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L’accroissement des besoins en énergie La seconde moitié du XX e siècle a été marquée par une croissance de la demande énergétique et par une recomposition des parts respectives des différentes sources énergétiques. Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979, on a assisté, en France comme dans la plupart des pays de l’OCDE, à un découplage de la croissance économique et de la consommation énergétique. On s’interrogera sur la pérennité de cette baisse de l’intensité énergétique de la croissance économique à l’horizon des trente prochaines années. La France choisira-t-elle le « laisser-faire » et l’accroissement tendanciel des quantités d’énergie consommées qu’un tel scénario recouvre, ou bien privilégiera-t-elle une stratégie doublement gagnante fondée sur la recherche d’une meilleure efficacité énergétique et sur la promotion des énergies renouvelables seule à même de permettre un développement durable de l’ensemble des peuples de la planète ? UNE CROISSANCE MOINS CONSOMMATRICE DENERGIE EN DEPIT DUNE AUGMENTATION DES QUANTITES DENERGIE PRODUITES ET CONSOMMEES 1950-1973 : l’explosion énergétique Entre 1950 et 1972, la consommation française d’énergie a été multipliée par 2,7 (passant de 90 millions de tec 1 à 250 millions de tec). A partir des années 60 et jusqu’en 1973, l’augmentation de la demande énergétique nationale a été étroitement liée à la croissance économique, aussi, au cours de cette période, la consommation totale d’énergie primaire a-t-elle doublé. La part du pétrole dans la consommation d’énergie primaire s’est considérablement accrue, les hydrocarbures passant de 17 % de la consommation d’énergie primaire en 1950 et 66 % en 1973. Cette augmentation de la part du pétrole s’explique à la fois par le développement des consommations spécifiques (notamment dans le domaine des transports) et par la substitution progressive des hydrocarbures au charbon dont la consommation s’est effondrée, passant de 74 % de la consommation d’énergie primaire en 1950 à 14 % en 1973. L’augmentation de la part du gaz qui est passée de 0,5 % de la consommation d’énergie primaire en 1955 à 8,2 % en 1972 doit également être soulignée. La production d’énergie primaire ne s’est pas accrue dans une proportion équivalente à l’accroissement de la consommation (elle est passée de 59,5 millions de tec en 1950 à 82,6 millions de tec en 1966 et 62 millions de tec en 1973). L’essor de la production d’électricité primaire — c’est-à-dire hydraulique et nucléaire —, qui a été multipliée par plus de 4 passant de 40,5 TWh en 1952 à 174 TWh en 1973, explique en partie cette augmentation. La production primaire de gaz naturel - ce nouveau type d’énergie a commencé à se développer à partir des années 60 — a également participé à cet accroissement de la production d’énergie primaire. La quantité de charbon produite a par contre diminué (passant de 52,7 millions de tonnes ou tec en 1955 à 29,1 millions de tonnes 1973), la part du charbon dans la production d’énergie primaire ayant dégringolé de 88 % à 35 % entre 1950 et 1973. Dès les années 60, la France a cherché la voie de son « indépendance pétrolière » — alors que sa dépendance physique est quasi totale- à travers la mise en œuvre d’une politique d’exploration et de production d’hydrocarbures sous contrôle de capitaux français. Le but recherché était d’assurer une indépendance en termes d’approvisionnement au moyen d’une production des sociétés françaises équivalente à la consommation nationale — objectif qui fut pratiquement atteint en 1975- et grâce au développement du raffinage 2 . 1 Tonne équivalent charbon (tec = 7000 calories par gramme). Cette unité de mesure a été détrônée par la tonne équivalent pétrole à partir des années 80 (tep = 10 000 calories par gramme). 2 Le Plan Monnet permit un développement important de l’industrie du raffinage dont les installations avaient été intégralement détruites pendant la guerre. La capacité de traitement des raffineries françaises est ainsi passée de 13 millions de tonnes en 1950 à 43,6 millions à la fin 1961, 96,8 tonnes fin 1968 et 171,2 tonnes début 1978. La France se situait au 5 e rang des Puissances « raffinantes » du monde et au second rang au niveau européen à la fin des années 70. La construction européenne a conduit à l’édification de raffineries sur des sites continentaux reliés par oléoducs aux grands ports pétroliers (par exemple Feyzin près de Lyon, Herrlisheim et Reichstett près de Strasbourg) alors que les sites maritimes avaient jusqu’alors été privilégiés. Futuribles / Etude rétrospective et prospective des évolutions de la société française (1950-2030) 8.

8. L’accroissement des besoins en énergie

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L’accroissement des besoins en énergie La seconde moitié du XXe siècle a été marquée par une croissance de la demande énergétique et par une recomposition des parts respectives des différentes sources énergétiques. Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979, on a assisté, en France comme dans la plupart des pays de l’OCDE, à un découplage de la croissance économique et de la consommation énergétique. On s’interrogera sur la pérennité de cette baisse de l’intensité énergétique de la croissance économique à l’horizon des trente prochaines années. La France choisira-t-elle le « laisser-faire » et l’accroissement tendanciel des quantités d’énergie consommées qu’un tel scénario recouvre, ou bien privilégiera-t-elle une stratégie doublement gagnante fondée sur la recherche d’une meilleure efficacité énergétique et sur la promotion des énergies renouvelables seule à même de permettre un développement durable de l’ensemble des peuples de la planète ?

UNE CROISSANCE MOINS CONSOMMATRICE D’ENERGIE EN DEPIT D’UNE AUGMENTATION DES QUANTITES

D’ENERGIE PRODUITES ET CONSOMMEES

1950-1973 : l’explosion énergétique

Entre 1950 et 1972, la consommation française d’énergie a été multipliée par 2,7 (passant de 90 millions de tec 1 à 250 millions de tec). A partir des années 60 et jusqu’en 1973, l’augmentation de la demande énergétique nationale a été étroitement liée à la croissance économique, aussi, au cours de cette période, la consommation totale d’énergie primaire a-t-elle doublé.

La part du pétrole dans la consommation d’énergie primaire s’est considérablement accrue, les hydrocarbures passant de 17 % de la consommation d’énergie primaire en 1950 et 66 % en 1973. Cette augmentation de la part du pétrole s’explique à la fois par le développement des consommations spécifiques (notamment dans le domaine des transports) et par la substitution progressive des hydrocarbures au charbon dont la consommation s’est effondrée, passant de 74 % de la consommation d’énergie primaire en 1950 à 14 % en 1973. L’augmentation de la part du gaz qui est passée de 0,5 % de la consommation d’énergie primaire en 1955 à 8,2 % en 1972 doit également être soulignée.

La production d’énergie primaire ne s’est pas accrue dans une proportion équivalente à l’accroissement de la consommation (elle est passée de 59,5 millions de tec en 1950 à 82,6 millions de tec en 1966 et 62 millions de tec en 1973). L’essor de la production d’électricité primaire — c’est-à-dire hydraulique et nucléaire —, qui a été multipliée par plus de 4 passant de 40,5 TWh en 1952 à 174 TWh en 1973, explique en partie cette augmentation. La production primaire de gaz naturel - ce nouveau type d’énergie a commencé à se développer à partir des années 60 — a également participé à cet accroissement de la production d’énergie primaire. La quantité de charbon produite a par contre diminué (passant de 52,7 millions de tonnes ou tec en 1955 à 29,1 millions de tonnes 1973), la part du charbon dans la production d’énergie primaire ayant dégringolé de 88 % à 35 % entre 1950 et 1973.

Dès les années 60, la France a cherché la voie de son « indépendance pétrolière » — alors que sa dépendance physique est quasi totale- à travers la mise en œuvre d’une politique d’exploration et de production d’hydrocarbures sous contrôle de capitaux français. Le but recherché était d’assurer une indépendance en termes d’approvisionnement au moyen d’une production des sociétés françaises équivalente à la consommation nationale — objectif qui fut pratiquement atteint en 1975- et grâce au développement du raffinage 2.

1 Tonne équivalent charbon (tec = 7000 calories par gramme). Cette unité de mesure a été détrônée par la tonne équivalent pétrole à partir des années 80 (tep = 10 000 calories par gramme). 2 Le Plan Monnet permit un développement important de l’industrie du raffinage dont les installations avaient été intégralement détruites pendant la guerre. La capacité de traitement des raffineries françaises est ainsi passée de 13 millions de tonnes en 1950 à 43,6 millions à la fin 1961, 96,8 tonnes fin 1968 et 171,2 tonnes début 1978. La France se situait au 5e rang des Puissances « raffinantes » du monde et au second rang au niveau européen à la fin des années 70. La construction européenne a conduit à l’édification de raffineries sur des sites continentaux reliés par oléoducs aux grands ports pétroliers (par exemple Feyzin près de Lyon, Herrlisheim et Reichstett près de Strasbourg) alors que les sites maritimes avaient jusqu’alors été privilégiés.

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Les crises de 1973 et 1979 ont marqué la fin de cette période caractérisée par une énergie abondante et bon marché et sont venues brutalement rappeler aux français l’importance de leur « dépendance énergétique ». Celle-ci — mesurée en termes de rapport des importations à la consommation d’énergie — s’était considérablement accrue, passant de 34,9 % en 1955 à 76 % en 1973. L’envolée du prix du pétrole a alimenté la tentation d’un retour vers des ressources purement nationales, ce qui a entraîné l’arrêt de la progression du pétrole et conduit à de profondes réorientations des choix en matière de sources d’énergie. Elle a également incité à la mise en œuvre d’un programme ambitieux de maîtrise des consommations d’énergie qui a permis de diminuer l’intensité énergétique de la croissance économique.

1973-2000 : le temps de la maîtrise ? (La chasse au Gaspi)

Le premier choc pétrolier, balayant les arguments économiques qui jouaient jusqu’alors en sa défaveur, a conduit à une accélération du programme électronucléaire qui connut son apogée entre 1973 et la fin des années 80. Le développement de la filière nucléaire a autorisé une augmentation importante de la production nationale d’énergie primaire (qui est passée de 49,5 millions de tep en 1973 — dont environ 7 % d’électricité nucléaire — à 126 millions de tep en 2000 — dont 73 % d’électricité nucléaire) 3. La production française d’électricité a ainsi été multipliée par 10 entre 1955 et 2000 (passant de 24,1 à 445,0 TWh). L’électricité primaire s’est progressivement substituée au charbon dont la production nationale a été divisée par 8 depuis le premier choc pétrolier (passant de 32,7 millions de tonnes en 1972 à 4 millions de tonnes en 2000). La quête d’indépendance énergétique n’a pas remis en cause cette tendance à la marginalisation du charbon dans la consommation énergétique Française 4. La part du charbon a considérablement décliné à la fois dans la consommation finale d’énergie du secteur de la sidérurgie (celle-ci s’est profondément restructurée et a réduit sa consommation de 50 % en 30 ans) et du secteur résidentiel et tertiaire. Aussi, à l’heure actuelle, est-ce la consommation de charbon des centrales électriques à des fins de production d’électricité thermique qui détermine le profil de la consommation finale totale de charbon en France.

Les espoirs placés dans le gaz naturel comme source d’énergie nationale ont été en partie déçus ; les plafonds de production des gisements découverts sur le territoire national ayant été très rapidement atteints, alors que la consommation de gaz n’a cessé d’augmenter. En 2000, les importations de gaz naturel étaient, en quantité, presque cinq fois supérieures à celles de 1973.

L’utilisation du nucléaire dans la production d’électricité a permis une diminution de la consommation d’hydrocarbure pour la production d’énergie (autrement dit une diminution de la consommation de pétrole par la branche énergie). La consommation finale de pétrole a également baissé du fait d’une diminution de la demande entraînée par la très forte hausse du prix du pétrole brut importé jusqu’au milieu des années 80 (la consommation finale est passée de 99,6 millions de tep en 1973 à 76,11 millions de tep en 1985). Une exception doit cependant être soulignée, celle du secteur des transports. La quantité de produits pétroliers consommée par ce secteur n’a pratiquement pas cessé d’augmenter, passant de 31 millions de tep en 1973 à 43 millions de tep en 1985 et atteignant 51 millions de tep en 2000. Le secteur des transports représente 52 % de la consommation totale de pétrole en 2000 contre 31 % en 1973. Ceci explique, avec la progression de la part des véhicules diesel dans le parc, que le gazole soit le principal produit pétrolier consommé en France (en 2000 il représente 31 % de la consommation de produits pétroliers contre 15 % en 1985).

Le contre-choc pétrolier — entre 1985 et 1995, les cours du pétrole sont progressivement retombés à un niveau proche de celui de 1973 avant de recommencer à progresser fortement en 1999 et 2000 — a cependant infléchi la tendance : la consommation primaire de pétrole s’est remise à augmenter à partir de 1984, atteignant 84 millions

3 En 2000, la production française correspond à 46% de l’électricité d’origine nucléaire produite dans l’Union Européenne. La France se situe au second rang mondial des pays producteurs de ce type d’énergie derrière les Etats-Unis et devant le Japon et l’Allemagne. 4 « Pour des raisons d’épuisement des réserves, de pénibilité des conditions de travail et de compétitivité économique » le charbon n’est pas susceptible de constituer la réponse essentielle à la croissance des besoins énergétiques de la France, précisait un rapport du Ministère de l’Industrie intitulé L’avenir du charbon et publié en 1976.

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de tep en 1990, et 91,6 millions de tep en 2000. Cependant, au total, la contribution du pétrole dans la consommation d’énergie primaire est passée de 66 % en 1973 à 28 % en 2000.

On a assisté, depuis 1973, à une totale recomposition de l’origine des importations d’hydrocarbures. Les pays de la mer du Nord sont devenus les principaux fournisseurs de la France en pétrole brut (37,5 % des importations en 2000 contre 2,7 % en 1978). Ils devancent les pays de l’OPEP (37,3 % des importations françaises) qui fournissaient près de 79 % du pétrole brut importé par la France en 1978.

Cette diminution de la part des hydrocarbures et du charbon dans les consommations d’énergie primaire entre 1973 et 2000 a profité à la fois au gaz naturel (dont la part a doublé au cours de cette période) et à l’électricité (dont la part a quintuplé entre 1973 et 2000). La consommation d’électricité s’est développée deux fois plus vite que l’ensemble des consommations d’énergie, elle a plus que doublé entre 1973 et 2000.

Le gaz et l’électricité ont concurrencé le pétrole dans l’industrie (la part du pétrole chute de 49 % en 1973 à 24 % en 1985) et sont devenues les principales formes d’énergies consommées par les ménages pour le chauffage de leur logement. Ainsi, alors que la part du secteur résidentiel et tertiaire représentait 36 % de la consommation finale totale de produits pétroliers en 1973, cette part est passée à 21 % en 2000. Le gaz détient près d’un tiers du marché du chauffage des résidences principales, contre 29 % pour l’électricité et 21 % pour le fioul (résultats de l’enquête Logement 1996-1997 de l’Insee).

Le programme de maîtrise des consommations d’énergie mis en oeuvre à l’issue du premier choc pétrolier a permis d’économiser jusqu’à 30 millions de tep par rapport à la situation en 1973 (soit près du tiers de l’accroissement effectif de la consommation enregistré : 98 millions de tep). Cette politique a cependant varié au gré des fluctuations du cours du pétrole. Ainsi, d’ambitieuse entre 1982 et 1986 5, est-elle devenue quasi-confidentielle après le contre-choc pétrolier avant de retrouver un semblant d’existence avec l’entrée des verts au gouvernement en 1996.

Au cours des trente dernières années, la structure sectorielle de la consommation d’énergie a profondément évolué. La part de la production industrielle dans le bilan énergétique a diminué sensiblement sous l’effet combiné des efforts de maîtrise de leur consommation énergétique par les industries pour lesquelles cette dépense énergétique était majeure dans les coûts de production d’une part, et de la tertiarisation de l’économie d’autre part. La part du résidentiel tertiaire s’est renforcée tandis que celle des transports explosait. Les dépenses énergétiques liées directement à la nature des infrastructures pérennes (urbanisme, logement, réseau de transport) sont ainsi passées de 61 % à 71 % de la consommation finale énergétique. Une seconde mutation importante tient dans la forte — et nouvelle — pénétration de l’électricité dans l’ensemble des secteurs, à l’exception des transports durablement prisonniers des carburants pétroliers.

À L’HORIZON 2030 : ABONDANCE OU SOBRIETE ?

Les exercices de prospective en matière d’énergie reposent généralement sur la reconnaissance de quatre types de risque de nature globale qui viennent borner les marges de manœuvre dans le siècle à venir :

le risque climatique (et les objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre)

le risque d’épuisement et de raréfaction des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel)

le risque nucléaire civil et militaire (renforcé depuis l’attentat du 11 septembre sur New York)

le risque de concurrence d’usage des sols qu’entraînerait un usage trop intense des terres cultivables à des fins de production d’énergie.

Face à de tels enjeux, les scénarios prospectifs proposés par les énergéticiens appartiennent à deux grandes catégories : des scénarios d’abondance énergétique et des scénarios fondés sur la sobriété.

5 Une Agence pour la maîtrise de l’énergie - devenue ADEME Agence pour l’environnement et la maîtrise de l’énergie- dotée de moyens humains significatifs a été créée et un « Fonds spécial grands travaux », destiné à la rénovation du parc résidentiel et tertiaire bâti, a été lancé.

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Les scénarios du premier type proposent une vision de l’avenir construite sur un modèle productiviste de « développement par l’abondance énergétique » avec des options contrastées de participation des différentes sources d’énergie primaire dans le bilan énergétique mondial. Ces scénarios cumulent les quatre types de risque à des niveaux élevés et se distinguent les uns des autres par la diminution ou l’augmentation d’un des risques par rapport aux trois autres.

Les scénarios du second type proposent un développement par la sobriété énergétique, tentant de rééquilibrer les politiques énergétiques en accordant une priorité forte à la maîtrise de l’évolution de la demande d’énergie. Partant d’une analyse détaillée des besoins finaux d’énergie du développement, ils entendent repousser simultanément les principaux risques dans le temps et, partant, favoriser le développement économique et humain des pays du Sud. Ces scénarios de la sobriété supposent une profonde révolution culturelle puisqu’ils impliquent, notamment, un élargissement de la sphère d’intervention de la politique énergétique à l’ensemble des secteurs d’activités structurant la demande (transport, construction, urbanisme, biens d’équipements, …).

Des scénarios énergétiques mondiaux contrastés

Les sept scénarios énergétiques mondiaux à long terme produits depuis le début des années 90, par l’IIASA — International Institute for Applied Systems Analysis — pour le compte du Conseil mondial de l’énergie et par le CNRS (scénario NOE — Nouvelles options énergétiques) illustrent cette typologie. Ils explorent l’avenir du monde en découpant celui-ci en 11 régions géographiques et en adoptant des perspectives démographiques communes (8 milliards d’habitants en 2020 et 10 milliards en 2050) et des taux de croissance économique proches. Les modes de développement qu’ils retiennent sont par contre très différents du point de vue de l’intensité énergétique de la croissance économique. C’est bien plus par le volume de la consommation finale d’énergie que par le recours privilégié à tel ou tel type de ressources énergétiques que ces scénarios se différencient. Ainsi, alors que les scénarios abondants tablent sur une mobilisation annuelle de l’ordre de 25 Gtep dès 2050 (soit 3 fois plus qu’en 2000), les scénarios sobres se contentent de 12 à 15 Gtep au même horizon. Cinquante ans plus tard, en 2100, la divergence entre les deux scénarios dépasse un facteur 5. Dans les deux types de scénarios, les énergies fossiles demeurent largement dominantes (58 % à 76 % des bilans cumulés). Les énergies renouvelables apportent une contribution cumulée qui varie dans une fourchette de 19 à 26 % des bilans énergétiques et le nucléaire reste marginal avec 4 à 9 % du bilan cumulé suivant les scénarios. Seuls les scénarios sobres apparaissent comme susceptibles d’éviter des ruptures majeures pour l’humanité en permettant de minimiser fortement les quatre types de risques à l’horizon 2050. Ainsi, bien que la concentration de gaz à effet de serre augmente dans tous les scénarios, cet accroissement est de 20 % dans le plus sobre contre 50 % dans le plus abondant. Les quantités de déchets nucléaires de haute activité et à longue durée de vie (à technologie inchangée) sont multipliées par un facteur 5,5 par rapport à 1990 dans le scénario le plus sobre et par 18 dans le scénario le plus élevé. Du point de vue économique, il apparaît que les scénarios sobres se comparent favorablement aux scénarios d’abondance énergétique, ce qui s’explique principalement par le fait que les coûts de production et de distribution d’énergie sont souvent nettement supérieurs aux coûts des mesures d’économie d’énergie.

Les scénarios pour la France

Les trois scénarios bâtis pour la France à horizon 2020 par la commission « Energie 2010-2020 » mise en place par le Commissariat général du plan, s’inscrivent dans la perspective de cette prospective mondiale en tenant compte des quatre types de risques évoqués plus haut. Trois scénarios contrastés ont été élaborés 6.

Le premier scénario (S1) dit « société de marché » s’organise autour de l’hypothèse d’une baisse du niveau d’intervention des pouvoirs publics en France et dans les pays de l’OCDE. Cette hypothèse se traduit principalement par le choix d’un taux d’actualisation plus élevé par les acteurs privés, les pressions et les sanctions concurrentielles conduisant ces derniers à accorder un poids plus important aux réalités du court

6 Aucun de ces scénarios n’est « tendanciel », aucun d’entre eux ne peut être considéré comme « plus probable » qu’un autre.

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terme 7. Dans le scénario (S2) « État Industriel », l’État entend conserver son rôle d’opérateur stratégique dans le domaine économique et industriel au nom d’une identification des intérêts à long terme de la nation avec la force et la compétitivité de son industrie. Les politiques publiques ayant des implications énergétiques, par exemple celles concernant la protection de l’environnement, sont alors systématiquement appréhendées dans la perspective de leurs impacts sur la compétitivité et l’essor de l’industrie française (tout en demeurant compatibles avec les règles européennes et celles de l’Organisation Mondiale du Commerce). Le troisième scénario (S3) « État protecteur de l’environnement » est axé sur les valeurs de protection de la santé des citoyens et de protection de l’environnement. Dans ce scénario l’Etat envisage de respecter les engagements du Protocole de Kyoto au moyen de mesures domestiques, sans recourir aux mécanismes de flexibilité (permis négociables et mécanismes de flexibilité).

Ces scénarios reposent sur des hypothèses communes en matière de croissance démographique (61,7 millions d’habitants en 2010 et 63,5 en 2050, avec des taux annuels de croissance variables), de croissance économique, de prix des énergies fossiles 8 et de taux de change du dollar (maintient à long terme à la valeur de 5,10 F). Le taux d’actualisation utilisé pour les choix d’investissement énergétique et le calcul des coûts est par contre différent, il est fixé à 8 % pour S1 et S2 et 12 % pour S2. Chacun de ces scénarios repose sur une description des demandes énergétiques sectorielles aux horizons 2010 et 2020 9.

Les résultats :

• La consommation finale d’énergie de la France à l’horizon 2020 varie dans une fourchette comprise entre 222 millions de tep pour le scénario « sobre » (S3) et 279 millions de tep dans le scénario de l’abondance (S1) pour une croissance identique du PIB de 80% sur la période 1992-2020. Dans tous les cas, l’intensité énergétique finale du PIB à l’horizon 2020 diminue. Elle varie dans une fourchette comprise entre 0,32 (S1) et 0,25 (S2), soit une décroissance annuelle de 1 à 1,9% selon les scénarios, ce qui correspond à un rythme de décroissance comparable à celui enregistré entre 1973 et 1996 (1,7 %). Le scénario « sobre » (S3) suppose donc un effort d’efficacité légèrement supérieur à celui de ces vingt dernières années, mais inférieur à celui observé au moment des chocs pétroliers qui s’élevait alors à 3% par an (entre 1973 et 1985).

• Les deux secteurs qui posent des problèmes sont celui des transports - dont la consommation d’énergie augmente dans une fourchette de 21 % (S3) à 66 % (S1) - et le tertiaire - dont la consommation d’énergie s’accroît dans une fourchette de 26 % (S3) à 60 % (S1). La croissance de la consommation des autres secteurs habitat, industrie et agriculture reste beaucoup plus modérée.

• Les politiques publiques que recouvre chacun des scénarios se révèlent dans les choix de production d’énergie. Dans les trois scénarios on assiste à une augmentation de l’approvisionnement fossile (dans une fourchette comprise entre 8 % pour S3 et 50 % pour S1) avec un accroissement du gaz (dans une fourchette comprise entre 68 % dans S3, 196 % dans S2 et 240 % dans S1) et une diminution du recours au charbon. Les situations sont plus contrastées pour le pétrole, le scénario « sobre » S3 apparaissant comme le moins sensible aux aléas de l’approvisionnement en hydrocarbures (pénurie ou choc pétrolier). Le recours aux énergies renouvelables pour la production de chaleur ou pour les transports reste modeste dans tous les cas de figure, autour de 5 % de l’approvisionnement total d’énergie hors électricité renouvelable. Dans tous les scénarios, la consommation finale d’électricité ne dépasse pas 23 %, ni le nucléaire 15 %, du total de

7 Pour comparer les coûts de différents projets dans le temps, les économistes utilisent un taux d’actualisation qui permet de tenir compte de l’effet du temps sur la valeur. Plus le taux d’actualisation retenu, plus le poids accordé aux dépenses proche dans le temps est élevé et celui accordé aux dépenses éloignées dans le temps est faible. Autrement dit, plus le taux d’actualisation est élevé, plus il dénote une préférence pour le présent au détriment du futur. 8 Le prix international du Brent est supposé s’élever d’un montant de 17$ le baril en 1995 à 24 $ en 2005 (en dollar constant de 1995) puis se stabiliser à ce niveau. On suppose que le prix international du gaz naturel atteindrait 3,3 $ par Mbtu en 2005 et se maintiendrait à ce prix jusqu’en 2020, le prix du charbon se maintenant entre 40 et 50 $ la tonne. 9 Le modèle utilisé combine des variables de parcs (logements, automobiles, etc.) et des variables d’utilisation (kilomètres parcourus, etc.). La multiplication de ces variables par les consommations unitaires d’énergie dérivées de la prise en compte des technologies employées dans les différents parcs pour satisfaire les besoins finaux (de chauffage, de déplacements, etc.) permet de déterminer les consommations énergétiques sectorielles. Une image prospective de l’offre d’énergie nécessaire à la satisfaction des besoins est établie à partir de ces données.

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l’énergie consommée en France. Dans tous les scénarios, si l’on retient l’hypothèse d’une durée de vie de 40 ans pour les centrales nucléaires 10, hors besoins d’exportation, il n’est pas nécessaire d’envisager le renouvellement des centrales nucléaires — 8 centrales de 1GW sont déclassées en 2020. Dans les trois scénarios, le retour de la production thermique d’électricité est sensible et s’exprime sous deux formes principales : le cycle combiné à gaz et la cogénération chaleur électricité 11. C’est sur les parts respectives du recours aux énergies fossiles et renouvelables pour la production d’électricité (principalement les filières de cogénération à partir des déchets organiques et de l’éolien pour le scénario S3) que les scénarios divergent donc nettement.

• Dans les trois scénarios, à horizon 2020, les émissions de CO2 augmentent mais dans des proportions très différentes. Seul le scénario « sobre » (y compris dans le cas de l’hypothèse où la durée de vie des centrales nucléaire ne dépasse pas 30 ans) permet à la France de respecter les engagements qu’elle a pris en ratifiant le protocole de Kyoto : stabiliser en 2010 ses émissions de CO2 au niveau de 1990 c’est-à-dire 104,5 Mt de Carbone. Mais ce scénario ne lui permettrait pas de respecter des engagements plus contraignants à horizon 2020 sans recourir au marché de permis d’émission. En effet, dans le scénario sobre, en 2020 les émissions de CO2 correspondent au niveau atteint en 1990, à condition que la durée de vie des centrales nucléaire atteigne quarante ans. Cet exercice de prospective montre donc que la France ne sera pas à même de remplir les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’est fixé sans dispositifs nouveaux ni changements de la nature et de l’intensité des politiques menées jusqu’à présent.

Les deux autres scénarios S1 et S2 cumulent des importations nettement plus élevées en pétrole et un recours plus important au nucléaire sans pour autant permettre de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre qui en 2020 dépassent celles de 1990 de 50 % dans S1 et de 30 % dans S2.

Les scénarios S2 et S3 ont servi de support à l’estimation de la demande d’énergie à horizon 2050 dans le cadre d’une « Etude économique prospective de la filière électrique française » commanditée par le Premier Ministre et rendue publique en septembre 2001. Ils constituent l’ossature de deux scénarios contrastés, le premier dit de « forte consommation énergétique » et le second de «faible consommation ». En retenant des hypothèses communes en matière de démographique (65,1 millions d’habitants en 2050) et en supposant, au-delà de 2020, une inflexion progressive du PIB jusqu’à atteindre une moyenne de 1,6 % par an entre 2020 et 2050 12, la demande énergétique — c’est-à-dire la consommation d’énergie primaire hors usages non énergétiques — serait comprise entre 325 millions de tep et 225 millions de tep à l’horizon 2050 (soit un écart de 44 % entre le scénario de l’abondance et celui de la sobriété).

10 Hypothèse sur la durée de vie des centrales qui est jugée la plus vraisemblable par EDF. 11 La technologie des turbines à gaz en cycle combiné a été considérablement améliorée au cours des vingt dernières années ce qui a permis un accroissement de ses performances et une forte diminution du coût d’investissement. Cette technologie, qui devient dominante sur le marché de la production d’électricité thermique, permet de réduire les émissions de polluants atmosphériques (NOX, SO2 et CO2) par rapport aux cycles conventionnels au charbon. 12 Cette hypothèse correspond au taux de croissance retenu pour ses propres projections pour la région Europe entre 2010 et 2050 par l’IIASA.

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Sélection bibliographique et webliographique

• BOISSON Pierre (sous la dir. de). Énergie 2010-2020 : Les chemins d’une croissance sobre. Paris, La documentation Française, 1998.

• CHARPIN Jean-Michel, DESSUS Benjamin, PELLAT René. Étude économique prospective de la filière électrique nucléaire. Rapport au Premier ministre, juillet 2000.

• DESSUS Benjamin. Énergie un défi planétaire. Paris, Belin, coll. Débats, 1999.

• DESSUS Benjamin. Atlas des énergies pour un monde viable. Paris, Syros, 1994

• DESSUS Benjamin. « Énergie et développement durable ». Futuribles, hors série « L’an 2000 et après… », janvier 1999, pp. 52-60

• L’Énergie en France, repères, édition 2001. Paris, ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, 2001.

• OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Perspectives de l’environnement de l’OCDE. Paris, OCDE, 2001.

• INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques). Tableaux de l’économie française 2001-2002. Paris, Insee, 2001, p.146-151

• http.//www.iea.org/statist/keyword

• http.//www.industrie.gouv.fr/energie/statisti

Petit glossaire des termes utilisés

• L’énergie primaire désigne l’énergie brute, non transformée après extraction. • L’énergie secondaire correspond à l’énergie obtenue par transformation d’une énergie primaire (par

exemple l’électricité dite thermique c’est-à-dire obtenue par combustion d’une énergie fossile). • L’énergie finale est l’énergie disponible pour la consommation finale (par exemple le carburant utilisé par

les voitures des particuliers). • L’intensité énergétique correspond au rapport entre la consommation d’énergie primaire et le produit

intérieur brut, autrement dit il mesure la consommation énergétique nécessaire à l’obtention d’un point de PIB.

• Les énergies renouvelables désignent principalement le bois, les déchets de bois, les déchets urbains solides et les biocarburants. Les énergies renouvelables sont, depuis peu, prises en compte dans le calcul du taux d’indépendance énergétique. Cette intégration entraîne une hausse de ce taux d’environ deux points sur l’ensemble de la période 1970-1998.

• Le taux d’indépendance énergétique désigne le rapport de la production d’énergie primaire et du total des consommations d’énergie.

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Tableau 1. Évolutions de la production nationale et de la consommation d’énergie primaire En millions de tep et en %

1950 (4) 1960 1973 (3) 1985 1995 2000 Production nationale d’énergie primaire : Charbon Pétrole Gaz naturel Électricité hydraulique (production brute) Électricité nucléaire (production brute) Énergies renouvelables

- 88,3%

- 0,3%

- 0,6%

- 13,2%*

- -

36 61%

2 3,4%

3 5% 9

15,3% -

9 15,3%

17,3 34,9%2,2

4,4% 6,3

12,7% 10,7

21,6% 3,3

6,6% 9,8

19,8%

11 11,7%

3 3,2%

5 5,3%

14 14,9%

50 53,2%

11 11,7%

5 4,1%

3 2,4%

3 2,4%

17 13,7%

84 67,7%

12 9,7%

2,3 1,8% 1,9

1,5% 1,6

1,3% 16,2

12,8% 92,2

73,2% 11,8 9,4%

Total production d’énergie primaire - 58 49,5 94 124 126,0 Consommation d’énergie primaire (1) : Charbon Pétrole Gaz naturel Électricité primaire Énergies renouvelables (2)

- 74,4%

- 17,7%

- 0,4%

- 7,5%

- -

44 47,3%

29 31,2%

2 2,1%

9 9,7%

9 9,7%

27,8 14,6% 126,6 66,4% 13,3 7% 13,3 7% 9,5 5%

24 12,1%

84 42,2%

23 11,6%

58 29,1%

10 5%

15 6,3%

95 39,9%

30 12,6%

86 36,1%

12 5,1%

14,1 5,6% 98,5

38,2% 37,3

14,5% 94,9

36,8% 12,7 4,9%

Consommation finale non énergétique - 3,1 10,9 11,7 15,4 17,2 Consommation totale d’énergie primaire - 93 190,5 200 239 257,6 Consommation finale énergétique : Sidérurgie Industrie Résidentiel - Tertiaire Agriculture Transports

- -

14,9% -

35,2% -

28,6% - - -

21,3%

70 11

15,7% 24

34,3% 21

30% 1

1,4% 13

18,6%

135 14

10,4% 40

29,7% 53

39,2% 3

2,2% 25

18,5%

165 9

5,5% 41

24,8% 75

45,5% 3

1,8% 37

22,4%

198 8

4,1% 47

23,7% 91

45,9% 3

1,5% 49

24,8%

216 8

3,7% 50

23,1% 101

46,8% 3

1,4% 54

25%

Consommation de la branche énergie - 11 17 23 25 25 Consommation finale non énergétique - 3 8 12 15 17 Consommation totale d’énergie primaire - 84 160 201 239 258

(1) Corrigée du climat ; (2) Hors hydraulique, éolien et photovoltaïque ; (3) Année 1970 pour les consommations finales par secteur ; (4) 1953 pour les consommations finales par secteur ; * Électricité hydraulique et nucléaire. Source : Observatoire de l’énergie.

Tableau 2. Production et consommation française de charbon En millions de tonnes

1952 1960 1973 1985 2000 Production Importations Exportations Variations de stocks Consommation totale dont : - Centrales électriques - Sidérurgie - Autres industries - Résidentiel - Tertiaire

57,3 18,5 1,7 -

59,3

10,2 14,2 13,5 16,5

59,7 16,3 1,6 -

59,4

8,8 17,1 13,4 15,2

29,1 16,5 2,0 -

46,2

14,7 14,3 4,1 8,2

18,9 21,3

- -

40,4

18,5 5,6 2,8 3,9

4,1 20,6 0,8 0,8

23,1

10,4 7,7 2,6 1,0

Source :Observatoire de l’énergie.

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Page 9: 8. L’accroissement des besoins en énergie

Tableau 3. Consommation française de produits pétroliers En millions de tonnes

1951 1960 1973 1985 2000 Gazole Fioul domestique Carburant auto Bases pétrochimie Fiouls lourds Carburéacteurs Gaz (GPL) Autres produits Total

1,0 2,0 3,2 -

5,1 0,0 0,2 1,4

12,9

1,7 7,0 5,4 -

7,0 0,3 0,9 2,3

24,6

6,5 37,2 15,8 5,4

34,1 1,8 2,7 8,3

111,8

10,9 20,7 18,0 7,1 8,2 2,6 2,9 4,7

75,1

27,4 15,6 13,8 11,5 4,3 6,0 3,2 6,2 88,0

Source : CPP. Tableau 4. Production et consommation française de gaz naturel

En TWh PCs (1) 1960(

*) 1973 1985 1999

Production Importations Exportations Consommation totale dont : - Branche énergie - Sidérurgie - Autres industries - Résidentiel – Tertiaire - Agriculture et transports - Total usage énergétique - Usage non énergétique

27,3 - -

20,2 -

10,6 9,2

0,4

20,2 -

81,3 98,7 1,0 173

44 9 43 57 1

154 19

58,6

303

14 9

100 149 1

273 30

21,6 458,3 8,5 464

18 8

151 256 3

436 28

Source :Observatoire de l’énergie. (1) 1 TWh PCS = 1 milliard de kWh pouvoir calorifique supérieur.

(*) En milliards de thermies. Tableau 5. Évolution des productions de types de gaz (en %)

Gaz de houille

Gaz provenant d’hydrocarbures

Gaz naturel

1958 1968 1977 1979

86 13 0,4 0,3

12 17

1,9 1,1

2 70

97,7 98,6

Source : Insee. Entre l’immédiat après-guerre et le début des années 1960, l’industrie du gaz a subi de grandes transformations. Les usines à gaz alimentées par des livraisons de charbon — demeurées longtemps le symbole d’un des premiers éléments de confort de la vie urbaine — ont été remplacées par des usines modernes. Des réseaux de transport branchés sur de grandes centrales gazières ont été développés et des stations d’air propané créées. L’apparition du gaz naturel a remis en cause cette politique entraînant la fermeture de la quasi-totalité des cokeries et des installations de distillation. En quelques années, le gaz naturel s’est imposé, occupant dès le milieu des années 1970 une place quasi exclusive. Du fait de la faiblesse des gisements, rapidement, l’essentiel des approvisionnements de gaz naturel est provenu de l’étranger (Algérie, Pays-Bas, Norvège, ex-URSS).

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Tableau 6. Part d’électricité produite à partir d’énergie renouvelable en Europe en 1998 et objectifs pour 2010 En %

Hydraulique * Éolien Biomasse Géothermie Total Objectifs indicatifs pour 2010 ** Allemagne 3,2 0,8 0,9 - 4,8 12,5 Autriche 64,6 0,1 3,0 - 67,7 78,1 Belgique 0,5 0,0 0,6 - 1,1 6,0 Danemark 0,1 6,8 3,5 - 10,4 29,0 Espagne 17,4 1,1 0,8 - 19,3 29,4 Finlande 21,4 0,0 10,7 - 32,2 35,0 France 12,3 0,0 0,4 - 12,7 21,0 Grèce 8,0 0,2 - - 8,2 20,1 Irlande 4,4 0,8 0,4 - 5,6 13,2 Italie 15,9 0,1 0,5 1,6 18,1 25,0 Luxembourg 9,1 0,8 3,4 - 13,4 5,7 Pays-Bas 0,1 0,7 3,4 - 4,3 12,0 Portugal 33,3 0,2 2,6 0,1 36,3 45,6 Royaume-Uni 1,5 0 ,2 0,8 - 2,5 10,0 Suède 47,0 0,2 1,8 - 48,9 60,0 Total UE 12,3 0,5 1,2 0,2 14,2 22,1

Source : Observatoire de l’énergie d’après la Commission européenne. * Hors pompages. ** Il s’agit des chiffres indicatifs figurant en annexe de la proposition de directive du parlement européen et du Conseil de mai 2000 (9312/00ENR41). Tableau 7. Consommation totale d’énergies renouvelables en Europe (y compris hydraulique)

En millions de tep 1985 1990 1995 1998 * Allemagne 5,7 5,7 6,3 8,5 Autriche 5,6 5,8 6,1 6,8 Belgique 0,5 0,6 0,7 0,7 Danemark 1,0 1,1 1,5 1,8 Espagne 6,5 6,0 5,8 7,0 Finlande 5,4 5,3 6,2 7,2 France 14,7 15,7 18,0 16,9 Grèce 1,1 1,1 1,3 1,4 Irlande 0,2 0,2 0,2 0,3 Italie 8,6 8,2 9,0 13,3 Luxembourg 0,0 0,0 0,0 0,1 Pays-Bas 8,6 0,8 0,9 1,5 Portugal 3,1 2,7 2,8 3,6 Royaume-Uni 0,9 1,1 1,9 2,3 Suède 11,4 11,6 12,8 13,7 Total UE 65,5 65,8 73,3 84,8

Source : Observatoire de l’énergie d’après Commission européenne. * Provisoire.

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Tableau 8. Consommation d’énergie primaire par habitant dans le monde En tep par habitant

1973 1985 1995 1998 Amérique du Nord - États-Unis - Canada - Mexique Amérique latine Europe de l’Ouest - UE - France - Allemagne - Royaume-Uni - Italie - Espagne Europe de l’Est - Ex-URSS Afrique - Asie - Chine - Japon - Moyen-Orient Océanie Monde

6,77 8,19 7,14 1,02 0,92 3,07 3,34 3,39 4,28 3,93 2,35 1,50 1,96 3,48 0,56 0,42 2,48 2,98 0,93 4,00 1,58

6,15 7,47 7,45 1,49 0,94 3,19 3,45 3,62 4,65 3,60 2,39 1,87 2,68 4,58 0,65 0,55 0,67 3,04 1,73 4,48 1,64

6,41 7,94 7,82 1,47 1,04 3,30 3,72 4,15 4,16 3,83 2,85 2,63 1,98 3,29 0,64 0,71 0,88 3,96 2,13 5,08 1,65

6,49 8,11 7,73 1,55 1,11* 3,41 3,87 4,34 4,20 3,93 2,95 2,86 1,99* 3,09* 0,64* 0,73* 0,90* 4,03 2,27* 5,42 1,68*

Source : Agence internationale de l’énergie (AIE). * 1997.

Graphique 1. Les scénarios prospectifs pour la France

0

50

100

150

200

250

300

1960 1970 1975 1980 1985 1990 1995 1998 2000 2010 2020 2050

Millions de tep

Consommation finale énergétique

Résidentiel-tertiaire

Agriculture

Industrie

Transports

Sources : Commissariat général du Plan et Observatoire de l'énergie.

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Encadré 1. La maîtrise de l’énergie Au cours des cent dernières années les gains de rendement dans le domaine de la production d’énergie sont demeurés modestes en dépit de certaines percées technologiques notamment dans le domaine de l’industrie pétrolière. Ainsi en matière d’électricité, les centrales thermiques affichaient des rendements de l’ordre de 30 % dans les années, ces rendements ne dépassent pas 40% pour les centrales modernes et les 30 % pour les centrales nucléaires (c’est leur taille qui a changé elles sont 10 fois plus puissantes qu’il y a quarante ans. Le changement majeur tient dans la diminution considérable des quantités d’énergie nécessaires à la satisfaction des mêmes services au cours des 100 dernières années. À cet égard les exemples sont multiples et concernent tous les secteurs d’activité.

Éclairage domestique Consommation d’énergie par les ampoules à incandescence

Années 1920 Aujourd’hui 5 fois moins

Ampoules fluocompactes 20 fois moins

Télévision Récepteurs TV

Années 1950 Aujourd’hui 10 fois moins

Écrans plats à cristaux liquides 25 fois moins

Informatique Micro-ordinateurs

Lancement par IBM en 1993 du « green PC » dont l’appel de puissance est de 50W en mode actif et 18 en veille, contre 200 W pour les modèles standards équivalents en 1990

Chauffage domestique Dépense d’énergie pour chauffer 110 m2 de logement neuf

1950 1990 3 fois moins

Réfrigération Réfrigérateur

1970 1990 3 fois moins

Automobile Consommation de carburant

Modèles Peugeot 1950 (203) 8 litres/100km 1983 (205) 5,3 litres/100km

Programme « 3 litres » 1986 Prototypes Peugeot et Renault consommant moins de 3,5 littres/100kms

Automobile Consommation énergétique pour la construction d’une voiture

Modèles Peugeot 1950 (203) 1 tonne dont 75 % d’acier exigeant 0,52 tep par tonne pour sa production 1983 (205) 780 kg dont 60 % d’un acier fabriqué avec 0,58 tep la tonne

« Eco 2000 » Prototype de véhicule économique réalisé en 1986 par Peugeot 600 kg conçu avec un acier consommant 0,15 tep par tonne

Production de blé en Beauce 1950 1985 20 % d’énergie consommées en moins pour produire

une tonne de blé

Habitat Consommation d’énergie pour la construction

1950 30 m3 de béton pour 110 m2 1970 22 m3 1990 17 m3

= 20 % d’énergie en moins pour construire une maison

On peut ainsi estimer qu’avec les technologies des années trente la France des années 1990 aurait consommé 2,5 fois plus d’énergie. Cette amélioration de l’efficacité énergétique n’est pas terminée. Les techniques les plus performantes actuellement sur le marché ou en passe d’être commercialisées sont loin d’avoir remplacé les techniques traditionnelles. Il existe donc encore de nombreuses « réserves d’économie d’énergie ». Ainsi, par exemple, la réserve d’économie d’énergie associée à la réhabilitation thermique des logements existants des pays de l’Union Européenne a été évaluée à 3 Gtep un chiffre supérieur aux réserves pétrolières de la mer du Nord (estimées à 2,5 Gtep).

D’après DESSUS Benjamin. Atlas des énergies pour un monde viable. Paris : Syros, 1994.

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Graphique 2. Évolution de la structure de consommation d’énergie primaire en France et scénarios prospectifs

0

10

20

30

40

50

1955 1960 1965 1970 1973 1980 1985 1990 1995 2000 2010 2020

Pétrole

Charbon

Electricité PrimaireGaz Naturel

Energies Renouvelables

Source : Commissariat général du Plan Tableau 9. Les scénarios prospectifs pour la France : évolutions de l’indépendance énergétique, des émissions de CO2, de la production nucléaire et de la dépendance pétrolière à l’horizon 2020

Scénario de l’abondance S1

Scénario de l’abondance S2

Scénario sobre S3

1992 2000 2010 2020 2010 2020 2010 2020 Taux d’indépendance énergétique (en %)

50 50 43 37 46 43 45 43

Emissions de carbone (en Mt) Année 1990 : 104,5 Mt

105 108* 131 150 119 131 101 106

Nucléaire (en Twh) 330 395 436 381 435 428 374 355 Importations de pétrole (en Mtep)

96 115 113 129 109 121 96 98

Sources : Commissariat général du Plan, B. Dessus. *1998.

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Page 14: 8. L’accroissement des besoins en énergie

Tableau 10. Les impacts des sept scénarios prospectifs pour le monde Conseil mondial de l’énergie - IIASA CNRS Abondance Moyen Sobriété

Scénarios Risques-Impacts

A1 A2 A3 B C1 C2 Noé

Consommation en 2050 (en Gtep)

24,8 24,9 24,5 19,7 14,2 14,2 11,3

Production cumulée de pétrole (Gbl 1990-2050

2243 1858 1759 1616 1297 1286 1121

Emissions cumulées de CO2 (GtC 1990-2050)

545 610 470 488 356 350 320

Stock de déchets nucléaires (indice 100 en 1990)

1700 900 1800 1700 800 1300 550

Occupation des sols (Mhab. occupés, 3tep/hab)

800 800 1300 650 800 700 800

Source : Commissariat général du plan. Les scénarios A1, A2 et A3 constituent respectivement des variantes à dominante « pétrole », « charbon » et « gaz+ENR+nucléaire » du scénario d’abondance énergétique, les scénarios C1 et C2 sont des variantes « renouvelables » et « nucléaire » du scénario sobre ou écologique. Tableau 11. Répartition des économies d’énergie par secteur

En millions de tep cumulées Industrie Habitat (1) Tertiaire Transport Total 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1986-1995 1994-1995

- 0,51 - 0,41 2,09 2,37 2,19 3,01 4,79 6,10 7,99 8,12 8,43 8,05 7,78 9,38 12

12,06 10,63 0,42 0,23

2,53 4,33 4,33 4,13 4,75 5,97 7,63 8,42 9,16 9,50 9,82 10,88 10,39 10,91 10,86 11,49 11,81 - 2,53 - 0,16

0,69 2,11 1,98 1,87 1,83 2,3 3,2

3,89 3,94 3,81 3,7

2,63 2,58 2,86 2,86 2,98 3,31

- 1,58 - 0,13

2,21 0,83 0,39 0,36 0,76 1,03 3,04 2,61 3,76 4,28 4,91 5,94 6,01 6,48 6,12 6,55 6,03 0,62

- 0,50

4,92 6,89 8,79 8,73 9,53 12,36 18,66 21,02 24,85 25,71 26,86 27,5 26,76 30,08 31,84 33,08 31,78 - 3,07 - 0,56

Source : ADEME. (1) Seules les consommations de chauffage sont prises en compte.

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Futuribles / Etude rétrospective et prospective des évolutions de la société française (1950-2030)

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Page 15: 8. L’accroissement des besoins en énergie

Graphique 3. Évolution de l’intensité énergétique de quelques pays du Nord et du Sud de 1973 à 1997 en dollars 1990 (à parité du pouvoir d’achat) par tep.

0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

1973 1975 1980 1985 1990 1995 1996 1997

dollars par tep

France Canada Etats-UnisBrésil Mexique Corée du SudJapon Malaisie ThaïlandeChine Inde Australie

Source : Fnerdata

Graphique 4. Évolution des émissions totales de CO2 de la France dues aux seuls usages énergétiques (en millions de tonnes de carbone)

020406080

100120140160180200

Emissions de CO2 Emissions de CO2 S1 (V40) Emissions de CO2 S1 (V30)

Emissions de CO2 S2 (V40) Emissions de CO2 S2 (V30) Emissions de CO2 S3 (V40)Emissions de CO2 S3 (V40)

1960 1998 2010 20201970 1980 1990

Source : Observatoire de l’énergie.

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