A Revoire Poue PME

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  • Pour une approche contingentede la spcificit de la PME

    OLIVIER TORRESUniversit Paul Valry de Montpellier III

    MOTS CLES---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Concept de PME - Spcificit de la PME - Universalisme - Diversit des PME -Contingence - Dnaturation de la PME - Rfutabilit - Evolution de la recherche enPME---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Prsentation de l'auteur : Olivier Torres est docteur en sciences de gestion et Matre deConfrences l'Universit Paul Valry de Montpellier III o il enseigne le managementinternational et la thorie des organisations. Il est membre de L'ERFI-Montpellier I au seinduquel il poursuit ses activits de recherche sur le thme des stratgies de globalisationdes PME.

    RESUME

    La plupart des travaux concernant la PME reposent sur l'ide que celle-ci est spcifique(rle prpondrant du dirigeant,...). Partant de l, de multiples travaux dbouchent surdes typologies ad hoc. Toutefois, l'affirmation excessive de cette thse pourrait conduire supposer que toutes les PME sont spcifiques. La spcificit est alors rige en principeuniversel. Or, il ne faut pas oublier que l'entreprise de faible taille peut releverthoriquement d'un mode de fonctionnement qui ne correspond pas au modletraditionnel de la PME. Autrement dit, une PME peut ne plus tre spcifique. Aussi,l'auteur prconise l'adoption d'une approche contingente de la spcificit de la PME quipermettrait de cerner le cadre de validit de cette thse et de dfinir les frontires d'unediscipline part entire.

    ABSTRACT

    Toward a contingent approach of SME specificity : Most of research works about smalland medium enterprise are based on the idea that it is specific (essential role of theowner/manager,...). Thus, many works result in ad hoc typologies. However,systematically applying this thesis to research could lead to the idea that all SME arespecific. Specificity would then become a universal principle. Nevertheless, one shouldkeep in mind that SME may refeer in theory to a mode of organisation which doesn't fitthe traditional pattern. In other words, a small enterprise may not be specific. As aconsequence, the author suggests a contingent approach of SME specificity, which wouldgive an opportunity to define the limits in which this theory remains fit.

  • RESUMEN

    Por una analisis contingente de la especificidad de la PYME : La mayor parte de lostrabajos de investigacion relativos a la PYME se basan sobre la idea de que esta empresaes especifica (papel preponderante del dirigente...). A partir de ahi, muchos trabajosdesembocan en tipologias ad hoc. Sin embargo, una afirmacion excesiva de esta tesispodria llevar a pensar que todas las PYMES son especificas. La especificidad se erige,pues, como un principio universal. Pero no hay que olvidar que las empresas de pequenadimension pueden relacionarse teoricamente a un modo de funcionamento que nocorresponde al clasico modelo de la PYME. Es decir que una PYME puede no serespecifica. En este sentido, el presente articulo preconiza la adopcion de una posicion quepone en duda la especificidad de la PYME. Se trata aqui de comprender los limites devalidez de dicha tesis y de definir las fronteras de una disciplina considerada como tal.

    Pour une approche contingentede la spcificit de la PME

    "C'est notre tendance rechercher la rgularit des occurrences et prescrire des lois la nature qui est l'origine du phnomne psychologique de la pense dogmatique ou, plusgnralement, du comportement dogmatique : nous prsumons partout la rgularit, et nous nousefforons de la trouver mme l o elle n'existe pas;"

    K.Popper

    Introduction

    A en juger par le nombre de colloques et de thses de doctorat lui tantconsacre, la recherche en PME est en plein essor. A titre d'illustration, sur le seul thmedu dveloppement international des PME, sans prtendre l'exhaustivit, cinq colloquesont t organiss depuis le dbut des annes 90 ( mai 1992, Montral ; juin 1993, Aix enProvence ; octobre 1993, Carthage ; octobre 1993, Moncton ; juin 1994, Strasbourg). En cequi concerne les thses de doctorat soutenues en France entre 1992 et 1993 dans ladiscipline du management stratgique, peine 10% des recherches se fondent sur lagrande entreprise comme lieu spcifique d'investigation tandis que 25% des chercheurs sesont adresss exclusivement aux PME (Bernard, 1994). La recherche en PME se dveloppede plus en plus et par consquent se structure et s'organise de mieux en mieux.

    En effet, le nombre de revues acadmiques consacres la PME, l'entrepreneuriat ne cessent de crotre (Julien, 1994). Si la premire revue date de 1952(Internationales Gewerbearchiv. Zeitschrift fur Klein und Mittelunternehmen), c'est dansles annes 80 que la plupart des revues spcialises se sont cres (International Journal ofSmall Business,1982 ; Journal of Small Business and Entrepreneurship,1982 ; Journal of

  • Entrepreneurship and Regional Development,1987 ; Revue Internationale PME,1988 ;Piccola Empresa,1988 ; Small Business Economics,1989...). De plus, toujours selonP.A.Julien, "dans la dernire dcennie, ce fut l'explosion avec la multiplication d'quipesde recherche de toutes tailles spcialises dans le domaine de la PME.". Le milieu de larecherche en PME se structure de plus en plus notamment par le biais de laboratoiresmais galement de certaines associations comme le conseil international de la petiteentreprise (ICSB) qui organise rgulirement des colloques travers le monde entier. Demme, les rcents colloques internationaux francophones de la PME tmoignent de l'essoret de la vigueur du "rseau PME" dans les pays de langues franaises.

    Qu'est-ce qui justifie les chercheurs s'intresser exclusivement aux PME ?Schmatiquement, il est possible de reprer trois types de justifications concernant larecherche exclusivement en PME :

    - la justification empirique : la PME comme champ d'analyse.

    Les PME occupent une place importante dans la plupart des conomies. EnFrance, en 1986, les PME de moins de 50 employs reprsentaient 98,8% destablissements recenss par l'INSEE et environ la moiti des emplois (Julien etMarchesnay, 1988). La rcente cration d'un ministre de la PME en France tmoigne del'importance que les lus politiques accordent dsormais aux entreprises de petitesdimensions. On est loin du gigantisme industriel prn sous l're pompidolienne. LaPME constitue un "enjeu de taille" pour amorcer la lutte contre le chmage comme entmoigne le slogan simpliste de la dernire campagne de Berlusconni en Italie : "troismillions de chmeurs, trois millions d'entreprises". Ces entreprises dimension humainepossderaient toutes les caractristiques requises pour s'adapter aux situations de crise :souplesse, dynamisme et flexibilit. Le phnomne PME constitue donc un enjeuconomique et justifie de ce fait les tudes qui lui sont consacres. L'aspect salutaire de laPME prsente souvent comme "modle d'adaptation la crise" s'apparente auphnomne du "small is beautiful". Mais il semble que d'autres raisons permettent dejustifier les recherches sur la PME.

    - la justification mthodologique : la PME comme outil d'analyse.

    Par sa faible dimension, la PME est souvent prsente comme une unitproductive dont les phnomnes sont plus facilement identifiables, plus lisibles(D'Amboise et Maldowney, 1988). Selon Marchesnay (1993), la recherche en PME permetde faire apparatre "concrtement, visiblement aux yeux de l'observateur, ce qui est cach,difficile saisir et interprter dans les organisations de grande dimension". De mmeSarnin (1990), partir d'une enqute visant cerner l'impact des changementsstratgiques sur les politiques de formation en PME, pose la question de savoir quelle estla spcificit de ces lments par rapport aux grandes entreprises : "ne sont ils passimplement plus facilement apprhendables par l'observateur ? " Ainsi, "la pertinencede l'objet PME tient plus dans sa valeur heuristique d'analyse des changements que dansla construction d'une catgorie, d'un concept empirique particulirement utile." (Sarnin,1990). L'intrt du concept PME est d'abord mthodologique dans la mesure o certaines

  • pratiques stratgiques sont plus lisibles que dans les trs grandes entreprises o tout estplus dilu.

    - la justification thorique : la PME comme objet d'analyse.

    Au cours des annes 80, les PME ont acquis un vritable statut en tantqu'objet de recherche scientifique. Quels sont alors les fondements thoriques quijustifient cette volution ?

    Sur le strict plan conomique, Julien (1993) a recens plusieurs thories quijustifient la prsence des petites entreprises. Le rle de l'entrepreneuriat, la thorie desinterstices, les critiques l'gard des conomies d'chelle ou de champ, les besoins deflexibilit et les mutations de nos systmes productifs sont autant de justificationsthoriques qui plaident en faveur d'un renouveau de la thorie conomique base surl'instabilit plutt que sur la recherche d'quilibre.

    Mais qu'en est-il en sciences de gestion ? Sur quels fondements thoriquesles sciences de gestion se basent-elles pour considrer la PME comme un objet et/ou unchamp de recherche ? Ce type de justification parat tre de loin le plus judicieux pourasseoir la lgitimit de ce courant de recherche en mal d'identit et de reconnaissance.Afin de rpondre cette multitude d'interrogations thoriques et pistmologiques, nousmontrerons, dans une perspective historique, les diffrentes tapes franchies par lecourant de recherche en PME.

    1. Les prmices (1965-1975): les fondements du dcoupage selon la taille

    Aussi surprenant que cela puisse paratre, les premiers jalons de la rechercheen PME sont mettre au crdit de chercheurs qui ne travaillent par sur la PME. En effet,nous avons dj insist sur l'importance du facteur taille comme critre de dcoupage.Mais avant de considrer les PME comme des organisations particulires, il a bien fallumontrer que la taille n'tait pas un facteur neutre sur le plan organisationnel. Ainsi, selonBrooksbank (1991), avant de dfinir le concept de "petite entreprise", il convient derpondre deux questions pralables : qu'est ce que la taille et comment mesure-t-on lataille ? o se situe la frontire critique entre les grandes et les petites entreprises ?

    1. 1. Identification de l'effet-taille

    Parmi les travaux qui ont mis en vidence l'influence de la taille surl'organisation dans les annes 60, l'cole d'ASTON (Pugh et alii, 1968 ; 1969) est trssouvent cite comme pionnire, notamment dans l'amorce d'analyses comparatives dontle but est de dcouvrir les problmes communs et spcifiques d'organisations de toustypes. Les principaux rsultats de l'cole d'Aston confortent l'ide selon laquelle "la taillede l'organisation constitue un facteur prdictif majeur de sa structuration" (Desreumaux,1992). Pour ce qui est de la relation taille/structure, de nombreux travaux empiriquesconfirment les rsultats du groupe d'Aston (Blau et Schoenherr,1971 ; Child etMansfield,1972...). Selon Blau (1970), la taille est un des principaux facteurs decontingence, de contexte. Enfin, selon Mintzberg (1982), la taille est certainement le

  • facteur de contingence le plus unanimement reconnu quant ses effets sur la structured'une organisation ; "Plus une organisation est de grande taille, plus sa structure estlabore : plus les tches y sont spcialises, plus ses units sont diffrencies, et plus sacomposante administrative est dveloppe. Les preuves sont ici crasantes.". A partird'une approche ncessairement comparative, ces diffrents auteurs montrent que lescaractristiques organisationnelles des entreprises sont significativement diffrentes selonla taille.

    Pourtant "cette convergence ne doit pas faire illusion, d'une part, parce qu'ilexiste de nombreuses nuances dans les travaux et des diffrences dans le dtail desmesures et dans la composition des chantillons qui rendent les gnralisationsdangereuses, d'autre part, parce que d'autres travaux empiriques ne sont pas aussiaffirmatifs sur le rle de la taille en matire de structuration." (Desreumaux, 1992). Eneffet, le rle et l'importance du facteur taille ne sont pas apprhends de la mme faonselon les auteurs et les poques. Effectuant une synthse de la littrature sur la base deplus de quatre-vingts tudes concernant la taille et la structure organisationnelleessentiellement sur la priode 1965/1975, Kimberly (1976) distingue deux courants auxapproches antagonistes : l'approche "intertypique" et l'approche "intratypique".

    Durant les annes 70, un vif dbat a oppos les chercheurs sur le degrd'homognit des chantillons. L'approche "intertypique" suggre que l'effet-tailletranscende largement les diffrences entre les organisations. Dans ce cas, l'chantillonpeut prsenter une forte htrognit. Les effets de la taille existent, indpendammentdu type d'organisation tudi. Il y aurait donc une universalit de l'effet-taille. Ainsi,Hall, Haas et Johnson (1967) avancent qu'une thorie gnrale des organisations doitpermettre de dduire des hypothses qui peuvent tre testes sur un chantillonhtrogne d'organisations, c'est la raison pour laquelle ils mlent dans leurs chantillonsdes organisations ausssi diverses qu'une station de tlvision, un syndicat, une colereligieuse ou un tablissement pnal. Il s'agit moins de mettre en vidence le rle de lataille que son importance travers les divers types d'organisation. De mme, partird'une enqute transculturelle, Hickson et alii (1974 in Kimberly) considrent quel'importance de la taille est tout autant relative qu'absolue : "Mme si les organisationsindiennes sont moins formalises ou moins autonomes que les organisations amricaines,il n'en demeure pas moins que les grandes organisations indiennes sont plus formalisesque les petites organisations indiennes". Hall (1972) pourtant adepte de l'approche"intertypique" reconnat lui-mme qu'il n'y a pas de "lois" concernant la taille et lescaractristiques organisationnelles. Implicitement, les adeptes de l'approche intertypiqueconsidrent que la taille se situe au premier rang de la hirarchie de l'ensemble desfacteurs de contingence. Cette position sera dnonce comme "un vritable imprialismede la taille organisationnelle".

    A l'inverse, les partisans de l'approche intratypique se fondent sur deschantillons dont les entreprises appartiennent au mme type (hpital, coles, entreprisespubliques...). Ils avancent l'argument selon lequel une thorie des organisations estconstruite sur la base d'analyses empiriques portant sur un type donn d'organisation etce n'est qu'ultrieurement qu'elle est teste et valide par rplications sur d'autres typesd'organisation (Blau et Schoenherr,1971). De mme, Child (1972) considre qu'il est

  • prfrable de constituer des chantillons homognes fonds sur le mme typed'organisation. L'avantage de cette approche est qu'elle facilite la lisibilit de l'effet-taillequi ne peut tre brouille par les effets d'une diffrence entre les divers typesd'organisation. Mais se pose alors la question de savoir comment dfinir un typed'organisation ? Comment tre sr que les units de l'chantillon sont homognes ?Plusieurs auteurs se contentent de considrer que le type d'organisation est une catgorienominale portant la mme appellation. Ainsi, les hpitaux correspondent un typed'organisation, les prisons, les coles, les entreprises correspondent d'autres typesd'organisation. Mais ces conjectures sont d'autant moins acceptables qu'un fort degr devarit peut exister au sein d'une mme catgorie d'organisation. Peut-on mettre sur lemme plan une cole maternelle, primaire, secondaire et suprieure ? Si la constitutiond'un chantillon homogne est incontestablement utile sur le plan thorique, elle sembledifficilement applicable sur le plan empirique.

    Aucune des deux approches ne fait l'unanimit ; Chacune prsente son lotd'avantages et d'inconvnients. Le choix en faveur de l'une ou l'autre dcoule de laconception du chercheur l'gard du rle de la taille. La recherche d'un chantillonhomogne peut conduire le chercheur multiplier excessivement le nombre de critres deslection pour constituer son chantillon. Ce type d'approche prsente le risque dedboucher sur l'impossibilit de comparer deux organisations sous prtexte qu'ellesprsentent la moindre diffrence. A l'extrme, chaque organisation devient alors un casparticulier. C'est la drive casuistique. Aucune gnralisation n'est possible. Inversement,dans le cas de l'approche "intertypique", le rle de la taille semble transcender lesdiffrences entre les organisations. La taille est alors considre comme LA variableexplicative souveraine puisqu'elle a plus d'importance que n'importe quelles autresvariables. C'est la drive universelle. "Ceci fait que le rle de la taille sur la structure desorganisations reste sujet de controverses. Dans l'tat actuel des recherches, on peutconsidrer que, si la taille a un effet sur la structure, elle ne vaut pas ncessairement pourtoutes les variables structurelles et que d'autres facteurs explicatifs sontvraisemblablement luvre." (Desreumaux, 1992). De sorte qu'il serait vain d'riger lataille comme le facteur suprme en excluant l'influence d'autres facteurs. Cette positionrejoint pleinement celle de Kimberly (1976) qui propose d'adopter "une approche pluscontingente du rle de la taille en cherchant sous quelles conditions ce rle pourraitvarier." Cette proposition se situe aux antipodes du courant de l'effet-taille absolu. Si l'onaccepte l'ide que le rle de la taille varie selon le type d'organisation, alors il importe dedfinir ces diffrents contextes.

    En dfinitive, au risque d'tre caricatural, nous pouvons opposer deuxcourants de recherche.

    - celui qui considre la taille comme "LA" variable prdictive par excellence.Au-del du rle primordial de la taille, ce courant accorde ce facteur une importanceabsolue. L'effet-taille est universel.

    - celui qui relativise non seulement l'importance mais aussi le rle de lataille. Ces auteurs prnent un examen critique et nuanc dans le but de relativiser laporte universelle de l'effet-taille. L'effet-taille est contingent.

  • Supposons, afin de progresser dans notre analyse, que le problme de lamesure de la taille soit parfaitement rsolu, tant en ce qui concerne le choix du critre quede sa pertinence l'gard de certaines volutions actuelles, il reste dfinir quel seuil lechercheur doit oprer le dcoupage entre les entreprises pour distinguer les entreprisesselon leur taille. Conformment au cadre pos par Brooksbank (1991), la recherche enPME repose implicitement sur l'ide qu'il existe une frontire entre le monde des PME etcelui des grandes entreprises. O se situe cette frontire ? Quel est le seuil au del ou endea duquel les configurations organisationnelles peuvent tre considres commespcifiques? La difficult est d'identifier o se situe prcisment la "frontire critique"(Sarnin, 1990), "the dividing line" (Brooksbank, 1991) afin d'oprer le dcoupage. Ce seuilcritique existe-t-il ? La rponse ces questions suppose de considrer la taille non pluscomme un facteur dont on mesure l'influence partir d'analyses statiques comparativesmais comme une variable apprhende partir de modles dynamiques. Toutes une sriede recherche vont alors se consacrer l'tude de la croissance de l'entreprise et proposerdes modlisations.

    1. 2. L'identification de la frontire critique1

    Durant le dbut des annes 70, tout un courant de recherche va sedvelopper autour d'un objet de recherche commun : la croissance de l'entreprise. L'idecentrale de l'ensemble de ces travaux consiste en la mise en vidence de phnomnes derupture de lorganisation au fur et mesure de son dveloppement. Plusieurs auteursconsidrent que les effets de la taille s'exercent comme un processus "marqu par deschangements abrupts et discontinus" des structures des organisations et des conditionsdans lesquelles elles fonctionnent (Starbuck (1965) dans Mintzberg, 1982 : 223). SelonMintzberg, "de nombreux lments nous indiquent qu' mesure que les organisationsgrandissent, elles passent par des priodes de transition structurelle, qui sont deschangements de nature plutt que des changements de degr.". Au fur et mesure de lacroissance de leur taille, les entreprises se transforment, se mtamorphosent. On passe del'volution de l'entreprise (changement de degr) la rvolution (changement de nature)(Greiner, 1972). En rsum, La croissance de l'entreprise n'est pas un phnomnecontinu et rectiligne mais au contraire discontinu et ponctu par des crises, desmtamorphoses. Le changement de degr de la taille s'accompagne d'un changementde nature de l'organisation. Le message dlivr par ces modles de mtamorphoses estde signifier les sauts qualitatifs de l'entreprise au fur et mesure de son dveloppement.Les changements quantitatifs de la taille s'accompagnent un moment (la situation decrise) d'un changement de la nature de l'organisation. Si bien que l'on peut considrer quechaque forme d'organisation revt des spcificits, des caractristiques propres.

    Toutefois, les transitions entre chaque stade sont plus supposes etthoriques que rellement dmontres sur le plan empirique. Tout simplement parce queles priodes de transition sont difficilement mesurables. Elles ne sont que le rsultatd'interprtations thoriques. A chaque priode correspond un mode de fonctionnement

    1Cette partie est grandement inspire par la synthse effectue par A.Godenerconcernant les modles de mtamorphoses (voir la bibliographie).

  • spcifique qui va engendrer une crise spcifique. Mais ces spcificits relvent dudomaine de l'interprtation d'un phnomne qualitatif. L'intrt est moins d'identifierprcisment des seuils critiques que de mettre en garde les dirigeants d'entreprise surl'existence probable de crises que l'entreprise devra surmonter au fil de sa croissance.C'est la raison pour laquelle la plupart des modles de croissance sont davantageconceptuels que tests empiriquement (Kazanjian,1984 dans Godener, 1994). Endfinitive, ces modles apparaissent trop dterministes. "Le vrai problme de l'analyse del'organisation-PME dans l'optique dynamique, est plus de mettre en vidence les seuilscritiques que traversent les petites et moyennes entreprises au cours de leur croissance etd'en rechercher les causes que de chercher dterminer la succession virtuelle des tapesde croissance." (Gervais, 1978).

    Aussi, dans la priode des annes 80, plusieurs auteurs vont tents devalider empiriquement ces modles de croissance pour mettre en vidence les seuilscritiques. Comme l'on pouvait s'y attendre, les rsultats obtenus sont extrmement flous.Aucun seuil critique n'est identifi prcisment. "Brac de la Perrire identifie commedeuxime stade de dveloppement l'tape o l'entreprise comprend entre 50 et 200personnes, alors que pour Steinmetz, cette mme tape correspond l'entreprise de 30 250-300 personnes ; quant aux phases suivantes, l o Basire voit trois priodes distinctespour passer d'un effectif de 200 personnes celui de 1000, Brac de la Perrire et Steinmetzn'en vient qu'une" (Godener,1994). Il n'y a pas de seuils qui fassent l'unanimit, ne serait-ce que parce que les diffrents organes d'une entreprise voluent certainement desrythmes diffrents et selon des modalits diverses (Godener, 1994). Cette fortehtrognit conforte l'ide selon laquelle il y a plus de contingence que dedterminisme dans le processus de croissance des entreprises. Selon Kazanjian et Drazin(1990) la structure mise en place et le mode de fonctionnement adopts par l'entreprisene sont que des adaptations une situation particulire. Aucun modle ne semble"universellement" admis ni pour autant rfut. Les diffrents auteurs concluent desstades et des transitions diffrentes. Le comportement de l'entreprise face la croissancediffre d'un auteur l'autre. Si l'existence d'un cycle est largement admise, c'est son degrde gnralit qui est plus contestable. Mme si Greiner (1972) propose un modle-type decroissance de l'entreprise, il est conscient de ses propres limites. Pour ce dernier, lechemin d'expansion d'une entreprise n'est pas indpendant du type de secteur et de laculture. C'est la raison pour laquelle nous considrons que Greiner, malgr l'aspectdterministe de son modle de croissance, ne peut tre entirement considr comme unpartisan de l'approche universelle.

    Aprs la phase de recherche d'un "modle universel" de croissance, lesrecherches actuelles, plus critiques, s'orientent donc vers la prise en compte de l'influencedu contexte sur le chemin d'expansion de l'entreprise (Kazanjian, 1984 ; Birley etWesthead,1990 dans Godener, 1994). Il n'y a pas un modle de croissance universelmais plusieurs modles de croissance adapts des situations particulires. Les proposde Godener (1994) rsume parfaitement l'volution de la recherche concernant ces travaux: "la limite la plus fondamentale de ces modles provient d'une tude de Birley etWesthead (1990) qui dmontre que chaque entreprise a son propre chemin de croissance ;cette proposition confirme empiriquement ce que certains suggraient (Salter, 1970;Gervais, 1978 ; Kazanjian, 1984): le modle des stades de croissance est trop gnral pour

  • tre oprationnel : une entreprise peut, par exemple, simultanment avoir lescaractristiques d'une entreprise de la phase 1 pour l'aspect structure, et lescaractristiques d'une entreprise de la phase 2 pour ce qui concerne la fonctionproduction. Cela ouvre le champ de nouvelles recherches dont l'objectif ne serait plusde chercher "le" modle universel mais plutt de cerner l'volution d'entreprises dansune situation particulire donne". Ainsi, on retrouve pour l'ensemble de ces travaux, lemme clivage en matire d'approche qui distingue les travaux sur l'effet-taille. A la drivedogmatique du courant qui cherche dterminer LE modle de croissance universel del'entreprise s'oppose la drive casuistique du courant contingent qui considre quechaque entreprise suit son propre cheminement. Dans ce dernier cas, tout serait alorsaffaire de contexte. Si l'on considre que pour la plupart de ces travaux, la croissance a tmesure partir du critre de taille, une fois de plus, il semble qu'il faille treextrmement prudent quant aux effets de la taille. Si l'influence de l'volution de la tailleest indniable, il est tout de mme ncessaire d'accepter que les seuils de ruptures entreles diffrents stades dpendent tout autant de la taille que du contexte dans lequel sontles entreprises. Dans le prolongement des propos de Kimberly (1976), il conviendraitalors d'adopter une approche contingente du mode de dcoupage selon la taille encherchant sous quelles conditions ce mode pourrait varier. En d'autres termes, les seuilsde spcificit sont contingents.

    Au total, parce qu'ils accrditent l'ide selon laquelle la taille exerce deschangements (effet-taille) et que ces changements sont des diffrences de nature(mtamorphoses), l'ensemble de ces travaux conduit logiquement faire de la taille uncritre pertinent de dcoupage. En ce sens, les travaux sur la taille et la croissancefournissent les fondements de la recherche en PME puisque celle-ci repose sur undcoupage selon le critre de taille. Toutefois, il convient de prciser les limites de cesfondements :

    - Si l'effet-taille semble unanimement admis, il n'est pas pour autantconsidr comme une "loi". Certains effets de la taille peuvent tre compenss tout oupartie par d'autres variables contingentes. A ce jour, aucune tude n'a prouv lasupriorit du facteur taille sur d'autres facteurs reconnus comme ayant galement uneinfluence sur le mode de fonctionnement et de dveloppement de l'entreprise(technologie, environnement, activit, contexte culturel...). Si le rle de la taille estreconnu de tous, c'est l'importance qu'on lui accorde qui fait l'objet d'un dbat. On peutimaginer que dans certains contextes et sous certaines conditions, la taille n'exerce pas oupeu d'effet. Il convient de considrer l'effet-taille comme un effet contingent et nonuniversel.

    - De plus, aucun modle de croissance ne fait l'unanimit. Les dlimitationsselon la taille reposent davantage sur des frontires floues que prcises. Les sautsqualitatifs diffrent d'une entreprise l'autre. Par consquent, si les modles demtamorphoses sont contingents, il ne saurait exister de frontire critique universellementreconnue. Les seuils de spcificit sont contingents, y compris celui qui dlimite le mondede la PME celui de la grande entreprise.

  • Tous ces travaux sont parcourus par une opposition classique entre lespartisans de l'approche universelle, proccups par un souci de gnralisation thoriqueet les adeptes de la contingence qui, dans un souci de ralisme et de validation empirique,multiplient le nombre de facteurs influents. A l'approche universelle des effets de la tailleet des seuils qui en dcoulent s'oppose une approche plus nuance qui cherche dfinirdans quelle mesure et sous quelles conditions certains rsultats sont plus ou moinsprobables. C'est l'approche contingente. La recherche en PME repose donc sur despostulats plus ou moins contestables. Dans ces conditions, nous verrons comment ceclivage initial va se retrouver dans les travaux ultrieurs concernant la PME.

    2. Les fondements (1975-1985)

    A partir du milieu des annes 70, deux courants distincts, spcialiss dansl'analyse exclusive des PME, se dveloppent conjointement. D'une part, le courant de laspcificit a pour projet de mettre en vidence les traits caractristiques des entreprises depetite taille et de proposer une thorie spcifique de l'organisation-PME. La PME est alorsconsidre comme un objet de recherche. D'autre part, le courant de la diversit cherche tablir des typologies dans le but d'ordonner et de classer l'htrognit du monde desPME. Dans ce cas, la PME est considre comme un champ de recherche.

    2. 1. Le courant de la spcificit (1975-1985)

    Jusque dans les annes 70, l'objet-PME "n'est pas pris en compte en tantque tel, mais est inclus de fait dans une problmatique de gestion globalisante quigomme le plus souvent toutes ses spcificits." (Bayad et alii, 1995). Ce n'est qu' la findes annes 70 que la recherche en PME prend un nouvel essor, lorsque plusieurs auteursne la considrent plus comme un modle rduit de la grande entreprise mais comme uneentreprise laquelle on peut associer des particularits : la PME est spcifique(Barreyre,1967 ; Gervais,1978 ; Dandridge,1979 ; Welsh et White,1981 ; Marchesnay,1982-a, 1982-b ; Hertz,1982...). L'entreprise de petite taille devient "la petite entreprise". La PMEse constitue alors progressivement en objet de recherche. Mais en objet de rechercherelatif dans la mesure o la preuve de la spcificit des petites entreprises ne peut se fairequ' partir d'tudes comparatives entre les petites, moyennes et grandes entreprises(D'Amboise et Plante, 1987, Brytting, 1991). Autrement dit, la thse de la spcificit de lapetite entreprise se nourrit des diffrences tablies comparativement aux grandesentreprises. Nous considrons que l'accumulation et l'intensit des diffrences mises envidence entre les petites et les grandes entreprises constituent des signes satisfaisantspour en faire des objets d'une nature diffrente. Ainsi, Penrose crit, ds 1959 : "Lacroissance a fondamentalement modifi les fonctions de direction et la structureadministrative de base ce qui entrane une modification profonde de la nature del'organisme lui-mme. Les diffrences de structure administrative entre les trs petitesentreprises et les trs grandes entreprises sont si importantes qu' bien des gards, il estdifficile de concevoir que les deux espces appartiennent au mme genre.". Enfin, selonLeclerc (1990) "lorsque l'on regarde plus prcisment cette entit, on remarque toutd'abord qu'elle n'est apprhende qu'en termes d'carts avec les grandes entreprises... LaPME-PMI ne prend toujours corps que comparativement la grande entreprise."

  • C'est en ce sens que la PME n'est qu'un objet de recherche relatif.L'affirmation de la spcificit des PME n'est pas une thse en soi mais relative ce qui ladistingue de la grande entreprise. En accordant la taille la plus grande importance et enconsidrant que ce facteur occasionne des changements de nature, on peut en dduire quel'entreprise de petite taille est spcifique.

    Effettaille

    changementde nature

    PMEGRANDEENTREPRISE

    FIGURE 1:Le courant de la spcificit

    concept-PME

    Toutefois, si les travaux concernant le concept de taille fournissent lesfondements thoriques sur lesquels la recherche en PME va se dvelopper, le critre detaille sert davantage oprer des dcoupages de l'appareil productif qu' dfinir descatgories homognes d'entreprises (Bernard et Ravix,1988 ; Perrat,1990). Plusieurstudes ont conclu au "caractre arbitraire des frontires assignes a priori dans certainestypologies fondes exclusivement sur la taille." (Candau, 1981). Il faut donc pntrer labote noire. Comme le notent Bayad et alii (1995) "Il est possible de mettre en videncedeux grandes tendances de travaux sur les PME. Elles se dfinissent schmatiquementsoit comme la transposition/adaptation d'approches GE en contexte de PME.. A l'oppos,des tentatives rcentes font abstraction des problmatiques classiques de la GE et tententde jeter un regard neuf sur la question.". C'est la logique d'innovation. L'objectif estalors"...de passer d'une phase de vision du phnomne de la petite entreprise, perue commeinstitution spcifique d'un capitalisme une phase de dcoupage et d'abstraction, o la ralit estconue autour du type idal de firme reprsentative." (Marchesnay, 1982-a). Cette tapeconstitue la phase de conceptualisation de la PME considre comme un objet derecherche spcifique. Il s'agit gnralement de plaider en faveur d'un concept jusqu'alorstotalement absent des proccupations de gestion. Hertz (1982) rsume bien ce problmedans son ouvrage et plaide de ce fait en faveur d'une dfinition unique et universelle :"L'argumentation l'encontre d'une dfinition unitaire et universelle de la petiteentreprise tient principalement aux variations quantitatives de la signification de "petite"dans diffrents pays. Cet argument serait valide s'il tait tabli que la petite entreprise nepuisse se dfinir autrement qu' l'aide de critres quantitatifs de la taille. Mais si l'onaccepte que la petite entreprise est un concept et pas simplement une entrepriseminiature, alors il devient possible d'en donner une dfinition uniforme. Un concept doittre dfini de faon universelle. Sans dfinition uniforme de l'objet-PME, aucunecomparaison ne peut tre faite." (Hertz, 1982, p. 19)

    Ce courant de recherche porte une attention accrue la mise en videnced'uniformits qui rsultent des tendances de la petite taille. Malgr l'htrognit dumonde des PME, chaque auteur insiste sur les caractristiques communes. Car ce sont ces

  • invariants qui constituent la base de la spcificit des PME : "Le monde de la PME,considr individu par individu, se rvle lui-mme d'une extrme complexit ; mais prisen tant que tel, des constantes, des permanences, des tendances en surgissent l'examen." (Julien et Marchesnay, 1988). A partir du milieu des annes 70, partant duconstat que la thorie des organisations a t consacre jusqu'alors exclusivement auxgrandes entreprises, plusieurs auteurs dplorent que la spcificit des PME ne soit pasprise en compte par la thorie des firmes (Marchesnay, 1982-a) ou les thories desorganisations (Gervais, 1978). Il convient donc de proposer de nouvelles thories, denouveaux cadres d'analyse qui intgrent les particularits de la PME. A cet gard, lesintituls de certains articles sont assez reprsentatifs du ton revendicatif et engag de cettepriode : "Pour une thorie de l'organisation-PME" (Gervais,1978); "Pour une taxonomiede l'hypofirme" (Candau, 1981); "Pour une modle d'hypofirme" (Marchesnay,1982-a).Afin de susciter l'adhsion ou pour le moins des ractions, les chercheurs en PMEavancent arguments sur arguments pour lgitimer un courant de recherche qui n'en estqu' ses balbutiements. "La PME ne peut plus tre considre comme un simple modlerduit, voire infantile d'un archtype d'entreprise. Tout comme le groupe industriel, elleconstitue un tre qui a sa propre ralit, sa propre existence." (Julien et Marchesnay,1988). Cette volution de la pense permet de passer de la "reconnaissance laconnaissance des PME" (Guilhon et Marchesnay, 1994). Ds lors, la tche n'est plus dedcouvrir mais de dfinir ce nouvel objet de recherche. Il s'agit de dfinir un profil-typede la PME en insistant sur les points communs qui caractrisent ce "nouveau monde"scientifique. Cet objet de recherche porte diverses appellations : phnomne-PME (Hertz,1982), concept-PME (Julien, 1994), modle d'hypofirme (Marchesnay, 1982-a), idal-type(Julien et Marchesnay, 1992). La qute d'un type idal repose sur une ide simple : larecherche en PME ne pourra progresser que le jour o la plupart des chercheurs semettront d'accord sur une dfinition unitaire et universelle du phnomne-PME (Hertz,1982). Ces propos rejoignent ceux de D'amboise (1993) qui regrette le caractre fragmentde la recherche en PME faute de ne pas disposer d'une dfinition minimale commune.

    De plus, cet effort de modlisation ou de conceptualisation thorique estncessaire dans le cadre d'une dmarche scientifique car la capacit de gnralisationconstitue le critre le plus discriminant entre les connaissances scientifiques et lesconnaissances non scientifiques en gestion comme en d'autres disciplines (Cohen, 1989).Toutefois, si ce courant constitue le point de dpart de la recherche en PME, il n'est pasexempt de critiques. En effet, si certains auteurs ont prfr ne retenir que "les constantes,les permanences, les tendances" (Julien et Marchesnay,1988), si d'autres prconisent une"dfinition unitaire et universelle" (Hertz, 1982) et si d'autres encore considrent que dansla PME "il y a plus de dterminisme que de contingence" (Chicha et alii, 1990), le risqueest qu'"une telle prsentation se trouve "idaliser" l'idaltyp" mme si "elle reflte destendances observes au-del de l'invitable normativit des auteurs" (Marchesnay etJulien, 1992). Au souci lgitime de gnralisation succde souvent une sorted'universalisme de la spcificit.

    L'ouvrage rcent de Bauer (1993) constitue un exemple parfait des excs dece courant. Conscient de la ncessit d'insister sur les particularits de la PME, Bauern'hsite pas expliciter cette nature autour d'une loi fondamentale : "Au nom du Pre,du fils et de l'entreprise". "Nous avons pu montrer qu'un patron de PME agit selon une

  • triple logique : une logique conomique, une logique politique et une logique familiale.Cette loi fondamentale permet de caractriser son activit professionnelle, c'est--direl'ensemble des dcisions qu'il prend dans sa firme comme produit d'une triple rationalit"(Bauer, 1995). Mme si, comme nous le verrons par la suite, Bauer attnue ses propos,l'vocation d'une loi atteste de la drive dogmatique qui affecte frquemment le courantde la PME-objet. A trop vouloir mettre en relief les spcificits lies la petite taille, lesauteurs sont enclins tenir pour lois universelles ce qui n'est que tendances probables.

    En gnral, les chercheurs en PME se contentent de constituer un chantillond'entreprises de petite taille pour pouvoir faire rfrence au corpus thorique de larecherche en PME. Ce procd a la vertu d'une grande simplicit mais il repose sur deforts prsupposs qui sont loin d'tre toujours vrifis. Le passage du concept de petitetaille au concept de PME n'est pas automatique. Or, la plupart des chercheurs font"comme si" ce lien tait parfait, comme s'il suffisait d'avoir une entreprise correctementdfinie en terme de petite taille pour faire le lien avec le concept de PME. Selon nous,deux types d'erreurs peuvent tre commises lors de cette tape. Une erreur de premireespce consisterait accepter tort l'hypothse de la spcificit de la PME auprsd'entreprises qui, malgr leur petite taille, ne le sont pas. Une erreur de deuxime espceserait de rejeter tort du cadre de validit du concept-PME, des entreprises sous prtextequ'elles sont de grande taille. Or, comme l'ont montr Bournois et Pellegrin (1994) uneentreprise de grande taille peut conserver les caractristiques organisationnelles propresau concept de PME. La porte du concept de PME est donc la fois plus large et plustroit qu'il n'y parait. Plus large car des entreprises de grande taille peuvent treanalyses avec profit partir du cadre thorique du concept-PME. Plus troit car toutesles entreprises de petite taille ne rentrent pas forcment dans ce cadre. Pour viter cestypes d'erreur, il conviendrait de vrifier l'existence empirique des caractristiquesthoriques du concept-PME. Nous employons dessein le conditionnel car, notreconnaissance, cette prcaution est trs rarement ralise. En d'autres termes, si les critresde slection des entreprises d'un chantillon sont gnralement la taille, lescaractristiques qualitatives, l'exception du critre d'indpendance juridique, ne sontjamais vrifies mais supposes empiriquement. La thse de la spcificit de la PME estalors un postulat sur lequel chaque chercheur se fonde sans en vrifier l'existenceempirique. Certes, nous ne nions pas la tendance selon laquelle plus la taille est petite,plus le rle du dirigeant peut prendre de l'importance. Mais cette tendance suggre unecaractristique qui relve du probable et non pas de la certitude. Pourtant, ds lors quel'on travaille sur les PME, cette caractristique est constamment mise en avant pourlgitimer que l'on s'intresse en priorit aux objectifs et au comportement du dirigeant. Larelation petite taille-prpondrance du rle du dirigeant est infaillible au point que pourBayad et Nebenhaus (1994), le rle du dirigeant fait partie "des ides obligatoires danstout travail thorique sur les PME". Ce type de dmarche ne peut conduire qu'surestimer le rle et l'importance de la taille. Dans ce cas, la thorie PME s'apparente une thorie universelle.

    Au total, si la thse de la spcificit prsente une faible autonomie derecherche du fait des ncessaires comparaisons qui doivent tre faites pour tayer lapreuve de sa spcificit, elle se caractrise par un fort degr de gnralisation puisqu'il

  • s'agit de rompre avec la vision traditionnelle de la PME (grande entreprise miniature)pour proposer de nouvelles bases thoriques aux futurs travaux sur la PME.

    Toutefois, comme le note Lo (1987): "Il n'est sans doute pas exact deconsidrer la PMI comme un modle d'entreprise systmatiquement opposable lagrande entreprise. La frontire entre les deux types est floue et difficile fixer ; tout ceque l'on peut observer sur les PMI n'est pas fait en dehors de l'influence des grandesentreprises qui ont leur part de responsabilit dans ce que sont les PMI aujourd'hui (liensde complmentarit, transfert de technologies, sous-traitance...) Mais surtout cetteopposition PMI-Grande Entreprise, rvlatrice certains points de vue, n'est plus fcondeds que l'on approfondit l'analyse : ce qui domine l'univers des PMI c'estl'htrognit...Cette diversit est une des dimensions mme du phnomne PMI quipeut expliquer une partie de son dynamisme actuel".

    Dans ces conditions, la thse de la spcificit peut s'avrer trop rductrice dela varit des PME. En d'autres termes, si la thse de la spcificit a une vertuhomognisante, elle saccommode mal de l'extrme htrognit qui semble caractriserle monde des PME. Ainsi, Candau, ds 1981, considrait que "au fur et mesure dudveloppement des connaissances sur les petites entreprises, la varit de leurscaractristiques parat devoir largement l'emporter sur leur uniformit. De ce fait, unecontribution importante serait apporte en tudiant empiriquement la diversit desformes adoptes par les entreprises, et en les rduisant en un nombre limit de classesayant en commun des caractristiques relativement uniforme. Ceci serait beaucoup plussignificatif que d'essayer de formuler des lois prtendant s'appliquer toutes lesorganisations, pourtant susceptibles de constituer des univers spars, ou d'laborer destypologies a priori, normatives, ayant un faible pouvoir explicatif.". Ces propos rejoignentceux de Bernard et Ravix (1988) pour lesquels la recherche de l'htrognit a tparticulirement active dans le sous-ensemble des PME : "La limite fondamentale del'analyse du systme productif l'aide du dcoupage par taille vient du fait qu'elledfinit des sous-ensembles rputs homognes d'entreprises ; cette proprit, qui est unevertu statistique, est cependant un obstacle une connaissance de la diversit des unitsde production. La solution ce problme d'homognit a t de s'appuyer sur destudes d'chantillons d'entreprises, dans le but de mettre en vidence des spcificits destructures et de comportements au sein mme des catgories de taille." Aussi,paralllement aux tentatives de gnralisations thoriques du courant de la PME-objet,plusieurs travaux empiriques vont tre mens dans le but de mieux cerner la diversit duchamp des PME en dressant des typologies de firmes l'intrieur des classes de taille.

    2. 2. Le courant de la diversit (1975-1985)

    On a trs souvent tendance considrer les PME comme un bloc homogneds lors qu'on les oppose aux grandes entreprises. Cette distinction est d'autant plusvalable que la comparaison se cantonne ne retenir que les situations extrmes. Maislorsque l'on s'intresse uniquement aux entreprises de petite taille, il semble difficile voireimpossible de les regrouper autour d'un modle unique. Du fait de la diversit du champdes PME (PME-Champ), aucune gnralisation n'est possible et tout est alors affaire decontexte. Les PME sont considres comme un ensemble trop htrogne pour se prter

  • une tentative de gnralisation. Si le courant de la spcificit considre que "plus la taillede l'entreprise est petite, plus cette dernire est spcifique", il ne s'agit que d'unetendance. Or, comme le note March (1994) : "Tout essai de description des tendances degestion, mme s'il est valide en moyenne, ne dcrit de faon adquate aucune situation de gestionparticulire.". Dans ces conditions, la PME n'est pas une catgorie homogne mais uneappellation commode qui dsigne une ralit multiple susceptibles de se diffrencier parl'activit, par la forme de proprit, par les stratgies adoptes, par les modes de gestion..."on sait qu'il est difficile de parler d'une thorie des PME alors que celles ci sontextrmement htrognes....on ne peut donc chapper une approche de contingence."(Julien, 1994). De mme, pour Bayad et Nebenhaus (1994), "contrairement aux GrandesEntreprises, pour les PME il est difficile de mettre en vidence des invariants de gestion".Enfin, pour Mahe de Boislandelle (1994), "la dmarche de thorisation est difficile etprilleuse car il s'agit surtout de saisir la diversit et le contingent"". La proposition deMahe de Boislandelle se situe aux antipodes du plaidoyer de Hertz en faveur d'unedfinition unique et universelle du concept-PME.

    Dans ces conditions, il convient d'identifier l'ensemble des facteurs decontingence qui exercent un effet sur la nature de l'organisation. Prenons un exempleparticulirement illustratif de ce type d'approche. Dans l'optique d'une dmarchecontingentielle, Fabi, Garand et Pettersen (1993) tablissent une liste des diffrentsfacteurs qui exercent une influence sur la gestion des ressources humaines (GRH) encadre PME. Partant d'un recensement exhaustif depuis les annes 50 jusqu' la fin desannes 80 de la littrature concernant ce thme prcis (au total, 75 tudes empiriques), ilsrecensent 21 facteurs de contingence diffrents qu'ils regroupent au sein d'un modlecontingentiel de la GRH en PME. Cette compilation montre clairement la diversit et ladispersion des variables retenues par les chercheurs pour expliquer les phnomnes lisaux pratiques de GRH en PME. Ce modle constitue une bonne grille d'analyse, destine inventorier les pratiques en matire de GRH, en incluant les variables contingentessusceptibles d'exercer une influence. La valeur d'un tel modle est essentiellementheuristique. Dans une dmarche d'intervention ou de conseil en entreprise, ce type demodle est souhaitable et utile. Il s'efforce de serrer au plus prs les pratiques effectivesde la GRH en PME.

    Mais, par rapport notre propos, ce modle illustre les excs de l'approchecontingente. En effet, ce qu'il gagne en descriptivit, il le perd en prdictivit. Lamultiplicit des facteurs pris en compte constitue un frein l'laboration d'un cadre derfrence gnral. En effet, sur la base de 21 facteurs de contingence et en supposant quechaque facteurs prsente deux modalits (hypothse minimale), le nombre de situationsdiffrentes possibles est de l'ordre de 2 097 152. S'il est lgitime que les auteurs cherchent rendre compte de l'htrognit des entreprises de petite taille, le problme est que lenombre de situations thoriquement envisageables par le jeu des combinaisons entre lesdivers facteurs dpasse la diversit relle des entreprises. A l'irralisme des modlesuniversels s'oppose le surralisme des approches contingentes. Pousse jusqu'l'extrme, l'approche contingente tend considrer chaque entreprise comme un casunique. Il devient impossible de gnraliser et de proposer une thorie de la PME. Nousqualifions ce type d'excs, de drive casuistique.

  • Aussi, afin de ne pas multiplier inutilement le nombre de combinaisonsdiffrentes, la solution consiste soit se limiter aux facteurs les plus influents en dressantdes typologies se limitant un aspect particulier, soit considrer que certainescombinaisons sont plus probables que d'autres (hypothse de congruence). La recherchede typologies fondes exclusivement sur des chantillons de PME a t particulirementactive entre 1975 et 1985 (Bernard et Ravix,1988 ; Julien, 1994). Les diffrents types tablisretracent alors la diversit exclusivement au sein des PME. "Les profils de PMI permettentd'intgrer dans l'analyse la diversit de leurs comportements" (Lo, 1987).

    FIGURE 2:

    Le courant de la diversit

    type

    PME 2

    type

    PME 1

    type

    PME 4

    type

    PME 3

    type

    PME 5

    Le courant de la diversit prsente les caractristiques inverses de celui de laspcificit :

    - parce que les chantillons sont construits exclusivement partird'entreprises de faible dimension, le courant de la diversit prsente une forte autonomiede recherche par rapport aux travaux sur la grande entreprise. Il ne s'agit plus decomparer la petite entreprise la grande mais d'valuer, dans l'absolu, la diversit de cemonde particulier.

    - cependant, la multiplicit des types tablis ne permet pas de faire mergerun cadre gnral, soit parce qu'il y en a plusieurs (approche typologique) soit parce qu'il yen a une infinit (approche contingente). Les rsultats obtenus prsentent donc un faibledegr de gnralisation.

    En dfinitive, la recherche en PME peut schmatiquement se dcomposer endeux courants distincts car antagonistes tant en ce qui concerne les objectifs qu'ils se fixentque les approches qu'ils prconisent :

    Le courant de la spcificit s'efforce de dfinir l'objet-PME considrecomme une institution singulire. La dmarche est volontairement universelle et unitairepuisqu'il s'agit de prciser les caractristiques propres la PME (les spcificits) et d'endduire des problmatiques de recherche ad hoc tout en facilitant l'accumulation desconnaissances sur la PME. Ce courant court le risque de drive dogmatique car ilcherche tout prix gnraliser un modle (PME-Objet), ce qui conduit insidieusement l'ide que toutes les PME sont spcifiques et conformes au modle thorique.

    Le courant de la diversit s'efforce de simplifier la diversit du champ-PMEen dressant des types distincts. Cette orientation se situe aux antipodes de la thse de laspcificit. L'approche est beaucoup plus contingente et la porte thorique plus limite.

  • Cette approche est plus raliste mais limite les connaissances de la PME au niveaud'noncs anecdotiques. Sous couvert de ralisme, on en dduit qu'aucune gnralisationn'est possible et que tout est alors affaire de contexte. C'est le risque de drivecasuistique.

    L'homognit de l'objet-PME semble en contradiction avec l'htrognitdu champ-PME. La distinction entre PME-champ et PME-objet n'est donc pas neutre surle plan thorique. Comme nous en faisions l'hypothse, le clivage universalisme versuscontingence des travaux concernant la taille et les modles de croissance traversegalement les travaux concernant la PME. C'est en accordant la taille la plus grandeimportance (effet-taille absolu) et en supposant que les changements de natureoccasionns par la taille sont communs tous les types d'entreprises (modle demtamorphose universel) que toutes les PME peuvent tre considres commespcifiques. L'universalisme du courant de la spcificit (1975-1985) dcoule del'universalisme des courants de l'effet-taille et des modles de mtamorphoses (1965-1975). Mais, des prolongements rcents (1975-1990) tendent montrer que l'effet-taille estcontingent et que les seuils critiques ne sont pas clairement identifiables (les modles demtamorphose sont divers). Ces travaux suggrent alors que l'analyse des PME doit trecontingente et intgrer l'htrognit. Cette approche correspond pleinement celle ducourant de la diversit.

    Tout chercheur en PME doit donc se positionner par rapport ces diffrentscourants car les problmatiques de recherche ne sont pas les mmes. A l'approcheuniverselle du courant de la spcificit s'oppose donc l'approche contingente du courantde la diversit. Marchesnay (in Julien et Marchesnay, 1988) qualifie cet antagonisme devritable "dilemme" auquel le chercheur en PME se trouve confront :

    - "Rechercher des types idaux, des catgories holistes mais se heurter dansces conditions au risque de non pertinence empirique.

    - S'efforcer de serrer au plus prs les comportements effectifs et tablir destypologies en fonction de chaque problme tudi. Mais dans ces conditions le risque estgrand de multiplier les typologies sans bnficier d'un cadre de rfrence gnral (...) Ceque gagnent de telles constructions en descriptivit, elles le perdent en prdictivit,comme il l'a souvent t reproch aux approches contingentes."

    Comment alors concilier ces deux courants de recherche ? Comment rendrecompte tout la fois de la singularit et de la diversit de ces objets particuliers que sontles PME ? En somme, comment rpondre ce que Julien et Marchesnay (1992) qualifientde "problmatique complexe" ? C'est dans cette perspective que s'inscrivent lesprolongements de la recherche en PME partir du milieu des annes 80.

    3. Les prolongements (1985-1995)

    En croisant les antagonismes de la recherche en PME (universalisme versuscontingence et spcificit versus diversit), on obtient une matrice quatre cases quisuggre deux voies de prolongements envisageables (cadrans A et B).

  • SPECIFICITE DIVERSITE

    UNIVERSALITE

    CONTINGENCE

    PME

    OBJET

    PME

    CHAMP

    A

    B

    GRAPHIQUE 1

    Les antagonismes de la recherche en PME

    La premire cherche concilier la diversit dans l'universalit de laspcificit de la PME. C'est le courant de la synthse. Mais, un autre courant considre, defaon plus ou moins explicite, que la spcificit de la PME est contingente un cadre devalidit. Pour dlimiter les frontires de cette spcificit, il convient alors d'identifier descontextes dnaturants la PME. C'est le courant de la dnaturation.

    3. 1. Le courant de la synthse (Milieu Annes 80)

    Cette prise de conscience de la ncessit d'intgrer la diversit aux travauxconcernant la spcificit prend un rel essor la fin des annes quatre-vingt, mme sicertains travaux antrieurs cette priode avaient dj insists sur ce point. Laparticularit de ce courant est de considrer que la spcificit du concept-PME estmodulable, c'est--dire que les PME sont plus ou moins spcifiques. Les caractristiquesspcifiques de la PME ne sont pas strictes mais lastiques. Ainsi, Julien (1994) dans "PME: bilan et perspectives" propose une "typologie sur continuum" qui peut s'apparenter une sorte de polymorphisme de la spcificit de la PE. Cette "synthsespcificit/diversit" prsente l'avantage d'intgrer la diversit des PME tout en gardantintacte la spcificit de la PME, c'est--dire l'essence de l'objet de recherche. Il y a unediversit au sein de la spcificit. De mme, Bauer (1995) , aprs avoir nonc la loifondamentale qui caractrise les PME, poursuit son analyse en considrant que "la priseen compte des logiques d'action conomiques, politiques et familiales, permet deconstruire des typologies exprimant la grande diversit des patrons de PME et leur firme,des situations au sommet des PME comme des actions qui y sont menes. Caractriser unpatron de PME par la taille relative de chacune de ses trois ttes conduit imaginer unnombre infini d'ventualits, situes toutes dans un espace trois dimensions. Pourcerner les traits essentiels d'un patron de PME, il faut donc le situer dans cet espace trois dimensions ; et ce n'est que dans un deuxime temps qu'il convient d'affinerl'analyse et de dessiner plus prcisment les traits de ses ttes les plus dveloppes."

    L'ouvrage de Bauer constitue une synthse entre la particularit des PME etleur diversit. Une fois de plus, les traits spcifiques de la PME (dans ce cas, la loifondamentale) constitue un contour plus ou moins large au sein duquel une grandevarit de cas diffrents peut s'insrer. La loi nonce par Bauer est donc un cadred'analyse permettant de situer la diversit du monde des PME partir d'une logique quimet en relief les spcificits de l'objet tudi. Si Julien (1994) considre que l'on ne peut

  • chapper une approche contingente du fait de l'htrognit des PME, il rajoute quecette contingence n'empche pas pour autant de retrouver des similitudes suffisantespour constituer les lments d'une nouvelle thorie conomique et de gestion pour lesPME : "en tenant compte des comportements des PME dans la turbulence de l'conomielocale et nationale, on peut dpasser la simple contingence pour trouver certainesgnralisations susceptibles de nous conduire une thorie analytique sinonprdictible pour justifier la renaissance de ces units de production dans nos conomies."

    La prise en compte de la diversit par les tenants de la thse de la spcificitdes PME dbouche sur une volution significative de la pense en PME. Il ne s'agit plusde dresser un profil-type de LA PME prise comme un objet thorique mais plutt derechercher des cadres d'analyse ou des modles heuristiques capables de retranscrire ladiversit du monde rel. Cet avis rejoint celui de Marchesnay (1991) : "Les milieux de PEsont d'une effroyable complexit : d'o de la part du chercheur la tentation du rductionnisme,rapidement voue l'chec. Il faut alors se rabattre sur des grilles d'analyses heuristiques,voquer des configurations, au sens de Mintzberg, proposer des conjectures partir de construits etde variables rfutables, soit par la validation logique, soit par la validation empirique. C'est danscet esprit que nous proposons une thorie de l'hypofirme".

    Au total, si en premire analyse la PME peut tre synthtise autour d'unidaltype, rapidement les modles initiaux vont s'avrer trop rducteurs de l'extrmehtrognit de ce monde particulier. La recherche en PME s'oriente alors vers ce queMartinet (1986) appelle une Forme : "La forme, invariante pour un temps, ne recouvre pasune ralit intangible et dlimite. Elle rend compte, en les accueillant, des modulationsconcrtes. En ce sens, elle est davantage conceptacle que concept. Elle peut tolrerlambigut". Tandis que le concept dlimite, dcoupe, disjoint, la forme polarise, dessine,agglomre. Pour Durand (in Martinet, 1986), la forme a essentiellement une valeurheuristique : en tant que telle, elle n'existe pas ; c'est un ensemble vide mais elle permetde comprendre les apparences existantes. Le concept-PME devient alors plus flou, plusvague, plus imprcis. De par la nature profondment htrogne des PME, le concept-PME prend les traits d'une forme. Dans cette optique, plusieurs auteurs tablissent descadres d'analyse au sein desquels il est possible d'tablir des typologies lesquellesdcoulent de la prise en compte pralable de certains traits spcifiques aux PME. Il s'agitde typologies "ad hoc".

    FIGURE 3

    Le courant de la synthese

    Forme-PME

    type

    PME 2

    type

    PME 1

    type

    PME 4

    type

    PME 3

    type

    PME 5

    cadre de la

    spcificitchamp de la

    diversit

    Cette voie a dj t voque ds 1981 par Candau qui, dans son plaidoyer"pour une taxonomie de l'hypofirme", affirme qu'"il est impossible d'tudier les PME,abstraction faite de la personne du chef d'entreprise, de ses motivations et de sa famille

  • qui sont les facteurs caractristiques dominants de l'hypofirme". Toutefois, il reconnatqu'il serait vain de vouloir formuler des lois prtendant s'appliquer toutes lesorganisations, pourtant susceptibles de constituer des univers spars. "La multiplicitdes caractristiques spcifiques des petites entreprises interdit a priori de les assimiler un ensemble homogne...La varit de leurs caractristiques parat devoir largementl'emporter sur leur uniformit." Candau (1981) met donc en relief une des particularitsdes PME (le rle du dirigeant) au point d'en faire le centre de sa dmarche de recherche.En effet, si l'auteur s'intresse la structure administrative des entreprises, c'estprcisment parce qu'il suppose que c'est par ce biais que vont se manifester lesmotivations, la rationalit et les conceptions du dirigeant. "La rintroduction de lapersonne du chef d'entreprise dans l'tude des hypofirmes entrane celle de ses rles quine fait que traduire sa logique d'action, c'est--dire sa forme de rationalit et lesconceptions qu'il va adopter dans la conduite de son entreprise.". La personnalisation dumode de gestion des PME est bien le postulat de dpart sur lequel Candau s'appuie pourtablir sa taxonomie. Malgr l'htrognit qui caractrise l'univers des PME, ilconsidre que l'importance du rle du dirigeant est l'invariant fondamental qui participe dfinir la spcificit des PME par opposition aux grandes entreprises. En ce sens, lemodle d'hypofirme sert de modle thorique de base partir duquel il identifie la ou lesvariables pertinentes. La recherche est fonde sur les spcificits reconnues aux PME touten mettant en relief la diversit de cas. Les travaux de Candau (1981) constituent bien unejonction entre les deux courants de recherche qui se dveloppent jusqu'alorsparalllement. Ils tiennent compte conjointement de la spcificit et de la diversit desPME.

    Toutefois, cette voie de synthse, mme si elle prsente un progrs, restetoujours universelle. En effet, ces recherches partent du point qu'il s'agit de dmontrer, savoir le rle de la forme-PME dans le fonctionnement des entreprises de petite taille.Nous ne nions pas que ce lien existe, nous contestons qu'il faille pour en rendre compte,partir d'une problmatique qui le prsuppose. Combien de chercheurs postulent laspcificit de la PME pour justifier par exemple qu'ils s'intresseront au rle du dirigeantet montrer lors de l'tude empirique qu'effectivement le dirigeant joue un grand rle ? Lesproblmatiques partent en effet d'une dfinition normative de la petite entreprise (l'objet-PME),nonce ce qu'une entreprise de petite taille doit runir pour tre qualifie comme telle, puis enobservent l'existence empirique, soulignent la pluralit des formes, dressent des typologies. Parconsquent, ce type de dmarche ne rencontre jamais que ce qu'elle a prsuppos, savoir laspcificit de l'objet-PME. En d'autres termes, il ne faut pas oublier que l'entreprise de petite taillepeut relever thoriquement d'un mode de fonctionnement qui ne correspond pas cet objet 1. Lathse de la spcificit est utilise comme un point de dpart (un postulat) duquel ondduit des hypothses de travail ad hoc. Or, une entreprise de petite taille peut ne pastre conforme au concept-PME. Si l'on admet l'ide que la PME puisse avoir une naturepropre, nous devons admettre son corollaire : sa dnaturation. Une PME peut parfois nepas ou ne plus tre spcifique. Mme si la typologie sur continuum permet de tenir

    1 Nous reproduisons, mutatis mutandis, la mme argumentation formule par A.Rallet propos des problmatiques concernant le rle de la proximit dans le processusd'innovation dans "Choix de proximit et processus d'innovation technologique",Revue d'Economie Rgionale et Urbaine n3, pp365-386, 1993.

  • compte de l'htrognit du monde des PME, il est clair qu'implicitement toutes cestypologies prsentent un point commun : la spcificit d'un mode de fonctionnement del'entreprise qui s'apparente la forme-PME. En d'autres termes, la diversit des types dePME ne dpasse jamais le cadre de la spcificit. De sorte que, malgr la prise encompte de la diversit, le courant de la synthse s'inscrit dans la ligne de l'approcheuniverselle qui traverse la recherche en PME depuis ses dbuts.

    Aussi, cette voie de synthse peut tre considre comme universelle. Lathse de la spcificit n'est jamais remise en cause, elle est simplement module. Ladiversit ne signifie que des changements de degr au sein du cadre universel de laspcificit. C'est la raison pour laquelle on positionne ce courant dans le cadran A. Or, leschangements de degr ne peuvent-ils pas s'accompagner de changements de nature?

    3. 2. Le courant de la dnaturation (Milieu Annes 90)

    Poser cette question conduit ne plus considrer la thse de la spcificitcomme un postulat mais comme une simple hypothse de recherche rfutable. Il ne s'agitplus d'riger le dogme de la spcificit comme le cadre absolu de la recherche en PMEmais d'entamer un examen critique de cette thse. Jusqu' quel point, le cadre d'analysepropos par les chercheurs en PME est-il valide ? La question n'est pas de savoir si leconcept-PME est pertinent ou non mais de dlimiter son champ de validit. Dans quellesconditions peut-on accepter la thse de la spcificit et partir de quel moment ce conceptn'est-il plus valide ? Pour que l'objet-PME puisse tre un vritable objet de recherche, ilfaut, non seulement le dfinir, mais aussi en fixer les limites. Il convient donc d'adopterune dmarche contingente (rfutable) de la spcificit.

    FIGURE 4

    Le courant de la denaturation

    (diversite et contingence de la spcificit)

    Forme-PME

    type

    PME 2

    type

    PME 1type

    PME 4type

    PME 3

    type

    PME 5

    type

    contre-nature

    Ce graphique illustre notre propos. Il ne s'agit pas de remettre en cause lathse de la spcificit, mais simplement d'adopter une dmarche critique, ncessairementcontingente, applique l'objet-PME. Existe-t-il des contextes o les entreprises de petitetaille ne sont plus conformes la forme-PME (le type 5 sur notre schma) ? En d'autrestermes, quels sont les contextes qui dnaturent la PME ? Ainsi, la dfinition de la PMEnonce par Guilhon.A et alii (1995) correspond avec justesse cette volution de lapense en recherche PME. Partant de l'ide que l'internationalisation constitue un "choc"qui implique de profonds changements dans le mode de fonctionnement de l'entreprise,surtout lorsque celle-ci est de faible dimension, les auteurs considrent qu'il existe unecontradiction entre l'activit d'exportation et "l'identit de la PME" (1993). Afin demontrer cette hypothse de travail, ils introduisent dans leur dfinition de la PME, le

  • concept de contrlabilit qu'ils dfinissent "comme la capacit de garder la matrise de lamise en uvre et du dveloppement d'un ensemble de ressources". La notion decontrlabilit se situe au cur de la dfinition propose : "Les PME sont dfinies partirde cette notion de contrlabilit qui devient le pivot des diffrentes parties de leurstructure organisationnelle". L'intrt d'une telle dfinition est qu'elle suggre le risquede perte de contrlabilit et autorise donc, selon nous, l'existence de situations contre-natures la forme-PME : "un dveloppement dsquilibr de la PME est susceptible deremettre en cause son existence propre en tant que PME" (Guilhon.A et alii, 1995). Uneentreprise peut ne plus correspondre la forme-PME standard tout en demeurant depetite taille. Cette dfinition rcuse donc tout universalisme puisqu'elle offre lapossibilit d'identifier les limites (contingences) de la forme-PME.

    Notons que le souci de dlimiter le concept de PME n'est pas nouveau. En1967, Barreyre intitule sa thse de doctorat "L'horizon conomique des petites etmoyennes entreprises". L'auteur rappelle ds l'introduction que l'origine tymologiquehellnique du mot horizon contient dans son essence mme l'ide de limite. La dfinitionde Barreyre fournit bien les limites du concept-PME puisque sont exclues d'une part lesentreprises qui, malgr leur petite taille, sont sous l'emprise d'un groupe et d'autre partles entreprises qui, malgr leur autonomie relle de financement et de gestion, ne satisfontpas au moins cinq des neuf critres associ au concept de PME. Autrement dit, ensuivant les propos de Barreyre (1967), on peut en dduire que la constitution d'unchantillon d'entreprises indpendantes et de petite taille est une condition ncessairemais pas suffisante pour s'inscrire dans le cadre du paradigme de la spcificit de la PME.Il faut en plus veiller ce que la majorit des autres caractristiques du concept-PME soitvrifie. On ne peut donc pas se contenter de construire un chantillon sur la seule basede critres quantitatifs, censs mesurer le concept de taille, pour pouvoir faire rfrenceau corpus thorique concernant l'objet-PME. Par l'nonc de cette rgle, Barreyre suggre,sans toutefois l'voquer explicitement, l'ide d'une dnaturation possible de la PME.

    Une fois aprs avoir identifi des types contre-natures (rfutationempirique), le travail consisterait alors proposer une reformulation de la spcificit dela PME. Il s'agirait d'expliquer pourquoi la PME, place dans un tel contexte, n'est plusconforme au modle gnral (rfutation logique). Ce type de dmarche est, selon Dubin(in Desreumaux, 1992), la dmarche suivre pour la construction d'un modle thorique,lequel doit respecter un certains nombres de conditions lmentaires, savoir :

    - condition 1 : nonc des variables pertinentes du systme tudi- condition 2 : spcification des lois de relations entre ces variables- condition 3 : description des tats rsultant du systme- condition 4 : dlimitation des frontires ou limites de validit de ces lois

    Si la recherche en PME a fortement progress sur les trois premiers points,force est de constater que le quatrime point reste encore peu dvelopp. Nanmoins,depuis le dbut des annes 90, on peut relever quelques contributions qui semblentsuggrer l'ide d'une dnaturation de la PME autrement que par la croissance et la taillede l'entreprise. Cela signifie alors que la frontire critique qui spare les mondes des PME

  • et des grandes entreprises n'est pas fondes sur le seul critre de la taille. Ces travauxsemblent rcuser l'universalit de la spcificit de la PME. Prenons quelques exemples :

    3. 2. 1. dnaturation de la PME et autonomie de gestion

    Curvalle (1994) dans une communication intitule "L'EDI et le JATcondamnent-elles les PME ? " s'interroge sur l'impact des mthodes de Juste Temps etd'Echange de Donnes Informatises sur le mode de fonctionnement des PME. De mme,dans une perspective prcisment contingente, Dubost (1995), tout aussi interrogative sedemande si "les PME franaises voluent vers des bureaucraties", autrement dits'loignent du modle traditionnel de la PME du fait de l'augmentation des phnomnesde contrle externe et de dpendance dont elles font l'objet. De mme, Bayad etNebenhaus (1994) s'inquitent pour "l'avenir des PME qui tout en restant (...)indpendantes, juridiquement parlant, se verront contraintes de se soumettre desnormes extrmement contraignantes au plan de la gestion, de l'organisation et enparticulier en GRH ? " Ils font alors rfrence aux PME qui pour conserver leurs marchsde sous-traitance sont conduites appliquer les principes issus des normes ISO 9000. Autotal, si l'indpendance juridique est depuis longtemps utilise comme un critre apte dfinir l'appartenance ou pas d'une entreprise de petite taille au monde des PME, lanotion d'indpendance organisationnelle (plus difficile cerner que l'indpendancejuridique) parat devoir jouer le mme rle. Le modle-PME serait-il un modled'autonomie de gestion ?

    3. 2. 2. dnaturation de la PME et indpendance financire

    En ce qui concerne les activits financires de l'entreprise, plusieurs tudestendent montrer que les caractristiques traditionnelles (spcificits) des PME sontsensibles aux modes de financement. L'ouverture du capital soit par capital-risque(Stephany,1993), soit lors d'une introduction sur le second march (Belletante etDesroches, 1994) tend rduire les spcificits des PME, voire les remettre en causecomme cela peut tre le cas lors d'un rachat d'une PME par un groupe. En interprtant cesrsultats selon l'optique qui est la ntre, la question est de savoir o placer le seuil critiquedlimitant la spcificit du modle-PME ? Entre l'indpendance financire totale ol'entrepreneur autofinance tous ces investissements et la dpendance financire totale ol'entreprise devient la filiale d'un groupe et par voie de consquence est exclue du mondedes PME, il demeure plusieurs situations intermdiaires o les caractristiquesspcifiques de la PME s'attnuent plus ou moins fortement. On peut alors suggrer deuxseuils. Dans une optique restrictive, on considrera que le modle-PME est un modled'indpendance financire. Partant de l, toute autre situation est dnaturante. Ainsi,une entreprise de petite taille qui fait appel une socit de capital-risque ou qui metdes actions n'est plus une PME au sens thorique. Mais on peut avoir une dfinition pluslarge et considrer que le modle-PME est un modle de non-dpendance financire.Dans ces conditions, seules les PME appartenant un groupe sont exclues. Cettedeuxime conception parat largement majoritaire au sein de la communaut scientifiqueen PME. Mais le dveloppement des pratiques de capital-risque et la cration de marchdes capitaux plus adapts aux entreprises de petite et moyenne taille comme le secondmarch et le hors-cote ne sont-elles pas des tendances rcentes de nature transformer

  • radicalement les modes de financement traditionnels de la PME et par voie deconsquence dnaturer le modle-PME tout entier ?

    Outre leur aspect rcent, ces travaux portent sur des phnomnes et destendances relativement nouveaux pour les PME (EDI, JAT, contrle externe, ouverture ducapital...). Leur particularit (et point commun) est de montrer dans quelle mesurecertains contextes ou certaines volutions rendent le concept-PME caduque oususceptible de profondes mutations. Ces travaux s'inscrivent pleinement dans la phased'examen critique de la conceptualisation de l'objet-PME. C'est la raison pour laquellenous les regroupons dans le courant de la dnaturation. De plus, ils confortent l'ided'une contingence de la spcificit de la PME.

    Contrairement au courant de la spcificit, le courant de la dnaturation nese fonde pas sur un clivage selon la taille. La rfrence la grande entreprise n'est plusncessaire. En effet, il s'agit de s'interroger sur l'identit de la PME, non par rapport une classification selon la taille mais par rapport ses caractristiques propres (Guilhon.Aet alii, 1993). Dans ces conditions, la PME se constitue en objet de recherche absolu. Deplus, la mise en vidence de contextes incompatibles au concept-PME ne rend pas pourautant ce dernier sans intrt. Il s'agit moins de remettre en cause la pertinence duconcept-PME que d'valuer de faon critique son degr de gnralit. Cette orientationde recherche permet de concilier la fois un fort degr d'autonomie de recherche parrapport aux travaux sur la grande entreprise (point faible du courant de la spcificit) etun fort degr de gnralisation (rfutation) de ces rsultats (point faible du courant de ladiversit) sans toutefois faire de la spcificit de la PME une loi universelle ou un postulat(point faible du courant de la synthse).

    Autonomie

    de

    recherche

    Degr de

    gnralisation

    faible forte

    forte

    faible

    PME:

    grande

    miniature

    Diversit

    des PME

    Spcificit

    de la PME

    Identit

    de la PME

    GRAPHIQUE 2

    Degr de gnralisation et

    autonomie de recherche des divers courants en PME .

    Conclusion

    Considr durant les annes 70 et 80 comme un concept prcis et universel,l'objet-PME devient, dans le courant des annes 90, une forme floue et contingente. Cettevolution semble conforme la logique de la dcouverte scientifique telle qu'elle estdcrite par Popper (1973) : "Au dbut, nous devons suivre nos propres thories, car sansthorie nous ne pourrions commencer (...) Ensuite, nous devons adopter une attitudeplus critique vis vis de ce qui nous a permis d'avancer et essayer de le remplacer par

  • des lments plus adapts, en fonction mme de ce que nos propositions initiales nousont permis d'apprendre.". Ce type de clivage (phase de proposition et d'examen critique)se retrouve dans les trois tapes qui ponctuent la recherche en PME. A chaque phase degnralisation thorique succde une phase plus critique et plus nuance l'gard destravaux initiaux.

    PHASE DE GENERALISATION

    THEORIQUE

    PHASE D'EXAMEN CRITIQUE

    EMPIRIQUE

    Modle de

    mtamorphoses

    universel

    Effet-Taille

    universel

    Courant de la

    synthse

    Effet-Taille

    contingent

    Modle de

    mtamorphoses

    contingent

    Annes 60/70 Annes 70-90

    Dbut 90

    Courant de

    la dnaturation

    LES PREMICES

    LES

    PROLONGEMENTS

    Courant de la

    spcificit

    Courant de la

    diversit

    Milieu 70LES FONDEMENTS

    Milieu 70

    Milieu 90

    TABLEAU 1

    volution historique de la recherche en PME

    Ce tableau montre la diversit et l'enchanement des courants de rechercheen PME depuis ces vingt dernires annes. Chaque courant contribue fournir auxcourants suivants des lments de base pour faire progresser l'tat des connaissances de laPME. Il permet de prendre conscience de tous les courants, travaux antrieurs quiconstituent trs souvent des acquis ou les bases sur lesquels les courants successifs se sontfonds. L'analyse historique explicite les hypothses qui, avec le temps et l'oubli,deviennent rapidement des postulats implicites et/ou ignors des jeunes chercheurs qui"prennent le train en marche". Ce classement fournit alors une grille d'analyse utile pourpositionner des travaux rcents dans le cadre plus gnral de la recherche en PME. Cetableau montre galement que la recherche en PME est constamment traverse par leclivage universalisme/contingence. Cette alternance permanente suggrerait alors que lecourant de la dnaturation soit destin se dvelopper de plus en plus. D'une part, leschma montre clairement que ce courant hrite des travaux des courants de la spcificitet de la diversit. D'autre part, il permet de tenir compte des rcents amendementsconcernant les travaux portant sur les modles de croissance. Enfin, en identifiant lescontextes incompatibles la forme-PME, ce courant contribue mieux cerner le cadre devalidit du paradigme de la spcificit et donc l'identit de la PME.

    L'autre intrt de cette orientation de recherche est de permettre l'analysed'lments rcents et nouveaux qui n'existaient pas lors de la gense du modle. Dans unarticle de synthse sur les travaux empiriques canadiens concernant les PME depuis 1980,D'Amboise (1993), dplorant le caractre fragment du corpus thorique en PME,considre que la recherche en PME ne progressera qu' la condition de prendre en compteles nouvelles tendances de l'conomie et des pratiques des entreprises et en comparant leseffets de diffrents contextes sur un corpus thorique unitaire. Dans son ouvrage "lessciences de l'imprcis", propos de l'attitude critique inhrente l'esprit scientifique,

  • Moles (1990) note :"Le travail d'une thorie scientifique est long, et dans l'intervalle, denouveaux lments se sont proposs pour s'ajouter son corpus. Dans quelle mesure pourra-t-il lesy faire entrer sans changer les rgles du jeu telles qu'il les a fixes (validit externe) ? En gnral, ilsera conduit modifier ces rgles mais il cherchera encore quel est le nombre minimal dechangements ou de rgles additionnelles qu'il devrait ajouter son rpertoire pour faire face uneralit toujours submergeante.". Nous posons donc la question de savoir dans quellemesure la conception traditionnelle de la PME labore la fin des annes 70 est apte intgrer certains phnomnes nouveaux ? Le courant de la dnaturation constitue unprolongement de la recherche en PME dans une perspective contingente puisqu'il s'inscritpleinement dans la phase d'examen critique telle qu'elle est dcrite par Moles. Il noussemble que cette dmarche prsente l'avantage de contribuer conjointement l'approfondissement et l'accumulation des connaissances sur la PME car il s'agitd'examiner de faon critique le paradigme de la spcificit qui sert nanmoins de base l'analyse.

    En dfinitive, si la recherche en PME a russi affirmer son identitpistmologique durant ces vingt dernires annes, force est de constater qu'elle estfonde sur un projet cognitif ncessairement flou et instable et dont les frontires sontncessairement contingentes. C'est la raison pour laquelle nous plaidons en faveur d'uneapproche contingente de l'objet-PME.

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