter ce que j'ai entendu sous votre puissanteprotection, qu'il me soit pardonn de rvler des choses plonges dans les profondeurs del'abme et environnes de nuages mystrieux.

    Je n'ai point former de pareils vux, mes illustres FF? , je n'ai point solliciter un pareilpardon ; l'auditoire minent, au milieu duquel ma voix se fait entendre, me dispense de cesombrageuses prcautions. Environn des lumires les plus clatantes de l'Ordre, en prsen-ce de ce Snat auguste, si un sentiment de regret se fait jour dans mon me, c'est d'tre moi-mme si peu la hauteur du sublime sujet que je suis appel traiter et du savant auditoi-re qui daigne m'honorer de son attention.

    Un philosophe grec, aprs avoir parcouru l'gypte et visit les principaux sanctuaires dela science, rapporte qu'un des points capitaux de la doctrine des prtres tait la division dela science sacre en exotrisme ou science extrieure, et en sotrisme ou science intrieu-re. C'est par ces deux mots grecs qu'il traduisait les deux mots hbraques dont, comme onsait, il tait interdit de se servir hors du temple.

    Les prtres, ajoute-t-il, ne sont prodigues d'aucune partie de leur science ; de longs tra-vaux, de profondes tudes, de rudes preuves sont imposs au nophyte pour arriver aumoindre degr de l'exotrisme ; quant l'sotrisme, ils sont plus svres encore : nulsecours, nul conseil, nul encouragement n'est donn celui qui veut y pntrer. C'est par la

    force seule de son esprit et l'inspiration divine qu'il doit y parvenir ; ce sont des mystresdans des mystres, et il arrive frquemment que les prtres, les plus haut placs en dignit,ont peine fait un pas dans la partie mystique de la science sacre.

    La statue d'Isis, toujours voile mme pour les hirophantes, le sphinx accroupi la portedu temple, dans l'attitude du repos et du silence, taient les deux emblmes de ces dernierssecrets ; et cette conduite des mystres tait dicte par la sagesse. Le despotisme des hom-mes forts, des violents, s'tendait sur toute la terre. Qui ne comprend ds lors que les dpo-sitaires des titres primitifs de la grandeur humaine, de sa dignit sublime, de son galitdevant la crature, devaient cacher ce trsor, et ne le communiquer qu' ceux que de lon-gues preuves en avaient fait juger dignes ?

    Le christianisme fit faire un pas immense l'humanit ; exaltateur des mystres, il en a

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    popularis la partie morale, et ds lors latche de la philosophie fut moins difficile :ses voies taient aplanies, elle put tre plusexplicite dans ses enseignements, car le

    christianisme avait forc les puissances reconnatre le fait comme le droit de la dis-cussion religieuse et de l'enseignement desintelligences ; l'esprit humain, par la forced'expansion qui lui est naturelle, fit lereste, et la libert de pense fut proclame.

    C'est grce ce progrs qui, dans un senstrs rel, nous place dans une position bienmeilleure que celle des philosophes del'antiquit, qu'il nous est permis, sans nous

    mettre en opposition avait nos augustestraditions, de soulever, en partie, le voilede la maonnerie, mais sans toutefois ledchirer entirement ;car si nous n'avonsplus craindre lesirruptions de la forcebrutale dans le domai-ne de la pense, nousne pouvons sans crime expose aux lgrets de l'irrflexion, au mpris de l'ignorance, auxfausses interprtations de la mauvaise foi, aux prventions du fanatisme, un ensemble deconnaissances qui demandent, pour tre apprcies, en esprit attentif, prpar, un cur purindpendant, ne cherchant que la vrit et la justice.

    Montrons donc le but, montrons-le sans crainte ; proclamons-le dans nos LL? , commeau milieu du monde ; annonons-le nos FF? aussi bien qu'aux profanes ; car il est noble,il est sublime, en faisant de l'humanit un peuple de FF? , de runir dans la charit ceux quel'intrt divise, et de faire voir un ami serrer sur son cur dans l'ennemi sur qui se diri-geait le glaive homicide.

    Quant la science, qui est le moyen pour arriver ce but admirable, procdons avecsagesse ; " nul n'est digne de la science " disent nos traditions " qui ne l'a conquise par sespropres efforts. " Sur ce point soyons un peu plus condescendants que nos matres svres ;

    montrons de loin cette science, et s'il nous est interdit de la rvler celui qui n'a pas,comme Josu, ceint l'pe des forts pour rentrer dans la Terre promise, transportons aumoins le nophyte sur la montagne d'o on peut la dcouvrir. Peut-tre, enflamm d'ardeur cette vue, il travaillera mriter de faire partie de l'arme des Elus.

    L'sotrisme ma? embrassant le cercle tout entier de l'activit de l'me humaine : toutescience, tout art, toute pense trouve son cadre, son poste, son rang ; seulement, ngligeantla partie lmentaire et pratique, l'sotrisme n'embrasse que la partie transcendante etmtaphysique ; laissant l'exotrisme l'esprit qui dispose, le talent qui excute, il ne serserve que le gnie qui cre.

    Trois cycles, unis dans un ordre mystrieux, se correspondant par une chane indivisible,

    et s'engendrant rciproquement d'une manire ineffable, forment le temple mystique.

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    Jean tienne Marconis de Ngre (1795-1868). Fondateur en1838 de lOrdre de Memphis, il est lauteur de plusieurs ouvra-ges dont Le rameau dEleusisdo est extrait le prsent texte.

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    Le premier peut s'appeler, pour les profanes, le Cycle historique ; il se compose de troisdegrs, dont la srie philosophique embrasse le dveloppement social de l'humanit toutentire et de chaque peuple en particulier, dans trois priodes symboliques, qui sont toutel'histoire : la Sociabilit, la Famille, la Libert.

    Le second est le Cycle potique ; les neuf Muses, gracieuses filles de l'Imagination, sou-tiennent la guirlande sacre qui le couronne ; les colonnes de son temple, du plus clatantmarbre de Paros, portent d'ingnieux emblmes consacrs la gloire des enfants de l'har-monie et de la fantaisie aux ailes d'or ; les trois Grces, au maintien noble et dcent, veillent l'intrieur du temple, artistes inspirs, dont la toile ou le bloc nous transmettent les subli-mes inspirations. Savants profonds qui lisez dans les cieux la puissance de Dieu, ou dansles entrailles de la terre, les ressources infinies de l'Arch? des mondes ; potes aux rvesinspirs, votre place est marque dans le temple ! Le cygne aux ailes argentes traverse lefleuve d'Oubli et, travers mille obstacles, il va attacher vos noms au fronton du temple del'immortalit !

    Et vous aussi ne viendrez-vous pas, habiles interprtes des conceptions du gnie, vousdont les pas tracs par les Grces, dont la voie module par la desse de l'harmonie, portentdans nos motions inconnues, et qui nous faites vivre dans un monde plein de posies ?Pourquoi nous repousserions-vous du temple de l'art ? Euterpe, aux doux accents,Terpsichore, la dmarche divine, vous appellent ! Tous, vous apprendrez qu'au-dessus del'art terrestre il y a un art cleste ; vous vous expliquerez alors, peut-tre pour la premirefois, ces clairs qui sillonnent vos nobles mes et illuminent des rgions lointaines ; la voixintrieure qui vibre au-dedans de vous sera intelligible ; vous comprendrez le Dieu qui vousagite.

    Mais recueillons-nous ! chassons ces trop sduisantes images. Grce potique, loigne-toi ; loin de nous tes gracieuses thories, tes churs de danse, le pinceau d'Appelles et leciseau de Phidias ! Nous allons demander aux sanctuaires de Brahma, l'Inde mystrieuse,rveuse, philosophique, l'Inde institutrice de l'gypte, comme l'gypte fut l'institutrice dumonde, ses grands secrets, les secrets par excellence, la science divine de Brahma.

    Nous entrons dans le Cycle philosophique. Sur l'autel trois feux mystrieux et emblma-tiques sont allums ; trois sacrifices vont tre accomplis. Sage Brahmane dont les cheveuxont blanchi l'tude de la vrit, explique-nous ces trois feux et les trois sciences qu'ilsreprsentent : nous voyons le feu des crmonies journalires, le feu du foyer domestique,le feu des sacrifices ; mais leur signification nous reste inconnue. Homme infirme et cour-b vers la terre, dit le sage Brahmane, pourquoi m'interroger sur les sciences les plus subli-mes ? Au trois mystres, je rpondrai par trois mystres : L'homme est corps, me et intel-

    lect ; rflchis, et pourtant si ces recherches profondes, t'effrayent, neuf cieux sont dcritssur la vote symbolique du temple, tu peux les parcourir ; neuf puissances clestes y prsi-dent tu pourras prendre place au milieu d'elles si tu sais t'en rendre digne. La volont intel-ligible habite le premier, la parole sympathique le second, l'esprit organisateur le troisime,la puissance qui cre la soumission le quatrime, l'nergie sociale le cinquime, le gouver-nement des peuples le sixime, la domination des intelligences le septime, le gnie quidcouvre la vrit le huitime, le sage qui pense et vit en Dieu occupe le neuvime et serepose ternellement au pied du trne de Brahma.

    Telles sont, mes FF? , autant qu'il m'a t permis d'tre clair, les grandes masses de lascience sotrique ; en dire davantage serait prvarication, en avoir autant dit est peut-tre

    imprudence, mais cette imprudence me sera pardonne, car c'est le pur amour de la propa-

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    gation de la vrit ; c'est pour rpondre, autant qu'il peut-tre permis de le faire, aux tm-raires et aux insenss qui, peine sur le seuil de la Maonnerie et persuads que tout estdans les symboles extrieurs qui frappent leurs yeux, se retirent, disant avec ddain : nousavons regard dans les profondeurs de la science, et n'y avons trouv que le vide.

    Tmraires et insenss ! Vous n'avez pas seulement soulev le premier voile de la statuemystrieuse d'Isis, la courtine du temple d'Apollon est reste silencieuse pour vous. Allez,ne blasphmez pas ce que vous ignorez !

    Marconis de NgreLe rameau d'or d'Eleusis, (Extrait).

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    Le Gent mystiqueCette reprsentation symbolique empreinte dgyptomanie nous replacedans lEgypte rve par les francs-maons. On remarquera les symbolesmaonniques et alchimiques, associs aux anciens mystres (le rameaudor). Les faux hiroglyphes sont rvlateurs quant la priode de ralisa-tion de cette gravure, antrieur aux dcouvertes de Champollion.

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    C R A TA R EP O A ,ou

    INITIATIONSAUX ANCIENS MYSTRES DES PRTRES

    D'GYPTE.

    Le rite des Architectes Africains fut sans doute lun des premiers rites gyptiens.L'gyptomanie commena se dvelopper avec l'uvre d'Athanase Kircher

    (1652) et lcriture de son Oedipus Aegyptiacus. Plus tard, l'abb Terrasson, hell-niste et acadmicien, ditera un roman pseudo-initiatique, Sethosou Vie tire desmonuments et anecdotes de l'ancienne Egypte (1728). Ce rcit dcrit des initia-tions imaginaires censes se drouler en terre d'Egypte. En 1770, deux allemands,von Kppen et von Hymmen, l'imiteront en publiant le Crata Repoa, suite de textesinitiatiques se droulant dans la mme contre. Rappelons que von Kppen futlauteur de ce qui est reconnu comme lun des premiers rites gyptiens, le Rite des

    Architectes Africains cr Berlin vers 1767.Marconis de Ngre sinspira de ce texte en le dveloppant dans le chapitre inti-

    tul Linitiation de Platon, que nous prsenterons dans un des prochains numrosdArcana.

    Il nous a paru intressant et utile de commencer par la publication de ce texte peuconnu du Crata Repoa. En effet, bon nombre dlments symboliques et initia-

    tiques quil contient dpassent largement le cadre de la maonnerie gyptienne etse retrouvent sous une forme ou sous une autre dans diffrents rites maonniques.Cest donc un lment important de comprhension de notre tradition.

    P R PA R A T I O N S .

    Lorsqu'un aspirant aux mystres avait le dsir d'entrer dans la socit antique et myst-rieuse de Crata Repoa, il devait se faire recommander par un des Initis.

    La proposition en tait ordinairement faite par le Roi lui-mme, qui crivait cet effet unelettre aux prtres.

    Ceux-ci adressaient cet aspirant d'Hliopolis aux doctes de l'Institution, Memphis ; deMemphis, on le renvoyait Thbes (1).

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    Il tait circoncis (2).On le mettait un rgime particulier ; on lui interdisait l'usage de certains aliments (3),

    mme du vin, jusqu' ce qu'il et obtenu, dans un grade suprieur, la permission d'en boirede temps en temps. On l'obligeait passer plusieurs mois, comme un prisonnier, dans un

    souterrain, o on l'abandonnait ses rflexions ; il jouissait de la facult d'crire ses pen-ses. Elles taient ensuite examines attentivement, et servaient faire connatre le degrde son intelligence.

    Lorsque le temps de quitter le souterrain tait arriv, on le conduisait dans une galerieentoure de colonnes d'Herms, sur lesquelles taient graves des sentences qu'on lui fai-sait apprendre par cur (4).

    Ds qu'il les savait, un membre de la socit ayant le nom de Thesmosphores (5), s'ap-prochait de lui, tenant la main un grand fouet, pour contenir le peuple devant laporte ditedes profanes, par laquelle il introduisait le Rcipiendaire dans une grotte.

    L, on lui bandait les yeux, et on lui attachait les mains avec des liens lastiques.

    P R EM I E R G R A D E .P a s t o p h o r i s

    Ou Apprenti, charg de la garde de l'entre qui conduisait la Porte des hommes.

    Le Rcipiendaire tant prpar dans la grotte, le Thesmosphores le prenait par la main (6),et le prsentait la porte des hommes (7).

    A son arrive, le Thesmosphores touchait sur l'paule du Pastophoris (l'un des Apprentisprcdemment reus), qui tait de garde l'extrieur, et l'invitait annoncer le

    Rcipiendaire ; ce que celui-ci faisait en frappant la porte d'entre (8).Le Nophyte ayant satisfait aux questions qui lui taient adresses d'abord, la porte des

    hommes s'ouvrait, et il tait introduit.L'Hirophante lui posait de nouvelles questions sur diffrents sujets. Il devait de mme y

    rpondre catgoriquement (9).On le faisait ensuite voyager dans l'enceinte de la Birantha (10), et pendant ce temps, on

    cherchait l'effrayer par des clairs, des coups de tonnerre, et en produisant artificiellementautour de lui tous les effets de la grle, de la tempte et de la foudre (11).

    S'il ne s'en laissait pas trop effrayer, et s'il n'tait pas dconcert, leMenies, ou lecteur deslois, lui lisait les constitutions de la socit de Crata Repoa. Il tait oblig de promettre de

    s'y conformer.Aprs cette adhsion, le Thesmosphores le conduisait, tte nue, devant l'Hirophante ; ils'agenouillait ; on lui mettait la pointe d'un glaive sur la gorge, et on lui faisait prter le ser-ment de fidlit et de discrtion. Il invoquait le soleil, la lune et les astres, pour tmoins desa sincrit (12).

    Cet engagement solennel prononc, on lui tait le bandeau de dessus les yeux, et on le pla-ait entre deux colonnes carres, nommes Betilies (13).

    Au milieu de ces deux colonnes, taient couches une chelle sept chelons, et une autrefigure allgorique, compose de huit portes de diffrentes dimensions (14).

    L'Hirophante n'expliquait pas d'abord au Rcipiendaire le sens mystrieux de ces embl-mes ; mais il lui tenait le discours suivant :

    "Vous qui venez d'acqurir le droit de m'entendre, je m'adresse vous : les portes de cette

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    enceinte sont svrement fermes aux Profanes, qui ne peuvent y pntrer ; mais vous,Mens Muse, vous, enfant des travaux et des recherches clestes, coutez ma voix ; elle vavous enseigner de grandes vrits. Soyez en garde contre les prjugs et les passions quipourraient vous loigner du vritable chemin du bonheur; fixez vos penses sur l'Etre

    divin ; ayez-le toujours devant les yeux, afin de mieux gouverner votre cur et vos sens. Sivous voulez marcher dans la vraie route de la flicit, songez que vous tes sans cesse enprsence du Tout-Puissant, qui gouverne l'univers. Cet Etre unique a produit toutes choses ;il les conserve, et existe par lui-mme. Aucun mortel ne peut le voir ; rien ne peut tre sous-trait ses regards (15), "

    Aprs ce discours, on faisait passer l'Apprenti sur les degrs de l'chelle, et on lui indi-quait mesure quel en tait le symbole fond sur la mtempsycose. On lui enseignait aussique les noms et les attributions des Dieux avaient une toute autre signification que celle quele peuple y attachait.

    Ce grade tant consacr la physique, on lui expliquait les causes des vents, des clairs,du tonnerre ; on y comprenait l'anatomie, l'art de gurir et de composer les mdicaments.

    C'tait galement dans ce mme grade que l'on enseignait aux nophytes la langue sym-bolique et l'criture vulgaire des hiroglyphes (16).

    La rception finie, l'Hirophante donnait l'Initi le mot d'ordre, l'aide duquel tous lesInitis se reconnaissaient. Ce mot taitAmoun ; il signifiait sois discret(17).

    Ils se reconnaissaient encore par un attouchement manuel (18).On remettait au Rcipiendaire une espce de bonnet termin en pyramide, et on lui cei-

    gnait autour des reins un tablier appel Xylon.Il portait autour du cou un collet dont les bouts tombaient sur la poitrine.Du reste, il tait dshabill pendant la rception.Il devait garder son tour laporte des hommes.

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    Cette illustration reprend la gravure parue dans lHistoire des reli-gions de Delaulnaye, cense reprsenter les preuves des quat-re lments qui se pratiquaient lors de la rception des initis Memphis. Le Crata Repoadveloppe cette origine mythique.

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    S EC O N D G R A D E .N e o c o r i s .

    Si le Pastophoris, pendant l'anne de son apprentissage, avait donn des marques d'intel-ligence, on lui imposait un jene svre, pour le prparer devenir Neocoris (19).Cette anne expire, il tait mis dans une chambre obscure, appele Endimion (20).De belles femmes lui servaient des mets dlicats, pour ranimer ses forces puises.

    C'taient les pouses des prtres, et mme les vierges consacres Diane, qui allaient ainsile visiter. Elles l'excitaient l'amour par toutes sortes d'agaceries.

    Il devait triompher de cette preuve difficile, pour prouver l'empire qu'il avait sur lui-mme.

    Aprs l'avoir subie, le Thesmosphores venait lui, et lui posait diverses questions.Si le Neocoris y rpondait avec justesse, on l'introduisait dans l'assemble.Le Stolista (ouAspergeur) jetait de l'eau sur lui pour le purifier ; on l'obligeait affirmer

    qu'il s'tait toujours conduit avec sagesse et chastet.Aprs cette dclaration, le Thesmosphores courait vers lui, ayant dans les mains un ser-

    pent vivant qu'il lui jetait sur le corps, et le retirait par le bas tablier (21).Le local paraissait rempli de reptiles, pour tcher de porter l'effroi dans l'me du Neocoris

    (22).Plus il se montrait courageux dans cette preuve, plus il tait combl d'loges aprs sa

    rception.On le ramenait ensuite vers deux colonnes trs leves, au milieu desquelles un griffon

    poussait une roue devant lui (23).Ces colonnes signifiaient Orientet Occident. Le griffon tait l'emblme du soleil ; et la

    roue, du centre de laquelle partaient quatre rayons, figurait les quatre saisons.On lui apprenait en mme temps l'art de calculer l'hygromtre (qui servait valuer les

    inondations du Nil) ; on l'instruisait dans la gomtrie et l'architecture, et il se familiarisaitavec les calculs et les chelles des mesures dont il devait avoir se servir dans la suite. Maisceci tait un grand secret, qui n'tait dcouvert qu' ceux qui appartenaient une secte dontles connaissances taient bien suprieures celles de la population.

    On lui donnait pour insigne un bton accol d'un serpent. Le mot d'ordre du grade taitEve : cette occasion, on lui racontait l'histoire de la chute du genre humain (24).

    Croiser les deux bras sur la poitrine, tait le signe dont il devait se servir pour se fairereconnatre (25).

    Son emploi tait de laver les colonnes.

    T R O I SI M E G R A D E .L a Po r t e d e l a M o r t .

    Le nouvel Initi recevait le nom duMelanephoris.L'intelligence et la bonne conduite de Neocois l'ayant rendu digne de ce grade, on le pr-

    venait du moment de sa rception.Il tait conduit par le Thesmosphores dans un vestibule au-dessus de l'entre duquel tait

    crit : Porte de la Mort.

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    Ce vestibule tait rempli de diffrentes espces de momies et de cercueils figurs : desdessins analogues en ornaient les murailles. Comme c'tait l'endroit o l'on dposait lesmorts, le nouveau Melanephoris y trouvait les Paraskistes (26), et lesHeroi (27) qui s'oc-cupaient de leurs travaux. Au milieu, tait plac le cercueil d'Osiris, qui, cause de son

    assassinat suppos rcent, portait encore des traces de sang.On demandait au nouveau Melanephoris s'il avait pris part l'assassinat de son matre ?

    Aprs sa rponse ngative, deux Tapixeytes (28) s'emparaient de lui.Ils le conduisaient dans une salle ou taient les autres Melanephoris habills en noir. Le

    roi lui-mme, qui assistait toujours cette crmonie, abordait le Rcipiendaire avec uneapparence gracieuse, et lui prsentait une couronne d'or qu'il lui proposait d'accepter, s'il nese croyait pas assez de courage pour soutenir les preuves qu'on allait lui faire subir.

    Mais le nouveau Melanephoris, sachant qu'il devait rejeter cette couronne, la foulait auxpieds (29). Aussitt le roi s'criait : Outrage, vengeance ? et, s'emparant de la hache dessacrifices, en frappait (doucement) le Melanephoris la tte (30).

    Les deux Tapixeytes renversaient le Rcipiendaire ; les Paraskistes l'enveloppaient desbandelettes des momies. Pendant cette action, tous les assistants gmissaient autour de lui.On le transportait vers une porte o tait crit : Sanctuaire des Esprits. Au moment o onl'ouvrait, des coups de tonnerre se faisaient entendre, des clairs brillaient, et le prtendumort se trouvait entour de feu (31).

    Caron s'emparait de lui comme d'un esprit, et le descendait chez les juges des sombresbords. Pluton, assis sur son sige avait ses cts Rhadamante etMinos, ainsi qu'Alecton

    Nicteus,Alasteret Orpheus (32).Ce tribunal redoutable lui adressait des questions svres sur tout le cours de sa vie ; enfin,

    on le condamnait errer dans ces galeries souterraines.On le dbarrassait ensuite de ses enveloppes et de tout l'appareil mortuaire.Il recevait alors de nouvelles instructions ; elles taient ainsi conues :1. N'avoir jamais soif du sang, et assister les membres de la socit, lorsque leur vie est

    en danger ;2. Ne jamais laisser un mort sans spulture ;3. Attendre une rsurrection des morts et un jugement futur.On l'obligeait, dans ce grade, s'occuper, pendant un certain temps, du dessin et de la

    peinture ; car il entrait dans les fonctions d'un Melanephoris de dcorer les cercueils et lesrubans des momies.

    Une criture particulire lui tait enseigne ; on la nommait hiero-grammaticale : elle luidevenait d'autant plus utile, que l'histoire d'Egypte, la gographie, les lments de l'astro-

    nomie, taient tracs dans cette langue.Il recevait aussi des leons de rhtorique, afin de pouvoir prononcer en public les oraisons

    funbres.Le signe de reconnaissance consistait dans une embrassade particulire, dont l'objet devait

    exprimer la puissance de la mort ; le mot tait Monach Caron mini.Je compte les jours dela colre.

    Le Melanephoris restait dans ces galeries souterraines jusqu' ce qu'on pt juger s'il taitcapable d'avancer dans de plus hautes sciences, ou si l'on ne pourrait faire de lui qu'unParaskiste ou unHeroi ; car il devait y passer le reste de ses jours, s'il n'atteignait pas auxvritables connaissances.

    A SUIVRE

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    1. Porphyre, vie de Pythagore.2. Hrodote, liv.2 - Clment d'Alexandrie, Scromat. 1.3. Lgumes et poissons.4. Jamblique, de Mysteriis. Pausanias, liv. I, raconte trs expressment que ces colonnes se trouvaient dans certains sou-terrains prs de Thbes.5. L'Introducteur. Les terminaisons des noms en us sont ici, pour la pluplart changes en es et en os, suivant le dialectegyptien.6. Apule, de Metam., liv. II.7. Cicron, de Legibus, liv. 2, Mysteriis ex agresti imanique vita esculti ad humanitatem, et mitigati sumus .8. Voyez l'explication d'une pyramide d'Egypte, o cette action est figure d'aprs nature.9. Plutarque, in Lacon. Apoph., verb.Lysander.10.Histoire du ciel, tome I, page 44.11. Eusbe Caesar. Preparat. Evangel. - Clment d'Alexandrie, Admonit. ad Gent.12.Alexander ab Alexandro, liv. 5, chap. 10.13. Eusbe,Demonst. Evang., liv. I.14. Origne, Cont. Cels., page 34, traduction de Bouchereau.15. Eusbe, Preparat. Evangel., 1-13. - Clment d'Alexand, Admonit. ad Gent.16. Jamblique, Vie de Pythagore.17. Plutarque, d'Isis et d'Osiris.

    18. Jamblique, Vie de Pythagore.19. Annobius, liv. 5.20.Endimion signifie Grotte imite.21. Julius Firmicus Maternus, chap. 2, dit que c'tait un serpent artificiel et dor.22. Les Egyptiens possdent encore l'art de priver les serpents de leur venin.23. On trouve de pareilles reprsentations dans le grand Cabinet romain, p. 94.24. Clm. d'Alex., in Protept., dit quelque chose de semblable.25. On en trouve encore quelques dessins dans l'ouvrage de M. Norden.26. Ceux qui ouvraient les cadavres.27. Les hommes sacrs qui les embaumaient.28. Gens qui enterraient les morts.29. Tertullien, de Baptismo, chap.5.30. L'empereur Commode, remplissant un jour cet emploi, s'en acquitta d'une manire tellement srieuse qu'elle devinttragique.

    31. Apule, Liv.Metam. 2,prop finem.32. Diodore de Sicile, liv. I. V. Orpheus.

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    PHILOSOPHIE DU RITE GYPTIEN

    " L e v i c e d e l ' m e , c ' e s t l ' i g n o r a n c e . E n e f f e t q u a n d u n e m e n ' a a c q u i sa u c u n e c o n n a i s s a n c e d e s t r e s , n i d e l e u r n a t u r e , n i d u B i e n , m a i s q u ' e l l ee s t t o u t e a v e u g l e , e l l e s u b i t l e s s e c o u s s e s v i o l e n t e s d e s p a s s i o n s c o r p o r e l -

    l e s . [ ] A u c o n t r a i r e l a v e r t u d e l ' m e e s t l a c o n n a i s s a n c e "

    Corpus Hermeticum, Trait X.

    Parler de l'histoire d'un rite est utile pour en comprendre les volutions, mais il est toutaussi important de mettre en lumire ses spcificits en se demandant ce qu'il peut avoir decaractristique et de novateur. En effet, si un rite a une prennit, c'est vraisemblablementqu'il correspond une sensibilit, une expression qui a sa place dans la traditionMaonnique. Mais pour qu'il se dveloppe d'une manire stable et quilibre, encore faut-il que l'on saisisse le caractre sotrique du rite.

    Ne faisons pas l'erreur de croire que les fondateurs taient des tres exceptionnels, d'uneimmense culture et d'une vertu irrprochable. L'tude approfondie de l'histoire de ces ritesnous montrerait vite, qu'ici comme ailleurs dans les traditions, le courant initiatique fait par-fois fi des personnes. Pour comprendre, il nous faut donc regarder au travers des acteurs de

    l'histoire du rite, percevoir leur intention, leur espoir, leur vision, en un mot leur Utopie. Ilfaut tcher de faire le tri entre les imperfections inhrentes l'poque historique, unmanque de connaissance, une absence de diffrenciation entre le mythe et le rel, aux fai-blesses humaines. Il faut aller au-del des voiles et des apparences par-del les drives, lesdlires thocratiques pour saisir la part profondment originale que reclent ces rites.

    Rappelons tout d'abord que les rites dits gyptiens se caractrisent essentiellement parleurs Hauts Grades et non par les rituels en usage dans les loges bleues. En effet, la cra-tion de ces rites au 18me sicle ne concernait que ceux qui taient suprieurs au 4me, lestrois premiers travaillant la plupart du temps au rite franais.

    Les Hauts Grades quant eux connurent des volutions extrmement nombreuses, tantdans leur nombre, leur contenu, leur riche symbolique, que l'ordre dans lequel ils taienthirarchiss.

    Plusieurs Rites ou Ordres ont donc exist la fin du 18 sicle et faisant trs vraisem-blablement suite divers courants mystiques non maons beaucoup plus anciens. C'est lecas par exemple en 1767 des Architectes africains, en 1780 du Rite primitif des philadel-

    phes, en 1785 duRite des parfaits initis d'Egypte, en 1801 de l'Ordre sacr des Sophisiens

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    1- AUX ORIGINES DE LA MAONNERIE GYPTIENNE

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    et en 1806 desAmis du dsert. Ces Rites, connus pour quelques uns, s'inspiraient de ce quel'on appelait cette poque la tradition gyptienne, mais qui tait une association de tradi-tions du Moyen Orient, telles qu'elles taient comprises travers les textes et tudes alorsconnues. C'est le cas par exemple du "Sthos" de l'Abb Jean Terrasson (1731), "l'Oedipus

    aegyptianicus" d'Athanase Kircher (1652) et du "Monde primitif" de Court de Gbelin(1773). La Kabbale judo-chrtienne, l'hermtisme no-platonicien, l'sotrisme, les tradi-tions chevaleresques et autres trouvaient l une source naturelle d'expression. Toutes cesinfluences sont prendre en compte, lorsque l'on souhaite comprendre l'tat d'esprit desObdiences Egyptiennes et les enjeux qui s'y dvelopperont dans les sicles qui suivirent.

    Ces rites de Loge bleue n'ont donc jamais eu cette poque et pour la plupart de carac-tristiques vritablement gyptiennes. Ce n'est que peu peu et encore plus une poquerelativement rcente que l'on a introduit la fois en France (et l'tranger) des lmentstirs de la connaissance que l'on avait de l'Egypte. Quelques textes potiques et vocateurs,associs des terminologies spcifiques et des squences rituelles intenses dans l'implica-

    tion de la totalit de l'individu, en firent toutefois un rite spiritualiste d'une intressante por-te.Les rituels ont t en grande partie publis par R. Ambelain dans son livre "Franc-Maonnerie d'autrefois"

    paru en 1988 aux ditions Robert Laffont. Nous pouvons nous reporter par exemple au rituel du gradeApprenti pour illustrer ce que nous venons de dire.

    Une des caractristiques rside dans les formules vocatrices de cette antiquit mythique. Ainsi dans lacrmonie d'allumage des luminaires trouvons nous cette phrase : "Maons de la vieille Egypte, nous venonsici mme, en la terre de Memphis, riger des autels la vertu et creuser des tombeaux pour les vices." Phraseconnue dans tous les rites maonniques, mais qui est associe de faon originale aux origines antiques parparent ou sympathie vocatoire. De mme nous trouvons cet change :

    Le Vnrable : "Frre Second Surveillant, quelle heure les Maons d'Egypte ont-ils coutume d'ouvrirleurs travaux ?"

    Second Surveillant: "Lorsque le soleil culmine sur les sables de Memphis, lorsqu'il est Midi, et que l'om-bre est la plus courte, alors les Maons d'Egypte ouvrent leurs travaux, Vnrable Matre."Ou encore :" Puisque le Temple de la Sagesse d'Egypte est juste et parfait "Et enfin ces deux formules lors de la clture :Le Vnrable : " Frre Second Surveillant, quelle heure est-il ? "Second Surveillant: " Minuit plein, Vnrable Matre. La Nuit rgne sur l'Egypte et l'Astre des Nuits bai-

    gne de sa lumire les Sanctuaires endormis "Plus loin : " Mes Frres, n'oublions pas que c'est en notre me et en l'me de nos semblables que nous

    devons semer le Verbe d'Horus, afin qu'il produise des fruits de tout genre et de toute espce. Car l'me del'Homme est la terre naturelle sur laquelle plane le faucon divin.

    Et comme les eaux du Nil fcondent la terre de Memphis, dans la saison Sh et au mois de Tht, ainsi lesEaux d'En Haut fcondent le Temple intrieur de l'Homme en la mme mystrieuse Saison. "

    Il faut sans doute rapprocher ces vocations potiques des variations qu'associent les solistes leur chant.La trame rituelle tant propre la maonnerie universelle, chaque rite va, avec plus ou moins de bonheur, tis-ser, improviser autour de cette trame un ensemble d'lments susceptibles de caractriser son caractre, sa tra-dition. Il s'agira par exemple d'une certaine forme d'sotrisme chrtien dans le cas du Rite Ecossais Rectifiou d'un hermtisme gyptien pour le rite dont nous parlons. Bien videmment, si cela est suffisant pour don-ner un "caractre" particulier, ne l'est pas pour l'lever au rang d'un rite dit "spiritualiste". Mais nous entronsl dans une autre dimension des caractres propres la ritulie qui s'enracine dans la philosophie. La formu-le maonnique classique "Grand Architecte de l'Univers" est par exemple remplace par "SouverainArchitecte des Mondes" ou parfois "de tous les Mondes". Le droulement du rite lui-mme, que nous nepouvons tudier ici en dtail, renvoie un implicite sotrique, une intention spirituelle d'lvation de l'esprit,d'ouverture du cur un autre niveau de conscience qui, s'il n'est pas toujours atteint ou perceptible, est nan-moins vis.

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    Comme nous l'avons dit plus haut, les rites gyptiens ne se sont pas dvelopps ex nihi-lo. Depuis dj longtemps, la tradition gyptienne tait aurole de mystres et d'attraits.Durant tout le moyen ge on tait rest peu prs ignorant de toutes les traditions prc-dentes. Puis l'Occident connut une rvolution intellectuelle considrable, celle de la renais-

    sance et plus particulirement la renaissance italienne et Florentine. En 1450, Cosme deMdicis et Marsile Ficin fondrent l'Acadmie platonicienne Florence. Durant plusieursannes, Marsile Ficin, sous la demande de Cosme de Mdicis, traduisit les textes hermtis-tes, platoniciens et noplatoniciens. Les acteurs de l'acadmie de Florence redcouvrirentalors la tradition hermtiste des anciens philosophes et travers eux, l'Egypte. Ils redonn-rent vie cette "Aurea Catena" (chane d'or) qui unit les initis leurs anctres du bassinmditerranen.

    Il est intressant de dire un mot sur cette "chane d'or", qui va devenir le cur de l'hermtisme, reliant par

    l'esprit chacun des acteurs de cette tradition tout au long de l'histoire et symboliquement les hommes auxDieux. C'est encore elle qui est prsente dans les aspects les plus riches de cette tradition maonnique gyp-tienne.

    La chane d'or est mentionne sans doute pour la premire fois dans le VIII chant de l'Iliade. Homre faitparler Zeus qui se dclare le plus grand et le plus puissant des Dieux. Il dit : " Eh bien ! dieux, tentez unepreuve, afin que tous en soyez convaincus ! Suspendez au ciel une chane d'or et accrochez-vous-y, tous,dieux et desses ; vous ne parviendrez pas tirer un ciel sur la terre si grand que soit l'effort que vous fassiez.Mais si moi-mme alors je me dcidai tirer, je tirerais avec vous et la terre et la mer. Je pourrais ensuite atta-cher cette chane au sommet de l'Olympe et tout resterait suspendu dans les airs, tant je suis au-dessus desdieux et au-dessus des hommes !

    Ainsi parla-t-il, et tous restrent silencieux et cois, mus de ses propos " Bien videmment et commepour la plupart des textes fondateurs, les philosophes et hermtistes en feront une lecture minemment sym-bolique. Elle sera rapproche des interprtations no-platoniciennes des manations de l'Un, elle deviendra "

    la chane qui relie autant les initis de la mme rvlation hermtique que les divers mondes entre eux ou lesdiffrents tats de la matire en alchimie. Elle n'est que la figuration symbolique de l'Art hermtique toutentier et des fonctions du Mage." ("L'hermtisme de F. Bonardel", Ed. Que sais-je ?) Car dans cette concep-tion, l'homme est le point central de la cration. Il est la rfrence perceptive partir de laquelle le monde s'or-ganise, se pense, reli par cette chane d'or l'ensemble du monde, aux diffrentes manations issus du"Souverain Architecte des Mondes".

    La nouvelle Acadmie de Florence se plaa dans cette continuit et devint un centreintellectuel de premier plan o s'effectuera la riche fusion de la tradition judo-chrtienneet des philosophies antiques hermtistes. Il est intressant de remarquer que la " NouvelleAcadmie " n'opposait pas la philosophie du paganisme antique au christianisme. Cetteredcouverte des traditions anciennes entrana au contraire un rciproque enrichissement.

    Ces esprits clairs et libres concilirent la tradition d'Herms et les enseignements de

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    Marsile Ficin (1433-1499), ii reprsent, fut

    sans doute un desacteurs les plus impor-tants de la redcouverteet du dveloppement de

    lhermtisme de larenaissance.

    Recto Verso

    Mdaille en bronze de Niccolo Fiorentino

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    Platon, Plotin, Plutarque, Jamblique, Proclus, etc. avec les enseignements kabbalistiquesjudo-chrtiens.

    En effet, cette poque est le moment de l'histoire o s'amorce une rupture dcisive entrela raison et la foi. Or l'hermtisme du 15 sicle, fidle en cela la vocation d'Herms d'-

    tre " mdiateur, restaurateur ou 'sauveur' de l'ambigut lgitime et primordiale, pre de larcurrence et donateur la fois du perfectionnement du savoir " va tenter une rconciliationet une rgnration de la tradition que l'on pourrait qualifier de philosophie-occulte. Car

    sous l'gide d'Herms, la nouvelle acad-mie va tenter de runir savoir scientifiqueet gnose, foi paenne et chrtienne, antiqui-t et modernit. C'est une sorte de nouvellere, d'enthousiasme de l'esprit sortant desicles de tnbres.

    Il est bien vident que cette hroque ten-

    tative ne fut pas peru avec autant de tol-rance de la part des pouvoirs de l'Eglise,d'autant plus que l'accent tait tout demme plus fort sur le plan philosophique et

    noplatonicien, que chrtien. L'influence et l'approche de l'uvre de M. Ficin, de GiordanoBruno, de T. Campanella, et de bien d'autres se firent sentir dans toute l'Europe. Or, lesouvrages grecs traduits identifiaient l'Egypte comme origine mythique et source de la tra-dition spirituelle. Pour les Grecs, l'Egypte tait le lieu o devait se rendre tout philosophe,tout individu qui dsirait s'initier la sagesse. Leur civilisation, leur religion taient identi-fies et reconnues comme les plus anciennes. Pythagore, Plutarque, Platon, pour ne citerqu'eux, se rendirent sur cette terre.

    Citons Diogne Larce propos de Pythagore : " Comme il tait jeune et studieux, il quit-ta sa patrie et fut initi tous les mystres grecs et barbares. Il gagna donc l'Egypte, quandPolycrate l'eut recommand par lettre Amasis, et il apprit la langue du pays. Il alla aussichez les Chaldens et les mages. Etant en Crte, il descendit avec Epimnide dans l'antre del'Ida. Tout comme en Egypte il tait all dans les sanctuaires, il y apprit les secrets concer-nant les dieux. " (Diogne Larce, Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres,Tome II p.126, GF, Paris, 1965.)

    Puis propos de Platon il crit : " A l'ge de vingt-huit ans, selon Hermodore, il s'en alla Mgare, chez Euclide, accompagn de quelques autres lves de Socrate. Puis il alla Cyrne, auprs de Thodore le mathmaticien, et de chez lui en Italie, chez Philolaos et

    Eurytos, tous deux pythagoriciens, puis en Egypte, chez les prophtes. " (Ibid. Tome Ip.165) Il en fut de mme pour de nombreux philosophes de l'antiquit qui taient initis auxprincipaux cultes de mystres et faisaient un voyage d'tude plus ou moins long en Egypte.

    La redcouverte des textes qui mentionnaient ces expriences, des ouvrages de Plutarqueet de Jamblique sur la tradition gyptienne rendit peu peu vident aux traducteurs de larenaissance qu'au-del de l'ancienne Grce, existait une tradition encore plus ancienne qu'ilconvenait d'tudier. C'est ce qui se passa ds la renaissance jusqu' la dcouverte en 1822de l'criture hiroglyphique par Champollion. La campagne d'Egypte de 1798 aboutit dansson ensemble quantit de dcouvertes dont nous bnficions encore, toutes n'ayant pu trepleinement exploites.

    Dj en Angleterre, Anderson faisait rfrence aux Mystres antiques et la franc-maon-

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    Les textes de la tradition hermtiquen'invitent pas une soumission aveugle un principe, aussi divin soit-il.

    L'initiation est au contraire l'expres-sion de la vertu et de l'intelligence del'homme, manifestation de cette dtermi-

    nation qui lui a permis de dpasser lestatut d'animal.

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    nerie se mit peu peu intgrer des lments symboliques relevant des traditions des mys-tres passs.

    Le dcor du temple, le droulement des rituels se modifia quelque peu dans les premiersgrades et acquit dans les Hauts Grades une teinture franchement inspire des mystres

    anciens.Les rites gyptiens ont dvelopps peu peu des caractristiques, tant positives que pro-

    blmatiques. L'intention des premiers fondateurs du 18me sicle tait de rveiller, partirdes connaissances de leur poque, l'esprit et dans une certaine mesure la pratique des mys-tres sacrs des traditions antiques, les intgrant dans le nouveau cadre de la franc-maon-nerie. Plus tard les fondateurs de Memphis et de Misram procderont de mme. Nous pou-vons distinguer deux influences principales, qui dfiniront deux aspects de la philosophiede ce rite.

    Le premier, plus propre Misram et mis en place par les Bdarride, relve d'une influen-ce de kabbale judo-chrtienne s'inspirant assez vaguement de " l'Ordre des Elus-cohen "

    de Martins de Pasqually et des kabbalistes chrtiens de la renaissance.Le deuxime, celui de Memphis, activ par Marconis de Ngre, visera plus spcifique-ment l'hermtisme classique et les mystres anciens pr-chrtiens. Nous pourrions presquedire qu'il s'inspire davantage dans l'esprit de " La Haute Maonnerie gyptienne " deCagliostro.

    L'ambigut philosophique nat de la synthse non accomplie entre la philosophie chr-tienne et la philosophie antique redcouverte. Cette synthse pouvait exister au sein del'Acadmie de Florence. En effet, les grands esprits y oeuvrrent tant sur le plan intellectuelque pratique, thurgique auraient dit les anciens. Mais cette synthse intellectuelle ne fut

    jamais clairement exprime dans un texte fondateur. Elle s'est tout simplement et en partieexprime dans l'uvre de ses fondateurs, se dveloppant sans vritable comprhension desresponsabilits dues cet hritage. Cela explique sans doute en partie les volutions dog-matiques qui suivront Quant aux " rites " de l'acadmie, ils se voilrent, mais ne dispa-rurent videmment pas. Les maons de rite gyptien se sont longtemps considrs commeles reprsentants de l'sotrisme maonnique, les garants d'une vritable aristocratie initia-tique s'opposant une forme plus dmocratique et galitaire.

    Cette ide se fonde sur l'ide que toute initiation vritable vient d'en haut.Ainsi Marconis de Negre crit-il dans le prambule du " statut organique " de Memphis un paragraphe qui

    sera reprit parfois explicitement par un grand nombre de ses successeurs :" La voix qui parle du sein de la nue a dit : 'Homme, tu as deux oreilles pour entendre le mme son, deux

    yeux pour percevoir le mme objet, deux mains pour excuter le mme acte ; c'est pourquoi la science maon-nique, la science par excellence, est sotrique et exotrique. L'sotrisme constitue la pense, l'exotrisme lepouvoir ; l'exotrisme s'apprend, se donne ; l'sotrisme ne s'apprend, ne s'enseigne ni se donne, il vient d'enhaut.' "

    Dans le panthon maonnique il crit : " La Puissance Suprme, place au sommet de la hirarchie maon-nique, en possde les symboles et les arcanes inconnus au plus grand nombre des initis : elle est le gouver-nement des ateliers qui en relvent " (p.3)

    Pour tre authentique, la transmission devrait descendre vers le rcipiendaire qui devien-

    drait par cet influx un myste, un initi. Certes le rite possderait une force propre, mais il

    2- PAPISME MAONNIQUE ET GRANDE HIROPHANIE

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    ne serait que le canal d'une force spirituelle ou divine. Les origines de ces conceptions sontassez faciles identifier et s'inspirent des principes thologiques de la rvlation et du saluttels qu'ils ont t exprims dans les religions du livre, ou du moins tels que les occultisteset sotristes les ont compris. Rappelons simplement que Dieu tant radicalement spar de

    sa crature, il est absolument impossible l'homme de s'lever jusqu' lui ou mme de sai-sir la totalit des mystres du monde par sa seule volont. L'homme peut cultiver sa raisonet matriser ses vertus, la rvlation et le salut ne dpendent pas directement de lui, mais deDieu qui pourra exprimer ses volonts par ses reprsentants. Dans le catholicisme, la conti-nuit de cette " autorit " s'exprimera dans la papaut.

    Il faut bien reconnatre que cette croyance trouve justification dans les textes vang-liques et il est clair qu'ils servirent de source d'inspiration, de fondement cette foi. Ainsipouvons nous lire dans l'Evangile de Jean :

    " Si quelqu'un me sert, qu'il me suive ; et l o je suis, l aussi sera mon serviteur. Si quel-qu'un me sert, le Pre l'honorera. " (Jean 12:26)

    " Jsus lui dit : Je suis le chemin, la vrit, et la vie. Nul ne vient au Pre que par moi. Sivous me connaissiez, vous connatriez aussi mon Pre. Et ds maintenant vous le connais-sez, et vous l'avez vu. " (14 :6-7)

    C'est sans doute pour cette raison que nous pouvons lire dans les Constitutions etRglements Gnraux de l'Ordre Maonnique Oriental du Rite Ancien et Primitif deMemphis-Misram en 1938 sous la Grande Matrise de Chevillon : " Esotrisme : Toutelumire, toute science, toute doctrine, mane du Souverain Sanctuaire o repose l'Archevnre des Traditions. [] Exotrisme : [] A tous il [le Souverain Sanctuaire] rpte :Inclinez-vous devant cette puissance souveraine et mystrieuse, que la raison humaine estaussi impuissante dfinir qu' nier, et que la Franc-Maonnerie proclame sous le nom deSUBLIME ARCHITECTE DES MONDES. "

    Les textes des diffrents fondateurs du rite gyptien et des Grands Hirophantes qui sesuccderont sont sans ambigut et montrent clairement la volont qui est l'uvre. Il s'a-git de faire de l'sotrisme maonnique une sorte de systme monothiste, charg de trans-mettre la puret d'une tradition originelle ncessairement unique, par l'intermdiaire d'unGrand Hirophante nomm vie, comme le Pape N'oublions pas que le dogme de l'in-faillibilit pontificale est relativement rcent puisqu'il fut prononc en 1870. Cette anne l,le Pape Pie IX s'attribuait par la voie du concile du Vatican une suprmatie sur tous les hom-mes dans les matires de foi et de morale ; suprmatie fonde sur un prtendu privilge d'in-faillibilit. L'histoire du rite montre d'une faon extrmement claire ce que ces ides ont puentraner jusqu' aujourd'hui : le foisonnement de telles Obdiences, le dlire de la puret

    de la tradition, le puissance du mythe sur la raison, association du systme martiniste etmartinsiste, imbrication avec certaines petites glises, etc..

    Il faut bien reconnatre que les jugements svres sur l'administration fantaisiste desHauts Grades du rite gyptien ne datent pas d'hier. Ainsi en 1816 Ragon, parlant de Misramet des frres Bdarrides crit dans son Tuileur gnral : " Ce rite reprsente l'autocratie. UnSEUL, sous le titre de SOUVERAIN-GRAND-MATRE-ABSOLU, gouverne les ateliers ; il estirresponsable. Cette anomalie toute profane rappelle le droit divin. Ce rgime qui n'a demaonniques que ses emprunts aux collections et aux rites connus, n'est mme pas maon-nique dans ses formes. " (p. 234) Un peu plus loin Ragon poursuit : " Les SouverainsGrands-Matres Absolus, puissance suprme de l'ordre, 90 degr, s'arrogent le droit de

    rgir, tous les rites, qui ne sont, disent-ils, que des branches dtaches de l'arbre misrami-

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    te. Nous ne pouvons que les fliciter, ainsi que leurs Grands Matres Constituants, sur l'im-mense tendue de leur science et sur les talents dont ils doivent tre pourvus pour gouver-ner et administrer TOUS LES RITES EXISTANTS SUR LE GLOBE.

    Sur ce RITE MONSTRE, pour lequel ses auteurs ont puis dans l'Ecossisme, le Martinisme,

    l'Hermtisme, le Templirisme et dans des rformations maonniques, voici ce que dit l'au-teur de l'Histoire pittoresque de la Francmaonnerie :

    'C'est en 1805 que plusieurs FF? de murs dcries, n'ayant pu tre admis dans la com-position du Suprme-Conseil cossais, qui s'tait fonde en cette anne Milan, imagin-rent le rgimeMisramite.' [] "

    " Ds que l'on connat cette triste origine, ne d'un orgueil bless chez des FF ? tars, onconoit pourquoi ces deux rites sont comme un habit d'arlequin, composs de pices et demorceaux assembls la hte. Que de dupes ils ont fait, nous compris ! " (p. 236) Ragonreconnat pourtant l'intrt des grades deMisram, mais il souhaite les recevoir " condi-

    tion d'tre charg ds que j'aurai pu en appr-cier le mrite, de le prsenter au G? O? , cent-re unique de la Maonnerie en France, o ilsl'administreraient l'abri de cette puissancelgitime. " Mais des circonstances dues ceque Ragon considre comme de la malhonnte-t de la part des Bdarrides empcheront alorsl'introduction du rite de Misram au sein duG? O? . Ragon abandonnera donc la pratiquedes rites, mais certainement pas cette approchehermtiste de la franc-maonnerie, comme le montre entre autre le titre de son ouvrage : "De la maonnerie occulte et de l'initiation hermtique ".

    Cette toute puissance du Grand Hirophante est bien rsume par Marconis de Ngrelorsqu'il crit : " Art.1. Le Grand Hirophante est le dpositaire sacr des traditions, il est lapremire lumire du temple mystique ; il dclare la doctrine et la science ; toute uvremaonnique mane de lui. []

    Art.3. Nulle communication sotrique n'est faite que par lui ou son organe.Art.4. Dans des circonstances qui intressent la prosprit du rite de Memphis, le Grand

    Hirophante peut prendre une dcision spciale, qui devra tre enregistre sur le grand livred'or, dclarant qu'il y a urgence, et, dans cette position, prendre telles mesures qu'il jugeraconvenable dans l'intrt du rite, et dont l'excution ne sera soumise aucune formalit

    qu'au Grand Chancelier de l'Ordre.Art.5. Le Grand Hirophante est nomm vie par les membres actifs de l'Ordre, la

    majorit absolue des FF? prsents. "Il faut bien reconnatre que transformer un individu en une sorte de guide ou de rfren-

    ce absolu en dehors duquel il ne pourrait y avoir d'autre vrit, ressemble fort un culte depersonnalit prjudiciable la libert de conscience

    Car comme nous allons le voir, la franc-maonnerie gyptienne n'est ni une religion, niun sotrisme monothistique, ni un hermtisme hroque (transformant le hros de l'anti-quit en un surhomme destin dominer les masses) et pourtant ses 200 ans d'existencecontinuent dmontrer l'originalit de cette expression.

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    Pour comprendre le Rite gyptien, il

    nous faut regarder au travers desacteurs de son histoire, percevoir leurintention, leur espoir, leur vision, en unmot leur Utopie. Il convient daller au-del des voiles et des apparences, par-del les drives, les dlires thocra-tiques pour saisir la part profondmentoriginale que reclent ces rites.

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    Tous, et Marconis de Ngre certainement encore plus, ont tent de faire revivre sous laforme maonnique, les anciens Mystres. Nombreux ont t les symboles, les squencesrituelles qui ont pntrs la tradition maonnique dans son entier, et cela quels que soientles rites. Plus explicitement, les rites gyptiens ont essays de matrialiser et de faire revi-vre dans leurs systmes de Grades, ce qu'ils percevaient comme richesse dans les traditionsdu pass. Mais comme nous l'avons vu, cet espoir, cet idal eut beaucoup de mal s'ex-primer car il opposait deux systmes de pense, deux faons de voir le monde, un dmo-cratique et exotrique face un aristocratique et sotrique.

    Doit-on donc en conclure que cette opposition est irrductible et que toute compromis-sion de l'un envers l'autre doit tre ncessairement diabolise ?

    Que les anciens Mystres et la philosophie classique n'ont rien apporter la franc-maonnerie d'aujourd'hui ?Certainement non et c'est sans

    doute l'inverse qui est vrai. Carcette opposition repose sur unemconnaissance des principes de laphilosophie et de l'hermtisme,conception qu'avaient parfaitementcompris les acteurs de l'Acadmiede Florence, mme si les circons-

    tances les empchrent de l'exprimer.En effet, les textes anciens de la tradition hermtique n'invitent pas une soumission

    aveugle un principe, aussi divin soit-il. L'initiation n'est sans doute pas cet influx qui des-cend travers tel ou tel hirophante. Elle est au contraire l'expression de la vertu et de l'in-telligence de l'homme, manifestation de cette dtermination qui lui a permis de dpasser lestatut d'animal. Nous sommes vraiment l au cur de la tradition maonnique, dans ce quel-le a de plus riche et de plus noble.

    Les anciennes instructions maonniques disent : " Nous sommes ici pour creuser des tom-beaux pour les vices et lever tes temples la vertu ; " et nous lisons dans le trait X duCorpus Hermeticum : " Or le vice de l'me, c'est l'ignorance. En effet quand une me n'aacquis aucune connaissance des tres, ni de leur nature, ni du Bien, mais qu'elle est toute

    aveugle, elle subit les secousses violentes des passions corporelles. Alors la malheureuse,pour s'tre ignore elle-mme, devient l'esclave de corps monstrueux et pervers, elle porteson corps comme un fardeau, elle ne commande pas, on lui commande. Tel est le vice del'me. Au contraire la vertu de l'me est la connaissance, car celui qui connat est bon etpieux et dj divin. [] Aussi, quand tu rends grce dieu, il te faut prier d'obtenir un bon" intellect ". [] L'homme est un vivant divin, [] c'est un dieu mortel. "

    Platon explique plusieurs reprises dans ses dialogues que les passions emprisonnentl'me, la partie spirituelle du corps. Elle ne peut alors s'lever naturellement vers le mondedes ides. La vertu va au contraire nous permettre de dvelopper en nous ce qui est essen-tiel et de dbuter cette ascension vers la Lumire. Remarquons que c'est en cultivant la

    connaissance et donc l'intelligence, nous dirions aujourd'hui la raison, que nous nous dta-

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    3- PHILOSOPHIE HERMTIQUE ET RITE GYPTIEN

    Ce parcours vritablement initiatique est toujourscelui d'un libre penseur, ayant dj dvelopp sonesprit critique et sa bont, celui d'un tre qui cons-truit et non dtruit, qui s'ouvre l'autre au lieu dechercher le dominer.

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    chons des passions et que nous manifestons pleinement notre humanit, notre nature de "dieu mortel ". Nous n'avons pas attendre une quelconque rvlation, un salut qui viendraitde l'extrieur. Nous poss-dons dj les qualits nces-

    saires et il nous appartient deles exprimer, de les cultiverpar notre travail constant etdtermin. " Gloire au tra-vail " dirions-nous en franc-maonnerie S'il existealors une hirarchie, elle nepeut-tre que le fait d'indivi-dus conscients de leurs fai-blesses et de la fragilit de la

    nature humaine uvrant separfaire sur tous les plans.L'mulation par la raison etla connaissance, voil ce quepropose l'hermtisme.

    Mais si nous nous limi-tions cette vision, nous nedonnerions qu'une visiontrop fragmentaire de cettevoie, car comme le dit letexte du Corpus Hermeticumcit plus haut, " celui quiconnat est bon [] et djdivin. " Cela implique lareconnaissance d'une dimen-sion sacre, spirituelle inh-rente l'tre et au monde.Car la tradition maonnique telle qu'elle est vise dans les rites gyptiens, n'est pas une sim-ple philosophie morale. Elle est une vritable voie initiatique impliquant une dimensionsacre intrieure et extrieure l'tre. Le mythe et le rite ont alors pour fonction de servirde guides la conscience de celui qui parcourt cette voie. Dclarer que l'exercice de la rai-

    son, associe la vertu, permettent de s'avancer vers le monde spirituel, est une conditionncessaire mais sans doute non suffisante. Cette ascension de l'esprit vers le Beau et le Biendont parle Platon est lie dans notre tradition et d'une faon explicite dans le rite gyptien, l'vocation du sacr par l'intermdiaire de l'activation symbolique et rituelle du mythe. Carles symboles rituels sont la reprsentation des Ides du monde intelligible. Comme l'cri-vait l'initi Jamblique : " Les gyptiens, imitant la nature du Tout et l'uvre des dieux, rv-lent par des symboles certaines images des conceptions mystiques caches et invisibles,tout comme la Nature, dans les formes visibles, a imprime, d'une faon symbolique etcomme l'uvre des dieux a esquiss la vrit des ides par des images apparentes ". (Surles mystres, VII, I)

    Les crmonies rituelles associes la pratique de la raison et de la vertu permettent donc

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    Ce tapis maonnique de 1785 pourrait-tre consi-dr comme un vritable mandalaoccidental. Il sym-bolise cette fusion entre les courants les plusanciens des traditions mditerranennes et la dmar-

    che maonnique. La sphre centrale rayonnante, lessept plantes, la position particulire du soleil et dela lune ainsi que les divers symboles alchimiques etmaonniques sont autant dlments dignes derflexion, danalyse et denseignements.

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    l'esprit de se purifier et de se dtacher des passions pour dvelopper les qualits propres l'tre que sont la fraternit, l'amour, le courage, l'honneur, etc.

    Mais les Mystres anciens eurent pour objectif d'aller encore plus loin, en dpassant par

    leurs rites cette dimension philosophique, pour approcher la question fondamentale du sensde l'existence. Ces principes antiques furent repris dans les rituels des Grades, dans la formed'origine proprement " gyptienne " dfinie par Yarker, qui ne comprend que 33 grades.

    L'initi franc-maon poursuit ici ce que Platon appelait son ascension, par l'apprentissa-ge progressif, ordonn et cohrent des diffrents systmes qui ont composs la traditionoccidentale, de la kabbale l'Egypte en passant par la Grce. Mais ce parcours vritable-ment initiatique est toujours celui d'un libre penseur, ayant dj dvelopp son esprit cri-tique et sa bont, celui d'un tre qui construit et non qui dtruit, celui qui s'ouvre l'autreau lieu de chercher le dominer. Comme le dit une de ces initiations : " Si ce que tu vienschercher ici correspond aux deux termes que je viens de prononcer, Vertu et Connaissance

    alors tu es le bienvenu et nous pouvons poursuivre ton initiation. Si au contraire, ce sont deshonneurs supplmentaires ou des secrets menant au pouvoir sur les autres que tu cherches,alors ta place n'est pas ici. "

    Mais une telle aspiration, mme sincre pourrait entraner une perte du sens des ralits,le dveloppement d'un esprit irrationnel ne parvenant plus faire usage de son sens critiqueet prendre une distance critique avec le vcu conscient, volontaire et contrl de cette rela-tion au sacr. Nous pourrions assister de vritables dlires mystiques dans lesquels laquestion de la sensibilit au sacr serait remplace par la certitude d'un contact privilgiavec le plan divin. Les fantasmes d'Elus, de Suprieurs Inconnus, de Gardiens intemporelsdes vrits ternelles en seraient l'aboutissement. Il s'agirait d'une vritable confusion del'esprit, d'un chamboulement des valeurs, dans lesquels le simple bon sens serait effacdevant un vcu spirituel considr comme suprieur, rejetant la dimension physique ou dumoins la marginalisant.

    C'est d'ailleurs ici qu'il faut sans doute trouver l'origine de l'immense confusion qui exis-te dans l'expression des particularits de notre rite. Se fondant sur le fait qu'il vise la dimen-

    sion spirituelle et sotrique, il est devenu presque commun d'en faire le rceptacle de tou-tes les questions qui touchent l'occultisme, au phnomnes paranormaux, aux sciencesdites parallles, l'irrationnel, au merveilleux et mme parfois la magie. C'est le lieu ol'on parle mi-voix des initiations secrtes aux " mystres du monde ", de l'existence d'une" Eglise intrieure ", de la tradition primordiale, des pratiques diverses ncessaires la com-prhension vritable des rites que la majorit des maons nonnent sans comprendre. C'estgalement l que sont expliques les arcanes du tarot, de l'astrologie ou que s'effectue lafusion hardie entre les traditions orientales et occidentales sur des thmes aussi divers quela rincarnation ou l'origine du mal. Les sujets de travaux des Loges depuis plus de cin-quante ans sont tout fait parlants cet gard. Toutefois le rite gyptien n'a jamais eu le

    monopole de ce genre d'interrogations et divers ateliers de quelque Obdience et rite que ce

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    4- IRRATIONNEL ET SOTRISME MAONNIQUE

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    soit, ont l'occasion de rflchir sur des thmes de ce genre. Il semble qu'il ne s'agisse pastant des sujets abords, que de la faon de les traiter. Considrer que l'irrationnel et les mys-tres sous toutes leurs formes sont la marque de la seule et vritable initiation sotrique nepeut mener qu' des drives fort risques pour l'quilibre intrieur.

    F. Jollivet Castelot crivait au dbut du sicle :" Les occultistes, et nous entendons par ce vocable les tenants de toutes les coles sot-

    riques, suivent aveuglment les donnes de la Tradition hermtique, sauf quelques raresexceptions. Ils y croient, ils ont la foi. Pourtant rien n'est plus sujet caution et erreur qu'u-ne tradition qu'il faut, sans cesse, rectifier et purer, car une tradition est faite des croyan-ces et des thories, des lgendes et des fables, des phnomnes constats et de la crdulitsuperstitieuse, successives et entremles de tous ses fidles, de tous ses thoriciens, de tousses commentateurs, depuis les origines de ladite tradition, laquelle il n'est point possiblede fixer un dbut rellement connu selon les normes de l'histoire positive. On doit donc sanscesse trier les faits et les systmes, les srier, en sparer l'erreur de la vrit exprimentale

    et rationnelle.La Tradition est un bloc ; il n'en va pas de mme de la recherche scientifique qui ne s'at-teint que par un dlicat ttonne-ment. "

    Car c'est bien l que se situe vrai-semblablement la pierre d'achoppe-ment du rite gyptien. Il peut-tre lelieu o les questions essentiellespeuvent tre poses et tudies.L'sotrisme, l'occultisme, la spiri-tualit sont des domaines sur lesquels la rflexion du maon peut s'avancer. Mais imaginerque des rponses dfinitives puissent tre donnes par une tradition dont les maons gyp-tiens seraient les dtenteurs, introduit une foi dogmatique bien contraire la libert de pen-se. Ce serait exclure la raison au profit de ce qui y est oppos, autrement dit l'irrationnel.Car qu'est-ce que le surnaturel sinon ce qui est au-dessus du naturel, ce qui n'a pas encorereu de formulation rigoureuse. Croire que tout soit pensable, accessible l'esprit humainest certes une foi, mais qui se fonde sur la mthode scientifique la plus rigoureuse. Lamaonnerie gyptienne n'est pas, comme nous l'avons vu, dpourvue de moyens. Car ilexiste dans la philosophie hermtique cette intention et cette exigence de recherche nousrendant capable d'aborder les questions les plus mtaphysiques avec l'outil de la philoso-phie, donc l'exercice de la raison et de la logique. Mais la dimension spirituelle, sacre s'ex-

    prime videmment par un vcu, s'incarnant dans le cadre rituel peru dans toutes ses dimen-sions. Ne pas parvenir cerner ces particularits ne peut que conduire l'association dediverses formes de pratiques initiatiques plus ou moins compatibles entre elles et mmeavec la franc-maonnerie.

    Or ce qui est vis est fort diffrent. Il s'agit comme nous le disions de la pratique de laraison et de la vertu, associe une ouverture de la conscience au sacr par l'intermdiairedu rituel et de la connaissance. Les dimensions sociale et humaine ne sont en rien rejetesou refoules. Elle sont au contraire le support ncessaire, la rfrence fondamentale surlaquelle s'appuie l'esprit qui s'ouvre la comprhension du monde et d'autrui. Pour raliser

    cet quilibre, le rle de l'Obdience est donc primordial.

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    Considrer que l'irrationnel et les mystres soustoutes leurs formes sont la marque de la seule etvritable initiation sotrique ne peut mener qu'des drives fort risques pour l'quilibre intrieur.

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    Que le Grand Orient de France, obdience connue gnralement pour son combat huma-niste, social et progressiste rveille le Rite Egyptien est ce titre trs significatif. Ce rite peutenfin trouver la stabilit et l'ancrage dans le monde qui est fondamentalement ncessaire son expression authentique.

    La gestion administrative et dmocratique rintroduit la libert de la Loge et des Frres,vitant le parasitage d'une hirarchie de " droit divin " qui confondrait le spirituel et le tem-porel. Le rite pratiqu sincrement, dans un cadre permettant d'aborder en toute quitude laformation maonnique, philosophique et morale, ne ncessite pas de hirarchie sotriquequi vient dcider ce qui est bien ou mal pour les Frres. Quant l'approche du sacr, audveloppement de cette sensibilit et l'ouverture ces champs de conscience, la pratiquedu rite, sa force vocatoire, potique et son symbolisme y pourvoient.

    La philosophie du rite gyptien et l'expression de ses spcificits ne pouvaient certaine-ment se manifester qu'en le dtachant d'une identification sclrose une obdience mono-

    rituelle qui l'touffait et l'empchait de rvler sa richesse. Un peu l'image d'une statuetombe au fond de la mer et recouverte peu peu de concrtions, il fallait que le rite soitdgag, mis en lumire comme une riche et ancienne composante de la franc-maonnerie detradition. Son rveil au sein du Grand Orient de France offre une nouvelle possibilit ceuxqui veulent pratiquer une vritable maonnerie adogmatique, implique dans ce monde etprenant en compte l'tre humain dans toute sa complexit et ses Mystres

    J.L. de Biasi

    Bibliographie :

    Ambelain Robert, Franc-Maonnerie d'autrefois, Robert Laffont, Paris, 1988.Beresniak Daniel,Les premiers Mdicis et l'acadmie Platonicienne de Florence, Detrad, Paris, 1984.Caillet Serge,Arcanes & Rituels de la maonnerie gyptienne, Guy Trdaniel, Paris, 1994.Galtier Grard,Maonnerie gyptienne, Rose-Croix et No-Chevalerie, Le Rocher, Paris, 1989.Ragon J.-M., Tuileur Gnral de la Franc-Maonnerie, Rdition Editions Tltes, Paris 2000.Ventura Gastone,Les rites maonniques de Misram et Memphis, Maisonneuve & Larose, Paris, 1986.

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    LES DCORS GYPTIENS- RLE ET PRSENCE -

    Il nous a sembl intressant de porter notre attention sur les dcors d'inspiration gyp-tienne se trouvant, ou pouvant se placer, l'intrieur de nos temples. Sans prtendre treexhaustif dans ce court texte, nous esprons que ces remarques ouvriront des espaces utilesde rflexion.

    Il pourrait paratre pour le moins surprenant que les rites gyptiens n'utilisent que dessymboles ou des dcors issus du rite franais ou du rite cossais, sans mme se poser la

    question des spcificits propres aux origines de leur rite.Un prcdent article du numro un de cette revue Arcana, a bien montr l'origine antique

    de bien des symboles de la franc-maonnerie et nous reviendrons d'une manire plus appro-fondie lors de futurs articles, sur tel ou tel symbole.

    Mais avant d'entreprendre cet inventaire du temple au premier degr d'Apprenti, il est sansdoute intressant de se demander pourquoi il est important que les symboles ne soient pasquelconques.

    Pour ne pas entrer dans les dtails complexes de ces notions fort bien dveloppes par lephilosophe Jamblique, nous nous contenterons d'en dgager l'ide gnrale, vous renvoyant

    son ouvrage,Les mystres d'Egypte pour plus d'approfondissement.Pour cet auteur, les reprsentations gyptiennes sont des copies symboliques de ralitscaches et invisibles, appartenant une sorte de monde spirituel. Selon lui, la nature a pro-cd de la mme manire, traduisant dans les formes apparentes, les ralits d'un mondeidal. Nous retrouvons l le concept des " signatures ", coutumier aux alchimistes et sot-ristes. C'est l'ide que la forme de tout ce qui existe a une relation symbolique avec l'idequ'elle reprsente. Une fleur au suc rouge sera considre comme susceptible de soigner lacirculation du sang, etc. D'aprs cette conception, il y aurait donc une relation de " sympa-thie ", un lien subtil entre le symbole et la ralit invisible qu'il reprsente. Bien plus,Jamblique poursuit en disant que les symboles ont une efficience propre qui, d'une certainefaon, " incarne " la ralit sotrique. On conoit alors mieux les raisons qui ont pu pous-ser des gnrations de symbolistes rechercher les reprsentations les plus anciennes et lesplus justes de ces ralits. Se rapprocher de l'authenticit du symbole, remettre en place dela manire la plus juste et cohrente l'ensemble symbolique, c'est accomplir une vritablerecherche tymologique, donc une relle auto-gnration du sens mettant en rsonnance laconscience de chacun des participants avec le rituel qui utilise ces symboles.

    La mise en place de ces derniers dans le rituel n'est donc pas quelconque, mais a unerpercussion certaine sur la conscience de chacun et sur la crmonie elle-mme.

    Parcourons maintenant les symboles prsents dans le temple et tachons de distinguer oude restituer l'origine gyptienne ou plus largement des Mystres antiques de chacun. En

    l'absence de permanence, nous mettrons quelques suggestions qui nous sembleraient pro-

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    fitables pour l'accentuation du caractre Egyptien du Rite de Memphis-Misram, sans pourcela faire disparatre le gnie propre dj existant ainsi que le fondement maonnique.

    L E P A R V I SDans le panthon maonnique de Marconis de Ngre, nous lisons " Le parvis du Temple

    est une salle formant un carr parfait ; au-dessus de la porte d'entre sont crits ces mots enlettres d'argent :

    A i m e r D i e u d ' u n a m o u r s u p r m e ,A v e c c r a i n t e , r e s p e c t e t f o i ,E t s o n p r o c h a i n c o m m e s o i - m m e ,

    C ' e s t i c i l a s u p r m e l o i .

    Ce lieu est peint en bleu cleste et orn d'emblmes reprsentant les mystres maon-niques. Au milieu du parvis se trouve l'entre du Temple : la porte est deux battants ; gar-de par deux sphinx accroupis ; au-dessus d'elle sont crits ces mots en pierre resplendis-santes : L'entre de ces lieux n'est permise qu'aux mes pures. Cette salle est claire parune lampe antique place au milieu. "

    L A F O R M E D U T E M P L E

    Le temple de Salomon reprend dans ses grandes lignes la structure des temples gyptiens,phniciens et msopotamiens. Plusieurs caractristiques architecturales tablissent unetroite parent entre le temple maonnique et le temple gyptien. C'est le cas du plan encarr long, de la rduction des volumes intrieurs tandis que l'on se rapproche du Naos, del'obscurit du lieu, des lieux extrieurs permettent la purification physique, de la strictesparation avec le monde profane extrieur, etc.

    Mais le plan du temple a encore plus de similitude avec les mithreums, lieu o se drou-laient dans la Rome ancienne les Mystres de Mithra. Les mithreums taient eux aussi deforme rectangulaire. Ils comportaient toujours deux banquettes surleves de part et d'aut-re de l'axe du temple, sur lesquels se plaaient les frres.

    Nous voyons qu'un temple maonnique travaillant au Rite gyptien n'a pas beaucoup de

    transformations faire pour se rapprocher des modles antiques, tant notre temple est natu-rellement conforme.

    Approfondissons maintenant quelques lments architecturaux de faon plus systma-tique.

    L A V O T E

    La vote toile quant elle, nous vient directement de l'Egypte. Elle apparat dans lestemples sous la forme de la reprsentation de Nout. Plus tard, elle sera reprise dans les

    mithreums, puis dans les difices chrtiens ds le V sicle. Un trs bel exemple est celui

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    du mausole de Galla Placidia Ravenne. Dans le cas des mithreums,la vote est en gnral en berceau afinde reprsenter la vote cleste. Le fond

    est gnralement d'un bleu profond par-sem d'toiles d'or cinq branches.

    Dans Le panthon maonniqueMarconis de Ngre crit : " La vote dutemple est toile comme lefirmament ; le soleil et la lune y sontreprsents. Cette vote est soutenuepar douze colonnes qui figurent lesdouze mois de l'anne : la plate-bandequi couronne les colonnes s'appelle

    zodiaque, et un des douze signes cles-tes y rpond chacune d'elles. "Il est sans doute intressant d'utiliser

    autant que possible le riche symbolismede la vote en berceau peinte en bleu etparseme d'toiles or. L'toile polaire et Sirius sont parfois reprsentes.

    L ' O R I E N T A T I O N

    Datant du premier sicle, la basilique pythagoricienne souterraine dcouverte Romeprs de la Porte Majeure tait oriente Est-Ouest. Cette orientation est une constante sym-bolique de nos Loge qui s'inspirent de bon nombre de temples et d'difices religieux del'Occident. Notons toutefois que ce n'est pas une rgle absolue. Quoi qu'il en soit, mme sil'orientation physique de notre temple n'est pas toujours conforme, il faut reconnatre quel'intention consiste matrialiser une orientation symbolique et mythique du lieu.

    L E P A V M O S A Q U E

    La basilique pythagoricienne de Rome comporte un pavement de mosaque, formant uncarr parfait en cubes noirs. Des petits cubes noirs font le tour de la salle et s'arrtent de partet d'autre de l'emplacement de la stalle du matre qui se trouve l'Orient. Les maons, quanteux, utilisent un tel dallage en damier noir et blanc limit au centre du temple ou parfois la totalit du sol.Le rite gyptien de R. Ambelain explique que le temple doit comporter unrectangle dall de noir et de blanc, de cent huit cases.

    Nous pouvons renvoyer auDictionnaire thmatique illustr de la franc-maonnerie de J.Lhomme, E. Maisondieu et J. Tomaso, ditions Morna, pour son chapitre trs dtaill surle pav mosaque dans la tradition maonnique.

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    Intrieur du Mithrum de Serdica (Sofia)

    Les relations entre larchitecture du templemaonnique et du mithrum mriteraient dtreapprofondies, tant leur point commun sont signifi-catifs.

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    L E S T R O I S C O L O N N E T T E S

    Trois colonnettes hautes d'un mtre environ sont disposes en querre, une vers l'Orient,deux la base vers l'Occident. Selon les rites elles se trouvent autour du tapis de Loge. Dansle rite gyptien contemporain, elles dlimitent le Naos et sont ventuellement poses auxangles du pav mosaque. Sur chacune d'elles, se trouve un flambeau permettant d'obtenirune, deux ou trois Lumires d'Ordre, soit trois, six ou neuf en tout. Dans la franc-maon-nerie anglaise, chacune de ces colonnettes porte sa partie suprieure une reproduction dechapiteaux dorique, ionique et corinthien. Souvenons-nous qu'elles correspondent laSagesse, la Force et la Beaut. On pourrait se demander pourquoi un rite gyptien devraits'inspirer du style classique sur lequel se fonderont ensuite divers travaux symboliques dela part des frres. Le style gyptien ne possde-t-il galement pas diffrentes colonnes toutaussi riches en symbolisme et esthtique ? Il est donc tout fait possible de renvoyer cesstyles pour les colonnettes, soit les styles palmiforme, lotiforme, papyriforme ou mme

    campaniforme.

    L E N A O S

    Selon les descriptions de Marconis

    de Ngre, un petit autel triangulaireappel autel des serments, devrait setrouver un peu en avant des troisdegrs. Il deviendra dans la rforme deR. Ambelain un petit Autel triangulai-re reprsentant un fragmentd'Oblisque plac au centre du templesur lequel sont disposs, enlacs selonle degr du Travail, les Outils sacrs.La base de l'Autel triangulaire est

    l'Orient, la pointe l'Occident.

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    Les quatre styles gyptiensPalmiforme - Lotiforme - Papyriforme - Campaniforme

    Autels trusques

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    On imagine assez mal ce que peut-tre un fragment d'ob-lisque formant un autel triangulaire Compte tenu de l'usa-ge qui en est fait, on pourrait s'inspirer librement des autelsd'offrandes qui existaient dans tout le bassin mditerranen,

    commencer par l'Egypte. Rappelons qu'ils taient essen-tiellement de surface rectangulaire, carr ou circulaire. Laforme triangulaire, certes riche en symbolisme, ne semblepas se rencontrer dans l'antiquit et n'a donc pas de grande

    justification cet endroit.

    L E S O U T I L S S A C R S E T L E B R L E P A R F U M

    Les outils sacrs prsents sur le Naos sont le Compas, l'Equerre et sur le tout, la Rgle.Sur l'autel du Naos se trouvent galement un flambeau allum et un brle parfum.

    On attache gnralement pas d'importance laforme des outils sacrs. Il est pourtant utile de rap-peler que si le compas n'existe pas en Egypte, nousavons de magnifiques modles de rgles et d'quer-res. Nous vous renvoyons par exemple au modle dergle d'un architecte gyptien qui se trouve au musedu Louvre. De mme d'ailleurs pour un trs beauniveau. Nul doute que nous ne retirions un grandbnfice l'utilisation de ces modles. On mettra

    dans ce cas, l'esthtique du compas en har-monie avec le reste.

    Le brle parfum peut-tre comme c'estsouvent le cas tout fait quelconque, mais

    il peut aussi reprendre la forme traditionnelle en usage dans les rites de l'ancienne Egypte.Son symbolisme li Horus est riche et profond et on l'utilisera avec profit.

    L ' O R I E N T

    Dans la basilique pythagoricienne de Rome, la stalle du Matre est surleve et place l'Orient. Marconis de Ngre explique que l'Orient comporte un " dais d'toffe rouge avecfranges en or et au-dessous se trouve un trne o se place le Vnrable. Sur le devant setrouve une autel sur lequel sont poses une Bible, un glaive, une querre, un compas et un

    maillet. Le trne et l'autel doivent tre levs sur un estrade de trois marches. " (Ce dernier

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    Autel circulaire de lpoqueromaine.

    Le brle parfum de la ritulie gyptienne estune vritable synthse symbolique richer den-seignements.

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    n'est pas confondre avec l'autel dcrit prcdemment.)R. Ambelain imagine l'Orient de la manire suivante : " Derrire le Vnrable, crit-il, un

    tableau peint reprsente une Porte d'Ivoire et d'Or, ferme, sans serrure apparente, encadrede deux colonnes de style gyptien, se terminant tel le Djed, ou " pilier occulte d'Osiris ".

    Entre les Colonnes est tendu un Voile transparent bleu turquoise, masquant une partie de laPorte. Au-dessus est le Delta, avec un Point en son centre. On remarquera pour une fois l'u-tilisation d'une intressante symbolique alchimique et orphique. Il sera sans doute intres-sant d'utiliser cette reprsentation.

    L E D E L T A

    L'association du delta et du point est certes symbolique, mais peu gyptienne. PourMarconis de Ngre, " l'Orient brille le nom du Sublime Architecte des mondes au milieu

    du Delta, emblme de la force productive, de la nature et de l'harmonie qui rgne entre tousles corps ; il est le type de la perfection divine. " On trouve galement en franc-maonne-rie le delta associ l'il plac en son centre. L'il gyptien ou Oudjat peut-y tre substi-tu pour rappeler la riche mythologie qui s'y rattache. Dans ce mythe, les deux yeux d'Horusreprsentaient le soleil et la lune. Selon ce rcit, Seth reprsentant des forces nocturnes s'op-posa Horus et lui arracha son il lunaire. Thot le rcupra ensuite et le lui restitua, rta-blissant ainsi l'ordre.

    S O L E I L E T L U N E

    Le Soleil et la Lune sont d'un riche symbolisme. Notons seulement que la position dansles reprsentations mithraques, comme autrefois d'ailleurs en maonnerie, sont inversespar rapport celles que nous rencontrons aujourd'hui dans nos temples.

    L E S D E U X C O L O N N E S

    Pour Marconis de Ngre, " l'Occ? sont deux colonnes de bronze d'ordre corinthien ;trois grenades entr'ouvertes sont sur chaque plateau " Sur le ft des deux colonnes setrouvent les lettres traditionnelles.

    Les deux colonnes qui sont des lments architecturaux sans valeur architectonique seretrouvent par exemple dans les oblisques commmoratives l'entre du temple, ou enco-re les colonnes qui se dressaient par paire l'entre de beaucoup des sanctuaires orientaux: Khorsabad, Tyr, Hirapolis, etc.

    Il faut bien reconnatre qu'il est assez difficile de faire correspondre le style gyptien etses deux oblisques avec pyramidons, avec des colonnes qui seraient surmontes de grena-des. Dans ce cas comme dans d'autres il convient de choisir ce qui est le plus adapt au rite,dans la mesure o le symbole maonnique repose essentiellement sur les deux colonnesYakin et Boaz.

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    L ' T O I L E F L A M B O Y A N T E

    L'toile traditionnelle a cinq branches et la lettre G en son centre procde sans nul douted'une respectable antiquit.

    L A C A N N E D U M A T R E D E C R M O N I E

    Elle a plusieurs formes en franc-maonnerie. Il est clair que son origine gyptienne seretrouve dans le sceptre Ouas ou canne, signe hiroglyphique signifiant " force ", " puis-sance ". Plusieurs modles ont t retrouvs dans le tombeau de Toutankhamon et peuventtre utiliss dans le rite gyptien. Nous donnons l'exemple ici d'une canne de cette tombe

    associant les symboles du djed, de lacroix ankh et d'Anubis. L'ouvreur dechemin guide ici les frres dans letemple, manifestant de cette faon lecaractre psychopompe s'appuyantsur la vie et la stabilit.

    L E L I V R E S A C R Le livre sacr dans les anciens rites

    maonniques gyptiens est bien vi-demment la Bible. Aujourd'hui leslivres sacrs le plus souvent utilisssont les constitutions d'Anderson, lelivre de pages blanches ou le livredes morts gyptiens. On remarqueracependant que ce dernier n'tait en rienconsidr comme un livre sacr par lesgyptiens, mais comme un recueil de "

    recettes " destines aider le dfunt traverser les tapes de l'au-del menant la lumire. Il serait tout fait adequat du point devue du symbolisme, d'utiliser un rouleau de parchemin demi droul, sur lequel seraitreprsente la pese des mes selon la riche iconographie gyptienne.

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    Le personnage de gauche de cette fresque mont-re assez nettement le bton rituel que le matre decrmonie utilisera avec profit dans le rite maon-nique gyptien.

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    En conclusion, on remarquera qu'il est tout fait possible d'gyptianiser le dcor des tem-ples pratiquant le rite gyptien, tout en respectant le symbolisme maonnique. Nul douteque cela permette de sensibiliser et d'enrichir la connaissance de chacun des participants,tout en donnant une expression supplmentaire aux caractristiques propres des Rites gyp-

    tiens.

    E. Ronteix