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162 - - A propos de la formation de l’ammoniaque aux tempbratures elevhes par E. Briner. (31. XII. 18.) Nous avons eu, k plusieurs reprises, l’occasion d’etudier dans un autre recueill), le mecanisme des reactions chimiques aux temperatures elevees en milieu gazeux et tout particuliere- ment celui de la formation de l’ammoniaque par les decharges electriques. En complement a une note precedente ’), nous eroyons devoir revenir sur cette derniere question, ti propos de recherches que lui a consacrees recemment E. B. Mirxted3) et qui nous paraissent apporter un nouvel element de discussion. Se fondant sur les relations proposees par Huber“) pour le calcul de l’equilibre de l’ammoniaque a differentes temp& ratures, cet auteur prkvoit que, avec l’elevation de la tempera- ture, les concentrations d‘equilibre de ce corps, qui decroissent assez regulierement, comme on sait, jusqu’a 1000° environ, finiront cependant par atteindre un minimum, B partir duquel elles augmenteront de plus en plus rapidement. Pour l’extrapolation E. B. iAfaxted utilise les 2 formules: a) log K = “‘5 - 3,625 log T + 0,000307 T k 0,29.10-” T2 -1 4,82 T 2098 T b) logK=--- - 2,5088 log T - 0,0001OOfi T + 0,186.10-”T2 f 2’1, dans lesquelles et il en tire les valeurs suivantes pour les constantes d’equi libre K: 1) Voir plus loin la bihliographie des articles parus dans le J. Ch. p11b-s. 2) Helv. 2, 95 (1919). 3) Mmktl, SOC. 113, 386 et 168 (1918). 4) €label, Z. El. Ch. 20, 597 (1914); Thermodynamics of Technical (;as Reactions, 204.

A propos de la formation de l'ammoniaque aux températures élevées

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A propos de la formation de l’ammoniaque aux tempbratures elevhes

par E. Briner.

(31. XII. 18.)

Nous avons eu, k plusieurs reprises, l’occasion d’etudier dans un autre recueill), le mecanisme des reactions chimiques aux temperatures elevees en milieu gazeux et tout particuliere- ment celui de la formation de l’ammoniaque par les decharges electriques. En complement a une note precedente ’), nous eroyons devoir revenir sur cette derniere question, ti propos de recherches que lui a consacrees recemment E. B. Mirxted3) et qui nous paraissent apporter un nouvel element de discussion.

Se fondant sur les relations proposees par Huber“) pour le calcul de l’equilibre de l’ammoniaque a differentes temp& ratures, cet auteur prkvoit que, avec l’elevation de la tempera- ture, les concentrations d‘equilibre de ce corps, qui decroissent assez regulierement, comme on sait, jusqu’a 1000° environ, finiront cependant par atteindre un minimum, B partir duquel elles augmenteront de plus en plus rapidement. Pour l’extrapolation E. B. iAfaxted utilise les 2 formules:

a) log K = “‘5 - 3,625 log T + 0,000307 T k 0,29.10-” T2 -1 4,82 T 2098

T b) logK=--- - 2,5088 log T - 0,0001OOfi T + 0,186.10-”T2 f 2’1,

dans lesquelles

et il en tire les valeurs suivantes pour les constantes d’equi libre K :

1) Voir plus loin la bihliographie des articles parus d a n s le J. C h . p11b-s. 2) Helv. 2, 95 (1919). 3) M m k t l , SOC. 113, 386 et 168 (1918). 4) €label, Z. El. Ch. 20, 597 (1914); Thermodynamics of Technical (;as

Reactions, 204.

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T K . 104 (a) K ,104 (b)

-

1000 5,7 2000

3,03 I 4000 152,O

D’aprhs ces calculs, il semble qu’a partir d‘une certaine tempkrature, l’kquilibre se modifie en faveur de l’ammoniaque. De fait, l’auteur a obtenu des concentrations de NH, atteignant 1,5O/o, en soumettant des melanges azote-hydrogkne a l’action de temperatures elevkes, r6alis6es soit par le chalumeau oxhy- drique, soit par les dkcharges klectriques, alors que, selon les travaux de Hubel-, deja st 1000° la concentration d’equilibre de NH, B la pression atmospherique est extremernent faible (0,0045°/o). Jusqu’a quel point est-il Iegitime de deduire de ces formules la consequence, placee par E. B. Mazted a l’origine de ses recherches et qui aboutit au renversement de l’equilibre de l’ammoniaque aux temperatures superieures B 2000O environ ?

I1 faut tout d’abord remarquer que les accroissements pre- sumes de concentration sont dus, dans l’application de ces for- mules, a l’influence des termes additifs en T et particulierement a ceux en T2. Or, dans les relations qui representent l’equilibre chimique en fonction de la temperature, le seul terme qui ait une signification physique vraiment importante, est le premier. C’est lui qui figure dans 1’6quation de vm’t Hoff:

Q sous sa forme intbgree log K = - + const. (Q tonalit6 thermique), RT equation qui est la traduction du principe de l’equilibre mobile et se trouve a la base de toutes les formules de ce genre. Les autres termes, et plus spkcialernent celui en T’, ont un caractkre plut8t correctif; de ce fait, il n’est guere possible de leur ac- corder une tres grande crkance, pour peu qu’on s’ecarte par trop des regions ou ils ont 6te soumis a l’kpreuve de l’exp6- rience. On peut s’en convaincre, dam le cas particulier, par les

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resultats que fournissent les deux relations proposees : Jusqu’B T = 1000 (tempkrature jusqu’& laquelle les deux formules ont Bt6 confrontbes avec l’expkrience), ces rksultats sont tres voisins, mais au dessus et au fur et B mesure que la temperature s’deve, ils divergent de plus en plus : a T = 2000, leur rapport est de 3: 1, h T=3000, de l O / i et & T=4.000, de 150/1.

En procedant sur ces formules a des extrapolations Bten- dues, sans examiner parallelement les modifications que peut subir le mecanisme lui-meme du phbnomhe, on arrive B en deduire des consequences qui sont difficilement admissibles. C’est ainsi qu’en poussant encore un peu le raisonnement precedent, on devrait conclure a une transformation pratiquement complete d’un melange N, + 3H, en ammoniaque, a des temperatures suffisamment elevees ; avec la formule (a), ce point serait atteint d6jd vers 6000°, c’est-a-dire a des temperatures qui n’ont rien d’excessif. En raison de l’influence exceptionnelle exercee par le terme additif en T’, l’ammoniaque deviendrait donc un com- pose particulikrement stable aux temperatures trks elevees ; ce pourrait 6tre un constituant des astres les plus chauds renfermant les elements azote et hydrogkne. Partant d’une base aussi fragile clue l’exactitude d’un terme numerique, contralee dans des limites restreintes, il ne parait gukre permis d’entrer dans une voie conduisant a des consequences aussi importantes.

A propos du renversement d’equilibre qu’eprouverait l‘am- moniaque, en vertu duquel ce corps se comporterait comme un compose endothermique, a partir de temperatures suffisamment elevees, il n’est peut-6tre pas superflu de rappeler ici les remar- ques qui ont B t B faites’) sur les proprietes des corps endother- miques aux hautes temperatures et sur le danger qu’il y a, en particulier, a considkrer leur stabilite en s’en tenant purement aux formules Btablies pour caracteriser leur equilibre &‘ des tem- peratures moderees. A en croire ces forniules, les milieux gazeux, aux temperatures tres &levees, devraient renfermer, a des con- centrations de plus en plus fortes, des composes tels que ozone, oxydes d’azote, chlorure d’azote, etc. ; autrement dit, le milieu deviendrait de plus en plus complexe avec 1’6levation de la tem- perature. Cette conclusion heurte le sens chimique, habitue a

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concevoir la destruction des edifices moleculaires par l’action de chaleurs suffisamment intenses ; elle est, de plus, en contradiction avec l’analyse spectrale qui prouve la nature BlBmentaire et non complexe des corps existant sur les astres les plus chauds. Toutes ces difficult& disparaissent, si l’on fait intervenir la dissociation des molecules en atomes, a partir desquels les composes sont tous fortement exothermiques, gr$ce a la tres grande affinite des atomes les uns pour les autres.

C’est en se basant sur cette action des atonies que Yon peut interpreter aussi le mecanisme de la genkse de l’ammoniaque a partir de ses elements sous l’effet des temperatures elevees’). Ce compose prendrait naissance dam les regions relativement froides, ou il est plus stable, par reaction entre les atomes par- venus dans ces regions par diffusion. A c8te de la formation a partir des atomes N et H, qui developpe le plus d’affinite - la chaleur de formation de NH, 5 partir des atomes est de l’ordre de 250 Cal., ’) au lieu de 12 Cal. it partir des molecules - il y a lieu de tenir compte aussi de la formation a partir des atomes N et des molBcules H, ou des atomes H et des molecules NZ3); celle-ci, bien que nioins aisee, doit neanmoins s’operer beaucoup plus facilement que la formation a partir des molecules seulement. Quant ?i la production de ces atomes, elle s’effectue par disso- ciation des molecules a temperatures elevees, dont il existe tou- jours, dans les milieux gazeux, une certaine proportion qui croit avec l’intensite de la source de chaleur utilisee. Pour l’hydrogene, en particulier, les temperatures qui correspondent a la presence, deja ti 1’Btat d’equilibre, de proportions appreciables d’atomes H, ne sont pas si hautes qu’on ne le supposait il y a quelques annkes; selon des mesures recentes, a 3000°, pres de 20°/0 des molBcules d’hydrogkne seraient dissociees en atomes4). L’am- moniaque se formerait ainsi, par I’action de temperatures trks

1) Bvincv, J. (21. phys. 12, 526 (1914); ibid. 13, 18 (1915); Arch. Cen. 43,

2, Bviner. J. Cli. phys. 13, 472 (1915). 3) Dans l’etude d u mecanisme de la forination de SO ti partir de ses

elements, Ph.-A. G u y , a envisagk aussi I’action ri’ciproyue des mol&ules K2, 0, et iles atomes N, 0. Voir sur ce sujet: 0. Dotty-IffhauZt, li. Gull. et Ph.-A. Guye, Principes et applications de l’Elr,ctrochi\iiie, Paris 1904, p. 594.

4) Lnngi?miv, .\in. SOC. 37, 1417 (1914); ?snnrdi, Z. El. Ch. 21, 405 (1915).

423 (1917) et B y i n e l et H a w f u s s , Helv. 2, 95 (1919).

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elevkes, grace ti un phenomene d’orclre cinktique, plut6t que par une reaction Bquilibree dans les zones ni6mes ou regnent ces temperatures elevees, coinnie l’indique E. B. Nctxfed

Contre cette derniere interpretation parlent d’ailleurs plu- sieurs faits experimentaux observes par l’auteur et ses colla- borateurs, notamment : 1 O Concentrations en NH, atteignant pres de 5 O / o obtenues dans un melange azote-hydrogtne, souinis B l’arc 61ectrique1), a la pression atmospherique. I1 est difficile d’admettre yue des proportions aussi &levees d’ammoniaque aient 11u kchapper h la destruction durant leur passage dans les zones relativement etendues ou regnent les temperatures inoderees qui, comme l’exl16rience l’a dhontrB, sont nefastes a l’existence cle ce corps; 2” Aiiielioratioiis de la production tie I’aniino~iiayue en operant sous des pressioiis inferieures B 1 atm. et en presence d’excks d’azote‘). Selon les lois de l’equilibre, la depression et la dilution devraient en effet agir defavorablement.

A un autre point de vue, on doit remarquer le grand in- teret theorique des experiences de Mirxtecl se rapportant a la formation cle l’arninoniaque par la flaiiiiiie oxhydrique, soit B l’aitle d’une source pureinent thermique de temperatures elevees. RaplwochPe de la synthese cle ce corps operee par l’arc elec- trique, rapprochPe aussi de la production tle l’oxvde ci’azote et tle l’ozone, tant par la chaleur seule que par les &charges elec- triques, cette formation vient, une fois tle plus, a l’appui de la theorie cl’apres layuelle, dans les phenomknes chimiques dus aux decharges electriyues, les actions pureiiient thermiques entreiit pour une bonne I)ari.

Laboratoire cle Chimie technique et theoritpe tie 1’Universite de Geneve, Octobre 1918