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Le projet d’établissement

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Le projet d’établissement

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1) Quelques précautions pour éviter que le PÉ ne se résume à… É!

1) L’état des lieux peut vouloir déborder les murs de l’établissement et embrasser une étude exhaustive du milieu de vie des élèves, incluant un portrait complet de la communauté que dessert l’établissement… avec de nombreuses statistiques (pas toujours faciles à obtenir) à l’appui. Une telle ambition est parfaitement louable. Pour autant, il serait bon de se poser la question : « cette étude a-t-elle le potentiel d’influencer nos actions? Sommes-nous disposés à envisager des actions qui débordent de nos murs ». Il se peut que oui. Il se peut, par exemple, qu’une telle étude puisse donner l’idée d’interpeler les familles qui préfèrent garder les filles à la maison pour certaines tâches. On peut imaginer une région où ces familles sont moins sensibilisées à l’importance de la scolarisation. Pour ces familles, on pourrait imaginer une campagne de sensibilisation à l’idée de se montrer solidaire avec l’école pour rehausser le niveau de scolarité de la région, donc de les aider à trouver des alternatives à la rétention à la maison des jeunes en âge de fréquentation scolaire, notamment les filles. En somme, l’état des lieux doit mener à des actions concrètes, pas à de volumineux rapports!

2) Ensuite, les partenaires que le DÉ interpelle doivent l’être avec le souci de les mobiliser, ce qui exige temps et patience. La manière la plus rapide de boucler un état des lieux, c’est de le faire seul! Mais à l’autre extrême, si on interpelle tous les partenaires imaginables, même les plus éloignés de la réalité quotidienne des élèves, on pourra difficilement converger vers une lecture rassembleuse. Entre ces deux extrêmes, on sera bien avisé de conduire l’état des lieux avec un nombre limité, mais stratégique de partenaires, à commencer par le conseil de gestion et le personnel enseignant. Leur action quotidienne, en première ligne, est primordiale pour la réussite du PÉ.

3) En outre, les outils employés doivent eux aussi être sélectionnés en vue de l’action. Le plus simple, et le plus immédiat, ce sont les bulletins scolaires : ils requièrent un effort minimal (puisqu’ils font déjà partie de la panoplie scolaire habituelle) et débouchent directement sur des actions pédagogiques, comme par exemple le constat que les faibles résultats dans les problèmes, en mathématiques, sont possiblement dus à des difficultés à lire et à comprendre des consignes complexes. On peut recourir à des outils plus complexes (des groupes de convergence, des sondages, des analyses documentaires, etc.) si on a de bonnes raisons de croire que cela va déboucher sur des actions. Il ne faut toutefois pas négliger l’informel : les verbalisations spontanées du personnel scolaire sont une mine de renseignements. Les acteurs scolaires connaissent bien leur milieu, même sans appareillage sophistiqué. Le défi, quand on tend l’oreille dans l’informel, c’est de réussir à faire la part entre les doléances souvent légitimes, mais sur lesquelles notre pouvoir est négligeable (ex : « Ah! si seulement on réduisait le nombre d’élèves dans ma classe… ») et les analyses déguisées en complaintes : « Ah! mes élèves sont tellement désorganisés : je n’ai pas fini la seconde consigne qu’ils ont déjà oublié la première! ». Une telle complainte cache un état des lieux à propos des compétences des élèves, surtout s’il est partagé par de nombreuses personnes au sein de l’établissement.

4) Enfin, un état des lieux bien mené anticipe les actions à venir par la suite. Typiquement, un état des lieux exhaustif révèlera deux catégories de « forces et faiblesses » : celle des élèves (ils ne sont pas assez ceci, ou beaucoup trop cela…) et celle de l’établissement (qui est beaucoup trop ceci… et pas assez cela). Un état des lieux judicieux prendra bien soin de conserver cette seconde partie pour la section « Actions ». Par exemple, si la première catégorie révèle que les élèves échouent en mathématiques à cause des difficultés en lecture, tandis que la seconde partie révèle qu’une majorité du personnel enseignant connait peu ou pas la didactique de la lecture, le PÉ pourra inscrire la lecture au chapitre de ses priorités, et l’appropriation (par le personnel) de l’enseignement explicite des stratégies de lecture au chapitre de ses actions.

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2) Un outil pour repérer des idées d’actions prometteuses

Récapitulons la démarche jusqu'ici:

L'état des lieux a été effectué et on a pris soin de bien distinguer les besoins des élèves, surtout en matière d’apprentissages.

Parmi ces besoins, certains ont été retenus à titre de priorités du PÉ

Ces grandes intentions ont été traduites en objectifs précis et susceptibles d'être évalués

... et là, au moment de passer à des actions concrètes, au moment de donner des dents au PÉ, il y a un risque : que les actions envisagées pointent loin du vécu central de l’élève : les apprentissages, au quotidien.Lorsque vient le temps d'identifier les principaux acteurs de la mise en œuvre du PÉ, c’est tout un défi pour que chacune et chacun, à commencer par le personnel enseignant, se regarde et se dise: «avec les moyens dont je dispose, même insuffisants, que puis-je faire en classe, moi, pour que mes élèves deviennent...

... meilleurs lecteurs? ... plus méthodiques? ... plus motivés? ... plus ponctuels?

Il existe une stratégie pour relever ce défi : conduire une tempête d’idées au moyen de la grille qui a été présentée dans la capsule théorique et exploitée au cours de la présente activité.La grille ci-après peut aider à la cueillette d’idées :

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3) Le lien entre le PÉ et la formation continue du personnel enseignant

Mettons-nous dans la peau d'une enseignante. Elle œuvre au sein d’un établissement qui a ciblé la motivation des élèves. L’état des lieux a identifié la démotivation comme étant un frein majeur à la réussite.Imaginons qu’elle participe à une tempête d'idées pour trouver des solutions : quelles actions mettre en œuvre pour améliorer la motivation des élèves.On peut prévoir que cette tempête d’idées va générer une liste de moyens sans doute fort utiles :

varier les approches pédagogiques, proposer des semaines thématiques, offrir des projets plus intéressants, revoir le tableau d'honneur et de récompenses,... etc.

La réunion terminée, cette enseignante replonge dans son quotidien. Une demi-heure plus tard, il y a fort à parier qu'elle se souvient d’une portion seulement des items sur cette liste. Pendant ce temps, le comité de pilotage s'affaire à compiler les idées énoncées.Deux semaines plus tard, au moment où le PÉ est envoyé à l'imprimerie, c'est au tour des membres du comité de pilotage de ne se souvenir que d’une portion des moyens retenus, et pas des mêmes items en plus.L'été passe... La rentrée amène des visages nouveaux. La direction de l’établissement est-elle alors capable de leur communiquer, de mémoire,

les attentes du PÉ? et les moyens privilégiés pour les atteindre?

À défaut de pouvoir les verbaliser spontanément, elle risque de leur distribuer toute la liste des moyens retenus, dont certains, il faut le reconnaitre, sont plutôt vagues : « varier les approches pédagogiques ». De sorte que tout le travail prometteur, depuis l’état des lieux jusqu’à cette tempête d’idées... risque de demeurer lettre morte.La solution? On peut déjouer ce risque en se mettant d'accord sur un seul levier particulièrement prometteur : une action déterminante sur laquelle on est justifié de fonder nos espoirs.

À propos de la motivation scolaire par exemple, les travaux de Rolland Viau nous apprennent que ces leviers déterminants sont au nombre de quatre :

1. les activités pédagogiques proposées2. l’évaluation3. le système de récompenses et de sanctions4. et l’enseignant lui-même.

1. Sur l'impact des activités pédagogiques, la recherche empirique nous apprend qu'elles doivent réunir six conditions pour affecter la motivation à la hausse :

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avoir une certaine signification pour les élèves, représenter pour eux un défi à relever; mener à des réalisations semblables à celles qu’ils retrouvent dans la vie courante; être d’un niveau de difficulté qui exige de s’engager sur le plan cognitif; les responsabiliser en leur permettant de faire des choix; comporter des objectifs et des consignes clairs.

2. Sur les impacts d'une évaluation axée sur le rendement et la comparaison, la recherche empirique nous en révèle trois :

les élèves plus faibles voudront protéger leur amour-propre, donc auront recours à des stratégies d’évitement;

tous les élèves auront tendance à ne valoriser que les activités qui sont notées; un grand nombre d'élèves opteront pour les activités faciles plutôt que celles qui

comportent un défi susceptible de conduire à des apprentissages durables.

3. Sur l'impact du système de récompenses et de sanctions, la recherche empirique nous met en garde contre les effets pervers, i.e., le risque que nos élèves se mettent à travailler pour obtenir des récompenses, non pour le plaisir d'apprendre (avec cette nuance : les récompenses sont utiles si elles se présentent sous forme de commentaires encourageants qui aident les élèves à se percevoir comme capables d'accomplir la tâche demandée.)4. Sur l'impact de l'enseignante ou de l’enseignant, la recherche empirique nous apprend qu'il ne suffit pas d'être chaleureux avec ses élèves, c’est-à-dire ouvert, ayant le sens de l’humour, empathique, ...etc. Pour augmenter la motivation des élèves, encore faut-il se montrer compétent à organiser et à gérer sa classe d’une manière efficace.En somme, on le voit, chacun des quatre leviers identifiés par Viau lui-même, a une importance sur un univers de changements (potentiellement) majeurs. Une communauté éducative serait donc bien avisée de n'embrasser que peu de changements si elle veut les étreindre avec force, rigueur et surtout persistance. Autrement dit : si elle veut que ces changements portent fruit.Y a-t-il un levier qui soit assurément plus prometteur que les trois autres? La recherche empirique, dans un champ aussi complexe que la motivation scolaire, est incapable de trancher la question.La seule manière de trancher, ici, c’est d’user de leadership. Donc de bien « lire/décoder » son personnel et de le mobiliser autour du levier qui semble le plus susceptible d’être adopté. Il vaut mieux une équipe déterminée à creuser à fond, mais sérieusement, le seul levier du système de récompenses et de sanctions, et qui chemine collectivement sur cette question... qu’une équipe qui embrasse tous les leviers, mais seulement sur papier...

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4) Le droit à l’erreur

«L'évaluation est quelque chose qui s'apprend. Ainsi que pour tout apprentissage, il faut se donner le droit à l'erreur. Ici, ce qui distingue l'erreur de la catastrophe, c'est souvent la grandeur du territoire sur lequel se répercute cette même erreur. Beaucoup de bonnes méthodes de gestion et

d'évaluation se sont perdues parce qu'on avait omis ce principe. S'accorder le droit à l'erreur, cela signifie qu'il faut commencer petit, «se faire la main» et tirer leçons de ses erreurs avant de généraliser à tout le système.»*

--*Jacques Plante--

L'échec (à atteindre nos cibles) est hautement probable pour au moins trois raisons:

l'effet véritable de pratiques nouvelles sur nos élèves est observable au mieux trois ans après l'amorce de ces pratiques, soit au lendemain de l'échéance de la majorité des PÉ

si entre-temps effet il y a, cet effet risque d'être dû à une série de facteurs dont le contrôle nous échappe: erreurs d'échantillons, impondérables (ex: effet d'épreuve et/ou de cohorte), évolution des instruments d'évaluation, évolution de l'approche même en évaluation, ...etc.

le but officiel de l'évaluation (porter un jugement sur l'efficacité de nos moyens) diffère du but réaliste et souhaitable: modifier la culture dans nos établissements; et ce changement culturel ne se prête pas aisément à la logique des indicateurs et des cibles.

Pourquoi insister sur l'erreur avant même que l'encre n'ait séché sur le PÉ? Ne serait-ce pas rabat-joie et défaitiste si les pilotes de la démarche annoncent déjà son échec?Au contraire. Si on veut donner des chances aux finalités non explicites de

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l'évaluation—i.e., des améliorations de pratiques, aussi bien au plan de la gestion que de l’enseignement, il est vital de sentir qu'on peut se tromper.Au mieux, on bénéficiera d'un climat où l'audace, donc l'erreur, est valorisée. Sans un tel climat, sans un coussin de sécurité pour nous accueillir si on se trompe, sans les ailes de la confiance pour nous élever hors du connu, on risque de ne vouloir affronter que des problématiques triviales ou n'accepter de se fixer que des cibles faciles.Et là, le rôle des leaders reconnus est primordial. Ces leaders savent poser les bonnes questions, celles qui donnent des ailes, pas celles qui éteignent les initiatives.

- « Nous n’avons pas atteint nos cibles en lecture ? »

- « Heu... non... »

- « Bon d’accord, vérifions d’abord si nous avons mis en œuvre les actions promises :

o s'est-on soi-même formé dans le moyen en question (ex: est-on familier avec les stratégies pour venir à bout d'un texte difficile)?

o s'est-on assuré que nos élèves les connaissent, surtout ceux qui en ont le plus besoin?

o et surtout: s'est-on soucié du transfert? i.e., s'est-on astreint à observer si les élèves qui en ont le plus besoin sont capables de mobiliser ces stratégies lorsqu'ils rencontrent des difficultés? »

Une fois ces deux étapes franchies..., i.e.,

il n'y a aucune justification ad hoc évidente et l'équipe a fait ce qu'elle avait convenu de faire, et bien à part ça...

... on peut commencer à blâmer le moyen lui-même (avant de blâmer les individus !)Le blâmer ne signifie pas l'écarter: il est peu probable qu'un seul moyen, si judicieux qu'il puisse paraître, porte à lui seul toute la responsabilité.S'il a été suggéré par la recherche empirique (i.e., il incite l'élève à être activement engagé dans ses apprentissages), on serait bien avisé de lui donner une seconde chance ou de le compléter avec une autre action.À titre d'exemple, on a eu recours à des pédagogies actives pour mousser la motivation scolaire (ou encore pour améliorer la maîtrise de l'écrit) mais on n'a pas modifié sa philosophie de l'évaluation (dont on sait pourtant l'effet déterminant sur la motivation, à la hausse et surtout à la baisse.)Lorsque tous les réajustements ont été épuisés, on peut remettre en question la perspective qui sous-tend le ou les moyen(s) tenté(s).Un exemple: Si l'on échoue à augmenter le niveau de maîtrise de l'écrit en

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faisant écrire davantage les élèves, on peut se demander si notre prémisse (pour mieux écrire, il faut écrire plus souvent) était fondée.Peut-être vaut-il mieux repartir sur d'autres prémisses, comme: pour mieux écrire, il faut le faire dans des situations productrices de sens et signifiantes, peu importe leur fréquence.En somme, il ne s’agit pas automatiquement d’abandonner l’action-classe jusque-là choisie.

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5) Efficacité accrue ou changement de culture scolaire ?

Ces quelques convictions guident la démarche ÉPAR ici préconisée :1) L'évaluation, sous-jacente au PÉ,

fait appel à des compétences et à des ressources dont on ne dispose pas toujours en milieu scolaire

provoque des résistances puis, au bout de plusieurs efforts/années et dans les meilleurs cas, un changement de culture de l'évaluation

ne sert ni à répondre à une commande ministérielle ni à transposer au monde scolaire la logique cartésienne des plans d'affaires;

2) elle sert, dans les meilleurs cas, à faciliter le passage d'une culture tayloriste à une culture de la responsabilisation collective

3) (en conséquence des deux premières prémisses:) tout ne mérite pas d'être évalué, seulement

ce qui a le plus de probabilité de nous aider à atteindre nos cibles, i.e., la principale action-classe retenue pour un objectif donné

et ce qui est susceptible de rallier, mobiliser, motiver, ...etc., i.e., l'objectif en question, mais encore faut-il

o que l'analyse à la base de cet objectif soit fondée sur les préoccupations-terrain des principaux concernés: les enseignants (autrement dit, il faut se méfier d'objectifs téléguidés par la direction ou d'autres acteurs, sans l'implication des enseignants)

o et qu'on se soit donné la peine de rédiger cet objectif de manière à ce qu'il puisse être évalué

4) Malgré toutes les précautions et la rigueur du monde, et c'est là le paradoxe le plus frustrant en milieu scolaire, il est hélas! probable

que les variations de notre cible n'aient rien à voir avec nos efforts

que les impacts véritables de nos actions ne soient observables qu'après l'échéance du présent PÉ

5) L’évaluation n'est donc pas un enjeu méthodologique, c'est une question politique et stratégique. Autrement dit, la qualité, ici, ne se reconnaît pas à l'arsenal des outils déployés; elle se reconnaît aux changements dans les attitudes—la responsabilisation de chacune et chacun au premier rang d'entre ces attitudes.En cohérence avec ces prémisses, on serait bien avisé de limiter à deux les modes d'évaluation:

qui fera quoi, quand et comment pour nous assurer que notre objectif est atteint?

qui fera quoi, quand et comment pour nous assurer que le principal moyen-classe a bel et bien été mis en œuvre?

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Ces deux petits pas, pour modestes qu'ils puissent apparaître, risquent de mener nulle part (et en tous cas pas vers le changement de culture susmentionné) si ces quelques précautions ne sont pas prises.

1) le comité de pilotage du PÉ devrait prendre le temps de clarifier le pourquoi de l'évaluation et de faire émerger les résistances (leur absence sera suspecte)

2) la direction de l’établissement devrait clairement communiquer les résultats attendus (ex: faire mieux que le taux de déperdition des milieux dits comparables; augmenter de tant la proportion des élèves qui réussissent tel examen; réduire de tant le % d’élèves présentant un retards; ...)

3) la direction de l’établissement devrait pouvoir confier à chacun un mandat clair et explicite, d'où l'exhortation de ce cahier à focaliser nos énergies sur un seul moyen-classe, notamment celui que la recherche empirique recommande le plus;

ex: dans une école qui vise tel taux de réussite en français écrit, la direction de l'école me confie à moi, enseignant dans cette école, la responsabilité

d'inculquer à mes élèves le même outil d'autocorrection employé par tous mes autres collègues dans l'école

puis de choisir l'une ou l'autre de ces trois stratégies-clé identifiées par l'équipe (l'enseignement explicite des stratégies, la pédagogie du projet, la nouvelle grammaire) et de dire laquelle

enfin, d'expliciter mes besoins en formation, accompagnement, ...etc., en lien avec ces moyens.

4) la direction de l’établissement devrait suivre à la trace, et selon un calendrier convenu, l'évolution de ce mandat

5) la direction de l’établissement devrait inscrire la formation du personnel au cœur de ce suivi

6) la direction de l’établissement devrait prévoir des occasions pour signaler les progrès, les bons coups, l'engagement de chacun; dans la mesure où les effets directs sur les élèves risquent de tarder à se voir, on sera bien avisé de prévoir une séquence de défis,

ex: % d'enseignants qui connaissent telle ou telle approche pédagogique, % d'élèves qui la vivent, ...etc., avant de passer au vif du sujet: % d'élèves qui apprennent plus et mieux grâce à ces approches différentes.

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En matière d'évaluation, pour clore, il y a plusieurs raisons de se limiter à la théorie des (deux) petits pas, et au moins autant de précautions à prendre si on veut se rendre à bon port—une école où chacun se sent co-responsable de tous les élèves.

6) Quels sont les signes extérieurs d’un leadership efficace?

En février 2012, Pamela Mendels publiait une revue de la littérature scientifique récente. Son étude fait ressortir cinq « pratiques » caractéristiques de leaders reconnus au plan des apprentissages scolaires :

1. Des paroles martelées Les leaders reconnus formulent un crédo pédagogique explicite, sans cesse rappelé afin qu'il soit connu de tous (ex: « un élève qui a peur ne peut apprendre », ou encore: « nos attentes influencent nos élèves: plus elles sont hautes et plus les élèves s'en approcheront »)

S’agissant du PÉ, les DÉ-leaders font émerger une vision rassembleuse (ex : « tous nos élèves, avant l’âge de 10 ans, sans la moindre exception, devraient pouvoir lire correctement ») et la martèlent à chaque fois que l’occasion se présente. Pour espérer mobiliser, une vision doit quitter les documents pour se loger dans la mémoire de travail de chaque individu concerné par ce PÉ.

2. Une croyance profonde Les leaders reconnus savent qu’une bonne école n'est pas seulement la somme des individus qui y travaillent, côte-à-côte, isolément les uns des autres. Aussi, ces leaders font tout pour que leur école devienne une véritable communauté où règnent l'entraide et la confiance.

S’agissant du PÉ, les DÉ-leaders savent que la « ressource » la plus précieuse, pour la réussite de leurs élèves, réside à l’intérieur des murs de l’établissement : c’est le personnel scolaire. Ces leaders sont conscients de toute leur influence sur les énergies que peut déployer ce personnel. Ces leaders savent enfin qu’il ne suffit pas d’additionner les énergies individuelles mais bien plutôt de les multiplier les unes avec les autres, donc de favoriser la concertation à chacune des 4 étapes du PÉ.

3. Une attitude Les DÉ reconnus savent que le leadership n’est pas exclusif au détenteur du pouvoir formel (le DÉ) ; c’est une qualité partagée. Elle augmente chez soi lorsqu’on la nourrit chez les autres, y compris chez les membres les plus humbles d’une communauté éducative.

S’agissant du PÉ, les DÉ-leaders repèrent et nourrissent le plus de pôles de leadership possible, préférant le rôle de chef d’orchestre à celui de soliste-vedette. Concrètement, ça veut dire non seulement d’accepter que certains comités ou sous-comités du PÉ échappent à leur contrôle, mais mieux encore : les leaders reconnus s’en réjouissent lorsqu’un comité ou un groupe de travail est mené par une autre personne que celle qui détient le pouvoir formel dans l’établissement.

4. Un souci cardinal : Les leaders reconnus se concentrent sur les apprentissages des élèves. C’est un souci qui a des incidences pratiques et concrètes : les DÉ-leaders font tout pour que le personnel enseignant reçoive du feedback constructif sur son travail en classe. Dans certains

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cas, notamment au primaire, ça veut dire des visites en classe, même brèves, suivies de feedback précis et constructif; dans d’autres cas, notamment au qualifiant, ça veut dire inviter une personne dotée d’une expertise disciplinaire à faire ces visites. Pour que ce feedback ne prenne pas l’allure de jugement ou d’évènement exceptionnel, ces DÉ reconnus pour leur leadership nourrissent l’entraide entre les pairs : un feedback constructif en provenance d’un pair a souvent plus de chances de provoquer les changements escomptés.

S’agissant du PÉ, les DÉ reconnus s’assurent qu’à chacune des étapes, la qualité des apprentissages des élèves demeure au cœur des discussions. En particulier, ils s’assurent que le développement professionnel du personnel soit étroitement lié aux actions envisagées : de meilleurs apprentissages des élèves sont tributaires de pratiques enseignantes améliorées.

5. Une aptitude intellectuelle : Les leaders reconnus savent mettre la rigueur (ex : une fine lecture des statistiques scolaires) au service du soutien et du feedback constructif. Ils s’appuient sur des faits non pour juger ou condamner mais pour soulever des questions, motiver le personnel concerné, identifier les priorités, aiguiller au mieux les ressources disponibles, appuyer les arbitrages et les choix collectifs

S’agissant du PÉ, les DÉ reconnus pour leur leadership savent mettre le suivi et la régulation au service du développement des compétences : celles du personnel... pour que cela serve celles des élèves.

Source: The effective principal: Five pivotal practices that shape instructional leadership, Pamela Mendels, février

2012

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7) Une approche qui a beaucoup influencé la C100

En 1994, dans un texte intitulé

L'efficacité des établissements ne se mesure pas : elle se construit, se négocie, se pratique et se vit

…Monica Gather Thurler proposait des idées comme :[…] Lorsqu'on veut "mesurer son efficacité", on court le risque d'enfermer la dynamique d'un établissement dans une perspective classique et sommative, de croire que des catégories préfabriquées peuvent saisir une réalité constamment en mouvement, qui n'existe que dans l'espace d'interaction des acteurs concernés.

La problématique de l'efficacité a subi une évolution. On se distancie aujourd'hui de l'approche initiale, techniciste et quantificatrice, pour mettre en relation différents effets avec des caractéristiques qualitatives, telles que le climat de l'établissement, sa culture ou son éthique. Ces caractéristiques ne peuvent être captées par les méthodes classiques d'observation ponctuelle et externe, car elles participent de fonctionnements qui ne sont saisissables que dans la durée et en observant les interactions et les représentations des acteurs.

On peut faire un pas de plus et considérer que l'efficacité qui compte, en dernière instance, résulte d'un processus de construction, par les acteurs concernés, d'une représentation des objectifs et des effets de leur action commune. L'efficacité n'est plus définie de l'extérieur: ce sont les membres de l'établissement qui, par étapes successives, définissent et affinent leur contrat, leurs finalités, leurs exigences, leurs critères d'efficacité et, en fin de compte, organisent leur propre contrôle continu des progrès accomplis, négocient et mettent en œuvre les régulations nécessaires. […]

[…] l'enseignement [est] une profession avant tout artisanale, à l'intérieur de laquelle chacun construit ses propres significations, représentations et pratiques, à travers ses conceptions et valeurs, sa personnalité, sa manière d'être au monde et de s'y adapter, sa capacité de négocier et de réaliser ses besoins face aux contexte social fait d'ambiguïtés et de

conflits et qui obligent à une négociation constante avec autrui, les élèves, les parents, l'administration, les collègues. […] Dans cette perspective, la culture de l'établissement est perçue comme le produit d'actions communes régulières, ainsi que de la prise de conscience du fait qu'ensemble, dans une école, on fait bien davantage que de produire des apprentissages.[…] Insister sur l'auto-régulation des établissements conduit à lui accorder une autonomie importante, tant au stade de l'explicitation des critères et du diagnostic qu'à celui des actions entreprises. Cette conception tranche radicalement avec les pratiques bureaucratiques et centralistes encore actuellement en cours dans la plupart des systèmes scolaires. Elle repose implicitement sur un ensemble de postulats quant à la manière dont s'opère le changement […]:

1. aucun changement ne se produit si l'on ne tient pas compte des caractéristiques particulières de l'école et du milieu qui l'entoure;

2. les enseignants ne prendront aucun intérêt personnel au changement (y compris à l'évaluation) s'ils ne sont pas associés aux décisions qui concernent les objectifs et les démarches adoptées;

3. une école efficace se caractérise par le fait que le mouvement est commun à l'établissement tout entier, qu'il existe un ensemble d'objectifs unanimement partagés et une méthode d'enseignement unifiée;

4. dès qu'un effort de planification incite le corps enseignant à prendre conscience de la situation et à y réfléchir, les chances sont beaucoup plus

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grandes que le personnel modifie son comportement et ses attitudes.

Dans la pratique, on constate que les établissements ne dépassent que rarement le premier stade […], celui du diagnostic. On peut envisager diverses explications:

le concept même d'évaluation n'est pas clair, on manque de critères précis; en même temps, il serait faux de vouloir les imposer d'emblée: ils doivent se négocier à l'intérieur de l'établissement et des équipes éducatives;

la finalité de l'évaluation n'est pas claire:

o évalue-t-on de manière sommative un produit final, afin de pouvoir enfin comparer et ordonner divers établissements, ce qui permettrait à des tiers d'utiliser ces résultats à des fins "stratégiques" (évaluation des fonctions, attribution de ressources, etc.)?

o Ou se trouve-t-on dans une logique d'évaluation formative/formatrice, dont le but consiste à mettre en route un processus à long terme dont les enseignants eux-mêmes deviennent responsables? S'agit-il de se situer par rapport à des normes externes?

o Ou de prendre le temps de confronter les pratiques et de faire émerger des normes internes, explicites et implicites, quitte à décider de les modifier par la suite? A qui rendre compte des résultats de l'évaluation? Sont-ils automatiquement communiqués aux autorités, aux parents ou, appartiennent-ils d'abord à l'équipe enseignante?

Dans la plupart des cas, il manque une structure suffisante qui permettrait à l'équipe de faire du

bon travail. Une telle entreprise prend du temps et ne peut être menée en sus des tâches habituelles. Elle nécessite un soutien adroit et professionnel par un intervenant externe, versé dans les méthodes d'animation et connaissant bien la réalité du terrain, pour mettre en route la réflexion, pour aider les participants à se parler et à s'écouter, pour mettre en discussion tant les points forts que les dysfonctionnements, pour protéger les enseignants d'une fuite en avant, pour les amener à verbaliser et à formuler les points sensibles, les non-dits et les tabous, etc.

[…] Aucun instrument d'évaluation ne fera jamais l'unanimité : Même construit à des fins de comparaison "scientifique", il aboutira à des résultats qui seront toujours doublement contestés du point de vue de leur validité et de leur fiabilité en rapport avec les données contextuelles spécifiques. Même construit en tenant compte des divers aspects de l'efficacité de l'établissement, et en définissant des critères de manière "soft" et aménageables à souhait, il se heurtera aux représentations subjectives et divergentes des enseignants concernant leurs tâches, leur rôle, leur responsabilité.

Tous les objectifs ne sont pas également évaluables : Les exigences de la mesure privilégient des objectifs sur le plan des contenus cognitifs et des performances, tout ce qui est transformable en items et en questions objectivables et mieux encore, quantifiables. Par contre, l'évaluation d'objectifs globaux, tels que la créativité, la cohérence, la collaboration, le style de leadership etc. exigerait des instruments très complexes et sophistiqués qui ne produiraient que des estimations très discutables. Se restreindre aux objectifs facilement évaluables obligerait donc de limiter l'évaluation aux aspects les plus conventionnels de l'établissement, qui n'ont, par expérience, qu'un impact limité sur le changement des attitudes et des pratiques.

Un constat d'inefficacité ne débouchera qu'exceptionnellement sur le changement : Contrairement au monde de l'entreprise, où de tels constats aboutissent rapidement à des mesures radicales tant sur le plan de la

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restructuration du personnel que sur celui des pratiques, l'école gère différemment les différences inter-personnelles: on s'accommode, on ne juge pas ouvertement, on évite d'entrer en discussion sur certains sujets, on censure. On se contente d'évaluations ponctuelles, au lieu de mettre en place une culture et par conséquent les structures de collaboration, permettant d'abattre les défenses, de poser le problème, sans blesser, sans accuser, sans dramatiser et enclencher ensuite le processus nécessaire à sa solution. Notons ici que dans la plupart des établissements, de telles structures existent, mais sont en général perverties à des fins administratives ou de formation ponctuelle, sans méthode ni animation appropriées pour dépasser les connivences et les règles de coexistence pacifique, mais sans implication.

La troisième ligne conductrice, nous l'avons formulée dès le début: s'abstenir de mesurer l'efficacité des établissements ne veut pas dire rejeter l'idée même de l'efficacité. Mais il conviendrait d'abord, au sein de l'établissement, de mettre en route une réflexion concernant le concept d'efficacité, et de négocier ensuite les buts, les formes et les démarches d'une évaluation qui, au-delà du diagnostic, permette d'élaborer le sens du changement et de le mettre en pratique.

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