À trop courber l'échine N°19

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    A trop courber l'chineBulletin acrate

    N19 Avril 2007

    Vaincre lEtat et le Capital, pour commencer

    Lenfer des vivants nest pas chose venir ; sil y en a un, cest celui qui est dj l, lenferque nous habitons tous les jours, que nous formons dtre ensemble. Il y a deux faons de

    ne pas en souffrir. La premire russit aisment la plupart : accepter lenfer, endevenir une part au point de ne plus le voir. La seconde est risque et elle demande

    une attention, un apprentissage, continuels : chercher et savoir reconnatre qui et quoi,au milieu de lenfer, nest pas lenfer, et le faire durer, et lui faire de la place.

    Italo Calvino, Les Villes invisibles

    Faut-il avoir honte, ou peur, ou succomber un excsde modestie pour ne pas noncer ce pralableincontournable quest le dsir den finir avec lEtat etle capital ? Nous en arrivons parfois nous poser cegenre de question stupide tant ce projet constitue uneaberration aux yeux mme de certains milieux militants. Ne nous attardons pas sur toute lextrmegauche occupe aux affaires lectorales mais pluttsur ce qui constitue ces fameux milieux . Au-deldes structures militantes plus ou moins officielles, il

    est des regroupements qui forment ce que nousdsignons par le vocable de milieu . Des attitudes,des valeurs , des gestes permettent de reconnatreou de participer ces milieux. Ce sont des rituels etdes symboles (manifs, runions, frquentation delieux, rfrences intellectuelles et littraires, voire lookou vocabulaire) qui servent de repres afin de jugerautrui. On parle de milieux militants comme demilieux artistiques, culturels ou autres. Cestfinalement toujours cette vieille rengaine de lareprsentation et du sujet qui a cours avec des formesdiverses, parfois antagoniques dailleurs. Cestprcisment tout ce que nous fuyons. Et cestprcisment pour cette raison que les dits-milieux nepeuvent nous supporter.

    Pour esprer vaincre Etat et capital, nous jugeonsncessaire den finir avec tout un tas deconsidrations primes qui sont comme autantdobstacles lavnement de quelque chose denouveau.

    Sur le chapitre du sujet, nous pensons avoir assez ditde quoi il en allait. Se poser en sujet, cestimmdiatement se rendre reconnaissable aux yeux dece que lon prtend combattre. Et partant, cest parlerle langage qui fait la force de nos ennemis, cest user

    des critres quil dicte et, au final, cest disputer unmme trophe ceux qui le dtiennent pour lheure.

    Ou bien cest adopter une posture qui implique unereconnaissance, mme ngative, et cest employer undiscours correspondant cette posture forcmentadmissible pour ce quoi on prtend faire face, lequeldiscours pourra tre repris au gr des modes afin dele vider de tout lment encore susceptible dedangerosit. Voyez par exemple ce qui se passedepuis quelques annes et ce que lon a fait des critsde lIS Et encore, nous voyons bien queconsidrer les choses de la sorte induit que ce sont

    des sujets adversaires qui nous font face. Comme silsuffisait de prendre ceux-ci ce quils ont (dautresvont jusqu mettre lhypothse de supprimer tousceux du camp den face) pour quenfin les portes duparadis souvrent nous ! Nous pensons quil nesagit pas simplement didentifier quelques agentsennemis et de leur faire la guerre. Il convient plusessentiellement de rendre inoprants tous lesdispositifs qui constituent le fait quil y a de ladomination et de la soumission. Non pas que nouscroyons pouvoir effacer toute trace de celles-ci surterre. Il sagit plutt de prendre dabord acte de toutce quinduit laltrit en termes demmerdements. Ilsagit ensuite de refuser ce qui semble tre le but de laplupart de ceux qui affichent des prtentions politiques : grer la socit. Nous pensons que lagestion nest quune petite partie de notre vie et quelopration consistant lisoler du reste du vcu estune opration de la domination. Cest comme celaquon fait exister lconomie et que la surviecommande la vie. Nous pensons ensuite quil ny apas la socit , mais des mondes qui saffrontent,qui se lient, qui svitent, qui signorent, qui secherchent La socit est un leurre, mensongeassum chez les uns, mythe chez les autres, maistoujours conjuration des mondes. Rien dtonnant ce que lactivit essentielle de la gestion soit de nier

    tout ce qui leur donne corps. Voyez lusage du mot

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    secte. Voyez la guerre mene au vivant et toutesource dautonomie.Enfin, partir des considrations que nous venons denommer, il sagit pour nous dlaborer une stratgieafin de suivre nos penchants et nos aspirations, ce quirevient mettre en uvre des moyens pour nuire ce

    qui nous nuit et rendre plus consistant et plus fort cequi nous convient. Il est primordial de dire que notredmarche nest en rien un face--face avec ladomination. Comme nous lavons dit, nous rejetonslenfermement dans une pense binaire qui ne nouslaisserait le choix quentre des termes quivalentsdune alternative : la droite ou la gauche ventuellement le centre qui est trs la mode en cemoment, le capitalisme ou lautogestion, le priv ou lepublic, le proltariat ou la bourgeoisie ventuellement la classe moyenne qui est elle aussitrs en vogue ces temps-ci, etc., etc.) En somme, onnous demande de dire si nous sommes pour oucontre telle ou telle option faonne pour et par lemonde de la domination. Ce faisant, on veut faire ensorte que nous indiquions nous-mmes quelle saucenous prfrons tre mangs ou bien ce que nousferions si nous tions la place de ceux quiprtendent dcider pour tout le monde. Nous necherchons pas remplacer lEtat par quelque chosede plus cool et de plus juste. La domination ne sereconnat pas dextrieur possible. Or, nousprtendons affirmer notre force contre la dominationmais dun point de vue extrieur elle. En cela, nous

    voulons nous rendre ingouvernables. Il ny a pas deconciliation ou dintgration possible

    Nous nous attachons donc penser de maniredstatise et dsidologise. Il sagit donc de tordrele cou toutes sortes de dispositifs et de faussesantinomies qui paralysent tant laction que la pense.Dailleurs, nous commenons par l, par cettesparation factice entre pense et action, avec le rejetde cet cueil dbile entre leur paroxysme respectifquest dun ct lintellectualisme et de lautrelactivisme. Nous ne plaidons ni pour la famille ou lesalternatives sympas et confortables, ni pour laconstitution dune nouvelle arme. En ralit, ce quenous rejetons, cest cette distinction plus gnrale

    entre moyens et fins. On peut proclamer qui mieux-mieux que lon vise tel but et ne jamais rien faire quipuisse conduire celui-ci. On peut aussi se perdredans lagitation aveugle qui nest que gesticulationdestine meubler le temps qui passe. Moyens et finssont confondus, leur distinction nest que pureabstraction. Un comment faire indique bienlobjectif vis tout comme un pour quoi faire nedoit pas laisser planer de doute quant aux moyens mettre en uvre pour y parvenir. Le reste nestquune question de force disponible et dattention aumoment vcu.

    Il ny a donc pas choisir entre la spontanit etlorganisation. Sorganiser signifie pour nous le seulfait que nous nous proccupions de llaboration

    matrielle capable de nous rendre plus forts pourgagner la guerre dans laquelle nous avons prisposition. Quant la spontanit, en faire Le moyenunique, Le mode daction par excellence est unebtise aussi grande que son rejet a priori. Ni laspontanit, ni lorganisation en tant que telles ne

    disent quoi que ce soient des moyens dployer etdes objectifs auxquels nous voulons parvenir. Onpeut spontanment faire nimporte quoi ou bien nerien faire tout comme on peut organisermticuleusement son impuissance.Nous nous reprsentons toujours ce vers quoi nous

    voulons aller depuis l o nous sommes ici etmaintenant. Faire autrement revient nier la ralitou en avoir une vision totalement fantasme. Voilpourquoi nous opposons notre exprimentationcontinue tout lutopisme militant. Nos ides et nospratiques sont autant de mises lpreuve et deconfrontations. Nous navons pas de solution, ni quoique ce soit proposer qui que ce soit. Noussommes seulement anims par lenvie de tisser desliens, de partager ce qui nous semble bon pour nous.Loin de construire une organisation guide parlavnement improbable dune socit parfaite (ladmocratie universelle et la paix perptuelle) nousavanons sur le chemin que nous traons en necomptant que sur notre intelligence collective et sur lepartage de nos sensibilits.

    Aprs lmeute, Zhushan, Rpublique Populaire de Chine

    Nous ne nous battons pas pour la socit, et encoremoins pour la socit parfaite. Lide de consensus

    gnral, comme celle dintrt gnral, est unmensonge qui fait tenir aussi bien les partisans ducapitalisme le plus vhment que lanarchiste le pluscrtin. Notre ide du communisme ne consiste pas imaginer un monde rgit par des rgles communistes,lesquelles rgles permettraient lentente parfaite entretous les humains habitants cette terre. A linverse,notre ide du communisme admet le dissentiment etla contradiction, elle sen nourrit. Concevoirlexistence du point de vue de la socit impliquedeux choses que nous entendons dtruire : cestdabord faire de la gestion et de lconomie le cimentqui relie les tres humains. Cest ensuite faire de son

    ide quelque chose qui pourrait simposer tout lemonde, cest dfendre une volont hgmonique. Or,le communisme tel que nous le concevons est par

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    essence non hgmonique et hostile lide de fairede la gestion lessentiel de lexistence.

    Notre communisme est exprimentation, ici etmaintenant. Dans notre action, nous tentons de nouslier avec dautres afin de mettre en partage nos ides

    et nos moyens matriels mais aussi nos affects et nosbesoins. Ce faisant, nous rencontrons parfois delinimiti avec ceux et celles qui partagent uncommun avec nous. Dsaccords stratgiques ouincompatibilits dhumeur sont autant de traits souslesquels peut se prsenter cette inimiti. Et puisquenous partageons en commun de nombreuses choses( commencer par le rejet de ce monde pourri) celle-ci ne nous interdit pas en tout cas pas toujours denous retrouver dans des occasions propices pourpasser loffensive ou pour mener une bataille quenous livre lennemi commun. Ici, quand nous parlonsdennemi, il nest plus question dinimiti car nous nepartageons rien avec nos ennemis. Il est questiondincompatibilit, donc dhostilit, et donc de guerre.Et cette guerre, nous entendons la gagner.

    Que signifie gagner cette guerre ? Cest dabordvaincre lEtat et le capital en venant bout desdispositifs quils ont mis en uvre pour nousmaintenir dans la condition qui nous est faite. VaincreEtat et Capital est autant un but (et se demander silest possible dy parvenir court ou long terme estencore un moyen dajourner son potentielavnement) quun pralable. But, car il sagit demener rellement une lutte et de vaincre, pralable carcest cet objectif qui indique autant vers quoi

    balancent notre inclination et notre volont, par quoiil convient de commencer pour orienter notre action.Cela tant dit, il convient de redire ici quune telleperspective ne reprsente aucunement une fin, ausens dun terme. Imaginons un instant que partoutsoient dfaits Etat et Capital. Et alors ? Que se passe-t-il ? Tout le monde est heureux dans le meilleur desmondes possibles ? Non, lhistoire continue. Depuisquelque temps nous connaissons la thorie destlologues modernes qui proposent de tout finir.Partant du principe que tout a une fin et que nous nepouvons faire lexprience de linfini, si nous ne

    voulons pas subir notre propre fin il convient dy

    uvrer nous-mmes ds maintenant. Cetteperspective soulve des interrogations et donne du fil retordre : que signifie tout finir pour nous ?Peut-on parvenir tout matriser et si oui,comment procder sans se placer dans une situationde domination et dhgmonie ? Les tlologuesreconnaissent eux-mmes que cest lhumanitentire de discuter ce point et dventuellement dagirdans ce sens. Mais tant donn que, dune part, nousprenons acte de lexistence du dsaccord et que celui-ci est plus un moteur quun frein pour lecommunisme, et tant donn que, dautre part, nousrejetons lide dun point de vue hgmonique, nous

    avons du mal envisager cette fin dlibrmentconstruite par lhumanit entire ou, tout du moins,par la partie qui veut tout finir et qui serait alors

    vainqueur du dbat de lhumanit sur elle-mme. Ilnen reste pas moins que nous ne concevons pas plusune ternit pour le monde, et encore moins pournous mme car nous ne visons pas suspendrelhistoire dans un gel des positions que reprsenteraitun consensus gnralis. Par ailleurs, nous

    convenons sans peine quil faut mieux choisir sa finplutt que de la subir. Nous savons tous que lacatastrophe plantaire est tout moment possible. Cegenre de fin reprsenterait une dfaite totale mmesi elle ne consisterait pas pour autant en une victoirede nos ennemis.Il convient galement de noter que les tlologuesmettent laccent sur les questions fondamentales etsur les rflexions essentielles que nous devonsnourrir : en quoi consiste notre insatisfaction dans cemonde et comment la tarir ? Dans le mme sens,porter son attention sur la fin permet de briser toutconservatisme. Si Proudhon a pu dire un de sescontradicteurs quil rvait dune socit dans laquelleil serait conservateur, nous pensons au contraire quetout conservatisme surtout avec des prtentionshgmoniques - fige les choses et gle les positions.Il y a bien sr cette citation dAnders qui dit quil fauttre conservateur dans un sens compltementnouveau. Mais il sagit ici de conserver intacte notrecapacit et notre dsir de rester libres et de menernotre lutte. Pour le reste, lorsque nous entamons unedmarche, il est ncessaire de la mener jusqu saconclusion, de trancher plutt que de tergiverser,bref, de raliser les choses.Pour lheure, gagner la guerre revient donc affaiblirles dispositifs qui nous sont hostiles. Concrtement, il

    sagit de faire crotre notre force, cest--dire demettre en place les moyens matriels ncessaires afinde pouvoir mener notre lutte sans nous essouffler,sans dpendre de lennemi. Accaparer et construireces moyens, disposer de lieux pour forger cettepuissance en marche, voil ce quil sagit de faire, toutsimplement. Prcisons quoccuper un lieu et lhabiter,le dfendre au besoin, ne revient pas tracer denouvelles frontires. Les frontires sont le propre delEtat. Elles cloisonnent et enferment quand nousautres entendons percer des ouvertures. Ces lieux, ilfaut les voir comme des archipels, des lots, des basesarrires on des postes avancs permettant

    lparpillement de lattaque sur la totalit de lespacedisponible.

    Nous avons tent de mettre cette question en dbatici ou l. Certains dentre-nous lont notammentdiscute sur un forum internet anim par desmilitants anarchistes. Autant dire que nous avonsperdu notre temps, tant aucune des ractionssuscites na permis lavance du questionnement.Cela vaut dailleurs pour cette question particulire dela fin comme pour toute autre question. Et il estvident que la forme forum internet nest pas seuleresponsable de la dliquescence de toute discussion

    digne de ce nom. En vrit, les milieux militants quenous voquions plus hauts sont bien trop imbibsdinformation dominante et soumis leurs rflexes

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    idologique sans mme voquer leur croyancetenace en lconomie pour pouvoir slever lahauteur des rflexions ncessaires au basculement dece monde.

    Un trange droit de rponse

    Parmi les choses capables de lier, la plupart lient les humainsplutt que les btes brutes, et beaucoup lient les esprits vifs

    plutt que les stupides ; car ceux qui ont abondance de facults

    et de pouvoirs envisagent un plus grand nombre de parties, decirconstances et de fins, et sont par consquent anims pardavantage dapptits

    Giordano Bruno, Des liens

    Notre but nest pas de parler en tant que vraiscommunistes (ce qui reviendrait de surcrot dnoncer les faux et donc fabriquer une nouvelleorthodoxie), ni mme de dire : voici ce que nousfaisons ou avons fait. Nous veillons ne pasreproduire ce que nous combattons : ne pas devenirdes idologues de lanti-idologie ou des militants delanti-militantisme. Dans llaboration de noshypothses et de notre thorie, nous nous appuyonssur nos rflexions et sur les diverses expriences quenous connaissons. Nous indiquons des pistes, nousfaisons le lien entre diffrents vnements que nousconsidrons comme autant de contributions unmme phnomne. Mais jamais il ne sagit de signertel acte et den faire la publicit. Personne na intrt mcher le travail de la police, sauf tous ceux qui ontune mentalit de flics, de balances et de contrleurs.Quelques imbciles runis dans une Coordinationanti-nuclaire (cf. larticle Gtisme et agoniedans notrebulletin prcdent) ont cru bon de nous faire parvenirun droit de rponse . Le seul fait duser dunargument de type juridique permet de se faire une

    ide de lordurerie qui anime cette engeance.

    Les militants qui nous crivent remettent sur le tapisleur injonction policire : qui tes-vous ? Qui se cachederrire les initiales FM et AK ? Comme si cela avaitde limportance. Quest-ce que cela change quant lessentiel : le contenu du texte en question ? De cela,aucun mot nest dit. Ils ont t ridiculiss au cours de

    la discussion, leurs pauvres arguments balays dunrevers de main. Aussi, que reste-t-il la dispositiondes cons pour sauver la face ? Le mensonge et lafeinte du mpris. Ces deux moyens uss jusqu lacorde (mais que voulez-vous ? Ces vieux maladesnont pas dimagination) permettent de ne jamaisrpondre aux questions fondamentales qui sontsouleves.

    Les connards qui ont sign ce droit de rponse , etqui signent des prsents de la CCSN lors de larunion Rouen du 28/01/2006, sont prts affirmer nimporte quoi pour dissimuler leurimpuissance penser et agir (quoi que ! Notez quilsont russi le tour de main de runir une vingtaine depersonnes lors de la manifestation nationale contre lenuclaire qui eut lieu Cherbourg lan dernierChapeau bas !) Ainsi, ils nous font passer pour desadmirateurs des FARC colombiennes Quiconqueconnat la teneur de nos prises de positions pourramesurer la grossiret dune telle calomnie. Ajoutonsun malencontreux dficit de laudition qui leur faittransformer les propos rellement tenus. Ainsi, quandlun dentre-nous tente de leur expliquer trssimplement la diffrence entre thique et morale (queces militants dfendent, bien sr) et quil dit queson thique est en tout diffrente de celle qui anime

    un flic, ils entendent instinct au lieu dthique. Cequi leur permet de nous faire passer pour les aptresde lirrationalit quand nous nous contentons deparler de larnaque de la raison lorsque celle-ciprtend tout expliquer et tout rgler. Attaquer lerationalisme et la croyance en la pdagogiemiraculeuse, affirmer que ce qui nous pousse et quece qui est bon dans laction rvolutionnaire a nestpas la construction intellectuelle mais la joie et lapassion, a nest pas tre irrationnel. En vrit, voilencore une illustration de la pense binaire dontsavent faire preuve les milieux militants. Quand ilssont pris la main dans le sac et quils sont ridiculiss

    publiquement, il ne reste que la fuite en semantnimporte quel propos destins alimenter rumeurset rputations. Autant de choses mprisables. Cesgteux ont bien essay de faire signer leurs prosesmerdiques par dautres, lesquels ont prfrsabstenir, soit parce quils ne partagent pas laposition des vieux cons, soit parce quils ont le culentre deux chaises et prfrent rester pitoyablementneutres (cest le cas notamment du groupe de Caen)

    Il a t dit a de nombreuses occasions que le nous dont il est fait usage ici ou l est avant tout le nousdune position, et non pas un nous de groupe

    dlimit. Plutt que de se demander ce que ce nous appelle et suscite comme intrt ou commedsaccords, les militants cherchent dabord

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    lidentifier. Qui et combien sont-ils ? Telle est leurproccupation principale. Question de flics. Nousparlons enthousiasme, sympathie ou partage derflexions et dexpriences, on nous rpond identitet concurrence. On nous taxe de prtentieux auseul motif que nous affirmons notre dsir driger une

    force victorieuse. Ce genre de critique est dailleurscompltement contradictoire avec le fait de nousreprocher de ne pas signer de nos noms. Nousserions prtentieux si nous avions la volont de nousfaire connatre, dtre populaires ou admirer pardautres. Nous sommes simplement des singularitsquelconques qui sassocient et sorganisent, descomplices qui ont lambition de raliser leurs envies etleurs projets. On nous dit galement que nousninventons rien. Non seulement nous ne prtendonspas avoir invent quoi que ce soit (nous parlonsdhritage, dtincelles reprendre et faire vivre, defaire advenir ce qui dans le pass nest pas advenu)mais de surcrot, les dtracteurs de nos positions sontincapables de remplir ce manque quils nous accusentde ne pas combler. Ainsi, quand un connard justifie lacensure de notre texte par la CCSN au motif queselon lui il napporte rien la lutte contre le nuclairenous lui demandons ce que les textes qui ont tpublis ont apport. Cest bien entendu le silence quenous obtenons en rponse puisque chacun peut voirque quelques informations chiffres agrmentes dequelques cris scandaliss nont jamais mis en prillindustrie nuclaire ni quoi que ce soit dautres. Cequi est dit dans le bulletin de la CCSN est rabchdepuis des dcennies par toute la mouvance colo-citoyenne ou par le triste et pitoyable Monde Libertaire.

    La belle affaire !

    Dans la mme veine la calomnie et la censure enmoins Alain-Claude Galti a rpondu la critiqueque nous faisions de son texte dans notre numro 18. L'interprtation, la rduction et le dtournement que vous

    faites de mon propos sont sidrants. Au moins auriez-vous pume contacter pour en discuter avant de produire de tellesdformations! J'avais, moi, tent de prendre contact avec vous il

    y a au moins un an.Pas de rponse. Cela dit tout. Tel est

    le message laiss sur un forum internet. Bien sr, il estfacile pour quiconque de signer dun nom sur unforum internet. Nanmoins, nous pensons quil sagitbien de Galti. Et si cela nest pas le cas, quil nous lefasse savoir. En tout cas, rien nest dit : nous avonsmis une critique qui ne se voulait pas guguerre ou

    chipotage. Dommage que cela ne suscite quuneraction fuyante. Dautres, adeptes des ides de ladcroissance (pas celle prne par les citoyenspublicistes runis autour de la trs mdiocre revue LaDcroissance) ont au contraire tmoign un intrt pournos propos qui permettra sans doute de creuser lesrflexions et de tisser des liens

    Finalement, que ce soit avec la CCSN ou avecdautres, nous navons jamais cherch qu jauger lespossibilits qui soffrent nous pour mener notrebarque. Et trop souvent, nous avons d constater quece que daucun appelle amiti savre ntre que du

    verbiage sans consquence. Toutes les promessesdactions communes, de confrontations tangibles etde partages concrets restent lettres mortes sitt quilsagit de prendre la moindre dcision, le moindreengagement et donc, le moindre risque et dassumertoutes les consquences impliques par lesprtentions affiches. Le militant ne vise quunechose : la retraite douillette. Parler lui passion ouaventure et il sera pris de tremblements.Mesquineries, rumeurs, rputations et tiquetagessuffisent meubler le vide dune existence voue aurenoncement. Et quand vraiment on ne peut pas faireautrement, lusage de lordurerie sera de mise :provocation et censure en sont des chantillons de

    choix.

    Dornavant, nous rpondrons de manire approprie la provocation. Quant tout larsenal dploy pourtenter de salir notre dmarche, nous nen avons cure.Cela occupe bien les cafards tandis que nous sommestourns vers des activits bien plus intressantes.Nous sommes certes anonymes mais cela ne nous ajamais empch de rencontrer nos amis et tous ceuxqui prouvent de la sympathie pour nous.

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    Linsurrection qui vientpar le Comit invisibleditions La Fabrique

    Chaque secteur spcialis de la connaissance fait sa manire le constat dun dsastre. Les

    psychologues attestent dinquitants phnomnes de dissolution de la personnalit, dune

    gnralisation de la dpression qui se double, par points, de passages lacte fou. Les

    sociologues nous disent la crise de tous les rapports sociaux, limplosion-recomposition des

    familles et de tous les liens traditionnels, la diffusion dune vague de cynisme de masse ; telpoint que lon trouve dornavant des sociologues pour mettre en doute lexistence mme

    dune quelconque socit . Il y a une branche de la science conomique - l conomie non

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    autistique - qui sattache montrer la nullit de tous les axiomes de la prtendue science

    conomique . Et il est inutile de renvoyer aux donnes recueillies par lcologie pour dresser

    le constat de la catastrophe naturelle.

    Apprhend ainsi, par spcialit, le dsastre se mue en autant de problmes susceptibles

    dune solution ou, dfaut, dune gestion . Et le monde peut continuer sa tranquillecourse au gouffre.

    Le Comit invisible croit au contraire que tous les remous qui agitent la surface du prsent

    manent dun craquement tectonique dans les couches les plus profondes de la civilisation. Ce

    nest pas une socit qui est en crise, cest une figure du monde qui passe. Les accents de

    fascisme dsespr qui empuantissent lpoque, lincendie national de novembre 2005, la rare

    dtermination du mouvement contre le CPE, tout cela est tmoin dune extrme tension dans

    la situation. Tension dont la formule est la suivante : nous percevons intuitivement ltendue

    de la catastrophe, mais nous manquons de tout moyen pour lui faire face. Linsurrection qui

    vient tche darracher chaque spcialit le contenu de vrit quelle retient, en procdant par

    cercles. Il y a sept cercles, bien entendu, qui vont slargissant. Le soi, les rapports sociaux, letravail, lconomie, lurbain, lenvironnement, et la civilisation, enfin. Arracher de tels

    contenus de vrit, cela veut dire le plus souvent : renverser les vidences de lpoque. Au

    terme de ces sept cercles, il apparat que, dans chacun de ces domaines, la police est la seule

    issue au sein de lordre existant. Et lenjeu des prochaines prsidentielles se ramne la

    question de savoir qui aura le privilge dexercer la terreur ; tant politique et police sont

    dsormais synonymes.

    Linsurrection qui vient nous sort de trente ans o lon naura cess de rabcher que lon ne

    peut pas savoir de quoi la rvolution sera faite, on ne peut rien prvoir . De la mme faon

    que Blanqui a pu livrer les plans de ce quest une barricade efficace avant la Commune, nous

    pouvons dterminer quelles voies sont praticables hors de lenfer existant, et lesquelles ne le

    sont pas. Une certaine attention aux aspects techniques du cheminement insurrectionnel nest

    donc pas absente de cette partie. Tout ce que lon peut en dire ici, cest quelle tourne autour

    de lappropriation locale du pouvoir par le peuple, du blocage physique de lconomie et de

    lanantissement des forces de police.

    PARIS EN COLERE.LES BARRICADES SE SONT DRESSEES. DERRIERE LES PAVES,LES INSURGES ATTENDENT L'ENNEMI AVEC UN ARMEMENT REDUIT.

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    Rditions de textes de Tiqqun

    Ceci nest pas un programme

    O lon se souvient que la lutte contre le terrorisme nest pas un artifice de la gopolitique rcente, mais

    lacte constituant de toute souverainet depuis bien soixante ans,O lon sexplique comment une civilisation aveugle peut se trouver en butte un ennemi invisible,

    O lon lucide le sens du tag 77 plutt que 68 laiss devant la Sorbonne par le reflux dune meute contre le

    CPE,

    O lon comprend enfin pourquoi lhritage du mouvement ouvrier est partout devenu si vnneux,

    O lon sort du placard le cadavre que les disciples de Toni Negri ont dans la bouche,O lon montre comment les stratgies autonomes sont seules mme de pulvriser lempire et comment une

    machine de guerre peut ne pas dgnrer en arme ou, symtriquement, en ghetto,

    O lon tablit pourquoi, lheure de la domination du visible, notre parti est rput imaginaire,

    O lon se rappelle que la victoire est possible,

    probable,ncessaire,

    Et guerre au travail !

    Introduction la guerre civile

    Ce nest pas une socit qui est en crise, cest une civilisation qui est son terme, et peut-tre mme au-del. Lafaon dont tout devient siproblmatique, dans cette poque, dit seulement quel point les vidences qui la

    soutenaient se sont volatilises. La politique fut une de ces vidences, une invention grecque qui se condensait en

    une quation : tenir une position, cest prendre parti, et prendre parti, cest dclencher la guerre civile. Guerre

    civile, position, parti, ctait un seul mot en grec, stasis. Et la politique, ctait lart de conjurer la stasis.

    En fouillant les ruines de la civilisation, nous avons dcouvert ceci : la guerre civile nest pas ce qui menace, ce

    qui se dclenche, ce dont on entend au loin approcher la rumeur.La guerre civile est ce qui est l, sous nos yeux,

    de toute ternit. Il ny a pas lordre et le dsordre. Il y a depuis toujours une pluralit dordres, en lutte plus ou

    moins rgle. Mais ce quil y a surtout, cest un cran de concepts mort-ns dresss la seule fin de masquer

    cette lutte. Nous leur rglons ici leur compte.

    Introduction la guerre civile, comprenez : introduction un autre rgime de la perception, une autre

    profondeur de la ralit.

    Premiers matriaux pour une thorie de la jeune-fille

    Les concepts faits pour la guerre se passent bien de lunanimit. Il est dans lordre des quon leur reproche

    laspect infamant des ralits quils font voir. Ceux qui ont russi saveugler sur le fait pourtant massif de la

    Jeune-Fille nen sont pas une ccit prs.

    Cest la Jeune-Fille elle-mme qui est le produit de la misogynie, non sa thorie. Ouvrez nimporte quel journal

    fminin, vous verrez bien. La Jeune-Fille nest pas toujours jeune et de moins en moins fille, elle nest que lafigure de lintgration totale une totalit sociale en dsintgration.

    Quand le crtin proteste contre lvidence que le monde nest pas une marchandise et que, dailleurs lui non

    plus, il feint une virginit qui ne justifie que son impuissance.

    Nous ne voulons ni de cette virginit ni de cette impuissance.

    Nous proposons une autre ducation sentimentale.

    Disponibles en librairie ou par correspondance :

    VLCP70 rue du Renard76000 Rouen

    Tlphone / Fax : 02 35 71 17 08 - [email protected]

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    On nous parle dune socit en crise, mais cest une civilisation qui en est son terme, et peut-tre mme au-del. LaFrance fut unepicede cette civilisation. Et tant quil y avait la France, il y avait le Livre, ctait une vidence. Tout,au monde, existe pour aboutir un livre y avait-on un jour crit. Et lon ne songeait pas alors respecter le livreou valoriser la lecture, tant ils allaient de soi. La constitution de ce pays dessch, cela mme ctait un texte.

    Aprs tant dautres et peut-tre lui en dernier, le petit monde intemporel du livre tombe dans le temps. Les managers

    dbarquent. Le marketing parade. La marchandise stale. Cest le temps des coups, et cest lempire du vide. Jamais onaura publi tant duvres de tant dauteurs dont il fut plus malais de masquer linsignifiance. Le baroque de cetemps, cet apoge de profusion et de confusion, impose qui trouva un jour dans quelque livre un peu de lui-mmeune discipline mesure. Nous najouterons pas une maison ddition leur nombre dj excdentaire, nousassurerons sans signe distinctif limpression, la distribution et la diffusion dcrits frres, dun ensemble de textesmanant du mme point de lesprit, point dont la mention Tiqqun pourrait indiquer, entre mille autres, lalocalisation. Au travers de ces livres, il sagira de tenir une position, et de ltendre. Toute position est une mise enordre, une topographie spirituelle, une intelligence politique de lpoque : une prise de parti.

    Et une claircie dans la confusion gnrale.

    Paris, mars 2006

    O trouver A trop courber lchine ?

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    Vous pouvez envoyer des timbres, des enveloppes, des sous (chques lordre de STAne pas faire apparatre lamention trop courber lchine Rouen CCP 6 591 39 J) mais aussi vos ides, vos tracts, journaux, dessins etautres. Echange de publication bienvenu. Si vous connaissez des lieux ou des librairies dans lesquels ce bulletin peuttre dpos, faites-le nous savoir.

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