12
Dans le cadre de la Journée mondiale du travail décent, le Front de défense des non- syndiquéEs a organisé, le 2 octobre dernier, en collaboration avec les Productions multi- monde et l’Écomusée du fier monde, le lancement du documentaire La fin de l'immigration ? En comparant la situation des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires avec celle de leurs propres parents arrivés au siècle dernier, les réalisateurs ont levé le voile sur un monde qui est aussi proche que le restaurant McDonald du coin. L’événement s’est tenu à l’Écomusée du fier monde, un lieu riche en histoire et rempli de sens avec sa pratique muséale axée sur l’éducation populaire. Le lancement du film s’est d’ailleurs inscrit dans le cadre de l’exposition temporaire Citoyens – Hier, aujourd’hui, demain, présente à l’Écomusée jusqu’au 24 février 2013. PAS POUR TOUJOURS... BULLETIN DE LIAISON DU GROUPE AU BAS DE L’ÉCHELLE, UN GROUPE POPULAIRE POUR LA DÉFENSE DES DROITS DES TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS NON SYNDIQUÉS AUTOMNE 2012, VOLUME 33, NUMÉRO 2 7 octobre: Journée mondiale pour le travail décent

7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

  • Upload
    others

  • View
    0

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

Dans le cadre de la Journée mondiale du travail décent, le Front de défense des non-syndiquéEs a organisé, le 2 octobre dernier, en collaboration avec les Productions multi-monde et l’Écomusée du fier monde, le lancement du documentaire La fin de l'immigration ?

En comparant la situation des travailleuses et travailleurs étrangers temporaires avec celle de leurs propres parents arrivés au siècle dernier, les réalisateurs ont levé le voile sur un monde qui est aussi proche que le restaurant McDonald du coin.

L’événement s’est tenu à l’Écomusée du fier monde, un lieu riche en histoire et rempli de sens avec sa pratique muséale axée sur l’éducation populaire. Le lancement du film s’est d’ailleurs inscrit dans le cadre de l’exposition temporaire Citoyens – Hier, aujourd’hui, demain, présente à l’Écomusée jusqu’au 24 février 2013.

PAS POUR TOUJOURS...BULLETIN DE LIAISON DU GROUPE AU BAS DE L’ÉCHELLE,

UN GROUPE POPULAIRE POUR LA DÉFENSE DES DROITS DES TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS NON SYNDIQUÉS

AUTOMNE 2012, VOLUME 33, NUMÉRO 2

7 octobre: Journée mondiale pour le travail décent

Page 2: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

. . . pas pour toujours

Bulletin de liaison du groupe Au bas de l'échelle, un groupe populaire pour la défense des droits des travailleuses et des travailleurs non syndiqués.

Dépôt légal à Ottawa et à la Bibliothèque nationale, ISSN 320617

Coordination: Mélanie GauvinCollaboration: Solange Debrat, France Frenette, Mélanie Gauvin, Carole Henry, Lynda Nadeau et

Ghislaine Paquin

Publié par: Au bas de l'échelle 6839A, rue Drolet, bureau 305 Montréal (Québec) H2S 2T1 Téléphone : (514) 270-7878 Adresse électronique : [email protected] Site web : http://www.aubasdelechelle.ca

Photographies : Carole Henry, Louis-David Renaud-Lalancette du CISO pour l’événement du 4 octobre, MAC de Montréal pour la manifestation à Thetford Mines.

SommaireBrèves nouvelles p. 3

7 octobre : Journée mondiale pour le travail décent

Unis pour défendre la syndicalisation p. 5

Nos plus sincères félicitations à Stéphanie Bernstein p. 6

Si vous travaillez pour une agence de placement ou que vous y pensez... p. 6

Chronique juridique: Comment sortir du travail non déclaré ?

Réforme de l’Assurance-Chômage : Que restera-t-il pour protéger les sans-emploi ?

p. 7

p. 4

p. 9

Page 3: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

3

Brèves nouvelles

Fermeture d’Au bas de l’échelle durant la période des

Fêtes Veuillez prendre note que les bureaux

d’Au bas de l’échelle seront fermés du 21 décembre au 6 janvier.

Nous en profitons pour vous souhaitez un joyeux temps des Fêtes !

Quoi de neuf à Au bas de l’échelle ?

Au bas de l’échelle tient à saluer l’arrivée de Julie-Marie-Lacoste et de William Moran, tous deux étudiants à l'Université de Montréal en droit. Julie-Marie et William vont assurer une présence à notre service d'information téléphonique tout au long de l’année 2012 et 2013.

Attention! Attention!

Retenez cette date : le 9 mai 2013Au bas de l’échelle organise sa deuxième soirée-bénéfice qui sera animée par notre porte-parole Marc Béland. Nous espérons vous y voir en grand nombre. Vous en saurez davantage en lisant le prochain bulletin de l’hiver 2012.

Inscrivez la soirée immédiatement dans votre agenda !

Soyons généreux !

Au bas de l’échelle a la c h a n c e d e p u i s d e nombreuses années de faire partie des organismes qui bénéficient d’un appui financier de la part de Centraide du Grand Montréal. Cet appui est primordial pour nous. Il nous permet d’offrir plusieurs services d’information et de formation aux travailleuses et travailleurs non syndiqués qui vivent des situations difficiles au travail.

Grâce à la générosité et l’engagement de dizaine de milliers de donateurs et de bénévoles, Centraide du Grand Montréal peut aider quelque 500 000 personnes et 370 organismes et projets communautaires dans la grande région de Montréal. Nous vous invitons donc à donner généreusement à ce grand réseau d’entraide !

http://www.centraide-mtl.org/fr/

Marche Centraide aux 1 000 parapluies, 3 octobre 2012

Page 4: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

C’est devant une salle remplie de plus de 130 personnes que la projection du documentaire a débuté. L’objectif du FDNS était de sensibiliser un public large sur les conditions de travail et de vie troublantes et difficiles auxquelles font face les travailleuses et travailleurs migrants temporaires. Tant le processus de recrutement dans le pays d’origine, la validité des offres d’emploi, que les conditions de travail elles-mêmes soulèvent des enjeux fondamentaux pour notre société. S o m m e s - n o u s d e s citoyennes et des citoyens qui acceptent ou ferment les yeux sur une sous-classe de travailleuses et travailleurs ? Ces personnes viennent occuper des emplois qui sont pourtant essentiels à notre développement et à notre épanouissement collectifs. Voici que quelques-uns des éléments qui sont mis de l’avant par le documentaire La fin de l’immigration ? Par l’entremise de témoignages de personnes citoyennes d’hier, d’aujourd’hui, et nous l’espérons de demain, et par des images saisissantes, nous sommes entrés à la fois dans le quotidien de travailleuses et des travailleurs étrangers temporaires et dans leur vision et leur aspiration à venir au Canada.

4

7 octobre : Journée mondiale pour le travail décent

Mélanie Gauvin porte-parole du FDNS

Marie Boti réalisatrice et Lucie Pageau productrice, Productions Multi-Monde

Discussion de la salle avec Marie Boti et Malcom Guy, réalisateurs du documentaire

La fin de l’immigration ?

Visionnement du documentaire à l'Ecomusée du fier monde

Page 5: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

5

Unis pour défendre la syndicalisation

La Journée mondiale pour le travail décent n’a pas été soulignée qu’une fois ! Un grand rassemblement à la place Émilie-Gamelin a été organisé par l’Alliance sociale, le 4 octobre, sous le thème «Unis pour défendre la syndicalisation». Pour les membres de l’Alliance sociale, composée des principaux syndicats et de certaines associations étudiantes, le gouvernement a le devoir d’établir des politiques qui assurent la protection des droits et l’équité.

L’Organisation mondiale du travail (OIT) expose ainsi la notion de travail décent :

« La notion de travail décent résume les aspirations de tout travailleur : possibilité d ’ e x e r c e r u n t rava i l p r o d u c t i f e t convenablement rémunéré, assorti de conditions de sécurité sur le lieu de travail et d’une protection sociale pour les familles. Le travail décent donne aux individus la possibilité de s’épanouir et de s’insérer dans la société, ainsi que la liberté d’exprimer leurs préoccupations, de se syndiquer et de prendre

part aux décisions qui auront des conséquences sur leur existence. Il suppose une égalité de chances et de traitement pour les femmes et les hommes. »

Adoptée en 1999 par l’OIT, la revendication d’un travail décent repose sur quatre éléments essentiels: la promotion de l’emploi, les droits du travail, la protection sociale et le dialogue social.

Le Front de défense des non-syndiquéEs a été invité à prendre la parole, et Mélanie Gauvin y a présenté certains des éléments qui restreignent l’accès à un travail décent, notamment un salaire minimum trop bas qui ne permet pas de sortir de la pauvreté et une législation mal adaptée aux nouvelles formes d’emploi et au travail migrant temporaire.

Mélanie Gauvin porte-parole du FDNS

Page 6: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

6

L’équipe d’Au bas de l’échelle est particulièrement fière et tient à féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences juridiques de l’UQAM, pour les prix qu’elle a reçus. On lui a d’abord attribué le «Mérite Christine-Tourigny 2012», prix décerné par le Barreau du Québec pour souligner l’engagement social et la contribution exceptionnelle à l’avancement des femmes dans la profession. Stéphanie Bernstein a aussi reçu le titre d’Avocate émérite lors du Congrès annuel du Barreau du Québec. Nous croyons que ces hommages lui sont vraiment mérités. Stéphanie Bernstein a travaillé plusieurs années à Au bas de l’échelle et elle a continué à nous offrir généreusement de son temps, tant par son implication comme formatrice sur les lois du travail que comme experte dans différents dossiers que nous menons. En plus de son travail à l’université, elle participe depuis plus de 15 ans à des projets de recherche sur la régulation juridique du travail atypique et précaire et sur la santé des femmes au travail. Elle publie régulièrement des articles qui font avancer la réflexion et contribue à l’évolution du droit.

Bravo, Stéphanie, pour ton apport inestimable !

!

Si vous travaillez pour une agence de placement temporaire ou que vous y pensez ...

!

Au bas de l’échelle offre des séances d’informationsur le travail pour une agence de placement temporaire

L’objectif de ces rencontres est de mieux comprendre le fonctionnement des agences de placement, les difficultés que les travailleuses et les travailleurs expérimentent le plus souvent, les droits et les recours accessibles. Et surtout de donner un portrait le plus complet possible et répondre à vos questions.

Ces rencontres se tiennent dans les locaux d’Au bas de l’échelle. Consultez notre site web pour connaître la date de la prochaine

rencontre ! www.aubasdelechelle.ca

Nos plus sincères félicitations à Stéphanie Bernstein !

Page 7: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

Dans cette chronique, nous utiliserons l’expression « travail non déclaré » aussi appelée «travail au noir » ou «sous la table ».

Que ce soit par choix personnel ou en raison des pratiques illégales de l’employeur, la personne qui a un travail non déclaré est vulnérable face à son employeur et croit souvent à tort qu’elle n’a aucune protection de la loi. Dans le cadre de cette chronique, nous allons vous informer au sujet des inquiétudes très répandues à ce sujet.

Une personne qui a un travail non déclaré peut-elle porter plainte à la Commission des normes du travail (CNT) ?

Selon les définitions de l’Agence du Revenu du Québec (ARQ) ou du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MESS), le travail non déclaré est un salaire non déclaré. Le fait de déclarer ou non un salaire ne changera pas les conditions de travail minimales prévues par la Loi sur les normes du travail (LNT).

Une personne qui a un travail non déclaré a donc la possibilité de déposer des plaintes à la CNT, notamment pour récupérer du salaire non payé, pour réclamer un salaire égal au salaire minimum, ou pour contester un congédiement injustifié. Malgré tout, la personne est souvent bien inquiète des impacts que cette dénonciation

pourrait avoir sur ses déclarations de revenus et sur ses prestations d’aide sociale reçues du MESS.

Quelles seront les conséquences d’une plainte à la CNT sur mes anciennes déclarations de revenus à l’ARQ? Que se passera-t-il si je reçois ou ai reçu de l’aide sociale ou des prestations de l’Assurance-emploi (AE)?

Il est important de savoir que des croisements d’informations permettent aux agences gouvernementales de trouver des situations de travail non déclaré.

Si suite à votre plainte, la CNT réclame des montants manquants et réussit à obtenir un paiement de la part de votre employeur, l’impôt sera automatiquement retiré du montant ce qui rendra visible le travail non déclaré. Il y a possibilité alors pour l’ARQ de savoir que l’argent découle d’une plainte à la CNT. L’ARQ ira alors vérifier si vous n’avez pas déclaré d’autres revenus reçus de la part de cet employeur. Elle peut réviser vos déclarations en remontant jusqu’à six ans (des pénalités sont aussi prévues).

Une modification de votre déclaration de revenus par l’ARQ entraînera automatiquement un signalement au MESS qui révisera vos

7

Chronique juridique : Comment sortir du travail non déclaré ?

Page 8: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

8

allocations d’aide sociale ainsi que les montants qui vous ont déjà été versés. Une fraude à l’aide sociale est extrêmement grave, car en plus de devoir rembourser les allocations reçues en trop, la travailleuse ou le travailleur peut recevoir une amende pouvant aller jusqu’à 5 000 $.

Si vous avez reçu des prestations de l’AE pendant que vous aviez un travail non déclaré, l’AE pourra réclamer les prestations payées en trop. Elle peut réviser vos prestations en remontant jusqu’à six ans. Des pénalités et intérêt sont aussi prévus.

Qu’est-ce que je peux faire si je veux régulariser ma situation ?

Avoir un travail non déclaré n’est pas toujours un choix, c’est pour cela que l’ARQ, le MESS et l’AE ont mis en place la procédure de Divulgation volontaire. Cette procédure permet aux personnes de régulariser leur situation tout en pouvant être assurées de ne pas être pénalisées ni poursuivies devant les tribunaux. La personne devra évidemment rembourser la somme des impôts et des intérêts qu’elle n’a pas versée durant les années de revenus non déclarés et rembourser l’aide sociale ou les prestations d’AE reçues en trop. Une entente avec l’ARQ est toutefois possible pour les cas où la personne n’est pas capable de rembourser la totalité de la somme immédiatement. Pour ce qui est du MESS et de l’AE, les sommes à rembourser ne sont pas négociables, mais il peut y avoir entente sur les modalités de

remboursement. La divulgation volontaire peut sembler très lourde de conséquences, mais peut, au final, aider beaucoup la personne à redresser sa situation et à faire respecter les normes minimales de travail auxquelles elle a droit. Si vous envisagez cette démarche, nous vous encourageons fortement à entrer en contact avec un groupe de support (aux assistés sociaux, aux chômeurs) ou encore avec un avocat. Sachez toutefois qu’une divulgation volontaire faite après qu’une enquête a commencé ne vous protégera pas nécessairement de la même façon.

En conclusion…

Avoir un travail non déclaré ne change pas les conditions de travail minimales prévues par la LNT et n’empêche pas de déposer une plainte à la Commission des normes du travail. Un travail non déclaré peut en revanche avoir de lourdes conséquences. Mieux vaut régulariser sa situation et s’éviter bien des ennuis pour l’avenir !

Un grand merci à Yannick Gagné, stagiaire d’Au bas de l’échelle en 2011-2012 pour son travail en préparation de cette chronique ! Merci aussi à Me Tremblay de Ouellet, Nadon et associéEs, à Jean-François Pelchat de la CNT et à Martin Richard du Mouvement Action Chômage de Montréal.

Page 9: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

9

Les changements au régime canadien d’assurance-chômage imposés par le gouvernement Harper dans le cadre de sa première « loi mammouth » (C-38) viennent saccager le peu qui restait d’un programme social ayant déjà été largement massacré au cours des années 1990. À moins d’un changement de cap, ils auront pour effet de précariser et d’appauvrir l’ensemble des travailleurs et travailleuses du pays.

Depuis les grandes réformes opérées par les gouvernements Mulroney et Chrétien, la protection des salariéEs en situation de chômage s’est vue réduite comme une peau de chagrin. Après que le gouvernement s’est retiré du financement de la caisse de l’assurance-chômage2, une série de mesures ont fait en sorte que le taux de couverture du régime a pratiquement chuté de moitié : alors qu’auparavant, environ 85 % des sans-emploi avaient droit à l’assurance-chômage, cette proportion est tombée à plus ou moins 45 %.Tout en haussant les seuils d’admissibilité au régime, on a réduit le taux de prestations, diminué le nombre de semaines payables et exclu les salariéEs ayant quitté leur emploi « sans justification » ou ayant été congédiéEs à

la suite d’une inconduite alléguée par leur employeur. C’est ainsi que la caisse s’est mise à accumuler d’énormes surplus (57 milliards $ sur 12 ans !), dont le gouvernement s’est allègrement emparé.

Répondant aux exigences d’organismes tels l’OCDE et aux impératifs de la mondialisation, ces réformes visaient ouvertement à exercer une pression à la baisse sur les conditions de travail des salariéEs et à affaiblir leur rapport de force face au patronat. Mais pour une raison ou une autre, les gouvernements de l’époque avaient oublié de s’en prendre à certaines dispositions du régime qui s’avéraient encore favorables aux travailleurs et travailleuses. C’es t ce t te « e r reur » que l ’ac tue l gouvernement Harper a décidé de corriger…Le premier changement qui découle du projet de loi C-38 touche à la définition de ce qui constitue un emploi convenable pour un prestataire d’assurance-chômage en recherche d’emploi.

Il faut savoir, tout d’abord, que chaque prestataire est tenu d’être disponible et capable de travailler, ce qui doit se traduire par une recherche d’emploi active. La loi actuelle lui

RÉFORME DE L’ASSURANCE-CHÔMAGEQue restera-t-il pour protéger les sans-emploi ?

Par Jacques BEAUDOIN

Intervenant au Mouvement Action-Chômage de Montréal

Page 10: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

permet toutefois de refuser un emploi qui n’est pas convenable. L’emploi convenable est défini grosso modo comme un emploi dans le même domaine et au même salaire que celui occupé antérieurement. Sauf exception, un prestataire ne peut donc être pénalisé s’il refuse un emploi lui offrant des conditions inférieures à celles dont il jouissait. C’est précisément cela que C-38 vient changer.

Dorénavant, la définition de ce qui constitue un emploi convenable variera selon les antécédents de chômage du prestataire. Ainsi, au cours des six premières semaines de leur période de chômage, ceux que le gouvernement qualifie de prestataires fréquents3 seront tenus d’accepter tout emploi semblable à leur emploi habituel et à 80 % de leur salaire horaire antérieur ; à compter de la septième semaine, le seuil diminuera à 70 % pour tout emploi pour lequel ils sont qualifiés. À l’intérieur de ce barème, le seul emploi qui sera considéré non convenable en sera un de… briseur de grève. Pour quelqu’un ayant occupé un emploi à 18 $ l’heure, cela signifie qu’il devra accepter un job à 12,60 $. Et la fois suivante, ce sera… 70 % de 12,60 $ !4

Quant à eux, les travailleurs de longue date5 jouiront d’une période de 18 semaines pendant laquelle ils devront accepter un emploi dans le même domaine d’activités et à 90 % de leur salaire antérieur, à la suite de quoi, le seuil

baissera à 80 %. (Entre ces deux catégories, les prestataires occasionnels seront soumis à des barèmes intermédiaires.) En outre, tout emploi se situant à l’intérieur de ces barèmes et accessible à moins d’une heure de déplacement du domicile sera jugé convenable. Rappelons qu’en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, le refus d’une offre d’emploi convenable ou le fait de négliger de postuler sur un tel emploi entraîne la perte de 7 à 12 semaines de prestations.

Ces changements auront un impac t év iden t su r l e s travailleurs saisonniers, qui tomberont nécessairement dans la première catégorie (celle des « prestataires fréquents »). On imagine sans peine ce que ça pourra avoir comme conséquence dans les régions où par définition, le travail est de nature saisonnière. Mais on aurait tort de penser que cela n’aura pas d’impact ailleurs, ni dans les grands centres.

Les prestataires fréquents, ce seront aussi les travailleurs et travailleuses précaires : les employéEs des agences de placement temporaire, qui passent d’une affectation à une autre et qui, entre les deux, subissent des périodes de chômage plus ou moins longues ; les travailleurs du secteur de la construction, dont la moyenne d’heures travaillées annuellement se chiffre à environ un millier

10

Page 11: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

11

(l’équivalent de six à huit mois d’ouvrage) ; les chauffeurs d’autobus scolaires ; les chargéEs de cours des cégeps et universités ; les préposéEs au déneigement, les horticulteurs… Tous et toutes seront touchés, y compris les travailleurs de longue date, qui en seront peut-être à leur première demande de prestations de toute leur vie, mais de qui on exigera quand même qu’ils acceptent de travailler à moindre salaire.Pour les employeurs, ce sera désormais encore plus facile d’utiliser la pression créée par le fait qu’il existe un immense bassin de sans-emploi par ailleurs tenus d’accepter des emplois à des salaires moindres pour exercer une pression à la baisse sur leurs propres salariéEs, particulièrement en milieu non syndiqué. Bref, c’est l’ensemble du monde du travail qui est visé par les changements que le gouvernement Harper souhaite mettre en vigueur à compter du début de l’année 20136.

Parmi les autres mesures prévues dans le projet de loi C-38, il faut aussi mentionner la disparition des tribunaux administratifs (conseil arbitral et juge-arbitre), qui permettaient depuis toujours aux prestataires de contester, dans le cadre d’un processus rapide, simple et plutôt équitable, les décisions de la Commission de l’assurance-emploi. À compter du 1er avril prochain, ces tribunaux seront abolis et remplacés par un nouveau tribunal beaucoup moins accessible, dans le but

avoué de réduire de manière importante le nombre d’appels logés par les prestataires.

Dorénavant, le droit d’appel ne sera plus automatique. Les prestataires devront d’abord passer par une demande de révision administrative, ce qui allongera nécessairement les délais avant qu’une décision finale soit rendue. Si la personne appelante réussit à se rendre devant le nouveau tribunal, elle sera entendue par vidéoconférence et par un décideur seul nommé par le gouvernement, alors qu’actuellement, le conseil arbitral siège partout au pays et est formé de trois décideurs, dont l’un est nommé à partir de listes de candidatures soumises par les grandes organisations syndicales. La Loi sur l’assurance-emploi est déjà sévère et peu favorable aux travailleurs et travailleuses ; or, ce sont les tribunaux administratifs qui l’interprètent, et on a toutes les raisons de croire que la jurisprudence issue du nouveau tribunal ira dans le sens d’une interprétation encore plus étroite de ses dispositions.

Page 12: 7 octobre: Journ e mondiale pour le travail d cent › assets › files › nos publications...féliciter Stéphanie Bernstein, professeure et directrice du Département des sciences

12

Les groupes de chômeurs et chômeuses membres du Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE) ont entrepris depuis septembre une grande campagne contre le « saccage de l’assurance-chômage ». Une quarantaine d’assemblées publiques ont eu lieu un peu partout à travers la province, rassemblant des milliers de personnes qui ont témoigné de leur inquiétude face aux changements annoncés.

Le 27 octobre, plus de 2 000 personnes se sont rassemblées à Thetford Mines devant le bureau du ministre Christian Paradis pour dénoncer la réforme. D’autres manifestations ont eu lieu en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine et dans les provinces maritimes. Les quatre grandes centrales syndicales québécoises ont fait de même, tout comme les premiers ministres des quatre provinces maritimes. Au Québec, l’Assemblée nationale a adopté une motion unanime pour exiger du gouvernement Harper qu’il renonce à sa réforme. À Ottawa, les

quatre partis d’opposition se sont également prononcés dans le même sens.

Il reste maintenant à faire en sorte que cette mobilisation s’étende à travers tout le pays et q u ’ e l l e s o i t s u f f i s a m m e n t f o r t e e t « dérangeante » pour forcer le gouvernement Harper à faire machine arrière.

1 Autrefois tripartite, l’actuel Compte des opérations de l’assurance-emploi n’est désormais financé que par les seules cotisations des salariéEs et employeurs.2 Il s’agit des « mauvais chômeurs », qui ont présenté trois demandes de prestations ou plus et bénéficié d’au moins 60 semaines de prestations au cours des cinq dernières années.3 La ministre responsable de l’assurance-chômage, Diane Finley, s’est sentie obligée de préciser que personne ne sera obligé d’accepter un emploi en deçà du salaire minimum…4 Aux yeux du gouvernement Harper, il s’agit des « bons chômeurs », qui ont cotisé au régime pendant au moins 7 des 10 dernières années et n’ont pas reçu plus de 35 semaines de prestations au cours des cinq dernières années.5 La date exacte nous est inconnue, alors qu’on attend toujours le texte du règlement que le conseil des ministres doit adopter.