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DENIS MERCIER PARTIR DU BON PIED Dès qu’on entend la voix feutrée de Denis Mercier, on souhaite tout de suite l’associer à une belle histoire… celle des Mercier du Québec, par exemple! À défaut de connaître ses ancêtres, ni même ses grands-parents, le natif de Maniwaki a pris racine dans la vie, entouré de l’amour princier d’une reine du foyer et d’un père cordonnier. Ses bons souliers l’ont mené des spectacles du primaire aux cours de l’École nationale de théâtre; du quotidien tranquille de son Outaouais aux méandres troubles de L’héritage et à la fantaisie de Traboulidon, des émissions qui ont marqué plus d’une génération. PAR Martin Grenier PHOTO: DOMINIC GOUIN «Mon père et mes oncles étaient très amis avec les Amérindiens du coin (Maniwaki)», relate Denis Mercier. «Ma mère, comme on dit, était “reine du foyer”. Comme disait Yvon Deschamps: “Ma mère travaillait pas, elle avait trop d’ouvrage!”»

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denis MeRCieR

PARTiR dU BOn Pied

Dès qu’on entend la voix feutrée de Denis Mercier, on souhaite tout de suite l’associer à une belle histoire… celle des

Mercier du Québec, par exemple! À défaut de connaître ses ancêtres, ni même ses

grands-parents, le natif de Maniwaki a pris racine dans la vie, entouré de l’amour princier d’une reine du foyer et d’un père cordonnier.

Ses bons souliers l’ont mené des spectacles du primaire aux cours de l’École nationale de

théâtre; du quotidien tranquille de son Outaouais aux méandres troubles de L’héritage

et à la fantaisie de Traboulidon, des émissions qui ont marqué plus d’une génération.

Par Martin Grenier

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«Mon père et mes oncles étaient très amis avec les Amérindiens du coin (Maniwaki)», relate Denis Mercier.

« Ma mère, comme on dit, était “reine du foyer”. Comme disait Yvon Deschamps: “Ma mère travaillait pas, elle avait trop d’ouvrage!”»

M. Mercier, avez-vous un intérêt particulier pour l’histoire?J’aime l’histoire, beaucoup même. J’ai entre-pris mes études dans ce sens-là, en science politique et en histoire. J’ai choisi le théâtre par un concours de circonstances. À l’époque, je pouvais autant jouer au football que faire des spectacles de fin d’année: c’était tout à fait naturel pour moi, depuis la première année. Quand j’étais adolescent, ma marraine m’avait offert un des tout premiers enregis-treurs vocaux portatifs. Dans la famille, on pensait que c’était peut-être l’orientation que j’allais prendre. J’ai suivi des cours de diction très jeune, ç’a continué... Comme j’étais un petit peu brusque au hockey, on a décidé que je suivrais des cours de diction plutôt que d’aller me battre sur la glace... (rires) Venez-vous d’une famille nombreuse?Je suis né à Maniwaki. Les racines des Mercier, les miennes, viennent de l’Outaouais. Dans ma famille, nous étions sept enfants. Mais je suis le parrain de mon cousin qui lui, était le 12e de sa famille!

À la blague, on se rappelle que dans les Hautes-Laurentides, à l’époque du curé Labelle, on donnait une terre gratuite à la famille ayant un 12e enfant. Je n’en ai jamais vu la couleur... (rires)Quelle était l’occupation de vos parents?Ma mère, comme on dit, était «reine du foyer». Comme disait Yvon Deschamps: «Ma mère travaillait pas, elle avait trop d’ouvrage!» (rires) Mon père, lui, était cordonnier. Il a commencé avec son frère. En fait, mon oncle, un de mes cousins, mon frère et mon père étaient cordonniers. Une famille qui partait du bon pied, quoi! La cordonnerie de votre père était-elle une institution à Maniwaki?Oui, c’était l’époque de la Canadian International Paper, qui faisait de la coupe de bois dans ce coin-là. Mais c’était plus que de la cordonnerie. Mon père a commencé comme bottier, et il fabriquait aussi l’attelage, les harnais des chevaux du chantier, les tentes et les bottes pour tous les travailleurs. Il faisait à peu près tout. Après notre déménagement

Des vitrAux DéforMAnts...En l’église Saint-Aubin de Tourouvre, deux vitraux rendent hommage à la famille Mercier. Or, deux erreurs s’y sont glis-sées... On y représente Honoré Mercier en visite en tant que premier ministre du... Canada, alors qu’il dirigeait le Québec. Puis, sur l’autre vitrail, on illustre le départ de Julien Mercier, fier capitaine sur le point de partir vers la Nouvelle-France, disant adieu à ses parents. Or, dans les faits, ce Julien Mercier n’était qu’un pauvre ouvrier orphelin...

à Hull, mon père a continué. On l’appréciait, parce qu’il était très méticuleux. Par exemple, lorsqu’il réparait les bourses des femmes, il s’évertuait à repasser dans les trous origi-naux. Avant l’arrivée des produits d’Asie, les chaussures et les bourses, c’était précieux. Ça nous suivait presque toute une vie, un peu comme les frigos. Vous avez étudié le théâtre dans la même classe que Michel Côté. Était-il un bon camarade?Oui, oui. On avait un bon groupe, qui avait parfois des divergences d’opinion, comme tout le monde, mais il était solide. On ne peut pas vivre trois ans ensemble sans faire des efforts pour que tout aille bien. Michel, effectivement, a été une belle rencontre. On le voit bien, ce n’est pas quelqu’un de banal! Vous souvenez-vous de votre premier engagement?Justement, je vais vous conter quelque chose qui a trait à Michel Côté. Comme on étudiait ensemble, les gens me disaient: «Toi, avec ta

voix, tu vas travailler au théâtre, tout de suite en sortant.» Je suis parti un peu avant la fin de ma troisième année d’école, parce que j’avais des engagements, dont un dans une pièce pour enfants où je devais jouer un Amérindien... muet! (rires) Ça m’a fait plaisir de le dire à Michel, c’est devenu une petite blague entre nous. vous avez joué dans quelques sagas familiales, dont L’héritage. Quel souvenir en gardez-vous? Comme ma belle-famille vient de la Gaspésie, c’est certain que lors des tournages, je me retrouvais un peu en famille. Ç’a été une belle découverte de connaître les gens dans leur milieu, dans leur quotidien; de voir comment on percevait le monde urbain. Et ça m’a replongé un peu dans ce que moi, j’ai vécu, parce que mes racines étant toujours à Maniwaki, je retournais voir mes cousins, mes cousines, mes oncles et mes tantes là-bas. On passait les fêtes ensemble et une grande partie de l’été. Maniwaki a été

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vitraux honorant les Mercier, dans l’église saint-Aubin de tourouvre, en france

C’est le cas de le dire, chez les Mercier, le nom Honoré se

transmet avec honneur! Tout commence avec le premier ministre du Québec, élu en 1887. En 1875, il donne son

prénom à son nouveau-né. À défaut de prendre la tête de la province comme son paternel,

Honoré junior deviendra lui aussi avocat et politicien,

siégeant notamment comme député de Châteauguay. Ce deuxième Honoré Mercier

léguera à son tour son prénom à son fils, qui portera égale-

ment les chapeaux d’avocat et de député de Châteauguay. Le quatrième du nom verra le jour, le 5 juin 1940, à Montréal et, à

l’image de son père, de son grand-père et de son arrière-grand-père, il prénommera (avec tout de même une petite variante) son fils

David-Honoré.

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TOIRE Denis Mercier devant la

maison d’Honoré Mercier, lors du tournage du Québec,

une histoire de famille

De 1983 à 1987, Denis Mercier a marqué l’imaginaire de toute une génération de jeunes dans l’émission Traboulidon, aux côtés de sylvie Léonard.

Le père de Denis Mercier concevait toutes les bottes des travailleurs de la CiP (photo de 1951).

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Maniwaki en 1950, ville natale de Denis Mercier

« Comme j’étais un petit peu brusque au hockey, on a décidé que je suivrais des cours de diction plutôt que d’aller me battre sur la glace... »

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• On compte quelque 14 300 Mercier au Québec, ce qui en fait notre 62e patronyme en importance.

• Le nom Mercier renvoie au métier de mercier, c’est-à-dire un marchand qui, au Moyen Âge, se promenait de paroisse en paroisse, en vendant un peu de tout.

• En France, les Mercier occupent le 25e rang des noms de famille les plus répandus, et la majorité habite le nord du pays.

• Au moins 17 Mercier ont fait la traversée jusqu’en Nouvelle-France, mais seulement 5 de ces pionniers ont encore, aujourd’hui, une descendance qui porte leur nom.

FiCHE DEs MErCiEr sur LE siTE oFFiCiEL DE La sériE:http://lequebecunehistoirede famille.com/communaute/mercier

Association des Mercier de l’Amérique du Nord: www.famillesmercier.org

Les MeRCieR En brEF...

LEs Maisons MErCiErLes Mercier du Québec ont la chance de pouvoir admirer plusieurs demeures en lien avec leurs racines. En voici trois incontournables:

1- La maison ancestrale où a grandi le pionnier Julien Mercier se trouve à La Grandinière, dans la paroisse de Tourouvre, en normandie, à 150 km à l’ouest de Paris.

2- Dans la côte sainte-anne, à sainte-anne-de-beaupré, on peut admirer la maison de Pierre Mercier, fils du pionnier Julien, construite avant 1729, sur la terre de son père.

3- En 1840, dans cette maison de bois de sainte-anne-de-sabrevois, voyait le jour Honoré Mercier. Convertie en musée ouvert chaque été, elle témoigne, par des objets personnels, de la vie du neuvième premier ministre du Québec.

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importante dans ma vie et, lors des tournages de L’héritage, je retrouvais donc un peu cet esprit du monde rural.vous avez marqué une génération d’enfants dans Traboulidon. est-ce qu’on vous en parle toujours?Oui, encore hier! Forcément, ç’a marqué les gens dans la trentaine. Pour Sylvie Léonard et moi aussi, ç’a été important, très marquant. D’une semaine à l’autre, on voyageait dans le temps et on se trouvait dans des situations un peu abracadabrantes. C’est l’une des der-nières émissions de fiction qui a été faite en direct. Les dernières années, c’était du live to tape, comme on dit dans le métier. Mais tellement live to tape que je me souviens d’un épisode qu’on a terminé à 16 h 29. Je m’apprê-tais à partir pour Québec quand quelqu’un nous a dit que le technicien avait oublié de peser sur le bouton pour l’enregistrer. Et l’émission commençait à 16 h 30! Alors, tout de suite, on a dû faire des petites retouches de maquillage et tout reprendre, en direct cette fois! Je comprends très bien les témoi-gnages que je reçois aujourd’hui, parce que Traboulidon était dans la lignée des émissions comme La ribouldingue, qu’on voit rarement

maintenant. On faisait appel à l’imaginaire des enfants plutôt qu’à la pédagogie. en terminant, avez-vous une histoire de famille à nous raconter?Comme on était de la même souche, les Mercier de la région de Maniwaki se réunis-saient tous au printemps, le long d’une petite rivière. J’étais très jeune, tous les enfants étaient là. Mon père et mes oncles étaient très amis avec les Amérindiens du coin, alors on organisait une pêche nocturne, tôt au printemps, une fois que les glaces étaient parties. Les hommes entraient dans la petite rivière et en occupaient toute la largeur. Quelqu’un lançait une grosse branche ou un tronc d’arbre en surface et les autres, peut-être une quinzaine d’hommes, attrapaient du poisson. Quand les filets étaient remplis, les hommes y plongeaient leurs mains et lançaient les poissons sur la berge. Et nous, les enfants, on les ramassait et on les appor-tait à nos mères qui préparaient un bouillon de poisson dans un gros chaudron. Et ça durait une partie de la nuit. On ne voit plus ça maintenant. Je suis à peu près certain qu’aujourd’hui on passerait pour des braconniers... (rires)

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