193
P rojet de loi de finances pour 1999 Rapport économique, social et financier

80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

  • Upload
    lydang

  • View
    215

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

Projetde loi de finances

pour 1999

Rapport économique, social et financier

1999

– R

app

ort

éco

no

miq

ue,

so

cial

et

fin

anci

er

P A R I S I M P R I M E R I E N A T I O N A L E

Page 2: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

Projet de loi de financespour 1999

Rapport économique, social et financier

Page 3: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses
Page 4: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

AVANT-PROPOS

Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année auparlement à l’occasion de la présentation du projet de loi de finances est cette année profondé-ment renouvelé. Dans un souci de transparence et de rigueur intellectuelle, nous avons souhaitémettre à la disposition des parlementaires, et à travers eux de l’ensemble de la collectivité natio-nale, un ensemble d’analyses qui permettent de mieux étayer les choix de politique économiquequi sous-tendent les propositions budgétaires et fiscales que nous soumettons au Parlement.

Cet effort s’inscrit dans le cadre des initiatives que nous avons prises cette année pour amé-liorer les conditions du travail parlementaire, et permettre un débat mieux informé et plus nourrisur les choix de politique économique du Gouvernement : examen précoce des objectifs definances publiques pour 1999 ; concertation sur les choix fiscaux ; présentation dès le début del’été des grandes lignes du projet de loi de finances. Ces initiatives traduisent la conviction qu’undébat de qualité sur les perspectives et les choix de politique économique est nécessaire au bonfonctionnement de la démocratie de ce pays, et qu’il n’est pas de discussion exigeante qui nes’appuie sur des informations et des analyses détaillées.

Ce rapport traite donc d’abord d’un ensemble de questions structurelles sur lesquelles ilnous a semblé particulièrement important d’expliciter les fondements de nos choix : ce que serala politique économique dans un contexte transformé par l’avènement de l’euro ; pourquoi etcomment une politique d’innovation est une composante indispensable d’une politique de crois-sance ; quelle analyse nous faisons du chômage français et quelle stratégie le Gouvernementconduit pour le combattre ; quelles régulations doivent être mises en place pour maîtriser la mon-dialisation financière. Chacun de ces sujets fait ou a fait l’objet de discussions. Chacun d’eux illustrequ’il n’y a pas une seule politique économique, qu’il faut faire des choix, et que les nôtres, tour-nant le dos au libéralisme, sont ceux de la régulation et de la solidarité. Nous sommes persuadésque c’est en présentant nos analyses et nos propositions que nous pourrons convaincre.

La seconde partie du rapport est plus classique. Elle présente notre prévision pour 1999.Cette prévision est, et sera discutée, ce qui est normal dans un environnement international incer-tain. Les éléments rassemblés dans ce rapport montrent cependant que la prévision de crois-sance que nous faisons pour l’économie française ne se fonde pas sur une vision irréaliste de lasituation internationale. Elle repose, au contraire, sur la conviction que l’Europe et la France ontles moyens de faire face aux difficultés internationales. En tout état de cause, nous nous enga-geons à informer la représentation nationale de l’évolution de la situation économique interna-tionale et des réponses que nous y apportons. Il y a un an, dans le rapport 1998, nous relevionsque la performance relative de l’économie française s’était détériorée au cours des années quatre-vingt-dix. Il est possible aujourd’hui d’affirmer que cet écart défavorable a été annulé, et que laFrance aura l’une des plus fortes croissances des pays industriels. C’est ce premier succès qu’ils’agit de prolonger en 1999, et au-delà. Car il ne suffit pas que la France ait renoué avec la crois-sance. Il faut que nous sachions la rendre durable et solidaire.

Page 5: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

La troisième partie présente les perspectives de l’ensemble des finances publiques et enparticulier celle des finances de l’État. Elle exprime les orientations d’ensemble que nous avonsretenues : une politique budgétaire orientée vers le desserrement de la contrainte d’endettementqui entrave depuis trop longtemps les finances publiques ; une sélection rigoureuse des prioritésen matière de dépenses ; des mesures fiscales orientées vers l’emploi, la réduction des inégalitéset la protection de l’environnement. Cette partie comporte aussi une analyse très précise de l’inci-dence redistributive de l’ensemble des mesures adoptées ou proposées au parlement en matièrede prélèvements depuis juin 1997, qui confirme que nos décisions fiscales et sociales ont sub-stantiellement infléchi la répartition des prélèvements dans un sens favorable à la justice socialeet à l’emploi.

Ce rapport est le produit du travail conjoint de plusieurs directions du ministère de l’écono-mie, des finances et de l’industrie. À ce titre, il illustre notre volonté de développer les complé-mentarités et les synergies au sein de ce ministère, au service d’une politique économique quiunisse le court terme et le moyen terme, l’initiative et la régulation, la production et la redistribu-tion, ou la finance et l’industrie. Que tous ceux qui ont contribué à ce rapport en soient remerciés.

Dominique STRAUSS-KAHN Christian SAUTTER

Page 6: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

Table des matières

Avant-propos

Présentation générale 1

Questions de politique économique 9

La politique économique à l’heure de l’euro 11

1. Un nouveau cadre pour les politiques macro-économiques 121.1 Un nouvel acteur : la banque centrale européenne 121.2 Les politiques budgétaires : efficacité accrue et orientations de moyen terme 141.3 La nécessité d’une véritable coordination des politiques budgétaires 161.4 La politique macro-économique française à l’heure de l’euro 19

2. Adapter les politiques structurelles au nouveau contexte 202.1 Une rénovation nécessaire de certaines politiques nationales, notamment

en matière d’innovation 212.2 Eviter l’apparition de distorsions de concurrence 212.3 Les politiques de l’emploi : une stratégie concertée, pas d’uniformité 23

Innovation et croissance 25

1. Les enjeux de l’innovation : créer les conditions d’une croissance durable 261.1 Un impact sur la croissance et sur l’emploi 261.2 Le rôle des politiques publiques 28

2. Le paradoxe français : un décalage entre capacités scientifiques et position technologique 292.1 Une forte position dans le domaine de la recherche-développement 292.2 Des difficultés à traduire les découvertes en termes industriels et économiques 31

3. Une stratégie pour l’innovation 323.1 Favoriser l’émergence de nouveaux entrepreneurs 333.2 Favoriser l’émergence de nouveaux capitaux 343.3 Favoriser l’émergence de nouvelles technologies 35

Le marché du travail et la politique de l’emploi 37

1. Progression de l’emploi, mais persistance d’un chômage élevé 381.1 Une réelle amélioration de la situation de l’emploi 381.2 Chômage conjoncturel et chômage structurel 39

2. Anatomie du chômage français 402.1 L’insertion des jeunes reste délicate 402.2 Le chômage continue de toucher particulièrement les salariés les moins qualifiés 402.3 Il est particulièrement difficile de sortir du chômage 412.4 La constitution d’un « noyau dur » d’exclusion 42

Page 7: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

3. Des instruments adaptés aux différentes causes du chômage 433.1 Soutenir la croissance 433.2 Enrichir le contenu en emploi de la croissance 443.3 Donner à tous une meilleure chance d’accès à l’emploi 48

Vers une nouvelle architecture du système monétaire et financier international 53

1. Les mutations en cours dans l’économie mondiale 541 1 Un marché financier mondial 541.2 Des pays en développement intégrés au marché financier mondial 541.3 Une intégration financière déterminante pour le développement 55

2. Les inadaptations du système monétaire et financier international 562.1 Les causes de la “ bulle ” financière 562.2 Une intervention internationale d’une ampleur inégalée, qui suscite des interrogations 582.3 Les fragilités révélées du système financier mondial 59

3. Vers une réforme de l’architecture du système monétaire et financier international 633.1 Comment adapter la surveillance des politiques économiques et inciter

les créanciers privés à mieux maîtriser leurs investissements ? 633.2 Faut-il réglementer les mouvements de capitaux ? Comment mener

leur libéralisation ? 643.3 Comment adapter la coopération monétaire et financière à l’émergence

de nouveaux pays ? 683.4 Avec quels moyens la communauté internationale peut-elle faire face aux crises ? 69

Comptes prévisionnels de la Nation pour 1998 et principales hypothèses économiques pour 1999 73

Perspectives internationales 75

1. Une croissance soutenue dans l’UEM, malgré le ralentissement international 771.1 Les économies asiatiques devraient renouer très progressivement

avec la croissance 771.2 Un ralentissement des économies anglo-saxonnes 781.3 L’activité des pays de la zone euro resterait dynamique 781.4 Dans les pays émergents hors Asie, une reprise de la croissance en 1999 79

2. Inflation faible dans la zone euro, tensions temporaires dans les pays anglo-saxons 832.1 L’inflation devrait se stabiliser en 1999 dans les pays industrialisés 832.2 Des conditions monétaires qui restent favorables dans la zone euro 84

3. La croissance de la demande mondiale se tasserait dès 1998 86

La situation économique dans la zone euro 89

1. La zone euro comble progressivement son retard de demande sans tensions inflationnistes 891.1 Une croissance de 3 % en 1997 891.2 Pas de risque de tensions inflationnistes dans l’ensemble de la zone 911.3 Des conditions monétaires détendues et un ajustement budgétaire bien engagé 93

Page 8: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

2. La gestion des divergences cycliques 942.1 Allemagne, France et Italie contribuent de manière prépondérante au cycle

de la zone euro 942.2 Certaines économies sont aujourd’hui en avance par rapport au cycle européen 962.3 Dans les pays en avance, l’inflation est plus élevée que dans le reste de la zone 972.4 Des politiques budgétaires différenciées 98

La crise en Asie et ses conséquences 99

1. Une crise économique et financière marquée, dont la résorption ne se manifestera que très progressivement 99

2. Une rechute dans la récession au Japon 104

3. Les effets négatifs de la crise asiatique sur les pays industrialisés sont limités par la baisse des taux d’intérêt 105

L’évolution économique en France 107

1. Les dernières informations conjoncturelles témoignent de la bonne orientation de l’activité 107

2. Le commerce extérieur cesserait de soutenir la croissance en 1998 et 1999 108

3. La demande intérieure tire désormais la croissance 109

4. La croissance de l’activité, forte en 1998, ne s’affaiblirait que légèrement en 1999 109

5. L’amélioration du marché du travail se poursuivrait à un rythme soutenu 109

6. La hausse des prix resterait inférieure à 1,5% 110

7. Fiches 111

La consommation des ménages 111

L’investissement des entreprises 113

Les échanges extérieurs 115

L’inflation 117

La formation du revenu des ménages 119

La situation financière des sociétés 121

Le partage des fruits de la croissance 123

L’emploi 125

L’équilibre épargne-investissement 127

L’évolution des finances publiques 135

L’équilibre d’ensemble des comptes publics 139

1. Une baisse nette de la part des dépenses publiques dans le PIB 140

2. Une réduction progressive du taux de prélèvements obligatoires 141

3. Une réduction d’ampleur comparable des déficits de l’Etat et des régimes sociaux 142

4. Une quasi-stabilisation du poids de la dette publique 144

Page 9: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

L’évolution des comptes des différents secteurs 147

1. L’Etat 1471.1 Une progression des dépenses de 1% en volume pour financer les priorités

du Gouvernement 1471.2 Une baisse des impôts favorable à l’emploi, la justice sociale et l’écologie 1491.3 Une réduction du déficit de 21 MdsF 151

2. Les administrations de sécurité sociale 1522.1 Le redressement des comptes sociaux 1522.2 Les différents régimes 153

3. Les administrations publiques locales 1543.1 Une croissance encore soutenue des dépenses locales 1553.2 Des assiettes de fiscalité directe dynamique 155

Les dépenses de l’Etat 157

1. Les priorités du Gouvernement 1571.1 La lutte pour l’emploi et pour la justice sociale 157

1.1.1. L’emploi 1571.1.2. La santé et la solidarité 1581.1.3. La politique de la ville 1581.1.4. Le logement 1591.1.5. L’éducation nationale 1601.1.6. La jeunesse et les sports 160

1.2 Les missions de service public et l’amélioration de la vie quotidienne 1611.2.1. La justice 1611.2.2. La sécurité 1611.2.3. L’environnement 1611.2.4. La culture et l’audiovisuel 1621.2.5. La défense 162

2. Un effort de sélectivité dans les dépenses 163

Les impacts budgétaires et redistributifs des principales réformesdes prélèvements fiscaux et sociaux depuis 1997 165

1. Une redistribution de grande ampleur entre les ménages, un rééquilibrage entre la taxation des revenus du travail et du capital 1671.1 Les réformes corrigent le déséquilibre entre taxation du travail et du capital 1691.2 Les réformes vont dans le sens d’un effort redistributif accru 1711.3 Bilan 174

2. Un allégement de la pression fiscale pesant sur l’emploi 1752.1 La réforme de la taxe professionnelle : une simplification orientée vers l’emploi 1762.2 Un alourdissement en partie temporaire du poids de l’impôt sur les sociétés 1772.3 L’évolution des prélèvements sur les entreprises 178

3. Des réformes qui contribuent à la baisse des prélèvements obligatoires 179

Page 10: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

1

PRÉSENTATION GÉNÉRALE 1

La publication de ce document intervient dans un contexte international troublé. La forcede la tourmente financière, avivée par la crise financière russe, ne doit pas être sous-estimée.Les marchés boursiers traversent effectivement des turbulences préoccupantes ; la croissancemondiale subira certainement les effets de la crise asiatique et de certains pays émergents ; biensûr le Japon doit s’engager rapidement dans un redressement de grande ampleur.

Pour autant, ce document met en évidence que nous avons les moyens de déployer unestratégie résolue pour atteindre la croissance durable qui est la priorité du gouvernement deLionel Jospin.

Cette stratégie repose sur trois idées simples que nous voudrions développer dans cetteintroduction au Rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 1999.

1. La nécessité d'une nouvelle régulation internationale pour mieux ordonner des marchésdont l'instabilité menace la croissance mondiale.

2. La perspective d'une croissance européenne soutenue grâce, notamment, à la mise enœuvre de l'euro.

3. L'objectif d'une croissance française durable, qui suppose tout à la fois la reconstitutionde nos marges de manœuvre et l'élévation de notre potentiel de croissance.

1 Ce texte reprend les principaux éléments de la présentation du projet de loi de finances pour 1999 effectuée le9 septembre par Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, et Christian Sautter,secrétaire d’État au budget.

Page 11: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

2

I. La nécessité d’une nouvelle régulation internationale

L’environnement mondial s’est clairement assombri depuis le printemps, soulignant lanécessité de promouvoir de nouvelles régulations économiques et financières internationales.

Un chiffre résume l’effet externe subi par l’économie française : la croissance de la demandemondiale adressée à la France sera divisée par deux entre 1997 et 1999. Elle était de plus de10 % en 1997. Elle sera d’environ 5 % en 1999, malgré la vigueur de la reprise des économieseuropéennes qui représentent plus de 60 % de nos exportations.

La dégradation de l’environnement international ne doit cependant pas nous conduire àdes jugements indifférenciés sur la situation des différentes zones de l’économie mondiale, àl’image de ce que font les marchés financiers qui sont prompts à manifester une suspicion géné-ralisée, brûlant un jour ce qu’ils avaient la veille encensé. Les responsables publics doivent pourleur part faire un effort de lucidité sur la situation de chacune des parties de l’économie mon-diale.

Déclenchée par une vague de spéculation, révélant des erreurs de politique économique oudes faiblesses structurelles cachées, aggravée par une chute sans doute excessive des taux dechange et par des politiques économiques qui apparaissent, a posteriori, avoir souvent été exa-gérément restrictives, la contraction des économies émergentes d’Asie a été particulièrementprononcée. Sur l’ensemble de l’année, l’activité reculera probablement de plus de 5 % dans deséconomies habituées à croître de 5 à 10 % par an.

Certains signes - en particulier les évolutions récentes des exportations et des importationsde ces pays - suggèrent cependant que l’ajustement externe s’est opéré, qu’un plancher est enpasse d’être atteint et qu’un rebond est possible au cours des prochains mois. La mise en œuvrerésolue des programmes appuyés par la communauté internationale peut permettre ainsi unredémarrage des économies émergentes d’Asie.

Poids lourd de l’économie asiatique, le Japon a entrepris au mauvais moment un redresse-ment budgétaire trop brutal et a tardé à réagir à l’approfondissement des difficultés de son éco-nomie : la restructuration de son système financier n’en est encore qu’à son commencement. Sesmodalités ne sont pas aussi claires qu’on le souhaiterait. Malgré des engagements importants,l’ampleur de la nécessaire stimulation fiscale de l’économie japonaise reste en outre incertaine.Au total, la stratégie de redressement économique manque encore de cohérence et de lisibilité.La récession sera sévère au Japon cette année et la reprise sans doute très modérée l’an pro-chain. Les dirigeants japonais sont, n’en doutons pas, conscients de leurs responsabilités histo-riques pour enclencher le redémarrage de l’Asie. Combinée avec la poursuite de la politique destabilité de la monnaie, conduite avec une détermination remarquable par les autorités chinoises,une action résolue du gouvernement japonais devrait permettre d’éclairer l’horizon pour l’Asieau cours des prochains mois.

Le troisième foyer d’incertitudes est représenté par les risques de contagion de l’instabilitéfinancière à l’ensemble des pays émergents, à la suite de l’effondrement financier de la Russie.

L’impact macro-économique direct de la crise russe sur la croissance européenne est faible,compte tenu de sa part réduite dans l’économie mondiale : il faut rappeler, par exemple, que laRussie ne représente qu’un pour cent de nos exportations. Mais cette crise s’est transmise àd’autres pays émergents par le canal financier.

Pour nombre de ces pays émergents, la contagion de la crise financière n’apparaît cepen-dant pas justifiée.

Beaucoup de ces difficultés résultent de la chute des cours des matières premières dont lacontrepartie est une hausse du pouvoir d’achat des pays importateurs : à bien des égards, nousassistons à un nouveau contre-choc pétrolier, événement qui avait contribué - faut-il le rappe-ler ? - à la forte croissance des pays développés dans la deuxième moitié des années 80.

Page 12: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

3

Il reste que nous ne pouvons pas nous désintéresser de l’évolution du sort de nombreuxpeuples qui peuvent avoir le sentiment que le temps des grandes épidémies est revenu, frap-pant toutes ses victimes de façon indifférenciée, sans qu’il soit possible d’inverser le cours deschoses. Deux principes doivent guider notre action : discriminer et aider.

• Discriminer implique de traiter de manière différente des situations différentes.

- Certains pays souffrent d’une gestion déficiente, et doivent remettre de l’ordre dans leurmaison ; la Russie illustre ce cas de figure. La communauté internationale ne peut pas se substi-tuer aux gouvernements pour mettre en œuvre l’action requise. En Russie, la solution passed’abord par la stabilisation macro-économique pour conjurer le risque d’inflation, puis par lareconstruction d’un État capable d’assurer ses missions régaliennes et de lever l’impôt pour finan-cer les services publics nécessaires au fonctionnement normal d’un pays. C’est dans ce cadre quenous souhaitons reprendre le dialogue sur les voies du redressement économique de la Russie.

– Certains pays enregistrent encore un déficit de leurs échanges courants, produit d’unedemande interne sans doute un peu trop dynamique. Ils doivent progressivement les ramener àun niveau qui peut être financé. La communauté internationale, au travers des organisations inter-nationales compétentes, en premier lieu le FMI, peut et doit continuer à aider aux ajustementsnécessaires.

– D’autres, enfin, sont dans une situation essentiellement saine et subissent à l’excès lecontrecoup des crises. Il faut aider les marchés à le comprendre.

• Aider les pays en difficulté est aussi une nécessité : au-delà de l’action des organisationsinternationales, les pays du G7 et l’Union Européenne ont une responsabilité particulière. Ils doi-vent veiller dans la conduite de leurs politiques économiques à rechercher les solutions coopé-ratives. Plus précisément, les pays de la zone euro doivent être prêts à manifester leur confianceet leur solidarité aux pays qui leur sont proches, en Europe et ailleurs.

Au total, la crise asiatique et les effets qu’elle a eus sur les pays émergents soulignent lanécessité de réformer l’architecture monétaire et financière internationale pour mettre en placeles régulations dont l’économie mondiale a besoin. Tel est l’objet des propositions que la Francea faites.

Le dernier point d’interrogation pour l’économie mondiale concerne les États-Unis. Aprèssept années de croissance soutenue, le ralentissement de l’économie américaine n’apparaît nicertain ni massif, même s’il est toujours annoncé. Toutefois, la prévision de demande mondialeque nous avons évoquée est cohérente avec un ralentissement sensible de l’activité aux États-Unis. Ce ralentissement temporaire et inévitable, compte tenu de la forte croissance des septannées passées, peut-il se transformer en franche récession sous l’effet d’une correction bour-sière trop brutale ? C’est peu probable compte tenu de la vitalité profonde de l’économie amé-ricaine. En tout état de cause, les autorités américaines disposent des moyens pour faire face auxrisques d’une décélération trop brutale : la politique monétaire a jusqu’ici géré le cycle avec unegrande dextérité ; la politique budgétaire dispose d’excédents qui pourront être mobilisés. Lesmarges de manœuvre qu’autorise une bonne situation des finances publiques constituent pour lespays européens et pour la France un exemple à méditer.

Au total, ce panorama de notre environnement international souligne la rudesse du chocque doivent affronter les économies européennes et l’économie française. Même si les pays dela zone euro sont globalement peu ouverts sur le reste du monde, la contraction de l’activitédans de nombreux pays émergents, la récession japonaise et le ralentissement probable de l’éco-nomie américaine affecteront leur croissance en 1999, avec une contribution négative du com-merce extérieur. Ce facteur, malgré la vigueur de notre demande interne, a conduit à retenir uneprévision prudente de croissance pour 1999.

Page 13: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

4

II. La perspective d’une croissance européenne soutenue

En 1999, la croissance de la zone euro sera probablement la plus forte de celle des grandeszones de l’économie mondiale.

Les économies européennes, après des performances souvent médiocres pendant la pre-mière partie des années 1990, disposent aujourd’hui d’un potentiel de rebond élevé. Les ten-sions inflationnistes apparaissent pratiquement inexistantes dans les grands pays de la zone, toutparticulièrement en France et en Allemagne qui représentent, à elles deux, plus de la moitié duPIB de la zone. Après des années de restructuration, la compétitivité des entreprises européennesa été restaurée et leur bilan assaini. Au total, aucun facteur interne ne s’oppose à une croissancesoutenue et durable des économies européennes.

Les économies de la zone euro bénéficient de conditions monétaires stables, ce qui estfavorable à l’investissement et à la croissance. Le contraste est particulièrement saisissant entrel’instabilité des taux de change dans le monde et le très grand calme qui règne sur les marchésde change intra-européens. La marche vers l’euro révèle ici très clairement ces bénéfices. Alorsque la crise mexicaine avait déstabilisé les marchés financiers européens, l’instabilité des mar-chés mondiaux n’a pas affecté la sérénité des marchés en Europe.

Cette convergence s’effectue dans un contexte de baisse des taux d’intérêt favorable à lacroissance. Jamais, depuis 1945, la France n’a bénéficié de taux nominaux aussi bas. Allégeant lepoids du service de la dette publique, cette baisse des taux favorise la demande des ménages, enparticulier celle de logements, et stimule l’investissement des entreprises.

La forte baisse des taux d’intérêt à long terme enregistrée depuis le début de la crise asia-tique a ainsi permis de compenser en bonne partie l’effet récessif de la dégradation de l’envi-ronnement international, en favorisant une vigoureuse expansion de la demande intérieure enEurope.

Pour prolonger ce contexte favorable - car l’Europe a les moyens de faire face à la crise -,il faut à la fois :

• Une coordination effective des politiques budgétaires nationales qui prenne en comptela situation de l’économie et des finances publiques de chaque pays. C’est à cette fin qu’a étécréé le Conseil de l’euro.

• Une conduite appropriée de la politique monétaire. La BCE prend les rênes dans unesituation délicate, qui va nécessiter du jugement, notamment pour jauger avec précision lesconséquences externes de ses décisions. Elle devra gérer le cycle européen en vue de préserverla stabilité des prix et de maintenir un environnement favorable à la croissance.

Dans le concert européen, le dynamisme de la demande intérieure française est particuliè-rement prononcé.

Grâce notamment aux mesures que le Gouvernement a su prendre depuis un an (gains depouvoir d’achat des salariés avec le basculement des cotisations maladies sur la CSG, revalorisa-tion du SMIC …), la croissance de la consommation des ménages est aujourd’hui particulière-ment dynamique.

Conjointement, le dynamisme de l’emploi nourrit la croissance des revenus du travail etpoursuit le cercle vertueux de la croissance et de l’emploi. En 1998 et 1999, environ 250 000emplois seront créés chaque année dans le secteur marchand, grâce à la croissance, mais aussi,pour cette dernière année, grâce aux premiers effets de la réduction du temps de travail. Autotal, la création nette d’emplois devrait dépasser 300 000 pour chacune des deux années 1998et 1999, contre environ 160 000 par an dans les années soixante, 100 000 dans les annéessoixante-dix, et 70 000 dans les années quatre-vingt.

L’emploi et les mesures de justice sociale contribueront à une hausse du revenu del’ensemble des ménages pratiquement inconnue depuis le début de la décennie.

Page 14: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

5

Le rythme élevé de progression de la demande des ménages entraînera une sensible accé-lération de l’investissement des entreprises, qui devrait approcher 6 % en 1998 et 1999. Cetteévolution favorable permettra de rattraper une partie du retard accumulé depuis plusieurs années.Nous considérons qu’elle est encore insuffisante. Pour croître vigoureusement dans les cinq pro-chaines années, la France a besoin d’un effort d’équipement soutenu. À défaut, l’expansion del’économie française viendrait buter sur des capacités de production insuffisantes. Nous devronsainsi prendre garde à ne pas compromettre le réveil de l’investissement qui s’est amorcé, et quenous devons accompagner.

Au total, la force de la demande intérieure atténuera fortement l’impact du ralentissementde l’économie mondiale. En 1998 et 1999, la croissance sera forte. Elle devrait atteindre 3,1 % en1998. En 1999, l’ampleur du choc extérieur a conduit à retenir une perspective de croissancelégèrement plus faible : 2,7 %.

III. L’objectif d’une croissance française durable

En 1999, les politiques économiques devront garder le cap d’une stratégie de croissancedurable, favorable à l’épanouissement d’une société du travail.

Cette stratégie de croissance s’articule autours de deux volets :

• Viser une gestion des finances publiques qui tire parti de la croissance pour reconstituerdes marges de manœuvre, à moyen et long terme, de manière à limiter les fluctuations exces-sives de l’activité économique que le fonctionnement spontané des marchés suscite.

• Mobiliser l’énergie et les capacités créatrices des forces du travail, des entrepreneurs etdes grands services publics.

La reconstitution de nos marges de manœuvre permettra de préserver une conjoncturefavorable.

En présentant en avril les objectifs des finances publiques pour 1999, nous indiquionsqu’après la réalisation d’un déficit public de 3 % en 1998, nous visions pour 1999 une cible ambi-tieuse de 2,3 % 1.

L’équilibre du PLF pour 1999 met en évidence une nouvelle réduction du besoin de finan-cement de l’État de 21 MdF. Le déficit budgétaire s’établira ainsi à 236,6 MdF pour 1999. L’évo-lution contenue des dépenses (+ 1 % en volume) permettra tout à la fois de réduire les déficitspublics et d’entamer le processus de baisse des impôts, avec une première tranche de 16 MdFen 1999.

Pour 1998, il apparaît d’ores et déjà que le besoin de financement de l’ensemble descomptes publics pourrait être inférieur à 3 % et ne devrait pas dépasser 2,9 %, la croissance dela demande intérieure, plus vive que prévu, contribuant certainement à l’amélioration del’ensemble des comptes publics.

Cette amélioration de la situation des finances publiques concerne aussi les comptessociaux. Le PLFSS confirmera l’objectif de retour à l’équilibre du régime général en 1999. La crois-sance de l’emploi permet même d’envisager des excédents plus élevés de l’ensemble descomptes sociaux (de l’ordre de 0,15 point de PIB en 1999). Cette évolution est souhaitable, enraison notamment de nos perspectives démographiques.

Notre gestion des finances publiques nous permettrait de faire face, le moment venu, auxconséquences d’un éventuel ralentissement de la croissance. Comme nous l’évoquions pour lesÉtats-Unis, une amélioration structurelle du solde public autorise une politique conjoncturelle desoutien à la croissance. La réduction de la part des dépenses publiques dans le PIB se traduit parune amélioration du solde structurel des finances publiques françaises, sans recours à des haussesde prélèvements.

1 On notera que cet objectif de réduction du déficit public est l’un des plus importants parmi les pays européens.

Page 15: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

6

Cette amélioration structurelle des finances publiques nous permettra d’approcher dès 1999l’objectif de stabilisation du poids de la dette publique qui est prévu pour l’an 2000. Avec undéficit des comptes publics de 2,3 % du PIB, nous serons en effet très près du seuil de 2 % quipermet, à moyen terme, de stabiliser le poids de la dette dans le PIB. Le poids de la dettepublique n’atteindrait que 58,7 % du PIB en 1999 contre 58,2 % en 1998. Ce bon résultats’explique par le niveau des taux d’intérêt et la baisse rapide du déficit. Pour la première foisdepuis 1991, l’équilibre primaire sera atteint : les recettes de l’État couvriront l’intégralité de sesdépenses hors charge de la dette.

Soutenir la consommation et mobiliser les forces de la production pour favoriser une expansion durable.

Nous avons souvent souligné notre volonté de faire du ministère de l’économie, desfinances et de l’industrie, le ministère de la production au service du développement d’unesociété du travail.

Pour réaliser cet objectif ambitieux, il nous faut tout à la fois laisser aux producteurs uneplus grande partie des richesses, orienter notre système de prélèvement dans un sens plus favo-rable à l’emploi, et donc à la justice sociale, et améliorer l’efficacité de l’État et de nos grandsservices publics.

Le PLF pour 1999 organise la poursuite de la décrue des prélèvements obligatoires, aprèsles fortes hausses des années 1993-1997. Pour la deuxième année consécutive les prélèvementsobligatoires baisseront en 1999. Après avoir culminé en 1997 à 46,1 % du PIB, le taux de prélè-vements obligatoires devrait baisser de 2/10e de point en 1998 comme en 1999, malgré uncontexte où la vive croissance de la demande intérieure augmente spontanément les recettesfiscales.

Cette évolution des impôts permettra de laisser une plus grande part des richesses pro-duites aux producteurs de ces richesses.

La décrue des prélèvements obligatoires s’accompagnera d’une structure des prélèvementsplus favorable à l’emploi et à la justice sociale.

La suppression progressive de la part salaire de la taxe professionnelle se traduira, in fine,par une réduction nette de près du tiers de cet impôt sur le travail. La baisse des droits de muta-tion, communément appelés « frais de notaire », conduira aussi à favoriser la mobilité des salariésen réduisant les coûts des changements de résidence. En outre, le projet de budget maintient lefinancement du mécanisme de réduction des cotisations sociales sur les bas salaires.

Complémentaire à cet effort de promotion de l’emploi, le projet de budget conforte l’effortde redistribution, grâce à la baisse de la TVA sur les abonnements EDF, – les baisses de TVA attei-gnant au total près de 10 MdsF en deux ans –, à l’accroissement du rendement de l’ISF et auxeffets de la révision des valeurs locatives sur la taxe d’habitation.

Le dernier grand volet de notre politique économique consiste à promouvoir l’efficacitéde l’action de la sphère publique. Ce projet de budget traduit le souci d’une meilleure utilisationdes dépenses publiques de l’État. L’accent mis sur nos priorités se traduit par d’importants redé-ploiements de crédits, de l’ordre de 30 MdsF. Combinés avec les actions engagées en 1997 et1998, ce sont plus de 5 % des dépenses publiques qui auront été redéployés, résultat particu-lièrement notable compte tenu de la rigidité des dépenses de l’État.

La lutte contre une gestion insuffisamment rigoureuse des ressources publiques ne se can-tonnera pas aux dépenses de l’État. Dans le domaine de l’assurance-maladie, le Gouvernements’efforce de faire revenir les dépenses de santé sur le sentier qui avait été arrêté par le Parlementlors de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Page 16: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

7

Notre stratégie budgétaire se dessine donc clairement. Pour 1999, elle partage nos margesen trois tiers à peu près égaux :

– 16 milliards de francs pour la progression des dépenses en volume, pour financer lespriorités,

– 16 milliards de francs pour la baisse des impôts,

– 21 milliards de francs pour la réduction du déficit.

** *

Dans un environnement international troublé, la perspective d’une croissance soutenue etcréatrice d’emplois ne repose pas sur l’espoir que la France soit à l’abri des perturbations externes.Elle exprime une volonté et se fonde sur une stratégie : proposer des réformes pour mieux maî-triser la mondialisation ; agir en Europe pour mobiliser les instruments de décision collective dontnous nous sommes dotés ; conduire en France une politique économique favorable à la crois-sance et à l’emploi.

Page 17: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses
Page 18: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

9

QUESTIONS DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE

Page 19: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses
Page 20: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

11

La politique économique à l’heure de l’euro

L’Union économique et monétaire constitue une nouvelle étape, décisive, dans l’intégrationéconomique européenne. Après l’instauration du « marché commun », puis du « marché unique »,le long processus d’intégration européenne, qui s’est toujours accompagné d’une recherche dela stabilité des changes, aboutit aujourd’hui à la mise en place d’une monnaie unique. Avec elle,ce sont en premier lieu les politiques macro-économiques qui doivent être repensées, pour s’ins-crire dans un cadre institutionnel nouveau, et sans équivalent ailleurs dans le monde.

Les exigences inhérentes à un régime de change fixe étaient déjà très largement présentesen Europe, à travers les mécanismes du SME. Elles acquerront un caractère permanent et irrévo-cable : plus de recours possible à la dévaluation, plus de monétisation possible de la dettepublique. L’entrée dans l’euro entérine donc la désuétude d’une autonomie monétaire nationalequi n’était plus exercée depuis longtemps. Mais au sein de l’Union, elle accroît le potentield’échange, d’intégration et donc de compétitivité collective. Elle met fin aux crises de changerécurrentes, dont l’Europe a éprouvé les conséquences néfastes pour la croissance. Elle consacrel’émergence d’une autonomie collective de la politique monétaire européenne. Et les politiquesbudgétaires, qui restent du ressort des autorités nationales, auront au sein d’un ensemble moné-taire intégré une efficacité nouvelle. L’euro peut ainsi être le catalyseur d’une prospérité et d’unecroissance retrouvées.

Pour cela il importe de mettre en place un nouvel équilibre, entre un niveau national, celuides politiques budgétaires, et un niveau européen, celui de la politique monétaire ; entre desautorités nationales agissant de manière plus ou moins coordonnée, et un nouvel acteur, laBanque Centrale Européenne. Le respect de disciplines communes, et une coordination des poli-tiques budgétaires, seront nécessaires, pour à la fois gérer un cycle commun et trouver desréponses aux disparités de situation entre économies nationales.

Les politiques macro-économiques ne seront pas les seules modifiées par l’introduction dela monnaie unique. Les politiques structurelles auront plus que jamais un rôle à jouer pour assu-rer la compétitivité des territoires et promouvoir une croissance durable. L’évolution des structureset des comportements appellera une concertation plus étroite entre les États, dans un contexteoù la répartition des compétences entre les échelons nationaux et communautaires n’est pasentièrement stabilisée. La nécessité d'élaborer des normes et des règles de bonne conduite dansdes domaines tels que la fiscalité et le contrôle prudentiel se fera plus pressante.

Page 21: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

12

1. Un nouveau cadre pour les politiques macro-économiquesLes pays participant à l’euro ont choisi de se doter d’une monnaie unique parce que l’inter-

dépendance de leurs économies et la convergence de leurs performances permettaient d’envi-sager une gestion conjointe du cycle économique. La Banque centrale européenne, nouvel acteurde la politique économique, placera ainsi son action directement dans une perspective euro-péenne : c’est le cycle économique de la zone euro dans son ensemble qu’elle devra prendre encompte dans sa recherche de la stabilité des prix. Les politiques budgétaires resteront, enrevanche, à la disposition des autorités nationales pour répondre aux perturbations conjonctu-relles qui pourraient affecter, en propre, leur économie ou pour contribuer, si nécessaire, à la sta-bilisation de l'activité dans la zone euro, à travers la coordination des politiques budgétaires.

Le bon dosage entre une politique monétaire commune et une politique budgétaire décen-tralisée suppose des mécanismes nouveaux de coordination : c’est la raison de la mise en placedu Pacte de Stabilité et de Croissance, et récemment, sur la proposition de la France, du Conseilde l’euro ou « Euro-11 ». Leur mise en œuvre suppose aussi que chaque pays ait su se ménagerdes marges de manœuvre pour l’action budgétaire. Dans le cas de la France, l’effort de réductiondes déficits publics, déjà bien engagé, doit encore se poursuivre pour que la politique budgé-taire puisse être mobilisée pour soutenir l’activité en cas de retournement cyclique.

1.1 Un nouvel acteur : la Banque centrale européenne

A partir du 1er janvier 1999, la Banque centrale européenne (BCE) conduira une politiquemonétaire unique pour l’ensemble de la zone euro. Les taux d’intérêt à court terme seront doncles mêmes pour tous les pays participant à la zone (les taux à long terme pourront différerquelque peu, en fonction notamment de l’endettement public des différentes pays), et il n’y aurabien entendu qu’une seule politique de change. Deux questions principales se posent à proposde la politique de la Banque centrale :

● quels poids les différents objectifs de la politique économique auront-ils dans le com-portement de la Banque centrale ?

● de quelle manière la Banque centrale prendra-t-elle en compte la disparité des situationsau sein de la zone euro ?

La Banque centrale européenne est responsable de la stabilité des prix.

Sur le premier point, les textes sont clairs. La BCE doit, selon le Traité de Maastricht, seconsacrer « au maintien de la stabilité des prix. Sans préjudice de cet objectif, le Système euro-péen de banques centrales apporte son soutien aux politiques économiques générales de la Com-munauté » (art. 105). Cela signifie que la Banque centrale aura pour priorité le maintien de la sta-bilité des prix, et qu’elle pourra contribuer à soutenir la croissance dans la mesure où son actionne portera pas atteinte à cet objectif prioritaire. Dans un environnement de faibles tensions infla-tionnistes tel que l’Europe en connaît actuellement, la BCE devra donc s’attacher à gérer le cycleafin de permettre le maintien et le développement d’une croissance non inflationniste.

La politique monétaire est définie par référence au cycle européen.

Sur le second point, l’orientation de la BCE ne fait pas de doute. Destinée à assurer la sta-bilité des prix pour l'ensemble de la zone euro, la politique monétaire unique n'a pas vocation àprendre en compte les conjonctures particulières à chaque économie. Pour autant, ces circons-tances nationales ne seront pas ignorées : elles exerceront, en effet, sur la conduite de la politiquemonétaire commune, une influence proportionnée au poids économique du pays concerné dansl’ensemble de la zone euro (cf. graphique 1 pour la part des différents pays dans le PIB de la zone

Page 22: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

13

euro), marquant ainsi un réel progrès par rapport à la situation qui prévalait jusqu'ici au sein duSME, où les conditions économiques du pays-ancre du système exerçaient une influence pré-pondérante sur l’orientation des politiques monétaires.

Graphique 1 : Part de chaque État membre dans le PIB de la zone euro

Source : Datastream, calculs DP.

Largement dégagée des contraintes de défense du change auxquelles étaient confrontéesles banques centrales nationales dans le cadre du SME, opérant par ailleurs au sein d'une « zoneeuro » beaucoup moins ouverte sur l'extérieur que ne l'étaient les économies nationales, la Banquecentrale européenne bénéficiera de marges de manœuvre fortement accrues pour assurer la sta-bilité des prix et apporter son concours à la politique économique générale de la Communauté.

Disciplines et avantages d’une union monétaire

En fixant irrévocablement leurs parités, les pays membres de l’Union monétaire perdentun degré de liberté dans la gestion macro-économique. En particulier, les pays de l’Union moné-taire ne pourront plus compter sur une dépréciation de leur monnaie pour corriger des erreurs depolitique économique (dégradation de la compétitivité sous l’effet de l’inflation) ou amortir l’effetdes chocs dits asymétriques, c’est-à-dire affectant spécifiquement un pays (catastrophe naturelle,baisse de la demande adressée à un produit dans lequel le pays a une spécialisation forte,...). Ils’agit là d’une discipline nouvelle que les politiques nationales devront pleinement prendre encompte.

La portée de cette contrainte doit être mise en regard des avantages collectifs que pro-cure la participation à une union monétaire. Il faut aussi rappeler que dans les faits, l'efficacité dela dévaluation n'est en rien garantie. L’expérience des années 1970 et du début des années 1980a montré que si les dévaluations pouvaient, à court terme, apporter un soutien à l’économienationale – au détriment des pays partenaires –, c’était le plus souvent au prix d’un surcroît d’infla-tion et d’une élévation des taux d’intérêt, préjudiciables à terme à la croissance. Quand ellesréussissent ces dévaluations doivent s'accompagner, comme l'a bien illustré l'expérience italiennedu début des années 90, d'une politique des revenus très rigoureuse, voire d'un ajustement bud-gétaire de grande ampleur. Enfin, l’économie française est, au sein de l’Union monétaire, l’une decelles où la structure de la production et du commerce extérieur est la plus proche de la moyenne,ce qui la rend moins sujette que d’autres à des « chocs asymétriques ».

10

15

0

5

20

25

30

35

Allemagne France Italie Espagne Pays-Bas Belgique Autriche Finlande Portugal Irlande Luxembourg

En %

Page 23: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

14

Si elle réduit, dans certaines circonstances, les marges d'ajustement des économies natio-nales, l'Union monétaire en revanche éliminera par nature les risques de perturbations moné-taires intra-européennes, telles qu'on a pu en observer au début des années 90. Cette plus grandestabilité du cadre monétaire européen, qui est perceptible depuis déjà plusieurs années, a eupour corollaire une réduction considérable des taux d'intérêt prévalant, en moyenne, au sein dela zone euro.

Ainsi, la disparition des incertitudes relatives aux parités intra-européennes a d’ores et déjàquasiment permis d’éliminer les primes de risque de change sur les taux d’intérêt : l’ensemble despays européens bénéficie aujourd’hui de taux d’intérêt bas (4,7 % pour les taux à long terme enaoût 1998), très proches des taux d’intérêt allemands, alors que des écarts positifs, parfois sub-stantiels, avec ceux-ci avaient persisté tout au long des années 1980 et au début des années1990 (cf. graphique 2).

Graphique 2 : Évolution des taux longs sur la zone euro et en Allemagne

Source : REUTERS, calculs DP

Au total, la constitution de l’Union monétaire redonnera donc à la zone euro la possibilitéde bénéficier de taux d’intérêt cohérents avec la situation conjoncturelle globale. Il rendra éga-lement les taux d’intérêt européens moins sensibles que par le passé aux perturbations exté-rieures et les taux à long terme plus en ligne avec les fondamentaux des économies nationales,tels que la solvabilité des États.

1.2. Les politiques budgétaires : efficacité accrue et orientations de moyenterme

Une efficacité contracyclique accrue

Les politiques budgétaires nationales retrouveront en union monétaire une efficacité accrue.En situation de faible mobilité internationale du capital (comme dans la France du début desannées quatre-vingt) ou de substituabilité internationale limitée des actifs financiers (en raison du

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

Mai

-91

Aoû

t-91

Nov

.-91

Févr

.-92

Mai

-92

Aoû

t-92

Nov

.-92

Févr

.-93

Mai

-93

Aoû

t-93

Nov

.-93

Févr

.-94

Mai

-94

Aoû

t-94

Nov

.-94

Févr

.-95

Mai

-95

Aoû

t-95

Nov

.-95

Févr

.-96

Mai

-96

Aoû

t-96

Nov

.-96

Févr

.-97

Mai

-97

Aoû

t-97

Nov

.-97

Févr

.-98

Mai

-98

Aoû

t-98

Taux long zone euro (à 10 ans)

Taux long allemand (à 10 ans)

Page 24: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

15

risque de change), une politique keynésienne de relance budgétaire voit son efficacité limitéepar les effets d' « éviction » qu’elle suscite : elle s’accompagne d’une hausse des taux d’intérêt quipèse sur l’activité et limite les effets expansionnistes de la politique de relance. En régime dechanges flexibles, les effets de relance de la politique budgétaire peuvent même être annuléspar l’appréciation du change. Toutes ces raisons ont souvent conduit à dire que les politiquesbudgétaires avaient perdu leur efficacité.

En union monétaire, en revanche, alors que la politique monétaire sera déterminée demanière centralisée et que tous les pays de la zone euro auront accès à un marché des capitauxunifié, la hausse des taux d’intérêt induite par une politique d’expansion budgétaire dans un Étatmembre sera beaucoup plus diluée. Il en sera de même de l’effet d’appréciation du change.L’impact de la politique budgétaire sur l’activité nationale sera donc plus fort. Cela permettradonc aux pays membres de la zone euro, qui seront par ailleurs privés de l’instrument moné-taire, de faire plus fréquemment appel à la politique budgétaire, qu’il s’agisse de soutenir l’acti-vité dans les phases de ralentissement spécifiques à un pays ou de prévenir la surchauffe dans lesphases de croissance. La situation actuelle de certains pays membres, dont le cycle est en avancesur celui de la zone euro, et qui commencent à rencontrer des tensions sur certains marchés,illustre les problèmes du réglage conjoncturel en régime d’union monétaire, et le rôle que peutjouer la politique budgétaire.

Ainsi, il est probable que la politique budgétaire prendra avec l’Union monétaire un rôlecontracyclique accru.

La nécessité d’orientations de moyen terme

Les mêmes motifs expliquent la nécessité de règles de discipline pour les politiques bud-gétaires nationales. Du fait même de la dilution des effets d’éviction et d’appréciation du change,chaque pays pris isolément pourrait être plus enclin à recourir à l’instrument budgétaire dans uneoptique de moyen terme. La politique budgétaire de la zone euro dans son ensemble pourraitainsi comporter un biais structurel vers le déficit. Dès lors, la politique monétaire devrait com-penser ce biais expansif en imposant, à l’inverse, des taux d’intérêt en moyenne plus élevés. Il enrésulterait un policy mix déséquilibré. Or, ce couple constitué d’une politique budgétaire tropexpansive et de conditions monétaires trop restrictives a été expérimenté par plusieurs payseuropéens, dont la France, au début des années 1990 : on sait qu’il n’est pas favorable à l’activité.

Certes, d’autres facteurs viendront tempérer une tendance au déficit, notamment le faitqu’en souscrivant à l’union monétaire, les États membres s’interdiront tout recours à une déva-lorisation de leur dette par l’inflation. Il n’est cependant pas certain que ces contraintes de longterme soient toujours dissuasives 1. En outre, la BCE se trouverait empêchée de remplir sa mis-sion si une détérioration de la situation des finances publiques de certains États membres restrei-gnait sa liberté de fixer les taux d’intérêt en fonction de la situation conjoncturelle et des risquesd’inflation dans l’ensemble de la zone.

Pour toutes ces raisons, il était apparu nécessaire de fixer des règles de bonne conduite demoyen terme et de s’assurer, par le biais des critères de convergence du Traité de Maastricht,que les États souhaitant participer à l’UEM aient assaini leurs finances publiques au moment dupassage à l’euro. Les pays participant à l’Union monétaire ont décidé d’inscrire dans la duréecette discipline commune. C’est en particulier l’objet de l’article 104C du Traité de Maastricht,qui porte sur la prévention des déficits excessifs, et de l’interprétation qui lui a été donnée dansle Pacte de Stabilité et de Croissance.

1. De surcroît, la crédibilité des clauses de non-sauvetage (no bail-out) et d’interdiction de toute monétisation de la dettepublique inscrite dans le Traité serait affectée – et avec elle la crédibilité de la BCE – si la situation des finances publiquesdevenait non soutenable dans certains pays du fait d’un recours excessif à la politique budgétaire.

Page 25: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

16

1. La valeur précise du solde stabilisant le ratio de dette dépend du rythme de la hausse des prix et de la croissancepotentielle du pays. Les pays en retard de développement ont une croissance potentielle plus rapide, qui autorise undéficit plus élevé.

Des principes de gestion des finances publiques

Les principes de gestion des finances publiques arrêtés par les pays participant à l'unionmonétaire n'excluent pas le recours à la politique budgétaire à des fins d'action conjoncturelle,que ce soit dans un sens restrictif (lorsque relativement à ses partenaires, un pays connaît une sur-chauffe et une dégradation de sa compétitivité-prix), ou au contraire dans un sens expansion-niste (en cas de ralentissement plus prononcé que dans le reste de l'union). Il est même prévu quele déficit des administrations puisse dépasser 3 % du PIB en cas de récession prononcée. Mais cesprincipes traduisent le souci que les nécessaires inflexions de court terme des budgets nationauxrestent compatibles avec des règles de bonne gestion à moyen terme.

Pour déterminer quelle est l'orientation souhaitable des finances publiques au cours ducycle, deux types d'approches peuvent être retenues :

● la première fait référence à une notion de prudence à l'égard des aléas conjoncturels. Siun pays se contente de maintenir son solde budgétaire un peu en dessous de 3 % lorsque laconjoncture est bonne, il risque de devoir modifier brutalement le cours de sa politique budgé-taire en cas de retournement conjoncturel, et de conduire de fait une politique procyclique ouinsuffisamment contracyclique,

● la seconde retient comme référence de moyen terme l'évolution du ratio de dettepublique (dette/PIB). Dans la plupart des pays, une stabilisation de ce ratio autour d'une valeurproche de 60 % devrait être obtenue en régime de croissance de moyen terme pour un déficitcompris entre 2 et 3 % du PIB 1. Une stabilité de ce ratio sur un cycle peut comporter des phasesd'augmentation du ratio de dette (en période de ralentissement) et des phases de désendette-ment (en période de croissance). Cependant, l'évolution démographique invite à allonger l'hori-zon de l'analyse : l'ampleur des engagements longs de dépenses pris par les pouvoirs publicspeut induire des risques financiers et peser sur la soutenabilité à long terme des finances publiques(dette implicite des régimes de retraite, …), et un simple objectif de stabilisation du poids de ladette publique dans le PIB ne suffit pas à assurer que la politique budgétaire est soutenable.

Il faut donc plutôt retenir comme objectif un solde public qui se rapproche de l'équilibre enpériode de conjoncture normale. Autrement dit, pour la plupart des pays de la zone euro, la poli-tique budgétaire appropriée devrait se traduire par un solde structurel (c'est-à-dire un solde cor-rigé des effets de la conjoncture) durablement proche de l'équilibre. Cette démarche n'est pasincompatible avec de la souplesse dans la conduite de la politique budgétaire en période deralentissement conjoncturel, dans la mesure où elle permet alors aux pouvoirs publics de laisserjouer les stabilisateurs automatiques, voire d'aller au-delà si les marges de manœuvre sont suffi-santes. Elle permet en outre de mettre en œuvre une « approche préventive » au cours despériodes de reprise économique. Conserver en effet un solde structurel équilibré, c'est faire ensorte que les surcroîts de recettes apparues en périodes de vaches grasses soient bien mis enréserve en prévision des périodes ultérieures de creux de cycle, qui solliciteront alors fortementla politique budgétaire.

1.3 La nécessité d’une véritable coordination des politiques budgétaires

Une règle budgétaire fondée uniquement sur l'objectif d'un solde structurel toujours et par-tout proche de l'équilibre reviendrait à ne jamais recommander aux pays de mener des politiquesde relance ou d’ajustement qui aillent au-delà du seul jeu des stabilisateurs automatiques : lespolitiques budgétaires seraient mises sur « pilotage automatique » et leur contribution à la coor-dination serait réduite au strict minimum. Avec par ailleurs une politique monétaire vouée à gérer

Page 26: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

17

le cycle européen afin de maintenir la stabilité des prix, la politique macro-économique feraitdéfaut. Il faut donc aller au-delà, en s’autorisant des politiques actives et en les coordonnant pourtirer collectivement le meilleur parti de la conjoncture.

Plusieurs motifs peuvent être avancés à l’appui de la coordination :

La coordination des politiques budgétaires permettra de gérer en commun les décalagesentre les conjonctures nationales. Même si les économies ont progressé dans la voie de la conver-gence, des divergences conjoncturelles parfois importantes subsisteront sans doute en UEM.Dans un tel contexte, l’apparition d’un écart de conjoncture entre une économie particulière et lereste de l’Union gagnerait à être corrigée par le biais de la politique budgétaire, même si le « paysdéviant » bénéficie d’ores et déjà d’un solde structurel équilibré. Du point de vue de l’Union dansson ensemble, il serait ainsi préférable d’amener un pays connaissant une situation de surchauffespécifique à resserrer sa politique budgétaire, pour que la Banque centrale européenne ne soit pasconduite à relever les taux d’intérêt à un moment inopportun pour la majorité des pays parte-naires. Inversement, lorsqu’un pays est frappé par un choc négatif, le caractère asymétrique de cechoc devrait être largement pris en compte dans le jugement porté par ses pairs sur sa politiquebudgétaire.

La coordination des politiques budgétaires permettra de tenir compte des différences desituation des pays de la zone euro vis-à-vis du Pacte de Stabilité et de Croissance. En effet, lemaintien d’un solde conjoncturel proche de l’équilibre ne se traduit pas, en phase basse deconjoncture, par un creusement du déficit identique d’un pays à l’autre : les pays de la zone eurodiffèrent non seulement par la sensibilité du solde public à l’activité (cf. tableau 1), mais surtoutpar la volatilité de l’activité, telle qu’elle a été observée par le passé (cf. graphique 3). Ainsi, pourla France, l’Allemagne et l’Italie, dont les cycles économiques sont en moyenne d’une ampleurmodérée, un retournement « normal » de la conjoncture ne conduirait pas le déficit public àdépasser 3 %. Dans ces pays, la capacité à faire jouer les stabilisateurs automatiques resteraitdonc importante, sauf choc d’une ampleur exceptionnelle. Pour d’autres pays, en particulier ceuxqui sont les plus ouverts et ont une spécialisation sectorielle plus marquée, l’amplitude des cyclesest en général plus importante et le jeu des stabilisateurs automatiques peut conduire à buterplus fréquemment sur la limite des 3 %. Dans l’application du PSC, il conviendra donc d’exami-ner la situation particulière de chaque pays, et notamment son degré de cyclicité, lorsqu’il setrouve dans la zone grise de recul du PIB.

Tableau 1. Sensibilité à l’activité du solde public des pays de la zone euro

Source : OCDE, calculs DP

Lecture : Après un délai d’ajustement qui peut être variable, un point de croissance économique supplémentaire conduit spontané-ment, par le jeu des stabilisateurs automatiques, à une réduction du déficit de 0.4 point de PIB en Italie, 0,5 point en France ou 0,6point en Finlande.

Italie 0,4Espagne 0,4Portugal 0,4Allemagne 0,5France 0,5Pays-Bas 0,5Autriche 0,5Irlande 0,5Belgique 0,6Finlande 0,6

Page 27: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

18

Graphique 3 : Volatilité de l’output gap dans les pays de la zone euro

Source : OCDE, calculs DP.

Lecture : dans tous les pays, le PIB fluctue autour d’une tendance. C’est la volatilité de ces fluctuations qui est ici mesurée.

Sur le passé (période 1974-1997), les fluctuations ont été plus de deux fois supérieures en Finlande qu’en Italie ou en Allemagne.

La coordination permettra à la zone euro dans son ensemble d’atteindre une bonne com-binaison des politiques budgétaires et monétaires. Dans les États fédéraux, la stabilisation bud-gétaire relève généralement de l’État central, et le policy mix est donc déterminé par la banquecentrale et les autorités budgétaires fédérales. Au sein de la zone euro, l’orientation budgétaired’ensemble de la zone ne relèvera pas d’un budget fédéral, inexistant, mais de l’agrégation desorientations budgétaires nationales. C’est pourquoi il importe que les responsables des politiquesbudgétaires des différents États membres se concertent entre eux, et avec la banque centrale,par exemple pour déterminer quelle sera la réponse collective de politique économique à unchoc extérieur. Cette coordination sera à l’avantage de tous les participants, y compris de labanque centrale, pour qui il importera de connaître à l’avance quelles sont les intentions de poli-tique budgétaire des gouvernements. Elle devra bien entendu respecter l’indépendance de l’ins-titution monétaire.

La coordination permettra de mieux assurer la soutenabilité des politiques budgétaires.C’est fréquemment en période de bonne conjoncture que les États peuvent commettre deserreurs de politique budgétaire, par exemple en surestimant le potentiel de croissance de l’éco-nomie. Or au cours de ces périodes, la situation budgétaire apparente se présente souvent sousun jour suffisamment favorable pour que les garde-fous quantitatifs n’indiquent pas clairementquelle est l’orientation souhaitable. Il convient donc de compléter la surveillance fondée sur desrègles fixes (telles que celles du Pacte de Stabilité et de Croissance) par une surveillance faisantplus de place au discernement.

Dans le passé, le défaut de coordination européenne a été pour beaucoup dans lesmédiocres performances de l’Europe et sa vulnérabilité aux chocs internes ou externes. En unionmonétaire, les politiques monétaires seront automatiquement coordonnées par l’adoption d’unemonnaie unique. Sans mettre en cause la nécessaire autonomie des politiques nationales, la coor-dination budgétaire permettra d’améliorer la qualité d’ensemble des politiques budgétaires etleur adéquation aux besoins conjoncturels. Le Conseil de l’euro, lieu d’échanges et de débatsapprofondis entre responsables des politiques économiques nationales, soutiendra cettedémarche continue de coordination.

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

4,5

En %

Pays-Bas France Autriche Belgique Italie Allemagne Irlande Espagne Portugal Finlande

Page 28: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

19

1.4 La politique macro-économique française à l’heure de l’euro

La France a la chance d’aborder l’Union monétaire dans des conditions favorables. Elle estrelativement moins endettée que nombre de ses partenaires et connaît une inflation particuliè-rement faible, ce qui garantit le maintien à court terme d’une bonne compétitivité.

Il reste que le redressement budgétaire doit encore se poursuivre :

– avec un ratio de dette de l’ordre de 60 % du PIB, les finances publiques semblent certes« soutenables ». Elles le sont à court terme. Mais, outre le fait que le ratio de dette n’est pasencore stabilisé, la perspective du vieillissement démographique et les engagements actuels desrégimes de retraite rendent indispensable la poursuite des efforts engagés ;

– en outre, le déficit public de la France est affecté depuis près de trente ans d’une ten-dance à l’accroissement, alors qu’une évolution plus « souhaitable » aurait été qu’il fluctue autourd’une valeur stable (cf. graphique 4). Le solde structurel de nos finances publiques est aujourd’hui,selon les organismes internationaux, de l’ordre de 2 % du PIB. C’est encore insuffisant, mêmepour un pays qui ne connaît pas, en moyenne, de cycles particulièrement marqués : nous n’avonspas aujourd’hui un déficit structurel suffisamment « proche de l’équilibre » pour disposer desmarges de manœuvre suffisantes en cas de retournement conjoncturel.

Graphique 4 : Évolution effective et évolution de référence du déficit public (en % du PIB)

Nota : Dans ce graphique, la courbe représentant l’évolution de référence est présentée à titre illustratif et ne reflète pas for-

cément l’impact des fluctuations réelles de l’activité sur le solde des finances publiques.

Inverser la tendance du ratio de la dette, retrouver des marges de manœuvre budgétaire,ces deux objectifs impliquent donc l’un et l’autre de prolonger l’action entreprise au-delà de1999, pour franchir dès l’an 2000 le seuil des 2 % de déficit à partir duquel le ratio de dette baissedans des conditions normales de croissance et d’inflation.

Cela conduit ensuite à gérer nos finances publiques en mettant l’accent sur un objectif dedépense. Une telle stratégie a plusieurs vertus. Elle protège la dépense des aléas conjoncturels,

– 6

– 5

– 4

– 3

– 2

– 1

0

1

Évolution effective

Évolution de référence

En %

1970 1971 1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

Page 29: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

20

ce qui est bon pour la gestion publique. Et elle permet aux stabilisateurs automatiques de jouer,en période de ralentissement comme en période de surchauffe. Dans la phase actuelle, cela sup-pose d’affecter d’éventuelles rentrées d’impôts et de cotisations supplémentaires à la réductiondu déficit et à la baisse des prélèvements obligatoires, plutôt qu’à l’accroissement des dépenses.

Cela conduit enfin à tirer pour nous-mêmes toutes les conséquences de la coordinationque nous voulons et à laquelle nous appelons nos partenaires. La coordination n’a de sens quesi elle implique à tel ou tel moment que chaque pays soit prêt à mener une politique un peu dif-férente de celle qu’il aurait adoptée de son propre chef. Concrètement, nous devons accepter leregard de nos partenaires sur nos décisions comme nous leur demandons d’accepter le nôtre.

2. Adapter les politiques structurelles au nouveau contexte

Il est d'usage de regrouper, sous le terme générique de politiques structurelles, les poli-tiques qui s'efforcent de moderniser et d'adapter le cadre institutionnel, fiscal et réglementairedans lequel s’effectue l’activité productive. Bien conduites, ces politiques sont susceptibles decréer les conditions d'une croissance plus soutenue et plus durable de l'activité et de l'emploi.Au-delà de leurs conséquences internes, les politiques structurelles affectent également les paysvoisins. Leur succès dans un pays peut faciliter la conduite de la politique économique chez lesprincipaux partenaires : les progrès accomplis tendent à se diffuser, hors des frontières ; des éco-nomies plus robustes et plus réactives contribuent à la stabilité collective, et soulagent d'autantles institutions chargées de la régulation conjoncturelle.

A ces « externalités positives » viennent s'ajouter d'autres interactions de nature différente :les politiques structurelles conditionnent aujourd'hui de manière cruciale la compétitivité desterritoires nationaux, dans un univers où la mobilité des facteurs et des produits s'accroît enpermanence.

Cette manière d'appréhender les politiques structurelles, à la fois facteurs de prospérité col-lective et de compétition accrue, n'est pas propre à l'Europe mais elle y prendra une importancetoute particulière avec l'avènement de l'Union économique et monétaire.

Si elle devrait apporter, en effet, un surcroît de stabilité à ses membres, l'Union monétairecontribuera, par ailleurs, à intensifier les pressions concurrentielles au sein de la zone euro : avecla disparition du risque de change, le capital deviendra plus mobile tandis que l'unification moné-taire entraînera une réduction de la segmentation des marchés de biens et services. Ces évolu-tions, qui renforceront la compétitivité et l'attractivité de la zone dans son ensemble, aiguiserontaussi la concurrence en son sein.

Dans un tel contexte, le risque existe que certaines politiques dites structurelles serventdavantage à fausser l'allocation des ressources au sein de la zone euro au profit d'un paysmembre, par le biais de dispositions fiscales ou réglementaires spécifiques, qu'à améliorer l'effi-cacité générale de l'économie.

Parce qu'elles comportent ainsi des externalités importantes – positives autant que néga-tives – les politiques structurelles ne relèvent pas du seul domaine de la subsidiarité. Elles appel-lent au contraire la concertation, l'échange d'expériences, voire la coordination ou l'élaboration derègles générales de bonne conduite au niveau de l'Union.

Pour être efficaces, ces politiques doivent cependant tenir le plus grand compte des spé-cificités structurelles, historiques, sociales, économiques des différentes nations, qui doivent pou-voir déterminer et mettre en œuvre leur action sans interférence inutile des autorités commu-nautaires.

Page 30: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

21

2.1 Une rénovation nécessaire de certaines politiques nationales, notamment en matière d’innovation

L’UEM devrait entraîner en pratique une plus grande intégration des agents et des opéra-tions économiques. La mobilité accrue du capital financier, physique et humain, la moindre seg-mentation du marché des biens et la plus grande transparence des coûts, des prix et des salairesinduiront sans doute une plus grande concurrence entre les espaces nationaux et régionaux.

Pour répondre à cette exigence accrue de compétitivité des espaces nationaux, les poli-tiques publiques nationales ont un rôle important à jouer, notamment en encourageant l’innova-tion, et en rénovant le secteur public.

Facteur essentiel de compétitivité trop longtemps sous-estimé en France et en Europe,l’innovation peut être utilement encouragée par les pouvoirs publics. En effet, le fonctionnementspontané du marché conduit à un sous-investissement en matière d’innovation, parce que lesbénéfices pour la collectivité d’une innovation dépassent largement le seul bénéfice qu’en retireson auteur (l’innovation génère de fortes externalités positives). Dans ces conditions, l’action despouvoirs publics est nécessaire pour remédier aux « défaillances de marché » qui découragent laprise de risque. Le Gouvernement a pris récemment de nombreuses mesures en ce sens (cf. dos-sier croissance-innovation).

Compte tenu de l'intégration croissante des marchés, les externalités liées à l'innovationdépassent les économie nationales, ce qui légitime une action commune au niveau européen.

C'est ainsi que le Conseil européen d'Amsterdam a, sur l'initiative de la France, demandé àla Banque européenne d’investissement (BEI) et au Fonds européen d’investissement (FEI) demettre en place des facilités de financement pour les PME innovantes (Résolution d’Amsterdamsur la croissance et l'emploi).

En outre, sur certains marchés encore insuffisamment développés, comme le marché desfonds propres pour les entreprises de croissance, une « taille critique » comparable au marchéaméricain ne peut être atteinte qu'au niveau européen, justifiant une action des pouvoirs publicspour développer de véritables marchés de capitaux paneuropéens. Néanmoins, le financementde l’innovation nécessite un pilotage fin des projets, donc une relation privilégiée au niveau localentre les petites entreprises innovantes et leurs bailleurs de fonds. L’action au niveau européenne passe donc pas nécessairement par l'apparition d'un marché unique du capital risque, maispeut passer par des accords entre marchés locaux, à l'image de l'euro-NM.

2.2 Éviter l’apparition de distorsions de concurrence

L’accroissement de la mobilité des facteurs nécessite une régulation concertée entre États-membres en matière de fiscalité.

L’ouverture des frontières économiques, renforcée en Europe par la mise en place du mar-ché unique, a conduit au cours des années récentes à une augmentation de la mobilité des fac-teurs, et plus particulièrement du capital. Les capitaux sont ainsi aujourd’hui plus à même des’orienter vers les investissements les plus productifs, ce qui contribue à l’amélioration de notrepotentiel de croissance. La mobilité des capitaux a cependant aussi conduit à l’apparition d’uneconcurrence fiscale et sociale entre États. Cette concurrence est susceptible de réduire les basesimposables des États en dessous du niveau qui permet de financer les dépenses publiques col-lectivement optimales. Il est donc souhaitable de parvenir à une certaine harmonisation desrégimes fiscaux.

Page 31: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

22

L’Union monétaire, qui interdit par construction toute possibilité de dévaluer rend encoreplus nécessaire l’institution de règles communes en matière de prélèvements fiscaux et sociaux.Les décisions de localisation pourront en effet s’appuyer de plus en plus sur des comparaisonsd’efficacité et de soutenabilité des systèmes fiscaux et sociaux, ainsi que sur des différencesmarginales de pression fiscale et sociale. Dans ces conditions, des mesures ponctuelles prises par un État pourront conduire à la délocalisation de certaines catégories d’entreprises, qu’ils’agisse de mesures concernant la taxation du capital ou les prélèvements sur les salariés lesplus qualifiés.

Plus généralement, dans ce contexte d’ouverture croissante des économies, concilier finan-cement de la protection sociale et des services publics, baisse de la taxation des facteurs les moinsmobiles (pour lutter contre le chômage) et baisse de la taxation des facteurs les plus mobiles(pour préserver l’attractivité du territoire national) exigera des États, pris individuellement, desefforts importants. En particulier, ce dernier objectif peut inciter les entreprises à attribuer unepart croissante de la rémunération du travail sous une forme qui échappe aux cotisations et réduitles ressources publiques.

Cette tendance doit être régulée pour éviter les risques de dérives vers un « dumping fis-cal et social » qui serait préjudiciable tant à une bonne allocation des ressources économiques etbudgétaires qu’au maintien d’un niveau satisfaisant de protection sociale.

Toutefois, il ne paraît ni réaliste ni, d’ailleurs, nécessaire que cette régulation conduise àune uniformisation en matière fiscale et sociale. Elle n’est pas réaliste en raison de la complexitéet de la diversité des systèmes fiscaux et sociaux actuels. Elle n’est pas nécessaire, puisque lafiscalité n’est qu’un des critères entrant en ligne de compte dans les choix de localisation. Ceux-ci, en effet, intègrent également l’offre de biens publics (qualité des infrastructures, santé, édu-cation...) qui en est la contrepartie.

Le Conseil de l’Union européenne s’est engagé sur la voie d’une coopération renforcée enmatière de fiscalité, notamment en adoptant en décembre 1997 un train de mesures pour luttercontre la concurrence fiscale dommageable. Ce « paquet fiscal » comprend notamment :

– un code de bonne conduite, au terme duquel les États membres s’engagent à ne plusadopter, et à démanteler dans les cinq ans, les dispositions fiscales qui établissent un niveaud’imposition des sociétés nettement inférieur au niveau général d’imposition du pays, en parti-culier lorsque ces dispositions sont réservées aux non-résidents. Cette disposition vise les cas de« dumping fiscal » délibéré.

– un engagement des États à adopter une directive sur la fiscalité des revenus du capital.Celle-ci devra prévoir que les États membres auront le choix entre l’instauration d’une retenue àla source sur les revenus du capital des résidents d’un autre État communautaire ou la commu-nication d’informations à leur État de résidence.

Au-delà de cette nécessaire harmonisation fiscale, il est certain que le choix en Europecontinentale d’un « modèle social » qui donne plus de place à la sphère publique que dans lespays anglo-saxons ne pourra être pérennisé que grâce à une efficacité accrue de la dépensepublique, critère essentiel de légitimité des prélèvements et passage obligé pour en réduire lepoids.

L’UEM nécessitera une harmonisation progressive des politiques régulant le fonctionnementdu marché.

L'adoption d'une monnaie unique renforcera la transparence des prix et accroîtra la concur-rence entre les entreprises dans des secteurs jusque-là abrités, notamment dans les services. Ce« choc concurrentiel » survient dans un contexte historique exceptionnel, marqué par une muta-tion des modes de production, d’organisation et de financement : progrès technique rapide danscertains secteurs avec notamment la diffusion des technologies de l'information (échanges de

Page 32: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

23

données informatisées, commerce électronique), libéralisation des monopoles publics et essord’industries « à coûts fixes » et de réseau (télécoms, audiovisuel, services financiers), propicesaux concentrations, et émergence d'une norme mondiale en matière de gouvernement des entre-prises qui renforce le pouvoir des actionnaires.

Dans ce nouvel environnement, l’ensemble des politiques régulant le fonctionnement dumarché (politique de la concurrence, réglementation prudentielle, droit des sociétés...) devrafaire l'objet d'une vigilance particulière et d’une coordination accrue, à l’image de la politique dela concurrence qui relève déjà dans certains cas du niveau communautaire, notamment pour lesconcentrations au-delà d’une certaine taille. Dans tous ces domaines, un équilibre devra êtretrouvé entre le respect du principe de subsidiarité et le besoin d’harmonisation au niveau com-munautaire.

L’UEM appellera la définition et la mise en œuvre de règles prudentielles communes sur lesmarchés financiers.

La mise en place de la monnaie unique devrait logiquement conduire, à terme, à un ren-forcement de la concurrence au sein du secteur bancaire. Certes, l’Union monétaire ne supprimerapas d’emblée l’ensemble des obstacles auxquels se heurtent les banques d’un pays de l’Union,et notamment les banques de détail, désireuses de s’implanter sur le marché d’un autre Étatmembre (phénomène de « réputation », expérience insuffisante du marché, coût potentiel del’installation de nouvelles agences). Il est toutefois probable que la création de l’euro, en facilitantpour le consommateur la comparaison des tarifs bancaires et en autorisant les banques à mieuxdistinguer les « niches » étrangères qui sont profitables de celles qui ne le sont pas, favorisera àterme une « européanisation » croissante des activités bancaires.

Le dispositif actuel de surveillance bancaire en Europe est décentralisé. La responsabilité dela surveillance des établissements de crédit ressort des autorités nationales où l’établissement ason siège, et s’exerce sur les succursales implantées dans tous les États membres.

Ce dispositif prévoit des modalités de coordination et de coopération développées : har-monisation très poussée de la réglementation prudentielle et notamment des modes de calcul desratios de solvabilité et d'adéquation aux risques, concertation et coopération entre organismes derégulation au travers d'échanges d'information et de soutien aux missions de contrôle des filialesétrangères.

Cette organisation est aujourd'hui satisfaisante : la banque de détail constitue encore etpour longtemps un commerce de proximité, et l'émergence de grands groupes paneuropéens nefait que commencer. A plus long terme, le développement de la banque à distance et la restruc-turation du marché bancaire européen autour de grands groupes renforceront sans doute lebesoin de coordination en matière de surveillance et de traitement des crises.

2.3 Les politiques de l'emploi : une stratégie concertée, pas d’uniformité

En raison de la diversité des marchés du travail, les politiques structurelles visant à en amé-liorer le fonctionnement relèvent largement des politiques nationales. Dans la mesure cependantoù les États européens partagent un même modèle social et présentent de nombreux problèmessimilaires, difficiles à régler, il est clair que des actions dans lesquelles les pays échangent desexpériences et mettent leurs efforts en commun sont de nature à créer un cadre favorable. L’affir-mation politique d’un objectif de développement de l’emploi, associé à des indicateurs quanti-tatifs, est également un moyen de catalyser les efforts des États membres dans la direction de laréduction du chômage.

Page 33: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

Ainsi en Europe, les politiques macro-économiques créent des conditions propices à larésorption du chômage, mais elles doivent être complétées par des politiques spécifiques visantà enrichir le contenu en emploi de la croissance. C'est notamment l'objectif des plans nationauxpour l'emploi qui s'inscrivent dans la stratégie globale arrêtée en commun par l'ensemble despays membres de l'Union européenne.

* * *

La réalisation de l’Union économique et monétaire marque un nouveau contexte pour laconduite des politiques macro-économiques. La politique monétaire est désormais menée auniveau européen par la Banque centrale européenne, indépendante ; les politiques budgétairesdemeurent l’apanage des États nationaux.

Pour que l’Europe bénéficie pleinement des possibilités qu’ouvre la monnaie unique, ilimporte de trouver un bon dosage entre politique monétaire commune et politiques budgétairesnationales, en premier lieu dans la gestion du cycle au niveau de la zone euro. Les politiquesbudgétaires, qui verront dans ce contexte leur rôle accru, devront être coordonnées, notammentpour accommoder les chocs que subiraient certaines parties de l’Union. Mais leur bon fonction-nement nécessite également une discipline, et le souci de prendre en compte les diversités desituations entre les États membres.

Au-delà de la gestion du cycle, des conditions propices à une croissance durable en Europedoivent être développées. Là encore, un équilibre est à trouver entre un principe de subsidiaritéet la coordination des politiques structurelles, afin d’en accroître l’efficacité et de prévenir touteconcurrence fiscale et réglementaire excessive.

Annexe : Quelques égalités comptables

Niveau d'endettement atteint à long terme pour un déficit constant en part de PIB :

Si Bt est le montant de la dette publique, g est le taux de croissance nominal de l'économie(pris pour simplifier égal au taux de croissance tendanciel), Dt le déficit l'année t et Yt le PIB, on a :

Bt + 1 = Bt + Dt

d'où Bt + 1d'où = bt + dt (les lettres minuscules désignent les grandeurs en part de PIB).d'où Yt + 1

D'où (1 + g) bt + 1 = bt + dt

Le déficit permettant une stabilisation du ratio d’endettement est alors défini par :

d = b g

A titre illustratif, on peut calculer le niveau du déficit public permettant de stabiliser le ratiod’endettement à 60 % (cf. tableau).

Tableau. Solde permettant une stabilisation du ratio d’endettement à 60 % du PIB

Avec un solde public proche de l’équilibre (d = 0), le ratio d’endettement est nul à longterme : une interprétation stricte du pacte de stabilité (solde nul en moyenne) conduit ainsi à fairedisparaître à terme la dette publique proportionnellement au PIB.

24

Croissance nominale Croissance tendancielle Inflation Solde stabilisant(en point de PIB)

4,5 % 2,5 % 2 % 2,7 %

4 % 2,5 % 1,5 % 2,4 %

3,7 % 2,2 % 1,5 % 2,2 %

Page 34: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

25

Innovation et croissance

L’innovation constitue un facteur de dynamisme pour l’économie française. L’émergenced’activités nouvelles dans les technologies de pointe mais aussi dans les services, la mise au pointde procédés de production plus performants permettent une amélioration de la compétitivité denos entreprises. Ils forment les atouts d’une croissance forte et durable.

A cet égard, l’attractivité de notre territoire – dont témoigne notre 3e rang dans l’accueil desinvestissements étrangers –, la qualité des chercheurs et de la recherche fondamentale montrentcombien l’économie française dispose d’un potentiel important en matière d’innovation. Encorefaut-il que ce potentiel trouve un cadre propice à sa réalisation. Or, malgré des performancesscientifiques et technologiques indiscutables, le système français comporte des faiblesses, notam-ment dans la diffusion des technologies vers le monde économique et les entreprises innovantes.

Assurer des conditions favorables à l’innovation constitue ainsi un axe essentiel de la poli-tique du Gouvernement. Elle repose sur trois piliers : favoriser l’émergence de nouveaux entre-preneurs, de nouveaux capitaux et de nouvelles technologies. A l’horizon de quelques années,c’est le moyen le plus sûr pour développer le potentiel de croissance de l’économie française.

Page 35: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

26

1. Les enjeux de l’innovation : créer les conditionsd’une croissance durable

Le progrès technique joue un rôle important dans la performance des économies. Il influesur la productivité, et par là sur la croissance, crée et détruit des emplois, modifie les qualificationsrequises et détermine la compétitivité des entreprises. Les effets de l’innovation dépendentautant du volume des inventions ou des technologies nouvelles que de leur diffusion dans l’éco-nomie. Dans ce contexte, l’action publique a un rôle déterminant à jouer, et son efficacité estillustrée par les développements récents de l’analyse micro-économique.

1.1 Un impact sur la croissance et sur l’emploi

L’innovation contribue à augmenter le potentiel de croissance de l’économie.

Les nouvelles théories de la croissance le soulignent : plutôt que l’accumulation pure etsimple de capitaux, c’est le développement des connaissances et les changements technolo-giques qui constituent le moteur de la croissance durable. Le progrès technique est en partiedéterminé par les conditions dans lesquelles se produisent les innovations et par la façon dontcelles-ci se diffusent dans la production et la consommation.

Ainsi, les savoirs fondamentaux qui s’accumulent dans l’économie et les inventions réaliséesdans les laboratoires de recherche et les entreprises débouchent sur de nouveaux produits, denouvelles machines, de nouveaux procédés qui améliorent la vie quotidienne, ou bien permet-tent aux entreprises de produire à moindre coût. La demande est stimulée soit par l’apparition deproduits nouveaux, soit par les baisses de prix qui résultent de l’amélioration des processus defabrication. Parallèlement, cette évolution conduit à la disparition des produits les plus anciens etdes entreprises les moins performantes, selon le schéma de destruction créatrice. Au total, mêmesi le changement technique rencontre des résistances, les gains de coûts et de compétitivitéconjugués à l’augmentation de la demande stimulent la croissance et l’augmentation du niveaude vie.

Ce processus est illustré notamment par la vigueur de l’économie américaine depuis ledébut des années quatre-vingt-dix, que l’on attribue en particulier à la capacité des entreprisesaméricaines à innover dans des secteurs clefs et à transformer rapidement les avancées techno-logiques en succès commerciaux sur les marchés mondiaux. Les incidences de cette vagued’innovation sur la croissance font encore l’objet de controverses entre les économistes : pour lesuns, la forte croissance de ces dernières années tient surtout à la qualité de la gestion macro-économique et à l’absence de tensions inflationnistes ; d’autres, en revanche, y voient une ten-dance de long terme, en partie au moins attribuable à l’innovation.

Les études empiriques confirment au plan micro-économique le lien entre innovation etperformance des entreprises : l’observation directe des entreprises innovantes, par le biaisd’enquêtes ou du comptage des dépôts de brevets révèle qu’elles enregistrent, toutes choseségales par ailleurs, des performances supérieures à celles des entreprises non innovantes : enparticulier l’emploi y est supérieur de 5 %, cinq ans après le dépôt des brevets. Selon l’OCDE, lacroissance des exportations des secteurs de haute technologie a été presque deux fois plusimportante que celle de l’ensemble de l’industrie de 1980 à 1994, en France et dans les princi-paux pays du G7.

Page 36: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

27

Le progrès technique modifie la structure de l’emploi et des salaires.

L’innovation favorise la croissance, mais son impact sur l’emploi peut paraître plus ambigu :d’une part, le progrès technique, parce qu’il permet aux entreprises innovantes d'économiser letravail et conduit à la fermeture des entreprises les moins performantes, se traduit par des réduc-tions d'effectifs. D’autre part, l’accroissement de la demande adressée aux entreprises engendreau contraire une augmentation de l’emploi. Le résultat global sur l’emploi est clair à long terme :les progrès de la productivité depuis le début de la révolution industrielle n’ont pas conduit àune montée inexorable du chômage. A plus court terme, l’effet sur l’emploi est plus ambigu carces deux mécanismes n’agissent pas forcément simultanément : les gains de productivité consé-cutifs à l’adoption d’un nouveau procédé de fabrication jouent immédiatement et négativementsur l’emploi, alors que l’accroissement de la demande peut être plus long à se manifester.

Cependant, le vrai débat porte moins sur les interactions entre le progrès technique et levolume global de l’emploi que sur les conséquences du progrès technique en termes d’inégali-tés d’emploi et de salaire. Le progrès technique engendre en effet des modifications structurellesimportantes dans l’économie, tant entre secteurs qu’entre différents types de main-d’œuvre.

Ainsi, dans la plupart des pays développés, on observe un renouvellement du tissu pro-ductif par l’innovation : la part des secteurs de haute technologie 1 progresse régulièrement dansla valeur ajoutée industrielle (cf. graphique 1). On observe en général dans les principaux paysindustrialisés de meilleures performances de l’emploi dans les secteurs de haute technologie quedans l’ensemble de l’industrie.

Graphique 1 : Part des secteurs de haute technologie dans la valeur ajoutée industrielle (en %)

Les mutations structurelles affectent également la composition de l’emploi. Il convient eneffet de souligner que les perdants et les gagnants du processus de croissance ne coïncident pas.Il y a notamment des raisons de penser que certains types d’innovation, notamment les nou-velles technologies de l’information ou l’informatique recèlent un biais technologique qui accroî-trait la productivité des salariés qualifiés plus rapidement que celle des non-qualifiés. Dans cesconditions, la croissance élargira l'éventail des salaires si le marché du travail est flexible (casaméricain) et accroîtra le chômage des non-qualifiés dans le cas contraire (cas européen). Depuis

0

2

4

6

8

10

12

14

16

1980 1985 1990 1995

USA

Canada

Japon

France

Allemagne

Italie

Royaume-Uni

Source : OCDE

1. L’OCDE classe les secteurs industriels selon leur intensité en recherche-développement.

Page 37: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

28

deux décennies environ, la situation des salariés les moins qualifiés s’est effectivement détério-rée dans la plupart des économies développées, mais les économistes, aux États-Unis ou enEurope, débattent encore de l’existence et de l’ampleur du « biais technologique », et de l’impor-tance qu’il faut lui attribuer en regard d’autres mutations également défavorables au travail fai-blement qualifié, comme la part croissante des pays émergents dans le commerce international.Face à des mutations favorables au développement économique, mais génératrices d’inégalités,la responsabilité des politiques publiques est, à court terme, de soutenir le revenu et de favori-ser l’emploi des salariés peu qualifiés, et à plus long terme, de développer la formation initiale etprofessionnelle.

1.2 Le rôle des politiques publiques

Favoriser l’innovation est aujourd’hui un des moyens les plus sûrs d’engager une dyna-mique de croissance durable : c’est par la combinaison d’un environnement macro-économiquefavorable à une croissance non inflationniste et de politiques visant à développer une offre inno-vante et compétitive que l’économie française pourra retrouver un rythme d’expansion à lamesure de ses capacités. Pour mettre en œuvre une telle stratégie de croissance par l’innova-tion, les pouvoirs publics doivent engager des actions coordonnées dans plusieurs domaines : laformation, le soutien à la recherche, la protection de l’innovation, l’appui au financement desprojets.

Le premier facteur de production des innovations est la somme des connaissances tech-niques accumulées dans le capital humain, que l’éducation contribue à construire et qui permetd’accroître le potentiel de croissance de l’économie. En outre, l’éducation peut réduire les effetsnégatifs éventuels du « biais technologique » en rendant les travailleurs plus aptes à passer d'unposte de travail devenu désuet à un autre utilisant une technologie plus moderne, ou d’un sec-teur en déclin à un secteur en expansion. La base d’une stratégie de croissance par l’innovationest donc le développement quantitatif et qualitatif de l’éducation.

Les politiques de l’innovation proprement dites doivent s’appuyer sur une analyse précisedes motifs et des incitations qui poussent les individus ou les entreprises à innover. Or les entre-prises ne sont pas altruistes. La raison pour laquelle une entreprise choisit d’innover est laperspective d’être, au moins temporairement, en situation de monopole sur le marché d’un nou-veau produit. Ceci lui permet de rentabiliser les investissements en recherche-développementengagés dans le processus d’innovation. La protection des inventions est donc cruciale pourl’innovation : si les inventions pouvaient être copiées dès leur découverte, les entreprisesn’auraient aucune incitation à innover. Empiriquement, on constate effectivement que plus le tauxd’imitateurs est élevé dans un secteur, et moins les entreprises innovent.

Mais quel que soit le système de protection des innovations, il n’est pas souhaitable qu’uneentreprise s’approprie durablement la totalité des gains liés à son invention : ceci provient deseffets bénéfiques de la diffusion des innovations à l’ensemble de l’économie (externalités posi-tives). De plus, il est clairement impossible de « s’approprier » certaines innovations, notammenten recherche fondamentale : le mathématicien dont les découvertes trouveront des applicationsindustrielles ne profitera pas directement des retombées de sa découverte. Ce constat permet decomprendre pourquoi la recherche fondamentale est le plus souvent conduite dans un cadrepublic. La puissance publique peut également intervenir pour réduire le coût de la diffusion del’innovation au sein des entreprises du secteur productif, par exemple en subventionnant larecherche. En pratique, le droit de monopole nécessaire à la production d’innovation repose surla législation des brevets, qui définit notamment la durée de protection garantie aux inventions :un brevet court permet d’assurer les bénéfices collectifs de la diffusion des innovations, alorsqu’un brevet long stimule la production d’innovations. La durée effective des brevets doit s’effor-

Page 38: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

29

cer de réaliser le meilleur compromis entre ces deux objectifs. Pour la même raison, la densitéd’innovation dépend des conditions de la concurrence sur les marchés des biens et des services :un marché dominé par un oligopole ne permet pas aux entreprises innovantes de tirer les divi-dendes de leurs efforts en gagnant des parts de marché.

Par ailleurs, la production d’innovations peut être sensible à leur mode de financement. Lemarché du crédit est caractérisé par une asymétrie d’information dans la relation prêteur-emprun-teur : les banquiers n’ont pas une visibilité complète sur les projets innovants. Elles sont ainsisouvent conduites à limiter a priori l’offre de crédit envers les entreprises qui leur paraissent lesplus risquées, c’est-à-dire les plus jeunes entreprises, pour lesquelles l’information financière estlimitée, et les entreprises innovantes qui présentent un risque de défaillance plus élevé que desentreprises non-innovantes comparables. L’intervention de l’État visant à améliorer l’accès auxfonds propres de ce type d’entreprise s’inscrit dans ce contexte. Elle prend notamment la formede garanties accordées aux prêts souscrits par les entreprises innovantes, ou d’interventions enfaveur du capital-risque. Ce dernier est en effet particulièrement adapté au financement de l’inno-vation : l’apport en capital s’avère intéressant pour un investisseur spécialisé compte tenu desperspectives de rendement élevés qu’il peut envisager, au prix d’un risque lui aussi élevé. Maissurtout les fonds propres ainsi réunis par les entreprises représentent alors une garantie pour lesbanques et ont un effet positif sur l’offre de crédit bancaire en réduisant la probabilité de défautde l’entreprise.

2. Le paradoxe français : un décalage entre capacitésscientifiques et position technologique

En matière d’innovation, la France souffre d’un paradoxe : malgré un très haut niveau de larecherche, notamment fondamentale, les résultats des découvertes scientifiques ou technolo-giques ne parviennent pas à être pleinement transformés en innovations et en avantages com-pétitifs.

2.1 Une forte position dans le domaine de la recherche-développement

La première mesure de la production d’innovation se fonde sur les moyens affectés à larecherche-développement. De ce point de vue, l’effort financier consacré par la France à la R & D, par rapport au PIB, est globalement satisfaisant : la France se situe au deuxième rang enEurope (2,4 %) après la Suède (3,3 %) et devant l’Allemagne et le Royaume-Uni pour le ratio deDépense Intérieure de Recherche-Développement (DIRD) au PIB, et se situe dans les premierspays de l’OCDE pour cet indicateur, à un niveau très proche des États-Unis et du Japon (cf. gra-phique 2).

Page 39: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

30

Graphique 2 : DIRD rapportée au PIB (en %) en Europe et dans les principaux pays industrialisés

Le système français de R & D se caractérise toujours par l’importance de la rechercheconduite dans le cadre public. La part de la recherche effectuée dans les entreprises est long-temps restée en France en-dessous de celle de nos principaux partenaires, mais se situeaujourd’hui à un niveau comparable à celui de l’Allemagne et du Royaume-Uni, bien que légè-rement plus faible (respectivement 61,8 %, 66 % et 65,2 % en 1994), mais nettement inférieur àcelui du Japon et des États-Unis (71 % chacun). Mais surtout l’importance du financement publicdemeure un trait marquant de la recherche française, même si ces financements publics ont légè-rement diminué aux cours des dernières années avec la baisse des crédits militaires. En 1995,les crédits budgétaires pour la R & D représentaient 1,12 % du PIB, contre 0,99 % aux États-Uniset 0,92 % en Allemagne. Mais leur affectation diffère fortement selon les pays, notamment entermes de répartition entre recherche civile et militaire (cf. tableau 1).

Tableau 1 : Structure du financement de la R & D en Franceet dans les grands pays industrialisés

Source : OST, 1998, valeurs 1994

La recherche académique et la recherche liée à la défense se financent presque exclusive-ment sur fonds publics. Les grands programmes civils et militaires se concentrent quant à eux surun petit nombre de secteurs : spatial, aéronautique, nucléaire, télécommunications. Si la forteimplication de l'État dans le système français de recherche et d’innovation a longtemps joué unrôle d’impulsion dans l’apparition et la diffusion des innovations, le système n’a pas su éviterl’apparition de rigidités liées notamment à un cloisonnement excessif entre la recherche publiqueet le monde économique.

0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5

Italie

Monde

Canada

Union européenne

NPI

Royaume-Uni

Israël

Allemagne

France

États-Unis

Japon

Suède

Source : OCDE, OST, 1998, valeurs 1994

FinancementUnion

de la DIRD France Allemagne Royaume-Uni États-Unis JaponEuropéenne

(en %)

Total État 40,9 43,0 37,6 37,0 41,0 26,5

dont civil 32,7 26,1 34,2 23,2 18,6 25,4

dont militaire 8,2 16,9 3,4 13,8 22,4 1,1

Etranger 6,4 8,3 1,7 12,7 0,0 0,1

Entreprises 52,8 48,7 60,7 50,3 59,0 73,4

Page 40: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

31

2.2 Des difficultés à traduire les découvertes scientifiqueset technologiques en termes industriels et économiques

L’innovation industrielle est le fruit de la recherche-développement, elle-même issue de larecherche fondamentale. Si la France a su conserver une des premières places dans les disciplinesde recherche fondamentale, ses positions technologiques sont comparativement moins bonnes,comme l’a rappelé le récent rapport d’Henri Guillaume (cf. encadré). Ainsi, la place dans le mondede la production scientifique française, que l’on peut mesurer par notre part des publicationsscientifiques, a augmenté depuis le début des années quatre-vingt et se situe au sommet dansdes disciplines fondamentales, telles que les mathématiques. Mais sur une mesure globale de laproduction scientifique dans l’ensemble des domaines, la France est, en Europe, distancée parl’Allemagne et le Royaume-Uni. En aval de la recherche, si la production d’innovation est évaluéeà partir des dépôts de brevets, là encore le poids de la France dans le monde tend à diminuer.Ainsi, la part des brevets français dans le système européen a diminué de 17 %, passant de 8,5à 7 % entre 1987 et 1996. A la deuxième place européenne quant à son effort de recherche, laFrance ne se situe qu’au 9e rang en matière de dépôt de brevets.

Néanmoins l’innovation fait partie de la culture des entreprises françaises. Selon l’enquêteinnovation du secrétariat d’État à l’industrie, la propension à innover des entreprises s’est affer-mie dans les dernières années : 41 % des entreprises industrielles de plus de 20 personnes ontinnové entre 1994 et 1996, conduisant à un renouvellement de 25 % du chiffre d’affaire del’industrie sur cette période de trois ans. L’innovation est clairement un facteur de compétitivitéde l’industrie française et représente un des avantage comparatifs de la France : 15 % de nosexportations sont constitués de produits à fort contenu technologique. Pour autant, la France n’apas connu dans les années récentes la même accélération de l’utilisation des nouvelles techno-logies que les États-Unis (cf. graphique 3) : la part de l’investissement en micro-informatiquedans le total de l’investissement productif n’est en France que 6 % ou 7 % (si on prend en compteles achats de logiciels pour arriver à une mesure comparable) contre 20 % à 25 % aux États-Unis.

Graphique 3 : Investissement en matériels de traitement de l’information(en volume, base 100 en 1977)

Source : US Department of commerce et INSEE

Enfin, le capital risque semble en France ne pas avoir prospéré après son apparition au débutdes années 80. Les montants investis en 1996 (5,5 Mds de francs pour l’ensemble du capital-investissement), du même ordre de grandeur qu’en Allemagne, étaient sensiblement inférieursà ceux qui étaient enregistrés aux États-Unis (9,8 Mds de dollars) et au Royaume-Uni (dont ladépense est près de trois fois supérieure à celle de la France). Le petit nombre de PME inno-

0,0

200

400

600

800

1 000

1 200

1 400

1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997

Etats-UnisFrance

Page 41: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

32

vantes dans le tissu industriel français, la structure de l’épargne ainsi que l’absence, jusqu'à unedate récente, d’un marché boursier adapté assurant la liquidité des investissements constituentdifférents facteurs qui ont freiné le développement du capital risque.

3. Une stratégie pour l’innovation

Le Gouvernement est déterminé à engager une dynamique de l’innovation qui permette devaloriser les gisements de créativité existant dans notre pays, sans pour cela se substituer auxacteurs privés dans la conduite de l’innovation. L’action qui a été conduite jusqu’à présent s’ins-crit dans cette logique. Elle s’efforce d’agir sur les trois piliers de l’innovation et s’attache ainsi àfaire émerger de nouveaux entrepreneurs, de nouveaux capitaux et de nouvelles technologies.Cette stratégie a été présentée par le Premier ministre lors des assises de l’innovation qui se sonttenues le 12 mai dernier.

Innovation et recherche technologique : les conclusions de la mission confiéeà Henri Guillaume

Claude Allègre, Dominique Strauss-Kahn et Christian Pierret ont confié en juillet 1997une mission à Henri Guillaume, vice-président de l’ERAP et président d’honneur de l’ANVARsur la politique en faveur de la technologie et de l’innovation. Le diagnostic d’HenriGuillaume, rendu public en mars 1998 et réalisé tant à partir de statistiques et d’étudesque d’entretiens avec les acteurs de l’innovation, confirme largement le constat établi parles ministres dans leur lettre de mission : « notre pays dispose d’un potentiel scientifique ettechnologique de premier plan, mais le couplage de ces découvertes et de ces connais-sances avec les activités industrielles s’effectue moins facilement qu’au États-Unis ou auJapon ». Les maillons faibles du dispositif national en faveur de la technologie et de l’inno-vation que le Rapport Guillaume a identifiés sont les suivants :

– le cloisonnement encore marqué entre l’enseignement supérieur et les organismesde recherche, entre les organismes de recherche eux-mêmes, entre les universités et lesécoles d’ingénieurs ;

– la complexité du dispositif de transfert et de diffusion de la technologie, qui restepeu lisible pour les PME ;

– l’insuffisance des investissements en capital-risque, qui couvrent encore mal lespremiers stades de la création d’entreprises de technologie ;

– l’absence d’une véritable stratégie de l’État en matière de coordination, de suivi,d’évaluation du financement de la recherche industrielle ;

– la concentration excessive des financements publics sur un nombre limité degroupes industriels et de secteurs.

Le rapport établit des priorités pour l’action gouvernementale en matière derecherche et technologie et fournit de nombreuses recommandations concrètes qui vontpour la plupart être mises en œuvre rapidement :

– création d’un centre de la recherche technologique, associant les laboratoires derecherche par domaine technologique afin de fédérer leurs efforts et de permettre de mieuxidentifier les centres de compétence ;

– recentrage des crédits publics autour de trois priorités (création d’entreprises inno-vantes, soutien aux entreprises moyennes, renforcement de l’efficacité du couplage entrela recherche publique et les industriels) ;

– la simplification des dispositifs de transfert de technologies ;– le lancement de fonds d’amorçage (seed money), nationaux et régionaux.

Page 42: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

33

3.1 Favoriser l’émergence de nouveaux entrepreneurs

Développer une « culture du risque et de l’innovation »

Le capital humain est au cœur du processus d’innovation. C’est une responsabilité collec-tive que de veiller à la qualité des systèmes d’éducation et de formation professionnelle. Maisl’ensemble du système d’enseignement doit aussi donner le goût d’entreprendre aux futursacteurs de la vie économique, et apporter les connaissances nécessaires à ceux qui souhaiterontcréer leur entreprise. Des actions sont progressivement mises en place dans certaines grandesécoles d’ingénieurs pour donner aux jeunes diplômés le goût du risque et de la création d’entre-prises. L’ouverture aux nouvelles technologies doit en outre commencer dès le plus jeune âge.Dans cet esprit, le gouvernement lance un programme « Internet dans les écoles ».

La diffusion des savoirs passe également par la mobilité des chercheurs, et notamment parle développement de passerelles entre la recherche publique et le monde économique. Les per-sonnels de recherche qui le souhaitent doivent pouvoir disposer d’un cadre juridique clair leurpermettant de participer à la création d’une entreprise, de siéger au conseil d’administrationd’une société ou d’exercer leur activité à temps partiel entre leur laboratoire et le secteur privé.Un projet de loi sera présenté au Parlement à la fin de l’année 1998 pour mettre en œuvre cesréformes. La mobilité des chercheurs, ainsi que les activités liées à la valorisation de leurs tra-vaux, comme par exemple l’élaboration de brevets, doivent être mieux prises en compte dans ledéroulement de leurs carrières.

Favoriser la création d’entreprise et la prise de risque

Faciliter la création d’entreprise et la prise de risque, c’est d’abord offrir aux créateursd’entreprise un environnement administratif et réglementaire qui supprime les formalités inutileset améliore l’accès aux différents acteurs publics qui accompagnent la création d’entreprise etl’innovation. L’action déjà engagée depuis un an pour accélérer la simplification administrative,notamment en faveur des PME, va dans ce sens 1.

La prise de risque doit aussi pouvoir comporter une contrepartie financière. La Loi deFinances 1998 a créé un régime fiscal incitatif des bons de souscription de parts de créateursd’entreprises, qui peuvent être attribués par de jeunes entreprises à certains de leurs salariés. Cesystème correspond à un besoin réel : les PME innovantes n’ont la plupart du temps pas lesmoyens d’offrir des salaires élevés aux cadres et aux chercheurs de haut niveau et à l’ensembledes salariés qui partagent les risques des projets. Ce dispositif permet donc aux jeunes entre-prises innovantes d’attirer du personnel très qualifié en leur offrant la possibilité de participer à lacroissance de l’entreprise. Ce dispositif sera étendu à un plus grand nombre d’entreprises dansla Loi de Finances pour 1999. Les stock-options constituent également un élément consubstan-tiel de la création d’entreprises innovantes. Le Gouvernement souhaite faire évoluer le régimejuridique et social de ces options qui garantisse une plus grande transparence en évitant les abus,tout en redonnant à cet instrument sa vocation initiale.

Les entrepreneurs ayant déjà créé avec succès une entreprise dans le passé peuvent appor-ter une aide précieuse à d'autres entrepreneurs n'ayant pas cette expérience. Pour encouragerces entrepreneurs à créer des entreprises nouvelles en apportant leurs capitaux et leurs conseils,a été institué, en faveur de ceux que l’on appelle des « business angels », un report d’impositionpour les plus-values de cession réinvesties dans des entreprises de moins de 7 ans.

1 L’ANVAR, qui conseille et assiste les PMI dans leur développement technologique, simplifiera également ses aideset proposera des contrats d’innovation technologique qui regrouperont les différentes procédures d’aides existantactuellement. Dans le même esprit, les DRIRE qui accompagnent localement le développement industriel simplifie-ront leur dispositif d’intervention.

Page 43: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

34

1 L’intervention de l’État prendra la forme d’un soutien financier permettant aux organismes de recherche publics departiciper à ces fonds ; l’initiative de création des fonds se fera sur une base décentralisée, la gestion sera assurée pardes professionnels du capital-risque, une participation majoritaire d’actionnaires privés sera demandée.

3.2 Favoriser l’émergence de nouveaux capitaux

Jusqu’à une date récente, l’outil de financement des projets innovants qu’est le capital-risque était en France à un stade embryonnaire. L’industrie du capital-risque connaît depuis un anune croissance marquée : les investissements ont ainsi augmenté de 44 % en 1997. Ces volumesrestent cependant faibles lorsqu’on les compare aux volumes investis aux États-Unis ou auRoyaume-Uni, particulièrement sur le segment des jeunes entreprises innovantes, ce qui a conduitle Gouvernement à prendre plusieurs mesures en faveur du capital-risque (cf. encadré).

En outre, le Nouveau Marché, qui permet d’assurer la liquidité des titres des investisseursdans les entreprises de croissance, a poursuivi son développement dans des conditions très satis-faisantes, le cap des 50 entreprises cotées étant dépassé au mois de juin 1998.

Mais le capital-risque se consacre presque exclusivement aux entreprises en phase dedéveloppement. En amont, la création de fonds d’amorçage, destinés à investir dans des entre-prises technologiques en phase de constitution, doit permettre la création d’entreprises par essai-mage, notamment à partir des laboratoires publics. Pour favoriser la création de ces fonds, l’actionpublique s’accompagnera d’un renforcement des moyens consacrés par les organismes derecherche à la création d’entreprise 1. Deux fonds ont d’ores et déjà démarré leur activité ou sontsur le point de le faire : il s’agit de I-Source dans le domaine des technologies de l’information,et de Emertec dans celui des technologies avancées (microsystèmes, matériaux, etc.).

Les mesures en faveur du développement du capital-risque

• création d’un Fonds public pour le capital-risque de 600 millions de francs, dont lagestion est confiée à la Caisse des Dépôts et Consignations, destiné à investir des partsminoritaires dans des fonds de capital-risque privé investissant dans des entreprises inno-vantes de moins de 7 ans. Cette mesure correspond bien à une logique d’impulsion, etnon de substitution des opérateurs privés : le fonds ne viendra pas se substituer aux opé-rateurs de capital risque, ceux-ci supporteront l’essentiel du risque dans le choix des pro-jets et des volumes d’investissement.

• création des contrats d'assurance-vie investis en actions : la loi de finances pour1998 a instauré un régime d’exonération d'impôt sur le revenu sur les produits des contratsd’assurance-vie d'une durée égale ou supérieure à 8 ans investis majoritairement en actions,dont 5 % d’actifs à risques.

• Les moyens consacrés par la Banque Européenne d'Investissement et le FondsEuropéen d'Investissement aux PME innovantes ont fortement crû depuis le lancement duprogramme d'action spécial d'Amsterdam, décidé en juin 1997 à l'initiative de la France.Cela s’est d’ores et déjà traduit par un accord entre la BEI et SOFARIS, qui permettra degarantir 2 milliards de francs d’interventions en fonds propres d’opérateurs de capital-risquedans des PME innovantes, sur une durée de 3 ans.

• le régime des Fonds Communs de Placement dans l’Innovation devrait être assou-pli par la loi de finances pour 1999, afin d’en faciliter le développement.

• le statut fiscal des sociétés de capital-risque sera prochainement simplifié.

Page 44: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

35

3.3 Favoriser l’émergence de nouvelles technologies

Le paradoxe français en matière d’innovation, déjà évoqué, repose sur la coexistence d’unerecherche de grande qualité et d’une faible diffusion de l’innovation dans le tissu industriel. Ilimporte donc de dynamiser l’innovation et la recherche industrielle partout où elle est réalisée :laboratoires publics, grands groupes, et PMI. Comme en ce domaine les synergies sont impor-tantes, l’action publique doit s’efforcer de développer des instruments qui favorisent des colla-borations entre ces différents partenaires.

Coopérer

Une meilleure articulation entre la recherche publique et les entreprises privées est priori-taire. L’action publique privilégiera désormais les projets coopératifs associant plusieurs entre-prises privées et permettra d’en diffuser plus largement les résultats. L’objectif n’est pas de finan-cer les grands groupes en tant que tels, mais de financer les grands projets de R-D industrielle,qui devront systématiquement associer des PMI. La coordination entre les différents acteurs del’innovation sera assurée au sein de réseaux thématiques, à l’image de la première initiative ence domaine qu’est le Réseau national de recherche en télécommunications, mis en place depuisle 1er janvier 1998, qui joue ce rôle d’interface entre laboratoires publics, entreprises privées etopérateurs de télécommunications pour ce secteur.

Contractualiser

Une action plus efficace de l’État en faveur de l’innovation industrielle passe sans doute pardes partenariats plus étroits entre acteurs publics et acteurs privés. Mais comme tout partena-riat, elle suppose une responsabilisation accrue des partenaires privés dans l’utilisation de cesaides : la contractualisation des aides à la recherche devra ainsi être développée. Les avancesremboursables, particulièrement adaptées au soutien des phases aval de développement desproduits seront systématisées. Les subventions, plus rares, seront concentrées sur les pro-grammes de recherche les plus éloignés du marché.

Evaluer

L’efficacité de l’intervention publique doit pouvoir être évaluée a posteriori. Ainsi, tous lescontrats d’aide à la recherche portant sur un montant d’aide supérieur à 20 millions de francsferont désormais l’objet d’une évaluation systématique, par un tiers, indépendant de l’entreprise.

Enfin, l’effort de recherche des entreprises doit être encouragé : ainsi, le crédit d’impôtrecherche est reconduit, à partir de 1999, pour une durée de 5 ans. Les entreprises en créationpourront bénéficier d’une restitution immédiate de leur crédit d’impôt. En outre, les entreprisespourront désormais mobiliser leurs créances liées au crédit d’impôt recherche auprès d’orga-nismes financiers pour sécuriser des nouveaux financements.

** *

La politique de l’innovation dépasse le cadre strict du soutien à la recherche publique. Elledoit s’accompagner d’une modification profonde des relations entre l’État et les acteurs du pro-cessus de production. L’action publique était traditionnellement conçue sous forme de grandsplans sectoriels, centrés sur une filière industrielle particulière, selon une logique centralisée oùla commande publique jouait un rôle majeur. Cette conception doit évoluer, s’adapter aux nou-velles conditions d’émergence des innovations et à la rapidité des avancées dans le domaine desnouvelles technologies.

Page 45: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

36

Le rôle de l’action publique n’en demeure pas moins essentiel. C’est à l’État qu’il revientd’assurer un contexte économique favorable, de développer une politique de formation et dequalification et de soutenir la recherche fondamentale. Mais son rôle ne s’arrête pas là. L’État doitaussi montrer sa capacité à mobiliser l’ensemble des acteurs, des PME aux grandes entreprises,et à accompagner les initiatives privées : les mesures prises en faveur du financement de l’inno-vation, notamment dans les PME, vont clairement dans ce sens. Il doit également développer unpartenariat actif entre ces acteurs de l’innovation : les mesures privilégiant les projets coopératifsen sont l’illustration.

La politique menée en faveur de l’innovation trouve également un cadre particulièrementpropice, avec la construction européenne et l’avènement de l’euro, notamment grâce au déve-loppement de brevets européens, mais aussi de sources de financement nouvelles. Les acteurséconomiques, en particulier privés, devraient désormais bénéficier de ces nouvelles opportunités.

Page 46: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

37

Le marché du travail et la politique de l’emploi

Depuis le printemps 1997, la reprise de l’activité a permis une accélération sensible descréations d’emplois par les entreprises. Entre juin 1997 et juin 1998, plus de 280 000 emploisont été créés dans le secteur marchand, soit la meilleure performance enregistrée depuis le débutde la décennie 1990. Les effectifs employés par le secteur privé ont ainsi retrouvé leur niveau dela fin de 1990. La poursuite de la croissance économique dans les prochaines années ne suffiracependant pas, à elle seule, à résorber le sous-emploi massif dont souffrent l’économie et lasociété françaises. Le chômage français possède en effet un caractère multiforme, résultant desspécificités du marché du travail, dont le trait commun est l’exclusion de l’emploi des catégoriesles plus fragiles.

Ce constat légitime une stratégie pour l’emploi qui s’articule autour de trois axes :

– Le premier axe consiste à promouvoir une dynamique vigoureuse de créationsd’emplois, qui accroisse le nombre d’emplois offerts par l’économie : c’est le sens de la stratégiede croissance et de développement d’activités nouvelles.

– Le second vise à enrichir le contenu en emplois de la croissance. L’engagement du pro-cessus de réduction du temps de travail et la réduction des prélèvements sur le travail, notam-ment peu qualifié, devraient permettre de consolider les acquis déjà observés depuis une dizained’années et d’aller au-delà en mobilisant tous les leviers disponibles.

– Le troisième axe de la stratégie pour l’emploi a pour objectif de favoriser le retour àl’emploi des parties de la population active qui ont été progressivement exclues du marché dutravail : jeunes et chômeurs de longue durée en particulier.

En 1998 et 1999, près de 300 000 emplois par an seront, en moyenne, créés dans l’éco-nomie française, dont plus de la moitié résulte de la croissance du secteur marchand, qui estdésormais plus riche en emploi. Environ un cinquième correspond à la mise en œuvre de la réduc-tion du temps de travail. Près d’un quart traduit, notamment, la montée du programme pourl’emploi des jeunes.

Page 47: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

38

1 Entendu ici comme l’emploi salarié marchand des secteurs non financiers et non agricoles (« ENFNA »)

1. Progression de l’emploi, mais persistance d’un chômage élevéMalgré une nette amélioration du marché du travail en France depuis six mois, le taux de

chômage reste élevé en France, avec 11,8 % de la population active en juin 1998. Pour partie, ceniveau encore trop élevé du chômage résulte de la faiblesse de la croissance dans la premièremoitié des années 90 (chômage dit « conjoncturel »). Pour partie, il provient de difficultés, plusstructurelles, à faire reculer le chômage en moyenne sur le cycle économique (chômage dit« structurel »).

1.1 Une réelle amélioration de la situation de l’emploi

Le taux de chômage a atteint son plus haut niveau historique en juin 1997 (12,6 %). Decette situation, le faible niveau de la croissance française depuis le début des années 90 est lar-gement responsable, car il a pesé sur les évolutions de l’emploi au cours de cette période : entre1990 et la fin de 1993, les effectifs salariés du secteur marchand se sont réduits de plus de500 000 (cf. graphique 1).

Graphique 1 : Évolution de l’emploi marchand depuis le début des années 1990

Source : INSEE

Après une stabilisation dans le courant du second semestre 1997, la tendance à la baisse dutaux de chômage s’est affirmée depuis le début de l’année. En juin 1998, le taux de chômages’établit à 11,8 % de la population active, soit un recul de 0,5 point en six mois. Cette baisse duchômage a été favorisée par le retour de la croissance. Le rythme de créations d’emplois dans lessecteurs marchands 1 s’est accéléré à partir de la fin de l’année 1997 : 103 000 emplois ont étécréés au premier trimestre 1998, puis 68 000 au cours du second. Sur un an, la progression del’emploi salarié marchand est de + 2,2 % (+ 284 000 emplois). L’amélioration de la situation del’emploi concerne tous les secteurs : après trois années de déclin continu, la contraction des effec-tifs est désormais enrayée dans la construction et le bâtiment. L’emploi dans le secteur tertiairea connu une progression très vive (+ 3,4 %). En 1998 et 1999, les créations nettes d’emploiseraient de 230 000 environ en moyenne annuelle dans le secteur marchand.

12 300

12 400

12 500

12 600

12 700

12 800

12 900

13 000

13 100

901

903

911

913

921

923

931

933

941

943

951

953

961

963

971

973

981

En m

illie

rs

Page 48: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

39

1.2 Chômage conjoncturel et chômage structurel

La montée du chômage que connaît la France depuis 25 ans ne renvoie pas à une causeunique. L’analyse économique permet de distinguer ce qui est attribuable au rythme de crois-sance de l’activité économique (facteurs conjoncturels) d’une part, et d’autre part ce qui est lié auxcaractéristiques profondes du fonctionnement du marché du travail (facteurs structurels). Cettedécomposition est importante, car elle conditionne les types d’instruments qui peuvent êtremobilisés dans la lutte contre le chômage.

L’augmentation du chômage depuis le début de la décennie est pour partie imputable àl’atonie de la conjoncture au cours de cette période. Depuis 1990, le taux de croissance annuelmoyen de la France a été à peine supérieur à 1 % 1 et est resté sensiblement inférieur à son rythmepotentiel, estimé à environ 2 1/4 % par an. En 1997, le déficit de croissance s’établissait ainsi autotal à près de 3 points de PIB. Dans ce contexte, une part importante du chômage apparaît d’ori-gine cyclique, part que l’on peut estimer aujourd’hui à environ 3 % de la population active, soitun peu moins d’un million de personnes.

Pour autant, le dynamisme de la demande – si vigoureux soit-il aujourd'hui – ne suffira pasà résorber la totalité du chômage en France. En effet, une partie importante du chômage est d’ori-gine « structurelle », au sens où elle évolue indépendamment des fluctuations de l’activité éco-nomique. La situation française à la fin des années 1980 illustre ce phénomène : après plusieursannées de croissance soutenue, le taux de chômage restait proche de 9 %. La politique macro-économique peut tenter de réduire le chômage en dessous d’un certain seuil, mais alors despressions inflationnistes apparaissent, comme c’est le cas aujourd’hui au Royaume-Uni ; inverse-ment, lorsque le taux de chômage observé dépasse ce seuil, l’inflation a tendance à diminuer,comme elle l’a fait en France. Ce taux de chômage structurel, encore appelé NAIRU (littérale-ment « le taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation »), n’est pas intangible et varie au coursdu temps. Il est en effet relié aux évolutions structurelles de l’économie : une meilleure formationdes actifs, permettant une adaptation plus rapide de leurs qualifications aux besoins, ou une mobi-lité géographique accrue peuvent réduire le NAIRU. Par ailleurs, l’élévation des taux d’intérêtréels et la hausse des prélèvements fiscaux et sociaux sur le travail sont des facteurs souventavancés pour rendre compte de la hausse structurelle du chômage. Enfin, le chômage structurelreflète pour certains le degré de priorité accordé à l’emploi par les partenaires sociaux. A cetégard, il sera d’autant plus bas que, lors des négociations salariales, salariés et employeurs par-viendront à assurer une cohérence durable entre l’évolution des salaires et les gains de produc-tivité de l’économie. Au total, la politique économique n’est pas impuissante face au chômagestructurel. Mais elle doit s’y attaquer par des moyens appropriés.

Les évaluations disponibles de la partie structurelle du chômage en France (NAIRU) fontétat d’une montée continue dans les années 1970-1980. Situé aux alentours de 3-4 % au débutdes années 70, le NAIRU s’est fortement accru à partir du premier choc pétrolier pour atteindreenviron 9 %. Ces estimations sont néanmoins fragiles : le chômage structurel n’est pas une gran-deur directement mesurable – son évaluation repose sur des estimations économétriques dont larobustesse n’est pas totalement assurée – ; en outre ses déterminants ne sont pas connus aveccertitude2. Enfin, chômages structurel et conjoncturel ne doivent pas être forcément considéréscomme des catégories entièrement disjointes : compte tenu de la longue phase récente de basseconjoncture, on ne peut exclure que les pertes de capital humain, associées à un chômageconjoncturel prolongé, ne détériorent durablement « l’employabilité » des chômeurs les moinsqualifiés, transformant in fine le chômage conjoncturel en chômage structurel (effet d’hystérèse).A l’inverse, une phase de croissance prolongée peut aider à la réinsertion dans l’emploi de caté-gories qui en étaient sorties, et favoriser une baisse du chômage structurel. L’évolution récentede l’économie américaine en est probablement l’illustration.

1 Contre 2,3 % entre 1975 et 1985 et 4,4 % entre 1965 et 1975.2 Au sein de la fourchette des estimations disponibles, l’estimation d’un NAIRU à 9 % constitue cependant une valeur médiane.

Page 49: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

40

Au total, un grand nombre d’études évaluent à 3/4 la part de la composante structurelledans le chômage en France, tandis que la part conjoncturelle reste élevée, à environ trois points.

2. Anatomie du chômage français

La montée du chômage en France peut également s’apprécier au regard d’une descriptionplus fine du marché du travail : si le risque de chômage s’est progressivement étendu àl’ensemble de la population active au cours des années 90, il continue toutefois de toucher enpriorité les catégories les plus fragiles. La situation du marché du travail reste ainsi marquée pard’importants déséquilibres structurels : les difficultés d’insertion sur le marché du travail desjeunes notamment peu qualifiés, l’ampleur du chômage des salariés les moins qualifiés, le niveauélevé du chômage de longue durée, l’existence d’un noyau dur de personnes ne parvenant quetrès difficilement à s’insérer dans le secteur marchand.

2.1 L’insertion des jeunes reste délicate

Les jeunes éprouvent des difficultés croissantes à trouver un emploi stable malgré la mobi-lisation d’importants moyens : les emplois occupés par des personnes de moins de trente anssont dans un cas sur cinq « atypiques » (CDD, intérim, contrat aidé). L’insertion est particulière-ment difficile pour les jeunes faiblement qualifiés. Elle passe souvent par une alternance depériodes de chômage et de contrats aidés. Ainsi, la proportion de jeunes hommes peu diplômésayant passé plus de 3 ans au chômage au cours des 7 années qui ont suivi la fin de leurs étudesest deux fois plus élevée pour les générations sorties du système scolaire entre 1987 et 1989que pour les générations sorties 10 ans auparavant.

2.2. Le chômage continue de toucher particulièrementles salariés les moins qualifiés

En mars 1998, le taux de chômage des ouvriers est trois fois supérieur à celui des cadres(15 % contre 5 %). En outre, les personnes sans diplôme ont aujourd’hui un taux de chômage plusde deux fois supérieur à celui des personnes justifiant du baccalauréat ou d’un diplôme postérieurau baccalauréat (17 % contre 7 %, cf. graphique 2).

Graphique 2 : Taux de chômage selon le diplôme (1983-1998)

10

12

14

16

18

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

Bac et plus CAP, BEP, BEPC Sans diplôme ou CEPSource : INSEE, Enquêtes Emploi

0

2

4

6

8

Page 50: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

41

Ces difficultés particulières des salariés les moins qualifiés se retrouvent dans la plupart desgrands pays industrialisés, où le nombre d’emplois qui leur sont offerts se réduit progressive-ment. Cette difficulté est particulièrement marquée en France, dans la mesure où la faible crois-sance de la première partie des années 1990 a sensiblement augmenté le chômage des salariésplus diplômés, qui se sont alors reportés sur des postes nécessitant une moindre qualification. Ilreste que la baisse tendancielle de la demande de travail non qualifié est une tendance lourde quiaffecte l’ensemble des pays développés, y compris ceux où le chômage des salariés les plusqualifiés est très faible, comme aux États-Unis. Celle-ci a sans doute plusieurs causes : un progrèstechnique qui serait devenu défavorable au travail peu qualifié, le poids croissant des nouveauxpays industrialisés dans le commerce international, ou encore un niveau excessif du coût du travailau niveau des bas salaires. L’élévation des niveaux d’éducation et de formation des nouvellesgénérations devrait réduire progressivement l’offre de travail peu qualifiée, mais elle ne règlepas les difficultés que rencontrent les générations déjà présentes sur le marché du travail.

2.3 Il est particulièrement difficile de sortir du chômage

Il est également difficile de retourner à l’emploi après avoir connu le chômage. Une analyseen termes de flux permet d’apprécier la performance du marché du travail français en matièred’entrée dans le chômage et de sa sortie : il est en effet frappant de constater que si la probabi-lité de perdre son emploi est significativement plus faible en France qu’aux États-Unis, la proba-bilité d’embauche pour les chômeurs y est également beaucoup plus faible. Ces éléments accré-ditent l’idée que la sortie du chômage constitue bien un problème majeur dans le fonctionnementdu marché du travail français et européen.

L’accroissement du chômage de longue durée en est la traduction préoccupante. Ainsi, enjuin 1998, près de 40 % des demandeurs d’emploi étaient au chômage depuis plus d’un an, soitplus d’un million de personnes (cf. graphique 3). Les difficultés à sortir du chômage s’accroissentau fur et à mesure que l’éloignement du marché du travail se prolonge : au bout de deux moisd’inscription au chômage, la probabilité de sortir du chômage durant le mois est de 10 % envi-ron. Cette probabilité est inférieure à 2 % au-delà du douzième mois1. Ces difficultés expliquentpour partie le phénomène de déqualification des chômeurs de longue durée. Ainsi, de nom-breuses personnes entrées au chômage pendant les périodes de basse conjoncture ne sortentpas du chômage en période de reprise de l’activité, malgré des flux d’embauches dynamiques etcomparables à ceux des autres pays.

La situation des chômeurs de plus de 50 ans est à cet égard particulièrement préoccu-pante : en mars 1998, plus de 60 % des chômeurs âgés de plus de 50 ans étaient inscrits depuisplus d’un an.

1 Calculs ANPE.

Page 51: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

42

1 Cette analyse est en revanche plus délicate à mener pour personnes en situation d’exclusion, car ces situations sontplus difficiles à repérer dans les enquêtes statistiques.

Graphique 3 : Nombre de chômeurs de longues durée (DEFM 1)(en milliers)

2.4 La constitution d’un « noyau dur » d’exclusion

De même que le chômage de longue durée, l’apparition d’un « noyau dur » de personnesdurablement exclues de l’emploi marchand témoigne du caractère cloisonné du marché du tra-vail. Les ressources de ces personnes sont alors constituées essentiellement d’aides sociales : unmillion de personnes perçoivent le revenu minimum d’insertion (RMI), près de 500 000 reçoi-vent l’allocation de solidarité (ASS), versée après épuisement des droits à l’allocation chômage.

La solidarité implique de garantir un revenu minimum à cette partie de la population, maisplus encore de lui ouvrir des voies de réinsertion dans l’emploi. Or, la complexité de la structuredes prélèvements et des transferts au niveau des minima sociaux peut décourager le retour àl’emploi : compte tenu des pertes possibles de prestations sous conditions de ressources et dela hausse des prélèvements induite, retrouver un travail n’occasionne pas nécessairement un gainnet de pouvoir d’achat. Dans ces conditions, les bénéficiaires des minima sociaux semblent sou-vent pénalisés lors de la reprise d’un emploi, et risquent de rester durablement dépendants desprestations sociales. Ce phénomène, dit de « trappe à inactivité », touche principalement les béné-ficiaires « isolés » de minima sociaux.

Au total, les handicaps à l’insertion sur le marché du travail se cumulent souvent : à partirdes sources statistiques disponibles, il est ainsi possible d’effectuer une décomposition du chô-mage en fonction de sa durée, du diplôme et de l’âge des chômeurs1. Le tableau 1 montre lasituation spécifique des jeunes, qui sont concernés davantage par un chômage de courte durée.La structure par âge du chômage de longue durée n’apparaît pas réellement différente de cellede la population active dans son ensemble. Mais les personnes sans diplôme sont particulière-ment nombreuses parmi les chômeurs de longue durée (47 %, contre 27 % dans la populationactive).

700

750

800

850

900

950

1 000

1 050

1 100

1 150

1 200ja

nv-9

1

janv

-92

janv

-93

janv

-94

janv

-95

janv

-96

janv

-97

janv

-98

Source : Ministère de l'Emploi et de la Solidarité

Page 52: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

43

Tableau 1 : Décomposition du chômage selon l’âge et le diplôme

Source : INSEE, Enquête Emploi 1998

3. Des instruments adaptés aux différentes causes du chômage

Les instruments de lutte contre le chômage diffèrent selon le diagnostic porté sur la naturedu chômage. Si celui-ci est d’origine conjoncturelle, il doit être réduit par une politique de crois-sance. Un chômage de nature structurelle nécessite des mesures permettant d’améliorer le fonc-tionnement du marché du travail et l’insertion des publics en difficulté. À cet égard, alors que lechômage français apparaît multiforme, le recours à une politique unidimensionnelle de luttecontre le chômage serait voué à ne produire que des résultats limités. Au contraire, la réductiondurable du chômage appelle une stratégie globale articulée autour de plusieurs axes. Cette stra-tégie s’appuie sur différents instruments, adaptés à chaque situation de chômage, et qui, en fonc-tion de l’évolution du marché du travail, peuvent être recentrés sur certains publics prioritaires.

3.1. Soutenir la croissance

Une croissance durable et soutenue de la demande, offrant aux entreprises la perspectivede débouchés accrus, est une condition première à l’augmentation du nombre d’embauches.Ainsi, après une longue période d’atonie de l’activité, le retour de la croissance devrait permettrede réduire progressivement, au cours des prochains mois, le chômage d’origine conjoncturelle.La reprise de l’activité est en effet stimulée par une orientation des politiques monétaire et bud-gétaire (le « policy-mix ») mieux adaptée à la situation française : le niveau des taux d’intérêttémoigne de conditions monétaires favorables ; l’assainissement des finances publiques contribueégalement à cette amélioration de l’environnement économique.

Au-delà de la stimulation de l’activité économique dans son ensemble, une politique decroissance durable consiste à favoriser les secteurs qui seront amenés à se développer dans lefutur (notamment dans les domaines sportifs, culturels, éducatifs, d’environnement et de proxi-mité) et à encourager la création et la promotion de nouvelles activités, et donc de nouveauxgisements d’emplois. Ainsi, certaines activités de services, qui ne se présentent pas actuellement

Part dans la Part dans le chômage Part dans le chômagepopulation active de longue durée de durée inférieure à 1 an

Jeunes, dont : 8,3 % 9,0 % 23,9 %

Non-diplômés 2,0 % 4,7 % 7,5 %

Autres 6,2 % 4,3 % 16,4 %

25-49 ans, dont : 71,7 % 70,0 % 66,7 %

Non-diplômés 16,8 % 31,2 % 21,6 %

Autres 55,0 % 38,8 % 45,1 %

Plus de 50 ans, dont : 20,0 % 21,0 % 9,4 %

Non-diplômés 7,8 % 11,1 % 4,7 %

Autres 12,2 % 9,9 % 4,7 %

Page 53: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

44

sous une forme marchande, correspondent à de réels besoins. Mais à cause de déficiences dansles mécanismes de marché, une offre ainsi qu’une demande solvable n'émergent pas spontané-ment pour ce type de services. Cette difficulté justifie à elle seule l’intervention publique, pourfavoriser l’émergence de ces nouvelles activités et les pérenniser à moyen terme en les intégrantau secteur marchand : tel est le sens du programme « Nouveaux services, nouveaux emplois ».

3.2 Enrichir le contenu en emploi de la croissance

Favorisé par la baisse du coût du travail des salariés les moins qualifiés et par le dévelop-pement du temps partiel, le contenu en emplois de la croissance s’est progressivement enrichi :le seuil à partir duquel l’économie crée des emplois dans le secteur privé est aujourd’hui prochede 1,5 % alors qu’il était supérieur à 2 % dans les années 80. Cet enrichissement de la croissanceen emplois doit rester une priorité.

Le processus de réduction négociée du temps de travail est engagé.

Dans un contexte de début de reprise économique, il est absolument nécessaire d’accélé-rer le rythme des embauches pour éviter que des chômeurs, à l’origine victimes d’une mauvaiseconjoncture, ne deviennent de manière irréversible des chômeurs de longue durée. C’est à cesouci d’accélérer le rythme des embauches, dès le début de la reprise, que répond la réductionnégociée du temps de travail.

La loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail du 13 juin 1998 réduitla durée légale du travail à 35 heures au 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 sala-riés et en 2002 pour les autres. Elle engage ainsi une dynamique de négociation dans les entre-prises et les branches professionnelles. Les négociations entre les partenaires sociaux concerne-ront simultanément le temps de travail, l’organisation du travail, les créations d'emploi, lesévolutions de salaires. Une seconde loi interviendra en 1999, elle précisera les modalités de labaisse de la durée légale en tirant le bilan des accords conclus.

Les évaluations disponibles (cf. encadré) de l’impact macro-économique de la RTT mettenten lumière les conditions nécessaires à son succès. Ainsi, pour être favorable à l’emploi, la réduc-tion de la durée légale ne doit pas se traduire par une augmentation durable du coût unitaire dutravail, qui découragerait l’embauche et dégraderait la compétitivité de l’économie française : undispositif incitatif vise à couvrir ce risque, par le biais d’abattements de cotisations sociales patro-nales, dégressifs dans le temps et en contrepartie d’engagements de création, ou de maintien,d’emplois. Une certaine modération salariale est également nécessaire afin d’éviter la reprise del’inflation qui ampute le pouvoir d’achat des ménages et les conduit à réduire leurs dépenses deconsommation. Elle conduit certes ex-ante à une moindre croissance des revenus, donc desdépenses de consommation, mais au total l'effet de la modération salariale est positif sur l'activité.Dès lors, l’efficacité du processus de réduction du temps de travail suppose une répartition desefforts entre les salariés, en termes de modération salariale, et les entreprises, en termes de réor-ganisation du travail.

Page 54: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

45

Évaluation de l’impact de la réduction du temps de travail.

Trois scénarios réalisés par la Direction de la Prévision sont présentés ici, qui dif fè-rent selon le degré d’adhésion des partenaires sociaux au processus de RTT. Les scénariosse distinguent par le nombre d’entreprises mettant en œuvre la RTT, et par des hypothèsesplus ou moins favorables concernant d’autres paramètres clés tels que les gains de pro-ductivité horaire dégagés à la faveur de la RTT et l’évolution générale des salaires. Ils repo-sent enfin sur de nombreuses hypothèses communes, relatives au champ de la RTT à l’hori-zon de 2002, aux coûts de réorganisation, à l’aide publique pérenne, à la diffusion deshausses salariales (cf. tableau).

Les trois scénarios reflètent différents degrés d’engagement des partenairessociaux en faveur de la RTT.

Dans un premier scénario, qui s’apparente à la mise en œuvre d’un pacte pourl’emploi, toutes les entreprises de plus de 20 salariés sont passées aux 35 heures en 2002et les gains de productivité horaire représentent 3,4 % lorsque la RTT est de 10 % (il s’agitlà d’une hypothèse moyenne parmi celles habituellement retenues). Les salariés acceptent,en contrepartie de la RTT de 10 %, une compensation salariale partielle (hausse de 7,1 % dusalaire horaire pour une baisse de 10 % de la durée du travail.

Dans un deuxième scénario, qui traduit un développement progressif de la RTT,celle-ci est toujours supposée générer des gains de productivité horaire à hauteur de 3,4 %,mais deux tiers seulement des entreprises de plus de 20 salariés sont passées aux 35 heuresen 2002. En outre, les salariés sont en moyenne plus exigeants en matière de salaire : ilsobtiennent un maintien de leur salaire mensuel lors du passage aux 35 heures et connais-sent ensuite une stabilité de leur pouvoir d’achat mensuel jusqu’en 2002.

Dans un troisième scénario, qui reflète une situation de blocage, seulement lamoitié des entreprises de plus de 20 salariés est passée aux 35 heures en 2002. Les gainsde productivité horaire sont plus élevés que dans les scénarios précédents : de 4 % dans lecadre du dispositif incitatif, ils passeraient à 6 % au-delà. Seules les entreprises qui antici-pent les 35 heures avant cette date enregistrent un gel de pouvoir d’achat du salaire men-suel jusqu'à fin 1999.

Le bouclage macro-économique permet de prendre en compte l’ajustement desmarchés des biens et du travail.

Les hypothèses qui précèdent traduisent la réaction des acteurs au niveau micro-éco-nomique, lorsque les entreprises sont contraintes par la demande et que leur productionreste donc inchangée. L’évaluation au niveau macro-économique de ces scénarios sup-pose cependant de prendre en compte les interactions qui se produisent entre ces déci-sions micro-économiques, ainsi que l’ajustement du niveau de production au nouvel envi-ronnement macro-économique.

Le bouclage macro-économique des trois scénarios a été effectué à l’aide du modèleMETRIC. Il s’agit d’un modèle néo-keynésien. Dans ce type de modèle, l’ajustement desmarchés du travail et des biens est supposé s’effectuer à court terme par l’ajustement del’offre à la demande. Mais, à long terme, les prix et les salaires permettent l’ajustement dela demande à l’offre.

Même si ces modèles fournissent une bonne description des évolutions passées del’économie française, le diagnostic qu’ils permettent de porter sur les différents scénariosétudiés ne vaut donc que dans la mesure où les effets de demande prédominent effecti-vement à court terme alors que les effets d’offre ne se manifestent qu’avec lenteur.

Page 55: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

Les trois scénarios conduisent à des résultats très contrastés en termesd’emplois ou d’activité.

Dans le scénario n°3, où non seulement le nombre d’entreprises qui entrent dans ledispositif est faible, mais où, en outre, les hausses de coûts salariaux sont importantes,l’économie perd en définitive 20 000 emplois, et la RTT s’accompagne de plus d’une dégra-dation de l’activité (– 0,3 point de PIB à horizon de 2002) et d’une détérioration du soldedes administrations publiques (– 0,3 point de PIB au même horizon).

Dans le scénario n° 2, l’entrée dans le dispositif d’un nombre important d’entreprisesd’une part, une modération salariale sensible d’autre part, permettent (après bouclagemacro-économique) de conserver la plus grande part des créations d’emplois initiales. Dansce scénario, la modération salariale et l’aide de l’État ne compensent cependant pas inté-gralement, pour les entreprises, le surcoût lié à la baisse de la durée du travail. La haussede coût qui subsiste a des effets en retour défavorables sur l’activité et la demande de tra-vail. Ce mécanisme pénalisant pour l’emploi se trouve renforcé lorsque l’amélioration ini-tiale du marché du travail conduit à une accélération des salaires (« effet Phillips ») : dans cecas, les créations d’emplois, à horizon 2002, se montent finalement à 210 000 ; elles attei-gnent 280 000 quand cet effet ne joue pas.

Le scénario le plus favorable pour l'emploi est le scénario n°1, dans lequel tous lessalariés du champ retenu sont passés aux 35 heures en 2002 et où une modération salarialeprononcée et l’aide de l’État permettent un maintien des coûts. Dans le cas où en outrel’amélioration du marché du travail ne susciterait, après la modération salariale initiale,aucune accélération des salaires, les créations d’emplois atteindraient 540 000 fin 2002(410 000 avec « effet Phillips »).

L’incidence sur le déficit public est, quant à elle, à peu près neutre dans ces deuxderniers scénarios, dans l’hypothèse où les salaires accélèrent avec l’amélioration du mar-ché du travail. Dans ce cas, en effet, la masse salariale s’accroît et génère davantage decotisations. Il y a, au contraire, dégradation légère du solde public (– 0,2 point de PIB) dansl’hypothèse, plus favorable à l’emploi, où les salaires n’accélèrent pas.

46

Principales hypothèses des trois scénarios de réduction du temps de travail

Scénario 1 Scénario 2 Scénario 3

Aide publique Aide incitative connueAide pérenne de 5 000 F par salarié et par an

Proportion de 40 % avant fin 1999 20 % avant fin 1999 7 % avant fin 1999grandes entreprises 100 % avant fin 2002 65 % avant fin 2002 53 % avant fin 2002

passant aux 35 h effectivesHausse d’effectifs + 7,7 % + 7,7 % + 6 % avant 2000

dans ces entreprises + 4 % ensuite(à production constante)

Évolutions salariales Compensation partielle Compensation totale instantanée Compensation totale instantanée Modération salariale instantanée

jusqu’en 2002 Modération salarialejusqu’en 2000

Champ de la RTT SalariéS à temps complet des entreprises de plus de 20 salariés (8 millions de personnes environ)Abattement – À partir de 2000 : abattement permanent de 4 à 5 000 F par an et par salarié, pour les entre-de cotisation prises dont la durée effective du travail passe à 35 heures.

– Avant 2000 : de 9 000 F à 7 000 F par salarié, selon la date d’entrée dans le dispositif, pour lesentreprises réduisant de 10 % la durée du travail.

Coût de réorganisation Durée d’utilisation des équipements constante, coûts de réogarnisation de l’ordre de 2 % ducoût du travail

Page 56: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

47

Effets de la RTT après bouclage macro-économique à l’horizon 2002(en moyenne annuelle)

La baisse des prélèvements au niveau des bas salaires est pérennisée.

Le fort dynamisme des créations d’emploi dans le secteur des services depuis le milieu dela décennie, dans une conjoncture alors peu favorable, accrédite d’ores et déjà la thèse d’un enri-chissement de la croissance en emplois peu qualifiés. Depuis 1994, le nombre d’emplois occu-pés par des travailleurs non qualifiés s’est de fait stabilisé légèrement en deçà de 20 % aprèsavoir décru continûment au cours des années 80 (cf. graphique 4).

Graphique 4 : Évolution de l’emploi par qualification

Source : INSEE, Enquêtes Emploi

Au niveau du SMIC, le coût du travail a pu être réduit de 12,6 % grâce au dispositif de ris-tourne dégressive sur les bas salaires. Cette mesure permet de préserver la rémunération nettedes salariés, à la différence de la situation prévalant dans certains pays anglo-saxons.

18

20

22

24

26

28

30

32

34

36

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

40

42

44

46

48

50

52

54

56

Très qualifiés(échelle de gauche)

Non-qualifiés(échelle de gauche)

En % En %

Qualifiés(échelle de droite)

Emploi salarié Taux de chômage Solde des APU(en milliers) (en point) (en point de PIB)

Simulation n° 1

Avec effet « Phillips » 380 – 1,2 0,1

Sans effet « Phillips » 510 – 1,6 – 0,2

Simulation n° 2

Avec effet « Phillips » 210 – 0,7 0,0

Sans effet « Phillips » 280 – 0,9 – 0,2

Simulation n° 3

– 20 0,0 – 0,3

Page 57: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

48

La reconduction en 1999 de ce dispositif, selon les mêmes modalités, permet de concilierun double objectif : la création d’emplois pour les catégories les moins qualifiées et la garantie dupouvoir d’achat des salaires les plus faibles. Le ciblage sur ces catégories est de surcroît efficaceen termes de création d’emplois. En effet, la demande de travail peu qualifiée est, selon les tra-vaux empiriques disponibles, plus sensible au coût du travail que ne l’est la demande de travailqualifiée. Par ailleurs, il apparaît peu probable que cette mesure agisse comme un pur effetd’aubaine pour les entreprises : en raison de la concurrence qui prévaut sur le marché des bienset des services, les baisses du coût relatif sont vraisemblablement répercutées en baisses de prixsur les marchés à fort contenu en main-d’œuvre peu qualifiée.

Enfin, la pérennité du dispositif apparaît cruciale, dans la mesure où celui-ci met en jeu laperception qu’ont les employeurs des prix relatifs de la main-d’œuvre, et où les décisionsd’embauche des entreprises se fondent sur des calculs de long terme.

La part salariale de la taxe professionnelle sera progressivement supprimée.

En parallèle à la diminution du coût du travail ciblée sur les bas salaires, la suppression pro-gressive de la part salariale de la taxe professionnelle vise à diminuer globalement les prélèvementspesant sur le travail et à favoriser l’emploi. Les modalités retenues aboutiront dès 1999 à une sup-pression totale de la part salaires pour près de 70 % entreprises redevables, et cette décisionconduira ainsi à un allégement rapide et de grande ampleur de la taxe professionnelle acquittée parles secteurs à forte intensité en main-d’œuvre, comme les services, le bâtiment et le commerce.L’impact de la mesure est estimé à plus de 100 000 créations nettes d’emplois dans le secteur mar-chand, lorsque les effets de la suppression totale de la part salaires seront totalement réalisés. La pre-mière étape de sa mise en œuvre conduirait en 1999 à la création d’environ 25 000 emplois.

3.3 Donner à tous une meilleure chance d’accès à l’emploi

La stratégie française en faveur des populations particulièrement touchées par le chômagese développe autour de trois volets principaux : l’insertion des jeunes sur le marché du travail, laprévention et le traitement du chômage de longue durée, l’offre d’emplois non marchands sub-ventionnés pour les plus fragilisés.

L’insertion des jeunes sur le marché du travail est favorisée.

Le Gouvernement a engagé, dès son entrée en fonction, une action vigoureuse en faveurde l’emploi des jeunes :

– par la promotion de nouveaux emplois répondant à des besoins insatisfaits.

Le programme « Nouveaux services, nouveaux emplois » est en effet destiné à promouvoirl’insertion des jeunes sur le marché du travail. Il a pour objectif la création de 350 000 emploisd’ici 2000.

– par l’amélioration de la formation et de la qualification des jeunes.

L’élévation du niveau des qualifications permet, à long terme, une adaptation de l’offre dequalifications à l’évolution de la demande. La qualification préserve davantage du risque de chô-mage et facilite l’adaptation au changement technologique. Certes, le niveau de formation moyende la population, et notamment des jeunes sortant du système éducatif, s’est accru au cours des15 dernières années (cf. graphique 5), mais l’insertion professionnelle des jeunes demeure déli-cate. L’accroissement du nombre de contrats en alternance, avec un objectif de 440 000 entréesen 2000, vise ainsi à faciliter l’entrée des jeunes sur le marché du travail.

Page 58: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

49

Graphique 5 : Structure par diplôme de la population active, 1983 et 1998

La prévention et le traitement du chômage de longue durée sont renforcés.

Pour éviter le basculement dans le chômage de longue durée de trop nombreux deman-deurs d’emploi, le Gouvernement s’est engagé, dans le cadre de son Plan National d’Action pourl’Emploi, suite au sommet de Luxembourg à la fin de 1997, à offrir un « nouveau départ » auxjeunes et aux demandeurs d’emploi adultes avant qu’ils n’atteignent respectivement leur sixièmeet douzième mois d’inscription dans les services de l’emploi. L’action en faveur des chômeurs delongue durée passe également par un renforcement de la capacité d’accueil des entreprisesd’insertion. Par ailleurs, un dispositif expérimental, dans le cadre de la loi sur les exclusions, étendles contrats de qualification aux demandeurs d’emploi adultes.

Les emplois non marchands subventionnés pour les plus fragilisés sont recentrés.

Le dispositif des emplois non marchands subventionnés (CES, CEC) est réorienté en faveurdes catégories les plus fragiles : ces emplois sont désormais réservés au « noyau dur » des exclusde l’emploi marchand pour leur permettre de sortir d’une situation d’assistance sociale et de seréinsérer progressivement dans le monde du travail. Pour les publics qui ne sont pas les plus endifficulté, les études concluent en effet que le passage par ces dispositifs n’améliore pas leursperspectives d’embauches dans le secteur marchand. La loi contre les exclusions prévoit ainsi derecentrer les contrats emploi solidarité (CES) et les contrats emploi consolidé (CEC) sur les publicsles plus en dif ficulté. Le développement du programme « Nouveaux services, nouveauxemplois », réservé aux jeunes, devrait par ailleurs faciliter ce recentrage.

Le mécanisme d’intéressement pour les bénéficiaires des minima sociaux est renforcé.

Un renforcement et une extension du mécanisme d’intéressement visent à favoriser leretour à l’emploi des personnes durablement exclues du marché du travail, tout en garantissantque la reprise de l’activité s’accompagne d’une hausse significative et durable du revenu dispo-nible. Outre les titulaires du Revenu Minimum d’Insertion (RMI) et de l’Allocation Spécifique deSolidarité (ASS), l’accès à l’intéressement sera désormais ouvert aux allocataires de l’Allocationde Parent Isolé (API). Les allocataires du RMI, de l’ASS et de l’API qui reprennent une activitépourront ainsi cumuler pendant un an, dans certaines limites, l’allocation et leur salaire.

** *

10

15

20

25

30

35

40

45

50

1983

1998

Source : INSEE, Enquêtes Emploi

0

5

Aucun diplôme ou CEP CAP, BEP, BEPC BAC et plus

Page 59: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

50

Distinguer, parmi les causes du chômage, celles qui relèvent de facteurs conjoncturels etstructurels permet de construire des instruments adaptés à chaque situation de chômage. Pourautant, le dosage des outils de politique économique doit être continûment adapté à mesureque la situation du marché du travail évolue. Le large éventail des dispositifs de la politique del’emploi recouvre finalement une grande multiplicité d’objectifs et de publics concernés. Face àla complexité de ces situations, la cohérence de la politique de l’emploi s’inscrit dans le cadre clai-rement défini des grands axes qui viennent d’être présentés. Elle permet de concilier la stabilité,nécessaire à l’action des agents économiques, et la capacité d’adaptation des dispositifs auxmodifications de leur environnement.

Les dispositifs de la politique de l’emploi en faveur de publics spécifiques

Le programme « Nouveaux services, nouveaux emplois » a pour objectif de favo-riser la création d’emplois dans des activités nouvelles répondant à des besoins émergentsnon encore satisfaits par le marché, notamment dans des activités sportives, culturelles,éducatives, d’environnement et de proximité. Cette action des pouvoirs publics doit per-mettre de révéler une demande solvable pour ces services et de les pérenniser à moyenterme en les intégrant au marché. Les emplois créés, à l’initiative d’acteurs locaux, ne doi-vent ni entrer en concurrence avec des activités déjà assurées par le secteur marchand oule secteur privé non lucratif, ni venir en substitution d’emplois préexistants ou tradition-nels.

L’objectif est d’atteindre la création de 350 000 emplois pour les jeunes d’ici 2000,dont 150 000 dès la fin 1998. À la fin du mois de juillet 1998, 100 000 contrats ont étésignés et plus de 70 000 jeunes ont été embauchés.

Les programmes destinés à améliorer la formation des jeunes : les contrats enalternance (apprentissage, qualification, adaptation), seront renforcés pour améliorer lacapacité d’insertion des jeunes sur le marché du travail : en 1998 et 1999, les flux de béné-ficiaires devraient continuer à croître ; ils atteindraient 425 000 en 1999.

Dans le cadre de la loi contre les exclusions, le programme TRACE est proposé auxjeunes confrontés à de graves difficultés familiales, sociales et culturelles. Ce parcours d'in-sertion personnalisé, qui pourra se prolonger jusqu'à 18 mois, offrira la possibilité d’accom-plir un bilan de compétences ou d’acquérir des connaissances de base et une qualificationprofessionnelle. Les jeunes concernés bénéficieront d’une couverture sociale entre lesmesures et, le cas échéant, d'une aide financière grâce à la mobilisation d'un fonds d'aideaux jeunes. Le programme TRACE doit concerner 10 000 jeunes dès 1998 et 60 000 d’ici3 ans. L’Agence nationale pour l’emploi, les missions locales et les PAIO (permanencesd’accueil, d’information et d’orientation) sont d’ores et déjà mobilisées pour sa mise enœuvre.

Page 60: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

51

Les mesures en faveur des chômeurs de longue durée : des entretiens de dia-gnostic et de suivi, se traduisant par des propositions individualisées et adaptées aux dif-ficultés rencontrées par chaque demandeur d’emploi, seront mis progressivement en placeau cours des cinq prochaines années. Ils concerneront tous les demandeurs d’emploiadultes avant qu’ils n’atteignent 12 mois de chômage (soit aujourd’hui environ 1 million depersonnes par an), tous les jeunes en recherche d’emploi avant qu’ils n’atteignent 6 moisde chômage (soit aujourd’hui environ 500 000 personnes par an). Des mesures spécifiquesseront réservées aux demandeurs d’emploi au chômage depuis plus de deux ans, auxjeunes chômeurs de longue durée ainsi qu’aux bénéficiaires du Revenu Minimum d’Inser-tion sans emploi.

Par ailleurs, dans le cadre de la loi contre les exclusions, une expérimentationconduite en concertation avec les partenaires sociaux étendra le contrat de qualificationaux personnes de plus de 26 ans, au chômage depuis plus de 6 mois. Ce dispositif com-mencera à monter en régime, avec 10 000 bénéficiaires en 1999.

Enfin, la capacité d’accueil des entreprises d’insertion et des entreprises de travailtemporaire d’insertion (soit 9 000 personnes) sera doublée en trois ans. Ces structures sontdes moyens originaux et efficaces de faciliter le retour vers l’emploi de personnes en situa-tion de chômage de longue durée, en les insérant dans des activités productives.

Dispositifs en faveur des publics en difficulté : la loi contre les exclusions prévoitde recentrer les contrats emploi solidarité (CES) et les contrats emploi consolidé (CEC) surles publics les plus en dif ficulté. Les CES seront désormais réservés aux demandeursd’emploi de longue durée ou âgés de plus de 50 ans, aux allocataires de minima sociaux(RMI, ASS, Allocation de Parent Isolé) ainsi qu’aux personnes rencontrant des difficultésparticulières d’accès à l’emploi.

Les CEC deviendront accessibles directement et non plus obligatoirement à l’issued’un CES. Ce dispositif sera ouvert aux publics cibles du CES mais également aux personnesne pouvant trouver un emploi ou une formation à l’issue d’un contrat d’insertion. Cescontrats connaîtront une augmentation rapide sur trois ans, portant leur nombre annuel de90 000 à 200 000.

Le mécanisme d’intéressement est élargi aux allocataires de l’API. Les allocatairesdu RMI, de l’ASS et de l’API qui reprennent une activité pourront cumuler pendant un an,dans certaines limites, l’allocation et leur salaire. Ce cumul sera intégral pendant les troispremiers mois suivant la reprise d’activité. Un abattement de 50 % sur les revenus d’acti-vité sera consenti pendant les 6 mois suivants. Cet abattement sera ramené à 25 % durantles trois derniers mois.

Page 61: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses
Page 62: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

53

Vers une nouvelle architecturedu système monétaire et financier international

Le mouvement de mondialisation de l’économie a profondément modifié les relationsmonétaires et financières internationales en moins de dix ans. Les mouvements de capitaux inter-nationaux notamment se sont considérablement développés, du fait de l’approfondissement desliens économiques au sein des pays industrialisés, mais aussi parce que de nombreux pays émer-gents ont trouvé un large accès aux marchés de capitaux internationaux.

C’est dans ce contexte que s’inscrivent les crises qu’ont connues le Mexique en 1995, puissurtout les pays du sud-est asiatique et la Corée du Sud à partir de l’été 1997, et enfin tout récem-ment la Russie. Ces crises ont mis en lumière des inadaptations du mode actuel de coopérationinternationale et des outils tant nationaux qu’internationaux de contrôle et de régulation du sys-tème monétaire et financier international. L’architecture du système doit donc être réformée afinde lui conférer une plus grande stabilité, tout en permettant aux pays en développement de béné-ficier des financements externes requis par leurs besoins en investissement.

Page 63: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

54

1. Les mutations en cours dans l’économie mondiale

1.1 Un marché financier mondial

Le développement spectaculaire des flux internationaux de capitaux constitue l’un des traitsles plus marquants de l’évolution de l’économie mondiale depuis dix ans. Par exemple, les cré-dits bancaires internationaux originaires des principales places financières ont été multipliés pardix entre le début des années 1990 et 1997, année où ils atteignaient plus de 1.100 Mds de dol-lars1. En masse, cette tendance de fond concerne bien sûr avant tout les pays industrialisés.L’accroissement du commerce international, favorisé par l’émergence de marchés des biens etservices larges et ouverts (en Europe notamment), a conduit les entreprises à accélérer leursinvestissements à l’étranger. De plus, le développement de marchés financiers offrant une largepalette d’instruments a permis aux institutions financières et aux fonds d’investissementd’accroître nettement leurs investissements internationaux par souci de diversification des risques.Enfin, les déséquilibres extérieurs importants des États-Unis et du Japon ont amplifié ce phéno-mène. Ce mouvement d’internationalisation des marchés financiers – au sens le plus large duterme – des pays industrialisés s’accompagne naturellement d’une internationalisation des insti-tutions financières. On peut ainsi parler désormais d’un marché financier « mondial ».

1.2 Des pays en développement intégrés au marché financier mondial

Cette tendance ne concerne cependant pas seulement les pays industrialisés, mais aussiceux des pays en développement qui se sont engagés dans une stratégie d’industrialisation enéconomie ouverte, que l’on dénomme pays émergents. Ainsi, sur la base d’un indice de mesurede l’intégration financière internationale élaboré par la Banque mondiale2, au milieu des années1980 seuls deux pays en développement étaient intégrés au marché financier mondial de façoncomparable aux pays industrialisés, alors que treize pays l’étaient avant le milieu des années1990. Ce mouvement, dont le fondement est essentiellement économique, s’est aussi accélérépour des raisons géopolitiques, lorsque les pays d’Europe centre-orientale et de l’ex-URSS, ainsique la Chine, se sont ouverts aux flux de capitaux étrangers lors de leur transition vers l’écono-mie de marché.

L’ouverture de ces pays émergents aux capitaux privés a attiré de façon spectaculaire lesflux internationaux de capitaux privés. Les investissements à long terme – investissements directs,prêts à long terme, obligations et actions – vers les pays en développement se montaient à envi-ron 30 Mds de dollars par an au cours des années 1980. Ce montant s’est brusquement accrudans les années 1990 pour atteindre 256 Mds de dollars en 19973. La part privée des flux decapitaux à long terme vers les pays en développement est désormais de plus de 80 % contremoins de 50 % au cours des années 1980. Enfin, la dette à court terme des pays en développe-ment a également crû fortement : elle atteignait 361 Mds de dollars en juin 1997. En proportiondes flux mondiaux, les flux de capitaux qui se dirigent des pays industrialisés vers les pays émer-

1 Source BRI.2 Cet indice prend en compte le montant des flux de capitaux en fonction du PIB, ainsi que la diversité de ces flux(aide publique, investissements directs, crédits bancaires, investissement sur les marchés de dettes et d’actions). Il estcalculé pour 65 pays en développement et ne couvre pas les pays de l’ex-URSS.3 Source FMI-Banque Mondiale.

Page 64: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

55

gents restent certes limités1, mais, en comparaison de la taille de l’économie des pays récipien-daires, ils apparaissent très importants : les flux de capitaux étrangers à long terme représen-taient en moyenne 3 à 4 % de leur PIB par an au cours des dernières années. Cette différenced’échelle entre le volume d’épargne mobilisable dans les pays industrialisés et les marchés finan-ciers des économies émergentes explique que la volatilité des financements extérieurs d’origineprivée puisse avoir un effet déstabilisant sur les pays émergents. Au total, il s’agit bien pour cespays d’un saut qualitatif majeur.

Évolution des flux financiers vers les pays en développement

Cette évolution a considérablement renforcé les interdépendances financières des paysindustrialisés entre eux, et, phénomène qualitativement nouveau, de ces pays avec les économiesémergentes. Ainsi la Corée du Sud par exemple, compte tenu de sa taille et de son intégrationdans le marché mondial, peut être qualifiée aujourd’hui de pays qui présente un risque « systé-mique », autrement dit on peut juger que de graves difficultés financières dans ce pays peuventaffecter l’ensemble du système monétaire et financier international. L’accroissement des phéno-mènes de contagion est une autre conséquence potentielle de cet élargissement et de cet appro-fondissement des interdépendances financières. Il reste cependant qu’un grand nombre de paysen développement, notamment en Afrique subsaharienne, ne sont pas encore en mesure d’accé-der au marché financier « mondial ». L’aide publique au développement reste donc absolumentessentielle, même si elle représente aujourd’hui globalement moins de 20 % des flux de capitauxvers les pays en développement.

1.3 Une intégration financière déterminante pour le développement

La crise asiatique a et aura pour effet immédiat de ralentir brusquement ce mouvement,du fait du reflux des investisseurs poussés à la prudence. Mais il est très probable que la ten-dance observée depuis dix ans se poursuive à moyen long terme, pour trois raisons.

0

50

100

150

200

250

300

350

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

Flux de capitaux privés(hors crédit court terme)

Aide publiqueau développement

Source : OCDE et FMI

1 Les pays en développement captaient moins de 10 % des flux de crédits internationaux des banques des pays indus-trialisés.

Page 65: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

56

● Les pays en développement devraient poursuivre leur ouverture aux mouvements decapitaux, compte tenu des avantages qu’ils peuvent en retirer. Au lieu de devoir financer leuréquipement en faisant appel à la seule épargne nationale, cette ouverture leur permet en effet dedesserrer le lien entre épargne nationale et investissement, et d’accroître ainsi leur potentiel decroissance. Certains économistes estiment qu’un apport net de capitaux de l’étranger de 4 % duPIB par an permet d’engendrer pour un pays en développement un surcroît de croissance pou-vant aller jusqu’à 2 points par an. Les investissements directs entraînent de plus des transfertsde technologie. La faculté d’attirer des capitaux étrangers de long terme constitue ainsi un élé-ment décisif du décollage économique pour les pays en développement.

● Les investisseurs des pays industrialisés n’ont probablement pas épuisé la capacité dediversification des risques de leur portefeuille, alors que les rendements financiers dans les paysen développement peuvent connaître des évolutions moins corrélées aux évolutions des rende-ments des pays industrialisés que ne le sont les évolutions des rendements des pays industriali-sés entre elles.

● Les pays en développement dont la démographie est généralement dynamique ont desbesoins d’investissements en infrastructures beaucoup plus élevés que les pays industrialisés,dont le vieillissement en cours des populations augmente les capacités de placement au traversdes fonds de retraite. Cette différence de rythme démographique explique en partie le fait quela croissance potentielle et donc les rendements financiers soient plus élevés dans les pays endéveloppement que dans les pays industrialisés. Ces différentiels d’équilibre épargne/investis-sement et de rendements entre les pays industrialisés et les pays en développement crée une ten-dance forte et naturelle aux flux de capitaux des seconds vers les premiers.

Au total, et à condition qu’elle soit maîtrisée, les pays industrialisés et les pays en déve-loppement ont un intérêt mutuel à l’approfondissement et à l’élargissement géographique de lamondialisation des marchés financiers.

2. Des inadaptations du système monétaire et financier international

C’est dans ce contexte que doivent être analysées les crises qu’ont connues les pays dusud-est asiatique et la Corée du Sud à partir de l’été 1997.

2.1 Les causes de la « bulle » financière

La situation macro-économique des pays d’Asie de l’Est à l’orée de la crise n’apparaissaitglobalement pas préoccupante au regard des indicateurs macro-économiques usuels : croissancesoutenue, inflation largement maîtrisée, excédents budgétaires et, pour certains, excédents de labalance courante. L’appréciation effective de leurs monnaies à partir de 1995, du fait de leurancrage au dollar et de la dépréciation du yen, avait cependant conduit à une dégradation desbalances courantes dans des proportions qui semblaient rester raisonnables, sauf en Thaïlande. LeFMI, soutenu par une grande partie de ses membres, faisait pression depuis la mi-1996 sur leGouvernement thaïlandais afin qu’il ajuste sa politique macro-économique en conséquence, voirequ’il modifie le régime de sa monnaie, le baht, mais sans résultat. La crise de change thaïlandaisequi s’est déclenchée au début du mois de juillet 1997 n’a donc pas véritablement surpris. Enrevanche, son ampleur et les risques de contagion rapide à l’ensemble de la région, liés au mou-vement brutal de reflux des investisseurs, ont été sous-estimés, car ils sont le fruit non pas tantde déséquilibres macro-économiques traditionnels mais de fragilités structurelles, notammentfinancières.

Page 66: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

57

De fait, il est apparu après coup que la situation financière des pays de la région s’étaitnettement dégradée depuis probablement plus de deux ans. Les banques, peu ou pas contrô-lées par les autorités financières et particulièrement opaques – tout comme les entreprises nonfinancières –, ne suivaient pas les règles de prudence qui sont imposées et contrôlées depuis denombreuses années dans les pays occidentaux par les autorités bancaires. Les entreprises et sur-tout les banques de la région s’étaient lancées dans une activité de transformation très dange-reuse, consistant à emprunter à court terme en devises étrangères, en dollars notamment, pourfinancer des investissements de long terme en monnaies locales. La ressource en dollar étaitabondante et donc peu onéreuse, car la liquidité des investisseurs étrangers était très impor-tante et que les rendements offerts sur les marchés américains, européens et surtout japonaisétaient faibles et donc peu attractifs. De plus, les investisseurs étrangers comme leurs débiteursse sentaient – à tort – immunisés contre les risques de change, du fait de l’ancrage des monnaiesau dollar et des réserves de change importantes affichées par les banques centrales de la région– qui étaient en fait surévaluées. Une partie des investisseurs étaient sans doute tout de mêmeconscients des risques potentiels mais pouvaient imaginer qu’en cas de difficultés l’action duFMI « sauverait leur mise », et ce d’autant que leurs crédits étaient de court terme. Les investis-seurs étrangers avaient de plus prêté pour une grande part à court terme parce que le régimed’ouverture aux capitaux des pays du sud-est asiatique et plus encore de la Corée du Sud pri-vilégiaient l’endettement à court terme1. Au total, cet afflux de ressources dans les pays de larégion a eu deux conséquences. Elle a conduit à un surinvestissement généralisé, autrement ditune bulle financière qui s’est traduite par une inflation des actifs et des surcapacités de produc-tion2. Elle a rendu également le bilan des banques et des entreprises locales extrêmement vul-nérables à une dévaluation du fait de l’activité de transformation dans laquelle elles s’étaientengagées.

Dès lors, dès que le baht a décroché de son ancrage au dollar, ce « château de cartes »financier s’est très rapidement effondré en Thaïlande : le baht se dépréciant, les risques de défautsur la dette des banques et des entreprises s’accroissaient, poussant les créanciers externes à nepas renouveler leurs crédits en devises, ces sorties de capitaux alimentant à leur tour la baisse dela monnaie, qui a finalement dévalué de près de 50 %. Par ailleurs, la bulle financière interne écla-tant avec la raréfaction des capitaux, la valeur des actifs des banques, et dans une moindre mesuredes entreprises, diminuait alors que dans le même temps la valeur de leur passif libellé en dollaraugmentait : la faillite menaçait rapidement. La prise de conscience par les investisseurs de fra-gilités similaires dans les pays voisins ainsi que les liens commerciaux régionaux ont rapidementdéclenché le phénomène de contagion, alors qu’aucun mécanisme régional adéquat de coopé-ration monétaire n’était en place : l’Indonésie et la Malaisie, puis la Corée du Sud étaient tou-chées tour à tour au cours de l’automne 1997. Alors que l’endettement indonésien provenait enmajorité des entreprises, sa situation était relativement proche de celle de la Thaïlande. Cepen-dant, la crise politique que le pays a traversée a considérablement aggravé la situation de ce pays,dont la monnaie a dévalué d’environ 80 %. La Corée du Sud, pays plus avancé, était dans unesituation a priori moins exposée, si ce n’était un endettement bancaire à court terme extrêmementélevé. On peut ainsi penser que la trajectoire de ce pays, sans l’effet domino dont il a pâti aucours de cette crise, aurait peut-être pu s’avérer soutenable au prix de réformes structurellesmises en œuvre dans la durée. Enfin, Singapour et Hongkong résistaient difficilement, grâce àl’ampleur de leurs réserves de change et à des systèmes financiers nettement plus sains.

1 Les possibilités juridiques d’investissements directs, d’investissements en actions et en obligations et de prêts à longterme étaient pour les investisseurs étrangers quasiment nulles en Corée. Les prêts interbancaires à court terme étaienten revanche complètement libres. Les régimes thaïlandais, indonésien et malaysien étaient d’inspiration similaire, sansêtre aussi stricts. À noter que la Chine par exemple a adopté un régime diamétralement opposé : les investissementsdirects sont nettement privilégiés (tout en étant contrôlés). Les régimes de Singapour et de Hongkong se rapprochentquant à eux de ceux des pays industrialisés.2 Ces surcapacités de production ont poussé les entreprises de la région à baisser fortement leur prix à l’exportation,ce qui explique le maintien d’une position apparemment très compétitive de ces pays sur les marchés extérieurs mal-gré la hausse de leur monnaie.

Page 67: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

58

Lors de crises de ce type, l’attitude des marchés pris comme un tout apparaît souvent irra-tionnelle. Ainsi, il n’est pas sûr que la situation de la Corée du Sud était financièrement insoute-nable. Il est clair que dans ce type de situation, les investisseurs agissent en partie sous l’effet dela panique. Mais, cette irrationalité globale peut aussi être le fruit de l’agrégation de comporte-ments individuels rationnels : si chaque investisseur anticipe qu’une partie des capitaux va seretirer du pays, ne serait-ce que par simple panique de quelques créanciers, il anticipe une baissedes marchés et doit donc rationnellement adopter le même comportement.

2.2 Une intervention internationale d’une ampleur inégalée, qui suscite des interrogations

Pour faire face aux reflux des capitaux privés, les pays de la région ont dû faire appel au FMIet dans une moindre mesure à la Banque mondiale. L’intervention de ces deux institutions est tra-ditionnellement fondée sur un financement en devises d’une part, et la mise en place d’un pro-gramme économique d’ajustement d’autre part. Celui-ci devait bien entendu avant tout viser à lastabilisation de la monnaie et éviter une faillite complète du secteur bancaire. Les programmeséconomiques des gouvernements approuvés par le FMI à l’automne 1997 prévoyaient ainsi uneforte hausse des taux directeurs de la Banque centrale, une correction budgétaire afin de préve-nir l’apparition d’un déficit important, et la mise sur pied d’un plan de restructuration du secteurbancaire (rationalisation, recapitalisation, mise en place d’une garantie des dépôts et d’un cadreprudentiel). Ces programmes incluaient également d’autres mesures structurelles, notammentl’ouverture aux capitaux longs pour contribuer au financement de la balance des capitaux, ladécartellisation des plus grands conglomérats financiers et industriels, ainsi que la mise en placede mesures sociales pour accompagner l’inévitable récession provoquée par la crise.

Ces programmes ont donné lieu à de nombreuses critiques. Certains économistes1 consi-dèrent que le FMI a surestimé les facteurs structurels de la crise et sous-estimé l’effet cumulatifde la contagion régionale sur l’économie réelle des pays concernés. Dès lors la politique macro-économique devait être selon eux assouplie et non pas rendue plus restrictive. S’agissant de lapolitique monétaire, il ne fait cependant pas doute qu’elle devait s’attacher impérativement à lastabilisation rapide de la monnaie, qui constituait la première priorité. Plus vite cette stabilité étaitatteinte, plus vite la politique monétaire pouvait être ensuite assouplie. Les monnaies asiatiquesétant stabilisées depuis quelques mois dans la plupart des pays de la région, la décrue des tauxd’intérêt a d’ailleurs pu être largement engagée. L’impact de la contagion a cependant effecti-vement été sous-estimé dans un premier temps par le FMI : la plupart des pays émergents asia-tiques touchés par la crise vont connaître en 1998 une récession prononcée. Le maintien de lasituation nette des finances publiques prévu par les programmes s’est donc révélé rapidementintenable : les programmes ont été rapidement modifiés pour laisser les stabilisateurs automa-tiques opérer. Quant aux mesures structurelles incluses dans les programmes, elles ont fait l’objetde critiques très diverses : certains les jugent tout simplement inutiles2, d’autres pensent qu’ellespouvaient être remises à plus tard. Il est cependant au moins une part des réformes structurellespréconisées dont le caractère impératif est indiscutable, notamment celles concernant le secteurbancaire, dont les fragilités ont été clairement en grande part à l’origine de la crise et de sonampleur. Par ailleurs, les marchés financiers se nourrissent d’anticipations. Il était donc importantde donner le plus vite possible aux investisseurs des perspectives de traitement de ces fragilitéspour rétablir leur confiance.

1 J. Sachs et Ch. Wyplosz notamment.2 M. Feldstein.

Page 68: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

59

Les plans de financement associés aux programmes posaient une difficulté de taille : leFMI, la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement n’avaient pas les moyens definancer les sorties potentielles de capitaux privés. Cette situation était patente dans le cas de laCorée qui avait une dette de plus de 100 Mds de dollar, quasiment entièrement privée, et dontune grande part à court terme. Outre cette limite financière, et sans aller jusqu’à certaines cri-tiques extrémistes exacerbées par les montants accordés, le financement des sorties de capitauxprivés par des financements publics pose également un problème « d’aléa de moralité » : envenant en aide aux pays en crise, la communauté internationale permet à des investisseurs impru-dents, dont le comportement a contribué à la crise, de limiter leurs pertes, voire de réaliser desgains. Les pays du G7 ont donc finalement décidé de demander aux banques créditrices de gelerleurs concours financiers et de négocier avec les autorités coréennes une restructuration de ladette des banques1. La garantie de l’État apportée aux banques, la pression des gouvernementsdes pays industrialisés sur les créanciers et les perspectives d’ajustement de l’économie fourniespar le programme FMI ont permis à ces négociations d’aboutir, malgré leur complexité liée à lamultitude d’intervenants privés. Cela dit, elles furent décidées tardivement et longues à mettreen œuvre, et certains créanciers n’ont pas adopté l’attitude coopérative de la majorité.

Tableau 1. Soutien financier de la Communauté internationale aux pays asiatiques en crise(Engagements et versements, entre parenthèses figurent les montants décaissés à ce jour).

Source : Institutions financières internationales et MEFI.

2.3 Les fragilités révélées du système financier mondial

Ces événements montrent avant tout que la libéralisation financière internationale est por-teuse de bénéfices, mais aussi de risques importants, et qu’il importe que la communauté inter-nationale se dote d’outils de régulation adéquats pour prévenir ces risques, et répondre aux situa-tions d’urgence. Dans ce contexte, les Institutions financières internationales – au premier chef leFMI – et la coopération étroite au sein du G7 sont essentielles à la stabilité du système moné-taire et financier international. Quelles que soient les critiques qui peuvent être faites à leur action,il est fort probable que sans elles, les conséquences de cette crise auraient été d’une ampleurencore beaucoup plus importante, qui n’aurait pas été sans rappeler la crise de 1929. Il importemaintenant de tirer les leçons de la crise asiatique pour réformer les outils de la régulation moné-taire et financière internationale.

(Mds UDS) FMI Banque Banque Apports Total aide(I) Mondiale Asiatique de bilatéraux publique

(II) Développement (IV) (I) (II) (III) (IV)(III)

Corée 21 (18) 10 (5) 4 (3) 24 (0) 59 (26)

Thaïlande 4 (2,8) 1,5 (0,75) 1,2 (0,6) 10,5 (7) 17,2 (11,15)

Indonésie 11,2 (6) 4,5 (0,6) 3,5 (0,6) 19 (1,85) 38,2 (9,05)

Philippines 2,4 (1) 0 0 -- 2,4 (1)

Total 38,6 (27,8) 16 (6,35) 8,7 (4,2) 53,5 (7,35) 116,8 (47,2)

1 L’Indonésie, dont la crise politique a aggravé fortement la situation économique par rapport aux autres pays, a dû pro-noncer un moratoire unilatéral et entamé une restructuration de l’ensemble de la dette de L’État, des banques et desentreprises.

Page 69: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

60

Le changement de nature des interdépendances économiques et financières, évoqué ci-dessus, a certes déjà donné lieu à une évolution des mécanismes de surveillance internationaleet d’aide au développement. Mais il apparaît clairement que le niveau de développement desstructures sociales, économiques, financières et juridiques, nécessaire pour bénéficier sans dom-mages de l’ouverture aux capitaux étrangers, a tout de même été sous-estimé par le FMI dansl’exercice de sa surveillance (cf. encadré), ainsi que par les Institutions financières internationaleschargées de l’aide au développement. C’est particulièrement vrai des infrastructures financières,dont l’assainissement et le renforcement auraient dû constituer un préalable ou tout du moinsaccompagner l’ouverture au flux de capitaux internationaux. Les États concernés comme lesinvestisseurs privés n’ont d’ailleurs pas pris non plus la pleine mesure de ces phénomènes. Lesmécanismes internationaux de surveillance doivent donc être adaptés.

Les Institutions de « Bretton Woods »

Depuis la fin de la dernière guerre mondiale, le Fonds monétaire international et dansune moindre mesure la Banque mondiale1, fondée en 1945, constituent avec le G7 les ins-titutions centrales du système monétaire et financier international. Le FMI a pour objectif defavoriser le développement des échanges et partant, la croissance, en œuvrant à la stabi-lité monétaire mondiale. La Banque Mondiale a pour objectif de contribuer au financementdu développement. Ces deux institutions, basées à Washington, regroupent la quasi-tota-lité des États de la planète (182 pays). Les États disposent de droits de vote en fonction deleur contribution au capital : plus de 18 % pour les États-Unis, 5 % pour la France et près de30 % pour l’ensemble des pays de l’Union européenne. L’assemblée des représentants detous les membres se réunit une fois par an : elle approuve d’éventuelles modifications desstatuts proposés par l’un ou l’autre des conseils d’administration. Ceux-ci regroupent24 représentants de l’ensemble des pays membres regroupés en circonscription. Les cinqpays les plus importants sur le plan économique ainsi que l’Arabie Saoudite, la Chine et laRussie tiennent chacun une chaise. Les conseils d’administration approuvent notammentles prêts et les programmes économiques associés. Enfin, le Comité intérimaire et le Comitédu développement, instances consultatives réunissant les ministres des pays représentésaux conseils d’administration, se réunissent deux fois par an.

Le Fonds monétaire international

La raison d’être du FMI réside dans l’intérêt commun que représentent pour des paysinterdépendants sur le plan commercial la mise en œuvre dans chacun d’entre eux d’unepolitique macro-économique qui vise la croissance sans pour autant provoquer des désé-quilibres monétaires et commerciaux, voire, le cas échéant, l’apport d’une aide pour résor-ber de tels déséquilibres. Cette mission est fondée sur quatre piliers essentiels. Le FMI estune juridiction internationale, les États membres s’engageant à assurer la liberté des paie-ments courants et la convertibilité de la monnaie, ou tout du moins de mener les réformesnécessaires pour atteindre à terme cet objectif. Le FMI évalue et conseille la politique éco-nomique des États membres, dans le but d’éviter les déséquilibres monétaires intérieurset extérieurs qui peuvent menacer la stabilité du système monétaire international – c’est ceque l’on appelle la « surveillance ». Le FMI finance sous conditions le déficit de la balance

1. La Banque mondiale regroupe en fait cinq institutions : la Banque internationale de reconstruction et de déve-loppement (BIRD, financement), l’Association internationale de développement (AID, aide concessionnelle auxpays pauvres), l’Association multilatérale de garantie des investissements (AMGI), la Société financière inter-nationale (SFI) et le Centre international de règlement des différends sur l’investissement (CIRDI).

Page 70: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

61

courante d’un pays membre lorsque celui-ci devient insoutenable. Enfin, le FMI peut luimême procéder à une injection de liquidités internationales en cas de manque généralisé,en émettant des Droits de tirage spéciaux1. Ce dispositif est directement inspiré par lesleçons de la crise de 1929, au cours de laquelle l’absence de mécanisme de coopérationmonétaire avait conduit les pays touchés à réagir dans le désordre, tant en terme de poli-tique macro-économique qu’en termes de restriction des paiements courants, provoquantun effondrement des échanges et une grave récession dans la plupart des pays.

Aujourd’hui, une grande majorité des États membres du FMI assurent la liberté despaiements courants et la convertibilité de leur monnaie. Cette décision a par exemple étémise en œuvre l’année dernière par les pays de la zone franc. Les États membres conser-vent cependant la possibilité d’ériger des restrictions temporaires en cas de crise moné-taire, à condition qu’elles soient non-discriminatoires entre pays tiers et qu’elles fassentl’objet d’une concertation avec le Fonds.

La surveillance du FMI s’exerce au moins une fois par an pour tous les pays membres.Ainsi, une mission du Fonds vient chaque année en France mener des discussions appro-fondies sur la situation économique et la politique menée par le Gouvernement et la Banquede France. Un rapport des services du FMI est soumis au conseil d’administration. Le FMIjoue ainsi un rôle de conseil de politique économique et fait jouer la pression par les pairsau travers du Conseil d’administration. Mais ces mécanismes ont leurs limites : ainsi, laThaïlande a ignoré les conseils et les avertissements confidentiels qui émanaient du FMIdepuis 1996. Une plus grande transparence du FMI dans de telles circonstances pourraientrenforcer son efficacité.

Pour les pays en difficulté, les interventions traditionnelles du FMI prennent la forme« d’accords de confirmation », c’est-à-dire de financements en devises fortes versés sur unan et remboursables en moins de cinq ans. Ce financement est assorti de conditions sur lapolitique économique, qui doit s’attacher à réduire les déséquilibres extérieurs à l’originedes difficultés du pays. Le conseil d’administration examine le respect des conditions toutau long de l’année de versement. Mais le FMI a été doté au cours des ans d’autres outilsd’intervention, pour mieux prendre en compte la situation des pays dont la résorption desdéséquilibres extérieurs passent par des réformes structurelles, par nature plus longues àmettre en œuvre et dont les effets sont moins rapides. C’est par exemple le cas des paysen transition vers l’économie de marché. Les accords élargis et les prêts de la Facilité d’ajus-tement structurel renforcée (FASR) sont ainsi versés sur trois ans, et remboursés en 10 ans.La FASR, qui offre des prêts à taux concessionnels, est réservée aux pays les plus pauvres2.Enfin, le FMI a créé au cours de l’automne 1997 la Facilité de réserves supplémentaires,prêt adapté aux situations de crises comme celles que l’Asie connaît (déboursement etremboursement rapides, pas de contraintes sur les montants, taux d’intérêt plus élevé), etqui a été utilisée pour la Corée du Sud et plus récemment pour la Russie. Les ressources duFMI proviennent de l’apport des États membres – les quotes-parts –, qui mettent à dispo-sition du Fonds une partie de leurs réserves de change et de leurs propres devises. Le mon-tant total de ces apports est aujourd’hui de 145 Mds de DTS, soit environ 1.200 Mds FF3.Une augmentation de 45 % des quotes-parts a été décidée en 1997 : elle est en cours deratification dans les pays membres. Enfin, le FMI peut emprunter auprès des pays indus-trialisés au travers des Accords généraux d’emprunt. Ceux-ci ont dû être partiellementengagés pour financer une partie du plan d’aide à la Russie décidé le 20 juillet 1998.

1 Le DTS est l’unité de compte du FMI. Il s’agit d’un panier des cinq principales devises : le dollar, le mark, leyen, le franc français et la livre sterling.2 Le taux d’intérêt des prêts FASR est ramené à 0,5 %, grâce aux subventions apportées par certains paysmembres. La France est avec le Japon le premier contributeur à la FASR.3 Le montant des ressources utilisables est en fait moins élevé, puisque 75 % des apports sont effectués enmonnaie locale, et que vingt à trente monnaies sont de facto utilisables dans les transactions internationales.

Page 71: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

62

Au-delà des conditions requises pour une ouverture réussie aux flux de capitaux, on peutse demander dans quelle mesure l’approche jusqu’ici dominante de la libéralisation des mouve-ments de capitaux ne doit pas être sensiblement révisée. Une ouverture systématique, rapide etinconditionnelle des pays en développement aux capitaux étrangers a sans doute trop souventété prônée et appliquée sans discernement.

La coopération monétaire et financière mondiale ne s’est pas suffisamment adaptée àl’émergence de nouveaux pays intégrés au système et aux interdépendances régionales crois-santes. Ainsi, l’absence de mécanisme de coopération monétaire en Asie du Sud Est n’a pas per-mis de mettre en place une réponse cohérente et coopérative à la crise de la part des pays de larégion. De même, l’insuffisante attention portée à la situation structurelle des pays émergents etparfois la mauvaise compréhension des mécanismes à l’œuvre avant et pendant la crise de lapart de leurs autorités auraient peut-être pu être évitées par un dialogue et une coopération plusapprofondis sur les questions monétaires et financières avec les pays industrialisés.

Enfin, les moyens et les modes de gestion des crises aujourd’hui à la disposition de la com-munauté internationale ont également montré leurs limites ainsi que certains effets pervers. Lesmoyens du FMI notamment se sont avérés insuffisants pour tout à la fois assurer les financementsnécessaires au règlement de la crise asiatique et conserver des capacités d’action suffisantes pourle reste du monde. Plus fondamentalement, le rôle de quasi-prêteur en dernier ressort du FMIsemble avoir favorisé un comportement peu responsable des investisseurs privés vis-à-vis despays émergents.

Enfin, les allocations de DTS sont décidées en cas de manque avéré et global de liqui-dités dans l’économie mondiale. Cependant, une telle situation est très improbable comptetenu du développement des marchés financiers dans les grands pays industrialisés. La der-nière allocation de DTS, décidée en 1997, est d’une nature exceptionnelle : elle vise seu-lement à rétablir l’équité avec les pays ayant récemment adhéré au FMI et qui n’ont parconséquent pas bénéficié des allocations générales effectuées dans le passé.

La Banque mondiale

La Banque mondiale a pour objectif de contribuer au financement du développement.Contrairement au FMI, il s’agit d’une véritable banque, qui emprunte une grande part de sesressources sur les marchés financiers. La Banque mondiale accorde des prêts d’assistancemacro-économique, dont la conditionnalité est essentiellement d’ordre structurel. Ellefinance également des projets publics d’infrastructure dans les secteurs clé du développe-ment (énergie, agriculture, sécurité sociale, secteur financier, services publics.). Elle peutégalement garantir des financements privés. Enfin, elle apporte une large assistance tech-nique dans de nombreux domaines.

La Banque mondiale offre également des prêts concessionnels et des dons pour lespays les plus pauvres au travers de l’AID.

Compte tenu de la nécessité pour le FMI de prendre de plus en plus compte les ques-tions structurelles dans sa surveillance et la conditionalité de ses prêts, les deux institutionssont amenées à collaborer plus étroitement. La crise asiatique a montré que ces efforts decoopération devaient être encore accrus.

Page 72: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

63

3. Vers une réforme de l’architecture du système monétaire et financier internationalCette crise montre que le seul jeu du marché n’est pas suffisant pour réunir toutes les condi-

tions nécessaires à un fonctionnement optimal de l’économie et peut dans certaines circonstancesdevenir contre-productifs. Une action de régulation vigoureuse des pouvoirs publics pour enca-drer les mécanismes de marché apparaît clairement essentielle. Et dans certaines circonstances,une intervention directe au niveau national ou international s’avère nécessaire. Cette crise vientainsi valider l’approche de la régulation économique que défend la France, qui participe très acti-vement aux discussions en cours sur l’architecture du système monétaire et financier internatio-nal. L’enjeu est considérable : il s’agit de réussir à remodeler cette architecture pour assurer unsystème financier plus stable, afin que les acquis et les bénéfices de l’ouverture, essentiels pourle développement, ne soient pas à terme remis en cause.

Les faiblesses de l’architecture du système sont désormais globalement reconnues par lacommunauté internationale. Les Institutions financières internationales, les pays du G7 ainsi queles pays émergents ont rapidement commencé à travailler sur les réponses à y apporter. En 1998,dès les réunions de printemps du FMI et de la Banque mondiale, puis au Sommet de Birmin-gham, des premières orientations pour la réforme de l’architecture du système ont été esquissées.

3.1 Comment adapter la surveillance des politiques économiques, et inciter les créanciers privés à mieux maîtriser leurs investissements ?

La crise asiatique a clairement montré que l’intégration au marché financier « mondial »requiert des infrastructures financières adaptées pour ne pas se révéler déstabilisante à terme.Les banques constituent dans les pays en développement une interface essentielle entre le mar-ché financier international et l’économie locale. Leur régulation est donc décisive. Règles pru-dentielles, contrôle par une autorité indépendante, transparence comptable, système de garan-tie des dépôts : dans tous ces domaines les lacunes dans les pays en développement doiventêtre comblées dans l’intérêt des pays concernés et de l’ensemble de la communauté internatio-nale, autant que possible en préalable à la libéralisation du compte de capital. Par ailleurs, le déve-loppement de marché financier local (obligation et action) permettrait également à ces pays dediversifier leur mode de financement, en utilisant notamment de façon plus efficace l’épargneintérieure. La conscience de ces lacunes ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui. La France avait pro-posé à ses partenaires du G7 et aux Institutions financières internationales une initiative dans cesens lors du Sommet de Lyon en 1996. Elle a ainsi donné l’impulsion à l’élaboration des « Prin-cipes fondamentaux d’un contrôle bancaire efficace » aujourd’hui mondialement acceptés et quiconstituent une base de travail très utile. Mais, entre l’application concrète de ces principes et lanécessaire restructuration des secteurs bancaires touchés par la crise, la tâche à accomplir resteimmense. Les financements des Banques multilatérales de développement doivent être com-plétés par une assistance technique importante. L’Europe a rapidement réagi dans ce domaine enmettant en place, dans le cadre de l’ASEM1, un fonds destiné à financer l’assistance techniquedans ce domaine, ainsi qu’un réseau d’experts financiers. La France s’est engagée à apporter envi-ron 50 MF à ce fonds.

Au-delà de l’aide à apporter aux pays en développement, le rôle de surveillance du FMI doitêtre renforcé dans le domaine bancaire. Plus tôt les risques liés aux interactions entre situationéconomique et monétaire, évolution des flux de capitaux et fragilités des structures financièressont-ils décelés, plus la crise a de chances d’être évitée.

L’effort ne doit cependant pas s’arrêter aux seules infrastructures du système bancaire. Larégulation des entreprises est également essentielle : un marché financier efficace demande la

1 L’ASEM est un forum de coopération réunissant les pays de l’Union européenne, les pays de l’ASEAN, la Corée duSud, le Japon et la Chine. Il fait pendant à l’APEC.

Page 73: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

64

transparence comptable ; la capacité d’adaptation du tissu des entreprises et la responsabilisa-tion des actionnaires demandent aussi un droit des sociétés efficaces, notamment une loi sur lesfaillites.

La transparence est un des traits communs à ces réformes structurelles. Si la transparencen’est pas une condition suffisante au bon fonctionnement des marchés financiers, elle en est indu-bitablement une condition nécessaire. Elle détermine en effet en partie la capacité des investis-seurs à prendre des décisions rationnelles. Elle ne doit d’ailleurs pas seulement concerner lesacteurs privés mais aussi la politique économique des gouvernements. Cette transparence estégalement très importante vis à vis du FMI, dont le rôle de surveillance constitue un rouage essen-tiel du système monétaire et financier international. Les lacunes des données fournies par lespays asiatiques à l’orée de la crise ont empêché le FMI d’analyser au mieux la situation1.

Cela dit, les dysfonctionnements du marché observés au cours de la crise ne sont pas de laseule responsabilité des pays concernés. Les investisseurs ont clairement pêché par défaut deprudence, sans doute par une attention insuffisante aux fragilités structurelles des pays de la zone.La France et le Royaume-Uni se sont fait les avocats d’une plus grande transparence des activitésde surveillance du FMI, afin précisément d’inciter les investisseurs à une plus grande attention. Ilne s’agit, ni de supprimer toute confidentialité dans les relations entre l’institution et ses paysmembres, ni d’asséner des certitudes qui n’existent pas en matière économique, ni de propagerdes analyses alarmistes de nature à déclencher par elles-mêmes une crise. Il s’agit de s’attacherà mettre en regard la situation macro-économique des pays, leurs structures financières et lesflux de capitaux et leur prix, en mettant éventuellement le doigt sur des incohérences apparenteset en adressant au moment opportun des signaux aux marchés. M. Greenspan, président de labanque centrale fédérale des États-Unis, a donné un exemple de ce type d’interventions publiquesvis à vis des marchés, en soulignant il y a un an « l’exubérance irrationnelle » des marchés bour-siers américains. Le G7 joue un rôle similaire en ce qui concerne l’évolution des principalesdevises mondiales.

3.2 Faut-il réglementer les mouvements de capitaux ? Comment mener leurlibéralisation ?

Il reste que les marchés financiers sont sujets à des erreurs d’appréciation des fondamen-taux économiques, à des mouvements grégaires, à des revirements d’autant plus violents qu’ilsont été longtemps retardés. Ces crises sont amplifiées par le volume de capitaux mobilisables etla sophistication des instruments financiers. La volatilité des flux de capitaux, notamment à courtterme, reste donc en partie inhérente au fonctionnement du marché. Ce constat ne remet pasfondamentalement en cause les bénéfices potentiels de l’ouverture aux capitaux étrangers,comme il a été évoqué ci-dessus, mais demande à mettre en balance ces bénéfices avec les coûtsqu’induit la volatilité des capitaux.

Face à ces difficultés, des voix s’élèvent pour préconiser le retour au contrôle des mouve-ments de capitaux, ou l’introduction de freins à la mobilité du capital, comme l’avait proposé parexemple en 1978 l’économiste James Tobin, en instaurant une taxe sur les transactions destinéeà décourager les « aller et retour » spéculatifs en devise étrangère. Selon Tobin, une taxe à faibletaux n’aurait pas d’effet significatif sur les mouvements de capitaux à long terme, mais elle frei-nerait considérablement les mouvements de court terme. Elle allongerait donc l’horizon des inves-tisseurs et pourrait éviter l’éclosion de bulles spéculatives. Mais, outre qu’elle ne pourrait êtremise en œuvre que sur la base d’un très large accord international, une « taxe Tobin » aurait des

1 Les données fournies au FMI par la banque centrale de Thaïlande par exemple surestimaient nettement ses réservesde change.

Page 74: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

65

inconvénients notables, et serait finalement peu dissuasive en situation de crise spéculative (voirencadré). Plutôt qu’une mesure d’application générale, il faut plutôt retenir de cette idée des dis-positifs fiscaux ou prudentiels des dispositifs ciblés visant à freiner l’afflux soudain de capitaux àcourt terme, auxquels des pays émergents puissent faire temporairement recours. Le Chili parexemple a expérimenté ce type de mesures, et elles semblent avoir contribué quelque peu à lastabilité financière que connaît depuis plusieurs années ce pays (cf. encadré).

Plus généralement, il apparaît nécessaire de mettre en place une stratégie générale de libé-ralisation plus ordonnée des flux de capitaux vers les pays émergents, fondées sur les trois idéessuivantes :

– la libéralisation doit être menée progressivement et être précédée par le renforcement de lasphère financière. Le niveau d’ouverture aux capitaux étrangers ne doit pas en effet aller au-delàde ce que les structures économiques et financières peuvent supporter. Or le développement deces structures est nécessairement progressif, même si l’aide de la communauté internationales’accroît dans ce domaine comme il est proposé ci-dessus.

– l’ouverture aux capitaux de long terme (investissements directs, crédits bancaires et titres àlong terme) doit précéder l’ouverture aux capitaux de court terme. Les capitaux de long termesont plus stables et donnent plus de temps aux analystes de marché et aux agences de notationpour évaluer sereinement les entreprises et les États. En outre, les financements de marché(actions, obligations) permettent une évaluation continue des risques et des avertissements gra-duels en cas de dérive. Les investissements directs sont outre le vecteur de dif fusion desméthodes financières et comptables modernes qui sont essentielles à la stabilité financière. Il nes’agit pas d’imposer une « norme mondiale » en matière de financement de l’économie maisd’introduire progressivement un système d’incitations, complément indispensable des méca-nismes de marché. Certains peuvent craindre que des prises de participations étrangères dansdes entreprises locales ne mettent en jeu l’indépendance nationale. Ce souci est légitime mais leprocessus peut être graduel et connaître des exceptions spécifiques liées à des politiques sortantdu champ de l’économie (sécurité nationale, services publics, diversité linguistique et culturelle.).

– enfin, le cas échéant, des mesures complémentaires prudentielles ou fiscales destinées à frei-ner les afflux trop importants de capitaux à court terme peuvent être mises en place.Au total, il s’agit de mettre en œuvre une stratégie pragmatique d’ouverture. La France défenddepuis longtemps cette approche, et la crise amène beaucoup de pays à adopter une positionsimilaire. Cette stratégie doit logiquement faire l’objet d’une coopération internationale dès lorsque la façon dont un pays s’ouvre aux capitaux étrangers influe sur l’ensemble du système finan-cier mondial. Le FMI est quant à lui la seule institution capable au plan opérationnel de pilotercette stratégie. C’est pourquoi la France est favorable à une extension de ses compétences auxmouvements de capitaux, non pas pour aller vers une libéralisation immédiate et sans contrôle,mais bien pour mettre en œuvre cette approche ordonnée. Ce nouveau rôle viendrait compléteret équilibrer les règles internationales fondées sur une logique commerciale qui sont élaborées àl’OCDE et à l’OMC.

Page 75: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

66

La « taxe Tobin »

Dans le régime de taux de changes flottants qui prévaut depuis la fin 1971, des chan-gements mineurs de politique économique ou du sentiment des marchés peuvent provo-quer des fluctuations de grande ampleur des cours, compte tenu notamment du degréélevé de mobilité des capitaux en comparaison de la mobilité des biens et des services1.Cette volatilité est amplifiée par l’effet de levier que procurent les positions spéculatives surles marchés à terme, qui permettent des gains ou des pertes considérables pour une miseinitiale très faible. Elle est coûteuse pour les acteurs économiques qui n’ont pas tous accèsaux instruments de couverture contre le risque de change, et elle limite l’autonomie despolitiques économiques nationales.

La mobilité croissante des capitaux rend de plus en plus difficile la gestion de systèmesde changes fixes mais ajustables, et beaucoup considèrent qu’un système de changes fixesn’est aujourd’hui possible qu’à condition de lier totalement les mains des autorités moné-taires du pays, ce qui ce justifie dans le cas de certains petits pays (exemple du « currencyboard » 2 de Hongkong) ou lorsque l’hyperinflation a détruit la crédibilité de la banque cen-trale (cas de l’Argentine et de la Bulgarie), ou bien sous la forme d’une union monétaire éta-blie entre des pays ayant atteint un degré élevé de convergence, à l’exemple des payseuropéens qui adopteront l’euro le 1er janvier 1999. C’est pour conserver la flexibilité dusystème de changes flottants tout en augmentant quelque peu la marge de manœuvre despolitiques monétaires nationales que l’économiste américain James Tobin a proposé en1978 d’instaurer une taxe proportionnelle sur toutes les transactions qui dissuaderait par-ticulièrement les « aller et retour » spéculatifs dans une devise étrangère3.

Une taxe proportionnelle ou une obligation de dépôt non rémunéré sur les tran-sactions de change pénaliserait les opérations financières de court terme....

Une taxe de 0,25 % sur les transactions entraînerait une baisse de 5 points de base durendement annuel d’un placement à cinq ans mais un surcoût annualisé de 200 points debase pour un aller retour de trois mois dans une devise étrangère. Selon J. Tobin, cette taxeest assimilable du point de vue des spéculateurs à un resserrement de même ampleur dela politique monétaire, mais sans effet pénalisant sur les transactions financières liées auxéchanges commerciaux, ni sur l’économie locale. Comme le reconnaît J. Tobin, une taxesur les transactions serait immédiatement contournée si elle n’était pas mise en place demanière coordonnée sur toutes les places financières. Pour être efficace, elle devrait doncêtre universelle et administrée par une organisation internationale comme le FMI. Une tellemesure devrait donc résulter d’un consensus au niveau mondial.

... mais elle pourrait être contournée.

La dif ficulté que soulève l’idée de Tobin est qu’il est impossible de définir de« bonnes » et de « mauvaises » transactions financières. Même la spéculation peut être sta-bilisante, car il existe toujours sur le marché des opérateurs pariant sur le retour des coursà leur niveau normal. Par ailleurs, compte tenu de l’inventivité des opérateurs et des pos-sibilités de réplication d’opérations simples au moyen d’instruments plus complexes4, cesmesures doivent pour être efficaces couvrir une large gamme d’instruments. On risquealors de pénaliser des opérations qui ne sont pas spéculatives mais au contraire utiles auxacteurs de l’économie réelle : règlement d’opérations commerciales, couverture contre le

1 La formulation la plus célèbre de ce phénomène a été proposée par R. Dornbusch, « Expectations andexchange rate dynamics », Journal of Political Economy, 1976.2 Dispositif monétaire dans lequel la masse monétaire intérieure est totalement assise sur les réserves de changedu pays.3 J. Tobin, « A proposal for international monetary reform », Eastern Economic Journal, 1978.4 Ainsi une opération de court terme peut être réalisée en combinant deux opérations de long terme à desdates légèrement décalées.

Page 76: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

67

risque de change. En outre, les frictions supplémentaires introduites dans le marché ris-quent dans certains cas d’exacerber les imperfections qui favorisent les crises financières :manque de liquidités, mauvaise diffusion de l’information et absence d’ajustement des prixde marché. En revanche, une taxe à taux faible ne découragerait en rien la spéculationlorsque les opérateurs anticipent à brève échéance un décrochage de la monnaie.

On met souvent en avant la dimension redistributive de la taxe Tobin, dont l’assietteserait très large. Un calcul direct conduit en effet à des sommes considérables : selon cer-tains calculs, une taxe de 0,25 % appliquée aux transactions de change à un niveau mon-dial permettrait de lever plus de 300 milliards de dollars par an1. Mais il est clair que lerendement d’une taxe Tobin serait en réalité beaucoup plus faible, dans la mesure même oùelle découragerait la plus grande partie des mouvements de capitaux, à commencer parles transactions interbancaires qui représentent environ 90 % des transactions internatio-nales.

D’une manière générale, les contrôles sur les transactions de court terme allongentl’horizon des investisseurs et peuvent donc présenter dans certains cas une utilité à trèscourt terme pour éviter l’éclosion de bulles spéculatives liée à un afflux soudain de capitaux.Mais ce « sable jeté dans les rouages » des marchés financiers ne pourra jamais lutter contreune tendance de fond, en particulier en cas d’inadéquation des politiques économiquesnationales et des politiques de change.

En revanche, des mesures plus ciblées peuvent s’avérer utiles.

Des mesures plus ciblées visant à limiter les entrées voire les sorties de capitaux decourt terme peuvent également être mises en place de manière unilatérale par un pays,comme le montre le dispositif mis en œuvre par le gouvernement chilien. Tous les prêtsaccordés par des banques étrangères à des entreprises et des banques chiliennes donnentlieu à un dépôt non rémunéré à hauteur de 30 % du prêt, déposé pendant un an auprès dela banque centrale, ce qui présente à l’instar de la taxe Tobin un coût d’autant plus élevé quel’horizon de placement est bref. En outre, les émissions des banques et des entreprises chi-liennes sur les marchés internationaux ne sont autorisées qu’avec l’aval d’agences de nota-tion internationales. Ces mesures peuvent elles aussi être contournées si elles ne s’appli-quent pas de la même manière aux résidents et aux non-résidents2. En outre, il existe despériodes ou l’économie est en manque de capitaux de court terme et où ce dispositif estpénalisant, comme l’a montré en juin 1998 l’assouplissement par les autorités chiliennes del’obligation de dépôt, ramenée à 10 %. Toutefois, ce dispositif a sans doute contribué à lastabilité de l’économie chilienne en incitant les investisseurs étrangers à privilégier les pla-cements de long terme, même si la bonne gestion macro-économique du Chili a proba-blement joué un rôle prédominant.

1 Calcul proposé par D. Felix et R. Sau in The Tobin Tax, coping with financial volatility, Oxford University Press,1996.2 Comme le montre l’exemple de l’obligation de dépôt sans intérêt instaurée par la Banque d’Espagne enoctobre 1992 sur les ventes de pesetas aux non-résidents et sur les achats de pesetas sur le marché à terme,qui visait à décourager les swaps spéculatifs par les non-résidents. Cette mesure fut contournée par le biais desfiliales étrangères des banques espagnoles.

Page 77: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

68

3.3 Comment adapter la coopération monétaire et financièreà l’émergence de nouveaux pays ?

L’ancrage monétaire des devises asiatiques au dollar des États-Unis n’a pas seulementcontribué à déclencher la crise. Il a aussi constitué un substitut à la coopération monétaire régio-nale, et plus généralement à la coopération économique, alors même que les interdépendancesrégionales se renforçaient avec le développement des échanges et des investissements (les rela-tions politiques peuvent également constituer un frein au développement d’une telle coopération,qui ne peut être que progressive, et il est probable d’ailleurs que la crise elle-même favorisera uneaccélération de la coopération en Asie du sud-est). Une fois l’ancrage au dollar mis à mal par lacrise, le manque de coopération monétaire régionale a révélé ses inconvénients. Les accordsentre banques centrales ne prévoyaient pas d’interventions pour soutenir les monnaies faisantl’objet d’attaques spéculatives, et les pays voisins de la Thaïlande, d’où la crise a émergé, ne dis-posaient pas non plus de mécanismes suffisants pour contribuer à un ajustement rapide de lapolitique du Gouvernement thaïlandais grâce à la « pression par les pairs » et pour éviter les com-portements de dévaluations compétitives qui favorisent l’enclenchement de cercles vicieux. Enfin,le commerce régional, fondé sur des transactions en dollars plutôt qu’en monnaies locales, s’esteffondré du fait de la raréfaction des capitaux en dollars, aggravant ainsi la crise.

L’Union européenne a ici un rôle particulier à jouer. En apportant une nouvelle référencemonétaire mondiale, l’euro, elle va ouvrir de nouvelles possibilités pour la politique de changedes pays en développement, qui pourront mettre la gestion de leur monnaie en accord avec lastructure de leurs échanges économiques. Elle offre également un exemple par son expériencede la coopération économique et monétaire dans un espace marqué par de fortes interdépen-dances économiques. Cet exemple n’est évidemment pas transposable à court terme à d’autresrégions, mais il illustre l’utilité d’une coordination macro-économique et monétaire entre despays fortement interdépendants.

Mais la crise asiatique n’est pas seulement une crise régionale : c’est un événement de por-tée mondiale. Elle a des répercussions sur les pays producteurs de matières premières, dont lescours chutent, sur d’autres marchés émergents dans la mesure où les investisseurs revoientl’appréciation du risques qu’ils encourent, et aussi sur les pays industrialisés – qui bénéficientpour la plupart de la baisse des cours des matières premières ainsi que du repli des investisseursvers leurs titres d’État (« fuite vers la qualité »), mais subissent la concurrence accrue des écono-mies asiatiques et de la demande qui leur est adressée. Le « coût » pour l’activité française de lacrise dans les pays émergents d’Asie devrait être de l’ordre de 0,8 point en 1999 (cf. l’évaluationde l’impact de la crise), compensé il est vrai par ailleurs par le dynamisme de la demande inté-rieure. La crise asiatique illustre donc la nécessité de renforcer et de compléter la coopérationéconomique mondiale au niveau politique. Elle est aujourd’hui fondée sur le G7 d’une part, surle FMI d’autre part. Le G7 garde toute son importance, car il regroupe les autorités des paysémettant les trois monnaies dominantes du système monétaire mondial : le dollar, le yen et lesmonnaies européennes remplacées à partir du 1er janvier 1999 par l’euro. Mais les pays émer-gents ont montré de façon spectaculaire le poids qu’ils représentent aujourd’hui sur le marchémondial. De plus, l’accroissement des mouvements de capitaux internationaux met en jeu desinterdépendances financières plus profondes que celles liées au développement des transactionscourantes. Devient donc une nécessité l’établissement de « normes » mondiales dans de nom-breux domaines structurels tels ceux évoqués ci-dessus et qui tiennent compte de l’opinion et descaractéristiques des pays en développement. De même est il nécessaire de renforcer la légiti-mité politique des Institutions financières internationales au sein desquelles tous les pays doi-vent pouvoir apporter leur contribution. Les pays en développement réformeront d’autant mieuxleurs économies en fonction des impératifs du marché financier « mondial » qu’ils seront asso-ciés à sa gestion. La France a ainsi proposé de réformer l’instance politique du FMI, à savoir leComité Intérimaire, dans le sens d’un profond renforcement, y compris en donnant un pouvoirexécutif direct à cette instance ministérielle. Parallèlement, il apparaît souhaitable d’associer plus

Page 78: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

69

étroitement les principaux pays émergents à la coopération du G7 dans les domaines qui lesconcernent directement. À la suite de la crise asiatique, les États-Unis ont pris l’initiative de lacréation temporaire d’un groupe composé des pays du G7, des pays asiatiques et de quelquespays en développement des autres régions du monde – parfois appelé le G22 -, afin de réfléchiren commun aux causes de la crise. Une organisation plus durable de la coopération mondialedans laquelle le G7 constituerait le pivot doit être envisagée.

3.4 Avec quels moyens la communauté internationale peut-elle faire face aux crises ?

Le cas de la Corée du Sud montre l’ampleur que peuvent prendre les retraits de capitauxau cours d’une crise. Compte tenu des effets de contagion, les ressources actuelles des Institutionsfinancières internationales peuvent rapidement s’avérer insuffisantes. La crise asiatique et les dif-ficultés de la Russie ont ainsi fait baisser les ressources disponibles du FMI à un niveau inférieur à20 Mds de dollars, alors que la crise menace de s’étendre à l’Amérique latine. Il est donc impor-tant d’augmenter les ressources de cette institution. Le principe d’une augmentation de 45 %des quotes-parts du FMI a pu être convenu l’année dernière lors des Assemblées des Institutionsde Bretton Woods, grâce à la forte insistance des pays européens. La situation actuelle rendd’autant plus importante sa mise en œuvre rapide.

Mais il n’est pas envisageable que les autorités publiques nationales et internationales puis-sent mettre en œuvre les moyens financiers nécessaires pour pallier toutes formes de sorties decapitaux dans un pays en crise : les masses potentielles sont trop importantes. Plus fondamenta-lement, cela ne serait pas souhaitable, puisque cela consisterait à assurer les risques pris parl’ensemble des investisseurs internationaux et à dédommager le fruit de leurs erreurs. Au-delà del’aspect purement moral de cette question, il est probable qu’un tel dispositif aggraverait les dys-fonctionnements du marché financier « mondial », en déresponsabilisant les investisseurs, autre-ment dit, ce que les économistes appellent l’aléa moral. Déjà certains avancent que le renfloue-ment indirect des institutions ayant investi au Mexique lors du règlement de la crise qu’a connuece pays en 1995 serait la principale explication de la crise asiatique. Certains en tirent la conclu-sion qu’il convient de supprimer des institutions comme le FMI. Cette vision est caricaturale. Maisla critique des effets pervers d’un renflouement systématique des pays en crise n’est pas dénuéede tout fondement.

Au total, il apparaît donc nécessaire d’associer les investisseurs privés à la résolution descrises d’ampleur, d’une part parce que les autorités publiques n’ont plus la capacité de l’assumerseules, et d’autre part pour éviter les phénomènes pervers liés à la déresponsabilisation des inves-tisseurs privés. Le traitement de la Corée a fourni un exemple de ce qu’il est possible de mettresur pied de façon plus organisée. De même, le Club de Londres a été créé pour compléter l’effortde restructuration des dettes souveraines des États créanciers – notamment lors de la crise de ladette de l’Amérique Latine dans les années 1980. Mais les crises financières peuvent aujourd’huise révéler beaucoup plus complexes, par leur rapidité d’une part et parce qu’elles mettent en jeuune multiplicité de créanciers et de débiteurs privés. De nouveaux mécanismes permanents doi-vent donc être mis sur pied, dans le but d’éviter les sorties massives de capitaux privés. Certainsdes partenaires de la France suggèrent de s’en remettre à des solutions unilatérales, comme unmoratoire sur la dette qui serait prononcé par le Gouvernement du pays concerné. Mais une tellesolution présente de grands risques de contagion, des risques juridiques, et surtout peut ôterpour plusieurs années la capacité du pays à revenir sur les marchés financiers internationaux. Dessolutions coopératives fondées sur la négociation paraissent plus souhaitables préférables, saufdans les cas extrêmes comme celui de l’Indonésie compte tenu de la crise politique que traversele pays. La France propose de mettre en place un mécanisme permanent de coopération entre leFMI, les représentants des institutions financières des principales places mondiales et leurs auto-

Page 79: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

70

rités, afin de faciliter la mise en place d’un règlement ordonné et coopératif des crises entre toutesles parties concernées. Un tel mécanisme viendrait ainsi compléter les outils à la disposition dela communauté internationale pour gérer les crises en prenant acte de la prédominance des mou-vements de capitaux privés.

Enfin, la crise a aussi montré qu’un dispositif social minimal est nécessaire, tant du point devue humain, politique et économique pour pouvoir gérer au mieux l’ajustement des économiesaux inévitables retournements de conjoncture et plus encore aux crises. La France et l’Europeinsistent particulièrement sur ce point. Il a ainsi été décidé que le fonds de l’ASEM évoqué ci-des-sus serait également consacré à financer de l’assistance technique dans le domaine des systèmessociaux.

*

* *

L’ouverture aux mouvements de capitaux apporte indéniablement des bénéfices à l’éco-nomie mondiale, et constitue un enjeu déterminant pour le développement. La crise asiatique acependant montré que la mondialisation des marchés financiers et l’intégration des pays en déve-loppement pouvaient aussi présenter des risques. Le système actuel, dont l’institution centrale estle FMI, a permis de limiter l’impact de la crise. Mais il faut réformer l’architecture du systèmemonétaire et financier international à partir de cet acquis, dans le but de mieux prendre en comptele phénomène de la mondialisation financière. Il s’agit de parer dans la mesure du possible à sesrisques et offrir ainsi les conditions les plus favorables au développement.

Ce diagnostic fait l’objet d’un large consensus international. La France a une contributiondécisive à apporter en orientant cette réforme dans le sens d’une meilleure régulation de l’éco-nomie mondiale et d’un approfondissement de la coopération internationale. Il s’agit en préa-lable d’aider les pays en développement à mettre en place les infrastructures financières etsociales nécessaires pour bénéficier sans heurts du marché financier mondial. Un effort très impor-tant doit notamment être mené pour instaurer un contrôle efficace des banques. Il faut ensuitemettre en place une stratégie d’ouverture maîtrisée, c’est– à-dire progressive, et qui inclue lecas échéant des mesures ciblées destinées à limiter les effets pervers de la volatilité inhérentedes capitaux. Le fonctionnement du marché financier lui-même doit être amélioré, en instaurantune plus grande transparence des entreprises, des politiques économiques et en responsabili-sant les investisseurs financiers. Le FMI doit pouvoir y contribuer également en étendant sa sur-veillance et en étant lui-même plus transparent. La France propose de mettre en place une véri-table coopération entre la communauté internationale et les créanciers privés pour répondre auxcrises liées aux fuites de capitaux tout en contribuant, là encore, à la responsabilisation des inves-tisseurs.

Enfin, une architecture remodelée du système monétaire et financier international demandel’implication de tous les pays dans sa gestion. C’est pourquoi la France souhaite le renforcementdu Comité Intérimaire du FMI, l’instance politique de l’institution, et l’élargissement géographiquede la coopération monétaire autour du G7. L’Europe, avec son expérience de la coopération éco-nomique et sa culture de la régulation économique tournée vers la stabilité, doit prendre touteses responsabilités au niveau mondial. La France œuvrera pour que l’Union européenne s’orga-nise dans ce but.

Page 80: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

71

FACE À L'INSTABILITÉ FINANCIÈRE INTERNATIONALE :DOUZE PROPOSITIONS POUR UNE INITIATIVE EUROPÉENNE 1

La France propose d’adopter deux séries de mesures :

– à court terme, l’Europe doit contribuer à stabiliser la situation économique et moné-taire internationale pour soutenir la croissance mondiale ;

– l’Europe doit également activement contribuer à bâtir les fondations d'un nouveauSystème monétaire et financier international, un "nouveau Bretton-Woods", plus légitime etplus efficace.

I. Contribution européenne au soutien de la croissance mondiale

1) Coordination étroite des politiques économiques en Europe, notamment dansle cadre de l'euro-11, afin de soutenir notre croissance.

2) Coordination étroite de l'Europe avec les États-Unis – politique économique - etintervention politique envers le Japon - réformes structurelles – pour préserver la crois-sance et la stabilité monétaire internationale.

3) Démarche européenne auprès des autorités américaines pour obtenir la rati-fication rapide de l'augmentation des quotes-parts du FMI. Disponibilité de l'Europe àfournir en outre, dans un cadre multilatéral, des ressources financières exceptionnelles defaçon à garantir la capacité d’action du FMI.

4) Élargissement de la zone de stabilité monétaire de l'euro :

– d'une part, aux autres pays de l'Union (entrée dans le SME bis dès que les paysconcernés l'estimeront possible) ;

– d'autre part, par un dialogue avec les pays candidats à l’adhésion pour lesquelsl'euro pourra devenir une référence utile, en fonction de leurs progrès sur la voie de laconvergence.

5) Encouragement, via le FMI et une aide européenne plus efficace (ciblage de TACIS),à la mise en œuvre vigoureuse des réformes identifiées en Russie.

Améliorer l'efficacité de l'aide européenne (TACIS), par un meilleur ciblage.

II. Construction d'un nouveau Bretton-Woods

6) Mise en place d'un véritable gouvernement politique du FMI, approuvant parvote les orientations stratégiques.

Le Comité Intérimaire actuel sera transformé à cette fin en Conseil, comme le pré-voient les statuts du FMI, afin de devenir un organe de décision authentique, dont la fré-quence de réunions devra être accrue.

Les Ministres doivent également se saisir des débats portant sur les conséquencessociales des plans d'ajustement. La Banque mondiale a en la matière un rôle essentiel àjouer.

7) Développement du dialogue entre pays industrialisés et pays émergents.

Le Conseil du FMI proposé ci-dessus, regroupant 24 ministres, fournira le cadreapproprié puisque représentant l'ensemble des États organisés en circonscriptions.

1 Résumé du memorandum adressé par la France à ses partenaires européens en septembre 1998.

Page 81: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

72

8) Solidité et transparence du système financier international.

Il faut à ce titre :

– améliorer la surveillance prudentielle des Institutions financières, qu’elles soientou non des banques, et sur l’ensemble des places financières ;

– accroître la collecte et la diffusion d'informations. Le FMI devrait travailler àl'adoption d'une Charte sur la fourniture d'informations par les Institutions privées ;

– faire respecter les règles internationales par les centres off-shore.

9) Ouverture des marchés de capitaux des pays émergents plus progressive etordonnée.

Sans remettre en cause la liberté des mouvements de capitaux dans son principe,une meilleure progressivité s'impose pour tenir compte du niveau des infrastructures finan-cières de chaque pays, et de la nature des afflux de capitaux.

En cas d'instabilité avérée, liée notamment à des mouvements de capitaux à courtterme déstabilisateurs, un pays qui avait précédemment libéralisé ses mouvements de capi-taux doit pouvoir avoir recours à une « clause de sauvegarde financière », en liaison avecle FMI.

10) Maintien d'un flux de capitaux publics.

Le Club de Paris doit travailler à adapter son action à la situation particulière dechaque pays émergent, et renforcer son rôle de coordination.

Les pays les plus riches doivent absolument maintenir un flux élevé d’aide publiqueau développement, pour limiter l’impact de la volatilité des capitaux privés sur les pays endéveloppement.

11) Association du secteur privé à la résolution des crises, aux côtés du FMI et duClub de Paris, dans le cadre de solutions d'ensemble négociées.

Des mécanismes de concertation régionaux devraient être créés.

12) Rôle de l'Europe dans la coopération monétaire internationale.

Avec le passage à l'euro, la responsabilité européenne sur la scène internationale setrouve accrue. L'euro doit servir de point d'appui pour promouvoir la stabilité monétaireinternationale, par la coordination des politiques macro-économiques et de changes.

Cela signifie également que les pays européens doivent s’organiser rapidement pourdéfinir la méthode qui nous permettra d'arrêter nos positions et de les exprimer sur la scèneinternationale. En ce qui concerne la définition des positions, sur tous les sujets rela-tifs à l'euro, elles doivent désormais être décidées dans le cadre de l'euro-11.

Les propositions ci-dessus pourront servir de base aux positions européennes quiseront exprimées lors des réunions se tenant au moment des prochaines Assembléesannuelles du FMI et de la Banque mondiale.

Page 82: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

73

COMPTES PRÉVISIONNELS DE LA NATION POUR 1998 ET PRINCIPALES

HYPOTHÈSES ÉCONOMIQUES POUR 1999

Page 83: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses
Page 84: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

75

Perspectives internationalesL’environnement international de la France devrait être marqué par un très fort contraste

entre d’une part l’Asie et d’autres zones émergentes, où la crise économique se révèle plus pro-fonde que prévu il y a seulement quelques mois, et l’Europe continentale, qui bénéficie toujoursd’une croissance soutenue.

En Asie, l’activité devrait reculer de plus de 5 % en moyenne en 1998 dans les pays del’ASEAN1 et les NEI2 et ne redémarrerait que très progressivement au cours de l’année 1999.L’économie japonaise, déjà affectée au début de 1997 par un resserrement marqué de la politiquebudgétaire, a été durement touchée par l’effondrement des économies du Sud-Est asiatique qui aentraîné une chute des exportations et une aggravation des difficultés rencontrées par le secteurbancaire. Le Japon devrait connaître de ce fait une forte récession (près de 2 %) en 1998 et nerenouerait avec la croissance qu’en 1999, dans l’hypothèse où les mesures annoncées (relancebudgétaire, réforme du secteur bancaire) sont effectivement mises en œuvre et produisent leurseffets. La reprise n’aurait en tout état de cause qu’une ampleur très modérée (de l’ordre de 1 %).

Au Royaume-Uni et aux États-Unis, les tensions, qui s’intensifient progressivement sur lemarché du travail, devraient déboucher assez rapidement sur un ralentissement de l’activité. Ceralentissement est déjà engagé au Royaume-Uni où les conditions monétaires ont été fortementdurcies au cours des deux dernières années. L’activité, qui avait encore progressé de 3,4 % en1997, ne croîtrait donc plus que de 2,3 % en 1998, et de 1,6 % en 1999. Aux Etats-Unis enrevanche, le ralentissement ne se manifesterait vraiment qu’en 1999 (+ 1,9 %), la croissance res-tant encore supérieure à 3 % en moyenne annuelle en 1998.

Dans la zone euro, l’activité, qui a nettement accéléré au cours de l’année 1997, devraitrester soutenue en 1998 et 1999 grâce à la bonne tenue de la demande intérieure qui viendraitcontrebalancer un net ralentissement des exportations. La consommation bénéficie de l’amélio-ration du marché du travail et de l’orientation moins restrictive des finances publiques, alors quel’investissement des entreprises est stimulé par le bas niveau des taux d’intérêt et la hausse dutaux d’utilisation des capacités de production. Dans un tel contexte, la croissance de l’activité sestabiliserait à un rythme un peu inférieur à 3 % tant en 1998 qu’en 1999.

Au total, et malgré la reprise en Europe continentale, la demande mondiale de produitsmanufacturés adressée à la France ralentirait de quatre points entre 1997 et 1999, passant d’unrythme de croissance de 9,4 % en 1997 à 7,3 % en 1998, puis 5,4 % en 1999.

L’inflation devait rester très faible dans les pays industrialisés en 1998 et 1999, à l’excep-tion du Royaume-Uni et, dans une moindre mesure, des États-Unis. La baisse, à l’oeuvre depuisun an, du prix des matières premières devrait peser sur des prix de consommation en 1998. Leurrebond attendu en 1999 pourrait à l’inverse conduire à une accélération, très limitée, des prix deconsommation.

L’aléa principal associé à cette projection est lié aux conséquences des turbulences finan-cières qui touchent les pays émergents : ces chocs font peser le risque d’un fléchissement sup-plémentaire de la croissance mondiale. Au-delà de son effet direct sur nos exportations, un appro-fondissement de la crise asiatique compromettrait fortement le redémarrage de l’économiejaponaise et entraînerait l’extension de la crise à de nombreux autres pays émergents. Les pertespatrimoniales enregistrées sur les marchés boursiers pourraient affecter la consommation desménages, notamment aux Etats-Unis où l’effet « richesse » est réputé important. Dans ce contextecependant, pour ce qui concerne l’Europe et les États-Unis, la capacité de réaction des autoritésmonétaires à un tel scénario ne peut être ignorée. La lecture des anticipations des marchés révèleque ces derniers tablent désormais, pour 1999, sur des taux d’intérêt à court terme nettementplus bas que ceux prévus au début de l’été, tant aux États-Unis que dans la zone euro.

1 Thaïlande, Malaisie, Indonésie et Philippines.2 Hong Kong, Singapour, Taiwan et Corée du Sud.

Page 85: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

76

A l’inverse, l’hypothèse d’une reprise plus forte de la demande intérieure en Europe nedoit pas être écartée : l’amélioration de la confiance des ménages pourrait entraîner une décrueplus marquée de l’épargne de précaution accumulée ces dernières années, tandis que les ten-sions naissantes sur l’appareil de production pourraient justifier un rebond plus marqué encore del’investissement des entreprises.

Croissance du PIB de l’OCDE : deux points de vue

Source : Direction de la Prévision

Croissance en volume du PIB par grandes zones(en moyenne annuelle, en %)

– 4

– 2

0

2

4

6

8

7

5

3

1

– 1

– 3

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Union européenne États-Unis Japon

– 1,0

0,0

1,0

0,5

– 0,5

2,0

1,5

3,0

2,5

4,0

3,5

5,0

4,5

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

OCDE vu de la France (*) OCDE

Page 86: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

77

1. Une croissance soutenue dans l’UEM, malgré le ralentissementinternationalLes décalages de conjoncture entre les principales régions du monde, déjà sensibles en

1998, devraient s’accentuer l’an prochain. Dans la zone euro (l’UEM), encore en phase ascen-dante du cycle économique, la croissance devrait rester soutenue. A l’inverse, l’activité devraitamorcer un net ralentissement dans les économies anglo-saxonnes, où le cycle est plus avancéet où les conditions monétaires se sont beaucoup resserrées. En Asie, l’atténuation attendue dela crise de liquidité et la relance budgétaire japonaise permettraient à la zone de sortir progres-sivement de la récession mais la croissance demeurerait très modeste. Dans le reste du monde,l’activité, qui s’était ralentie en 1998, en raison notamment de la baisse des prix des matièrespremières, devrait s’accélérer en 1999.

Au total, la croissance mondiale, qui s’établirait à 2,1 % en 1998 et 2,5 % en 1999, res-terait très inférieure à sa moyenne de long terme (un peu moins de 4 %).

Croissance du PIB par zones

1.1 Les économies asiatiques devraient renouer très progressivementavec la croissance

La crise financière et bancaire, déclenchée en 1997, dans les pays émergents d’Asie duSud-Est conduira à une contraction marquée du PIB. On peut aujourd’hui l’évaluer à plus de 5 %en moyenne, dans les pays de l’ASEAN et les NEI, en 1998. Depuis le début de l’année, la mon-tée du chômage et l’effondrement du crédit ont provoqué un affaissement de la consommationet de l’investissement productif. Ce repli de la demande intérieure en Asie émergente se traduitpar un recul de la demande adressée par ces pays au reste du monde, qui pèse de manièresensible sur les exportations des pays industrialisés en 1998.

Au Japon, le recul de la demande intérieure provoqué par le resserrement budgétaire duprintemps 1997, la persistance des problèmes bancaires et la crise en Asie émergente ontentraîné le pays dans la récession - le PIB devrait reculer de 2 % en 1998 - et aggravé la fragilitédu système financier. La confiance et la consommation des ménages, qui sont déprimées parl’augmentation du chômage et la stagnation, voire la baisse des revenus salariaux, ne se redres-seraient que très lentement. L’investissement productif souffre du rationnement du crédit. Labaisse du yen (-20 % depuis un an face au dollar) améliore certes la compétitivité de l’industriejaponaise, mais aggrave les difficultés des économies d’Asie en crise. Dès lors, la reprise semblelargement dépendante de l’efficacité de la relance budgétaire et de la réforme du secteur bancaireannoncées par le gouvernement. Mises en œuvre rapidement, ces mesures devraient permettreau Japon de renouer avec une croissance encore modeste (1 %) en 1999.

L’activité des pays émergents d’Asie devrait également se redresser très lentement en1999, à la faveur de la reprise de l’économie nippone et de l’atténuation progressive du ration-nement du crédit, consécutif à l’assainissement en cours du système financier. Dans ces condi-

1996 1997 1998 1999

Monde 3,9 3,8 2,1 2,5

dont : OCDE à 18 2,8 2,9 2,3 2,1

dont : pays émergents 5,7 5,4 1,7 3,3

Est européen (y compris Russie) -1,1 1,4 -0,3 1,7

Principaux pays d’Asie 8,3 6,8 1,4 3,2

Principaux pays d’Amérique latine 3,7 5,4 2,9 4,0

Page 87: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

78

tions, la reprise des exportations, tant à l’intérieur de la zone qu’à destination du reste du monde,vis-à-vis duquel les pays émergents d’Asie en crise bénéficient d’amples gains de compétitivité,permettrait un redressement progressif de l’activité.

1.2 Un ralentissement des économies anglo-saxonnes

La croissance des économies anglo-saxonnes devrait décroître nettement avec la modé-ration attendue de la demande intérieure, alors que la contribution de l’extérieur, fortementnégative dès le début de l’année en raison du recul des exportations vers l’Asie et des pertes decompétitivité résultant de l’appréciation du dollar et de la Livre, se stabiliserait.

Aux États-Unis, plusieurs facteurs devraient contribuer à freiner la demande intérieure.D’une part, la reconstitution de l’épargne des ménages, tombée à un très bas niveau au coursdes derniers trimestres, devrait peser sur le dynamisme de la consommation privée. D’autre part,le ralentissement de la demande adressée aux entreprises, notamment dans l’industrie, la contrac-tion de leurs profits sous l’effet de l’accélération des coûts salariaux observée au cours des der-niers trimestres, ainsi que la modération des tensions sur les capacités de production devraientcommencer de peser sur l’investissement productif et les créations d’emplois. Ainsi, le PIB pour-rait progresser de moins de 2 % en 1999, après 3,4 % cette année.

Au Royaume-Uni, la croissance s’affaiblirait progressivement en 1998 et 1999. Elle revien-drait à son niveau potentiel en 1998 (2,3 %) et ralentirait encore en 1999 (+ 1,6 %). La forte crois-sance qu’a connue l’économie britannique entre 1994 et 1997 a en effet entraîné l’apparition detensions inflationnistes, à la fois sur le marché des biens et sur le marché du travail. Ces tensionsont suscité un durcissement marqué des conditions monétaires : les taux d’intérêts de court termebritanniques sont ainsi passés de 6 % en mai 1997 à 7,5 % en juin 1998. Ce durcissement ad’abord freiné l’activité dans les secteurs exportateurs, par le biais d’une appréciation de la Livre.La consommation et l’investissement avaient jusqu’à présent fait preuve d’une grande résistance,grâce à la progression soutenue de la masse salariale et à l’augmentation de l’utilisation des capa-cités de production. Ils commenceraient à leur tour à ralentir. Ce n’est que dans le courant del’année prochaine que ce ralentissement de la demande, puis l’apaisement des tensions sur lemarché du travail, permettraient un reflux significatif de l’inflation et un assouplissement pro-gressif des conditions monétaires.

1.3 L’activité des pays de la zone euro resterait dynamique

Dans les pays de la zone euro, la croissance atteindrait 2,9 % en 1998 après 2,5 % en1997. La contribution des échanges extérieurs qui avait fortement stimulé l’activité en 1997, ces-serait de soutenir la croissance en 1998. En revanche, la progression de la demande intérieure res-terait soutenue. Dans ces conditions, la croissance se maintiendrait à un rythme un peu inférieurà 3 % en 1999.

La consommation privée, bien orientée en moyenne dans l’ensemble de la zone, devraitcontinuer de se raffermir, grâce à l’évolution plus dynamique du pouvoir d’achat du revenu dis-ponible (+ 2,6 % en 1998 et + 2,9 % en 1999, après + 1,2 % en 1997 et + 0,8 % en 1996) : lacroissance des revenus d’activité s’élève, grâce à l’accélération des créations d’emplois et dessalaires réels, tandis que les finances publiques deviennent moins restrictives. Dans un contextede regain de confiance des ménages, la consommation devrait également continuer de bénéficierdu recul du chômage et du niveau peu élevé des taux d’intérêt qui favorise le recours au crédit.

Page 88: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

79

Le maintien de tensions sur les capacités de production, conjugué à la baisse des taux longset à l’amélioration des perspectives de croissance, devrait inciter les entreprises à accélérer ànouveau leurs investissements productifs. En revanche, en raison de la baisse des prix indus-triels, la contribution des stocks à la croissance s’annulerait dès 1998, après avoir été forte(+ 0,5 point) en 1997.

Bien que partiellement compensée par le dynamisme des échanges intra-zone, la combi-naison du recul de la demande des pays asiatiques, du ralentissement des économies anglo-saxonnes et des pertes de compétitivité après la dépréciation des monnaies asiatiques pèseraitde près de 2 points sur la croissance des exportations. A l’inverse, la croissance des importationsresterait forte en liaison avec le dynamisme de la demande intérieure. Au total, le ralentissementdes exportations se traduirait par une nette réduction de la contribution de l’extérieur à la crois-sance, qui deviendrait légèrement négative en 1999.

1.4 Dans les pays émergents hors Asie, une reprise de la croissanceen 1999

Dans les principaux pays d’Amérique latine, la chute du prix des matières premières etl’accroissement du coût des biens importés ainsi que le resserrement des politiques économiques,particulièrement important au Brésil, entraîneront un net ralentissement de la croissance en 1998.Ces effets pourraient s’estomper en 1999, et la croissance revenir à un niveau proche de 4 %.L’activité en Europe centrale et orientale, y compris Russie, devrait reculer en 1998, le soldecourant continuant de se dégrader. La croissance pourrait repartir en 1999, sous réserve que lacrise en Russie ne se propage pas. Enfin, la remontée attendue du prix du pétrole en 1999 devraitpermettre de rétablir la croissance dans les pays de l’OPEP.

Croissance du PIB des principales économies

Source : Comptes Nationaux, OCDE, Direction de la Prévision

1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Allemagne -1,2 2,7 1,8 1,4 2,2 2,6 2,7

Royaume-Uni 2,1 4,3 2,7 2,2 3,4 2,3 1,6

Italie -1,2 2,2 2,9 0,7 1,5 1,8 2,4

Belgique -1,5 2,4 2,1 1,5 2,9 2,9 2,8

Pays-Bas 0,8 3,2 2,3 3,3 3,4 3,6 3,1

Espagne -1,2 2,1 2,9 2,3 3,4 3,9 3,6

UEM hors France -0,9 2,6 2,4 1,6 2,5 2,8 2,9France -1,3 2,6 2,0 1,3 2,2 3,1 2,7

UEM -1,0 2,7 2,4 1,6 2,5 2,9 2,8UE à 15 -0,5 2,9 2,4 1,7 2,6 2,8 2,6Etats-Unis 2,3 3,5 2,3 3,4 3,9 3,4 1,9

Canada 2,5 3,9 2,2 1,2 3,7 3,4 3,0

Japon 0,3 0,7 1,4 4,1 0,8 -2,0 1,0

OCDE 0,9 2,8 2,2 2,8 2,9 2,3 2,1

Page 89: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

80

La crise financière en Russie

Depuis 1995, la politique économique russe reposait sur un contrôle strict de la massemonétaire et sur la stabilité du change. Cette politique a permis une rapide désinflation, auprix de l’extension du troc. Dans le même temps, les finances publiques étaient confrontéesà une incapacité structurelle à collecter des recettes fiscales suffisantes pour financer lesdépenses. Il s’en est suivi une nouvelle augmentation des arriérés de salaire et un endet-tement public croissant. Les difficultés budgétaires ont été renforcées par la baisse du coursdes matières premières, notamment du pétrole, qui a aussi réduit les ressources en devises.

Dans le contexte de « fuite vers la qualité » qui a résulté de la crise asiatique, les inves-tisseurs internationaux ne pouvaient que s’inquiéter de l’état des finances publiques russeset s’interroger sur la capacité de l’État russe à rembourser sa dette. Des retraits de capi-taux ont ainsi eu lieu à plusieurs reprises. Ils ont exercé une pression à la dévaluation queles autorités russes ont combattue en augmentant, à chaque turbulence, les taux d’intérêt(cf. graphique 2) et en intervenant sur le marché des changes. Cette politique a permis,jusqu’en août, de défendre la parité du rouble. Mais les réserves de change ont été ampu-tées tandis que les hausses de taux ont accru le coût de l’endettement public et le poids duservice de la dette : celui-ci atteignait alors environ un tiers des dépenses budgétaires.

Afin de faire face à ces difficultés financières, les autorités russes ont conclu, en juillet,un accord avec le FMI portant sur un prêt de 22,6 milliards de dollars sur 1998-1999. Dansle même temps, le gouvernement a présenté un plan « anti-crise » visant, notamment, àassainir les finances publiques. Le refus de la chambre basse d’adopter ce plan dans sonintégralité a amplifié les difficultés financières de la Russie et conduit le gouvernement àannoncer, le 17 août, 1. une dévaluation du rouble, 2. un moratoire de 90 jours sur unepartie de la dette extérieure russe et 3. une conversion forcée de la dette domestiqued’État.

L’impact de ces mesures sur l’économie russe reste aujourd’hui difficile à évalueravec précision. Toutefois, il paraît acquis que l’activité économique, qui avait déjà été affec-tée par les turbulences du début d’année (cf. graphique 1), va s’effondrer cette année. Et,d’ores et déjà, la Russie connaît une flambée des prix (les prix à la consommation ont aug-menté de 15 % en un mois en août (cf. graphique 3), et de plus de 35 % en une semainedébut septembre). Enfin, la dévaluation du rouble met en difficulté le système bancairerusse, qui s’était fortement endetté en dollars, notamment pour financer l’achat de bonsdu Trésor russe (les GKO).

Les conséquences sur la croissance dans le reste du monde de l’effondrement del’activité en Russie devraient rester limitées (hormis pour les États baltes et l’Ukraine)compte tenu du poids de la Russie dans les exportations des pays européens (cf. tableau).Toutefois, plusieurs pays européens en transition ont vu leur monnaie attaquée et revoientà la baisse leurs prévisions de croissance.

L’impact financier devrait être, en revanche, un peu plus important, du fait des pertesqu’entraîneront la conversion de la dette et le moratoire. Ce risque concerne essentielle-ment certaines banques baltes mais aussi les banques occidentales au premier rang des-quelles se trouvent les banques allemandes. Les engagements de celles-ci vis-à-vis de laRussie s’élevaient, à la fin de 1997, selon la BRI, à plus de 30 milliards de dollars. Les enga-gements des banques françaises s’élèveraient, à la même date, à environ 7 milliards dedollars. Le risque pour les banques lié à ces engagements doit néanmoins être relativisé :le crédit bancaire mesuré par ces chif fres est pour partie couvert par des garantiespubliques, et les encours de GKO détenus par les banques allemandes sont relativementfaibles.

Page 90: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

81

Graphique 1 : Croissance mensuelle du PIB (en glissement annuel)

Source : Office National des Statistiques

1,2 %1,3 %

0,0 % 0,1 % 0,2 %

-1,2 %

-1,6 %

-4,5 %– 5,0 %

– 4,0 %

– 3,0 %

– 2,0 %

– 1,0 %

0,0 %

1,0 %

2,0 %

déc-97 janv-98 févr-98 mars-98 avr-98 mai-98 juin-98 juil-98

La crise financière en Russie (suite)

Part de la Russie dans les exportations de divers pays

1997

France 0,8 %

Allemagne 1,8 %

Italie 1,5 %

Japon 0,2 %

États-Unis 0,5 %

Pologne 5,4 %

Hongrie 4,1 %

République tchèque 2,7 %

Pays baltes 13,8 %

Ukraine 26,4 %

Page 91: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

82

La crise financière en Russie (fin)

Graphique 2 : Taux de refinancement

Graphique 3 : Prix à la consommation

Source : FMI, Office National des Statistiques

0,0 %

10,0 %

20,0 %

30,0 %

40,0 %

50,0 %

juil-96

oct-96

janv-97

avr-97

juil-97

oct-97

janv-98

avr-98

juil-98

% variation sur un an % variation sur un mois

0

50

100

150

200

250ja

nv-9

1

juil-

91

janv

-92

juil-

92

janv

-93

juil-

93

janv

-94

juil-

94

janv

-95

juil-

95

janv

-96

juil-

96

janv

-97

juil-

97

janv

-98

juil-

98

Page 92: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

83

2. Inflation faible dans la zone euro, tensions temporaires dansles pays anglo-saxons

2.1 L’inflation devrait se stabiliser en 1999 dans les pays industrialisés

Dans tous les pays, la désinflation importée, liée aux baisses des prix des matières pre-mières et pétrolières, a permis un net ralentissement des prix à partir de la fin de 1997. Sur laseconde moitié de 1998 et en 1999, deux influences extérieures joueraient de manière opposéesur les prix. D’une part, les prix du pétrole devraient progressivement se redresser, ce qui iradans le sens d’une accélération des prix. D’autre part, en 1999, la pression concurrentielle despays d’Asie émergente, qui bénéficient de capacités de production disponibles et de gains decompétitivité après la dévaluation des monnaies, devrait se renforcer avec la reprise de leursexportations. Cette pression concurrentielle contribuera à modérer les prix des produits manu-facturés dans l’ensemble des pays industrialisés. Ces deux effets devraient pratiquement se neu-traliser. Dès lors, l’inflation serait déterminée dans les pays industrialisés essentiellement par laposition des économies dans le cycle.

Au Japon, l’atonie de la demande intérieure s’accompagne de pressions déflationnistesdepuis plusieurs mois. La baisse des prix des biens intermédiaires importés d’Asie ainsi que celledes matières premières et énergétiques ont accentué le ralentissement des prix domestiques,dans un contexte de faiblesse des prix des actifs. Le Japon devrait ainsi connaître une baisse desprix au second semestre 1998, et en 1999. En 1999, les prix à la consommation pourraient recu-ler de plus de 0,5 % en moyenne annuelle.

Dans la zone euro, l’inflation devrait encore ralentir pour se stabiliser à un rythme légère-ment supérieur à 1,5 % l’an en 1998 et 1999. Conjuguée à des gains de productivité toujourssubstantiels, la modération des évolutions salariales devra permettre de conserver une croissancetoujours très modérée des coûts salariaux unitaires.

Dans les pays anglo-saxons, des tensions inflationnistes modérées devraient apparaître vial’accélération des coûts salariaux et un tassement probable des gains de productivité, particuliè-rement sensible au Royaume-Uni. Dans ce pays, les tensions apparues en 1998 devraient s’atté-nuer en 1999 : le ralentissement de l’économie, puis la remontée du taux de chômage, devraientpermettre de stabiliser l’inflation à un rythme de 2,5 %. La remontée attendue du prix desmatières premières et notamment du pétrole accentuerait ces tensions. Aux États-Unis, le carac-tère très progressif de l’accélération des coûts salariaux, conforté par la lenteur avec laquelle lestensions sur le marché du travail tendent à se répercuter sur les prix, devrait empêcher l’inflationde dépasser 3 % en 1999.

Déflateur implicite de la consommation privée(moyenne annuelle)

Source : Comptes Nationaux, OCDE, Direction de la Prévision

1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Allemagne 4,1 3,0 1,7 2,0 1,9 1,3 1,4

Royaume-Uni 3,4 2,3 2,6 2,5 2,1 2,3 2,5

Italie 5,1 4,6 5,7 4,4 2,4 2,3 2,2

Belgique 3,5 2,8 1,7 2,3 1,6 1,3 1,5

Pays-Bas 2,1 2,8 1,5 1,3 2,1 2,3 2,4

Espagne 5,5 4,8 4,7 3,4 2,5 2,4 2,4

UEM hors France 4,3 3,6 3,0 2,7 2,1 1,8 1,8France 2,3 2,1 1,7 2,0 1,3 0,9 1,3

UEM à 11 4,0 3,3 2,9 2,5 1,9 1,6 1,7UE à 15 4,0 3,3 2,9 2,7 2,0 1,8 1,9Etats-Unis 2,7 2,4 2,3 2,0 1,9 1,1 2,7

Canada 2,2 0,5 1,4 1,5 1,7 1,3 1,5

Japon 1,2 0,7 -0,5 0,1 1,6 1,0 -0,3

OCDE 3,0 2,4 2,1 2,0 1,9 1,4 1,9

Page 93: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

84

2.2 Des conditions monétaires qui restent favorables dans la zone euro

Depuis l’automne 1997, les effets désinflationnistes de la crise asiatique sont venus modi-fier les perspectives monétaires et financières. La maîtrise de l’inflation, désormais peu suscep-tible d’être remise en cause en 1998 et en 1999, devrait permettre de maintenir des conditionsmonétaires favorables à la croissance. Les taux longs bénéficient en outre de la fuite des capi-taux d’Asie vers les pays occidentaux. Ils atteignent des niveaux historiquement bas en termesnominaux.

Dans les pays anglo-saxons, les conditions monétaires resteraient restrictives en 1998,en raison de l’appréciation passée du dollar et de la Livre et du niveau élevé des taux d’intérêt.Aux Etats-Unis, bien que la Réserve fédérale n’ait plus relevé ses taux depuis mars 19971, la poli-tique monétaire est actuellement légèrement restrictive2, le ralentissement des prix ayant pousséspontanément à la hausse les taux courts réels. Les marchés anticipent un assouplissement avantla fin de 1998 de la politique monétaire, en cohérence avec un scénario de ralentissement del’économie sans dérapage des prix. Au Royaume-Uni, au contraire, l’accélération des prix au-delà de la cible d’inflation de 2,5 % fixée par le gouvernement a conduit la Banque d’Angleterreà relever son taux directeur à 7,50 % depuis juin 1998.

Les conditions monétaires japonaises demeurent, en apparence, très accommodantes, letaux d’escompte se situant à 0,5 % depuis près de trois ans, tandis que le yen a perdu plus de 8 %en termes effectifs réels entre janvier 1997 et août 1998. Toutefois, en raison du rationnement ducrédit lié à la détérioration des bilans bancaires, la politique monétaire n’apporte pas à la conjonc-ture le soutien nécessaire.

En Europe continentale, la désinflation occasionnée par la crise asiatique a prévenu toutnouveau resserrement des conditions monétaires au-delà de celui intervenu début octobre 1997.Celles-ci restent ainsi favorables pour une phase ascendante de cycle. Le rapprochement des tauxmonétaires se poursuit, les marchés anticipant désormais une convergence des taux courts dansla zone euro à un niveau inférieur à 4 % d’ici à la fin 98. Dans le même temps, la disparition desincertitudes concernant la participation des pays du Sud de l’Europe à l’Union monétaire dès1999 et l’effort considérable d’assainissement budgétaire ont conduit à la résorption d’une grandepartie des écarts de taux à long terme entre pays, accentuant ainsi la convergence des taux àlong terme de la zone.

1 Les taux avaient été relevés à 5,50 %.2 Au regard d’une règle monétaire « optimale » comme celle de Taylor.

Page 94: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

85

Taux d’intérêt à trois mois

Source : DP - Reuter

Taux d’intérêt à long terme

Source : DP - Reuter

En %

Royaume-Uni

Italie

Japon

États-Unis

France

Allemagne

0

2

4

6

8

10

12

14

janv

-93

mai

-93

sep

t-93

janv

-94

mai

-94

sep

t-94

janv

-95

mai

-95

sep

t-95

janv

-96

mai

-96

sep

t-96

janv

-97

mai

-97

sep

t-97

janv

-98

mai

-98

sep

t-98

Royaume-Uni

Italie

Japon

Etats-Unis

France

Allemagne

0

2

4

6

8

10

12

janv

-93

mai

-93

sep

t-93

janv

-94

mai

-94

sep

t-94

janv

-95

mai

-95

sep

t-95

janv

-96

mai

-96

sep

t-96

janv

-97

mai

-97

sep

t-97

janv

-98

mai

-98

sep

t-98

En %

Page 95: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

86

3. La croissance de la demande mondiale se tasserait dès 1998La croissance du commerce mondial a été très vive en 1997 (+ 10,1 %). Elle s’infléchirait

nettement en 1998 (+ 7,3 %), puis de nouveau en 1999 (+ 5,4 %). A l’origine de cette décéléra-tion se trouvent plusieurs facteurs : le ralentissement des importations des pays émergents d’Asie,celui des importations des pays de l’OPEP lié à la baisse du prix du pétrole, et le ralentissementdes économies anglo-saxonnes.

Principalement soutenue par les régions du monde les plus dynamiques - Europe, États-Unis - la demande mondiale de produits manufacturés adressée à la France résiste mieuxque le commerce mondial à la baisse des importations asiatiques. Son rythme de croissance pas-serait de 9,4 % en 1997 à 7,3 % en 1998. La demande mondiale adressée à la zone euro (horséchanges internes à la zone) par le reste du monde serait nettement plus affectée que la demandeadressée à la France : son taux de croissance reculerait de 8,4 % en 1997 à 4,6 % en 1998. Lazone euro est, en effet, la seule zone dont tous les partenaires commerciaux ralentissent simul-tanément en 1998. En raison du dynamisme des importations manufacturières européennes, liénotamment au mouvement de restockage et aux mesures de stimulation du marché automobileen Italie et en Espagne, le commerce intra-zone euro jouerait donc en 1998 un rôle d’amortisseurpour le commerce extérieur de la France.

En 1999, la demande adressée à la France ralentirait de nouveau, sous l’effet de deux phé-nomènes. D’une part, la demande extra-européenne ralentit vivement du fait du fléchissementdes importations américaines, que ne compense pas le modeste rebond des importations del’Asie. D’autre part, la normalisation des importations manufacturières européennes, liée à l’achè-vement des mouvements de reconstitution des stocks et à l’arrêt des mesures de stimulation dumarché automobile, réduit le dynamisme de la demande adressée par l’Europe.

Évolution du commerce mondial de produits manufacturés et de la demande mondiale adressée à la France.

(*) : pondéré par la structure du commerce OCDE

(**) : pondéré par la structure du commerce français

Taux de croissance du volumedes importations (en %) 1996 1997 1998 1999

Europe à 6 4,2 9,9 8,7 5,8

Etats-Unis 10,1 16,5 13,5 6,7

Canada 4,3 18,0 12,0 7,4

Japon 7,0 3,0 - 0,8 0,5

Total OCDE* 6,0 11,2 9,1 5,8

pays émergents** 7,6 5,8 0,8 3,4

Commerce mondial 6,7 10,1 7,3 5,3

Demande mondiale…

adressée à la zone euro 7,8 8,4 4,6 4,3

adressée à la France 5,5 9,4 7,3 5,4

Page 96: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

87

Annexe : principaux résultats et hypothèses de la projection

Cours du pétrole brut (dollars par baril)

Source : DP

1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Panier de référence OPEP 16,3 15,5 16,9 20,2 18,8 13,7 16

Brut importé par la France 15,2 15,2 16,6 20,7 19,1 14,4 16,5

1995 1996 1997 1998 1999

1 Dollar =

Yen 93,5 108,7 120,9 136,9 142,2

Deutsche mark 1,43 1,51 1,73 1,80 1,78

Livre sterling 0,632 0,641 0,611 0,605 0,604

Lire 1627,5 1543 1702,7 1773,4 1764,2

Florin 1,60 1,69 1,95 2,02 2,01

Franc belge 29,40 31,0 35,8 37,1 36,7

Peseta 124,5 126,6 146,4 152,6 151,6

Dollar canadien 1,37 1,36 1,38 1,47 1,50

$US/FF 4,98 5,12 5,84 6,02 5,98

DM/FF 3,48 3,40 3,37 3,35 3,35

1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Allemagne 12,2 11,6 11,3 11,4 10,9 11,6 11,9

Royaume-Uni 11,5 10,4 11,7 11,4 11,0 9,9 10,7

Italie 18,2 22,1 22,2 21,4 20,8 20,9 19,8

France 14,1 13,6 14,5 13,3 14,6 14,3 14,1

Taux d’épargne des ménages dans les grands pays européens (% du RDB)

Taux de change bilatéraux retenus pour la prévision

Les taux de change retenus dans la prévision reposent comme d’habitude sur l’hypothèse conventionnelle degel des parités : celles-ci ont été fixées à leur niveau moyen du mois d’août 1998.

Page 97: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

1994 1995 1996 1997 1997 1997 1997 1998 1998 1998 mars avril mai juin juil. aoûtT2 T3 T4 T1 T2 T3 98 98 98 98 98 98

États-Unis 7,1 6,6 6,4 6,2 6,7 6,2 5,9 5,5 5,5 5,4 5,6 5,6 5,7 5,5 5,5 5,3

Japon 4,2 3,3 3,0 2,2 2,6 2,3 1,9 1,9 1,6 1,5 1,8 1,8 1,6 1,5 1,7 1,5

Allemagne 6,8 6,8 6,2 5,5 5,8 5,6 5,5 5,0 4,8 4,5 4,9 4,9 5,0 4,8 4,7 4,4

France 7,2 7,5 6,3 5,5 5,7 5,5 5,5 5,0 4,9 4,6 5,0 5,0 5,0 4,9 4,8 4,5

Royaume-Uni 8 8,2 7,8 6,8 7,3 6,9 6,4 6,0 5,8 5,7 6,0 5,8 5,8 5,8 5,8 5,6

Italie 10,3 11,9 9,3 6,5 7,4 6,5 6,0 5,3 5,1 4,8 5,2 5,1 5,2 5,1 5,0 4,8

Pays-Bas 6,9 6,9 6,2 5,5 5,7 5,6 5,4 5,0 4,9 4,6 4,9 4,9 5,0 4,9 4,8 4,5

Espagne 10 11,3 8,7 6,2 6,7 6,2 5,8 5,2 5,0 4,8 5,1 5,1 5,1 5,0 4,9 4,7

88

Taux d’intérêt à dix ans

Taux d’intérêt à trois ans

1994 1995 1996 19971997 1997 1997 1998 1998 1998 mars avril mai juin juil. aoûtT2 T3 T4 T1 T2 T3 98 98 98 98 98 98

États-Unis 4,2 5,5 5,0 5,0 5,0 5,0 5,1 5,0 4,9 4,9 5,0 4,9 5,0 4,9 4,9 4,9

Japon 2,3 1,2 0,6 0,7 0,6 0,6 0,7 1,0 0,7 0,8 0,8 0,7 0,6 0,6 0,8 0,8

Allemagne 5,4 4,5 3,3 3,4 3,2 3,2 3,7 3,5 3,6 3,5 3,5 3,6 3,6 3,6 3,5 3,5

France 5,8 6,6 3,9 3,5 3,4 3,4 3,7 3,6 3,6 3,6 3,6 3,6 3,6 3,6 3,6 3,6

Royaume-Uni 5,5 6,7 6,1 7,0 6,6 7,2 7,6 7,6 7,6 7,8 7,6 7,5 7,5 7,7 7,8 7,7

Italie 8,5 10,3 8,8 6,7 7,0 6,8 6,4 6,0 5,2 4,9 5,6 5,3 5,1 5,1 4,9 4,9

Pays-Bas 5,2 4,3 3,0 3,4 3,2 3,4 3,7 3,5 3,6 3,5 3,4 3,6 3,6 3,5 3,5 3,4

Espagne 8 9,4 7,5 5,3 5,4 5,3 5,1 4,6 4,4 4,4 4,5 4,4 4,4 4,4 4,4 4,4

Page 98: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

89

La situation économique dans la zone euro

Après avoir nettement accéléré au cours de l’année 1997, l’activité au sein de la zone europrogresse désormais à un rythme soutenu. Fortes d’une croissance du PIB de 2,8 % en 1998 et2,9 % en 1999, les économies de la zone euro auraient comblé, à l’horizon de la prévision, unepart importante du retard de demande qu’elles avaient accumulé depuis le début des années 90.

Malgré la vigueur de la reprise, les perspectives d’inflation resteraient cependant modé-rées, dans un contexte caractérisé par la faiblesse du prix des matières premières.

Certains pays (Espagne, Portugal, Finlande, Irlande et Pays-Bas), représentant un peu moinsde 20 % du PIB de l’ensemble de la zone, sont cependant en avance dans le cycle par rapport auxautres. Des tensions inflationnistes apparaissent déjà dans plusieurs de ces pays, appelant un res-serrement de leur politique économique. La politique monétaire, déterminée par la situationmacroéconomique de l’ensemble de la zone, ne peut y contribuer. C’est donc à la politique bud-gétaire d’assurer la nécessaire stabilisation de ces économies.

1. La zone euro comble progressivement son retard de demandesans tensions inflationnistes

1.1 Une croissance de 3 % en 1997

La reprise qui s’était engagée à partir du milieu de l’année 1996 s’est renforcée à la mi-1997, stimulée dans un premier temps par la vigueur de la demande extérieure et l’arrêt du mou-vement de déstockage. Depuis lors, le rythme de croissance du PIB est resté proche de 3 % englissement annuel (il s’est même élevé à 3,5 % au premier trimestre de 1998). En moyenneannuelle, la croissance a atteint près de 2,5 % en 1997, après 1,6 % en 1996.

La reprise s’est d’abord manifestée dans l’industrie. La croissance de la production indus-trielle a été très vigoureuse en 1997 (+4,2 % en moyenne annuelle, hors construction) et serarestée soutenue, quoiqu’en ralentissement, au premier semestre de 1998. L’examen des der-nières enquêtes de conjoncture suggère que ce ralentissement, consécutif à l’affaiblissement dela demande étrangère, devrait rester modéré : en dépit d’un tassement récent, le jugement desindustriels sur leurs carnets de commandes et leurs perspectives de production reste en effetproche des niveaux élevés atteints à la fin des années 1980.

Grâce au dynamisme accru des autres secteurs, l’activité devrait rester soutenue à l’horizonde la prévision (2,9 % en 1998 et 2,8 % en 1999).

Page 99: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

90

Graphique 1 : Croissance du PIB de la zone euro en glissement annuel

Source : Direction de la Prévision

Les exportations de la zone euro sont en net ralentissement, en raison essentielle-ment de la crise asiatique.

Alors que les échanges extérieurs ont significativement contribué à la croissance en 1997(+ 0,7 point), ils n’exerceraient plus d’influence positive sur l’activité en 1998 et 1999. En effet,la demande étrangère adressée à la zone euro, fortement affectée par la crise asiatique, a connuun net ralentissement depuis la fin de 1997. Ce ralentissement devrait s’accentuer avec l’affai-blissement progressif de la croissance dans les pays anglo-saxons. La croissance de la demandemondiale adressée à la zone euro passerait alors sous la barre des 5 % en moyenne annuelle en1998 et en 1999, après s’être élevée à plus de 8 % en 1997.

La demande intérieure s’est progressivement substituée à la demande étrangèrecomme moteur de la croissance.

Les composantes internes de la demande ont assuré seules la croissance de la zone euroau premier trimestre de 1998. La consommation privée devrait continuer de se raffermir, grâceà l’évolution plus dynamique du pouvoir d’achat (+ 2,6 % en 1998 et + 2,9 % en 1999, après+1,2 % en 1997) : la croissance des revenus d’activité se renforce, grâce à l’accélération des créa-tions d’emplois et des salaires réels, tandis que les finances publiques deviennent moins restric-tives. Dans un contexte de regain de confiance des ménages, la consommation devrait égale-ment bénéficier du recul du chômage et du niveau peu élevé des taux d’intérêt, qui favorise lerecours au crédit.

– 3

– 2

– 1

0

1

2

3

4

5

691

-T1

91-T

3

92-T

1

92-T

3

93-T

1

93-T

3

94-T

1

94-T

3

95-T

1

95-T

3

96-T

1

96-T

3

97-T

1

97-T

3

98-T

1

98-T

3

99-T

1

99-T

3

En %

Page 100: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

91

La croissance de l’investissement, encore inégale selon les pays en 1997, a été vigoureusedans l’ensemble de la zone au premier trimestre de 1998. Les conditions d’un rebond sensible del’investissement sont en effet aujourd’hui réunies : les perspectives de demande restent bienorientées ; le dynamisme de l’activité industrielle s’est traduit par une remontée sensible du tauxd’utilisation des capacités, désormais à un niveau supérieur à sa moyenne historique ; enfin, labaisse des taux longs favorise les décisions d’investissement, y compris dans le secteur du loge-ment ; ce secteur bénéficiera par ailleurs de la progression sensible du pouvoir d’achat desménages en 1998 et 1999.

La croissance de l’emploi rebondirait nettement en 1998 dans l’ensemble de la zone.

Grâce au dynamisme de l’activité, la croissance de l’emploi, restée très modérée enmoyenne annuelle en 1997 (+ 0,2 %), a accéléré dans le courant de 1997, ce qui se traduira net-tement en termes de moyenne annuelle à partir de 1998 (+ 1 %). Depuis le second semestre de1997, les créations d’emplois ont permis une stabilisation, puis une baisse du taux de chômagedans l’ensemble des pays de la zone euro. Selon les données harmonisées d’Eurostat, le taux dechômage moyen de la zone euro était de 11,2 % en juin 1998, contre 11,8 % un an auparavant.La baisse du taux de chômage devrait se poursuivre sur un rythme analogue au second semestrede 1998 et en 1999.

1.2 Pas de risque de tensions inflationnistes dans l’ensemble de la zone

Sous l’effet notamment de la baisse des prix des matières premières, l’inflation a continuéde diminuer dans l’ensemble de la zone euro. Elle s’est établie à 1,6 % en moyenne annuelle en1997 et à 1,3 % au premier semestre de 1998. Un chômage encore élevé (11,2 % en juin dernier)a par ailleurs continué de freiner la progression des salaires. Ainsi, une progression modérée dessalaires réels, au regard du rythme de croissance de la productivité, a permis une évolutionmodérée des coûts salariaux unitaires. Cette absence de tensions sur les prix est particulièrementmanifeste dans les grands pays.

Page 101: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

92

Graphique 2 : Inflation dans la zone euro (mesurée par les IPCH)

Source : Eurostat

L’amélioration de la situation macroéconomique ne doit pas masquer qu’au début de lareprise actuelle (cf. graphique 3) la zone euro connaissait encore un retard de demande impor-tant. Selon les estimations de l’OCDE ou du FMI, le niveau du PIB était alors inférieur de 2 % envi-ron au potentiel de production de la zone euro. Bien que la croissance ait été depuis lors supérieureà son potentiel, il subsisterait donc encore un léger retard de demande à l’horizon de la projection.

Graphique 3 : Écart du PIB au PIB potentiel dans la zone euro

Source : OCDE, prévisions DP

– 2,5

– 2,0

– 1,5

– 1,0

– 0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

En % du PIB

0,0 %

0,5 %

1,0 %

1,5 %

2,0 %

2,5 %

3,0 %01

/96

03/9

6

05/9

6

07/9

6

09/9

6

11/9

6

01/9

7

03/9

7

05/9

7

07/9

7

09/9

7

11/9

7

01/9

8

03/9

8

05/9

8

07/9

8

En glissementannuel

Dernier point : juillet 1998

Page 102: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

93

Dans ces conditions, même si des tensions ponctuelles sur les capacités de production peu-vent apparaître dans certains secteurs, le risque d’une résurgence des tensions inflationnistesdans l’ensemble de la zone euro apparaît aujourd’hui très faible. La persistance de taux de chô-mage élevés suggère en effet qu’à la différence de ce que l’on peut observer aux États-Unis et auRoyaume-Uni, les évolutions salariales resteront durablement modérées en Europe continentale.

1.3 Des conditions monétaires détendues et un ajustement budgétairebien engagé

Malgré la très nette amélioration des finances publiques de la zone euro intervenue depuis1995, le déficit des administrations publiques était encore important en 1997 (2,6 % enmoyenne). Même corrigé du cycle, il resterait substantiel : le déficit structurel de la zone, tel qu’ilest estimé par exemple par l’OCDE, s’élevait encore à 1,7 %. Si les pays européens souhaitentdégager des marges de manoeuvre budgétaires leur permettant de faire face à d’éventuellesdégradations de nature cyclique, il leur est donc nécessaire de se rapprocher de l’équilibre bud-gétaire structurel (cf. dossier « Politique économique dans la zone euro »).

Les conditions monétaires de la zone euro sont aujourd’hui relativement détendues (cf.graphique 4). Les dernières années ont en effet été marquées par une nette décrue des tauxd’intérêt nominaux courts et longs. Ainsi, le taux moyen à 3 mois de la zone est passé de 5,8 %début 1996 à 3,9 % en août 1998. Cet assouplissement a été permis par le ralentissement des prixet la persistance d’un retard de demande important, mais aussi par la perspective de la mise enplace de l’euro. Celle-ci a permis de stabiliser les taux de change entre les devises de la zone eta fait disparaître les primes de risque sur les taux d’intérêt.

Graphique 4 : Indice des conditions monétaires pour la zone euro

Source : Reuters, OCDE, Direction de la Prévision

Lecture : l’indice des Conditions Monétaires mesure le caractère restrictif ou souple des conditions monétaires telles qu’elles sontretracées par le niveau des taux d’intérêt réels de court terme et du taux de change (cf. note 1 page suivante). Un indice faible (res-pectivement élevé) est associé à des conditions monétaires souples (respectivement restrictives).

– 4

– 2

0

2

4

6

8

10

12

1990

-M6

1990

-M9

1990

-M12

1991

-M3

1991

-M6

1991

-M9

1991

-M12

1992

-M3

1992

-M6

1992

-M9

1992

-M12

1993

-M3

1993

-M6

1993

-M9

1993

-M12

1994

-M3

1994

-M6

1994

-M9

1994

-M12

1995

-M3

1995

-M6

1995

-M9

1995

-M12

1996

-M3

1996

-M6

1996

-M9

1996

-M12

1997

-M3

1997

-M6

1997

-M9

Indice des conditions monétaires euro

Contribution du taux court réel

contribution du taux de change effectif réel

En %

Page 103: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

94

À partir de 1999, la politique monétaire sera déterminée par la Banque Centrale Euro-péenne, en fonction des « fondamentaux » de l’ensemble de la zone. A cet égard, la disparitionprogressive du retard de demande moyen de la zone euro aurait pu justifier, à terme, un légerresserrement des conditions monétaires. Néanmoins, en raison de la baisse de la demande, enparticulier dans les pays émergents, de la faiblesse des prix des produits de base et des turbu-lences observées sur les marchés financiers, la nature des risques dans l’économie mondiale s’estmodifiée : dans un avenir prévisible, les conditions monétaires devraient ainsi préserver ou créerles conditions d’une croissance intérieure soutenable. D’ailleurs, les anticipations des marchéssur les taux à trois mois se sont continûment modifiées au cours des derniers mois : ces dernierstablent désormais sur des taux à court terme nettement plus bas qu’anticipé au début de l’été,tant aux Etats-Unis que sur la zone euro (cf. encadré sur les anticipations et graphique 5).

2. La gestion des divergences cycliques

2.1 Allemagne, France et Italie contribuent de manière prépondérante aucycle de la zone euro

Signe des progrès de la « convergence réelle », les conjonctures française, allemande, ita-lienne, mais aussi belge et autrichienne, évoluent aujourd’hui de manière relativement semblable.Le cycle économique de la zone euro est, de fait, très largement conditionné par l’évolution com-mune de la conjoncture dans ces trois grands pays, qui représentent près des trois quarts du PIBde la zone.

La France est parmi ces pays celui où le retard de demande était le plus accentué. C’estaussi le plus en avance (légèrement) dans le cycle, grâce à une orientation de la demande inté-rieure plus favorable qu’en Allemagne et, surtout, qu’en Italie. La consommation privée est plusdynamique en France qu’en Allemagne, en raison d’une évolution de l’emploi plus favorable. Ellel’est également vis-à-vis de l’Italie où le marché automobile souffre conjoncturellement de la dis-parition de la prime d’aide à l’achat de véhicules neufs. En outre, le ralentissement du commercemondial semble plus fortement ressenti en Italie qu’en France ou en Allemagne, du fait d’uneplus grande exposition sectorielle à la concurrence des pays de l’Asie émergente en crise. Enfin,jusqu’à l’an dernier, la politique économique a été beaucoup plus restrictive en Italie qui a connu,de ce fait, la croissance la plus faible de la zone euro en 1996 et 1997. La stabilisation de la lire,la détente des taux d’intérêt, et l’achèvement de la première phase de consolidation budgétairesont encore trop récents pour que les effets expansifs de la politique se fassent pleinement sen-tir en 1998.

1 Les conditions monétaires influent à court terme sur l’économie par deux canaux : le niveau des taux d’intérêt réelsconditionne l’évolution de la demande de biens durables et d’investissements ; et les variations effectives du changeréel affectent les exportations nettes. L’amplitude de ce dernier effet dépend du degré d’ouverture de l’économie.L’indice des conditions monétaires I, permet de synthétiser ces deux effets :

It = It – 1 (1 + ∆rt +Xt ∆ log (TCERt))Yt

L’évolution de l’indice est ainsi égale à la somme de la variation du taux d’intérêt réel à trois mois rt, et de la variationdu taux de change effectif réel TCER, pondérée par le rapport exportations Xt divisé par le PIB Yt. L’indice est généra-lement représenté en écart à sa moyenne, en posant I0, l’indice de départ, égal à 100. Lorsque le taux d’intérêt réel aug-mente, ou lorsque le change réel s’apprécie, la valeur de l’indice augmente, ce qui traduit alors un resserrement desconditions monétaires. Plus que le niveau de l’indice, c’est sa variation qui est pertinente pour apprécier l’orientationdes conditions monétaires. Il convient également de noter que les canaux de transmission de ces conditions monétairessur l’économie ont grandement évolué au cours des dernières années.

Page 104: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

95

Une lecture des anticipations de taux d’intérêt de la future zone euro au début de 1999

A partir de titres de taux de différentes maturités (à trois mois, à six mois, à un an, àdeux ans, …), il est possible d’évaluer les anticipations des « marchés » (c’est-à-dire concrè-tement de la moyenne des investisseurs sur les marchés financiers) quant aux taux d’inté-rêt courts futurs. Les investisseurs étant réputés exploiter toute l’information disponible à unmoment donné1, la mesure de cette anticipation peut fournir de précieuses indications surla manière dont sont perçues les intentions des banquiers centraux.

Dans la perspective de l’UEM, se livrer à un tel exercice à partir des marchés de tauxeuropéens2 est particulièrement instructif (cf. graphique 5) :

• à l’été 1997, les marchés anticipent une élévation progressive des taux d’intérêt decourt terme dans la zone euro, en liaison avec l’amélioration des perspectives de crois-sance à l’horizon de 1999 (phase 1) ;

• début octobre 1997, le relèvement des taux directeurs, dans les pays du coeur duSME, conforte les marchés dans cette analyse, et les incite même à réviser leurs anticipa-tions dans le sens d’un durcissement plus marqué des conditions monétaires (phase 2) ;

• la généralisation de la crise asiatique à l’automne 1997 conduit à une révision signi-ficative à la baisse des anticipations des marchés en matière de croissance et d’inflation, etdonc de taux d’intérêt ; l’absence de relèvement supplémentaire des taux directeurs despays du cœur du SME après le mois d’octobre 1997 vient valider cette analyse (phase 3) ;

• entre le début de cette année et la fin juillet, la confirmation de la reprise dans lazone euro, malgré le ralentissement de la demande étrangère, se traduit par une stabilisa-tion des taux à court terme anticipés à l’horizon du début 1999 (phase 4) ;

• la dégradation de l’environnement international (repli des bourses, crise en Rus-sie, …) conduit à une nouvelle révision à la baisse des anticipations de marché quant auxtaux à court terme de la zone euro à l’horizon du début 1999 (phase 5).

Au total, entre la mi-octobre 1997 et la fin août 1998, la révision à la baisse des anti-cipations de marché quant au taux à court terme qui prévaudra au début de l’UEM atteint1,5 point. Cette révision peut traduire la seule correction d’une erreur d’anticipation de lapart des marchés. Elle est plus vraisemblablement le reflet d’un changement sensible dansl’analyse de la situation conjoncturelle. La réactivité des anticipations apparaît à cet égardau moins aussi grande en Europe qu’aux États-Unis (cf. graphique 5).

1 Bien qu’empiriquement ce point soit controversé.2 En pratique ce sont les taux d’intérêt français qui ont été utilisés. Les résultats obtenus avec les taux d’inté-rêt allemands sont identiques. Avec les taux d’intérêt italiens en revanche, des différences mineures apparais-sent en début de période, en raison de l’incertitude résiduelle quant à la participation de l’Italie à l’UEM dès1999.

Page 105: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

96

Graphique 5

Source : Reuters, Direction de la Prévision

2.2 Certaines économies sont aujourd’hui en avance par rapport au cycleeuropéen

Aux Pays-Bas, au Portugal, en Espagne, en Finlande et en Irlande, l’activité, principalementsoutenue par le dynamisme de la demande intérieure, a nettement accéléré dès 1996. Enmoyenne, le retard de demande de ces pays, qui était, selon l’OCDE, proche de celui de la zoneeuro en 1996 (négatif de l’ordre de 2 points de PIB), serait comblé en 1998 alors qu’il atteindraitencore plus d’un point de PIB en moyenne sur le reste de la zone (cf. graphique 6). La conjonc-ture atteindrait même la zone d’excès de demande dès cette année aux Pays-Bas, en Finlande et,de manière plus prononcée, en Irlande.

La baisse du chômage a été logiquement plus précoce dans les économies en avance dansle cycle : selon les données harmonisées d’Eurostat, le taux de chômage y a reculé de deux pointsentre le début de 1997 et l’été 1998.

4,5

5,0

5,5

6,0

6,51/

7/97

1/8/

97

3/9/

97

6/10

/97

6/11

/97

9/12

/97

9/1/

98

11/2

/98

16/3

/98

16/4

/98

19/5

/98

19/6

/98

22/7

/98

24/8

/98

3

3,5

4

4,5

5

Taux à 3 mois États-Unis au 1er janvier 1999 (échelle gauche)

Taux à 3 mois zone euro au 1er janvier 1999 (échelle droite)

Taux à 3 mois France observé (échelle droite)

Relèvement d'octobre 1997

Chute des bourses asiatiques

Page 106: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

97

Graphique 6

Écart du PIB au PIB potentiel dans les pays en avance dans le cycle et dans le reste de la zone

Source : OCDE, Direction de la Prévision

2.3 Dans les pays en avance, l’inflation est plus élevée que dans le restede la zone

Malgré la baisse du chômage, les évolutions salariales restent pour l’instant relativementmodérées dans les pays les plus en avance dans le cycle. L’inflation y a cependant d’ores et déjàaccéléré (sauf en Finlande) et les prix y progressent aujourd’hui à un rythme nettement supérieurà la moyenne de la zone. Le glissement annuel des prix était en effet encore très proche à la mi-1997 de celui qui prévalait dans l’ensemble de la zone (+ 1,5 % environ). Il a accéléré depuis etse trouve compris aujourd’hui entre 2 % et 3 % alors que l’inflation se stabiliserait autour de 1,5 %dans l’ensemble de la zone euro (cf. graphique 7). La vigueur actuelle de la croissance et le dyna-misme propre de la demande intérieure laissent augurer d’une poursuite des tensions au coursdes semestres à venir dans ces économies. En outre, la convergence des taux d’intérêt espa-gnols, portugais et surtout irlandais avec les taux d’intérêt, plus bas, des pays du cœur du SMEdevrait apporter un soutien non négligeable à la croissance : en Irlande, le différentiel de taux àcourt terme avec l’Allemagne atteignait encore 250 points de base à l’été 1998.

– 3

– 2

– 1

0

1

2

3

419

90

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

en %

du

PIB

pays en avance reste de la zone

Page 107: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

98

Graphique 7

Évolution de l’inflation dans les pays en avance dans le cycle et dans le reste de la zone

En glissement annuel

Source : Eurostats, Direction de la Prévision

2.4 Des politiques budgétaires différenciées

Les risques de surchauffe qui apparaissent dans certains de ces pays nécessitent un res-serrement de la politique économique. Le poids de ces pays dans l’ensemble de la zone (à peine20 %) est cependant trop faible pour justifier un durcissement sensible de la politique monétairede la BCE. Dans ces conditions, c’est aux politiques budgétaires nationales que revient la res-ponsabilité de contrer, dans chacun de ces pays, les tensions inflationnistes.

Pays en avance dans le cycle Reste de la zone

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

01/9

6

03/9

6

05/9

6

07/9

6

09/9

6

11/9

6

01/9

7

03/9

7

05/9

7

07/9

7

09/9

7

11/9

7

01/9

8

03/9

8

05/9

8

07/9

8

Dernier point : juillet 1998

Page 108: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

99

La crise en Asie et ses conséquences

La crise de l’Asie émergente aura entraîné les pays de la zone dans une grave récession(plus de 5 % de baisse du PIB en 1998), dont ils ne devraient sortir que lentement en 1999. Impu-table à la dégradation de la situation financière des banques et des entreprises non financières,cette crise s’est traduite, non seulement par un effondrement des devises de la zone, mais aussipar un assèchement brutal des liquidités. Dans ces conditions, le soutien à la croissance que devaitapporter la dépréciation des monnaies est resté modeste, tandis que la demande intérieure recu-lait fortement.

La mise en œuvre de réformes, susceptibles de relancer la distribution de crédit interne etde favoriser le retour des investisseurs internationaux, devrait permettre un redressement pro-gressif de l’activité à partir de 1999.

Le Japon connaîtrait cette année une forte récession (baisse de l’ordre de 2 % du PIB), maisl’activité pourrait se redresser, modérément (croissance du PIB de l’ordre de 1 %), en 1999 dèslors que les mesures annoncées (relance budgétaire, restructurations bancaires) seront effective-ment mises en place et produiront leurs effets.

Les crises asiatiques contribueraient à amputer la croissance en Europe et aux Etats-Unisd’un demi-point environ en 1998 et en 1999 (soit un coût total voisin d’un point de PIB) et àaccentuer la désinflation à hauteur d’un demi-point en 1998 et d’un point en 1999.

1. Une crise économique et financière marquée, dont la résorption ne se manifestera que très progressivementLa dégradation de la situation financière des banques et des entreprises de la zone qui avait

commencé à se matérialiser dès le début de l’année 1996 a débouché sur un retrait massif desinvestisseurs internationaux et à la mi-1997 sur une crise de change. Un certain nombre de fac-teurs semblent être à l’origine de cette évolution.

Le cadre institutionnel dans lequel évoluaient les acteurs économiques manquait de trans-parence et de robustesse : opacité des systèmes de gouvernement d’entreprise, insuffisante défi-nition des droits de propriété, absence de règles prudentielles et de systèmes de surveillanceeffectifs, notamment dans la banque. Dans ces conditions, les investisseurs nationaux et interna-tionaux, qui ne disposaient pas de l’information nécessaire, ont pêché par optimisme.

La politique de rattachement des monnaies au dollar, assortie de garanties implicites ouexplicites des autorités, a conduit les investisseurs à sous-évaluer les risques encourus à l’occa-sion de leurs placements en Asie de l’Est. Les entreprises et les banques ont ainsi pu financer,par un recours massif à l’endettement, en devises et à court terme, des investissements à la ren-tabilité douteuse, dans un nombre restreint de secteurs exportateurs et dans l’immobilier.

Enfin, parce qu’elles étaient rattachées à la devise américaine, les économies d’Asie de l’Estont pâti de l’appréciation du dollar qui s’est affirmée au début 1997. Les pertes de parts de mar-ché qui en ont résulté ont sans doute servi de catalyseur à la crise.

Le reflux des financements en provenance de l’étranger au second semestre de 1997 (plusde 29 milliards de dollars, soit 2,7 % de PIB de la zone, pour les seules créances à court terme desbanques répertoriées par la BRI) a rendu intenable l’ancrage des monnaies locales au dollar. Lesdévaluations en chaîne qui ont suivi le décrochage du baht thaïlandais survenu au début du moisde juillet 1997 ont touché successivement la plupart des monnaies de la région, mais leur ampleura varié selon la profondeur de la crise financière dans chacun des pays. Alors que la dépréciation

Page 109: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

100

de l’économie est restée modérée à Singapour et Taiwan, elle a atteint une ampleur considérableen Indonésie et en Corée du Sud.

Aggravant le poids des dettes en devises, la crise de change a provoqué la faillite de nom-breux intermédiaires financiers locaux et l’interruption de nombreuses lignes de crédit. Cet effon-drement du crédit a provoqué de fortes tensions sur les marchés monétaires domestiques accom-pagnées d’un élargissement des « spreads » sur les financements en devises. La crise de liquiditésqui s’est installée à des degrés divers dans les pays de la région a amplifié enfin l’ajustement desprix des actifs mobiliers et immobiliers (qui ont subi des corrections pouvant aller de 40 % à 60 %sur les actifs boursiers) et paralysé l’activité économique.

Aussi, en dépit de l’injection massive de prêts d’origine multilatérale ou bilatérale dans lespays les plus touchés, la crise financière a-t-elle provoqué une réaction macro-économique bru-tale dans les pays concernés. La demande intérieure des pays de l’Asie émergente en crise pour-rait ainsi diminuer d’environ 10 % en 1998. L’investissement productif a fortement chuté tandisque les dépenses des ménages se sont réduites en raison de la très vive montée du chômage etde la baisse de pouvoir d’achat des salaires.

Cette baisse de la demande intérieure a provoqué une chute des importations qui a permis,en retour, un redressement spectaculaire des soldes courants (cf. tableau 1). Malgré les gains decompétitivité attendus de la dépréciation des monnaies, les exportations asiatiques n’ont enrevanche que peu progressé. Les producteurs locaux ont en effet été handicapés par la chuteglobale de la demande dans la région Asie, la pénurie de liquidités et le renchérissement relatifdu coût des produits importés.

Le calendrier de la reprise dans les pays d’Asie reste des plus incertains. Cette reprisesemble aujourd’hui tributaire de la mise en œuvre, notamment dans le secteur financier, deréformes susceptibles de rétablir la confiance des investisseurs et de favoriser durablement leretour des financements internationaux. Les mesures prises par les gouvernements coréen etthaïlandais témoignent d’une telle volonté de restauration de la confiance.

Par son ouverture relativement faible aux échanges avec l’extérieur et par le niveau élevédes échanges intra-régionaux, le bloc commercial asiatique n’est pas sans rappeler l’Union euro-péenne. Essentiellement constitués de biens intermédiaires et de biens d’équipement, leséchanges intra-zone semblent correspondre souvent à des échanges intra-firmes, dont l’inten-sité reflète le niveau important des investissements directs entre ces pays.

En outre, et en raison de la forte intégration commerciale de l’Asie orientale, le rythme dela reprise sera tributaire du degré auquel elle s’étendra à l’ensemble de la zone. Cette reprisedépendra, à l’évidence, de l’évolution de la situation économique au Japon.

Le redémarrage de l’activité devrait être graduel, à l’instar de ce qu’on a observé dans lepassé pour les pays ayant subi tout à la fois une crise monétaire et une crise bancaire. Les travauxdu FMI1 montrent en effet que dans ces conditions, la perte cumulée d’activité s’est élevée enmoyenne à près de 20 points de PIB au cours des périodes de crise étudiées et que le retour dela croissance à sa tendance d’avant la crise ne s’est produit qu’au bout de 2 à 3 ans. De fait, unscénario de récupération rapide, telle que l’a connu le Mexique en 1994-1995, ne paraît pasaujourd’hui engagé dans les pays d’Asie en crise. Le scénario le plus favorable s’apparenteraitplutôt à une sortie de crise telle que l’avait expérimentée le Chili au cours des années 1980(cf. graphique).

1 Perspectives économiques, printemps 1998.

Page 110: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

101

Trois schémas de sortie de crise : Evolution du PIB en volume (la crise intervient l’année 1 sur le graphique)

source : Datastream ; Prévisions Direction de la Prévision

Ainsi, le scénario retenu est-il celui d’une stabilisation, suivie d’une reprise graduelle aucours de 1999, dans les pays émergents en crise de la zone (Corée du sud, Indonésie, Malaisie,Philippines, Thaïlande), associée à un retour progressif des financements internationaux,(cf. tableau n° 1). Ce scénario relativement optimiste écarte l’éventualité d’un nouveau chocmajeur dans la région (dévaluation du yuan chinois par exemple).

source : OCDE ; estimations Direction de la Prévision pour 1998

Les plans de relance japonais depuis 1992

Depuis le mois d’août 1992, les gouvernements japonais successifs ont annoncé pasmoins de 8 plans de relance de l’économie, représentant un cumul d’environ cent millemilliards de yens ou encore 20 points de PIB.

1. Une succession de 8 plans annoncés en 6 ans

60

70

80

90

100

110

120

130

140

– 5 – 4 – 3 – 2 – 1 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Ind

ice

bas

e 10

0 l'a

nnée

pré

céd

ant

la c

rise

Chili 1976-1990

Mexique 1989-1997

(en prévision)

Asie orientale émergente("hors 4 Chines") 1992-1997

(en prévision)

en % du PIB 08-92 04-93 09-93 02-94 04-95 09-95 04-98 07-98 Total

Mesures annoncées 2,3 2,8 1,3 3,2 1,0 2,7 3,3 3,4 19,7

mille milliards de yens 10,7 13,2 6,2 15,3 4,6 12,8 16,7 17,0 96,4

Dépenses 2,3 2,7 1,3 2,0 1,0 2,7 2,4 2,0 16,1

investissements publics 1,7 1,9 0,5 1,4 0,8 2,3 1,5 nd. 12,0

aides à l’investissement privé 0,6 0,9 0,8 0,6 0,1 0,4 0,9 nd. 4,1

Mesures fiscales 0,0 0,0 0,0 1,2 0,0 0,0 0,9 1,4 3,6

Page 111: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

102

1 Ce dispositif se double par ailleurs d’un certain nombre de mesures structurelles visant notamment à régler le pro-blème des créances douteuses des banques et à stabiliser le système financier en prévoyant l’utilisation de 30 millemilliards de yens (dont 17 destinés à protéger les déposants auprès des banques insolvables), soit 6 points de PIB.

Adopté dans un contexte de récession prolongée à la suite de l’éclatement de labulle spéculative de la fin des années 80, un premier plan de relance, équivalent à 2,3points de PIB, est annoncé en 1992. Ses effets sur la demande se révélant décevants, il estsuivi dès 1993 d’un second groupe de mesures d’un montant de 2,8 points de PIB. Cesdeux premiers plans étaient centrés sur les travaux publics et, accessoirement, sur la sti-mulation de l’investissement productif. Un troisième programme de 1,3 point de PIB,annoncé en septembre 1993, privilégie, quant à lui, davantage le secteur du logement.Lancé en 1994 et d’une ampleur de 3,2 points de PIB, le quatrième plan a innové en com-binant un surcroît de dépenses publiques avec une diminution importante de l’impôt sur lerevenu.

En avril 1995, le gouvernement introduit un budget supplémentaire de 1 point de PIBpour financer la reconstruction dans la région de Kobe, touchée par un fort séisme. Ce bud-get supplémentaire est relayé dès septembre 1995 par de nouvelles mesures représentant2,7 points de PIB et centrées sur les investissements publics, les prêts au logement et lescrédits aux petites entreprises.

Face à la situation dégradée des finances publiques, le gouvernement n’avait toute-fois que mis entre parenthèses un effort d’assainissement budgétaire jugé nécessaire. Dèsle retour de la croissance en 1996, il opère un resserrement budgétaire, qui se traduit parla remise en cause des réductions temporaires d’impôt sur le revenu et l’augmentation dutaux de TVA en avril 1997 de 3 à 5 %.

Mais le retour de la récession, dans un contexte de crise asiatique généralisée,conduit les autorités à tenter de nouveau de relancer l’économie. Le gouvernement HASHI-MOTO annonce en avril 1998 un septième plan représentant 3/4 point de PIB d’investis-sements publics et de réductions d’impôts1 :

➩ 1 1/2 point de PIB d’investissements publics (7,7 mille milliards de yens) dont lapartie nationale (80 %) est approuvée par le parlement en mai, mais dont les 20 % restantsont à la discrétion des collectivités locales. Il n’y aurait donc réellement que 1,2 point dePIB d’investissements supplémentaires dont l’effet ne commencerait à se faire sentir qu’auquatrième trimestre 1998.

➩ 0,9 point de PIB de réductions d’impôts (4,6 mille milliards de yens dont 0,6 à lacharge des collectivités locales). La révision de la loi sur la réforme fiscale structurelle estadoptée en mai, laissant ainsi le gouvernement libre de mettre en œuvre de telles réduc-tions. La moitié de celles-ci doit avoir pris effet en juillet pour la taxe d’habitation et enaoût pour l’impôt sur le revenu, l’autre moitié devant s’appliquer en 1999.

➩ 0,9 point de PIB d’aides à l’investissement privé (4,3 mille milliards de yens, dont2,3 d’aides au logement et 2 de prêts aux PME) adoptées par le parlement en mai. Cesmesures doivent prendre graduellement effet au troisième trimestre 1998.

Enfin, le nouveau gouvernement OBUCHI promet un dernier groupe de mesurespour dynamiser la demande intérieure, mesures dont les effets pourraient se faire sentir auplus tôt sur l’année fiscale 1999. Ce huitième plan devrait représenter près de 3 1/2 pointsde PIB, dont 2 de dépenses publiques et 1 1/2 de réductions d’impôts pour les ménageset les entreprises. Ces mesures ne sont pas encore connues et pourraient être soumises auparlement en fin d’année.

Page 112: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

103

2. L’ampleur réelle des plans de relance est toujours inférieure à celle annon-cée.

Dans la période récente, les délais séparant l’annonce d’un plan de son exécutions’avèrent particulièrement importants (délai d’élaboration et de vote des lois budgétairesnécessaires au financement du plan). Les retards observés notamment en 1992 et 1993ont d’ailleurs pu faire douter à l’époque de l’efficacité de ces programmes pour stimuler lademande intérieure.

Par ailleurs, une partie des plans annoncés ne dépend pas que du gouvernement nimême du parlement mais plutôt des collectivités locales dont la capacité de financementest limitée par leur fort niveau d’endettement. De manière générale, la multiciplicité desintervenants induit des délais naturels entre les décisions de relancer la demande et leurmise en oeuvre effective.

De plus, le montant du plan dépend du niveau de référence de la politique budgétaireet correspond souvent à des effets d’annonce. Ainsi, le budget initial de 1995 tablait sur unebaisse des dépenses publiques ; les plans de relance d’avril et de septembre ne corres-pondent pas entièrement à des dépenses nouvelles mais constituent plutôt un relais voireun simple maintien des enveloppes budgétaires précédentes.

Enfin, certaines mesures (un tiers des chiffres annoncés de 1992 à 1997 selon l’OCDE)n’affectent pas par nature la demande globale et donc l’activité (cas des transferts d’actifs).

source OCDE : ces chiffres n’incluent pas les mesures annoncées cet été

Au total, la lecture des plans de relance successifs se révèle particulièrement malai-sée car ces derniers souffrent de décalages temporels, de la réticence de certaines autori-tés publiques à les mettre en oeuvre, de l’opacité entourant certains effets d’annonce etenfin du mélange de mesures de différents types dont certaines n’affectent pas la demande.Il est donc difficile de mesurer l’effort réel de relance entrepris par les autorités japonaisesdepuis 1992.

Une approche alternative, en termes d’évolution du solde structurel des APU, laissetoutefois apparaître que la politique budgétaire s’est certes assouplie de 1992 à 1998, maisà hauteur de seulement 3 1/2 points de PIB. Même si les incertitudes entourant ces calculsde solde structurel sont elles aussi importantes, ces chiffres donnent une idée de l’impor-tance des « pertes en lignes » subies par les plans de relance japonais depuis six ans.

Source : OCDE, Perspectives Economiques de juin 1998

en % de PIB 1992 1993 1994 1995 1996 1997 92-97

Mesures n’affectant pas la demande globale 1,0 2,3 1,0 1,9 – – 6,0

Mesures affectant la demande globale 0,4 1,1 2,1 2,3 2,6 0,2 8,7

en % de PIB 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 92-98

Variation annuelle du déficit structurel – 1,0 – 2,4 – 0,3 – 1,0 – 1,4 – 1,4 – 0,4 – 3,3

Page 113: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

104

2. Une rechute dans la récession au JaponDepuis le début des années 1990, le Japon n’a pas retrouvé de croissance durable. Le cli-

mat économique s’y est même considérablement dégradé depuis un peu plus d’un an. Lemontant des créances bancaires douteuses s’est révélé bien plus élevé qu’on ne le pensait(88 000 milliards de yens selon les estimations officielles, soit 17 % du PIB), la crise dans les autrespays d’Asie ayant aggravé les problèmes des banques. La faiblesse de la distribution de crédit quien a résulté et un profond déficit de confiance des ménages se sont traduits par un recul marquéde la demande intérieure et de l’activité.

Dans le même temps, la baisse du yen sur le marché des changes s’est accélérée, la devisejaponaise ayant perdu 20 % de sa valeur vis-à-vis du dollar entre juin 1997 et juillet 1998. Cettechute du yen s’explique notamment par la faiblesse des rendements sur les titres japonais, lestaux d’intérêt étant maintenus par la Banque du Japon à des niveaux historiquement bas (0.5 %)dans le souci de soutenir l’activité.

Les perspectives de reprise à court terme paraissent suspendues à l’efficacité desmesures de restructuration bancaire d’une part, et à la capacité de relancer la demande parla voie budgétaire. Or, une forte incertitude continue d’entourer les délais d’application desdifférentes mesures prises. Ainsi, l’exécution des plans de relance budgétaire pourrait au mieuxcommencer à l’automne, tandis que la mise en place de banques-relais destinées à permettredes défaillances ordonnées dans le système bancaire tarde encore à se concrétiser. Dans cesconditions, après avoir perdu près de 2 points en 1998, le PIB japonais ne se redresserait quetimidement en 1999 (de l’ordre de + 1 % en moyenne annuelle).

Tableau 1 : Prévisions sur l’Asie en crise

Source : Direction de La Prévision

1 Les « 4 Chines » sont constituées de la Chine continentale, de Hong Kong, de Taiwan et de Singapour.

Croissance du PIB Solde courant (en point de PIB)1997 1998 1999 1997 1998 1999

Asie (hors Moyen-Orient) 5,2 0,2 2,5 + 1,3 + 2,8 2,0

dont :

Japon 0,8 – 2,0 1,0 + 2,4 + 3,1 3,5

Pays émergents 7,0 1,2 3,2 + 1,0 + 3,0 1,7

dont :

Asie orientale « hors 4 Chines »1 4,2 – 7,0 – 0,9 – 2,7 + 3,5 3,0

Page 114: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

105

3. Les effets négatifs de la crise asiatique sur les pays industrialisés sont limités par la baisse des taux d’intérêtDans les économies occidentales, l’effet des crises asiatiques à proprement parler est dif-

ficile à isoler, en raison de la présence d’autres facteurs affectant dans le même temps la conjonc-ture internationale. Les modèles économétriques multinationaux1 permettent d’obtenir un ordrede grandeur en comparant les évolutions macro-économiques actuelles à celles qui auraient pré-valu dans un scénario fictif sans crise en Asie. Dans ce scénario fictif, les pays émergents d’Asieauraient poursuivi leur expansion sur des rythmes voisins de ceux qu’ils connaissaient avant lacrise, et le Japon ne serait pas entré en récession. L’impact présumé de la crise est fourni parl’écart entre les deux scénarios.

Du point de vue des pays industrialisés, la crise peut se résumer à la superposition de quatrechocs (cf. tableau 2) :

• un choc commercial négatif imputable aux pays émergents d’Asie, qui se traduit parune baisse de la demande d’importations (estimée à – 20 % en moyenne pour les 4 NEI et les4 pays de l’Asean2 en 1998, et stabilisée en 1999), et par des gains de compétitivité (5 % de mi-1997 à mi-1998, 10 % à partir du second semestre 1998).

• un choc commercial également négatif en provenance du Japon, qui recouvre unecontraction de la demande intérieure (– 4.5 % en 1998 et 1999 par rapport à un scénario sanscrise) et une baisse du yen (– 20 % en 1998 suivie d’une stabilisation en 1999).

• un choc financier positif, dû au maintien de politiques monétaires plus accommodantesqu’en l’absence de crise et à la détente des taux d’intérêt sur les marchés occidentaux. Cettebaisse des taux est estimée à 20 points de base pour les taux courts sur la base de l’applicationd’une règle de Taylor, ce qui est certainement un plancher, et 60 points de base pour les tauxobligataires en attribuant aux conséquences globales de la crise asiatique l’intégralité de la baissedes taux à long terme intervenue depuis l’automne 1997.

• enfin un choc de baisse du prix des matières premières et, notamment, du pétrole(– 25 % en moyenne annuelle 1998 par rapport à 1997, avec une remontée progressive prévueen fin d’année et en 1999), imputable en particulier à la baisse de la demande en provenancedes pays en crise. L’effet d’un tel choc, légèrement désinflationniste, est selon les évaluationsfaites avec Nigem suffisamment faible pour n’être pas isolé dans le tableau qui suit.

Des simulations effectuées, il ressort les principaux résultats suivants :

1) Le choc commercial émanant des pays émergents d’Asie (1re colonne du tableau) aoccasionné une contraction sensible des marchés à l’exportation des économies occidentales, cedont témoignent par ailleurs les données d’exportations vers l’Asie émergente du premiersemestre 1998 (– 26 % au premier semestre pour la France après encore + 18 % au secondsemestre 1997). Parallèlement, les gains de compétitivité réalisés par l’Asie entraîneraient unaccroissement graduel de la concurrence sur les marchés domestiques et sur les marchés tiers,dont les effets ne se feraient véritablement sentir qu’à partir du second semestre 1998.

Ces ajustements commerciaux pénaliseraient la croissance américaine de près d’1/2 pointde PIB en 1998 et d’1/4 point en 1999, avec un impact désinflationniste marqué. En Europe, leseffets réels seraient légèrement plus importants, alors que l’impact désinflationniste est sensi-blement plus faible.

1 La Direction de la Prévision utilise le modèle Nigem du NIESR.2 Soit la différence entre la baisse d’importations de l’ordre de 10 % qui devait être effectivement constatée en 1998et la croissance qui se serait produite en l’absence de crise, estimée sur la base de la tendance antérieure à environ10 %.

Page 115: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

106

2) L’ampleur de la crise japonaise (2e colonne) a, pour les autres pays occidentaux, uneffet au moins aussi important que les difficultés des pays émergents. La chute de la demandenipponne et la dépréciation du yen affectent négativement l’activité et les prix en Europe et enAmérique du Nord, déclenchent un ajustement des soldes courants et entraînent de la désinfla-tion importée. Encore limités en 1998, les effets de la crise japonaise apparaîtraient plus pro-noncés en 1999, où ils pourraient se monter à 1/2 point de perte de croissance de part et d’autrede l’Atlantique. Cette évaluation doit cependant être considérée avec prudence, en raison de laforte incertitude qui entoure la date du redémarrage de l’activité nipponne.

L’aspect mécanique de ces deux chocs (3e colonne) est très substantiel : près de deuxpoints de PIB pour l’Union Européenne, un point et demi pour les Etats-Unis.

3) La crise financière en Asie a eu pour contrepartie un choc financier positif(4e colonne) sur les marchés de titres européens et américains. Les capitaux rapatriés d’Asie ontété réinvestis en particulier sur les marchés obligataires occidentaux, qui ont joué un rôle derefuge pour les gestionnaires de fonds. Parallèlement, on peut estimer que les autorités ont menéune politique monétaire plus souple que celle qu’elles auraient adoptée en l’absence de crise,afin de tenir compte de la moindre inflation que celle-ci a entraînée.

La détente des taux compenserait ainsi partiellement les effets des chocs asiatique et japo-nais en 1998, comme en 1999. A moyen terme, le repli des taux longs devrait progressivementse réduire, lorsque les capitaux se réorienteront vers les marchés émergents.

Tableau 2 : Impact international de la crise asiatique

Source : estimation DP

Globalement (dernière colonne), on peut estimer que la crise asiatique et les difficul-tés japonaises coûteront de l’ordre d’1/2 point de croissance à l’Europe en 1998, comme en1999. Aux Etats-Unis, l’impact de la crise serait légèrement inférieur. La crise est également unimportant facteur de désinflation (selon les pays, l’inflation serait réduite d’1/2 point à 1 pointcette année comme l’an prochain).

À un horizon plus lointain, la crise devrait voir ses effets s’atténuer dans le cas où un scé-nario modérément optimiste proche de celui décrit ci-dessus se réaliserait. Toutefois, un scéna-rio d’approfondissement de la crise ne peut être exclu, surtout si le redressement au Japontarde à se manifester. Dans ce cas, l’extension de la crise à d’autres pays asiatiques ou à d’autresrégions émergentes (Amérique latine, Europe de l’Est), déjà fragilisées par les retombées de lasituation en Asie, aurait des conséquences aujourd’hui difficiles à évaluer.

Impact globalÉcarts par rapport

Crise dansCrise

Baisse des tauxde la crise

à un scénarioles pays

au Totalobligataires

(y.c. baissesans crise

émergentsJapon

et détentedu prixd’Asie monétaire

du pétrole)

1998 1999 1998 1999 1998 1999 1998 1999 1998 1999

Niveau du PIB (en %)Etats-Unis – 0,5 – 0,7 – 0,3 – 0,7 – 0,8 – 1,4 0,3 0,6 – 0,4 – 0,7

Union européenne – 0,5 – 0,8 – 0,4 – 0,9 – 0,9 – 1,7 0,3 0,8 – 0,6 – 0,8

Allemagne – 0,6 – 1,0 –0,5 – 1,1 – 1,1 – 2,1 0,4 1,0 – 0,6 – 1,0

France – 0,5 – 0,8 – 0,3 – 0,9 – 0,8 – 1,7 0,2 0,7 – 0,5 – 0,9

Niveau des prix (en %)Etats-Unis – 0,8 – 1,6 – 0,3 – 1,3 – 1,1 – 2,9 0,3 1,2 – 0,9 – 1,8

Union européenne – 0,5 – 1,0 – 0,2 – 0,8 – 0,7 1,8 0,0 0,3 – 0,7 – 1,6

Allemagne – 0,3 – 1,0 – 0,1 – 0,6 – 0,4 – 1,6 0,0 0,3 – 0,3 – 1,4

France – 0,2 – 0,6 – 0,2 – 0,7 – 0,4 – 1,3 0,0 0,1 – 0,5 – 1,3

Page 116: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

107

L'évolution économique en France

Après avoir fortement accéléré entre la fin 1995 et la fin 1997, l'activité en France progressedésormais à un rythme soutenu. En moyenne annuelle, la croissance du PIB pourrait être légè-rement supérieure à 3 % en 1998 (3,1 %) et reviendrait à 2,7 % en 1999.

Comme ses partenaires européens, la France se trouve confrontée à un net ralentissementde la demande extérieure, imputable notamment à la crise des économies de l'Asie émergenteet à la récession qui touche le Japon. La contribution de l'extérieur à la croissance, très fortementpositive en 1997 (+1,4 %), pèserait sur l'activité en 1998 comme en 1999 (- 0,1 %). Toutefois, enFrance comme dans la plupart des pays d'Europe continentale, la demande intérieure devraitprendre le relais du commerce extérieur.

La consommation, en nette reprise depuis l'été 1997, devrait rester dynamique : sa crois-sance atteindrait 3,1 % en 1998, puis 2,7 % en 1999. L'amélioration du marché du travail soutientle pouvoir d'achat du revenu et incite les ménages à moins épargner. Le retour à la normale dumarché automobile, déprimé en 1997 par l'arrêt de la "prime qualité automobile", soutient éga-lement la consommation en 1998.

Longtemps repoussée par les entreprises, la reprise de l'investissement semble aujourd'huibien engagée. La bonne orientation des anticipations de demande des entrepreneurs et l'amé-lioration des conditions de l'offre, liées notamment à la détente des taux d'intérêt, créent un cli-mat favorable à l'investissement, que l'élévation des taux d'utilisation des capacités rend de plusen plus nécessaire. L'investissement des entreprises croîtrait ainsi de 5,7 % en 1998 et 1999.

En net redémarrage depuis l'été 1997, les créations d'emploi resteraient très vigoureuses(300 000 en moyenne par an) en 1998 et 1999. Elles trouveraient leur origine dans le retour à unecroissance économique soutenue et plus riche en emploi, sous l'effet notamment de la montée enrégime de la réduction du temps de travail.

Dans un contexte macro-économique dépourvu de tout risque de surchauffe, l'inflationdevrait rester très modérée à l'horizon de la prévision, la hausse des prix se stabilisant autour de1 % sur l'ensemble de la période 1998-1999. Les fluctuations des prix des matières premièressusciteraient toutefois quelques inflexions de court terme autour de cette tendance : inflation infé-rieure à 1 % en 1998, alors que les prix des matières premières baissent ; légère accélération en1999 (+1,3 %) associée notamment à la remontée attendue du prix du pétrole.

1. Les dernières informations conjoncturelles témoignent de labonne orientation de l'activitéLes enquêtes les plus récentes menées auprès des industriels font état de perspectives de

production toujours favorables et de carnets de commande encore bien garnis, malgré le replisensible des carnets étrangers. Le niveau des stocks est par ailleurs jugé inférieur à sa moyennede longue période. Les enquêtes menées dans les services ou le bâtiment témoignent de leurcôté d'une amélioration des anticipations de demande et de production dans ces secteurs.

Les indicateurs conjoncturels témoignent de la vigueur de la demande intérieure. L'indicede confiance des ménages atteint son plus haut niveau depuis sa création en 1987. Les immatri-culations d'automobiles se redressent et la consommation en produits manufacturés reste depuisun an sur un rythme de hausse trimestrielle supérieur à 1 %.

L'orientation de la demande dans le secteur des biens d'équipement ainsi que les inten-tions de commandes dans le commerce de gros confirment la perspective d'un rebond marqué(+ 9 % en valeur) de l'investissement industriel, déjà annoncé par l'enquête sur les investisse-ments effectuée en avril auprès des chefs d'entreprise de l'industrie.

Page 117: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

108

Les comptes trimestriels de l'INSEE confirment ce diagnostic : la croissance du PIB s'est éle-vée à 0,7 % au deuxième trimestre de 1998, après 0,6 % au premier trimestre ; sur un an, elleatteint 3,0 %. Les comptes trimestriels témoignent en outre de la vigueur de la demande inté-rieure : la consommation qui a crû de 1 % au deuxième trimestre et de 4,1 % sur un an est trèsdynamique. La reprise de l'investissement des entreprises (+ 1,8 % sur le trimestre et + 6,4 % surun an), en cours depuis le printemps 1997, est également très vigoureuse. À l'inverse, la dégra-dation de l'environnement international pèse sur la croissance : les exportations (qui ont crû de13 % en 1998) sont quasiment stables depuis le début de l'année, tandis que la croissance desimportations reste soutenue. Par conséquent, la contribution de l'extérieur à la croissance estdevenue négative (- 0,6 % au premier et - 0,2 % au second trimestre de cette année)1.

2. Le commerce extérieur cesserait de soutenir la croissanceen 1998 et 1999

En 1997, les exportations françaises, en progression de 13 %, ont fait preuve d'un dyna-misme exceptionnel, inégalé depuis plus de 25 ans. Cette performance tient à de multiples fac-teurs : une forte croissance du commerce mondial ; les gains de compétitivité résultant de l'ap-préciation des devises anglo-saxonnes et de la modération des coûts salariaux français ; un surcroîtd'opérations exceptionnelles (centrales thermiques, matériels militaires, Airbus...). Cependant, lacroissance des exportations de produits manufacturés est allée au-delà de ce que justifiaient cesfacteurs et reste donc pour partie (1 à 2 points) inexpliquée au regard des déterminants tradi-tionnels du commerce extérieur.

Malgré l'accélération notable des importations (qui ont crû de 7,9 % en 1997 après 3,4 %en 1996), la contribution de l'extérieur s'est ainsi élevée à 1,4 point en 1997.

Depuis le début 1998, les facteurs qui ont poussé les exportations à la hausse en 1997 sesont inversés. Il devrait continuer à en aller de même à l'horizon de la projection : le commercemondial serait en net ralentissement ; la compétitivité de nos exportations serait affectée par ladépréciation des devises asiatiques ; les opérations exceptionnelles devraient se stabiliser en1998, puis se réduire légèrement en 1999 ; enfin, la prévision retient l'hypothèse que la croissancede nos exportations sera de nouveau en ligne avec ses déterminants habituels. Au total, la crois-sance de nos exportations ne serait plus que de 6,8 % en 1998 et de 4,2 % en 1999.

Alors que les exportations ralentiraient, les importations accéléreraient en 1998 sous l'effetde la reprise de la demande intérieure : leur croissance, de + 8,3 % en moyenne annuelle, dépas-serait ainsi de plus d'un point celle des exportations. En 1999, malgré un certain ralentissement,la croissance des importations resterait supérieure à celle des exportations.

Au total, la contribution du commerce extérieur à la croissance serait légèrement négativeen 1998 et en 1999 (- 0,1 %)2.

1 Les premiers résultats concernant le deuxième trimestre ont été publiés après que le chiffrage des comptes prévi-sionnels pour 1998 et des principales hypothèses économiques pour 1999 eut été achevé. Si ces résultats ne remet-tent pas en cause les grandes lignes de la prévision, ils permettent d’illustrer les aléas qui entourent celle-ci : sur lesbases des tendances que révèlent les comptes trimestriels, la croissance de la demande intérieure paraît aujourd’huiplus vive que dans la prévision, mais le ralentissement des exportations plus marqué, la croissance du PIB restantquant à elle en ligne avec la prévision.

2 Les excédents extérieurs de la France sont le reflet d’importations moins importantes, en volume comme en valeur,que les exportations. Par conséquent, à croissance égale, les importations pèsent moins que les exportations dans lacroissance du PIB : notre solde extérieur bénéficie d’un « effet base » favorable. Cet « effet base » explique aussi que,malgré une croissance sensiblement plus forte des importations que des exportations, la contribution de l’extérieur àla croissance reste quasiment nulle en 1998 et en 1999.

Page 118: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

109

3. La demande intérieure tire désormais la croissanceLa consommation des ménages retrouverait en 1998 (+ 3,1 %) et 1999 (+ 2,7 %) un dyna-

misme qu'elle n'avait pas connu depuis la fin des années 1980. De nombreux facteurs y contri-bueraient : l'amélioration du marché du travail qui soutient le pouvoir d'achat du revenu et favo-rise la décrue de l'épargne de précaution ; le ralentissement des prix qui diminue le besoin dereconstitution des encaisses réelles ; le bas niveau des taux d'intérêt qui déplace l'arbitrageconsommation-épargne en faveur de la consommation ; enfin, le retour à la normale des imma-triculations automobiles, qui fait suite à une phase d'atonie provoquée par la suppression du dis-positif de "prime qualité" automobile.

Après deux années de baisse, l'investissement en logement des ménages devrait profiterlui aussi de ce contexte très favorable pour se stabiliser en 1998 et repartir à la hausse en 1999.

Du côté des entreprises, le mouvement de reconstitution des stocks entamé au début de1997 devrait s'infléchir progressivement, en raison de la détérioration des perspectives de prix,mais le rebond de l'investissement amorcé à la fin de 1997 devrait s'amplifier. Après avoir stagnéen 1997, l'investissement progresserait de 5,7 % en 1998 comme en 1999. En effet, la forteremontée, déjà constatée, du taux d'utilisation des capacités de production rend nécessaire lareconstitution du stock de capital. Confortées par la vigueur des débouchés domestiques et euro-péens, des taux d'intérêts modérés et une rentabilité revenue à son niveau de la fin des années1980, les entreprises s'attacheraient à moderniser et développer leur appareil de production.

4. La croissance de l'activité, forte en 1998, ne s'affaiblirait que légèrement en 1999Le relais pris par la demande intérieure, au moment où les exportations s'essoufflaient,

devrait en définitive permettre à la croissance de rester soutenue en 1998 et 1999.

En moyenne annuelle, la croissance serait maximale en 1998 (à + 3,1 %, après + 2,2 % en1997) et décélérerait quelque peu à + 2,7 %, en 1999.

La croissance potentielle, c'est-à-dire la croissance que peut soutenir durablement l'éco-nomie sans générer de tensions inflationnistes, est estimée à environ 2,25 % aujourd'hui pour laFrance. La croissance du PIB excéderait donc ce rythme potentiel en 1998 et 1999, mais sansentraîner pour autant de tensions inflationnistes, en raison de l'important retard de demande dontsouffrait l'économie française au début de la reprise. Au cours de la période 1998-1999, il y auraitsimplement rattrapage, à hauteur d'environ 1,5 point de PIB, d'une partie du terrain perdu parl'économie française au début des années 1990.

5. L'amélioration du marché du travail se poursuivrait à un rythmesoutenuLe rythme des créations nettes d'emploi s'est nettement redressé depuis un an. Dans le

secteur marchand, l'emploi a progressé de 60 000 au premier semestre de 1997, 100 000 ausecond semestre de 1997 et 165 000 au premier semestre de 1998.

La progression des effectifs devrait se poursuivre à un rythme soutenu : en 1998 commeen 1999, 230 000 emplois seraient ainsi crées en moyenne annuelle dans le secteur marchand(après 70 000 en 1997) et 300 000 emplois dans l'ensemble de l'économie.

Ces créations résultent en premier lieu du rythme élevé de la croissance. Elles tiennent aussià l'enrichissement de cette croissance en emplois. Depuis le début des années 1990, l'abaissementdu prélèvement pesant sur les bas salaires et la diminution de la durée du travail liée au déve-loppement du temps partiel ont en effet permis un enrichissement notable de la croissance enemplois : il suffit désormais d'une croissance stabilisée à 1,5 % pour commencer à créer des

Page 119: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

110

emplois, alors que ce seuil était supérieur à 2 % l'an au cours des années quatre-vingt.

Le passage aux 35 heures dès 1999 dans de nombreuses entreprises devrait accentuercette tendance, contribuant à la création de près de 60 000 emplois en moyenne annuelle en1999 (environ 100 000 en fin d'année). Par ailleurs, l'action du gouvernement en faveur de l'in-sertion des publics les plus fragiles vis-à-vis du chômage (emplois-jeunes ; contrats de formationen alternance ; contrats d'emplois consolidés) devrait se traduire par la création de 50 000 emploissupplémentaires en 1998 et 70 000 en 1999.

6. La hausse des prix resterait inférieure à 1,5 %Mesurée par le glissement annuel de l'indice des prix de détail, l'inflation s'est repliée de

près d'un point entre la fin 1996 et juillet 1998, passant de 1,7 % à 0,8 %.

La faiblesse actuelle des hausses de prix est certes imputable pour une part à la baisse duprix des matières premières enregistrée depuis un an, en liaison avec la chute de la demandedes pays de l'Asie en crise. Elle résulte aussi de l'absence de tensions sur le marché du travail etsur les marchés des biens.

Avec le rebond attendu du prix du pétrole et la remontée sensible du taux d'utilisation descapacités de production, l'inflation pourrait remonter progressivement d'ici la fin de 1999. Cetteremontée serait toutefois limitée par la persistance d'un certain déficit de demande et par la pres-sion que devrait continuer d'exercer la crise asiatique sur les prix mondiaux. Le glissement annueldes prix approcherait ainsi 1,0 % en 1998 et 1,3 % en 1999 (1,2 % hors tabac).

Page 120: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

111

7. fiches

La consommation des ménages

La reprise de la consommation des ménages devrait contribuer fortement à la pro-gression de l'activité au cours des années 1998 et 1999 (à hauteur de 1,9 % en 1998 et 1,6 %en 1999). Entamée depuis le milieu de l'année 1997, confirmée par les enquêtes les plus récentes,cette reprise devrait en effet atteindre une ampleur inconnue depuis la fin de la décennie précé-dente. La croissance de la consommation s'établirait ainsi à 3,1 % pour l'année 1998 et à 2,7 %pour l'année 1999 (cf. graphique 1).

En 1997 la consommation n'avait progressé que faiblement (+ 0,7 %). L'accélération dupouvoir d'achat du revenu (de + 0,4 % en 1996 à + 2,2 % en 1997) s'était en effet accompagnéed'une forte remontée du taux d'épargne. Il est certes habituel d'observer une hausse du tauxd'épargne en phase d'accélération du revenu. Au début de 1997, la hausse des taux d'épargne estcependant allée au-delà de ce comportement habituel de lissage des fluctuations du revenu : lasortie du dispositif de " prime qualité " automobile a en effet provoqué une forte chute des imma-triculations de voitures neuves au dernier trimestre de 1996 (– 26 %) et à nouveau au premiersemestre 1997 (– 16 %).

En 1998 et 1999 trois facteurs principaux devraient permettre une reprise vigoureusede la consommation :

– le pouvoir d'achat du revenu des ménages progresserait de façon soutenue sur lapériode de prévision (avec une croissance de 2,8 % en 1998 puis de 2,5 % en 1999). Cedynamisme du revenu serait essentiellement celui de la masse salariale, lui-même alimenté parle redémarrage des créations d'emploi : les effectifs salariés du secteur marchand progresseraientde 1,8 % en 1998 et de 1999, après avoir pratiquement stagné en 1997 (+ 0,4 %).

– l'orientation plus favorable du marché du travail inciterait les ménages à puiser dansl'épargne de précaution qu'ils s'étaient constituée lorsque la situation de l'emploi se détériorait. Ladiminution de cette épargne de précaution contribuerait ainsi pour 1/2 point environ à la baissedu taux d'épargne entre 1997 et 1999.

– enfin, après une année 1997 dégradée, le retour à la normale du marché automobile(cf. graphique 2) devrait stimuler la consommation totale des ménages en 1998, de 0,2 %environ.

La croissance de la consommation serait légèrement moins forte en 1999 en raison dela décélération du pouvoir d'achat du revenu disponible et de l'achèvement de la "phase de rat-trapage" du marché automobile.

Au total, le taux d'épargne des ménages devrait baisser légèrement en 1998 et 1999,passant de 14,6 % en 1997 à 14,3 % en 1998 et 14,1 % en 1999. À la fin de 1999, le tauxd'épargne des ménages, inhabituellement élevé en 1997 au vu de ses déterminants principauxque sont le pouvoir d'achat du revenu, l'inflation et les taux d'intérêt réels, serait de nouveau enligne avec ces déterminants (cf. graphique 3).

1997 1998 1999

Revenu Disponible Brut + 2,2 % + 2,8 % + 2,5 %

Taux d'épargne 14,6 % 14,3 % 14,1 %

Consommation + 0,7 % + 3,1 % + 2,7 %

Page 121: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

112

Croissance de la consommationet contribution à la croissance du PIB

Source : INSEE, Direction de la Prévision

Immatriculations automobiles

Source : INSEE, Direction de la Prévision

Le surplomb d’épargne apparu au milieu des années 90 serait résorbé à l’horizon de la projection

Source : INSEE, Direction de la Prévision

12,00%

12,50%

13,00%

13,50%

14,00%

14,50%

15,00%

15,50%

1993Q2 1994Q2 1995Q2 1996Q2 1997Q2 1998Q2 1999Q2

Taux d'épargne observé (prolongé par la prévision) corrigé des effets de la prime automobileTaux d'épargne simulé à partir de 1982

prévision

La comparaison entre le tauxd'épargne observé, corrigé des effets de laprime automobile, et le taux d'épargneattendu au vu de l'évolution du revenu, del'inflation et des taux d'intérêt, fait appa-raître un " surplomb " important à partir de1996. La résorption de ce surcroîtd'épargne, entamée à la fin de 1997, pour-rait être quasiment achevé à la fin de1999.

350 000

400 000

450 000

500 000

550 000

600 000

650 000

85t1 87t1 89t1 91t1 93t1 95t1 97t1 99t1

Évaluation tendancielle estimée des immatriculations hors dispositif de primes

Immatriculations automobiles (prolongées par la prévision)

Prévision

En raison de la sortie du dispositif deprimes, le marché automobile a subi uneforte récession en 1997. Le retour pro-gressif à la normale devrait se traduire parune forte augmentation des immatricula-tions en 1998 (de plus de 10 %), quiapporterait un soutien notable à laconsommation totale des ménages.

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

3,5

4

4,5

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Contribution de la consommation des ménages à la croissance

Croissance de la consommation

Prévision

Après une longue période d'atonie,la consommation retrouverait en 1998et 1999 un dynamisme proche de celui dela fin des années quatre-vingt. Elle contri-buerait fortement à la reprise de l'activité.

Page 122: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

113

L'investissement des entreprises

L'investissement des entreprises devrait connaître en 1998 et 1999 un redémarragesoutenu : il progresserait de 5,7 % chacune des deux années, après avoir stagné en 1997 (-0,1 %).

Désormais bien engagée, la reprise de l'investissement avait été régulièrement repous-sée au cours des trois dernières années par des entreprises dont les anticipations dedemande étaient restées médiocres. L'absence de tensions sur les capacités de production acertes pesé sur les décisions d'équipement des entreprises. Elle ne suffit toutefois pas à expli-quer l'atonie persistante de l’investissement, qui était resté, jusqu'au milieu de l'année 1997, par-ticulièrement faible au regard des perspectives de demande des entreprises et de leur bonnesanté financière (taux d'autofinancement supérieurs à 100 %, détente des conditions moné-taires...). Le retard d'investissement par rapport à ce qu'auraient impliqué les évolutions de lademande et du profit était encore de l'ordre de 10 % début 1997 (cf. graphique 1).

Cette atonie de l'investissement s'est accompagnée, semble-t-il, d'une utilisation ducapital installé plus efficace que par le passé : la faiblesse de l'investissement, dans un contexteoù la demande repartait progressivement, ne s'est en effet pas traduite par des tensions sur lescapacités de production aussi fortes que celles auxquelles on aurait pu s'attendre. Grâce en par-ticulier à l'allongement de la durée d'utilisation des équipements, la productivité du capital utilisé1

s'élève en effet continûment depuis 1993, alors qu'elle baissait régulièrement depuis le milieudes années 1970 (cf. graphique 2). Ainsi, en 1997, le taux d'utilisation des capacités de produc-tion n'a-t-il augmenté que d'un point et demi environ, alors que la production augmentait de6,5 % : sur la base de la tendance à la baisse de la productivité du capital observée entre 1974et 1993, la hausse du taux d'utilisation aurait dû atteindre cinq points.

De nombreux éléments confortent le diagnostic d'une reprise durable et soutenuede l'investissement, amorcée depuis le milieu de l'année 1997 :

– les informations conjoncturelles disponibles (enquête sur les investissements dansl'industrie d'avril 1998, anticipation de la demande adressée à la branche des biens d'équipementprofessionnels telle qu'elle ressort de l'enquête mensuelle de juillet dans l'industrie, enquêtebimestrielle dans le commerce de gros) vont actuellement toutes dans ce sens (cf. graphique 3).

– plusieurs déterminants fondamentaux de l'investissement sont orientés favorable-ment : dynamisme de l'activité, niveaux élevés de la profitabilité et de la solvabilité des entre-prises, taux d'autofinancement supérieur à 100 %.

– la forte remontée du taux d'utilisation des capacités depuis le début de 1998 (au-dessus de 86 %) rend nécessaire la reconstitution du stock de capital : même sous l'hypo-thèse d'une poursuite du redressement de la productivité tendancielle du capital, des tensions surl'appareil de production devraient commencer à se manifester.

Le redémarrage de l'investissement devrait également concerner le secteur du BTP,particulièrement touché ces dernières années, puisque le recul de l'investissement y a atteint18 % entre 1992 et 1997. La reprise serait néanmoins beaucoup plus progressive dans ce sec-teur : la progression de l'investissement ne serait que de 0,3 % en 1998 et de 2,0 % en 1999.

1 Définie comme la productivité apparente du capital corrigée de son taux d’utilisation.

Page 123: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

114

Le retard d’investissement accumulé depuis le milieudes années 90

Source : INSEE, Direction de la Prévision

Productivité apparente du capital utilisédans l’industrie manufacturière

Source : INSEE, Direction de la Prévision

Le dynamisme de la demande intérieure en biensd’équipement professionnel permet de compenser la

chute de la demande étrangère

Ces soldes sont issus de l'enquête bimestrielle dans le commerce de gros.Le sigle B03 désigne le troisième bimestre (mai-juin) de l'année.

Source : INSEE, Direction de la Prévision

-55

-45

-35

-25

-15

-5

5

15

25

1983

B03

1984

B03

1985

B03

1986

B03

1987

B03

1988

B03

1989

B03

1990

B03

1991

B03

1992

B03

1993

B03

1994

B03

1995

B03

1996

B03

1997

B03

1998

B03

Solde d’opinions relatif aux intentions de commande de biens d’équipement professionnel

Solde d’opinions relatif au volume des ventes à l’étranger de biens d’équipement professionnel

Dernier point : mai-juin 1998

La bonne tenue des intentions decommande en biens d'équipement profes-sionnel laisse augurer d'une grandevigueur de l'investissement dans les moisà venir.

0,45

0,5

0,55

0,6

1970 1994 199719911988198519821973 1976 1979

La remontée, depuis 1993, de laproductivité apparente du capital utilisédans l'industrie manufacturière suggèreque les entreprises utilisent aujourd'huileur stock de capital plus efficacement quepar le passé.

40 000

45 000

50 000

55 000

60 000

65 000

70 000

75 000

80 000

85 000

90 000

81 82 83 84 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99

Investissement observé prolongé par la prévisionInvestissement cohérent avec les évolutions de la demande et du profit

Prévision

En MF 80La reprise de l'investissement inter-vient après une longue période d'atonie,durant laquelle l'investissement des entre-prises a été décevant au regard de sesprincipaux déterminants : anticipations dedemande et taux de profit.

Page 124: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

115

Les échanges extérieursEn 1997, le solde des échanges extérieurs de la France a atteint le niveau exceptionnel

de 170 MF. Nos performances commerciales ont profité de la conjonction de plusieurs facteurs :

– la demande adressée à la France a retrouvé le dynamisme qui était le sien en 1995 (avecune progression d'environ 9 % en volume) du fait de la bonne conjoncture des pays anglo-saxonset de la croissance des pays émergents, notamment ceux de l'Asie du sud-est avant la crise ;

– les fortes opérations à l'exportation se sont multipliées tout au long de l'année, contribuantlargement à la croissance de nos ventes de produits industriels. Les ventes d'Airbus ont notammentconnu une très forte progression ;

– l'appréciation du dollar et de la livre depuis l'été 1996 et la bonne maîtrise de leurs coûtssalariaux ont permis aux exportateurs français de gagner en compétitivité.

En 1998 et 1999, la crise asiatique affectera notre commerce extérieur. La chute de nosdébouchés vers l'Asie (nos exportations vers l'Asie hors Japon ont perdu 26 %, mesurées en valeur,au premier semestre 1998 par rapport au second semestre 1997), pèsera sur notre demande exté-rieure, ainsi que le ralentissement des économies anglo-saxonnes. Compte tenu de leur faible poidsdans notre demande extérieure (à peine 10 %), le ralentissement des autres économies émergentespèsera en revanche peu. La croissance de la demande mondiale de produits manufacturés adres-sée à la France, estimée à + 9,4 % en 1997, régresserait ainsi à + 7,3 % en 1998 et + 5,4 % en 1999.

Les dépréciations monétaires confèrent, en outre, aux pays asiatiques des avantages com-pétitifs dont l'ampleur exacte dépendra de leur capacité à maîtriser la hausse de leurs coûts de pro-duction et à surmonter leurs difficultés de financement. Ces gains de compétitivité-prix pourraientleur permettre de nous concurrencer un peu plus durement sur certains marchés, y compris enFrance.

Notre excédent commercial devrait donc simplement se stabiliser en 1998, avant dese réduire légèrement en 1999. L'excédent agro-alimentaire devrait se stabiliser. La facture éner-gétique s'allégerait en 1998, puis s'alourdirait de nouveau, modérément, en 1999, sous l'effet de laremontée attendue des cours du pétrole. L'excédent industriel diminuerait légèrement : nos impor-tations, soutenues par une forte demande intérieure, progresseraient un peu plus vite que nosexportations. Les effets de la compétitivité-prix seraient quant à eux moins favorables qu'en 1997.Enfin, la contribution des grandes opérations à l'exportation serait nulle, voire négative dans lamesure où les pays asiatiques ont, depuis quelques mois, ralenti leurs signatures de grands contratsavec la France.

L'évolution du solde des transactions courantes ne devrait pas trop s'écarter de celle dusolde courant. La nouvelle progression des revenus des investissements à l'étranger compenseraitla hausse des transferts courants vers l'étranger et le tassement de l'excédent dégagé par noséchanges de services :

– après une très forte croissance en 1997, les échanges de services seraient moins dyna-miques en 1998 et 1999. Les services liés au commerce extérieur, notamment le transport,suivraient en cela l'évolution des flux commerciaux. En outre, après une année exceptionnelle liéeà la hausse du pouvoir d'achat de nos partenaires et à l'appréciation de la livre et du dollar, lesrecettes touristiques évolueraient plus modérément ; nos dépenses touristiques seraient à l'inversesoutenues par la progression du revenu des ménages français ;

– après une baisse prononcée en 1996, les revenus nets d'investissement ont rebondi en1997 : ils sont positifs pour la première fois depuis 1990. L'accumulation d'excédents courantsdepuis quelques années devrait soutenir les revenus d'investissement au cours des deux prochainesannées ;

– si le solde des transferts courants s'était redressé en 1996 du fait des transferts nets avecl'Union européenne (subventions liées à la crise de la vache folle, poursuite de la réforme de laPAC), il se creuse régulièrement depuis. Cette tendance structurelle est liée à l'augmentation desversements de la France indexés sur le PNB.

Page 125: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

116

Compétitivité-prix des produits français

Base 100 = 1995 ; changes figés en juillet 1998Source : INSEE, Direction de la Prévision

Échanges de marchandises (MdF)

Source : Douanes, Direction de la Prévision

La balance des transactions courantes (MdF)

En 1997, le solde courant de laFrance a fortement progressé du fait d'unenouvelle amélioration de l'excédent desbiens et services et de l'inversion des fluxde revenus d'investissement. Compte tenude l'importance des investissements fran-çais à l'étranger, ces flux resteraient dyna-miques en 1998 et 1999. Toutefois, unenouvelle augmentation des transferts netsversés par des administrations publiqueslimiterait le niveau du solde courant aucours des deux prochaines années.

1000

2000

1900

1100

1200

1300

1400

1500

1600

1700

1800

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 19990

+20

+40

+60

+80

+100

+120

+140

+160

+200

+180Solde FAB-FAB Exportations FAB Importations FAB

Après une forte augmentation en1997, l'excédent de nos échanges de mar-chandises resterait globalement stableen 1998 et 1999 : son niveau resterait voi-sin de 170 MdF (FAB-FAB). Le tassementdu solde industriel serait compensé parune réduction de la facture énergétique en1998.

Le taux de change effectif nominal résulte des évolutions de la parité du franc par rapport àla majorité des monnaies de nos concurrents. Le taux de change effectif réel prend encompte le différentiel d'inflation entre la France et nos partenaires (l'écart nous est favorable entermes de compétitivité). Les indicateurs de compétitivité comparent nos coûts salariauxunitaires ou nos prix à ceux de nos principaux partenaires industrialisés (Allemagne, Belgique-Luxembourg, Espagne, États-Unis, Italie, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni). Une hausse de cesdifférents indicateurs correspond à une amélioration de la compétitivité.

97

99

101

103

105

107

109

1995T1 1996T1 1997T1 1998T1 1999T1

Taux de change nominal par rapport à 42 paysTaux de change réel par rapport à 42 paysCompétitivité-prix par rapport au G8Compétitivité-coûts par rapport au G8

En 1997, un contexte monétairefavorable (appréciation du dollar et de lalivre notamment) et une progression descoûts salariaux modérée ont permis auxexportateurs français d'accumuler desgains de compétitivité-prix. En revancheles gains de compétitivité-prix devraientêtre limités en 1998 et 1999 : les coûtssalariaux unitaires resteraient contenus,mais les dépréciations des monnaies asia-tiques devraient peser sur la compétitivité-prix des produits français.

1996 1997 1998 1999Biens + 76,5 + 164,3 + 193 + 175

Agro-alimentaire + 56,2 + 68,2 + 68 + 69Énergie - 77,1 - 83,6 - 64 - 76

Industrie + 87,9 + 166,6 + 168 + 157Services + 77,3 + 102,6 + 90 + 93

Voyages + 54,3 + 166,6 + 69 + 72Biens et services + 159,8 + 266,9 + 283 + 268

Revenus - 10,0 + 19,2 + 29 + 31Revenus d’investissement - 20,7 + 8,3 + 18 + 19

Transferts courants - 44,8 - 56,0 - 65 - 70Secteur des administrations

publiques - 40,3 - 46,8 - 54 - 58

Transactions courantes + 105,0 + 230,1 + 247 + 229

Source : MEFI, Banque de France - Direction de la Prévision

Page 126: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

117

L'inflation

L'inflation resterait très modérée en 1998 et 1999 (cf. graphique 1). Le glissement annuelévoluerait peu au deuxième semestre 1998 et serait proche de 1 % en fin d'année. Il augmente-rait ensuite légèrement en 1999 à 1,3 %, tabac compris, dans un contexte de remontée des prixdes matières premières.

Au stade de la production, la baisse des prix mondiaux de l'énergie (cf. graphique 2) etdes matières premières a interrompu le léger mouvement de reprise des prix industriels amorcéau printemps de l'année dernière. Le jugement des industriels sur les prix s'est ainsi nettementdégradé en début d'année 1998. À partir du second semestre 1998, les prix de production com-menceraient à se redresser, dans un contexte de remontée des prix importés et de moindre effortde marge des industriels en phase d'accélération de l'activité.

En 1999, outre l'évolution des prix de l'énergie, plusieurs facteurs joueraient dans le sensd'une hausse des prix de production : dans un contexte de demande intérieure toujours vigou-reuse, le taux d'utilisation des capacités de production pourrait atteindre des niveaux relative-ment élevés (cf. graphique 3), alors que les gains de productivité décéléreraient légèrement danscette phase de maturation de la reprise. Au total, les prix de production manufacturés sur le mar-ché intérieur accéléreraient d'un demi-point en 1999, après un peu plus d'un point en 1998. Leurrythme de progression resterait toutefois contenu à environ 1,5 %.

Cette accélération des prix à la production ne se retrouverait que partiellement dans lesprix de vente, sous l'hypothèse que les distributeurs et détaillants compriment leurs marges en1999, comme par le passé lorsque leurs prix d'achat s'élèvent.

Du côté des services privés, on devrait observer une légère accélération (d'environ undemi-point) des prix au cours des deux années, liée à des gains de productivité en décélérationet à des hausses de salaires un peu plus vives. Cet effet serait cependant atténué par des com-portement de marges resserrées dans certains secteurs notamment dans la réparation automobile,dans un contexte d'intensification de la concurrence.

Les prix de l'énergie baisseraient sensiblement en 1998 du fait de la baisse marquée duprix du pétrole. Ils demeureraient stables en 1999, les distributeurs comprimant leurs margesaprès les avoir desserrées en période de baisse du prix du baril. La chute du prix du pétrole en1998 trouve, pour une part, son origine dans une situation d'excès d'offre lié notamment audépassement des quotas de production de l'OPEP. La demande, est elle-même orientée à labaisse en raison notamment de la crise asiatique. En 1999, sous l'hypothèse du respect des quo-tas de production par les pays de l'OPEP, le prix du baril pourrait repartir à la hausse pour atteindredes niveaux plus conformes au prix d'équilibre de moyen terme.

Page 127: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

118

Évolution des prix à la consommation (glissements annuels)

Source : Douanes, Direction de la Prévision

Prix du baril de pétrole (dollars par baril)

Taux d’utilisation des capacités de productiondans la branche manufactrurière

Source : Douanes, Direction de la Prévision

78

80

82

84

86

88

90

janv-90 juil-91 janv-93 juil-94 janv-96 juil-97 janv-99

78

80

82

84

86

88

90

En % En %

Moyenne sur la période 76-97 (84.5%)

Prévision(à partir de 1998.3)

Le taux d'utilisation des capacités deproduction se redresserait continûment en1998, puis 1999. L'évolution ici retracéesuppose que la productivité du capitalcroît à un rythme de 0,9 % par an.

12

14

16

18

20

22

24

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Prévisions

Le prix du pétrole baisse fortementen 1998, du fait de la faiblesse de lademande liée à la crise asiatique et deniveaux records de production. En 1999, ilrepartirait légèrement à la hausse pouratteindre des niveaux plus conformes à satendance de long terme.

0,0

2,0

4,0

6,0

8,0

10,0

12,0

14,0

16,0En %

1975

1980

1985

1990

1995

1996

1997

1998

1999

1970

L'inflation resterait stable à près de1 % en glissement annuel en 1998, puiss'élèverait légèrement en 1999 pourapprocher 1,3 %.

Page 128: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

119

La formation du revenu des ménages

Après s'être fortement redressé en 1997 (croissance de 2,2 % après 0,4 % en 1996), lepouvoir d'achat du revenu continuerait d'accélérer en 1998 (+ 2,8 %) avant de ralentir légère-ment en 1999 (+ 2,5 %).

Le dynamisme du revenu reflète pour l'essentiel celui des revenus d'activité : le pouvoird'achat des revenus d'activité croîtrait de 3,0 % en 1998 et de 2,9 % en 1999, après 1,6 % en1997, rythme de croissance inconnu depuis le début de la décennie. À l'inverse, les transfertssociaux cesseraient de soutenir le revenu : le dynamisme de la masse salariale entretiendrait celuides cotisations, tandis que les prestations enregistreraient une croissance plus modérée, sousl'effet de la maîtrise des dépenses de santé et du repli des dépenses d'indemnisation du chômage.

– Les revenus salariaux sont tirés par l'amélioration de l'emploi à l'œuvre depuis la fin 1997 :300 000 emplois devraient être créés en moyenne annuelle en 1998 et en 1999, contre 70 000seulement en 1997.

– Le pouvoir d'achat du salaire par tête croîtrait à un rythme soutenu en 1998 (+1,3 %), net-tement supérieur à celui qu'il avait connu entre 1993 et 1996, mais en léger ralentissement parrapport à 1997 (+1,6 %). Les gains de pouvoir d'achat constatés en 1997 sont en effet pour unepart, imputables à l'ampleur inattendue de la désinflation : les salaires ont été négociés sur labase d'anticipations d'inflation nettement supérieures à l'inflation effectivement constatée ex post.Cet effet ne jouerait plus en 1998. Une certaine modération devrait intervenir en 1999 (+ 1,2 %),sous l'effet de la mise en place de la réduction du temps de travail. Celle-ci s'accompagneraitd'un partage de la masse salariale favorable à l'emploi, et un peu moins favorable au salaire men-suel. En termes de salaire horaire, en revanche, une légère amélioration devrait être enregistrée.

Les revenus des entrepreneurs individuels (inclus en comptabilité nationale dansl'Excédent Brut d'Exploitation des Ménages) bénéficient de la reprise de l'activité.

Enfin, les revenus financiers avant impôts pourraient rester dynamiques. Sous l'effet del'élévation du taux d'épargne économique et de la faiblesse de l'investissement en logements, larichesse nette des ménages s'est sensiblement accrue ces dernières années, ce qui, malgré lafaiblesse actuelle des taux d'intérêt, pousse à la hausse les revenus financiers des ménages.

Page 129: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

120

Évolution du pouvoir d’achat

Source : INSEE, Direction de la Prévision

Évolution en termes réels* du revenu disponible des ménages(en moyenne annuelle en %)

Taux de croissance annuel Contrib. croissance du RDB1995 1996 1997 1998 1999 1995 1996 1997 1998 1999

2,2 0,9 1,6 3,0 2,9 Revenus d'activité 1,7 0,7 1,3 2,4 2,3dont :

2,1 1,0 1,7 3,0 2,7 Salaires bruts 1,1 0,5 0,9 1,6 1,42,4 0,6 1,5 3,2 3,2 EBE des ménages (y compris EI) 0,6 0,1 0,4 0,8 0,8

Transferts nets 0,1 -0,3 0,3 -0,2 -0,3dont :

1,7 1,7 2,0 2,1 1,2 Prestations sociales 0,6 0,6 0,7 0,8 0,42,4 4,1 1,7 4,3 3,1 Impôts et cotisations -0,5 -0,9 -0,4 -1,0 -0,7

dont :2,5 3,4 -3,5 -20,8 0,9 Cotisations sociales -0,3 -0,4 0,4 2,4 -0,12,3 5,0 7,6 29,5 4,5 Impôts y compris CSG et RDS -0,2 -0,5 -0,8 -3,3 -0,611,5 1,0 8,1 7,2 6,6 Intérêts, dividendes et div. nets 0,8 0,1 0,6 0,6 0,62,6 0,4 2,2 2,8 2,5 Revenu disponible brut 2,6 0,4 2,2 2,8 2,5

* calculé en utilisant le déflateur de la consommation des ménages dans les comptes aux prix de l'année précédente.Source : INSEE, DP.

Évolution du taux de salaire horaire et du salaire moyen par tête(entreprises non financières non agricoles)

(en moyenne annuelle en %)

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999Taux de salaire horaire en valeur 4,4 3,3 2,5 2,5 2,6 2,7 2,3 2,8Salaire moyen par tête :- en valeur 4,0 2,8 2,5 2,3 2,6 2,8 2,2 2,5- en pouvoir d'achat 1,5 0,5 0,4 0,6 0,6 1,6 1,3 1,2

Source : INSEE, DP.

– 1,5

– 1,0

– 0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

4,0

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

revenu masse salariale

Page 130: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

121

La situation financière des sociétés

Dans un contexte de taux d'intérêt modérés et de décrue du chômage, la maturationde la reprise se traduirait par une stabilité remarquable du taux de marge sur la période deprévision après une nette amélioration en 1997 (cf. graphique 1).

En 1997, le redémarrage de l'activité a induit un rebond cyclique des gains de productivitépar tête, ceux-ci s'établissant à 2,7 %, soit un taux très supérieur à leur tendance (environ 1,5 %).Ce phénomène, habituel en période de reprise du fait des délais d'ajustement de l'emploi à lacroissance, explique la hausse très marquée du taux de marge l'année dernière (+ 1 point).

En 1998, le taux de marge se stabiliserait presque (+ 0,1 point). La nouvelle accélérationde l'activité se traduirait par des gains de productivité par tête encore un peu supérieurs à la ten-dance. Les salaires réels, dopés en 1997 par l'ampleur inattendue de la désinflation, ralentiraient.Les autres facteurs affectant le taux de marge se neutraliseraient cette année : les gains de termesde l'échange liés aux effets désinflationnistes de la crise asiatique seraient compensés par la baissedes subventions d'exploitation.

En 1999, le taux de marge diminuerait légèrement (- 0,2 point). La maturation de lareprise entraînerait un ralentissement des gains de productivité par tête dans un contexte decréation d'emplois toujours dynamique. La remontée attendue des prix de l'énergie induirait unelégère dégradation des termes de l'échange. Ces facteurs défavorables au taux de marge neseraient que partiellement compensés par l'allégement de la taxe professionnelle. Au total, danscette phase du cycle l'amélioration du taux de marge aura été moins prononcé que lors de lareprise de 1987-1989, ce qui traduit un dynamisme structurellement plus fort de la massesalariale.

Le niveau élevé de la profitabilité (graphique 2) et de la solvabilité (graphique 3) desentreprises est propice à une reprise de l'investissement.

– En 1998, la profitabilité des sociétés, c'est-à-dire l'écart entre la rentabilité du capital phy-sique et celle des placements financiers, progresserait pour la troisième année consécutive dufait de la baisse des taux d'intérêt réels à long terme. En 1999, malgré la stabilité des taux d'in-térêt, la profitabilité se replierait légèrement du fait d'un tassement de la rentabilité, habituel enphase de ralentissement de l'activité. Elle resterait toutefois à un niveau proche de celui observéà la fin des années 1980.

– Le désendettement et la baisse des taux d'intérêt permettent le desserrement descontraintes financières. Le mouvement de baisse des charges financières nettes devrait se pour-suivre en 1998, ce qui diminuerait encore le ratio d'insolvabilité des sociétés. Inversement, lareprise de l'endettement en 1999 entraînerait une légère remontée du taux d'insolvabilité.

Bien qu'en légère diminution, le taux d'autofinancement resterait très supérieur à 100 %(cf. graphique 4)

Du fait de la bonne tenue de l'épargne des entreprises, le taux d'autofinancement dessociétés devrait baisser légèrement en 1998 à près de 117 %. Le maintien d'un taux de crois-sance dynamique de l'investissement et, surtout, la stagnation de l'épargne du fait de la remon-tée des charges d'intérêt devraient entraîner une baisse sensible du taux d'autofinancement en1999, qui se replierait à environ 108 %, soit un niveau encore supérieur à celui observé à la fin desannées 1980.

Page 131: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

122

Taux de marge des SQS*

Source : INSEE, Direction de la Prévision*Excédent brut d'exploitation/valeur ajoutée

Profitabilité*

Source : INSEE, Direction de la Prévision

*Excédent net d'exploitation/valeur du stock de capital - taux d'intérêt réel à long terme

Ratio d’insolvabilité*

Source : INSEE, Direction de la Prévision*Intérêts nets/excédent brut d'exploitation

Taux d’autofinancement*

Source : INSEE, Direction de la Prévision*Epargne brute/FBCF

50

60

70

80

90

100

110

120En %

1971

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1972

Le taux d'autofinancement desentreprises devrait plafonner en 1998 à unniveau élevé (environ 117 %) avant derevenir à 108 % en 1999, soit un niveauencore supérieur à celui qui prévalait lorsde la reprise de 1987-89. Davantage quela remontée de l'investissement, (qui seraitencore modérée au regard de la reprise de1987-89), c'est le moindre dynamisme desprofits qui expliquerait cette évolution.

10,00

20,00

30,00

40,00

50,00

60,00

70,00

1971

1972

1973

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Le ratio d'insolvabilité continueraitde baisser en 1998 mais remonterait légè-rement en 1999 du fait de la reprise del'endettement des entreprises. Il resteraitnéanmoins à un niveau nettement inférieurà ceux atteints à la fin des années 1980.

1971

1973

1975

1977

1979

1981

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

0

2

4

6

8

10

12La profitabilité progresse depuis1996. En 1999, la légère baisse de la ren-tabilité, liée au dynamisme des rémunéra-tions, viendrait dégrader la profitabilité.Celle-ci se maintiendrait toutefois à unniveau élevé.

24

25

26

27

28

29

30

31

32

33 En %Après avoir baissé depuis le débutdes années 1990, le taux de marge seredresse assez nettement de 1996 à 1998.En 1999, il devrait diminuer légèrement,ce qui est un mouvement habituel enphase de consolidation de la reprise. Il res-terait à des niveaux comparables à ceuxqui prévalaient à la fin des années 1980.

Page 132: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

123

Le partage des fruits de la croissance

L'analyse des sources de la croissance conduit à séparer la part qui provient de lavariation de la quantité des facteurs mise en œuvre par les entreprises (capital et travail 1) decelle qui résulte de l'augmentation de l'efficacité des moyens de production. Cettedernière est appelée surplus de production ou encore augmentation de la productivité globaledes facteurs. Lorsqu'on en retire le prélèvement net opéré par le reste du monde, au travers desvariations des termes de l'échange, on obtient le surplus distribuable : il s'agit de la seule sourced'augmentation du pouvoir d'achat du salaire par tête et de la rémunération unitaire du capital.

La croissance se traduit par une accélération sensible de l'emploi et plus modérée ducapital. L'accélération de l'activité à partir de 1997 s'est en effet tout d'abord traduite par uneintensification de l'utilisation des facteurs de production, puis par une augmentation de la crois-sance du volume des facteurs de production, assez rapide en ce qui concerne le travail (la crois-sance attendue de l'emploi passant de 0,3 % en 1997 à 1,3 % en 1998 et 1,4 % en 1999), pluslente en ce qui concerne le stock de capital (+ 2,1 % en 1998 et + 2,4 % en 1999 après + 1,8 %en 1997). Au total, pondérée par le poids de chaque facteur dans la production, la croissanceglobale des facteurs de production devrait atteindre 1,9 % en 1998 et en 1999, après 1,0 % en1997.

En raison de l'inertie de l'ajustement des facteurs de production, l'accélération del'activité se traduirait en 1998, comme en 1997, par un surplus de productivité supérieur àsa tendance (+1,2 % pour une moyenne de +1,0 % depuis 1973). En 1999 en revanche, le ralen-tissement de l'activité et le développement de la réduction du temps de travail devraient amenerle surplus de productivité à + 0,8 %, en dessous de son niveau de moyenne période.

Les gains de termes de l'échange, favorables en 1997 (à hauteur de 0,2 point) leseraient encore en 1998, en raison de la baisse du prix des matières premières et deviendraienttrès légèrement défavorables en 1999, sous l'effet de la remontée attendue du prix du pétrole.Le surplus distribuable atteindrait ainsi 1,5 % en 1998, puis 0,8 % en 1999 après 1,3 % en 1997.

La progression du surplus distribuable bénéficierait, comme c'est généralement le casdans la phase d'accélération du cycle, en premier lieu au capital. La part du surplus affecté àla rémunération unitaire du capital, qui s'est accrue de 0,6 % en 1997, s'accroîtrait de 0,7 % en1998, puis ralentirait (+ 0,2 %) en 1999. Sur longue période, la rémunération par unité de capi-tal, égale au taux d'intérêt réel augmenté éventuellement d'une prime de risque, évolue peu. Àcourt terme en revanche, elle reproduit les fluctuations du surplus distribuable. La hausse de larémunération du capital qui devrait être enregistrée entre 1997 et 1999 est ainsi le reflet de l'aug-mentation cyclique de l'utilisation du capital ; elle compenserait la baisse, sensiblement équiva-lente, enregistrée entre 1990 et 1996 (- 1,4 %).

La progression du surplus de productivité bénéficierait aussi aux salariés. La part dusurplus affectée au pouvoir d'achat du salaire atteindrait 0,7 % en 1998, après 0,5 % en 1997, soitsa croissance la plus forte depuis 1992, puis 0,6 % en 1999, dans un contexte où la réduction dutemps de travail exercerait un effet modérateur sur le salaire par tête, et où les créations d’emploisseraient nombreuses.

1 En pratique, le PIB étant calculé comme la somme des valeurs ajoutées des différentes branches de l’économie et desimpôts à la production nets des subventions, il apparaît nécessaire d’introduire les services rendus par l’État parmis lesfacteurs de production. Cette complication, prise en compte au niveau des calculs effectués ici, sera ignorée dans lasuite de la présentation.

Page 133: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

124

Surplus de productivité et croissance

Source : INSEE, Direction de la Prévision

Surplus de productivité et surplus distribuable

Source : INSEE, Direction de la Prévision

Surplus distribuable et rémunération des facteurs de production

Source : INSEE, Direction de la Prévision

De la croissance du PIB à la rémunération des facteurs

(%) 1995 1996 1997 1998 1999

croissance du PIB 2,0 1,3 2,2 3,1 2,7

croissance du volume des facteurs 1,2 0,7 1,0 1,9 1,9

surplus de productivité 0,8 0,6 1,2 1,2 0,8

gain des termes de l'échange 0,0 – 0,2 0,2 0,2 – 0,2

surplus distribuable 0,8 0,4 1,4 1,4 0,6

rémunération du capital – 0,1 – 0,5 0,6 0,5 0,1

rémunération du travail 0,7 0,5 0,6 0,9 0,8

rémunération des APU 0,2 0,4 0,2 – 0,1 – 0,3Source : INSEE, Direction de la Prévision

– 2,00

– 1,00

0,00

1,00

2,00

3,00

4,00

19801981

19821983

19841985

19861987

19881989

19901991

19921993

19941995

19961997

19981999

surplus distribuable part de la rémunération du capital part de la rémunération du travail

La part du surplus qui échoit à larémunération du capital évolue en généralen phase avec l'activité. Elle se redressaitainsi en 1997 et ralentirait nettement en1999. La part du surplus qui échoit aupouvoir d'achat du salaire a une croissanceplus régulière. Celle-ci se redresserait en1998 et ralentirait légèrement en 1999.

– 2,00

– 1,00

0,00

1,00

2,00

3,00

4,00

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

surplus de productivité surplus distribuable

La part de la croissance (le surplusdistribuable) qui est effectivement dispo-nible pour la rémunération du salaire partête et la rémunération unitaire du capitalest égale au surplus de productivité,amputé ou augmenté des pertes ou gainsde terme de l'échange. Ceux-ci joueraientfavorablement en 1998, comme en 1997,et légèrement défavorablement en 1999.

- 2,00

- 1,00

0,00

1,00

2,00

3,00

4,00

5,00

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

surplus de productivité croissance du PIB

Le surplus de productivité est la partde la croissance qui n'est pas imputable àl'augmentation du volume des facteurs deproduction. Il est en moyenne plus faibleque la croissance. Il évolue en phase avecle cycle économique. Il se redresserait ainsien 1997 et refluerait légèrement en 1999.

Page 134: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

125

L'emploi

Les créations nettes d'emplois, au nombre de 70 000 en moyenne annuelle sur l'ensemblede l'économie en 1997, s'élèveraient à 300 000 environ par an en 1998 et 1999 ; elles seraientde 230 000 environ dans le secteur marchand en 1998 et 1999. L'emploi salarié marchand desentreprises non financières non agricoles, qui s'élèverait à plus de 13,3 millions fin 1999, a désor-mais dépassé son précédent point haut, atteint à la fin de 1990 (cf. graphique 1).

L'accélération de l'activité entre la mi-1996 et la mi-1997 s'est répercutée progressivementsur le marché du travail : l'emploi salarié du secteur marchand a ainsi crû de 60 000 au premiersemestre de 1997, 100 000 au second semestre 1997, puis 165 000 au premier semestre de1998.

Les gains de productivité du travail se sont accrus en 1997 dans le secteur marchand(+ 2,1 % contre + 1,2 % en 1996), mais reviendraient à partir de 1998 sur un rythme plus modéréde + 1,5 % en 1998 et, avant prise en compte de la RTT, de + 1,4 % en 1999 (1,0 % après priseen compte de la RTT).

À croissance donnée, les créations d'emplois sont aujourd'hui plus nombreuses quepar le passé : la croissance tendancielle (c'est-à-dire une fois gommée l'influence du cycle éco-nomique) de la productivité du travail n'est plus désormais que de 1,5 % environ dans le secteurmarchand, contre 2 % environ au cours des années 1980 (cf. graphique 1). Ces créations d'em-plois supplémentaires ont jusqu'ici trouvé leur origine dans l'abaissement du poids du prélève-ment pesant sur le travail peu qualifié et le développement du travail à temps partiel.

Le passage aux 35 heures dès 1999 dans de nombreuses entreprises devrait accentuerla tendance à l'enrichissement de la croissance en emplois, contribuant à la création de près de60 000 emplois marchands supplémentaires en moyenne en 1999 (environ 100 000 à la fin del'année).

Les créations d'emplois s'intensifieraient dans les services, tandis que l'industrie et le bâti-ment cesseraient de détruire des emplois.

L'action du gouvernement en faveur de l'insertion des publics les plus fragiles vis-à-vis du chômage (contrats aidés en direction des jeunes et des chômeurs de longue durée) devraitse traduire, en moyenne annuelle, par la création d'environ 50 000 emplois aidés supplémen-taires dans le secteur non marchand en 1998 et 90 000 en 1999, notamment avec le dévelop-pement du programme "nouveaux services - nouveaux emplois". Au total, l'emploi dans le sec-teur non marchand s'accroîtrait de 80 000 en 1998 et 93 000 en 1999 (cf. graphique 3).

La population active tendancielle, c'est-à-dire la population active qui serait observée sousle seul effet des tendances socio-démographiques, continue de croître à un rythme moyen del'ordre de 140 000 unités par an. En 1997, la population active réellement observée a été moinsdynamique, en raison notamment de la montée en charge de l'allocation parentale d'éducation etde la réforme des armées. Le chômage a commencé à baisser à partir de l'été 1997 : depuis unan, la baisse des demandes d'emploi de catégorie 1 se poursuit au rythme moyen de 12 500 chô-meurs en moins par mois. En 1998 et 1999, le maintien de créations d'emplois très dynamiquesdevrait permettre une poursuite de la baisse du chômage.

Page 135: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

126

Évolution de l'emploi (en moyenne annuelle et en milliers)

1997 1998 1999

– Emploi marchand salarié + 84 + 229 + 230

dont RTT + 2 + 54

– Emploi non marchand + 26 + 80 + 93

– Emploi non salarié – 39 – 28 – 23

– Emploi total + 69 + 282 + 300

Croissance du PIB et de l’emploi depuis 1961

Source : INSEE, Division Emploi et Direction de la Prévision

Évolution de l’emploi marchand depuis le début des années 1990

Source : INSEE, Division Emploi et Direction de la Prévision

Variation de l’emploi

Source : Direction de la Prévision

– 400

– 300

– 200

– 100

0

100

200

300

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Marchand Non marchand

Les créations d'emploi s'intensifie-raient en 1998 et 1999 dans le secteurmarchand et l'accroissement des effectifss'accentuerait dans le secteur non mar-chand, sous l'effet notamment de la poli-tique de l'emploi.

12 300

12 500

12 700

12 900

13 100

13 300

y.c. RTT

Hors RTT

Prév

isio

ns

(En m

illie

rs)

1990Q1

1990Q2

1991Q2

1991Q1

1992Q1

1992Q2

1993Q2

1993Q1

1994Q1

1994Q2

1995Q2

1995Q1

1996Q1

1996Q2

1997Q2

1997Q1

1998Q1

1998Q2

1999Q2

1999Q1

L'emploi marchand a désormaisdépassé son précédent point haut, atteintà la fin de 1990. L'amélioration de l'emploidevrait se poursuivre en 1998 et 1999,encore renforcée par l'effet de la réductiondu temps de travail.

– 2

1961

1962

1963

1964

1965

1966

1968

1967

1969

1970

1971

1972

1981

1982

1983

1979

1980

1978

1977

1984

1985

1986

1987

1988

1990

1991

1993

1992

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1989

1976

1975

1974

1973

0

1

2

3

4

5

6

7

8PIB Emploi

L'écart tendanciel entre la croissance de l'activité et celle de l'emploi est aujourd'hui plus faible que dans les

années 1970 et même dans les années 1980

En %Au-delà des fluctuations annuellesde l'activité et de l'emploi, on constatequ'à croissance de l'activité donnée, lacroissance de l'emploi est aujourd'hui plusforte que dans les années 1970 (et a for-tiori que dans les années 1960) et mêmeque dans les années 1980. C'est là le signed'une croissance plus riche en emplois.

Page 136: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

127

L'équilibre épargne-investissement

La capacité de financement de la Nation, devenue positive en 1992, s'est encore accrueen 1997, à la faveur de la hausse du taux d'épargne des ménages : elle atteint désormais 3,1 %du PIB. Elle devrait rester à un haut niveau en 1998 (+ 3,2 % du PIB) et se replier légèrement en1999 (+ 2,9 % du PIB). Ce repli traduit un effort accru d'investissement des entreprises et ladiminution de l'épargne des agents privés, alors que la désépargne publique continuerait de serésorber.

La capacité de financement des administrations publiques s'améliorerait en effetentre 1997 et 1999 : hors effet de la soulte France Telecom, l'amélioration serait de 1,2 point(+ 0,6 point en 1998 et + 0,6 point en 1999).

La capacité de financement des agents privés se replierait entre 1997 et 1999 : hors effetde la soulte France Telecom1, le recul serait de 1,5 point (– 0,4 point en 1998 et – 1,1 point en1999). La capacité de financement des agents privés resterait toutefois nettement supérieure àson niveau du début des années 90.

– Mesurée en points de PIB, l'épargne brute privée, stable en 1998 (– 0,1 point), dimi-nuerait en 1999 (– 0,5 point) ; le ralentissement attendu de la croissance pèse en effet à la fois surle taux d'épargne des ménages et sur le taux de marge (et donc le taux d'épargne) des sociétés.

– Le taux d'investissement augmenterait chaque année, sous l'effet de la forte reprise del'investissement productif ; le taux d'investissement des ménages, en baisse lente mais régulièredepuis le début des années 1990, se stabiliserait en 1999, grâce à l'amélioration du pouvoird'achat du revenu et à la baisse des taux d'intérêt à long terme.

1 Le versement de la soulte France Telecom en 1997 est retracé en comptabilité nationale en ressources desadministrations publiques et en emplois du secteur privé (ligne autres op en capitaux). Il concourt à dégrader de0,5 point de PIB la capacité de financement privée en 1997.

Page 137: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

128

Équilibre épargne-investissement(en % du PIB)

Source : INSEE, DP.

* En raison de la divergence entre comptabilité nationale et comptabilité européenne (correction pour coupons courus, hôpitaux

publics, crédit-bail et avances aéronautiques), la capacité de financement de la Nation n'est pas strictement égale à la somme de la

capacité de financement privée et de la capacité de financement des administrations publiques (calculée en comptabilité européenne).

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Épargne brute privée 19,6 20,3 20,7 21,4 21,6 20,1 20,9 20,8 20,3

dont :

Ménages 9,0 9,4 10,0 9,4 10,1 9,3 10,2 9,9 9,8

Sociétés hors GEN 8,2 7,9 8,0 8,6 8,7 8,3 8,5 8,6 8,2

Investissement privé 18,0 16,1 13,9 14,8 15,0 14,1 13,9 14,4 14,6

dont :

* FBCF 17,8 16,6 15,1 14,8 14,8 14,5 14,2 14,4 14,6

Ménages hors EI 5,4 5,1 4,7 4,6 4,6 4,5 4,5 4,3 4,3

Entreprises individuelles 1,4 1,2 1,1 1,1 1,1 1,1 1,1 1,1 1,2

Sociétés hors GEN 8,6 8,6 7,6 7,7 7,8 7,5 7,2 7,3 7,7

* Variations de stocks 0,2 – 0,5 – 1,2 0,1 0,2 – 0,4 – 0,3 0,0 0,1

+ Autres opérations en capital 0,0 0,0 0,3 0,0 0,2 0,1 – 0,3 0,2 0,1

= Capacité de financement privée 1,6 4,2 7,1 6,5 6,8 6,1 6,6 6,6 5,7

dont :

Ménages 3,3 4,4 5,4 4,9 5,6 4,7 5,5 5,3 5,1

Sociétés hors GEN – 1,3 – 0,8 1,3 0,6 0,9 1,3 1,7 1,3 0,5

+ Capacité de financement desAdministrations publiques – 2,2 – 3,8 – 5,7 – 5,8 – 4,9 – 4,1 – 3,0 – 2,9 – 2,3(en comptabilité européenne)

= Capacité de financementde la Nation* – 0,6 0,1 1,0 0,6 1,4 1,4 3,1 3,2 2,9

Page 138: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

129

ANNEXES

Tableau 1 - Évolution des ressources et emplois de biens et services (En milliards F et en indices)

* Pour le Produit Intérieur Brut Marchand :1996 indice de volume : 101.1

indice de prix : 101.31997 indice de volume : 102.4

indice de prix : 101.11998 indice de volume : 103,3

indice de prix : 101,21999 indice de volume : 102,8

indice de prix : 101,1

1996 1997 1998 1999

Valeur Indice Valeur Indice Valeur Indice Valeur Indice Valeur Indice Valeur Indice Valeur

aux de aux de aux de aux de aux de aux de aux

prix volume prix prix prix volume prix prix prix volume prix prix prix

courants n – 1 courants n – 1 courants n – 1 courants

Ressources

Produit Intérieur Brut 7 871,7 102,2 8 044,7 101,1 8 137,1 103,1 8 388,7 101,3 8 495,9 102,7 8 721,3 101,1 8 821,4

Importations 1 692,2 107,9 1 825,9 101,2 1 848,0 108,3 2 001,3 99,7 1 996,1 105,2 2 099,0 101,5 2 130,9

Total des ressources 9 563,9 103,2 9 870,6 101,2 9 985,1 104,1 10 390,0 101,0 10 492,0 103,1 10 820,3 101,2 10 952,3

Emplois

Consommation finaledes ménages 4 763,5 100,7 4 795,8 101,3 4 857,3 103,1 5 007,9 100,9 5 052,9 102,7 5 189,4 101,3 5 256,8

Consommation finaledes administrations 1 559,0 101,1 1 576,0 101,1 1 593,7 101,8 1 623,1 101,7 1 650,7 101,7 1 679,2 101,5 1 704,7

Formation brutede capital fixe 1 372,1 100,2 1 374,9 101,0 1 388,1 103,8 1 440,3 101,2 1 457,5 104,2 1 518,7 101,0 1 534,2

dont :

Sociétés et E.I. 765,6 99,9 764,7 99,9 763,6 105,7 807,3 101,2 816,9 105,7 863,2 101,0 872,1

Ménages hors E.I. 351,1 99,8 350,2 103,4 362,2 100,4 363,6 101,2 368,0 102,0 375,3 101,0 379,1

Administrations publiques 227,5 100,1 227,7 101,1 230,1 102,3 235,3 101,2 238,2 102,8 244,8 101,0 247,3

Administrations privées 5,1 101,7 5,1 101,3 5,2 102,3 5,3 101,2 5,4 102,8 5,5 101,0 5,6

Institutions de créditet assurances 22,9 118,8 27,2 99,4 27,0 106,3 28,7 101,2 29,1 102,8 29,9 101,0 30,2

Variations de stocks -28,3 -20,7 -22,5 2,2 2,2 6,1 6,1

Exportations 1 897,7 113,0 2 144,7 101,1 2 168,5 106,8 2 316,6 100,5 2 328,7 104,2 2 426,9 101,0 2v450,4

Total des emplois 9 563,9 103,2 9 870,6 101,2 9 985,1 104,1 10 390,0 101,0 10 492,0 103,1 10 820,3 101,2 10 952,3

dont :

Demande totalehors stocks 9 592,3 103,1 9 891,4 101,2 10 007,6 103,8 10 387,8 101,0 10 489,8 103,1 10 814,2 101,2 10 946,2

Demande intérieure totale 7 666,2 100,8 7 725,9 101,2 7 816,6 103,3 8 073,4 101,1 8 163,3 102,8 8 393,4 101,3 8 501,8

Demande intérieurehors stocks 7 694,6 100,7 7 746,7 101,2 7 839,1 103,0 8 071,2 101,1 8 161,2 102,8 8 387,3 101,3 8 495,8

Page 139: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

130

Tableau 2 - Contributions à la croissance du PIB(Taux de croissance annuel moyen en %)

Tableau 3 - Comptes des entreprises non financières(Taux de croissance en valeur)

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Contributions à la croissance du PIB(aux prix de l'année précédente)

Consommation des ménages 2,3 1,6 1,8 1,7 1,4 0,7 0,8 0,0 0,8 0,9 1,1 0,4 1,9 1,6

Consommation des administrations 0,3 0,5 0,6 0,1 0,4 0,5 0,6 0,6 0,2 0,0 0,5 0,2 0,4 0,3

Formation brute de capital fixe totale 0,9 0,9 1,9 1,6 0,6 0,0 -0,7 -1,4 0,2 0,4 -0,2 0,0 0,6 0,7

dont : Sociétés et EI 0,6 0,6 1,0 1,0 0,5 0,0 -0,2 -0,9 0,1 0,3 0,0 0,0 0,5 0,5

Variations de stocks 0,8 0,2 0,2 0,2 0,2 -0,7 -0,5 -1,0 1,3 0,4 -0,6 0,1 0,3 0,0

Commerce extérieur -1,9 -1,1 -0,3 0,4 -0,2 0,3 0,8 0,4 0,1 0,3 0,5 1,4 -0,1 -0,1

dont : Exportations -0,3 0,6 1,7 2,3 1,2 0,9 1,1 -0,3 1,4 1,3 1,3 3,1 1,8 1,2

Importations -1,6 -1,7 -2,0 -1,9 -1,4 -0,6 -0,3 0,7 -1,4 -1,0 -0,7 -1,7 -1,9 -1,2

PIB 2,4 2,2 4,3 3,9 2,4 0,8 1,0 -1,3 2,6 2,0 1,3 2,2 3,1 2,7

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Compte d’exploitation (ENF)

Emplois

Rémunération des salariés 4,4 4,7 6,1 6,8 7,3 4,4 2,9 0,3 1,9 3,9 3,1 2,6 4,0 4,2

dont : Salaires bruts 4,8 4,3 6,4 6,6 7,4 4,5 2,5 0,2 2,0 3,4 2,7 3,0 4,0 4,3

Cotisations sociales effectives 3,4 6,1 6,0 7,4 7,2 4,0 3,6 0,4 1,7 5,1 4,1 2,7 4,2 4,0

Impôts liés à la production et

à l'importation 8,4 5,9 7,0 5,4 8,4 2,9 3,7 5,3 9,1 3,3 5,2 4,2 3,3 0,6

Excédent brut d'exploitation 14,0 5,8 9,9 10,0 3,9 3,3 1,2 -1,1 2,5 3,5 0,8 4,2 4,1 3,1

Ressources

Valeur ajoutée 8,5 4,9 8,4 8,3 6,1 3,7 2,2 -0,3 2,7 3,6 1,8 3,3 4,1 3,6

Subventions d'exploitation 6,0 15,8 -12,1 -3,2 2,7 9,2 7,8 15,6 4,3 4,8 21,1 4,7 0,9 -1,9

Compte de revenu (SQS)

Emplois

Revenus de la propriété etde l'entreprise 2,0 5,7 7,0 18,9 12,0 10,6 9,5 4,8 -8,3 6,1 2,1 7,5 6,7 11,5

dont : intérêts effectifs -4,8 0,5 3,4 15,5 11,3 10,7 13,4 -1,2 -16,8 2,0 -7,2 -8,1 -5,7 5,6

Impôts courants sur le revenu

et le patrimoine 16,9 13,6 11,2 11,4 2,1 -10,1 -19,7 -1,7 17,0 13,9 5,0 15,5 3,7 4,2

Revenu disponible brut 35,8 11,3 24,7 2,7 -0,8 9,8 1,6 2,1 9,6 4,0 -2,0 5,4 4,6 -0,4

Ressources

Revenus de la propriété etde l'entreprise 9,8 7,6 23,6 26,7 15,9 24,7 13,5 15,5 -8,8 11,8 6,7 9,1 8,2 12,7

Excédent brut d'exploitation 18,7 9,2 14,0 8,6 2,9 5,6 1,4 0,4 3,1 4,2 0,9 5,6 4,6 2,7

Compte de capital

FBCF 9,4 10,6 13,2 10,5 7,5 4,1 0,9 -8,7 1,7 3,5 0,4 -0,2 7,1 6,6

Variation de stocks 7,4 23,5 44,5 53,9 54,7 26,5 -27,8 -76,6 10,6 19,5 -35,0 -22,0 1,4 5,6

Besoin de financement (1) -36,1 -62,2 -45,3 -91,5 -149,3 -96,0 -41,8 106,7 79,7 101,7 127,4 119,8 126,8 62,4

(1) En milliards de francs.

Page 140: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

131

Tableau 4 - Ratios caractéristiques des résultats d'entreprise

(Part dans la valeur ajoutée en %)

Tableau 5 - Augmentations semestrielles de l'indice des prix à la consommation

(en %)

* Nouvel indice des prix de détail concernant l'ensemble des ménages

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Rémunération des salaires

Entreprises non financières 53,2 53,1 52,0 51,3 51,9 52,2 52,6 52,9 52,5 52,6 53,2 52,9 52,8 53,1

Sociétés et Quasi-sociétés 62,6 62,0 60,2 59,7 60,4 60,4 60,7 60,3 59,6 59,6 60,2 59,7 59,6 59,9

Sociétes non agricoles (hors GEN) 63,5 63,0 60,8 60,2 61,0 61,3 61,6 61,1 60,2 60,0 60,8 60,0 59,9 60,1

Grandes Entreprises Nationales 55,2 53,8 54,7 54,9 54,5 52,4 52,3 53,1 53,5 54,7 54,2 55,8 56,1 56,9

Excédent brut d’exploitation(taux de marge)

Entreprises non financières 41,3 41,7 42,3 42,9 42,1 41,9 41,5 41,2 41,1 41,0 40,6 41,0 41,0 40,8

Sociétés et Quasi-sociétés 31,0 31,9 33,2 33,5 32,5 32,7 32,2 32,0 32,0 32,0 31,7 32,3 32,5 32,2

Sociétes non agricoles (hors GEN) 28,4 29,4 31,4 31,8 30,8 30,9 30,3 30,3 30,5 30,9 30,5 31,5 31,6 31,4

Grandes Entreprises Nationales 49,5 50,7 48,6 48,3 47,4 48,3 48,3 47,3 45,1 42,8 43,2 41,1 41,7 40,9

Intérêts effectifs versés

Sociétés et Quasi-sociétés 9,6 9,1 8,6 9,2 9,7 10,2 11,3 11,0 8,9 8,7 7,9 7,0 6,4 6,5

Impôts courants sur le revenuet le patrimoine

Sociétés et Quasi-sociétés 3,5 3,8 3,8 4,0 3,8 3,3 2,5 2,5 2,8 3,1 3,2 3,5 3,5 3,5

Épargne brute

Sociétés et Quasi-sociétés 15,9 16,7 19,0 18,1 16,9 17,7 17,5 17,7 18,8 18,8 18,0 18,3 18,4 17,7

Sociétes non agricoles (hors GEN) 15,0 15,2 18,1 17,2 16,0 16,6 16,2 16,6 17,9 18,0 17,2 17,7 17,7 17,1

Grandes Entreprises Nationales 22,3 27,2 25,9 25,4 24,4 26,9 28,5 27,1 27,0 26,3 25,9 25,3 25,7 25,2

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

1er 2e 1er 2e 1er 2e 1er 2e 1er 2e 1er 2e 1er

sem sem sem sem sem sem sem sem sem sem sem sem sem

Alimentation 1,2 -1,2 0,7 -0,3 1,5 -0,5 1,8 -0,3 1,5 -0,2 1,4 1,1 1,5

Produits manuf. du secteur privé 0,8 0,7 0,9 0,3 0,2 0,1 0,3 0,9 0,7 -0,3 0,0 0,1 -0,1

Services du secteur privé 2,8 1,9 2,1 1,3 1,5 1,0 1,4 1,7 1,5 0,4 1,4 0,4 1,6

Energie -1,1 -0,7 1,0 2,8 0,1 -0,3 1,9 1,6 3,0 3,5 -1,6 1,3 -3,7

Tarifs publics hors énergie 3,1 0,7 5,9 0,7 3,8 2,5 0,7 1,8 1,8 0,2 2,6 -1,1 1,5

Loyer-eau 3,2 2,4 2,6 1,5 2,4 1,3 1,7 1,4 1,5 0,7 0,8 1,1 1,2

Santé 1,7 0,1 0,2 0,3 0,8 2,0 1,9 0,3 0,8 0,3 0,5 0,1 0,9

Total 1,9 1,2 1,4 1,1 1,1 0,5 1,2 0,9 1,4 0,3 0,7 0,4 0,6

Page 141: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

132

Tableau 6 - Compte des ménages(Taux de croissance annuels en valeur)

Remarques importantes :

* Ces chiffres doivent être interprétés en tenant compte de la modification du financement de la protection sociale intervenue en

1991. La création de la contribution sociale généralisée et les mesures qui l'accompagnent induisent sur le compte des ménages en

comptabilité nationale des variations sans réelle portée économique : augmentation des salaires nets à cause de la baisse des coti-

sations sociales, augmentation des impôts sur le revenu et le patrimoine (la CSG étant classée en impôt sur le revenu en comptabi-

lité nationale).

** diminution de 4.75 pts de la cotisation maladie des salariés privés (0.75 pt contre 5.5 pts et relèvement de 4.1 pts du taux de la

CSG (7.5 pts contre 3.4 pts).

Tableau 7 - Salaires et pouvoir d'achat(Taux de croissance moyen annuel)

(1) Ensemble de l'économie.

(2) ENF non agricoles.

1986 1987 1988 1989 1990 1991* 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998** 1999

Compte de revenu

Ressources

Salaires bruts 4,9 4,1 5,6 6,3 6,9 4,9 3,5 1,9 2,4 3,8 2,9 2,9 3,9 4,1

– Cotisations sociales salariales 8,7 10,4 8,0 12,0 6,8 3,3 5,4 3,6 3,0 4,1 4,8 -3,0 -19,4 2,4

Salaires nets 4,3 3,0 5,1 5,2 6,9 5,2 3,1 1,5 2,3 3,7 2,6 4,2 8,7 4,3

Excédent Brut d'exploitation des EI 8,0 1,1 3,6 12,4 5,6 -0,3 1,0 -3,7 1,4 2,2 0,7 1,6 3,1 4,0

Prestations sociales brutes 7,1 3,7 6,8 5,7 6,4 6,5 6,3 6,3 2,9 3,5 3,7 3,3 3,0 2,5

Intérêts et dividendes 0,5 7,8 5,8 21,1 9,0 15,5 3,9 0,0 -4,1 8,7 0,1 6,9 6,0 6,9

Autres ressources 7,2 4,8 9,6 3,7 14,6 5,5 8,2 4,6 -0,8 6,0 3,4 -1,1 1,3 1,5

Emplois

Impôts courants sur le revenuet le patrimoine 6,5 4,6 0,4 5,8 6,3 17,6 4,2 4,2 5,5 4,0 7,1 8,9 30,7 5,8

Intérêts et dividendes 10,9 3,1 13,6 17,2 10,1 1,3 5,8 -5,4 -17,5 0,4 -2,8 -2,9 -0,1 2,9

Autres emplois 6,2 5,7 5,9 7,3 12,3 3,6 5,3 4,2 -0,1 5,8 4,3 1,2 -7,3 1,4

Revenu disponible brut 5,3 3,7 6,2 7,4 6,6 5,4 4,3 3,0 2,9 4,4 2,4 3,5 3,7 3,9

dont : Consommation finale 6,7 6,1 6,0 6,6 5,6 4,6 3,8 2,4 3,5 3,2 3,9 2,0 4,0 4,0

Epargne Brute -3,0 -12,7 7,6 14,2 14,1 11,0 8,0 6,6 -1,0 11,4 -6,1 13,4 1,7 2,9

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Salaires

Salaires bruts reçuspar les ménages (1) 4,9 4,1 5,6 6,3 6,9 4,9 3,5 1,9 2,4 3,8 2,9 2,9 3,9 4,1

Salaire moyen annuel par tête (2) 4,6 3,7 4,7 3,8 5,1 4,6 4,0 2,8 2,5 2,3 2,6 2,8 2,2 2,5

Taux de salaire horaire (2) 4,6 2,5 4,7 4,1 5,1 4,4 4,4 3,3 2,5 2,5 2,6 2,7 2,3 2,8

Effectifs salariés (2) 0,2 0,6 1,6 2,8 2,2 0,0 -1,4 -2,5 -0,4 1,1 0,1 0,4 1,8 1,8

Variations en pouvoir d’achat

Prix de la consommationdes ménages 2,8 3,3 2,9 3,6 3,1 3,4 2,4 2,3 2,1 1,7 2,0 1,2 0,9 1,3

Pouvoir d'achat du salairemoyen par tête 1,7 0,4 1,8 0,2 1,9 1,2 1,5 0,5 0,4 0,6 0,6 1,6 1,3 1,2

Pouvoir d'achat du salaire horaire 1,8 -0,8 1,7 0,5 2,0 1,0 1,9 0,9 0,4 0,8 0,6 1,5 1,4 1,5

Pouvoir d’achat du RDB 2,4 0,3 3,2 3,7 3,4 2,0 1,9 0,6 0,8 2,6 0,4 2,2 2,8 2,5

Page 142: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

133

Tableau 8 - Taux d'épargne des ménages(En %)

(1) Taux d'épargne global : épargne brute/revenu disponible brut.

(2) Taux d'épargne financière : capacité de financement/revenu disponible brut.

Tableau 9 - Évolution du commerce extérieur de la France(En milliards de F)

Source : DGDDI, DP.

Tableau 10 - Produit intérieur brut des pays industrialisés

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Taux d’épargne global (1) 12,9 10,8 11,0 11,7 12,5 13,2 13,6 14,1 13,6 14,5 13,3 14,6 14,3 14,1

Taux d’épargne financière (2) 3,5 1,6 2,0 1,9 3,1 4,9 6,4 7,7 7,0 8,1 6,7 7,9 7,6 7,4

Taux d’épargne non finanicère 9,4 9,2 9,0 9,8 9,4 8,3 7,2 6,4 6,6 6,4 6,6 6,7 6,7 6,7

1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Taux CAF-FAB -75,9 -87,1 -113,0 -122,8 -116,4 -44,9 11,6 -5,8 19,6 37,6 117,8 112 94

dont :

Produitsagro-alimentaire 28,0 37,6 45,5 48,5 41,5 49,9 52,6 40,8 46,7 51,7 64,8 64 65

Énergie -82,2 -68,0 -85,1 -95,4 -96,4 -81,3 -71,0 -67,2 -60,9 -79,2 -85,9 -66 -78

Produitsmanufacturés -24,1 -60,6 -78,3 -79,3 -64,2 -32,5 16,1 10,0 23,8 47,6 112,5 86 75

Total FAB-FAB -46,6 -54,3 -70,2 -75,6 -64,1 6,1 60,3 48,5 65,6 85,0 169,6 164 149

(en % du PIB) (-0,9) (-0,9) (-1,1) (-1,2) (-0,9) (0,1) (0,9) (0,7) (0,9) (1,1) (2,1) (1,9) (1,7)

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

France 2,4 2,2 4,3 3,9 2,4 0,8 1,0 - 1,3 2,6 2,0 1,3 2,2 3,1 2,7Allemagne 2,3 1,5 3,7 3,6 5,7 5,0 2,2 - 1,2 2,7 1,8 1,4 2,2 2,6 2,7Royaume-Uni 4,3 4,8 5,0 2,2 0,4 - 2,0 - 0,5 2,1 4,3 2,7 2,2 3,4 2,3 1,6Italie 2,8 3,1 3,9 2,9 2,2 1,1 0,6 - 1,2 2,2 2,9 0,7 1,5 1,8 2,4Belgique 1,5 2,4 4,7 3,6 3,0 1,6 1,5 - 1,5 2,4 2,1 1,5 2,9 2,9 2,8Pays-Bas 2,8 1,4 2,6 4,7 4,1 2,3 2,0 0,8 3,2 2,3 3,3 3,4 3,6 3,1Espagne 3,2 5,6 5,2 4,7 3,7 2,3 0,7 - 1,2 2,1 2,9 2,3 3,4 3,9 3,6UE à 15 2,9 2,9 4,2 3,5 2,9 1,5 1,0 - 0,5 2,9 2,4 1,7 2,6 2,8 2,6UEM 2,6 2,7 4,1 3,9 3,6 2,3 1,3 - 1,0 2,7 2,4 1,6 2,5 2,9 2,8États-Unis 3,1 2,9 3,8 3,4 1,2 - 0,9 2,7 2,3 3,5 2,3 3,4 3,9 3,4 1,9Canada 2,6 4,1 4,9 2,5 0,3 - 1,9 0,9 2,5 3,9 2,2 1,2 3,7 3,4 3,0Japon 2,9 4,2 6,2 4,8 5,1 3,8 1,0 0,3 0,7 1,4 4,1 0,8 - 2,0 1,0OCDE 2,9 3,2 4,4 3,6 2,5 0,8 1,7 0,9 2,8 2,2 2,8 2,9 2,3 2,1

Page 143: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

134

Tableau 11 - Prix de la consommation des pays industrialisés(Indices implicites des comptes nationaux)

Tableau 12 - Capacité ou besoin (-) de financement des administrations des pays industrialisés(En % du PIB)

(*) 15 pays : CEE + États-Unis + Canada + Japon

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

France 2,8 3,3 2,9 3,6 3,1 3,4 2,4 2,3 2,1 1,7 2,0 1,3 0,9 1,3Allemagne - 0,6 0,5 1,3 2,9 2,7 3,7 4,7 4,1 3,0 1,7 2,0 1,9 1,3 1,4Royaume-Uni 4,0 4,3 5,0 5,9 5,5 7,5 5,0 3,4 2,3 2,6 2,5 2,1 2,3 2,5Italie 6,3 5,4 5,9 6,6 6,3 6,9 5,6 5,1 4,6 5,7 4,4 2,4 2,3 2,2Belgique 1,0 2,2 1,2 4,0 3,3 3,3 2,3 3,5 2,8 1,7 2,3 1,6 1,3 1,5Pays-Bas 0,3 0,2 0,5 1,2 2,2 3,2 3,1 2,1 2,8 1,5 1,3 2,1 2,3 2,4Espagne 9,4 5,7 5,0 6,6 6,5 6,4 6,4 5,5 4,8 4,7 3,4 2,5 2,4 2,4UE à 15 3,9 3,7 3,9 5,0 4,9 5,6 4,7 4,0 3,3 2,9 2,7 2,0 1,8 1,9UEM 3,4 3,1 4,5 4,2 4,8 4,8 4,5 4,0 3,3 2,9 2,5 1,9 1,6 1,7États-Unis 2,8 3,8 4,2 4,9 5,1 4,2 3,3 2,7 2,4 2,3 2,0 1,9 1,1 2,7Canada 4,1 3,9 3,9 4,3 4,1 4,8 1,5 2,2 0,5 1,4 1,5 1,7 1,3 1,5Japon 0,7 0,5 0,5 2,0 2,6 2,5 1,9 1,2 0,7 - 0,5 0,1 1,6 1,0 - 0,3OCDE 2,9 3,1 3,4 4,4 4,5 4,5 3,5 3,0 2,4 2,1 2,0 1,9 1,4 1,9

1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997

France - 2,7 - 1,9 - 1,7 - 1,2 - 1,6 - 2,2 - 3,8 - 5,7 - 5,8 - 4,9 - 4,1 - 3,0Allemagne - 1,3 - 1,9 - 2,2 0,1 - 2,1 - 3,1 - 2,6 - 3,2 - 2,4 - 3,3 - 3,4 - 2,7Royaume-Uni - 2,4 - 1,6 0,7 1,0 - 0,9 - 2,3 - 6,2 - 7,9 - 6,8 - 5,5 - 4,8 - 1,9Italie - 11,7 - 11,0 - 10,7 - 9,8 - 11,1 - 10,1 - 9,6 - 9,5 - 9,2 - 7,7 - 6,7 - 2,7Belgique - 9,2 - 7,6 - 6,8 - 6,2 - 5,5 - 6,3 - 6,9 - 7,1 - 4,9 - 3,9 - 3,2 - 2,1Pays-Bas - 5,1 - 5,9 - 4,6 - 4,8 - 5,1 - 2,9 - 3,9 - 3,2 - 3,8 - 4,0 - 2,3 - 1,4Espagne - 5,8 - 3,0 - 3,0 - 2,5 - 4,1 - 4,2 - 3,8 - 6,9 - 6,3 - 7,3 - 4,6 - 2,6UE à 15 - 4,2 - 3,6 - 3,1 - 2,2 - 3,5 - 4,2 - 5,1 - 6,1 - 5,4 - 5,0 - 4,2 - 2,4UEM - 4,7 - 4,4 - 4,1 - 3,0 - 4,2 - 4,5 - 4,7 - 5,5 - 5,0 - 4,9 - 4,2 - 2,6États-Unis - 3,5 - 2,6 - 2,1 - 1,7 - 2,7 - 3,3 - 4,4 - 3,6 - 2,3 - 1,9 - 1,1 0,0Canada - 5,9 - 4,1 - 3,1 - 3,3 - 4,5 - 7,2 - 8,0 - 7,5 - 5,5 - 4,3 - 2,0 0,9Japon - 0,9 0,5 1,5 2,5 2,9 2,9 1,5 - 1,6 - 2,3 - 3,6 - 4,3 - 3,1OCDE* - 3,5 - 2,6 - 2,0 - 1,4 - 2,3 - 2,9 - 3,9 - 4,6 - 3,8 - 3,6 - 2,9 - 1,5

Page 144: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

135

L’ÉVOLUTION DES FINANCES PUBLIQUES

Page 145: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses
Page 146: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

137

En 1999, la croissance toujours soutenue engendrera des ressources supplémentaires.L'évolution des finances publiques en 1999 reflète le choix d'un partage équilibré des fruits de lacroissance, qui se décline selon trois volets.

Un premier objectif est de reconstituer des marges de manœuvre dans une conjoncturefavorable, afin de pouvoir faire face à un éventuel retournement de l'activité. Réduire le déficitpublic, et plus précisément sa partie structurelle, permet de renforcer le rôle des stabilisateursautomatiques et autorisera, lorsque nécessaire, une politique conjoncturelle de soutien de la crois-sance. Ce souci se traduit, dans le PLF 1999, par une réduction importante du déficit des admi-nistrations publiques, de 0,6 point de PIB, et une cible en niveau de 2,3 points de PIB en 1999.L'amélioration du besoin de financement des APU, associée à une réduction du solde structurel,permet d'approcher dès 1999 l'objectif de stabilisation de la dette publique, prévu pour l'an 2000.

Le deuxième objectif consiste à poursuivre la décrue des prélèvements obligatoires, aprèsles fortes hausses de 1993-1997. Après avoir culminé en 1997 à 46,1% du PIB, le taux de prélè-vements obligatoires sera progressivement réduit pour atteindre 45,7% en 1999. Cette diminu-tion globale du poids des prélèvements obligatoires s'accompagne d'une structure des prélève-ments plus favorable à l'emploi et à la justice fiscale, et d'une redistribution accrue en faveur desménages les plus modestes.

Le dernier objectif est de promouvoir l'efficacité de l'action publique. Il s'agit d'abord demaîtriser l'évolution de la dépense publique (toutes administrations confondues) : la part desdépenses publiques dans le PIB baisse de près de 2 points entre 1997 et 1999. Mais cet effort nes'exerce pas au détriment des priorités du Gouvernement qui sont l'emploi, la justice sociale etl'amélioration de la vie quotidienne : si, dans le projet de budget, les dépenses de l'Etat crois-sent de 1% en volume en 1999, d'importants redéploiements de crédits, de l'ordre de 30 MdsF,permettent également de financer ces priorités. Par ailleurs, les efforts pour accroître l'efficacité dela dépense publique ne se limitent pas aux dépenses de l'Etat : dans le domaine de l'assurancemaladie, le Gouvernement s'efforce de faire revenir les dépenses de santé sur le sentier qui avaitété défini par le Parlement lors de la loi sur le financement de la Sécurité Sociale pour 1998.

Page 147: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses
Page 148: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

139

L'équilibre d'ensemble des comptes publics

Les finances publiques devraient poursuivre leur redressement en 1998 et 1999. Le défi-cit public qui s'élevait à 3,0 points de PIB en 1997 (mais 3,5 hors soulte France-Télécom) ne seraitplus que de 2,9 points de PIB en 1998 et 2,3 points en 19991.

Cette amélioration régulière – baisse du déficit de 0,6 point de PIB par an après correctiondu versement exceptionnel de la soulte – s'explique par une croissance des dépenses publiquesinférieure à celle du PIB, qui devrait conduire à une baisse d'environ un point par an du ratiodépenses publiques sur PIB entre 1997 et 1999. Elle ne doit rien à l'évolution des impôts et descotisations ; après avoir atteint son point haut en 1997, le taux de prélèvements obligatoires s'ins-crirait en effet en légère baisse tant en 1998 qu'en 1999.

Évolution du déficit et poids des dépenses et des recettes des administrations publiques

(en points de PIB)

* dont 0,5 point de PIB au titre de la soulte France Télécom en 1997

Le rééquilibrage des finances publiques concerne à la fois l'État et les régimes sociaux. Lebesoin de financement de l'État, qui était encore de 3,3 points de PIB en 1997, s'établirait à2,7 points de PIB en 1999. L'ensemble des administrations de sécurité sociale, qui était déficitairede 0,6 point de PIB en 1997, renouerait avec un excédent de 0,15 point de PIB en 1999, lerégime général retrouvant pour sa part l'équilibre.

Capacité de financement des administrations publiques(en points de PIB)

Le déficit public se rapprocherait de très près du niveau qui permet de stabiliser le poids dela dette publique aux conditions de moyen terme de croissance et d'inflation, ce niveau étantestimé à environ 2 points de PIB. L'accroissement du ratio de la dette au PIB serait donc consi-dérablement freiné, la dette publique restant cantonnée en-deçà des 60 points de PIB.

1 Il s’agit là de chiffres exprimés en comptabilité européenne. Par rapport au besoin de financement calculé selon les normesfrançaises actuelles, le déficit des administrations publiques en comptabilité européenne intègre diversescorrections relatives aux coupons courus, au crédit-bail, aux avances aéronautiques, aux comptes des hôpitaux publics, àl’assurance crédit à l’exportation, aux obligations linéaires, aux transferts de la Banque centrale aux administrations publiquesliés aux réévaluations d’or et de devise, aux revenus des organismes de placement collectif, aux revenus d’actifs des régimescomplémentaires. Ces corrections introduites à des fins d’harmonisation des comptes au niveau européen affectent l’ensembledes séries de déficits et de PIB et seront intégrées dans les séries de comptabilité nationale à l’occasion du prochain change-ment de base en 1999. Elles sont ainsi prises en compte pour les notifications du déficit à la Commission européenne.

1997 1998 1999

Dépenses publiques 55,4 54,3 53,5

Recettes des administrations publiques 52,4 51,4 51,2

Taux de prélèvements obligatoires 46,1 45,9 45,7

Déficit public - 3,0* - 2,9 - 2,3

1997 1998 1999

État – 3,3 – 3,05 – 2,7

Administrations de sécurité sociale – 0,6 – 0,15 0,15

Autres administrations :– Organismes divers d’administration centrale

(y compris soulte France-Télécom) 0,7 0,15 0,1

– Administrations publiques locales 0,2 0,15 0,15

Administrations publiques – 3,0 – 2,9 – 2,3

Page 149: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

140

1. Une baisse nette de la part des dépenses publiques dans le PIB

Une évolution maîtrisée des dépenses, et en particulier des dépenses de l'État, contribue àla réduction du déficit public.

1.1. Alors qu'elles seront restées stables en 1998, les dépenses de l'État devraient pro-gresser de 1 % en volume en 1999. Le Gouvernement entend ainsi poursuivre l'effort de réduc-tion du déficit, financer les priorités de l'action gouvernementale et dégager des moyens pourengager la baisse des prélèvements obligatoires.

L'année 1999 connaîtra en effet une montée en charge de plusieurs programmes gouver-nementaux qui avaient été engagés en 1998. C'est notamment le cas du programme " nouveauxservices - nouveaux emplois ", des mesures de la loi contre les exclusions, du cofinancement del'aide à la réduction du temps de travail.

1.2. Les prestations sociales, qui représentent l'essentiel des dépenses des administrationsde sécurité sociale, ont enregistré un ralentissement notable de leur rythme d'évolution depuis ledébut des années 1990. Ainsi, leur progression, qui était encore supérieure à 6 % en valeur aucours des années 1988-1993 a été ramenée aux alentours de 3 % depuis 1994. Cette décéléra-tion se confirmerait au cours de la période 1998-1999 : les prestations sociales progresseraienten moyenne à un rythme inférieur à 3 % en valeur (+ 2,8 % en 1998 ; + 2,5 % en 1999).

Ce ralentissement tient aussi bien à des facteurs démographiques qu'à l'effort accru de maî-trise des dépenses de santé, et, concernant les allocations chômage, aux effets bénéfiques de lareprise économique :

– la branche vieillesse bénéficierait d'un répit de quelques années avec l'arrivée à la retraitede classes relativement creuses.

– la Loi famille de 1994 avait suscité durant quelques années une évolution soutenue desprestations familiales. Mais la montée en charge de la plupart des dispositifs prévus par cette loi(notamment l'Allocation Parentale d'Éducation accordée dès le deuxième enfant) s'achève à pré-sent. Les prestations familiales retrouveraient de ce fait une évolution plus modérée sur les années1998-1999.

– l'effort de maîtrise des dépenses de santé ne sera pas relâché. Cet effort s'est matérialisépar la fixation d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie de 613,8 MdsF pour 1998,en hausse de 2,3 % par rapport à l'objectif de l'année précédente. Face à l'accélération desdépenses observée au cours du 1er semestre 1998, des mesures de redressement, destinées àassurer le respect de l'objectif, ont été prises. Pour 1999, la projection retient une progression desdépenses d'assurance maladie de 2,6 % par rapport à l'objectif de 1998.

1.3. En ce qui concerne les administrations publiques locales, les dépenses d'investisse-ment et de fonctionnement pourraient augmenter à un rythme voisin du PIB. L'investissementlocal accélérerait à nouveau à partir de 1998 ; les charges de personnel progresseraient plus vive-ment sous l'effet de l'application de l'accord salarial du 10 février 1998 et de la prise en chargepartielle des emplois jeunes par les collectivités locales.

Intervenant après une période de baisse des taux, de désendettement et de gestion activede la dette, la baisse des charges d'intérêt permettrait de contenir le redémarrage des dépensesdes administrations locales. Prises dans leur totalité ces dépenses n'accéléreraient en effet qu'avecmodération : en moyenne, leur progression serait de 3,9 % en 1998-1999 après 3,4 % en 1997.

Page 150: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

141

Part des dépenses des Administration publiques et de l’État dans le PIB(en points de PIB)

Au total, la part des dépenses dans le PIB devrait connaître une décélération marquée. Elleatteindrait 53,5 points de PIB en 1999, après 55,4 points en 1997 et 54,3 points en 1998.

L'évolution des grands postes de dépenses confirme l'ampleur de l'effort réalisé. De 1996 à1999, le poids des prestations sociales, tout comme celui des intérêts ou des consommations inter-médiaires, aura diminué de près d'un demi-point de PIB. Cette réduction apparaît moindre pour lamasse salariale (– 0,3 point de PIB en 3 ans) et les dépenses d'investissement (– 0,1 point de PIB).

2. Une réduction progressive du taux de prélèvements obligatoiresComme il l'avait annoncé, le Gouvernement a engagé en 1998 la réduction progressive du

taux des prélèvements obligatoires, interrompue depuis 1993. Ce mouvement sera poursuivi l'anprochain : après être passé de 43,9 % en 1993 à 46,1 % en 1997 (+ 2,2 points), le taux des pré-lèvements obligatoires sera ramené à 45,7 % en 1999. De ce fait, la part du surplus de richesseprélevé par la sphère publique est en réduction : alors que 60 % de la production supplémentaireétait captée sous forme d'impôts durant la période 1993-1996, avec un pic à 86,9 % en 1996, lapart du surplus de richesse prélevée au secteur public sera ramenée aux alentours de 40 %en 1998 et 1999.

La baisse globale du taux des prélèvements obligatoires résulte d'une diminution des pré-lèvements de l'État et des administrations locales et d'une légère remontée des prélèvementsdes administrations de sécurité sociale.

(en points de PIB)

15

20

25

30

35

40

45

50

55

60

20,6

47,3

22,0

50,0

22,8 23,1 23,0 23,0 22,1 22,1 21,3 20,6 20,6 20,2 21,1 21,9 21,7 21,2 21,3 21,1 20,4 20,0

51,752,7 53,5 53,5 52,7 52,3 51,4 50,5 51,2 51,9

53,956,1 55,4 55,1 55,7 55,4

54,3 53,5

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

État Administrations publiques

Impôts et cotisations perçus par 1997 1998 1999

État 15,7 15,4 15,3dont impôts 15,2 15,0 14,9

Organismes divers d’administration centrale 0,6 0,6 0,5Administrations de sécurité sociale 21,6 21,7 21,8

dont cotisation sociales 18,7 16,8 16,7Administrations publiques locales 7,2 7,1 7,0

Union européenne 1,1 1,1 1,1

Total des prélèvements obligatoires 46,1 45,9 45,7

Page 151: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

142

La part des impôts au profit de l'État dans le PIB baisserait de 0,2 point en 1998 et 0,1 pointen 1999. En 1998, en dépit de la réévaluation des recettes de TVA et d'impôt sur le revenu, parrapport à la loi de finances initiale, les impôts progressent moins vite que le PIB. En 1999, enrevanche, les recettes fiscales nettes de l'État progresseraient plus vite que le PIB. Cette évolutionest liée au rendement de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés qui bénéficient, tousdeux, d'une assiette dynamique. Toutefois, la forte progression des prélèvements sur recettes auprofit des collectivités locales en compensation de la baisse de la taxe professionnelle, décidéedans le cadre du PLF 1999, conduirait in fine à une nouvelle baisse du taux de prélèvements obli-gatoires au profit de l'État.

Le taux de P.O. des administrations locales diminuerait de 0,1 point de PIB en 1998 et en1999 grâce à la suppression de la part régionale des droits de mutation à titre onéreux et à uneffort durable de modération des taux votés. La mesure fiscale du PLF 1999 concernant la baissede la taxe professionnelle sur les salaires est, par ailleurs, entièrement compensée par l'État. Ellen'influence donc pas le taux de P.O. des administrations locales.

La substitution de la CSG aux cotisations sociales contribue à alourdir le poids des prélève-ments obligatoires perçus par les administrations de sécurité sociale. Les mesures de financementde la sécurité sociale inscrites dans la LFSS 98 (notamment baisse des cotisations maladie, passageà 7,5 % de la CSG avec élargissement de l'assiette et généralisation des deux prélèvements de 1 %CNAV et CNAF sur les revenus de l'épargne) se traduisent en effet par une augmentation des pré-lèvements sur le revenu global des ménages. Le taux de P.O. des administrations de sécurité socialeprogresserait ainsi de 0,1 point (cotisations + impôts) en 1998 et encore de 0,1 point en 1999. Enrevanche, ces mesures ont réduit les prélèvements sur les revenus de travail (cf. l’analyse détailléede l'effet redistributif des mesures fiscales et sociales).

3. Une réduction d'ampleur comparable des déficits de l'Étatet des régimes sociauxLa baisse du déficit public comporte une composante conjoncturelle – qui retrace l'évolu-

tion cyclique des comptes publics, laquelle est favorable en période de haute conjoncture – et unecomposante structurelle – qui reflète les effets des décisions de politique économique (dépenseset prélèvements). De fait, ce sont à la fois les composantes conjoncturelle et structurelle du défi-cit public qui se réduisent (cf. encadré « solde structurel, solde conjoncturel »).

La modération des dépenses bénéficie à la fois aux finances de l'État et à celles des régimessociaux.

– Le déficit budgétaire passerait ainsi de 267,7 MdsF (exécution 1997) à 257,9 MdsF (LFI1998) et à 236,6 MdsF dans le projet de loi de finances pour 1999.

Le besoin de financement de l'État passerait, pour sa part, de 3,3 points de PIB en 1997 à3,05 en 1998 et 2,7 en 1999 (en comptabilité européenne). Il serait en 1999 d'une ampleur équi-valente à celle du service de la dette, si bien que le solde primaire de l'État retrouverait l'équilibre,pour la première fois depuis 1991.

– L'amélioration du besoin de financement des administrations publiques trouve égalementson origine dans un redressement sensible des comptes sociaux. Les comptes sociaux, dont ledéficit s'élevait encore à 0,6 point de PIB en 1997, passeraient en excédent en 1999 (+0,15 pointde PIB). Cette amélioration tient à un contexte macro-économique favorable, mais aussi à uneévolution toujours modérée des dépenses (cf. fiche « les administrations de sécurité sociale »).

– Les autres administrations publiques bénéficieraient toujours de capacités de financementimportantes.

Les administrations publiques locales (APUL) devraient confirmer le redressement de leursituation financière et afficher une capacité de financement de 0,15 point en 1998 et en 1999.

Page 152: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

143

Solde structurel, solde conjoncturel

1. Les concepts de solde structurel et conjoncturel

L'évolution cyclique de l'activité économique autour d'un sentier de croissance ten-dancielle a un impact « mécanique » sur le solde des administrations publiques : un déficitde recettes fiscales et un surplus de certaines dépenses publiques (principalement d'in-demnisation du chômage et de politique de l'emploi et de la solidarité) lorsque le PIB estinférieur à son niveau tendanciel, un surplus de recettes fiscales et une diminution de cesmêmes dépenses publiques lorsque le PIB effectif est supérieur à son niveau tendanciel.Cette composante du solde effectif, appelé solde conjoncturel, est nulle en moyenne sur ladurée d'un cycle, les périodes d' « excédent conjoncturel » étant compensées par celles de« déficit conjoncturel ».

Le solde corrigé des effets de la conjoncture est appelé solde structurel. Il représentele niveau auquel reviendrait spontanément le solde effectif sur le moyen terme sans nou-velles mesures discrétionnaires (variation de la pression fiscale, accélération ou décélérationvolontaire des dépenses). Pour diminuer durablement le besoin de financement des admi-nistrations publiques, ce qui correspond à une amélioration du solde structurel, il est néces-saire, soit d'augmenter de manière permanente les recettes (mais ceci alourdit encore letaux des prélèvements obligatoires), soit de freiner les dépenses par rapport à la croissancemoyenne de la richesse nationale. Le solde structurel est par exemple amélioré lorsque lemontant des intérêts payés par l'État diminue du fait de la réduction de la part de la dettedans le PIB. De la même façon, une maîtrise forte des dépenses liées à la sécurité socialeaméliore le solde structurel des administrations publiques.

2. Projections 1998 et 1999 des soldes structurel et conjoncturel

L'amélioration des comptes publics bénéficie de la conjoncture économique. Cettedernière permet de résorber une bonne partie du déficit public lié au déficit d'activité desannées passées. Ainsi, le déficit conjoncturel se réduit de 0,8 point de PIB entre 1997

Excédent conjoncturel

Déficit conjoncturel

En 1998 et 1999, l'évolution dynamique de leurs ressources fiscales permettrait aux APUL demaintenir globalement leur excédent malgré une légère accélération des dépenses (cf. fiche « lesadministrations publiques locales »).

En comptabilité européenne, la capacité de financement des organismes divers d'adminis-tration centrale, constituée pour l'essentiel des excédents de la CADES, resterait relativementstable entre 0,1 et 0,15 point de PIB en 1998 et 1999 après 0,2 point en 1997 (hors soulte FranceTelecom, soit 0,65 point y compris soulte).

Page 153: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

144

et 1999. Mais l'amélioration du déficit public ne se limite pas à cette seule composanteconjoncturelle. Grâce à la modération des dépenses, la partie structurelle du déficit se réduitde près de 0,5 point de PIB entre 1997 et 1999, et atteint 1,8 point en 1999.

- 6,0 %

- 5,0 %

- 4,0 %

- 3,0 %

- 2,0 %

- 1,0 %

0,0 %

1,0 %1994 1995 1996 1997 1998 1999

Solde structurel

Solde conjoncturel

Soulte France Telecom

Solde effectif

- 4,6 %

- 4,0 %

- 2,6 %

- 2,2 %- 2,0 %

- 1,8 %

4. Une quasi-stabilisation du poids de la dette publiqueL'écart entre le déficit public et le solde stabilisant, qui atteignait encore 0,5 point de PIB en

1998, se limiterait à 0,2 point de PIB en 1999, si bien que le déficit public se rapproche en 1999du niveau permettant de stabiliser durablement la dette publique (cf. encadré : « le solde stabi-lisant le ratio d'endettement public » ).

Part de la dette publique dans le PIB (*)(en points de PIB)

(*) L'évolution du ratio de dette est limitée en 1998 du fait de l'opération exceptionnelle de refinancement transitoirepar la CADES en décembre 1997 (cf. encadré sur le solde stabilisant le ratio d'endettement public).

52,7

0 %

10 %

20 %

30 %

40 %

50 %

60 %

1980

1981

1982

1983

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

prév

ision

s

prév

ision

s

21,0%

35,3%

52,7%

55,7%58,1% 58,2% 58,7%

Page 154: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

145

Le solde stabilisant le ratio d'endettement public

En 1999, le déficit public n'excéderait que très faiblement le seuil de déficit permet-tant de stabiliser le poids de l'endettement dans le PIB.

1. Le concept de solde stabilisant

La variation de l'endettement public peut être assimilée en première approximation– c'est-à-dire en négligeant les flux nets de créances (variation du solde du Trésor à laBanque de France, privatisations nettes des dotations en capital,...) – au déficit public : pourstabiliser la dette en valeur nominale, il est donc nécessaire de dégager un simple équi-libre des comptes publics.

Cependant, il n'est pas nécessaire que la dette soit stabilisée en francs courants pourque l'endettement reste sur une trajectoire soutenable. En effet, lorsque la richesse natio-nale s'accroît, un pays peut soutenir le service d'une dette accrue dans les mêmes propor-tions. Mieux vaut donc considérer le ratio rapportant la dette au PIB.

Le solde public entraînant la stabilité de ce ratio, c'est-à-dire le solde stabilisant l'en-dettement public en part de PIB, fait intervenir à la fois le niveau de la dette et la croissancenominale de l'activité : une croissance nominale plus forte diminue en effet d'une annéesur l'autre le poids de la dette héritée de la période précédente. Cet effet d'érosion, via lacroissance économique, du poids relatif de la dette est d'autant plus important que le poidsde cette dette est initialement élevé1. Ceci tendrait à indiquer qu'il est d'autant plus facilede stabiliser son ratio d'endettement que le niveau de départ de la dette est élevé et quel'inflation est forte. Une telle analyse est cependant largement trompeuse. D'une part, plusla dette est élevée, plus la part des dépenses qui est consacrée au paiement d'intérêts surla dette est élevée et donc plus l'effort à fournir en matière d'autres dépenses et de recettespour atteindre un même niveau de déficit est important. D'autre part, une inflation élevéeconduit, à un terme plus ou moins lointain, à une élévation des taux d'intérêt : ce qui estgagné d'un côté par l'érosion de la dette est perdu de l'autre par l'alourdissement des paie-ments d'intérêt.

Il est de ce fait plus pertinent de présenter aussi un indicateur de solde primaire sta-bilisant l'endettement public en part de PIB. Il s'agit du solde primaire, c'est-à-dire horscharges d'intérêt, permettant de stabiliser la dette exprimée en part de PIB. Le solde pri-maire stabilisant le ratio d'endettement est en effet d'autant plus élevé que le poids de l'en-dettement dans le PIB est important et que la différence entre le taux d'intérêt nominal etle taux de croissance du PIB en valeur est forte2.

2. Le déficit public se rapproche en 1999 du niveau permettant de stabiliser le poidsde la dette publique

Le « seuil critique » qui permet au solde primaire de stabiliser le ratio d'endettementpublic s'élève aujourd'hui à +1,3 point de PIB. Il est maintenant beaucoup plus faible qu'en1993 (où il atteignait 3,0 points de PIB) et même qu'en 1996 (où il s'élevait encore à 2,4

1 Formellement, on peut écrire : Dt =

Dt-1 –St

yt yt yt

avec Dt = dette publique à la date t, St = solde public à la date t et yt = PIB nominal à la date t

d’où Dt –

Dt - 1 =Dt - 1 .

yt - 1 – yt –St

yt yt - 1 yt - 1 yt ytLe solde qui stabilise le ratio d’endettement public peut donc s’écrire St = – gt.Dt - 1 où le gt est le taux de croissancede yt2 Formellement on peut écrire : SPt = St + rtDt-1 où rt est le taux d’intérêt nominal apparent de la dette, rt

. Dt-1le service de la dette, et SPt le solde primaire.

Le solde primaire stabilisant le ratio d’endettement public peut donc s’écrire : SPt = (rt – gt).Dt-1.

( )

Page 155: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

146

points de PIB). Une telle évolution a été permise par la réduction de l'écart entre le coûtapparent de la dette publique et le taux de croissance du PIB. Dans le même temps, lesolde primaire effectif s'est amélioré de 3 points de PIB et est devenu excédentaire en 1997.

Toutefois, cette amélioration reste insuffisante en 1999 pour inverser l'évolution duratio d'endettement public. En 1999, l'excédent primaire (1,1 point de PIB en 1999 pourl'ensemble des administrations publiques) est encore très légèrement inférieur à l'excédentqui serait nécessaire pour stabiliser le ratio d'endettement public.

Si l'on raisonne, non plus en termes de solde primaire, mais en termes de déficitpublic, le constat est le même. En 1999, le déficit stabilisant la dette serait de l'ordre de2,1 points de PIB. L'écart entre le déficit effectif prévu de 2,3 points de PIB, et ce déficit sta-bilisant le ratio d'endettement ne serait donc plus que de 0,2 point de PIB en 1999.

Cet écart limité entre solde effectif et solde stabilisant laisserait entrevoir une faibleprogression du ratio d'endettement. Néanmoins, ce raisonnement ne prend pas en compteles flux nets de créances1. Si ces flux ont permis en 1998 de ralentir la progression du ratiod'endettement en raison de cessions de créances par la CADES lors la reprise de dette del'ACOSS au 1er janvier 1998, ils devraient au contraire en 1999 légèrement accélérer la pro-gression du ratio d'endettement, qui serait finalement voisine de 0,5 point de PIB.

1 La variation annuelle de la dette publique est égale au déficit public, auquel il faut ajouter les flux nets decréances, du fait du concept de dette brute utilisé en comptabilité européenne. D’autres éléments affectent laprogression de la dette, à l’image de l’amortissement de la dette TVA.

Dette et déficit public

(en points de PIB)

1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Dette au sens de Maastricht 45,6 48,5 52,7 55,7 58,1 58,2 58,7Coût apparent de la dette (en %) 8,7 % 8,2 % 8,0 % 7,4 % 6,7 % 6,3 % 6,1 %Taux de croissance du PIB nominal(en %) 1,0 % 4,4 % 3,5 % 2,7 % 3,3 % 4,4 % 3,8 %Ecart 7,7 % 3,7 % 4,4 % 4,7 % 3,4 % 1,9 % 2,2 %Solde primaire effectif (1) – 2,4 – 2,2 – 1,2 – 0,3 0,6 0,6 1,1Solde primaire stabilisant (2) 3,0 1,6 2,1 2,4 1,8 1, 1 1,3Ecart – 5,4 – 3,8 – 3,2 – 2,7 – 1,2 – 0,5 – 0,2Intérêts (3) 3,4 3,6 3,7 3,8 3,6 3,5 3,4Solde effectif (4) = (1) - (3) 5,8 – 5,8 – 4,9 – 4,1 – 3,0 – 2,9 – 2,3Solde stabilisant (5) = (2) - (3) – 0,4 – 1,9 – 1,7 – 1,4 – 1,8 – 2,4 – 2,1

Page 156: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

147147

L’évolution des comptes des différents secteurs

1. L'ÉtatLa politique économique menée par le Gouvernement a pour objectif de donner un carac-

tère vigoureux et durable à la croissance que connaît la France. Le maintien d'une croissance sou-tenue, fondée sur une demande interne dynamique, contribue à apporter des recettes nouvellesaux administrations publiques et en particulier à l'Etat. La progression spontanée des recettes fis-cales et non fiscales s'élève à 74,5 MdsF, une fois prise en compte l'évolution tendancielle des pré-lèvements sur recettes.

L'affectation de ces marges repose sur un triple partage :

– le financement des priorités du Gouvernement : 16 MdsF, soit une progression de 1% desdépenses du budget général, au-delà de la simple indexation des dépenses sur l'inflation (21 MdsF)

– la baisse des prélèvements obligatoires (16,1 MdsF)

– la réduction du déficit (21,3 MdsF)

1.1 Une progression des dépenses de 1% en volume pour financer les priorités du Gouvernement

Les dépenses du budget général de l'État s'élèvent à 1 669,2 MdsF dans le PLF 1999, dont45,6 MdsF correspondent à une modification de périmètre dans la présentation du PLF pour 1999par rapport à la loi de finances initiale pour 1998. En effet, afin d'améliorer la lisibilité des comptesde l'État, le Gouvernement a procédé à des rebudgétisations. A structure constante lesdépenses du budget général sont de 1 623,6 MdsF en 1999, contre 1 586,7 MdsF dans la loide finances pour 1998, soit une progression de 1% en volume, compte tenu d'une inflation pré-visionnelle de 1,3 %.

Ces moyens supplémentaires assurent le financement en rythme de croisière des pro-grammes gouvernementaux qui avaient été initiés en 1998 – emplois-jeunes, mesures de la loicontre les exclusions – ainsi que l'accord salarial dans la fonction publique.

En outre, d'autres marges de manœuvre sont dégagées grâce au réexamen de l'ensembledes dépenses, qui se traduit par des redéploiements au sein des budgets et entre les budgetsdes ministères dans le sens d'une plus grande efficacité de la dépense publique. La révision desservices votés permet de dégager 12,2 MdsF, complétés par des économies sur les dépenses encapital des ministères civils à hauteur de 2,3 MdsF, ainsi que par différents ajustements (non-reconduction, extension d'économies votées en 1998) pour un montant de 1,4 MdsF. Enfin, desredéploiements au sein de chacun des budgets ont été opérés à hauteur de 15 MdsF pour finan-cer des ajustements positifs. Au total, ce sont donc 30,9 MdsF qui ont ainsi été dégagés sur lesbudgets civils et militaires pour contribuer au financement des actions prioritaires.

Page 157: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

148148

Impact des opérations exceptionnelles effectuées en 1999 :

– Dépenses : 45,6 MdsF– Recettes : 32,66 MdsF

Le projet de loi de finances pour 1999 procède à des modifications dans la présen-tation du projet de loi de finances par rapport à 1998. Ces modifications gonflent la massedes crédits de 45,6 MdsF et intègrent des recettes à hauteur de 32,66 MdsF.

Ces dépenses ne sont pas des dépenses nouvelles, mais des dépenses qui n'appa-raissaient pas en loi de finances initiale ou qui étaient couvertes, dans des conditions insa-tisfaisantes, par des recettes affectées.

Quatre catégories d'opérations ont été réintégrées dans le budget général de l'État.

A) Des dépenses de rémunération et de pension, financées jusqu'à présent par des fonds de concours, sont budgétisées.

Des mouvements qui étaient jusqu'à présent constatés en exécution et approuvés enloi de règlement sont inscrits dans le projet de budget pour 1999.

A la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 30 décembre 1997 relative àla loi de finances pour 1998, les fonds de concours et compte de tiers alimentant lesservices du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (11,25 MdsF en1999) ont été supprimés. Les crédits correspondants ont été inscrits au budget des ser-vices financiers.

Dans le même esprit, il a été procédé à la suppression du fonds de concours qui,depuis 1990, finançait les pensions que l'État verse aux fonctionnaires pour le compte deLa Poste. Désormais, les recettes et les dépenses sont réintégrées dans le budget généraldès le PLF, pour un montant de 14,82 MsdF.

B) Des procédures d'affectation ont été supprimées.

Des dépenses sont désormais intégrées dans le budget général alors qu'elles étaientauparavant financées sur les comptes spéciaux du Trésor. Dans ce cadre, elles ne pesaientpas sur le taux d'évolution des charges publiques. Le projet de budget pour 1999 réintègrequatre dépenses à ce titre.

– les dépenses assurant le financement du prêt à taux zéro avaient été débudgétisées surun CAS dans le budget de 1997 (soit un total de 3,94 MdsF en 1999). Elles sont désormaisréintégrées dans le budget du logement ; parallèlement, le CAS sera supprimé en 2000 etla contribution du 1% logement a été fixée, de façon dégressive, par voie conventionnelle,à l'issue d'une négociation avec l'ensemble des partenaires sociaux gestionnaires du 1%logement.

– les dépenses autrefois imputées sur le Fonds de soutien aux hydrocarbures et finan-cées par une taxe additionnelle à la TIPP, désormais inscrites sur le budget de l'industrie(0,28 MdF en 1999) ; le compte d'affectation spéciale est supprimé en 1999.

– les dotations attribuées à la SOFARIS pour la garantie des prêts bancaires accordés auxPME-PMI (0,55 MdF). Le compte d'affectation spéciale finançant les dotations en capitalaux entreprises publiques n'enregistrera plus cette dépense en 1999.

Page 158: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

149149

– en matière de fiscalité écologique, la création d'une taxe générale sur les activités pol-luantes affectée à l'Etat se substituera à quatre anciennes taxes dont le produit finançaitdirectement l'ADEME. Désormais le budget général, pour un montant de 1,94 MdF en1999, contribuera au financement de l'ADEME tandis que le produit de la nouvelle fiscalitéécologique lui sera versé.

C) Le budget prévoit la compensation sous forme de dotation budgétaire auxcollectivités locales de l'abaissement des droits de mutation à titre onéreux.

La diminution des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) sera compensée auxcollectivités locales par le budget de l'Etat sous forme de dotations budgétaires. Cette nou-velle prise en charge représentera 8,6 MdsF en 1999.

Elle est partiellement couverte par le relèvement de 1 % à 4,8 % des droits de muta-tion sur les cessions de parts de sociétés, comme annoncé le 22 juillet dernier.

D) La clarification de la répartition des compétences entre l'État et la sécuritésociale.

– L'allocation pour les parents isolés (API) était jusqu'alors versée par la CNAF. S'agissantd'une prestation de solidarité garantissant un seuil de ressources, au même titre que lerevenu minimum d'insertion ou que l'allocation pour adulte handicapé, le Gouvernement adécidé d'en assurer le financement par le budget général (4,23 MdsF en 1999).

Outre cette clarification des compétences (qui ne pèse pas sur les dépenses publiquesglobales) cette mesure s'inscrit dans le cadre de la redéfinition de la politique familiale. Eneffet, les allocations familiales ne seront plus mises sous condition de ressources à partir de1999, en contrepartie de la réduction du plafond du quotient familial (3,9 MdsF de recettes).La charge supplémentaire pour la CNAF sera alors compensée par la prise en charge parl'État de l'API.

1.2 Une baisse des impôts favorable à l'emploi, la justice sociale et l'écologie

La part des impôts au profit de l’État dans le PIB baisserait de 0,2 point en 1998 et0,1 point en 1999. Pour cette année, le Gouvernement a pris des mesures en faveur de l'emploi,de la justice sociale et de l'écologie :

– en faveur de l'emploi, la principale mesure est la suppression progressive de la part salairede la taxe professionnelle, dont la première étape en 1999 représentera un effet budgétaire de 7,2 MdsF, et l'abaissement des droits de mutations à titre onéreux, dont l'effet budgétaire estchiffré à 3,7 MdsF ;

– en faveur de la justice sociale, sont intégrées de nombreuses mesures, notamment une baisseà 5,5 % de la TVA sur différents produits et services (abonnements EDF-GDF, appareils destinésaux diabétiques et handicapés, travaux d'améliorations réalisés par les bailleurs privés de loge-ments sociaux), des mesures de lutte contre l'évasion fiscale des grandes fortunes et le relève-ment du taux maximal d'imposition à l'ISF, la limitation de l'avoir fiscal pour les placements finan-ciers des entreprises, la suppression des droits de timbre sur les cartes d'identité et de la taxed'examen du permis de conduire.

Page 159: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

150150

– en faveur de l'écologie, sont pris en compte la réduction progressive de l'écart entre la TIPPsur le gazole et celle sur le supercarburant, afin de l'aligner sur l'écart moyen communautaire,grâce au relèvement de la TIPP sur le gazole ; la baisse à 5,5 % de la TVA sur le traitement desdéchets faisant l'objet d'un tri sélectif ; enfin, la mise en place d'une taxe générale sur les activi-tés polluantes, amorce d'une écotaxe à la française.

Ces mesures représentent un allégement global des impôts de 16,1 MdsF, dont 8,3 MdsFau profit des entreprises, 10,3 MdsF au profit des ménages, la fiscalité des gros patrimoines étantalourdie à hauteur de 2,5 MdsF. Les principaux allégements portent sur la taxe professionnelle(7,2 MdsF), la TVA (5 MdsF) et les droits de mutation à titre onéreux (3,7 MdsF).

Les recettes totales nettes inscrites au projet de loi de finances pour 1999 (hors recettesd'ordre) se montent à 1 429,5 MdsF, contre 1 333,4 MdsF figurant en loi de finances initiale pour1998. Hors impact des mesures de rebudgétisation (+ 32,6 MdsF), les recettes nettes à structureconstante s'établissent à 1 396,9 MdsF, soit une progression de 3,5 % par rapport à la LFI 1998.

En MdF LFI 1998 Révisé PLF 1999 Evolution Rebudgé- PLF 1999

1998 à structure à structure tisations

constante constante

Recettes fiscales nettes 1 448,2 1 459,8 1 522,4 + 4,3 % 10,9 1 533,3Prélèvements sur recettes – 256,0 – 254,6 – 271,0 + 6,4 % – 271,0Recettes non fiscales 141,2 144,9 145,5 + 0,4 % 21,7 167,2

TOTAL DES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL (hors recettes d'ordre) 1 333,4 1 350,1 1 396,9 3,5 % 32,6 1 429,5

Les recettes fiscales de l'État

Les recettes fiscales nettes des remboursements et dégrèvements s'établissent globale-ment à 1 533,3 MdsF et à 1 522,4 MdsF à structure constante, soit une hausse de + 4,3 % par rap-port à la révision des recettes 1998 au vu des recouvrements du premier semestre (1 459,8 MdF).

Principal impôt, la TVA progresse de 4,3 % en tendanciel, en phase avec la croissance atten-due des emplois taxables de +4,2 %. Compte tenu des réductions de taux de TVA opérées dansle cadre du présent projet de loi de finances, le produit de TVA nette évolue de 3,5 % de 1998 à1999.

L'impôt brut sur les sociétés progresse de 4,2 % en 1999, soit une augmentation compa-rable à celle estimée de l'excédent brut des sociétés en 1998 (l'impôt sur les sociétés perçu uneannée étant en grande partie fonction du résultat fiscal des entreprises de l'année précédente). Leproduit net de cet impôt en 1999 est prévu à 194,4 MdsF.

Le produit de l'impôt sur le revenu est évalué à 315,7 MdsF en 1999. Sa progression àlégislation constante est de 3,6 %.

Les prélèvements sur recettes

Deux catégories de prélèvements sur recettes s'imputent sur les produits perçus par l'Etat :le prélèvement sur recettes au profit du budget européen et le prélèvement sur recettes en faveurdes collectivités locales.

Page 160: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

151151

Le prélèvement au profit du budget communautaire est évalué à 95 MdsF dans le PLF1999, contre 91,5 MdsF en LFI 1998. Cette somme, qui correspond au financement de la contri-bution française au budget des communautés, est cohérente avec le chiffrage établi par le Conseileuropéen des ministres le 17 juillet dernier.

Les concours de l'Etat aux collectivités locales se montent à 279,5 MdsF, hors fiscalitétransférée, soit +10 % par rapport à la dotation 1998 révisée. Ce montant résulte du nouveaupacte de croissance et de solidarité, qui présente l'intérêt de garantir aux collectivités locales laprévisibilité pluriannuelle de leurs ressources et de les associer aux fruits de la croissance : leurenveloppe sera indexée sur les prix, auxquels s'ajoutera désormais une fraction de la croissancedu PIB : 0,15 % en 1999, 0,25 % en 2000, 0,33 % en 2001.

Sur ce total, les prélèvements sur recettes fiscales de l'Etat atteignent 176 MdsF, soit environ lesdeux tiers des concours. En tendanciel, le prélèvement sur recettes s'élève à 165,2 MdsF auquels'ajoute l'impact de la réforme de la taxe professionnelle qui donne lieu à une compensation par l'Etat(10,8 MdsF en tenant compte de l'économie sur la réduction pour embauche et investissement).

Les recettes non fiscales

Les recettes fiscales nettes de l'Etat sont évaluées en PLF 1999 à 167,2 MdsF. Hors inci-dences des mesures de rebudgétisation, le montant des recettes non fiscales est de 145,5 MdsF,soit une stabilité par rapport à la réestimation des recettes pour 1998.

1.3 Une réduction du déficit de 21 MdsF

Le déficit budgétaire est arrêté dans le projet de loi de finances pour 1999 à 236,6 MdsF,soit 2,7 % du PIB. Il est inférieur de 21,3 MdsF au déficit voté pour l'année 1998. Cette réductiondu solde budgétaire est du même ordre de grandeur que celle de la LFI 1998 : ainsi, de 1997 à1999, le déficit budgétaire aura diminué de 60 MdsF. Pour la première fois depuis 1991, le soldeprimaire, c'est-à-dire hors charge de la dette, est à l'équilibre.

Graphique : évolution du déficit budgétaire : 1994-1999

Exécution des déficits et des charges de dettes pour 1994-1997, LFI pour 1998, et PLF pour 1999.

- 350,0

- 300,0

- 250,0

- 200,0

- 150,0

- 100,0

- 50,0

0,01994 1995 1996 1997 1998 1999

charges

de

dette

déficit

primaire

Page 161: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

152152

2. Les administrations de sécurité socialeAprès une stabilisation en 1997, où il s'est élevé à 0,6 % du PIB en comptabilité euro-

péenne, le besoin de financement des administrations de sécurité sociale (ASSO) se réduit forte-ment en 1998 pour laisser la place à une capacité de financement de 0,15 % du PIB en 1999. Ce redressement sensible des comptes sociaux résulte en grande partie d'une conjoncture macro-économique favorable et concerne quasiment tous les régimes.

2.1 Le redressement des comptes sociaux

Le redressement des comptes sociaux est lié, avant tout, au dynamisme des recettes quirésulte d'une activité soutenue sur l'ensemble de la période. Ainsi la masse salariale privée pro-gresse de 4 % en 1998 et de 4,3 % en 1999. Mais les comptes bénéficient également des dis-positions spécifiques de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. A cet égard, lebasculement de cotisations salariales maladie sur la CSG se traduit par un gain net en 1998 au pro-fit des régimes d'assurance maladie. L'impact financier de cette réforme s'amplifie en 1999 dufait de la montée en régime de l'élargissement de l'assiette de la CSG. Outre la substitutionCSG/cotisations maladie, la Loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a prévu d'autresmesures portant sur les recettes, notamment un alignement sur l'assiette de la CSG de l'assiettedes deux prélèvements sociaux de 1% sur les revenus du capital affectés respectivement à laCNAF et à la CNAVTS.

L'amélioration du solde des administrations de sécurité sociale provient également d'unerelative modération des dépenses. Le rythme d'évolution des prestations sociales se ralentitdepuis 1996 et devient inférieur à celui du PIB en valeur à partir de 1997.

Cette évolution modérée des dépenses sociales en 1998 et 1999 est due en partie à l'amé-lioration de la situation économique comme en témoigne la stabilisation des dépenses d'indem-nisation chômage dans le cas de l'UNEDIC.

Elle résulte aussi de la poursuite de l'effort de maîtrise des dépenses de santé qui est illus-trée par la fixation d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de613,8 Md F en 1998, en hausse de 2,3 % par rapport à l'objectif national de dépenses d'assu-rance maladie de 1997. En réponse à l'accélération des dépenses maladie observée sur les cinqpremiers mois de l'année 1998, le Gouvernement a arrêté en juillet 1998 un ensemble demesures de nature à limiter l'incidence de ce phénomène. Pour 1999, la projection suppose ladérive des dépenses enrayée et retient une hypothèse de dépenses d'assurance maladie en pro-gression de 2,6 % par rapport à l'objectif de 1998.

Enfin, la mise sous condition de ressources des allocations familiales et l'abaissement duplafond de l'allocation pour garde d'enfant à domicile (AGED), prévus par la loi de financement dela sécurité sociale pour 1998, se sont traduits par une légère diminution des dépenses de labranche famille en 1998. En 1999, les mesures retenues lors de la conférence sur la famille de juin1998, notamment la suppression de la mise sous condition de ressources des allocations fami-liales, ne devraient donner lieu qu'à une croissance modérée des prestations familiales du fait du

En %/PIB 1997 1998 1999

Solde ASSO en comptabilité européenne – 0,6 – 0,15 + 0,15dont régime général – 0,5 – 0,2 0

Page 162: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

153153

transfert à l'Etat de la charge de l'Allocation Parent Isolé (API). Par ailleurs, certaines des mesurescontenues dans la Loi famille de 1994 (APE au 2e enfant) ont à présent achevé leur montée encharge.

Évolution des prestations du régime général et de la masse salariale

2.2 Les différents régimes

Le besoin de financement du régime général qui atteignait 39,6 MdsF en comptabilité euro-péenne en 1997 se réduit nettement en 1998 pour laisser place à un quasi-équilibre en 1999.Les différentes branches du régime général contribuent de manière toutefois contrastée à cetteamélioration :

● Le solde de la branche maladie (régime général) s'améliore sensiblement. C'est en effetla branche maladie qui bénéficie principalement du basculement cotisations salariales-CSG. Cepen-dant, le rééquilibrage de la branche est très étroitement conditionné par le respect intégral d'unobjectif de dépenses assez strict en 1999.

● La branche vieillesse (régime général) reste déficitaire sur l'ensemble de la périodemême si pour des raisons démographiques, la dégradation des comptes demeure limitée : lespremières « classes creuses » nées pendant la seconde guerre mondiale parviennent en effet àl'âge de la retraite. Néanmoins, à partir de 2002 et surtout 2006, cette évolution démographiqueprovisoirement favorable s'interrompra avec l'entrée à la retraite des générations nombreusesissues du « baby-boom ».

● L'évolution du solde de la branche famille traduit surtout les effets des mesures de poli-tique familiale. Ainsi, le besoin de financement de la branche se réduit sensiblement en 1998,grâce, notamment, aux dispositions de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, quirecouvrent des mesures d'économies évoquées précédemment et un élargissement de l'assiettedu prélèvement de 1% sur les revenus du capital affecté à la CNAF. En revanche, les décisionsconsécutives à la Conférence sur la Famille de juin 1998 auraient un impact net légèrement néga-tif sur le solde 1999.

Les régimes autres que le régime général voient leur solde se redresser de manière signi-ficative sur la période 1997-1999 : leur besoin de financement qui atteignait 0,1 point de PIB en1997 laisse la place à un solde très légèrement excédentaire en 1998 puis à une capacité definancement de 0,15 point de PIB en 1999.

● Les régimes d'assurance chômage enregistrent une amélioration sensible de leur solde,qui devient excédentaire en 1999. En effet, les dépenses d'indemnisation se stabilisent sous l'ef-fet d'un recul des demandes d'emploi, partiellement compensé par une montée en charge desbénéficiaires de l'ACA (allocation chômeurs âgés versée aux chômeurs bénéficiaires de l'AUD

0 %

1 %

2 %

3 %

4 %

5 %

6 %

7 %

8 %

9 %

1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Prestations régime général Masse salariale (champ privé)

Page 163: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

154154

ayant 40 ans d'affiliation) et par une revalorisation de l'AUD (allocation unique dégressive). Cetteamélioration s'effectue en dépit d'un accroissement des transferts vers les régimes complémen-taires et d'une poursuite du financement de l'ARPE.

● Le solde des régimes complémentaires redevient globalement excédentaire dès 1998,notamment grâce à l'impact des accords du 25 avril 1996. Toutefois, ce redressement est sur-tout manifeste pour l'ARRCO, tandis que l'AGIRC conserve un besoin de financement sur l'en-semble de la période.

● Les autres régimes enregistrent une amélioration de leur situation financière en 1998 et1999. L'excédent global des régimes des travailleurs indépendants se consolide sur l'ensemble dela période tandis que les régimes spéciaux restent déficitaires.

Évolution des prestations Tous Régimes par risque

3. Les administrations publiques localesAprès plusieurs années de progression de leur endettement, les administrations publiques

locales devraient poursuivre en 1998 et 1999 l'effort de désendettement qu'elles ont récemmentengagé.

Solde des administrations publiques locales

(en point de PIB, comptabilité européenne)

0,15 0,15

0,22

0,04

- 0,4

- 0,3

- 0,2

- 0,1

0,0

0,1

0,2

0,3

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

prévisions

- 10 %

- 5 %

0 %

5 %

10 %

15 %

20 %

25 %

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999

Prestations socialesSanté (hors hôpital)Vieillesse-survieMaternité familleEmploi

Page 164: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

155155

3.1 Une croissance encore soutenue des dépenses locales

L'investissement des administrations locales évoluerait de façon dynamique tant en 1998qu'en 1999. Cette nouvelle tendance, après trois années de tassement, serait imputable à un phé-nomène de « rattrapage » partiel, rapprochant les investissements locaux des niveaux qu'ilsavaient atteint au début des années 1990. En outre, la mise en place progressive des systèmesde retraitement des eaux usées et des déchets, en conformité avec la réglementation euro-péenne, aurait des effets stimulants sur l'investissement local.

Les dépenses de fonctionnement des administrations locales devraient progresser de façondynamique en 1999 comme en 1998, les charges de personnels évoluant à la fois en raison del'application de l'accord salarial du 10 février 1998 et de la prise en charge partielle des emploisjeunes à hauteur de 20 % par les collectivités locales.

Après des baisses de 5 % en 1996 et de 9 % en 1997, les charges d'intérêts devraient quantà elles continuer à décroître en 1998 et 1999, les collectivités locales recueillant à cette occasionles fruits d'une politique de gestion active de leur dette, de la baisse des taux d'intérêt et de leurdésendettement.

3.2 Des assiettes de fiscalité directe dynamique

L'année 1999 sera marquée d'une part par la suppression progressive de la part salaires dela taxe professionnelle et de la part régionale des droits d'enregistrement – disposition dont lesconséquences financières sont compensées par l'État –, d'autre part par la mise en place du« Contrat de solidarité et de croissance ».

Hormis ces deux mesures, la progression des recettes fiscales serait essentiellement impu-table en 1999 comme en 1998 au dynamisme des assiettes de fiscalité directe, les collectivitéslocales souhaitant sans doute poursuivre par ailleurs la politique de modération des taux de fis-calité directe engagée en 1997. Cette évolution marquerait une rupture avec les tendances pas-sées, qui se caractérisaient par un rythme de progression des recettes fiscales des collectivitéslocales supérieur de près de deux points en moyenne à l'évolution du PIB, sous l'effet principa-lement de la hausse des taux de la fiscalité directe.

Le pacte de stabilité financière, qui encadrait les relations entre l'État et les collectivitéslocales entre 1996 et 1998 laisse place à partir de 1999 à un « Contrat de solidarité et de crois-sance ». Le contexte dans lequel s'inscrivent les relations entre l'État et les collectivités localesévolue sous l'influence de plusieurs facteurs : redémarrage de la croissance, incidences finan-cières de l'accord salarial du 10 février 1998, prise en charge partielle des emplois jeunes et enfinnécessité de préserver les marges de manœuvre des collectivités en matière d'investissement.Désormais, à l'indexation sur les prix s'ajoutera une indexation progressive des dotations sur lacroissance du PIB (15 % en 1999, 25 % en 2000, et 33 % en 2001). A ce titre, l'enveloppe croî-tra de 1,7 % en 1999, contre 1,3 % en 1998. Au total, les concours de l'État aux collectivitéslocales s'élèveront à 279,5 MdsF en 1999, soit une progression de 10 % par rapport à 1998.

Page 165: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses
Page 166: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

157

Les dépenses de l'ÉtatLes dépenses du budget général progressent de 1 % en volume en 1999, soit 37 MdsF en

tenant compte de l'inflation (1,3 %). Cette progression permet le financement des priorités dugouvernement : l'emploi et la justice sociale, l'amélioration du cadre de vie. En outre, l'affirma-tion des priorités gouvernementales s'est doublé d'un effort de sélectivité accru dans la dépense.

1. Les priorités du GouvernementLe Gouvernement a arrêté une liste de budgets dont les ressources progressent plus rapi-

dement que la moyenne des dépenses de l'Etat dans le projet de loi de finances pour 1999. Deuxgrands axes ont ainsi été privilégiés :

– l'emploi et la justice sociale, ce qui a conduit à réaliser un effort plus soutenu en faveurdes budgets de l'emploi, de la santé et de la solidarité, de la ville, du logement, ainsi que del'éducation et de la jeunesse et sports ;

– l'amélioration de la vie quotidienne et des services publics rendus aux citoyens, àtravers la progression plus soutenue des moyens consacrés à la justice, la sécurité publique,l'environnement et la culture.

En contrepartie, le rythme de progression des dépenses est plus faible dans les autresministères. De plus, au sein même des ministères prioritaires, des redéploiements ont été opé-rés afin de mettre l'accent sur les dépenses les plus efficaces.

1.1 La lutte pour l'emploi et pour la justice sociale

1.1.1. L'emploi

Le budget de l'emploi s’élève à 161,8 MdsF dans le projet de loi de finances pour 1999, enprogression de 3,9 % par rapport à 1998. Il a deux ambitions :

– rendre la croissance plus riche en emplois, grâce à la réduction du temps de travail ouà la diminution du poids des charges sociales ;

– réintégrer les exclus dans le monde du travail, par des dispositifs d'emplois aidés dansle secteur non marchand ou marchand. C'est la vocation des emplois-jeunes, des contratsemplois-solidarité, des contrats emplois consolidés et du contrat initiative-emploi pour l'inser-tion dans les entreprises.

Le contenu en emplois de la croissance s'est enrichi, notamment sous l'effet de la baisse ducoût du travail des salariés les moins qualifiés (près de 50 MdsF en 1999) : le seuil de croissanceà partir duquel l'économie crée des emplois a été ramené de 2 % dans les années 80 à 1,5 %. Laréduction du temps de travail va également dans le sens d'une croissance plus riche en emplois :avec 1,5 million de salariés concernés l'an prochain, la mesure devrait entraîner la création de115 000 emplois d'ici la fin 1999. Le dispositif sera financé par l'État (3,7 MdsF en PLF) et lesrégimes sociaux, premiers bénéficiaires du dispositif à travers des rentrées de cotisations socialeset de moindres dépenses sociales du fait des créations d'emplois.

La lutte contre l'exclusion se traduit par le développement des emplois-jeunes : 100 000nouveaux postes seront créés en 1999, portant leur nombre à 250 000 à la fin de cette année. Lenombre de contrats emplois consolidés est doublé par rapport à 1998 (60 000). Dans le mêmeesprit, les dispositifs du contrat emploi solidarité (CES) et du contrat initiative emploi (CIE) sontrecentrés sur les publics les plus en difficulté.

Page 167: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

158

La lutte contre l'exclusion passe également par le développement de la qualification : levolume des contrats d'apprentissage est porté à 230 000, celui des contrats de qualification à130 000 (+ 30 %). En outre, 10 000 contrats de qualification « adultes » sont créés à titre expéri-mental.

Les moyens affectés à la gestion de la politique de l'emploi (13,9 MdsF soit + 6,3 % prin-cipalement destinés à la création d'emplois au sein de l'ANPE et des services du ministère) sontégalement mobilisés au service des plus défavorisés. Pour lutter contre le chômage de longuedurée, 40 000 jeunes en difficultés se verront proposer un nouveau départ, à travers des « trajetsd'accès à l'emploi » (TRACE). Enfin, la capacité d'accueil des structures d'insertion par l'écono-mique sera doublée en trois ans.

1.1.2. La santé et la solidarité

Le budget de la santé et de la solidarité s'élève dans le projet de loi de finances pour 1999à 79,9 MdsF. A périmètre constant, la progression est de 3,3 MdsF par rapport à 1998 (+ 4,5 %).Le budget s'organise autour de trois priorités.

Des moyens importants sont consacrés aux minima sociaux. Les crédits destinés au revenuminimum d'insertion (RMI) progressent de 4,2 % (à 26,4 MdsF en 1999) et ceux destinés àl'allocation aux adultes handicapés de 5 % (24,6 MdsF). Ils prennent en compte une hausse modé-rée du nombre d'allocataires dans un contexte de poursuite de la croissance économique (de 3à 4 % selon les allocations) et une revalorisation qui respecte l'indexation de ces ressources. Deplus, l'allocation pour parent isolé (API) est désormais prise en charge par le budget général del'État, pour 4,2 MdsF en 1999.

Les ressources consacrées au développement social et à la lutte contre les exclusions setraduit notamment par la création de 2 000 places nouvelles de CAT, et des moyens supplémen-taires à hauteur de 650 MF pour la mise en œuvre du programme de prévention et de lutte contreles exclusions.

Enfin, les ressources affectées à la santé publique et à la sécurité sanitaire comprennentun effort particulier en faveur de la lutte contre la toxicomanie (hausse de 4,6 % des crédits des-tinés aux structures d'accueil) et de la lutte contre le SIDA et les maladies transmissibles (+ 11 %).

1.1.3. La politique de la ville

Dans le PLF pour 1999, les crédits inscrits au budget de la délégation interministérielle à laville et au développement social urbain enregistrent la plus forte progression au sein du budgetde l'État (plus de 32 % par rapport à la LFI 1998) pour atteindre 1 MdF.

Ceci permet de renforcer significativement les moyens de fonctionnement de la DIV(26,4 MF soit une hausse de 43 %) et de relancer la politique de modernisation et d'animationmenée dans les quartiers (87,6 MF soit + 30 %). Un effort particulier, se traduisant par une aug-mentation de 50 %, a été fait en direction des dépenses d'intervention (656,8 MF), notammentau profit des contrats de ville, dont la dotation passe de 373,52 MF en LFI 1998 à 530 MF en PLF1999 (+ 42 %), ainsi que des Grands Projets Urbains (création d'une enveloppe spécifique de45 MF).

Ces crédits sont complétés par d'autres dotations inscrites au budget de l'État qui concou-rent directement à la politique de la ville.

La dotation du FARIF consacrée à la politique de la ville progresse de 12 % (215 MF). Lestransferts au profit de l'opération « ville vie vacances » et du fonds interministériel d'interventionpour la politique de la ville s'établissent à 246 MF. Des moyens sont également mobilisés par

Page 168: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

159

d'autres départements comme le ministère de l'intérieur (400 MF dont 197,5 MF pour les adjointsde sécurité), le ministère de l'emploi et de la solidarité (4,81 MdsF notamment au titre desemplois jeunes affectés dans les quartiers), le ministère de l'éducation nationale (dont l'effort enfaveur des établissements les plus sensibles atteint 2,13 MdsF), le ministère de la justice (178 MFavec, entre autres, le développement des maisons de justice). Enfin, les dotations de solidarité enfaveur des collectivités locales concernées par les problèmes urbains progressent très sensible-ment en 1999.

Au total, l'effort financier consacré à la politique de la ville par l'Etat (y compris les dépensesfiscales et sociales) s'élèvera à 18,4 MdsF, en hausse de 22 % par rapport à 1998.

1.1.4. Le logement

Les crédits consacrés au logement s'établissent à 45,4 MdsF. Ils sont en progression de 4 %à structure constante, 3,9 MdsF correspondant à des modifications de périmètre. En effet, lesdispositifs qui étaient financés par des comptes spéciaux du Trésor sont progressivement réinté-grés dans le budget général, en particulier les mesures nouvelles relatives au prêt à taux zéro.

Par ailleurs, le mécanisme du « 1 % logement » a été réformé en profondeur, en concerta-tion avec les partenaires sociaux, pour fixer de manière pluriannuelle le cadre des relations finan-cières entre l'État et les organismes collecteurs. L'Union d'économie sociale du logement contri-buera ainsi au financement de la politique du logement à hauteur de 6,4 MdsF en 1999, 5 MdsFen 2000, 3,4 MdsF en 2001 et 1,8 MdsF en 2002.

La priorité du projet de budget pour 1999 est de favoriser l'accès au logement desménages les plus modestes, grâce à la poursuite de l'effort à destination du parc locatif public :80 000 PLA seront financés, 120 000 bénéficieront d'une prime PALULOS à l'amélioration, et labaisse du taux du livret A favorisera la réalisation effective de ces opérations. De plus, les priori-tés de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions sont retracées, notamment à tra-vers l'augmentation des moyens des fonds de solidarité logement afin de prévenir les expulsions,ou la hausse des crédits destinés à la lutte contre le saturnisme.

Le deuxième objectif est de continuer l'effort d'amélioration de la qualité du parc de loge-ments, à travers la rénovation de 1 million de logements supplémentaires en cinq ans, confor-mément aux engagements du Gouvernement. De plus, les barèmes du prêt à taux zéro demeu-rent inchangés, ce qui, compte tenu de la baisse du taux d'intérêt immobilier, devrait contribuerà soutenir fortement le secteur de l'accession à la propriété.

Par ailleurs, des dispositions fiscales sont destinées à l'ensemble des publics : proprié-taires occupants, bailleurs privés ou publics, épargnants. Elles mettent en jeu des montants d'aidesconsidérables, très supérieurs aux dépenses budgétaires dites « d'aide à la pierre ».

Ces dernières années, deux dispositifs fiscaux importants ont été institués :

– la baisse du taux réduit de TVA à 5,5 % pour la construction et la réhabilitation delogements sociaux. Cet avantage sera étendu en 1999 aux travaux subventionnés par l'Agencenationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) pour les logements faisant l'objet d'un conven-tionnement ;

– l'aide à l'investissement locatif : à l'amortissement accéléré (dispositif « Périssol ») sera sub-stitué un mécanisme de conventionnement assorti d'avantages fiscaux dans le cadre du « statut dubailleur privé ».

Enfin, la baisse des droits de mutation vient compléter cette année ces dispositifs.

Page 169: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

160

1.1.5. L'éducation nationale

Le ministère de l'éducation nationale participe à la mise en œuvre des orientations du Gou-vernement en matière de soutien à l'emploi et de lutte contre les exclusions.

L'enseignement scolaire, qui bénéficie dans le projet de budget de 297,7 MdsF, soit unehausse de 4,1 % par rapport à 1998, en est une illustration. En effet, ses moyens supplémen-taires s'organiseront autour de trois axes principaux.

Le soutien de l'emploi des jeunes se traduira par la présence de 60 000 aides-éducateurs,dès la rentrée 1998, sur des contrats « emplois-jeunes ». La part de la rémunération prise en chargepar le budget du ministère (20 %) représente 1,1 MdF.

La lutte contre l'exclusion sera poursuivie à travers trois voies :

– 150 MF supplémentaires seront consacrés à rénover le système de bourses des collègesau profit des familles les plus démunies. Ces mesures seront complétées par un effort en faveurde l'ouverture des écoles pendant les congés (dispositif « écoles ouvertes »), et par la poursuite duplan de relance en faveur de la santé scolaire et de la lutte contre la violence à l'école ;

– une amélioration du taux d'encadrement des élèves, dans un contexte de nouvelle dimi-nution des effectifs scolarisés, et une politique de redéploiements au profit des zones les plusfragiles. Ainsi, sans création nette d'emplois budgétaires, 3 300 enseignants du second degré et616 non-enseignants supplémentaires seront présents, notamment dans les zones d'enseigne-ment prioritaires, pour la rentrée 1999 ;

– la revalorisation de la situation des maîtres du premier degré, notamment dans les zonesd'éducation prioritaires (ZEP). Outre une forte accélération du rythme d'intégration des institu-teurs dans le nouveau corps des professeurs des écoles (le contingent annuel étant porté de17 283 à 24 249 enseignants) des mesures spécifiques sont prévues pour les ZEP, à hauteur deplus de 35 MF.

Enfin, le développement de l'usage des nouvelles technologies sera favorisé, grâce à uneprogression tant des crédits d'informatique et de télématique (+ 55 MF) que du financement deressources pédagogiques multimédia pour les établissements (65 MF).

L'enseignement supérieur bénéficie de crédits en hausse de 5,5 % pour s'établir à 51,1 MdsF. Cet effort important traduit prioritairement la mise en place, conformément aux enga-gements du Gouvernement, du plan social étudiant. L'augmentation de 9,3 % des crédits d'actionsociale en faveur des étudiants, qui s'élèvent à 7,2 MdsF, constitue le premier volet d'un planquadriennal destiné à améliorer le système actuel d'aides. En fin de période, le taux des boursesuniversitaires sera augmenté de 15 % et 30 % des étudiants bénéficieront d'une aide.

Parallèlement, l'encadrement administratif sera renforcé par 800 personnels non enseignantssupplémentaires, le potentiel d'enseignement sera développé avec 1500 enseignants-chercheursde plus, et l'effort de construction et de mise en sécurité des bâtiments universitaires sera pour-suivi dans le cadre du plan « U-3M ». 5 MdsF d'autorisations de programmes sont inscrits au bud-get 1999.

1.1.6. La jeunesse et les sports

En hausse de 3,4 % (plus de 5 % à structure constante), le projet de budget du ministèrede la jeunesse et des sports s'établit à plus de 3 MdsF. Il permet de financer la politique de sou-tien à l'emploi des jeunes, grâce au plan « sport emploi » qui bénéficiera de 5 707 postes (soit+ 307), les 383 contrats de préparation olympique (soit + 30) et les 3 215 postes FONJEP (+ 132).La lutte contre les exclusions se traduit par un renforcement des aides à l'accès au sport (40 MFpour les coupons sport et les coupons loisirs, soit un doublement par rapport à 1998, et 25 MF

Page 170: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

161

pour le ticket sport, soit une hausse de 67 %) et des contrats locaux éducatifs et sociaux qui béné-ficient de 228 MF. Les conseils départementaux des jeunes et le conseil permanent de la jeunessebénéficient de moyens supplémentaires, à la suite des rencontres nationales de la jeunesse deMarly. Enfin, les moyens de la lutte contre le dopage sont fortement majorés : ils atteignent39,5 MF (+ 58 %).

1.2 Les missions de service public et l'amélioration de la vie quotidienne

1.2.1. La justice

Le budget de la justice continue à constituer une priorité, disposant, avec 26,3 MdsF, de5,6 % de moyens supplémentaires. Ces ressources permettent de créer 930 emplois supplé-mentaires (après 790 en 1998) et d'engager les réformes de fond de ce secteur.

Pour que la justice soit accessible et effective dans ses résultats, les services judiciaires dis-poseront de l'essentiel des créations de postes (140 magistrats et 230 fonctionnaires auxquelss'ajouteront 400 assistants de justice) et de plus de 11,6 MdsF de crédits, afin de diminuer lesdélais du contentieux. Cet effort s'étendra également à la justice administrative dont les moyensatteindront 803 MF (+ 5 %) et les effectifs seront renforcés par la création de 61 emplois.

La modernisation de l'administration pénitentiaire sera accélérée par une progression de5,8 % de ses dotations (7 422 MF), bénéficiant notamment à l'amélioration de la condition desdétenus (+ 41 MF), à la construction de nouveaux établissements (696 MF) et à la création de344 emplois nouveaux, dont 220 surveillants.

1.2.2. La sécurité

En hausse de 3 % à structure constante, le projet de budget du ministère de l'intérieurs'établit à 53,2 MdsF. Prolongeant l'effort de 1998, et pour répondre aux besoins et aux attentesexprimés par la population en matière de sécurité de proximité, les effectifs totaux de la policeatteindront 133 088 agents (+ 2,6 % par rapport à 1998), avec en particulier le recrutement de7 600 adjoints de sécurité supplémentaires, qui seront affectés en priorité dans les zones sen-sibles.

En matière d'équipement, les crédits sont en forte progression : +15,7 % en AP. Cesressources permettront d'améliorer le parc immobilier et les équipements de transmission(programme ACROPOL qui bénéficiera de 157 MF supplémentaires en autorisation deprogramme, soit un total de 422 MF).

1.2.3. L'environnement

A structure constante le budget de l'environnement s'élève à 2,2 MdsF, soit une hausse de15 % par rapport à 1998. De plus, 1,8 MdF sont alloués à ce budget suite à la budgétisation dufinancement de l'ADEME dans le cadre de la fiscalité écologique. Ces dotations ne recouvrentqu'une partie de l'effort global en faveur de l'environnement. En 1998, les crédits consacrés àl'environnement par l'ensemble des départements ministériels se sont élevés à 11,32 MdsF.

Outre, la mise en œuvre d'une fiscalité écologique, trois grandes priorités seront financéesgrâce à la hausse des crédits attribués à ce ministère. La protection de la nature et la préventiondes risques bénéficieront de la création d'un fond de gestion des milieux naturels doté de 164 MF.

Page 171: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

162

L'information du public et la protection des personnes seront renforcées, notamment dans ledomaine de l'eau et des risques industriels. Enfin, la maîtrise de l'énergie et le développement desénergies renouvelables recevront une dotation nouvelle de 500 MF, sous la responsabilité desministères de l'environnement et de l'industrie.

Le ministère de l'environnement voit ses moyens de fonctionnement remis à niveau. Afinde lui permettre d'assumer ses responsabilités, 140 emplois nouveaux sont notamment créés.

1.2.4. La culture et l'audiovisuel

Le budget de la culture (15,7 MdsF) est en progression de 3,5 % dans le projet de loi definances pour 1999, ce qui lui permet d'atteindre 0,97 % du budget de l'État, à structureconstante, et donc de progresser vers l'objectif de 1 % fixé par le Premier ministre dans sa décla-ration de politique générale. Un effort tout particulier est porté sur les crédits d'intervention, quicroissent de 3,6 % pour atteindre 4 784 MF. Ces ressources iront notamment au profit du spec-tacle vivant, des enseignements et des commandes artistiques et de la lutte contre l'exclusionculturelle. Les subventions de fonctionnement aux établissements publics totalisent 3 482 MF,soit + 2,5 %, ce qui permet de doter le Centre national de la danse pour la première fois, ainsi quele musée des Arts et Civilisations, dont la création interviendra prochainement (7,5 MF en fonc-tionnement et 25 MF pour les acquisitions). Enfin, l'effort de l'État en faveur du patrimoine estpoursuivi : les dotations destinées au patrimoine monumental s'élèvent à 1 690 MF en autorisa-tions de programme (+ 2,5 %) et 1 471 MF en crédits de paiement (+ 3,9 %).

Le secteur audiovisuel public bénéficie de moyens accrus pour développer ses pro-grammes dans un contexte de mutations : son budget s'élève à 18,5 MdsF, en progression de2,6 % par rapport à 1998. Des mesures nouvelles sont destinées au renforcement de la qualité etde la diversité des programmes des diffuseurs publics et à une politique volontariste d'investis-sements de l'Institut National de l'Audiovisuel dans les techniques numériques. Les concourspublics consacrés au financement du secteur, redevance audiovisuelle essentiellement(12 250 MF) et crédits budgétaires (572 MF, affectés intégralement à RFI), connaissent une pro-gression très significative de 3,2 %.

La hausse du tarif de la redevance est limitée à celle des prix (+1,2 %) grâce notamment àl'amélioration du recouvrement de la redevance : les tarifs sont fixés à 744 F pour un récepteurcouleur et 475 F pour un poste noir et blanc.

1.2.5. La défense

Le projet de budget du ministère de la défense s'établit à 243,5 MdsF, en hausse de 2,2 %par rapport à 1998. Ce projet se caractérise par la poursuite de la professionnalisation avec lacréation de 8 389 emplois de militaires du rang, de 4 751 emplois de volontaires et de 1 488emplois de personnels civils. L'accompagnement de la professionnalisation se traduit, en outre,par diverses mesures nouvelles (aide à la reconversion, développement de la sous-traitance, cré-dits destinés aux réserves, par exemple).

Les crédits d'investissement passent de 81 MdsF en 1998 à 86 MdsF (en AP et en CP) dansle PLF pour 1999 (+ 6,2 %). Les conclusions de la revue des programme sont intégralement res-pectées. Grâce à une nouvelle nomenclature budgétaire, les crédits des programmes les plusimportants sont isolés, répondant ainsi à une demande formulée par le Parlement lors du précé-dent débat budgétaire.

Page 172: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

163

2. Un effort de sélectivité dans les dépensesLe réexamen de chaque dépense a permis d'opérer plus de 30 MdsF de redéploiements.

Une répartition fonctionnelle de la dépense montre notamment que des marges sont dégagéespar le ralentissement de la progression de la charge de la dette. Les effectifs civils sont stabiliséstandis que les dépenses de fonction publique intégrent l'impact de l'accord salarial du 10 févrierdernier. Enfin, la politique d'investissement est relancée et les dépenses de fonctionnementmaîtrisées.

La charge de la dette de l'État

Le projet de loi de finances pour 1999 évalue la charge nette de la dette de l'État à 237,2 MdsF soit 2,4 MdsF de plus que dans la loi de finances pour 1998. Cette hausse modéréeest due au bas niveau des taux d'intérêt ainsi qu'à la baisse régulière du déficit. Ainsi, les gains derefinancement sur les titres à long terme et la politique de gestion active de la dette compensenten grande partie « l'effet-volume » lié au financement du déficit de l'exercice.

Les taux d'intérêt se sont rapprochés du taux de croissance de l'économie française : lestaux d'intérêt réels à 10 ans s'établissaient à 3,5 % en 1998, pour une croissance estimée à 3 %cette année. Conjuguée à la baisse du déficit, la réduction de cet écart permet d'amoindrir « l'effet boule de neige », qui avait contribué à alourdir mécaniquement la dette publique et lesintérêts versés. En 1999, le poids de la dette publique dans le PIB s'élèvera à 58,7 %, soit unequasi-stabilisation par rapport à 1998 (58,2 %).

La politique de la fonction publique

Les effectifs de la fonction publique civile sont stables par rapport à 1998 dans le pro-jet de loi de finances pour 1999. Le maintien du nombre des emplois à 1,682 millions pour lesbudgets civils s'accompagne, comme en 1998, de redéploiements importants pour satisfaire lespriorités du Gouvernement. La suppression de 2 358 postes, notamment dans les ministères del'économie, des finances et de l'industrie, de l'équipement et des transports ou de l'intérieur, per-met la création d'un même nombre d'emplois dans d'autres ministères, en particulier de la justiceet de l'enseignement supérieur.

Les effectifs militaires traduisent la poursuite de la professionnalisation des armées,avec la suppression de 44 120 postes d'appelés et volontaires et de 6 514 emplois militaires.Conformément au schéma retenu par la loi de programmation militaire, 11 920 emplois d'enga-gés et 5 435 postes de volontaires et d'appelés sont créés en compensation.

La politique salariale de la fonction publique intègre plusieurs facteurs. Au-delà del'incidence mécanique de la progression des carrières telles que prévues par les règles statutaireset de la dérive tendancielle des charges de pension, liée notamment à l'augmentation du nombredes retraités, le budget traduit l'impact de la politique salariale de la fonction publique et plusparticulièrement le renouveau de la politique contractuelle engagée par le Gouvernement.

Ainsi, l'accord salarial conclu le 10 février 1998 prévoit une augmentation du point fonctionpublique de 2,3 % au total sur les années 1998 et 1999, de même que diverses mesures derevalorisation des rémunérations, plus particulièrement favorables aux traitements les moinsélevés. Au total, les dépenses de la fonction publique progressent de 20,1 MdsF en 1999, dont14,8 MdsF au titre de l'accord salarial.

L'effort d'équipement de l'État

Si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses d'équipement de l'État, y compris cellesfinancées par les comptes spéciaux du Trésor, il apparaît que le montant total des autorisations de

Page 173: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

164

programmes s'établit en 1999 à 168,1 MdsF à structure constante, contre 163,5 MdsF en 1998,soit une hausse de 2,8 % compte tenu de la progression des crédits militaires. Les crédits civilssont pour leur part stabilisés, après une hausse de 6 % l'an dernier. La tendance observéeentre 1993 et 1997 est ainsi inversée : les dépenses d'équipement de l'État étaient passées de192 MdsF à 166 MdsF, soit une baisse de 13 %.

Les dépenses de fonctionnement des administrations

Les moyens de fonctionnement civils de l'État progressent de 0,3 % en 1999. Les chargescourantes sont maîtrisées. Leur progression et un effort de redéploiement permettent notammentde prendre en charge l'augmentation des dépenses informatiques dans le cadre du plan d'action« société de l'information » : ces dépenses bénéficieront de 1,3 MdF de mesures identifiées, dontplus de 400 MF au titre de projets de numérisation et de mise en ligne de données publiques, dudéveloppement de téléprocédures et de systèmes Intranet, et plus de 400 MF au titre durenouvellement des postes de travail par des équipements plus modernes.

Page 174: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

165

Les impacts budgétaires et redistributifs des principales réformesdes prélèvements fiscaux et sociaux depuis 1997

Favoriser l'emploi, promouvoir la croissance, rechercher une plus grande justice sociale, telssont les objectifs centraux que le Gouvernement a poursuivis depuis juin 1997 à travers lesmesures d'urgence adoptées à l'été 1997, les dispositions de la loi de finances et de la loi definancement de la Sécurité sociale pour 1998, et les propositions qu'il soumet au Parlement dansle cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour1999. Ce chapitre fournit une évaluation synthétique des effets, pour les ménages et pour lesentreprises, des principales réformes des prélèvements fiscaux et sociaux décidées dans ce cadre.La situation de référence est celle de juin 1997, avant la mise en place des réformes étudiées (cf. encadré méthodologique).

Les mesures prises depuis l'été 1997 en matière de prélèvements fiscaux et sociaux doiventêtre appréciées au regard de deux éléments de contexte.

En premier lieu, pour atteindre les objectifs visés en terme de besoin de financement desadministrations publiques (3 % du PIB 1997 et 1998), le Gouvernement a été conduit à augmentertemporairement la fiscalité des entreprises en 1998, en particulier en instituant une surtaxe sur lesbénéfices des sociétés (dans un contexte ou le taux d'autofinancement des sociétés atteignait130 % en 1997).

En second lieu, l'évolution spontanée de l'assiette des prélèvements fiscaux et sociaux (enparticulier celle de l'impôt sur le revenu, en raison de la croissance relativement faible du revenudes ménages en 1997) se serait traduite en 1998 par une réduction sensible des ressources desadministrations publiques (– 0,4 point de PIB en 1998). En 1999, la baisse de prélèvementsobligatoires ne résulterait plus des évolutions spontanées mais du seul effet des nouvelles mesuresfiscales.

Au total, dans un contexte marqué par une décrue globale du taux des prélèvements obli-gatoires (46,1 % en 1997, 45,9 % en 1998, 45,7 % en 1999), l'ensemble des mesures prisesimplique une modification notable de la structure des prélèvements obligatoires dont les deuxprincipales caractéristiques sont les suivantes :

– Les mesures urgentes à caractère fiscal et financier décidées en 1997 conduisent à uneaugmentation des prélèvements sur le profit et le capital en 1997 et en 1998 : le montant pourles entreprises est évalué à 29,8 milliards de francs en 1998. En 1999, le prélèvement sur lesentreprises baisserait de 20,3 MdsF, principalement en raison de la réduction de la surtaxe tem-poraire d'impôt sur les sociétés à 10 % et de l'action en faveur de l'emploi (réduction engagée dela taxe professionnelle, crédit d'impôt emploi). Au total le prélèvement supplémentaire sur lesentreprises atteindra 9,5 milliards de francs entre juin 1997 et 1999.

– En ce qui concerne les ménages, les prélèvements fiscaux auront au total diminué deprès de 10 MdsF et les prélèvements sociaux (essentiellement au travers de la CSG et des prélè-vements sociaux sur les revenus du capital) augmenté de 14,8 MdsF. Ces mesures prises depuis1997 entraînent un rééquilibrage entre les prélèvements sur les revenus d'activité et ceux sur lesrevenus du capital, les premiers étant réduits de 20,3 MdsF. Ce rééquilibrage a également uneincidence redistributive forte puisqu'en 1999, les 90 % de ménages dont le revenu déclaré estinférieur à 248 000 F1 devraient bénéficier d'une baisse des prélèvements, qui atteindrait près de7,5 milliards de francs, tandis que les 10 % des ménages les plus aisés enregistreraient une haussede leurs prélèvements.

1 Les évaluations en termes de déciles de revenus mentionnées dans cette note ont été effectuées à partir d’undécoupage d’un échantillon de 40 000 déclarations de revenus relatives à l’année 1995. L’indicateur de revenu retenuest le revenu brut déclaré avant imputation des déficits et y compris revenus exceptionnels.

Page 175: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

166

Sources et méthodes

L'impact budgétaire et redistributif des réformes des prélèvements fiscaux et sociaux estmesuré par rapport à la situation de référence de juin 1997. Cet impact tient compte, parconséquent, des mesures nouvelles introduites en décrets d'avance en 1997, des mesuresd'urgences à caractère fiscal et financier prises en 1997, de la loi de financement de la Sécu-rité sociale et de la loi de finances pour 1998, enfin des deux projets de loi de finances à venir(PLF rectificatif 1998 et PLF 1999). Par souci de simplification n'ont été retenues que lesmesures dont l'incidence budgétaire était significative. L'analyse exclut également le champcouvert par les régimes sociaux à gestion paritaire (assurance chômage, régimes de retraitecomplémentaires).

En ce qui concerne les ménages, l'impact budgétaire et redistributif a été affiné pargroupes de revenu à l'aide d'un échantillon de déclarations d'impôt sur le revenu. Assimilés àdes foyers fiscaux au regard de l'impôt, les ménages ont été classés par tranches de revenu brutglobal1, chaque tranche de revenu représentant 10 % (un décile) de la population. Le premierdécile regroupe ainsi les 10 % de ménages qui touchent les revenus les plus faibles et le der-nier décile les 10 % de ménages qui touchent les revenus les plus élevés.

Un tel choix permet de mesurer les transferts de richesses qui s'opèrent entre desgroupes de ménages relativement homogènes au regard du niveau de revenu ; le degré deredistribution est en effet fonction directe du volume et du sens de ces transferts. Cependant,les tendances décrites sont vraies en moyenne, pour la population d'un décile - ou d'unensemble de déciles - donné. Il n'en va pas nécessairement de même au niveau individuel : ausein d'un même décile, les ménages peuvent par exemple tirer une part plus ou moins impor-tante de leurs ressources de revenus du travail ou du capital et être donc affectés différemmentpar le basculement des cotisations sociales vers la CSG intervenu cette année ; mais ces diffé-rences au sein d'un même décile ne doivent pas infirmer la tendance marquée depuis juin 1997en faveur de la redistribution.

Il n'a volontairement pas été tenu compte des mesures prises en termes de dépensespubliques, par souci de restreindre l'examen du bilan redistributif au périmètre des prélève-ments obligatoires. Le champ couvert par le système redistributif est en effet très large, puis-qu'il intègre, outre le système de prélèvements, les prestations sociales relevant de l'assis-tance, le champ de l'assurance sociale (prestations dites contributives), enfin, la fourniture deservices publics, comme l'éducation, et les interventions de l'État dans la formation des prix.Si la mesure de l'incidence des deux derniers canaux est éminemment problématique, l'éva-luation des incidences redistributives de la dépense publique pose un problème de périmètreévident (intégration des revalorisations des minima sociaux, etc.). Par exception, il a toutefoisété fait mention, dans le bilan redistributif, de la mise sous condition de ressources tempo-raire des allocations familiales : du point de vue des ménages, cette baisse de prestations peutêtre considérée en effet comme étant de même nature que la diminution du plafond du quo-tient familial qui s'y substituera en 1999.

Il va de soi, enfin, que les effets redistributifs sont estimés sans tenir compte des modi-fications de comportement que les mesures sont susceptibles d'induire en raison des varia-tions de prix relatifs. Cette hypothèse est évidemment très contestable lorsque la raison d'êtredes mesures prises est précisément d'infléchir les comportements (baisse des prélèvements surle travail, hausse de la TIPP sur le gazole, moindre taxation des investissements risqués, etc.).Cependant, ces effets ne se font sentir qu'à moyen terme et l'analyse statique reste valide dansune perspective de court terme.

En tout état de cause, ces limites et omissions ne devraient affecter que de façonmarginale le constat établi. Elles ne sont pas de nature à contrarier le sens des évolutionsprésentées.

1 Le revenu brut global s’entend comme le revenu déclaré à l’administration fiscale, sans imputation des déficits, maisy compris les revenus exceptionnels.

Page 176: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

167

1. Une redistribution de grande ampleur entre les ménages, un rééquilibrage entre la taxation des revenus du travail et du capital

Les dispositions fiscales prises depuis juin 1997 poursuivent trois objectifs :

– premièrement, le rééquilibrage de la taxation des revenus du travail et du capital, aubénéfice des premiers ; les deux mesures les plus significatives, à cet égard, sont la substitutionde la CSG aux cotisations d'assurance maladie et l'élargissement de l'assiette du prélèvementsocial de 2 % au champ de la CSG, intervenus au 1er janvier 1998 ; l'élimination de diverses nichesfiscales, la taxation des plus-values de cession et la moralisation des avantages fiscaux del'assurance-vie vont dans le même sens ;

– deuxièmement, la recherche d'une plus grande justice fiscale ; le projet de loi de financesy fait une large place, à travers, notamment, une augmentation de près de 30 % du rendementde l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la révision des bases locatives des impôts locaux1, desbaisses ciblées de la TVA et, pour la première fois depuis son apparition, la stabilité de la TIPP surl'essence sans plomb ;

– enfin, la promotion de comportements plus respectueux de l'environnement, notam-ment par l'alignement progressif de l'écart de taxation entre le gazole et l'essence sans plombsur l'écart communautaire moyen.

Le tableau 1 récapitule selon leur origine les principales mesures intervenues depuisjuin 1997 en ce qui concerne les ménages.

1 Prenant effet au 1er janvier 2000, cette mesure sera sans incidence sur le revenu disponible des ménages en 1998 eten 1999.

Page 177: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

168

Tableau 1 : Impact des principales mesures touchant le revenu disponible des ménages1

(En milliards de francs)

Référence 1998 1999

Opération de substitution de la CSG aux cotisations sociales« maladie » hors effet impôt sur le revenu (IR) LFSS 1998 – 4,6 – 4,6

Effet IR de la substitution LFSS 1988 0 0,3

Baisse du plafond de la demi-part Célibataires, Veufs, Divorcés LFI 1998 – 0,8 – 0,8

Baisse du plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'unsalarié à domicile id – 0,65 – 0,65

Crédit d'impôt pour dépenses d'entretien id 0 1,4

Aménagement du régime d'aide fiscale à l'investissement dans les DOM-TOM id n. e n.e.

Suppression du régime des quirats id n. s – 0,15

Elargissement de l'assiette du prélèvement social de 2 % au champ de la CSG LFSS 1998 – 5,5 – 6,2

Abaissement du seuil de cession à partir duquel les plus-values sur valeurs mobilières sont imposées LFI 1998 0 – 0,5

PEA : produits de titres non cotés id – 0,05 – 0,05

Prélèvement fiscal de 7,5 % sur les revenus de l'assurance-vie 2 id n. s n.s.

Extension des dégrèvements de taxe d'habitation id 1,1 1,1

Baisse de TVA sur les travaux de réhabilitation de logements sociaux locatifs3 id 2 2,7

Baisse du plafond du quotient familial et du plafond de

déductibilité des pensions alimentaires PLF 1999 – – 3,9

Transmissions par le biais de l'assurance-vie id – – 0,5

Gratuité des cartes d'identité id 0,2 0,6

Suppression de la taxe sur les permis de conduire id 0,2 0,6

Baisses de TVA id – 4,7

Révision des valeurs cadastrales PLFR 1998 – –

Abaissement des DMTO sur les ventes de locaux d'habitation id 1,2 3,7

Rattrapage de la TIPP gazole4 PLF 1999 – – 0,9

Lutte contre l'évasion fiscale et renforcement de l'ISF id – – 2

Mise sous condition de ressources transitoire des allocations familiales en 1998 LFSS 1998 – 4,7 –

Total de l'incidence des mesures sur les ménages – 11,6 – 5,15Evolution de cette incidence par rapport à l'année antérieure 5 – 11,6 + 6,45

Source : SLF, DP.

n.e. = montant non évalué ; n.s. = montant non significatif.

Le signe – indique qu'il s'agit d'un manque à gagner pour les ménages par rapport à une situation de stabilité des prélèvements

obligatoires. Pour chacune des deux années considérées (1998 et 1999), la situation de référence est celle de juin 1997.

Les réformes en italique sont relatives à des mesures prises en 1997, celles en caractères droits à des mesures prises en 1998.

1 De nombreuses mesures, comme la réforme des DMTO et celle de la TIPP gazole, ne manqueront pas d’induire unemodification des comportements. Les chiffrages présentés ne tiennent pas compte de ces effets incitatifs (cf. encadré).2 La mesure n’étant pas rétroactive, elle n’aura des effets que dans huit ans environ.3 La baisse de la TVA relative aux travaux de réhabilitation des logements sociaux locatifs a vocation à bénéficier auxménages.4 La mesure est évaluée par référence à une situation de stabilité en francs courants de la TIPP. Il convient de noter quesi l’on se plaçait par rapport à une situation de stabilité en francs constants, la perte des ménages serait ramenée de0,9 à 0,5 MdF au titre de la TIPP gazole. En outre, le gel en francs courants du prix de l’essence sans plomb induiraitalors une économie pour les ménages et les entreprises de 0,7 MdF.5 L’impact est mesuré, pour les années 1998 et 1999, par rapport à la situation de référence de juin 1997. L’évolutiondu prélèvement par rapport à l’année antérieure mesure, en revanche, la variation de pression fiscale d’une année surl’autre.

Page 178: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

169

L'ensemble des mesures arrêtées depuis 1997 conduit à deux rééquilibrages très signifi-catifs par leur nature et leur ampleur :

– entre le travail et plus largement l'activité, sur lesquels les prélèvements baissent de 20,3 MdsF en 1999, et les revenus du capital, qui subissent un prélèvement accru de 28,4 MdsF ;

– entre les neuf dixièmes inférieurs de l'échelle des revenus, qui voient leurs prélèvementsallégés de près de 7,5 MdsF en 1999, et les 10 % de ménages les plus aisés, pour lesquels les pré-lèvements augmentent de 12,6 MdsF.

Ce double rééquilibrage traduit une orientation redistributive marquée de la fiscalité et desprélèvements sociaux.

1.1 Les réformes corrigent le déséquilibre entre taxation du travail et du capital

L'effet des mesures fiscales et sociales est d'abord de rééquilibrer les prélèvements quipèsent sur les différentes catégories de revenu.

Depuis plusieurs décennies, les revenus du travail ont en France supporté des prélèvementscroissants, en raison principalement des relèvements successifs des cotisations sociales à la chargedes salariés, tandis que les revenus du capital, qui subissaient de faibles prélèvements sociaux,bénéficiaient d'allégements fiscaux, en raison de la désinflation et de diverses mesures de détaxa-tion du revenu de l'épargne.

Avec la création de la CSG et l'élargissement de son assiette, les pouvoirs publics s'étaientdotés d'un instrument puissant de rééquilibrage d'une évolution socialement injuste et économi-quement peu efficace, mais n'en avaient pas pleinement fait usage. Le rééquilibrage est intervenude façon massive au début de 1998, sous la forme d'une hausse de la CSG (4,1 points en général),couplée à une baisse de la cotisation d'assurance maladie (4,75 points). Cette opération a pour effetde réduire les prélèvements sur les revenus d'activité et de mieux prendre en compte la capacitécontributive des ménages via une hausse des prélèvements sur les revenus du capital.

La perte globale pour les ménages induite par la substitution de la CSG aux cotisations d'as-surance maladie (de l'ordre de 4,6 MdsF en 1998) recouvre essentiellement une hausse consé-quente des prélèvements pesant sur les revenus du capital (d'environ 21 MdsF) et une baissesubstantielle de la pression fiscale et sociale sur les revenus d'activité (de l'ordre de 18,5 MdsF).

Tableau 2 :incidence sur le revenu des ménages de la substitution cotisations sociales/CSG intervenue en 1998

(En milliards de francs)

1998 1999

Revenus d'activité hors effet IR 18,5 18,5

Revenus de remplacement hors effet IR – 2,1 – 2,1

Revenus du capital hors effet IR – 21 – 21

Effet IR pour les revenus d'activité 0 – 1,9

Effet IR pour les revenus de remplacement 0 0,2

Effet IR pour les revenus du capital 0 2

Total de l'incidence sur le revenu des ménages 1 – 4,6 – 4,3

Evolution de cette incidence par rapport à l'année antérieure – 4,6 + 0,3Source : SLF, DP.Le signe - indique qu'il s'agit d'une perte pour les ménages. Pour chacune des deux années considérées (1998 et 1999), la situationde référence est celle de juin 1997.

1 Comme dans le tableau 1, l’impact est mesuré, pour les années 1998 et 1999, par rapport à la situation de référencede juin 1997. L’évolution du prélèvement par rapport à l’année antérieure mesure, en revanche, la variation de pressionfiscale d’une année sur l’autre.

Page 179: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

170

La mise à contribution du capital et de ses revenus ne s'est pas limitée à cette opération desubstitution. Elle s'est aussi traduite par un ensemble de mesures fiscales ou sociales : l'élargis-sement de l'assiette des deux prélèvements sociaux de 1 % affectés à la CNAF et à la CNAV auchamp de la CSG ; l'instauration, au delà d'un abattement annuel de 30 000 F ou 60 000 F, d'unprélèvement fiscal libératoire de 7,5 % sur les produits de l'assurance-vie1 ; l'abaissement du seuilde cession à partir duquel les plus-values réalisées sur valeurs mobilières sont imposées (le seuila été réduit de moitié ; il est désormais de 50 000 francs) ; l'augmentation du rendement de l'ISF ;le durcissement des règles relatives aux transmissions de patrimoines par le biais de l'assurancevie. Le rendement de ces mesures nouvelles à partir de 1999 peut être évalué, au total, à 9,2 MdsF (cf. tableau 1).

Enfin, la baisse des droits de mutation sur les transactions immobilières, à hauteur de 3,7 MdsF en 1999, même si elle prend la forme d'un allégement des prélèvements pesant sur lecapital, devrait in fine bénéficier à l'activité plutôt qu'à la rente. Son objectif est notamment d'en-courager la mobilité de certains actifs parfois réticents à déménager pour suivre une opportunitéprofessionnelle, du fait des coûts de transaction importants.

Globalement, les mesures en faveur de l'activité prises depuis juin 1997 entraînent unebaisse des prélèvements de 20,3 milliards de francs en 1999 (16,6 MdsF de baisse des prélève-ments sur les revenus du travail et 3,7 MdsF de baisse des droits de mutation), tandis que lesrevenus du capital sont pénalisés à hauteur de 28,4 MdsF. Il s'agit d'un rééquilibrage très sub-stantiel en direction de prélèvements plus favorables à l'activité2.

Tableau 3 : Rééquilibrage des prélèvements pesant sur l'activité et les revenus du capital

(En milliards de francs)

1998 1999

Mesures en faveur de l'activité 19,7 20,3

dont substitution cotisations sociales/CSG y compris effet IR 18,5 16,6

dont droits de mutation 1,2 3,7

Mesures pesant sur les revenus du capital – 26,55 – 28,4

dont substitution CSG/maladie y compris IR – 21 – 19

dont élargissement de l'assiette du prélèvement social de 2 % – 5,5 – 6,2

dont ISF, assurance vie, seuil de cession valeurs mobilières, PEA, quirats – 0,05 – 3,2Mesures non ventilées3 – 4,75 2,95

Source : estimations DP.Le signe - indique qu'il s'agit d'une perte pour les ménages. Pour chacune des deux années considérées (1998 et 1999), la situationde référence est celle de juin 1997.

1 Compte tenu des prélèvements sociaux, la pression fiscale s’élève au total à 17,5 % sur les produits d’assurance vie.2 La fiscalité de l’épargne aura été in fine profondément remaniée et alourdie par l’instauration, depuis quelques années,de différents prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvements sociaux au profit de la CNAF et de la CNAV, unifiés enun prélèvement unique de 2 %), par l’élargissement de leur assiette et par des augmentations successives de taux.Les trois prélèvements sociaux atteignent désormais un total de 10 %. Il frappe l’ensemble des revenus de l’épargne,à l’exception de l’épargne populaire (Livret A, LEP, Livrets « jeunes », CODEVI, etc.), exonérée de tout prélèvement.3 Il s’agit de l’impact sur les revenus de remplacement de l’opération de substitution cotisation sociales / CSG, desmodifications de l’impôt sur le revenu autres que celles qui ont trait à l’imposition des revenus du capital, des mesuresrelatives à la dépense, enfin de l’extension des dégrèvements de taxe d’habitation.

Page 180: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

171

1.2 Les réformes vont dans le sens d'un effort redistributif accru

L'effet des mesures fiscales et sociales peut ensuite s'analyser en termes de redistributionentre ménages de la charge des prélèvements. Celle-ci résulte principalement du rééquilibrageentre revenus du capital et revenus du travail, et des mesures fiscales spécifiques d'éliminationdes « niches fiscales » et de réduction des impôts pesant sur les foyers modestes. Elle provientaussi de décisions n'ayant pas pour objectif premier la redistribution, mais qui y contribuent : laréorientation de la fiscalité des carburants en vue de favoriser la protection de l'environnement,et la réforme de la taxe d'habitation1.

La hausse des prélèvements pesant sur le capital des ménages est redistributive.

Le patrimoine et ses revenus sont fortement concentrés parmi les hauts déciles de revenu,au contraire des revenus d'activité. Les ménages du dernier décile de revenu global (les 10 % deménages les plus aisés) perçoivent en particulier près de 90 % des plus-values de valeurs mobi-lières et 57 % des revenus de capitaux mobiliers, contre environ 30 % des salaires.

En moyenne, le rééquilibrage entre les prélèvements pesant sur les revenus du travail et ducapital induit donc un effort de contribution accru des ménages aisés et un allégement de lacontribution des ménages à revenus moyens ou faibles. Les réformes engagées depuis juin 1997opèrent ainsi des effets redistributifs conséquents entre ménages.

Les aménagements opérés sur l'impôt sur le revenu favorisent les foyers modestes.

De nombreux aménagements du mode de calcul de l'impôt sur le revenu accroissent lapression fiscale sur un petit nombre de ménages des centiles supérieurs, alors que les ménagesplus modestes en tirent globalement avantage.

La réforme d'un certain nombre de « niches fiscales » (quirats2, PEA, déduction au titre desinvestissements outre-mer3), dans le sens d'un durcissement des règles d'application, pénalisepar exemple un petit nombre de contribuables à hauts revenus qui utilisent ces dispositifs à desfins d'optimisation fiscale.

De même, la réforme de la politique familiale (abaissement à 11 000 francs du plafond duquotient familial) ne pénalise qu'un peu plus de 500 000 foyers, dont près de 90 % sont situésdans le dernier décile de revenu.

L'aménagement de certaines réductions d'impôt a également des effets redistributifs mar-qués. L'abaissement du plafond de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile (il estréduit de moitié et passe à 45 000 francs) concerne essentiellement les ménages situés dans le der-nier décile de revenu : seuls 69 000 contribuables (sur les 30 millions de foyers fiscaux), soit 4,5 %de l'ensemble des bénéficiaires de la réduction d'impôt, ont fait état en 1996 de dépenses excédant45 000 F. Parmi ceux-ci, près de la moitié déclarait un revenu supérieur ou égal à 700 000 francs.

1 Les effets redistributifs de l’abaissement des droits de mutation à titre onéreux sont très difficiles à appréhender.Cette mesure répond au souci de favoriser la mobilité géographique des ménages, susceptible d’être pénalisée par descoûts de transaction trop importants à l’occasion d’un changement de résidence. Si, en principe, plus le foyer disposede revenus importants, plus le ménage détient un patrimoine immobilier important, et donc plus la baisse des droitsde mutation envisagée implique un gain conséquent à l’occasion de transactions, l’appréhension des ef fets redistributifsde cette mesure ne pourrait se faire qu’en tenant compte de l’ensemble des mutations immobilières opérées par lesménages sur la totalité de leur cycle de vie.2 Les personnes physiques qui investissent dans des parts de copropriété de navires de commerce pouvaient déduirede leur revenu global le montant de la souscription dans la limite de 500 000 francs (l MF pour un couple marié). Cetavantage a été supprimé.3 La réduction d’impôt octroyée au titre des investissements réalisés dans les DOM-TOM à compter du 15 septembre1997 a été aménagée en déduction d’impôt, dont le régime est plus strictement encadré (possibilité de déductionrestreinte aux investissements productifs, dans des secteurs d’activité déterminés ; régime d’agrément pour les inves-tissements les plus importants).

Page 181: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

172

Enfin, l'instauration d'un crédit d'impôt pour les dépenses d'entretien de l'habitation princi-pale traduit une volonté d'aider les foyers modestes. Alors qu'une réduction d'impôt ne peut engénéral bénéficier à ces derniers (elle n'est pas remboursée si elle dépasse le montant de l'impôtinitialement dû, ce qui limite l'avantage pour les foyers disposant de faibles revenus et doncacquittant un impôt peu élevé), un crédit d'impôt permet à des ménages, même non imposables,de bénéficier de l'avantage fiscal (puisque le crédit d'impôt est remboursé, même s'il dépasse lemontant de l'impôt dû initialement).

La réorientation de la fiscalité sur les carburants a un effet redistributif.

Prévu sur sept ans, le rattrapage progressif de l'écart de taxation entre le gazole et l'essencesans plomb par rapport à l'écart moyen dans l'Union européenne permet de rapprocher les différentstypes de carburant de niveaux de prix plus conformes aux coûts environnementaux cachés qu'ilsoccasionnent. La progression de la fiscalité des carburants s'est en effet caractérisée, en France, parune moindre progression du prix du gazole que de l'essence sans plomb et du super ordinaire. Cemouvement a favorisé l'essor du parc de véhicules diesel : de 5,2 % des véhicules en 1982, la pro-portion des véhicules particuliers roulant au gazole est passée à 27 % en 1994. Le rééquilibragedes prix des carburants devrait donc être favorable sur le long terme à une réorientation des com-portements d'achat de véhicules vers des modes de transports moins polluants.

Compte tenu de la structure du parc automobile diesel, cette réforme devrait par ailleursavoir des effets redistributifs significatifs à court terme1. En effet, plus le revenu est élevé, plus lapart des ménages disposant d'au moins un véhicule l'est également. En outre, au sein desménages équipés d'un véhicule, la part de véhicules fonctionnant au gazole est plus faible pourles ménages disposant de bas revenus que pour les ménages des derniers déciles. Au total, seuls8 % environ des ménages des quatre premiers déciles de revenu seront affectés par la hausse dela TIPP gazole, contre 23 % environ des ménages du dixième décile.

Par ailleurs, plus le niveau de revenu est élevé, plus la consommation moyenne, le nombrede kilomètres parcourus, et donc le nombre de litres de gazole consommés sont importants. Ceséléments, conjugués aux précédents, permettent d'évaluer, par rapport à une situation d'absencede hausse, la perte annuelle moyenne, pour les ménages utilisant un véhicule gazole et selonleur niveau de revenu, qui est due au rattrapage de la TIPP gazole en 19992. Cette perte est crois-sante avec le revenu.

Tableau 4 : Le rattrapage de la TIPP gazole ;évaluation de la perte moyenne des ménages par niveau de revenu

<75 000 F entre 75 000 F et entre 126 000 F >204 000 F

126 000 F et 204 000 F

Proportion des ménages équipés d’au moins

un véhicule 39,4 % 52,6 % 89,1 % 92,7 %

Proportion de véhicules fonctionnant au gazole 19,2 % 22 % 26,6 % 25 %

Proportion de ménages équipés d’un véhicule

au gazole 7,6 % 12 % 23,7 % 23 %

Nombre de litres consommés en moyenne dans

l’année par les ménagères utilisant un véhicule au gazole 1 060 1 195 1 315 1 530

Perte moyenne en 1999 pour les ménages utilisant

un véhicule au gazole 74 F 84 F 92 F 107 FSource : INSEE, enquête transports, 1994 ; DP.

Nota : la situation de référence est celle d'une stabilité du prix du gazole, en francs courants, par rapport à l'année 1998.

1 On raisonne ici à comportement constant des ménages. Sur le court terme, l’effet désincitatif de la réforme sur l’achatde véhicules fonctionnant au gazole n’est pas pris en compte.2 Hausse de 7 centimes du prix du gazole.

Page 182: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

173

L'objectif prioritaire des réformes touchant la fiscalité locale est d'assurer davantage d'équitéfiscale.

Critiquée en raison de la charge financière importante qu'elle peut représenter pour descontribuables à revenus modestes, voire très modestes, la taxe d'habitation a précédemment faitl'objet d'aménagements : d'une part, la loi de finances pour 1998 a réformé le barème desdégrèvements en instituant un plafonnement de la taxe d'habitation à 1 500 F au bénéfice descontribuables dont le revenu imposable est inférieur à 25 000 F pour la première part de quotientfamilial (plus 10 000 F par demi-part supplémentaire). Cette mesure se traduit par un gain de450 F pour les foyers concernés. D'autre part, cette même loi a élargi le nombre de bénéficiairesd'un dégrèvement partiel en augmentant le seuil de revenu nécessaire pour être éligible auplafonnement1.

Le renforcement de l'équité de la fiscalité locale passe également par la révision des baseslocatives sur lesquelles les impôts locaux (taxes foncières, taxe d'habitation) sont assis. La réforme,qui doit prendre effet au 1er janvier 2000, vise à corriger des situations aberrantes résultant de l'ob-solescence des bases (la dernière révision des bases remonte à 1970 pour les propriétés bâties).Il s'agit de réduire les écarts actuels importants entre les valeurs cadastrales servant au calcul desimpôts locaux et la réalité des situations. La réforme devrait permettre de prendre en comptede façon plus exacte que par le passé la capacité contributive des contribuables : son objectif pre-mier est donc de rétablir l'équité horizontale entre contribuables (à situation égale, traitementégal) en supprimant les inégalités qui résultent de la surtaxation des logements récents ou de laméconnaissance de la part de l'administration fiscale des améliorations apportées aux logementspar certains propriétaires.

Ce faisant, la réforme devrait aussi favoriser une plus grande équité verticale. Compte tenudes ajustements à la baisse des taux, l'amélioration de la qualité de l'assiette d'imposition devraiten effet se traduire par des transferts de charges favorables aux logements sociaux et aux locauxd'habitation situés dans des quartiers d'habitat dégradés. La réforme des bases locatives devraitdonc avoir des effets redistributifs sensibles. C'est ce qu'illustre une simulation sur quatre dépar-tements, dont les résultats sont présentés dans l'encadré suivant.

la révision des valeurs cadastrales : une simulation

Issue d'un rapprochement des fichiers d'impôt sur le revenu et de taxe d'habitation, unesimulation de la DGI donne une vue précise, sur quatre villes et leurs quatre départementsrespectifs, des effets redistributifs de la révision des valeurs cadastrales qui résulterait de l'ap-plication des dispositions de la loi du 30 juillet 1990 et de celles du projet de loi de financesrectificatif de 1998.

Les simulations sont réalisées à produit fiscal inchangé pour chaque collectivité locale.Les compensations potentielles qui pourraient s'opérer entre collectivités locales, d'une part,et entre taxes locales, d'autre part, n'ont pas été prises en compte. Comme la révision desvaleurs locatives affecte les bases des collectivités, le taux de chaque collectivité locale a enrevanche été modifié en contrepartie pour assurer un produit fiscal inchangé. Le nouveau tauxest obtenu par la formule :

taux révisé = taux avant révision x (total des bases de la collectivité avant révision/totaldes bases de la collectivité après révision).

1 Ce seuil, qui avait été ramené par le précédent gouvernement à 90 660 F de revenu imposable pour la première partde quotient familial, a été porté à 102 370 F : le foyer est dégrevé de la fraction de la cotisation de taxe d’habitation quiexcède 3,4 % de son revenu imposable.

Page 183: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

174

Par ailleurs, les simulations sont construites sous l'hypothèse d'une intégration complèteet immédiate des bases cadastrales, sans écrêtement des variations de cotisation. Les résultatsprésentent donc l'impact final de la réforme sur le montant de la cotisation de taxe d'habita-tion, une fois épuisé le bénéfice de l'écrêtement que la réforme prévoit de réserver aux contri-buables dont la cotisation progresserait de plus de 300 F et de 15 % par an. En conséquence,pour les foyers fiscaux dont les bases cadastrales sont fortement sous-évaluées actuellement,les niveaux de taxe d'habitation obtenus à l'issue de cette simulation pourraient n'être atteintsqu'après plusieurs années.

En moyenne, la réforme devrait opérer des transferts de cotisation significatifs des caté-gories de contribuables les moins aisées vers les plus aisées : dans les quatre départementsétudiés, les foyers fiscaux ayant moins de 200 000 F de revenu net imposable bénéficient d'unebaisse moyenne de leur cotisation de taxe d'habitation (cf. tableau ci-après). A l'inverse, laréforme est globalement défavorable aux foyers à hauts revenus (plus de 200 000 F de revenuimposable).

Au niveau individuel, les effets de la réforme sont plus contrastés. Au sein de chaquetranche de revenu, un pourcentage non négligeable de foyers verront leur cotisation de taxed'habitation augmenter ou diminuer dans des proportions importantes.

Impact de la révision des valeurs locatives sur les cotisations de taxe d'habitationpar tranches de revenu (simulation réalisée pour quatre départements :

deux de la région parisienne, un du Sud-Ouest, un de l'Est de la France - données pour 1994)

Tranches de revenu net imposable Variation moyenne des cotisations

Moins de 50 000 F – 3,7 %

de 50 010 à 100 000 F – 3,2 %

de 100 010 à 200 000 F – 0,8 %

plus de 200 010 F (*) + 3,9 %

(*) Soit plus de 277 000 F de revenus bruts d’activité

1.3 Bilan

Au total, les hausses de prélèvements sur les ménages sont supportées par les foyers dis-posant de revenus importants : si l'on exclut le décile supérieur de la distribution des revenus, lesréformes entreprises depuis juin 1997 induisent en moyenne un allégement sensible de la chargefiscale et sociale.

En tenant compte des trois premiers facteurs de rééquilibrage mentionnés ci-dessus (leseffets de la réforme de la taxe d'habitation, qui n'entrera en vigueur qu'en 2000, n'ont pu êtreintégrés dans le calcul), la baisse des prélèvements pour les ménages des neuf premiers déciles,dont le revenu déclaré est inférieur à 250 000 F, devrait être de l'ordre de 7,5 MdsF en 1999.

Page 184: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

175

Tableau 5 : impact redistributif des principales mesurestouchant le revenu disponible des ménages

En milliards de francs.

1998 19999 premiers Dixième 9 premiers Dixième

Total Totaldéciles décile déciles décile

Mesures en faveur de l’activité 13,5 6,2 19,7 13,2 7,1 20,3

Mesures pesant sur les revenus – 11,42 – 15,13 – 26,55 – 11,35 – 17,05 – 28,4du capital et le patrimoine

Mesures non ventilées 0,68 – 5,43 – 4,75 5,6 – 2,65 2,95

dont : impact sur les revenus – 1,5 – 0,6 – 2,1 – 1,3 – 0,6 – 1,9de remplacement de l’opérationde substitution cotisations sociales/CSG(y compris effet IR)

dont : modifications de l’impôt – 0,6 – 5,55 – 6,15 0,4 – 4,35 – 3,95sur le revenu (non relatives à l’imposition des revenus du capital)

dont : mesures relatives à la dépense 1,68 0,72 2,4 5,4 2,3 7,7(TVA, TIPP, gazole, cartes d’identitéet permis de conduire)

dont : extension des dégrèvements 1,1 – 1,1 1,1 – 1,1de taxe d’habitation

Total 2,76 – 14,36 – 11,6 7,45 – 12,6 – 5,15

Source : SLF, DP.

Le signe – indique qu'il s'agit d'une perte pour les ménages. Pour chacune des deux années considérées (1998 et 1999), lasituation de référence est celle de juin 1997.

Nota : l'impact budgétaire des mesures sur les ménages des neuf premiers déciles et ceux du dixième décile est calculé à pro-portion de la part du revenu concerné détenue par les neuf premiers déciles et par le dixième décile.

2. Un allégement de la pression fiscale pesant sur l'emploiDans le cadre des mesures d'urgence à caractère fiscal et financier adoptées en 1997, puis

de la loi de finances pour 1998, plusieurs dispositions avaient significativement alourdi les pré-lèvements pesant sur les entreprises : instauration d'une surtaxe d'impôt sur les sociétés (IS) de15 % au titre des exercices clos en 1997 et en 1998, taxation au taux normal de l'IS de certainesplus-values à long terme1, limitation de la déductibilité des provisions pour renouvellement, sup-pression de la déductibilité des provisions pour licenciement et du régime de la provision pourfluctuation des cours, suppression de l'avantage fiscal attaché à la souscription de parts de copro-priété de navires de commerce (quirats)2.

Même si la plus importante de ces mesures a un caractère temporaire (la surtaxe d'impôtsur les sociétés sera déjà abaissée au taux de 10 % pour les exercices clos en 1999), toutes cesdispositions sont allées dans le sens d'une augmentation de l'assiette et des taux de l'IS, et doncd'un alourdissement de la pression fiscale pesant sur la rémunération du facteur capital.

L'essentiel des mesures prévues dans le cadre du PLF pour 1999 a vocation à abaisser leprélèvement opéré sur la rémunération du facteur travail.

1 À l’exception des plus-values réalisées sur des cessions de participations et des concessions de brevets, pour les-quelles le taux reste fixé à 19 %.2 Jusqu’alors, les entreprises soumises à l’IS pouvaient déduire de leur bénéfice imposable le montant de l’investisse-ment.

Page 185: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

2.1 La réforme de la taxe professionnelle :une simplification orientée vers l'emploi

La taxe professionnelle (TP) est, en raison des aménagements divers dont elle a fait l'objet,un impôt complexe dont les défauts ont été maintes fois dénoncés. Du fait que, pour la majeurepartie des entreprises, elle est partiellement assise sur les salaires, elle peut également exercer uneffet dissuasif sur l'embauche. Les salaires constituaient en effet en 1997 approximativement35 % de l'assiette globale de la taxe professionnelle, représentant un montant de plus de 40 MdsFde TP dû au titre des salaires.

La suppression, prévue sur cinq ans, de la part salariale de l'assiette de la TP devrait remé-dier aux défauts majeurs de ce prélèvement : elle permettra de le simplifier et de favoriser l'em-ploi. Le dispositif envisagé consiste en une réduction de 100 000 F de la base salariale par éta-blissement pour la première année, de 300 000 F pour la deuxième année, etc., jusqu'à l'extinctionde la part salaires la cinquième année. La réforme aboutira dès 1999 à alléger les charges desentreprises de 7,2 MdsF et à annuler purement et simplement l'assiette salariale de plus de 70 %des établissements redevables de la taxe professionnelle (des PME en grande majorité).

La suppression de la part salaires de l'assiette de la TP contribuera à abaisser d'autant lecoût du travail. Ainsi, l'allégement de 7,2 MdsF de taxe professionnelle en 1999 devrait repré-senter 0,33 % de la masse salariale totale des entreprises. Cet abaissement du coût du travail,direct et durable, pourrait se traduire, dès l'année 1999, par la création de 25 000 emplois sup-plémentaires, et par plus de 100 000 emplois à terme.

Les effets économiques de la suppression de la part salarialede l'assiette de la taxe professionnelle

La baisse du coût du travail contribue à stimuler l'emploi et l'activité par l'intermé-diaire de trois séries de canaux :

● les canaux « keynésiens » : la baisse des coûts et des prix stimule la demande.A la suite de la baisse du coût du travail et de la baisse des prix qui en résulte, les ménagesvoient leur richesse réelle augmenter, ce qui les conduit à accroître leur niveau de consom-mation. Par ailleurs, la demande en produits nationaux réagit positivement à l'améliorationde la compétitivité des entreprises.

● les effets d'offre : l'accroissement de la profitabilité des investissements et dessecteurs riches en emploi. La baisse des prélèvements pesant sur le travail améliore la pro-fitabilité des entreprises et leurs perspectives d'investissement. Elle augmente par ailleursplus spécifiquement la profitabilité des secteurs riches en emplois (services, BTP, industriesde main d'œuvre), ce qui contribue à renforcer le contenu en emplois de la croissance.

● les effets de substitution : la baisse du coût du travail conduit les entreprises àadopter des combinaisons productives plus riches en emplois, et ainsi de substituer du tra-vail à du capital.

Au total, une réduction de 40 MdsF des prélèvements pesant sur le travail entraîne-rait un accroissement des effectifs de 100 000 à 140 000 personnes à l'horizon de 5 ans1,une augmentation de l'activité économique de 0,6 à 0,7 point de PIB et une baisse des prixde 1,2 à 1,4 %.

1 On peut estimer à 100 000 les créations d’emplois imputables aux effets keynésiens de stimulation de laconsommation des ménages et des exportations et à 40 000 emplois supplémentaires les effets liés à l’amé-lioration de la profitabilité du capital et des embauches.

176

Page 186: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

La réduction du coût du travail opérée par la réforme de la taxe professionnelle vient s'ajou-ter à un ensemble de mesures prises en 1998 ou 1999 :

● les allégements de cotisations sur les bas salaires. Ceux-ci devraient s'élever, en 1999, à43 MdsF contre 46 MdsF en 1997, cette légère baisse provenant des effets de la réforme de cesallégements début 1998 (baisse du plafond et reproratisation pour les temps partiels) ;

● le crédit d'impôt pour créations d'emplois de 10 000 F par an et par emploi créé. Ce cré-dit est ouvert aux entreprises qui augmentent leurs emplois nets au cours de chacune des années1998, 1999 et 2000. L'aide est limitée aux cinquante premiers emplois créés afin d'être concen-trée sur les PME. Contrairement à la réforme de la taxe professionnelle, ce dispositif en faveur del'emploi ne consiste pas en un abaissement direct et durable du coût du travail, mais il prend laforme d'un avantage fiscal ponctuel conditionné aux augmentations des effectifs des entreprises ;

● les mesures prises afin d'encourager le développement des jeunes entreprises innovantesqui pourraient, à l'image de ce qui se passe aux Etats-Unis, constituer un moteur pour la crois-sance et les créations d'emplois. A cette fin, le dispositif actuel de déduction fiscale pour les per-sonnes physiques qui investissent dans des PME nouvelles sera pérennisé, et le régime des fondscommuns de placement dans l'innovation assoupli. Le régime des bons de souscription de partsde créateurs d'entreprises sera élargi à toutes les entreprises à fort potentiel de croissance demoins de quinze ans1.

Au total, en 1999, l'ensemble de ces mesures devrait permettre une baisse des prélève-ments de plus de 7 milliards de francs.

Tableau 6 : impact pour les entreprises des principales mesuresdestinées à promouvoir l'emploi et l'innovation

En milliards de francs.

Référence 1998 1999

Crédit d'impôt pour créations d'emplois LFI 1998 0,25 3

Aménagement du dispositif d'allégement de cotisations id – 7,2 – 3sur les bas salaires

Suppression de la taxe professionnelle sur les salaires PLF 1999 0 7,2

Total – 6,95 7,2

Source : SLF, DP.Le signe – indique qu'il s'agit d'une perte pour les entreprises. Pour chacune des deux années considérées (1998 et 1999),

la situation de référence est celle de juin 1997.Les réformes en italique sont relatives à des mesures prises en 1997, celles en caractères droits à des mesures prises en 1998.

2.2 Un alourdissement en partie temporairedu poids de l'impôt sur les sociétés

En 1999, l'augmentation de l'assiette de l'IS par rapport à la situation de juin 1997 résulterade l'impact des mesures prises en 1997 et 1998, dont la surtaxe temporaire d'impôt sur les socié-tés, abaissée cependant au taux de 10 %, et plus marginalement, de celui des mesures nouvellesprises dans le cadre du PLF 1999, comme la réduction de 50 à 45 % du taux de l'avoir fiscal pourles entreprises. En revanche, l'effet induit sur l'IS de la suppression de l'assiette salaires de la taxeprofessionnelle ne devrait être sensible qu'à partir de l'an 2000.

177

1 Ces mesures ne sont pas présentes dans les tableaux ci-après, faute d’éléments permettant un chiffrage significatif.

Page 187: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

178

Au total, l'augmentation d'impôts pesant sur le profit et le capital des entreprises sera en1999 de 16 milliards de francs par rapport à juin 1997.

Tableau 7 : impact des principales mesures touchant le profit et le capital des entreprises

En milliards de francs.

Référence 1997 1998 1999

Contribution temporaire d'IS MUFF 1997 – 13 – 14,5 – 9

Suppression du régime spécial des plus-values de long terme id – 6,5 – 2,3 –2,3

Limitation de la déductibilité des provisions pourrenouvellement LFI 1998 – – 2,2 –1,1

Suppression du régime de la provision pour fluctuationdes cours id – – 0,7 – 0,35

Suppression de la déductibilité de la provision pourlicenciement id – – 1,8 – 0,9

Suppression du régime des quirats id – – 1,35 – 1,35

Baisse de l'avoir fiscal PLF 1999 – – – 1

Total de l'incidence des mesures sur le profit et le capital – 19,5 – 22,85 – 16

Evolution de cette incidence par rapport à l'annéeantérieure1 – 19,5 – 3,35 + 6,85

Source : DP, SLF.

Le signe – indique qu'il s'agit d'une perte pour les entreprises. Pour chacune des trois années considérées (1997, 1998 et1999), la situation de référence est celle de juin 1997.

Les réformes en italique sont relatives à des mesures prises en 1997, celles en caractères droits à des mesures prises en1998.

2.3 L'évolution des prélèvements sur les entreprises

Les réformes en direction des entreprises s'articulent en définitive autour de deux ten-dances : un renforcement des charges supportées par le capital et un allégement des prélève-ments pesant sur le travail. L'addition de ces effets conduit à des impacts différents suivantl'échéance temporelle considérée.

En 1999, l'ensemble des mesures prises en direction des entreprises va provoquer unehausse des prélèvements de 9,5 milliards de francs. Les charges des entreprises devraient cepen-dant diminuer ultérieurement du fait de la baisse progressive de la contribution temporaire d'ISet de la montée en puissance de la réforme de la TP. L'augmentation de la TIPP gazole – qui nedevrait pas, de surcroît, concerner les véhicules de transports de marchandises les plus lourds –ne devrait accroître que de façon limitée les charges des entreprises2.

1 Comme dans les tableaux 1 et 2, l’incidence des mesures est évaluée, pour trois années, par rapport à la situationde référence de juin 1997. L’évolution de l’incidence des mesures par rapport à l’année antérieure mesure, en revanche,la variation de pression fiscale d’une année sur l’autre.2 Une stabilité en francs courants de la TIPP signifierait un allégement relatif de charges pour les entreprises, comptetenu des revalorisations de leurs prix d’une année sur l’autre.

Page 188: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

179

Tableau 8 : impact des principales mesures touchant les entreprisesEn milliards de francs.

1997 1998 1999

Mesures en faveur de l'emploi – – 6,95 7,2

Prélèvements touchant le profit et le capital – 19,5 – 22,85 – 16

Autres mesures (dont rattrapage de la TIPP gazole et baisses de TVA concernant le régime des micro-entreprises) – – – 0,7

Total de l'incidence des mesures sur les entreprises – 19,5 – 29,8 – 9,5

Evolution de cette incidence par rapport à l'annéeantérieure1 -19,5 – 10,3 + 20,3

Source : DP, SLF.

Le signe – indique qu'il s'agit d'une perte pour les entreprises. Pour chacune des trois années considérées (1997, 1998 et1999), la situation de référence est celle de juin 1997.

3. Des réformes qui contribuent à la baissedes prélèvements obligatoiresLes principales mesures prises depuis juin 1997 ont pour effet d'alourdir de 21,9 MdsF les

prélèvements portant sur les ménages et les entreprises en 1998. En 1999, ils voient en revancheleur position améliorée de 26,75 MdsF par rapport à l'année 1998.

Tableau 9 : incidence des mesures nouvelles sur les ménages et sur les entreprises

En milliards de francs.

1997 1998 1999

Total – 19,5 – 41,4 – 14,65

dont ménages – – 11,6 – 5,15

dont entreprises – 19,5 – 29,8 – 9,5

Variation par rapport à l'année antérieure – 19,5 – 21,9 + 26,75

Ce bilan des mesures nouvelles doit être replacé dans le contexte de l'évolution des pré-lèvements obligatoires en 1998 et 1999. Le taux de prélèvements obligatoires enregistre en effeten 1998 comme en 1999 une diminution de 0,2 point de PIB, qui le ramène de 46,1 % du PIB en1997 à 45,7 % en 1999. Cette diminution peut se décomposer entre :

● l'effet propre des mesures fiscales, qui s'apprécie « toutes choses égales par ailleurs ».C'est l'optique qui a été retenue dans ce chapitre pour évaluer l'impact des mesures nouvelles.

● l'évolution spontanée des prélèvements obligatoires. L'évolution de la conjoncture peutéroder le poids des prélèvements obligatoires dans le PIB en raison de l'inertie de certainesassiettes d'imposition par rapport à l'activité, ou de la composition cyclique de la demande.

1 Comme dans les tableaux 1, 2 et 7, l’incidence des mesures est évaluée pour les trois années par rapport à la situa-tion de référence de juin 1977. L’évolution de l’incidence des mesures par rapport à l’année antérieure mesure, enrevanche, la variation de pression fiscale d’une année sur l’autre.

Page 189: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

180

L'évaluation de l'impact des mesures nouvelles sur le taux de prélèvements obligatoiresdoit en outre tenir compte du périmètre des prélèvements obligatoires : cette correction estnécessaire pour passer de l'incidence des mesures sur la situation des ménages et des entreprisesà leur impact en termes de prélèvements obligatoires. Ainsi, les réformes intervenues depuisjuin 1997 induisent une augmentation du niveau des prélèvements obligatoires de 10 MdsFen 1998 (+ 0,1 point de PIB), puis une diminution de 17,65 Mds en 1999 (- 0,2 point de PIB).Le fait que les mesures adoptées aient sur les prélèvements obligatoires une incidence moindreque sur les revenus des agents provient notamment de ce que l'impact de la mise sous conditionde ressources temporaire des allocations familiales, en 1998, et la prise en charge par l'Etat desallégements de cotisations sociales sur les bas salaires ne sont pas comptés en baisse des prélè-vements obligatoires, mais en hausse des dépenses de l'Etat.

Au total, la décomposition (cf. tableau 10) entre d'une part l'effet propre des mesuresfiscales et d'autre part l'évolution spontanée montre que de la réduction de 0,2 point du taux deprélèvements obligatoires en 1998 puis en 1999 s'effectue selon des modalités bien différentes :en 1998, cette baisse est imputable à l'évolution spontanée, qui y contribue pour 0,4 point, tan-dis que les mesures fiscales augmentent le poids des prélèvements obligatoires de 0,2 point (0,1 point pour les mesures antérieures et 0,1 point pour les mesures postérieures à juin 1997).En 1999 en revanche, la décrue des prélèvements obligatoires provient, en totalité, de l'ef-fet des mesures de politique économique.

Tableau 10 : contribution des mesures prises depuis juin 1997à l'évolution d'une année sur l'autre du taux de prélèvements obligatoires (P.O.)

1997 1998 1999

Incidence des mesures nouvelles sur l'évolutiondes revenus des ménages et des entreprises * + 19,5 + 21,9 – 26,75

Contribution des mesures nouvelles à l'évolution + 19,5 + 10 – 17,65des prélèvements obligatoires (en MdsF)1

Contribution des mesures nouvelles à l'évolution + 0,1 – 0,2du taux de P.O. (en points de PIB)

Contribution des mesures antérieures à juin 19972 + 0,1 0à l'évolution du taux de P.O. (en points de PIB)

Evolution spontanée des prélèvements obligatoires – 0,4 0(en points de PIB)

Evolution totale du taux de prélèvements obligatoires – 0,2 – 0,2(en points de PIB)

Taux de prélèvements obligatoires (en points de PIB) 46,1 45,9 45,7

Source : DP, SLF.

Nota : sont appelées mesures « nouvelles » les mesures prises depuis juin 1997 ; mesures « antérieures », les mesures inter-venues avant juin 1997.

* Un signe positif signifie un alourdissement des prélèvements et un signe négatif un allégement.

1 L’évolution de l’incidence des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires justifie des retraitements. Lessignes des montants sont inversés par rapport à la ligne du tableau précédent (par convention, le signe – caractérisaitune perte pour les acteurs économiques ; le signe + marque au contraire une incidence positive sur les P.O.).2 Par exemple, contribuent à l’augmentation du taux de prélèvements obligatoires en 1998 l’augmentation d’un pointde CSG intervenue en janvier 1997, ou encore un aménagement de la fiscalité de l’IS dans le courant de l’année 1996.

Page 190: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses

I M P R I M E R I E N A T I O N A L E

8 000006 1 ◗ C5 – octobre 1998

Page 191: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses
Page 192: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses
Page 193: 80000061 BAT 001 188 C5 MG-PM - Forum de la … · Le rapport économique, social et financier que le Gouvernement adresse chaque année au ... que c’est en présentant nos analyses