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Les premires momies gyptiennes
La momification n'est pas un produit de la civilisation gyptienne son
apoge, rvle une tude. Mais de ses devanciers mal connus, qui vivaient
il y a six mille ans au centre du pays.
Une obsession. Prserver son corps, cote que cote. On plonge le cadavre dans une substance
voisine de la soude, pour le desscher. On prlve le cur, le foie, les organes, pour viter la
fermentation. On casse un petit bout du crne pour retirer le cerveau. On bourre le corps de
plantes, on l'enduit d'un baume et on l'enveloppe de bandelettes la fin, prs de la momie on
dpose des rouleaux de papyrus avec des incantations comme ci-dessus. C'est l'poque, autour
de 2000 1000 ans av. J.-C., o la momification en gypte est son znith et s'tend de
nombreuses couches de la population.
Mais d'o vient cette pratique ? Pendant longtemps, le scnario privilgi tait le suivant.
Inhumant leurs morts dans de simples fosses dans le dsert, les gyptiens auraient d'abord
constat l'tonnante capacit de ce dernier prserver les cadavres de la putrfaction. Puis
l'gypte serait devenue peu peu un tat centralis et organis, inventant mme sa propre
criture vers 3300 ans av. J.-C.. Mais ce n'est que vers 2500 ans av. J.-C. que ses savants, sans
doute, auraient constat que diffrentes substances, comme les rsines, permettait de mieux
prserver les cadavres. C'est de cette manire que peu peu, l'art de la momification aurait pris
son envol, devenant de plus en plus sophistique au fil du temps.
Dans les annes 1990-2000, des dcouvertes relancent le dbat. Une quipe internationale met
au jour un bien trange cimetire, Hirakonpolis dans le sud de l'gypte, datant d'environ
3500 ans av. J.-C. Leur attention est d'abord accapare par l'abondance de victimes d'excution
ou de sacrifices (tus la massue, dcapits ou gorgs, scalps, ) Mais ils font une autre
dcouverte, en apparence plus modeste. Sur certains dfunts, les fossoyeurs ont appliqu des
linges imprgns de quelque chose qui ressemble de la rsine. Puis ils les ont en partie
emmaillots dans du lin, et dposs sur des nattes. l'inverse des momies usuelles, ils ne l'ont
fait que sur certaines parties du corps la tte ou les mains. Il y a mme une jeune dfunte, sans
doute d'un haut statut social, dont les fossoyeurs ont trait de la sorte un organe, avant de le
remettre en place.
Les premires momifications ? Il faudrait faire des analyses. Or le service des Antiquits
gyptiennes impose qu'elles se fassent sur son territoire qui manque cruellement de
laboratoires bien quips. En l'tat, impossible de trancher, la substance pouvant avoir t
naturellement exsude par le cadavre.
Mais les chercheurs se rappelrent alors ce qu'ils avaient lu dans un vieux livre des annes 1920.
Deux archologues britanniques y relataient des emmaillotements similaires de ttes et de
mains dans un autre cimetire. Par chance, ils avaient envoy l'poque des chantillons de ces
tissus dans un muse anglais. Et au fil du temps, plusieurs gyptologues y avaient not la
prsence d'une substance un peu cireuse En outre, les textiles proviennent de cimetires a
priori encore plus anciens que celui d'Hirakonpolis. Bref, des analyses s'imposent.
Celles-ci rvlent que la substance contient bien de la rsine de conifre. Et d'autres ingrdients:
principalement des graisses, animales ou vgtale, et un petit peu de sucre (ou de la gomme
plantes), de cire vgtale et de bitume. Les rsultats sont convaincants explique Alain
Tchapla, de l'universit Paris sud. Les chantillons les plus anciens, indiquent les datations,
remontent prs de 4200 ans av. J.-C. La plus ancienne preuve de momification. Et une
poque franchement inattendue pour les chercheurs.
En outre la recette est tonnamment similaire, crivent les chercheurs, celles des
embaumeurs gyptiens quand ceux-ci taient au sommet de leur art, 2500 3000 ans plus tard
. De l conclure que les bases de l'embaumement taient dj en place cette date et ont
perdur, il n'y a qu'un pas qu'Alain Tchapla enjoint de ne pas franchir. Parfois, pour certaines
momies, les analyses ne dtectent rien d'autre que des corps gras. Il y avait visiblement une
certaine diversit des pratiques de momification (voir aussi ici, en anglais). Les chercheurs sont
encore loin de savoir comment ces dernires ont volu au cours du temps. D'abord en raison
de la difficult de runir un chantillon vraiment reprsentatif de momies, notamment pour les
hautes classes sociales (pharaons, grands prtres, etc.) Ensuite parce que beaucoup de momies
ont reu divers traitements pendant leur conservation dans les muses, qui n'ont pas toujours
t nots, ce qui peut brouiller les analyses.
Reste qu'il s'agit bien de prmices de la momification. Une raison de plus de s'intresser aux
occupants de ces cimetires, des populations mconnues que les gyptologues appellent la
culture Badari. C'est en 1922 qu'un des deux archologues britanniques cits plus haut, Guy
Brunton, la dcouvre. Alarm par les pillages dans la rgion qui alimentent les antiquaires du
Caire, il se rend sur place et met au jour plusieurs centaines de tombes. Ces populations, des
leveurs, chasseurs, pcheurs, fabriquent de belles figurines en ivoire, des palettes fard dans
une pierre bleu-noire. Ils semblent constituer en gypte les premiers frmissements d'une
socit organise.