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274 Actualités Mets de l’huile ! Oil for pain? L’épisiotomie concerne environ une femme sur trois qui accouche par voie basse dans le monde ; cette préva- lence est extrêmement variable en fonction des pays. Par exemple, une épisiotomie est réalisée chez 97 % des femmes primipares à Téhéran (Iran) : ce geste est souvent source d’inconfort et de douleurs, il peut impacter la qualité de la relation précoce entre la mère et l’enfant. Classique- ment, les maternités iraniennes utilisent des antiseptiques et des antalgiques par voie orale. Les auteurs de cet article [1] ont voulu s’intéresser à une pratique émergente bien que très ancienne : l’aromathérapie, et plus précisément l’utilisation d’huile essentielle de lavande. En effet, des effets antalgiques, myorelaxants, antispasmodiques et anti- bactériens lui seraient attribués... Qu’en est-il en pratique clinique ? Pour le savoir, 60 patientes ont été réparties entre deux groupes : huile essentielle de lavande en bain chaud contre antiseptique classique. Les résultats parlent d’eux- mêmes : l’intensité douloureuse moyenne quatre heures après l’épisiotomie était de 2,70 (sur une échelle de 0 à 10) dans le groupe « huile essentielle » contre 4,23 dans le groupe « antiseptique ». Ces résultats étaient compa- rables 5 jours plus tard (2,43 contre 4,60). Qui plus est, 70 % des patientes du groupe « huile essentielle » n’ont pris aucun traitement antalgique, contre 33 % dans le groupe « antiseptique ». Cette étude ouvre la voie vers un abord plus naturel des douleurs provoquées par les soins lors de l’accouchement... Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de déclaration de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Référence [1] Sheikhan F, Jahdi F, Khoei EM, Shamsalizadeh N, Sheikhan M, Haghani H. Episiotomy pain relief: use of Lavender oil essence in primiparous Iranian women. Complementary Therapies in Cli- nical Practice (2011), doi:10.1016/j.ctcp.2011.02.003 . Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] doi:10.1016/j.douler.2011.08.003 À quand la fin du placebo ? Is it the end of the placebo as we know it? L’association américaine pour les « soins infirmiers de la dou- leur » (ASPMN) poursuit son combat contre l’utilisation de placebos dans la prise en charge de la douleur [1]. En effet, plus de la moitié des infirmières interrogées dans les grandes études publiées déclarent être confrontée à la prescrip- tion de placebos. La position de l’ASPMN est claire : aucun placebo ne doit pas être utilisé pour évaluer ou traiter la douleur d’un patient, quels que soient son âge et sa patho- logie. L’utilisation d’un placebo ne peut se justifier qu’au sein d’une étude de recherche clinique, pendant laquelle le consentement éclairé du patient est recueilli. Donner un placebo pour traiter la douleur s’oppose à l’éthique professionnelle des infirmières et au devoir de respect de l’autonomie et de la dignité du patient. De plus, aucune don- née de la littérature ne vient justifier l’intérêt d’une telle pratique : la douleur étant par définition subjective, sa prise en charge doit être individualisée et conforme aux bonnes pratiques. Malgré la clarté du message affiché, le placebo n’a pas disparu des habitudes cliniques, il est même encore parfois enseigné... Pour que cela change, l’ASPMN souhaite conseiller les infirmières confrontées à une prescription de placebo : réfléchissez toujours aux conséquences cliniques, morales et éthiques : le placebo n’est jamais le meilleur choix thérapeutique, il s’oppose aux valeurs d’honnêteté et de respect des choix du patient ; identifiez tous les soutiens possibles : collègues, enca- drement, comité d’éthique, documents sur les droits des patients, littérature scientifique ; échangez sur votre point de vue avec le prescripteur : besoins du patient en termes de soulagement de la douleur, conséquences néfastes du placebo, alternatives possibles. D’un point de vue plus institutionnel, la diffusion d’une charte d’interdiction du placebo (en dehors de la recherche clinique) apparaît primordiale ; les auteurs recommandent un contenu minimal à cette charte : données factuelles de la littérature et des recommanda- tions de bonne pratique ; rappel des devoirs des professionnels et des droits des patients ; modalité de signalement des violations de la règle ; respect de l’anonymat des professionnels qui déclarent un évènement indésirable ; modalité d’analyse de ces évènements indésirables (comité d’éthique, gestion des risques, démarche qualité, évaluation des pratiques professionnelles...); protection des professionnels qui refusent d’administrer un placebo. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela- tion avec cet article. Référence [1] Arnstein P, Broglio K, Wuhrman E, Kean MB. Use of placebos in pain management. Pain Management Nursing, doi:10.1016/j.pmn.2010.10.033 . Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] doi:10.1016/j.douler.2011.08.004

À quand la fin du placebo ?

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’épisiotomie concerne environ une femme sur trois quiccouche par voie basse dans le monde ; cette préva-ence est extrêmement variable en fonction des pays. Parxemple, une épisiotomie est réalisée chez 97 % des femmesrimipares à Téhéran (Iran) : ce geste est souvent source’inconfort et de douleurs, il peut impacter la qualité dea relation précoce entre la mère et l’enfant. Classique-ent, les maternités iraniennes utilisent des antiseptiques

t des antalgiques par voie orale. Les auteurs de cet article1] ont voulu s’intéresser à une pratique émergente bienue très ancienne : l’aromathérapie, et plus précisément’utilisation d’huile essentielle de lavande. En effet, desffets antalgiques, myorelaxants, antispasmodiques et anti-actériens lui seraient attribués. . . Qu’en est-il en pratiquelinique ? Pour le savoir, 60 patientes ont été réparties entreeux groupes : huile essentielle de lavande en bain chaudontre antiseptique classique. Les résultats parlent d’eux-êmes : l’intensité douloureuse moyenne quatre heures

près l’épisiotomie était de 2,70 (sur une échelle de 0 à0) dans le groupe « huile essentielle » contre 4,23 danse groupe « antiseptique ». Ces résultats étaient compa-ables 5 jours plus tard (2,43 contre 4,60). Qui plus est,0 % des patientes du groupe « huile essentielle » n’ont prisucun traitement antalgique, contre 33 % dans le groupeantiseptique ». Cette étude ouvre la voie vers un abordlus naturel des douleurs provoquées par les soins lors de’accouchement. . .

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de déclaration de conflits’intérêts en relation avec cet article.

éférence

1] Sheikhan F, Jahdi F, Khoei EM, Shamsalizadeh N, Sheikhan M,Haghani H. Episiotomy pain relief: use of Lavender oil essencein primiparous Iranian women. Complementary Therapies in Cli-nical Practice (2011), doi:10.1016/j.ctcp.2011.02.003.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

oi:10.1016/j.douler.2011.08.003

quand la fin du placebo ?

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’association américaine pour les « soins infirmiers de la dou-eur » (ASPMN) poursuit son combat contre l’utilisation delacebos dans la prise en charge de la douleur [1]. En effet,

lus de la moitié des infirmières interrogées dans les grandestudes publiées déclarent être confrontée à la prescrip-ion de placebos. La position de l’ASPMN est claire : aucun d

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lacebo ne doit pas être utilisé pour évaluer ou traiter laouleur d’un patient, quels que soient son âge et sa patho-ogie. L’utilisation d’un placebo ne peut se justifier qu’auein d’une étude de recherche clinique, pendant laquellee consentement éclairé du patient est recueilli. Donnern placebo pour traiter la douleur s’oppose à l’éthiquerofessionnelle des infirmières et au devoir de respect de’autonomie et de la dignité du patient. De plus, aucune don-ée de la littérature ne vient justifier l’intérêt d’une telleratique : la douleur étant par définition subjective, sa prisen charge doit être individualisée et conforme aux bonnesratiques. Malgré la clarté du message affiché, le placebo’a pas disparu des habitudes cliniques, il est même encorearfois enseigné. . . Pour que cela change, l’ASPMN souhaiteonseiller les infirmières confrontées à une prescription delacebo :réfléchissez toujours aux conséquences cliniques, moraleset éthiques : le placebo n’est jamais le meilleur choixthérapeutique, il s’oppose aux valeurs d’honnêteté et derespect des choix du patient ;identifiez tous les soutiens possibles : collègues, enca-drement, comité d’éthique, documents sur les droits despatients, littérature scientifique ;échangez sur votre point de vue avec le prescripteur :besoins du patient en termes de soulagement de ladouleur, conséquences néfastes du placebo, alternativespossibles.

D’un point de vue plus institutionnel, la diffusion d’uneharte d’interdiction du placebo (en dehors de la recherchelinique) apparaît primordiale ; les auteurs recommandentn contenu minimal à cette charte :données factuelles de la littérature et des recommanda-tions de bonne pratique ;rappel des devoirs des professionnels et des droits despatients ;modalité de signalement des violations de la règle ;respect de l’anonymat des professionnels qui déclarentun évènement indésirable ;modalité d’analyse de ces évènements indésirables(comité d’éthique, gestion des risques, démarche qualité,évaluation des pratiques professionnelles. . .) ;protection des professionnels qui refusent d’administrerun placebo.

éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférence

1] Arnstein P, Broglio K, Wuhrman E, Kean MB. Use ofplacebos in pain management. Pain Management Nursing,doi:10.1016/j.pmn.2010.10.033.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur,

centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

oi:10.1016/j.douler.2011.08.004