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Abdication du Tsar Nicolas II LES THEMES DE LA FAMILLE IMPERIALE Nous commencerons par un bref survol des thèmes du couple impérial et du tsarévitch, non pas sous un angle psychologique, mais afin de dégager les conditions dans lesquelles se sont accomplies leur destinée : des fastes de l’Empire et de ses palais somptueux aux affres de la détention et d’un odieux massacre par les bolcheviks dans les caves de la villa Ipatiev d’Ekaterinbourg, jusqu’à une nouvelle gloire – immuable - celle de la canonisation par l’Église orthodoxe en l’an 2000 par le Patriarcat de Moscou 1 . 1 L’Église russe hors-frontières avait déjà procédé à une canonisation de la famille impériale en 1981.

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Abdication du Tsar Nicolas II

LES THEMES DE LA FAMILLE IMPERIALE

Nous commencerons par un bref survol des thèmes du couple impérial et du tsarévitch, non pas

sous un angle psychologique, mais afin de dégager les conditions dans lesquelles se sont accomplies leur destinée : des fastes de l’Empire et de ses palais somptueux aux affres de la détention et d’un odieux massacre par les bolcheviks dans les caves de la villa Ipatiev d’Ekaterinbourg, jusqu’à une nouvelle gloire – immuable - celle de la canonisation par l’Église orthodoxe en l’an 2000 par le Patriarcat de Moscou1.

1 L’Église russe hors-frontières avait déjà procédé à une canonisation de la famille impériale en 1981.

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Le Tsar Nicolas II est né à Saint-Pétersbourg le 18 mai 1868 avec un Soleil au MC, mais conjoint

à Pluton et en opposition à Saturne au Fond du Ciel. Nous adoptons comme heure de naissance celle qui a été indiquée par la fille aînée du Tsar, Olga Nicolaïevna, à l’astrologue allemande Elsbeth Ebertin (1880-1944), mère de Reinhold, laquelle fut un temps l’astrologue personnelle du roi de Bulgarie et qui avait de bons contacts avec la famille impériale de Russie. Cette heure de naissance – 12h02 – avait été retrouvée dans la bible de famille et fut consignée dans le livre d’Elsbeth Ebertin, Die Bedeutung der Fixsterne.

L’axe Soleil/MC est relié à trois mi-points : Point Vernal/Apollon, qui correspond à une expansion, un élargissement – indiquant sans doute ici l’accession au trône de Russie. L’axe Uranus/Neptune, qui correspond à une alternance entre tension et détente – ce qui fut le cas de ce règne pour lequel Alexandre Soljénitsyne a observé la répétition de deux phases de onze ans chacune, menant d’une prospérité à un désastre (de 1894, avènement à la mort du Tsar Alexandre III jusqu’à 1905, première révolution ; puis de 1906 à 1917). Cet axe Uranus/Neptune est également, selon le Regelwerk d’Alfred Witte, significateur de révolution et il indique aussi le fait d’être soudainement maîtrisé et arrêté, ce qui arriva au Tsar une semaine après le début de l’insurrection de Petrograd en février 1917 (a.s.). Enfin l’axe Zeus/Vulcanus évoque une grande guerre et une contrainte du fait des circonstances extérieures.

En Harmonique 16 (aspects de 22°30 et multiples), Hadès et Poséidon sont tous deux reliés au Soleil et au Milieu du Ciel. L’axe MC/Hadès se rapporte au secret et au renoncement ; MC/Poséidon correspond à l’étincelle divine dans l’homme : avec la proximité de la Lune noire (0° Verseau), qui ajoute une note de fatalité, cette figure pourrait évoquer l’état d’esprit du Tsar au moment de l’abdication. Saturne en M. IV, proche du Fond du Ciel, est ici la signature de la fin de la dynastie, tandis que Neptune en M. VIII signe une mort mystérieuse.

Nicolas II18 mai 1868 – 12h02Saint-Pétersbourg

Nicolas II

SO-MC-NN-VE-UR-NE-PO PV/AP – UR/NE – ZE/VU

SO/MC – 58°23

58 – 13-58 / 36-81

H16 : HA - ZE

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Dans le thème de l’impératrice Alexandra Fiodorovna, née princesse Alix de Hesse-Darmstadt, le

Milieu du Ciel est relié à la conjonction Jupiter-Uranus à 29° Cancer – sur une zone qui sera au cœur des astralités au moment de la révolution de 1917. L’axe Jupiter/Uranus est par lui-même une signature de chance et de prospérité soudaine, ainsi que de réussite matérielle. Avec un Jupiter mal configuré, il y a néanmoins risque de malchance, de malheur soudain – ce qui pourrait être le cas avec le carré de Jupiter-Uranus à Neptune en Bélier ainsi qu’à l’axe Zeus/Admète à 29° Bélier, indicateur du tragique. Cependant, à 29° Cancer, c’est une triple conjonction Jupiter-Uranus-Apollon – qui se retrouvera en juillet 1969 à 0° Balance lors des premiers pas de l’homme sur la Lune. Jupiter/Apollon signifie chance, bonheur et prospérité, réussite, succès et honneurs, tandis qu’Uranus/Apollon met l’accent sur une expérience soudaine, sur une expansion brutale, qui s’opère dans un climat de forte tension. Le Milieu du Ciel se situe au mi-point Saturne/Hadès, qui désigne un être affligé par des événements terribles auxquels il se résigne, et qui est en outre enclin à la mélancolie.

Alexandra Fiodorovna6 juin 1872 – 3h15

Darmstadt

Impératrice Alexandra Fiodorovna

SO-LU-MA-JU-UR-NN-MC-AP // ZE-AD

JU-UR – 29°

59 – 14-59 / 37-82

H16 : PLEclipse solaire à 3h20 TU(40m après la naissance)

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Le thème du tsarévitch Alexis Nicolaïevitch est marqué par une opposition Soleil-Saturne relayée

par l’axe Mars/Hadès (20° Taureau). La conjonction Soleil-Apollon promet la réussite, la gloire et les honneurs, mais le lien avec Hadès (en H16) indique que cette réussite sera refusée ou contrecarrée. L’axe Mars/Hadès se rapporte ici à un acte ignoble, l’assassinat à l’âge de 14 ans, au milieu de sa famille, sur ordre de Lénine.

Tsarévith Alexis12 août 1904 – 13h15

Peterhof

Tsarévitch Alexis

SO-SA-NE-AP // MA/HA

SO – 49°17

49 –4-49 / 27-72

H16 : MA-HA

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Ce numéro 8 de la RAM-Histoire est constitué d’un triptyque, dont le thème central est la fin de la dynastie des Romanov, qui a régné sur la Russie de 1613 à 1917. Cette chute spectaculaire et inattendue de tous – des monarchistes comme des révolutionnaires – s’est produite au moment de la révolution de Février à Petrograd. Cet événement historique a pour prologue l’assassinat de Grigory Raspoutine, le 30 décembre 19162 et pour première conséquence l’abdication du Tsar Nicolas II le 15 mars 1917, soit dix semaines seulement après la mort de Raspoutine. Pour Alexandre Soljénitsyne, le meurtre de Raspoutine s’est trouvé être non le geste qui protège la monarchie, mais le premier coup de fusil de la révolution.

Bien plus que la force d’un mouvement révolutionnaire visant à l’établissement d’un ordre

nouveau, la chute de la dynastie est le produit d’une déliquescence des sentiments monarchistes en Russie, dont les causes seront exposées dans notre conclusion. C’est dans un climat délétère d’hostilité de la société civile – de « l’intelligentsia » progressiste – envers le pouvoir que l’édifice de la monarchie, vermoulu, va s’effondrer dès le premier choc sérieux – après, il est vrai, l’ébranlement précédent constitué par la révolution de 1905. Le sort du Tsar sera finalement suspendu à la volonté de tous les généraux les plus éminents, dont le général Alexéïev - chef d’état-major de la Stavka (Grand Quatrier Général) à partir d’août 1915 – sera le porte-parole naturel auprès du souverain. Aux yeux de Soljénitsyne, cet accord unanime du haut commandement de l’Armée ne saurait s’expliquer par une commune bêtise ou par une commune veulerie, ni par un penchant inné à la félonie ou par une trahison concertée. Mais c’est le résultat de l’emprise générale sur les milieux instruits du pays, d’un puissant camp libéral-radical (voire socialiste). Comme en témoigne déjà, une quarantaine d’années auparavant, le Journal d’un écrivain de Dostoïevski, cet esprit dominait alors presque totalement l’intelligentsia. Dans la confrontation séculaire entre le radicalisme et l’étatisme, ce dernier apparaissait de plus en plus perdant, non tant du fait de son adversaire que de la conviction que celui-ci allait triompher. En ces journées de mars, c’est l’idéologie de l’intelligentsia qui a triomphé, contaminant même des généraux qui ont concouru à l’ébranlement du trône. Le sentiment national avait été rejeté par l’intelligentsia et négligé au sommet, comme si tous se trouvaient sous hypnose. De sorte que, durant les jours tempêtueux, toute l’administration impériale, toute la couche supérieure de l’aristocratie se sont rendues comme des lapins : le malheureux souverain est resté absolument seul, trahi par les monarchistes.

De cet état d’esprit déliquiescent rend bien compte un épisode de la Roue rouge de Soljénitsyne, dans le deuxième « Nœud » qui est consacré à novembre 1916. Le héros qui, dans cette immense épopée romanesque, rappelle un peu la figure du prince André dans Guerre et Paix de Tolstoï, le colonel Vorotyntsev, est en permission dans la capitale où il a l’occasion de converser avec une dame, Olda Andozerskaïa, professeur d’histoire à l’Université et fervente monarchiste qui tient tête dans une soirée pétersbourgeoise à une cohorte de libéraux. Olda a cru d’abord trouver dans le colonel Vorotyntsev un allié, mais elle lui reproche d’avoir bien vite reculé :

- Mais je… Je ne suis pas contre la monarchie en tant que telle. C’est seulement ce tsar que… Il m’offusque. - C’est bien ce que je disais, tu as attrapé le microbe ! (…) Tu es contaminé, tu es contaminé ! répétait-elle, hochant la tête presque avec désespoir. – Alors, se sentant trop faible pour ce pays, ne doit-il pas… ? Il a bien, face au pays, un devoir suprême ? Qui peut même aller jusqu’à… renoncer ? Olga en fut comme saisie de chagrin : - O-o-oh ! alors c’est que tu n’es vraiment pas monarchiste. Un père ne peut renoncer à sa famille, quand même il aurait conscience d’être un mauvais père. Il est lié par la dignité de son rang, par son pouvoir, par la dépendance des autres. Toi, à force de vouloir moderniser l’armée, tu t’es laissé contaminer par le progressisme.3

2 Nous donnons ici toutes les dates selon le calendrier grégorien, qui sera adopté en Russie en 1918, après la révolution bolchevique : le 31 janvier 1918 est suivi du 14 février 1918, soit un écart de 13 jours durant tout le XXe et le XXIe siècles. Ainsi, l’abdication de Nicolas II eut lieu le 2 mars 1917 (a.s., ancien style), soit le 15 mars (n.s., nouveau style). Le calendrier julien demeure celui de l’Église orthodoxe en Russie, qui fête ainsi la Nativité le 7 janvier et non le 25 décembre (selon le calendrier grégorien). 3 SOLJENITSYNE Alexandre, La Roue rouge, Novembre seize, Fayard/Seuil, 1985, p. 404 et 407.

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PROLOGUE : L’ASCENSION DE RASPOUTINE C’est une étrange fatalité qui a conduit un simple moujik sibérien, une sorte de fol en Christ

mâtiné de chaman, matois et doué de dons hypnotiques et de guérisseur, jusqu’à l’intimité de la famille impériale et à une célébrité ambiguë dans les milieux aristocratiques de la Cour et de la capitale. Soljénitsyne assure que les pires ennemis de la monarchie russe n’auraient jamais pu imaginer, pour l’abattre, un chancre aussi patent que la personnalité de Raspoutine : un vrai paysan russe qui déshonore une vraie monarchie orthodoxe, et, qui plus est, sous couvert de sainteté !

Dès son enfance, Grigory Raspoutine a manifesté des dons de guérisseur et de voyant. Il est sujet à des crises mystiques et à des apparitions mariales, à la suite de la vision d’un ange lumineux apparu dans la campagne. Sans qu’aucune source ecclésiastique n’atteste son appartenance à un quelconque ordre religieux, il entre en contact avec les multiples sectes qui fleurissent sur le terreau de la religion orthodoxe. Il est notamment chargé d'accompagner un jeune moine au monastère de Verkhotourié, où il séjourne trois mois. Ce cloître est en réalité tenu par la secte des khlysti qui mêlent, par la danse, la flagellation (d'où leur nom de « flagellants ») et l'extase, l'érotisme et la religion, ce qui lui convient parfaitement.

Vladimir Volkoff le présente comme un être vagabond, comme une âme en peine, divagant par les steppes infinies de Russie :

Un peu chaman, un peu starets, peut-être un peu voleur de chevaux, il ne figurait rien d’extraordinaire dans la patrie des fols en Christ mais, au contraire, ce que la Russie élémentaire a de plus fondamental, de plus désarmé. Il avait erré de sanctuaire russe en sanctuaire russe, puis, par la poussière des routes, il avait traîné ses souliers en écorce de bouleau jusqu’au Mont Athos, et enfin jusqu’en Terre Sainte.4

C’est par la princesse Militza de Monténégro, épouse du grand-duc Pierre Nicolaïevitch de

Russie, cousin d’Alexandre III, que Raspoutine va être introduit dans les salons de Saint-Pétersbourg. La princesse, qui avait reçu une solide éducation à l’Institut Smolny, connaissait fort bien l’histoire de l’orthodoxie, mais portait également un vif intérêt aux sciences occultes. C’est elle qui introduisit auprès du couple impérial, lors d’un voyage en France en 1901, le guérisseur maître Philippe de Lyon. Et c’est dans le salon de Militza qu’eut lieu la rencontre de Raspoutine avec l’amie et la confidente de la tsarine, Anna Vyroubova, qui présenta plus tard le starets à la famille impériale.

C’est à Kiev que la grande-duchesse Militza avait rencontré Raspoutine. Celui-ci, sur la route de Saint-Pétersbourg, assista en 1903, à la canonisation du starets Séraphin de Sarov. Devant l’assistance réunie, Raspoutine entre en transe et prédit la naissance d'un héritier mâle au trône impérial. Le tsarévitch Alexis naquit en effet le 12 août 1904, mais le drame de la famille fut que l’héritier du trône était atteint d’hémophilie. Arrivé au printemps 1904 à Pétersbourg, Raspoutine demande l'hospitalité à l'évêque Théophane, inspecteur de l'Académie de théologie de la capitale, qui l'aide par des lettres de recommandation. Son but est de rencontrer Nicolas II, trop occidentalisé à ses yeux, pour l'initier à la véritable âme russe. Il est présenté à l'archevêque Théophane de Poltava, confesseur de la tsarine Alexandra Fiodorovna, au père Jean de Cronstadt et à l'évêque Hermogène de Saratov. Tous furent stupéfaits de la ferveur religieuse de Raspoutine et de son talent de prédicateur. Ils le bénissent, le considèrent comme un starets, voire comme un « envoyé de Dieu ». Cependant, Raspoutine retourne dans son village sibérien et ne revient à Pétersbourg qu’en 1905.

Les mondains de Saint-Pétersbourg ne tardent pas à s’enticher de ce moujik qui les fascine :

C’était l’époque où les Pétersbourgeois faisaient tourner les tables, consultaient les voyantes, cherchaient des signes dans le ciel. Ce paysan, qui n’avait que l’Evangile à la bouche et possédait des pouvoirs dépassant l’imagination, était une aubaine autant pour les superstitieux que pour les sarcastiques. C’était si cocasse d’emmener ce cul-terreux illuminé dîner à L’Ours, applaudir le french-cancan à L’Aquarium, et souper ensuite chez les tziganes, à Novaïa Dérevnia où ni les lois de Dieu ni les usages des hommes n’avaient cours, où on plongeait jusqu’au tréfonds de ce paganisme qui, après mille ans de baptême, affleure encore à la surface de l’âme russe !5

4 VOLKOFF Vladimir et Jacqueline DAUXOIS, Alexandra, Albin Michel, 1994, p. 34. 5 Ibid., p. 35.

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Ce beau monde frissonne également devant l’étrange doctrine du starets, sans doute le fruit de ses contacts avec la secte des khlysti :

Il expliquait, en utilisant beaucoup de citations en slavon, que l’on ne peut être sauvé que par la grâce, qu’on n’obtient la grâce que par le repentir et qu’on ne se repent que si l’on a péché, qu’il ne faut donc pas craindre de pécher pourvu qu’on ne fasse pas de mal à ses frères. Les dix commandements n’étaient là qu’à titre indicatif ; ils avaient été rendus caducs par le commandement d’amour apporté par Jésus-Christ… Les dames étaient partagées entre la vénération qu’elles vouaient au saint homme et les scrupules que leur inspirait une doctrine aussi relâchée.6

A ses débuts, l’influence politique réelle du moujik était nulle. Mais on s’était tellement entiché

de lui qu’on lui prêtait un rôle de conseiller auquel il ne prétendait pas. On lui apportait de l’argent, qu’aussitôt il distribuait aux pauvres, et on le disait vénal.

La tsarine, longtemps inquiète de ne pas donner d'héritier mâle à la couronne, avait pris l'habitude d'attirer autour d'elle de nombreux mystiques et guérisseurs, comme Maître Philippe ou Papus. Elle est séduite par Raspoutine, d'autant plus que Maître Philippe qui lui avait annoncé quelques années auparavant la naissance de son fils Alexis, lui avait également annoncé la venue d'un grand prédicateur qu'il avait nommé « Notre Ami ». Par l'entremise de la grande-duchesse Militza et de sa sœur, la grande-duchesse Anastasia, le « starets » est présenté à la famille impériale dans le palais Alexandre, le 1er novembre 1905. Le tsarévitch Alexis souffrant d'hémophilie, Raspoutine demande à être conduit au chevet du jeune malade alité à la suite d'une chute, qui a provoqué un énorme hématome au genou. Il lui impose les mains, lui raconte plusieurs contes sibériens et parvient ainsi, semble-t-il, à enrayer la crise et à le soulager au bout de quelques jours.

Sa réputation permet à Raspoutine de se rendre indispensable ; il prend très vite un ascendant considérable sur le couple impérial. Invité à de nombreuses réceptions mondaines, il fait la connaissance de nombreuses femmes riches. Raspoutine inquiète et fascine : son regard perçant est difficile à soutenir pour ses admiratrices, beaucoup cèdent à son charme hypnotique et le prennent pour amant et guérisseur. Il faudra attendre l’année 1908 pour que le starets revienne prendre possession de la famille impériale, définitivement. Sa protectrice ne sera plus alors Militza, mais Anna Vyroubova. Grâce au journal tenu quotidiennement par Nicolas II, on connaît la date et l’heure de la première réception de Raspoutine au palais de Tsarskoïé Selo, le 13 octobre 1906 : « A six heures et quart, Grigori est venu chez nous ; il a apporté une icône de saint Simeon de Verkhotourié7, a vu les enfants et a causé avec nous jusqu’à sept heures et quart ». Après l’exécution de la famille impériale à Ekaterinbourg, on retrouvera dans la maison Ipatiev une icône de saint Siméon, celle-là même qu’avait offerte Raspoutine au tsar le 13 octobre 1906.

6 Ibid., p. 38. 7 Un moine et pèlerin errant du XVIIe siècle.

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Une première rencontre entre Raspoutine et le Tsar a lieu le 1er novembre 1905, mais en dehors

du Palais de Tsarskoïé Selo, résidence de la famille impériale. Neptune/Pluton sur l’axe Cardinal (0° Cancer), en opposition d’Uranus transité par la Lune fait sans doute référence au développement révolutionnaire alors en cours durant cette année terrible où la révolution prit le relais de la défaite de la Russie face au Japon. En outre, l’axe Neptune/Pluton est indicateur de clandestinité, de dissimulation.

L’accès de Raspoutine au Palais de Tsarskoïé Selo, le 13 octobre 1906, marque le début d’une nouvelle étape, celui dans l’intimité croissante dans laquelle il va se trouver par rapport à la famille impériale. On note, avec l’axe HA/AD, une touche de froideur, voire d’aversion ou de répulsion – peut-être la première réaction du Tsar face au moujik venu de Sibérie. L’axe Point Vernal/Saturne indique des séparations. L’axe Mars/Poséidon correspond au système de valeurs, aux questions concernant le bien et le mal – questions sur lesquelles le « starets » professait d’étranges doctrines. Néanmoins, ce fut sans doute l’axe Jupiter/Vulcanus (20° Gémeaux) qui semble l’avoir emporté, axe significateur d’optimisme et de chance considérable, de force puissante, de prospérité, de lien avec le pouvoir de l’argent ou des finances. Relié à Mercure, cet axe signale des pensées confiantes, des conversations positives, de grands souhaits et espoirs – avant tout, l’espoir qu’eut alors le couple impérial de voir guérir le tsarévitch qui souffrait d’hémophilie.

Raspoutine devient dès lors un familier de Tsarskoie Selo : il est chargé de veiller sur la santé de

la famille impériale, ce qui lui donne des entrées permanentes au Palais. Il est reçu officiellement à la Cour. Cependant, malgré la pleine confiance du tsar, il se rend vite très impopulaire auprès de la Cour et du peuple, il est rapidement considéré comme leur « mauvais ange ». Il est ainsi tout à la fois aimé, détesté et redouté.

Raspoutine à Tsarskoïé Selo

79 – 11-56 / 34-79

Raspoutine à Tsarskoïé Selo13 oct. 1906 – 18h15 MA/PO –79°24

ME-MA-PO // PV/SA - JU/VU – HA/AD

1er nov. 1905

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Après son mariage, l’amie de la tsarine, Anna Vyroubova, réside dans une petite maison située non loin du Palais à Tsarskoïé Selo. Le couple impérial, lassé des rigueurs tâtillonnes du protocole et des coteries de la Cour, aime venir le soir dans cette maison où l’accueil est tout de simplicité. Lorsque la présence de Raspoutine au Palais deviendra encombrante, c’est dans cette maison d’Anna que les souverains viendront le retrouver. Plus tard, quand en août 1915 Nicolas II partira à Moguilev en Biélorussie prendre le commandement suprême des armées, cette maison deviendra le siège d’un cabinet fantôme qui dirigera le pays. Ici seront prises les décisions, en particulier les nominations de ministres, qui engageront l’avenir du régime et de la dynastie. Vénérant Raspoutine comme un saint, Anna le soutiendra par tous les moyens en son pouvoir. Elle ne se contentera pas du rôle de protectrice. Elle se fera un instrument docile entre ses mains, accomplissant aveuglément toutes ses volontés. Certes Anna sait qu’il se laisse aller à des soirées de débauche auxquelles elle se garde bien de prendre part. Mais pour elle il est un homme de Dieu, envoyé sur terre pour sauver la dynastie et la Russie. Si elle ne l’avait pas promu, soutenu et défendu avec détermination et ténacité, Raspoutine n’aurait pas existé à la Cour de Tsarskoïé Selo. Là se situe la responsabilité d’Anna Vyroubova devant l’histoire8.

Les liens de la famille impériale avec le scandaleux starets suscitaient, bien entendu, toutes sortes de rumeurs et de calomnies :

La rumeur plaisait aux oncles et cousins du Tsar, qui n’aimaient pas leur auguste parent et se réjouissaient de le voir ridiculisé. Elle plaisait à la haute aristocratie, toujours avide de scandales. Elle plaisait à l’intelligentsia frondeuse et destructrice, qui n’osait pas s’attaquer au monarque directement, mais était ravie de tirer la queue du lion à travers les barreaux de la cage. Les révolutionnaires, bien sûr, se réjouissaient de tout ce qui affaiblissait le régime. Les propos calomnieux se répandaient en Europe et aux États-Unis.9

Au printemps 1909, le général Vladimir Soukhomlinov est nommé ministre de la Guerre. Il a

pour ennemi Alexis Goutchkov, un adversaire résolu de l’autocratie et de tous ceux qui la servent. Egalement le grand-duc Nicolas Nicolaïevitch, qui a tenté, en vain, de s’opposer à sa nomination au poste de ministre. Après la défaite des troupes du général Samsonov dans les marécages de Mazurie, à la fin du mois d’août 1914, on recherche des responsables. Pour le grand-duc Nicolas, nommé par le tsar commandant en chef des armées, il n’y a pas de doute : par son incurie, Soukhmlinov a désorganisé le ravitaillement des troupes. L’atmosphère de suspicion s’épaissit à Saint-Pétersbourg. On voit des espions partout. Le 18 février 1915, on arrête un ancien colonel de gendarmerie, accusé d’espionnage et pendu à l’issu d’un procès d’un seul jour. Le grand-duc Nicolas sait qu’il est lié avec le ministre de la Guerre et que Soukhomlinov l’a recommandé au service du contre-espionnage. Le ministre est arrêté et jugé pour espionnage. Ce qu’apprécie mal le grand-duc, c’est l’ampleur que va prendre cette affaire. Des rumeurs persistantes affirment que Soukhomlinov est un bouc émissaire et qu’en réalité la trahison vient d’en haut. D’affabulations en calomnies, on en vient à dire que la tsarine se livre à des activités d’espionnage au profit de l’Allemagne. L’impératrice ne pardonnera pas au grand-duc d’avoir fait arrêter le ministre de la Guerre. Sur son insistance, le tsar le démettra de ses fonctions en août 1915 et lui succèdera au commandement suprême des armées.

Il faut reconnaître que les bons serviteurs du tsar, ceux qui défendent le trône et la dynastie avec courage et intelligence sont bien mal récompensés. En 1911, le pays a connu une perte irréparable en la personne du ministre Stolypine, dont les réformes, si elles avaient pu être menées à leur terme, auraient pu éviter à la Russie les affres d’une révolution. A la fin du mois d’août, la famille impériale se rend à Kiev pour assister à l’inauguration du monument élevé à la mémoire du tsar libérateur Alexandre II. A la demande d’Anna Vyroubova, Raspoutine, déjà arrivé à Kiev et installé chez un ami, est au premier rang de la foule lorsque la voiture impériale emprunte l’allée centrale, la rue Alexandre. Puis passe devant lui la calèche du premier ministre, Stolypine. Pris d’un tremblement nerveux, Raspoutine se penche sur son voisin et dit : « La mort est sur lui, la mort le suit ». Le 1er septembre a lieu au théâtre de Kiev une représentation de gala. Au programme, un opéra célèbre, La vie pour le Tsar. A l’entracte, le tsar, accompagné de ses filles Olga et Tatiana, rejoint quelques dignitaires au salon où un thé est servi. Stolypine se tient debout près de l’orchestre et bavarde avec le docteur Botkine quand un jeune homme, vêtu du même habit que les invités de l’empereur, se dirige sur lui, dégaine un revolver et lui tire deux coups en pleine poitrine. Stolypine à terre, couvert de sang, lève la

8 Anna Vyroubova est morte en exil à Helsinki, dans la pauvreté, le 20 juillet 1964, à l’âge de 80 ans. 9 BEROUD Louis, Une dame de l’ombre à la cour de Russie. Anna Vyroubova, François-Xavier de Guibert, 2005, p. 36.

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main, fait le signe de la croix en direction du tsar et murmure : « Que Dieu le sauve ». Aucun membre de la famille impériale n’assiste à l’office où l’on prie pour le salut du Premier ministre. Aucune des festivités inscrites au programme n’est annulée. Stolypine s’éteint le 5 septembre. L’assassin, qui s’est laissé arrêter sans résistance, comparaît aussitôt devant un tribunal militaire. Et l’on découvre que Dimitri Bogrov est un agent de l’Okhrana, la police secrète. Le 12, il est pendu. L’assassinat de Stolypine reste une énigme. Dès 1907, Bogrov aurait eu l’intention de supprimer le Premier ministre, seul homme politique de Russie capable de terrasser une révolution. L’ambassadeur anglais à Saint-Pétersbourg, Arthur Nicholson, tenait Stolypine pour « la figure la plus remarquable d’Europe ». Bogrov aurait proposé à des socialistes-révolutionnaires de revendiquer l’exécution. Devant leur refus, il se serait résolu à agir seul, en faisant porter la responsabilité de l’attentat sur l’Okhrana pour compromettre le pouvoir. Alexandre Soljénitsyne a consacré à cet événement près d’un tiers du premier tome de la Roue rouge, intitulé Août 14, faisant monter la tension en présentant l’acte terroriste du point de vue de l’assassin. Soljénitsyne n’est pas tendre pour le tsar qu’il accuse d’avoir trahi Stolypine, qu’il supportait mal d’avoir à ses côtés.

Les adversaires de l’autocratie profitent de ces circonstances pour accentuer leurs attaques à la Douma contre le souverain. Ainsi Alexis Goutchkov, qui, à 42 ans, est devenu, le 8 mars 1910, président de la troisième Douma. Il se passionne pour le coup d’État effectué par les « Jeunes Turcs » en 1909. Il se rend à Constantinople où il examine les méthodes utilisées par leur mouvement pour s’emparer du pouvoir. Une campagne de presse dresse contre Raspoutine, et à travers lui contre les souverains, une coalition hétéroclite, où l’on trouve des hommes d’Église, des grands-ducs lassés de voir le tsar subir l’influence d’un paysan, des fonctionnaires qui craignent autant pour la machine bureaucratique que pour leur propre carrière, enfin des libéraux qui exploitent les dérèglements de Raspoutine pour déstabiliser le régime. Le successeur de Goutchkov à la présidence de la Douma, en mars 1911, Michel Rodzianko, affiche sa fidélité à l’empereur et à la dynastie. S’il se lance, lui aussi, dans une violente campagne visant à éloigner définitivement Raspoutine de la Cour, c’est par devoir patriotique et pour protéger le trône.

La dynastie connaîtra un ultime grand moment à l’occasion des fêtes du tricentenaire des Romanov. Le 21 février 1913, les cloches des églises de Russie annoncent les cérémonies jubilaires du tricentenaire de la dynastie. C’est, en effet, le 21 février 1613 que le Zemski Sobor (les états-généraux de Russie) choisit Michel Romanov, un jeune homme de dix-sept ans, vivant alors avec sa mère au monastère Ipatiev de Kostroma, pour assumer la couronne après le Temps des Troubles consécutif à la mort d’Ivan le Terrible. Au mois de mai 1913, la célébration du tricentenaire se prolonge dans les régions de la Volga d’où surgit l’élan national. Un pèlerinage du souvenir conduit les souverains à Vladimir, Nijni-Novgorod, Kostroma, Iaroslavl. De ville en ville, les solennités se succèdent, superbes, favorisées par un temps radieux. Le 19 mai, la famille impériale accoste devant le monastère Ipatiev. Une foule ardente se presse sur le quai. Beaucoup sont debout dans le fleuve. Par milliers, des moujiks sont agenouillés sur les berges avec leurs prêtres, leurs croix, leurs bannières et leurs icônes, chantant des hymnes sacrés. Les cloches des églises retentissent au-dessus de la Volga. Après être descendus à terre, les souverains se rendent à la cathédrale de l’Assomption. « Anna, regarde comme le peuple nous aime. Nous sommes loin ici des hypocrites de Pétersbourg », dit la tsarine à Anna Vyroubova.

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C’est le 3 mars 1613 (21 février 1613 a.s.) que le Zemski Sobor (les états-généraux de Russie)

choisit Michel Romanov, un jeune homme de dix-sept ans, vivant alors avec sa mère au monastère Ipatiev de Kostroma, pour assumer la couronne après le Temps des Troubles consécutif à la mort d’Ivan le Terrible. Nous avons affaire à un thème puissamment structuré autour de trois conjonctions (Soleil-Saturne, Mars-Uranus, Jupiter-Neptune – plus Jupiter-Kronos et Neptune-Kronos). Le tout est relié à Vulcanus (21° Sagittaire) que nous avons choisi comme point d’ancrage. La triplice Saturne-Uranus-Neptune sera de nouveau présente, sous une autre forme, au moment de la fin de la dynastie et dans le thème de la Russie communiste. Vulcanus symbolise la plus grande force, le plus haut pouvoir, la puissance et l’énergie, la violence. On peut lire dans cette configuration quelques caractéristiques qui marqueront l’histoire de la dynastie : l’apparition soudaine de violences (Uranus/Vulcanus) et le risque de tomber dans la dépendance ou la captivité (Saturne/Vulcanus avec Uranus et avec Pluton), Mais aussi une vigilance et une protection (Saturne/Vulcanus), une capacité à s’adapter aux difficultés qui surgissent (Hadès/Poséidon=Pluton) et de vaincre grâce à la possession d’une force puissante (Pluton/Vulcanius=Mars). Des transformations considérables s’effectuent avec une grande rapidité (Pluton/Vulcanus) et il existe une prise de conscience d’une position spéciale et d’un cefrtain isolement(Hadès/Poséidon=Vulcanus). Jupiter/Vulcanus apporte à la fois de la confiance et une chance considérable, une force puissante, permettant réussite et prospérité.

Par ailleurs, la triple conjonction Jupiter-Neptune-Kronos signale une insouciance générale et un esprit de spéculation parmi les cercles dirigeants, une grande incertitude et une prospérité menacée d’aller vers la ruine. Il semble ici que le tableau se rapporte d’abord à la situation chaotique qui règne à l’époque - les Polonais venant à peine d’être chassés de Moscou - tandis que l’état du pays est déplorable et ses finances au plus bas. Le choix de Michel Romanov a fait l’unanimité et témoigne d’une grande habileté diplomatique de son père, devenu le métropolite Philarète, qui gouvernera de fait le pays durant les premières années du règne de son fils.

Début de la dynastie des Romanov

MA-JU-SA-UR-PL-VUPV/SO – SO/KR - JU/SA – JU/VU

SA/UR – SA/VU – UR/VU – HA/PO

VU – 80°34

81– 13-58 / 36-81

C’est le 21 février 1613 (a.s.) que le Zemski Sobor (les états-généraux de Russie) choisit Michel Romanov, un jeune homme de dix-sept ans, vivant alors avec sa mère au monastère Ipatievde Kostroma, pour assumer la couronne après le Temps des Troubles consécutif à la mort d’Ivan le Terrible.

Dynastie des Romanov3 mars 1613 – Moscou

(21 fév. Julien)

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Un an et demi plus tard, l’horizon se ferme et la tempête finale se prépare : le 1er août 1914, le

comte de Pourtalès, ambassadeur d’Allemagne à Saint-Pétersbourg, remet solennellement à Serguei Sazonov, ministre des Affaires étrangères, la déclaration de guerre de l’Allemagne à la Russie. Il est 19h10. La Russie entre dans la Première Guerre mondiale.

Le thème de ce jour est marqué par quatre facteurs – Mars, Uranus, Hadès et Poséidon – reliés au Soleil et à Vénus ainsi qu’au mi-point MC/AS, qui indique le moment précis d’un événement, et qui se situe sur la zone critique de 20° des signes Mutables. Le tableau évoque une séparation soudaine entre les peuples (Lune/Saturne=Uranus), un moral à la baisse (Lune/Pluton= Hadès), le fait de subir la puissance et la violence des autres (Ascendant/Vulcanus), une grande affliction soudaine (Hadès/Poséidon= Uranus), un acte ignoble (Mars/Hadès) et les horreurs de la guerre (Mars/Hadès=Uranus).

Entrée en guerre de la Russie

82 – 14-59 / 37-82

Entrée en guerre de la Russie1er août 1914 – 19h10Saint-¨Pétersbourg

MA/PO – 82°01

SO-VE-MA-UR-HA-PO // AS/VU - LU/SA – LU/PL - VE/HA – MA/HA – MA/PO – HA/PO

H16 : MC-AP

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L’ASSASSINAT DE RASPOUTINE Face aux nouvelles campagnes de presse contre Raspoutine, Anna Vyroubova jugea inopportun

de l’installer à Tsarskoïé Selo et lui trouva un appartement à Saint-Pétersbourg, au 64, rue de Gorokhovaïa, à cinq minutes à pied de la gare. En 1916, Raspoutine n’est plus le moujik prédicateur de ses débuts. Il est devenu un personnage en vue de la haute société de Pétersbourg. Il connaît des hommes politiques qui font l’opinion, comme le comte Witte, il est en relation avec le financier Poutilov, il fait la connaissance du banquier Rubinstein. En marge de ces relations mondaines, il poursuit une existence de noceur.

Dans ses réflexions sur la révolution de Février, Soljénitsyne évoque l’intérêt de l’uchronie, estimant que « les écrivains devraient tenter, dans les enfourchures de l’histoire, d’avancer par les chemins que n’a pas choisi l’histoire et d’approfondir notre compréhension des événements par des récits à variantes ». C’est précisément cette voie qu’emprunte Vladimir Volkoff dans le roman uchronique qu’il a conçu avec Jacqueline Dauxois, Alexandra, publié en 1994, qui repose sur trois orientations que l’histoire réelle n’a pas prises, mais qui auraient pu se passer : 1° un jeune exalté abat Lénine d’un coup de revolver dans la bibliothèque de Zurich que fréquente quotidiennement le chef des bolcheviks : exit les bolcheviks ! 2° le tsar Nicolas II réussit à convaincre ses cousins régnant sur l’Allemagne et sur l’Angleterre, ainsi que le vieux François-Joseph et le Président de la République française de faire une paix de compromis, afin de sauvegarder l’hégémonie européenne à travers le monde : exit la guerre ! 3° de longs règnes pacifiques ont fait de la Russie vers la fin du XXe siècle la puissance dominante, avec toutes les tares qu’une prospérité excessive peut entraîner (corruption des élites, avachissement de la pensée et des mœurs, mépris du peuple…). Lors d’une grande démonstration de virtuosité aéronautique, un accident fauche dans la tribune toute la famille impériale réunie pour la circonstance. Ne subsiste qu’une jeune fille d’une vingtaine d’années, qui poursuit ses études en Suisse, au bord de la riviera vaudoise : du jour au lendemain, elle devient la tsarine Alexandra. La suite du roman – tout aussi palpitante que ce prélude – les lecteurs l’apprendront par eux-mêmes. Il se trouve que, dans les premiers chapitres du roman, Vladimir Volkoff traite en détails de l’assassinat de Raspoutine. Et il présente ainsi la première rencontre – fatale – entre la future victime et son assassin, le prince Félix Ioussoupov, rencontre qui a eu lieu dans le salon de Maria Golovina, nièce d’Anna Vyroubova :

Il sembla aussitôt à Félix que Grigory avait, d’un coup d’œil, lu tous ses secrets, et le diable sait qu’il en avait. Il se troubla. Grigory ne lut pas tous ses secrets d’un coup d’œil mais il sentit qu’il avait affaire à un être étrange, somnambule, doué de seconde vue, ouvert aux forces occultes, entraîné au yoga, séduisant et inquiétant. Félix, le visage imberbe, la bouche délicate (…), la silhouette légèrement déhanchée, vêtu d’un costume en cachemire découpé à Savile Row, suggérait l’équivoque et le travesti. Quelque chose s’émut dans l’âme du chaman chrétien. Il lui sembla que l’enfer le regardait par les yeux glacés du jeune prince, qui ne cillaient pas.10

En août 1915, le grand-duc Nicolaï Nicolaïevitch de Russie est démis de ses fonctions de

commandant suprême des armées impériales par Nicolas II et, le 21 août 1915, l'empereur se met à leur tête. Il confie le gouvernement intérieur à son épouse. En qualité de conseiller privé de l'impératrice, Raspoutine rend quotidiennement visite à la tsarine, lui prodiguant des conseils. Alexandra Fiodorovna a une confiance aveugle en Raspoutine, le laissant même se charger d'affaires urgentes, parfois même de questions concernant l’Empire. Il fait et défait les ministres.

La foi aveugle de la tsarine en Raspoutine l'a amenée à lui demander conseil, non seulement dans les questions personnelles, mais aussi sur des questions de politique d'État. Le général Alekseïev, tenu en haute estime par Nicolas II, a essayé de parler à la tsarine au sujet de Raspoutine, mais il réussit seulement à s'en faire une ennemie implacable. Le général m'a dit plus tard à ce sujet sa profonde préoccupation en apprenant qu'une carte secrète des opérations militaires avait trouvé son chemin dans les mains de l'impératrice. Mais comme beaucoup d'autres, il était impuissant à prendre des mesures. (Alexandre Kerenski)

10 VOLKOFF Vladimir et Jacqueline DAUXOIS, Alexandra, p. 37.

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Au cours des derniers mois de 1916, Raspoutine vit dans la terreur. Pour oublier sa peur, il boit plus que de raison et passe ses nuits dans les cabarets tziganes. Il sent sa fin très proche : à de nombreuses reprises, il parle de son assassinat imminent. Le jour de sa mort, le « starets » reçoit de nombreuses visites de personnes dans son appartement, et tous ceux qui viennent le consulter insistent pour qu'il ne quitte pas son domicile.

On connaît les détails de l’assassinat de Raspoutine grâce aux archives de la Commission extraordinaire de 1917 et le dossier secret de la police russe, qui ont été analysés par l’historien Edvard Radzinski. L’affaire eut lieu dans la nuit du 29 au 30 décembre 1916, les comploteurs étant au nombre de cinq : le prince Félix Ioussoupov, le grand-duc Dimitri Pavlovitch, le député Vladimir Pourichkevitch, le lieutenant Sergueï Soukhotine et le docteur Stanislas Lazovert.

A onze heures du soir, les préparatifs sont terminés. A minuit trente, le prince se présente à la porte du « starets ». Conduits en voiture au palais de la Moïka, les deux hommes entrent par une porte latérale du palais puis, après avoir parcouru un hall de marbre et descendu un escalier, ils pénètrent dans une salle à manger aménagée dans le sous-sol du palais. Les quatre complices de Ioussoupov sont postés près de l'escalier conduisant à la salle à manger. En attendant la princesse – censée venir les rejoindre une fois ses invités partis - le prince offre au « starets » une pâtisserie contenant du cyanure. Cependant, trouvant le gâteau trop sucré, Raspoutine le refuse, et fait de même quand lui est proposé un verre de vin. Le prince est pris de panique et rejoint ses complices. À son retour dans la salle à manger, le « starets » s'est ravisé : celui-ci demande quelques gâteaux qu'il mange, puis il avale un verre de vin de madère. Très toxique, le cyanure de potassium agit en principe rapidement sur l'organisme. Le prince, cependant, constate avec stupeur que le poison n'a aucun effet sur Raspoutine : ce dernier poursuit la discussion sans manifester aucun signe de perte de conscience. Voyant une guitare posée dans un coin de la pièce, Raspoutine demande au prince de lui jouer un morceau de musique. Les minutes s'égrènent, mais le poison ingéré par le « starets » demeure sans effet.

Vers 2 heures 30, affolé, Ioussoupov retrouve ses complices qui se tiennent toujours dans l'escalier. Il s'empare du revolver du grand-duc Dimitri Pavlovitch et revient dans la salle à manger. Le prince tire vers le cœur. Raspoutine pousse un cri, puis s'écroule sur la peau d'ours. En entendant le coup de feu, les quatre complices se précipitent dans la salle à manger. Ils voient le « starets » allongé sur le dos, le visage convulsionné, les poings serrés. Il a les yeux fermés. Une large tache de sang macule la blouse russe. Les conspirateurs se penchent sur le corps de Raspoutine et se mettent à l'inspecter. Après quelques minutes, les spasmes s'arrêtent, les yeux restent clos. Raspoutine ne respire plus. Les comploteurs remontent tous à l'étage. Ils discutent de l'avenir de la Russie. Au cours de cet échange, le prince, poussé par un sentiment d'inquiétude indéfinissable, redescend au sous-sol. Raspoutine gît toujours sur le sol, immobile. Après avoir examiné son pouls, Ioussoupov constate une nouvelle fois son décès. Penché sur lui, il l'observe à nouveau. Donnons ici la parole à Vladimir Volkoff :

Alors la paupière gauche de Raspoutine tressaillit. Le visage se contracta, l’œil gauche s’entrouvrit, puis le droit. Les yeux de l’hypnotiseur s’arrêtèrent sur Félix qui ne pouvait plus ni crier ni bouger. Toutes ses forces, Raspoutine venait les lui chercher dans le corps par ce regard. Raspoutine remua. Il tendit les mains comme pour demander secours. Comme aucune aide ne venait, il roula sur le côté. Par gestes saccadés, il parvint à planter un coude en terre, puis un genou, puis l’autre, et enfin, battant des bras pour trouver son équilibre, il se redressa de toute sa taille. Une écume rouge empanachait sa bouche. Il chercha à parler, proféra un grondement ; le sang lui coulait entre les lèvres. D’une masse, il s’abattit sur Youssoupoff, l’appelant d’une voix terrifiante qu’il arrachait à sa poitrine traversée par la balle : Félix… Félix… Félix le repoussa. Grigory s’accrochait. Félix le frappa du poing en plein visage. Grigory tomba à la renverse en lui arrachant sa patte d’épaule. Le corps sonna rudement en heurtant les dalles. Cette fois, c’était fini. Mais non, ce n’était pas fini. Grigory qui ne pouvait plus se lever rampait vers son assassin. Se tirant avec les mains et se poussant avec les genoux, saignant sous lui, il approchait. Terrifié par ce mort-vivant qui traînait son sang derrière lui comme une défroque, Félix prit la fuite, gravit l’escalier et se rua dans la pièce où Pourichkévitch l’attendait. - Il vit encore ! Il me poursuit dans l’escalier ! Il désignait le sous-sol d’où montaient gémissements puissants, sanglots et râles, les halètements d’un fauve blessé qui refuse de crever. Pourichkévitch tira son revolver et l’arma. Félix saisit une matraque posée sur son bureau.

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De marche en marche, Raspoutine se hissait. La blouse barbouillée, la moustache et la barbe dégouttant de sang, les traits défigurés par la douleur, il arriva devant la porte du jardin, à la onzième marche. Il réussit à se hausser jusqu’à la poignée. Félix, qui le guettait du haut de l’escalier, le laissait faire : il avait fermé à clef. Il n’y avait qu’une issue pour Raspoutine et pour la gagner il lui fallait continuer de grimper jusqu’au palier où ils l’attendaient, lui, la matraque à la main et Pourichkévitch, le revolver au poing. Mais la porte secrète, verrouillée, qui, à mi-volée, donnait sur la cour, s’ouvrit. Grigory disparut dans la nuit. La main de Félix retomba, la matraque de plomb recouvert de caoutchouc pendit au bout, obscène. Pourichkévitch se lança à la poursuite du blessé. Félix posa la matraque sur son bureau et descendit dans la rue. Longeant le quai de la Moïka, il se dirigea vers le portail de la cour. La neige blanchissait la nuit ; de l’autre côté de la grille, une silhouette titubante se dirigeait droit vers lui et Félix entendit à nouveau la voix trouée qui l’appelait dans la pénombre : Félix, Félix… Menace et douceur. Que t’avais-je donc fait ? disait la voix. D’ailleurs, quel mal ai-je jamais fait à quiconque ? Mais Félix ne défaillait pas. Ses lèvres se retroussaient sur ses dents. Il était devenu un tueur. C’était facile. Le long de la grille, les deux hommes marchaient, agrippés encore une fois par le regard, si étroitement que les barreaux semblaient impuissants à les disjoindre l’un de l’autre. Félix ne portait que sa tunique d’uniforme, sur la blouse de Grigory le sang se transformait en glace, mais ni l’un ni l’autre n’avaient froid. - Félix… sifflait Grigory. Dans un instant, ils allaient se trouver face à face. Deux coups de feu claquèrent. Raspoutine tournoya et s’effondra près d’un tas de neige. Pourichkévitch lui piétina le visage.11

Il semble qu’en fait, les deux coups de feu tirés par le député Pourichkévitch n’aient pas provoqué

la mort de Raspoutine. Un troisième coup de feu fut tiré – de face – laissant un trou au front de la victime. L’auteur de ce coup pourrait être attribué à Oswald Rayner, un ami du prince Ioussoupov rencontré à Oxford, et qui était membre des services secrets britanniques.

Aidés d’un domestique, les comploteurs enveloppent le cadavre de Raspoutine dans son manteau. Le cadavre est jeté du haut d’un pont , enfermé dans une toile, dans un trou pratiqué dans la glace de la Petite Neva gelée. Le cadavre est retrouvé le 30 décembre au petit matin au niveau du pont Petrovski. Raspoutine est inhumé le 3 janvier 1917 – 22 décembre du calendrier russe – dans une chapelle en construction, près du palais de Tsarskoïé Selo. Au soir du 22 mars, sur ordre du nouveau Gouvernement révolutionnaire, on exhume et brûle le corps de Raspoutine, et on disperse ses cendres dans les forêts environnantes.

On rapporte une prophétie que Raspoutine aurait transmise à la tsarine :

Je mourrai dans des souffrances atroces. Après ma mort, mon corps n'aura point de repos. Puis tu perdras ta couronne. Toi et ton fils vous serez massacrés ainsi que toute la famille. Après, le déluge terrible passera sur la Russie. Et elle tombera entre les mains du Diable.

Trois mois après la fin de Raspoutine, le tsar Nicolas II doit abdiquer. La famille impériale est

massacrée dans les caves de la villa Ipatiev, à Ekaterinbourg, dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918. Que devinrent les conjurés ? L’assassinat accompli, le prince Ioussoupov et ses complices sont

incapables de garder le silence. Le prince Ioussoupov est arrêté à la gare, alors qu'il est sur le point de prendre le train pour la Crimée. Seuls le prince Ioussoupov, le grand-duc Dimitri et Pourichkevitch subiront un interrogatoire. La tsarine réclame l'exécution immédiate du prince et du grand-duc Dimitri, mais les autorités pétersbourgeoises refusent d’arrêter les responsables d’un acte soutenu par la population. Nicolas II ordonne l'exil pour les trois hommes. En raison de sa fonction de député de la Douma, mais surtout grâce à sa place de leader du parti de la droite monarchiste, Pourichkevitch jouit d'un tel prestige que le tsar n'ose pas le sanctionner.

Une hypothèse, évoquée par Vladimir Volkoff, expliquerait la résolution du jeune Félix Ioussoupov par son appartenance aux services secrets anglais. Les Britanniques craignaient que Raspoutine arrive à convaincre le tsar de cesser la guerre, ce qui aurait permis aux soldats allemands présents sur le front de l’Est d’être engagés à l’ouest, permettant aux empires centraux de remporter la victoire. 11 Ibid., p. 141-143.

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On ne connaît pas la date de naissance de Raspoutine, mais il existe diverses hypothèses, et la

plus vraisemblable semble être le 21 janvier (9 janvier a.s.) 1869, dans le village de Pokrobskoïe, en Sibérie occidentale. Toutefois, même l’année de naissance est sujette à caution : selon la Grande Encyclopédie soviétique, il serait né en 1864 ou 1865

En 1995, un historien russe Oleg Platonov s’est penché à nouveau sur la question. Il se réfère au recensement de 1897, qui fut soigneusement effectué. Au nom de « Grigori Iefimovitch Raspoutine », il est mentionné que celui-ci était dans sa 28e année et son année de naissance est elle aussi indiquée : 1869. Quant au jour de la naissance, il correspondrait à la fête de Grégoire de Nysse, qui tombe le 10 janvier (a.s.) dans l’Église orthodoxe. Or, il existe une légende veut que le 10 janvier 1869 un météore ait traversé le ciel au-dessus du village de Pokrovoskoïe, et ce phénomène annonçait, disait-on, la venue au monde d’un personnage exceptionnel.

Dans une telle incertitude, il reste à l’astrologue la ressource de dresser le thème d’une lunaison

proche de la naissance. Nous donnons ici le thème de la Nouvelle Lune du 12 janvier 1869. Il va de soi que ce thème ne concerne pas Grigory Raspoutine en particulier, mais tous les natifs de ce mois ; l’analyse porte donc sur un climat propre à une mini-génération.

Cette génération est d’abord celle du carré évolutif Uranus-Neptune, qui peut être déjà le signe d’un certain déséquilibre psychique, d’une alternance entre tension et détente, d’une disposition en faveur d’une révolution, mais aussi de capacités psychiques particulières, d’un don de visionnaire. Cet axe est relié à Cupidon, qui signale une confusion soudaine dans une communauté, des indices de dissolution d’une communauté – en l’occurrence la fragilité de la conscience nationale russe vers la fin du XIXe siècle, avec la confrontation entre une conscience nationale traditionnelle (les slavophiles) et l’attirance pour les valeurs européennes/ L’axe Mars/Poséidon témoigne lui aussi de ce questionnement autour d’un système de valeurs, et, avec Admète, d’une activité d’ordre intellectuel ou spirituel dans le cadre d’une communauté restreinte – ce qui peut concerner aussi bien les révolutionnaires de carrière que les mystiques pratiquant l’hésychasme dans certains monastères de Russie (notamment à Optino). Admète/Poséidon est l’axe de la propagande ; avec Cupidon, la notion d’influence éducative au sein d’une communauté. Enfin, Hadès/Kronos=Admète peut signaler un meurtrier de grand style – ce que ne fut certainement pas Raspoutine, mais bien plutôt son assassin, le jeune prince Ioussoupov.

Grigori Raspoutine21 janvier 1869

PokrovskoïéNL – 12 janv. 1869

18h53 TU

Raspoutine

MA-UR-NE-CU-AD-PO // SO/MC – HA/KR -

CU – 61°29

61 – 16-61 / 39-84

H 16 : VE-KR-VU

8 avril 2016

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Si le thème de naissance de Raspoutine nous échappe, nous connaissons le thème de sa mort à

quelques minutes près. Le thème est éloquent et correspond bien au sens profond de l’événement, l’assassinat de Raspoutine étant effectivement, comme le disait Soljénitsyne, le premier coup de feu de la guerre civile en Russie. Le thème repose sur la figure composée du carré Pluton-Admète, relié à Uranus sur l’axe du méridien, au Fond du Ciel. L’axe Pluton/Admète (17° Taureau) évoque des changements fondamentaux sous la forme d’une descente aux profondeurs, d’un retour aux origines, aux racines. Avec Uranus, ces changements radicaux sont accompagnés de rupture, de désunion entre forces contraires. Au même emplacement, on trouve l’axe Point Vernal/Pluton, affectant l’événement d’une dimension collective, concernant le monde entier, Uranus indiquant ici une transformation qui apparaît à l’improviste, tandis que Admète indique une transformation en profondeur, une modification du tout au tout des conditions. Là-dessus vient se greffer l’axe Kronos/Vulcanus, pointant sur le fait que ce qui est en cause est le pouvoir d’État. Pluton indique une restructuration dans l’État, le développement d’un nouveau type de gouvernement et d’importantes transformations dans les rapports de grandes puissances. Avec Admète s’ajoute l’indication de la fin d’un pouvoir d’État et de l’isolement d’une grande puissance. Nous avons là un tableau très précis de la situation qui va s’établir dès l’établissement de la dictature bolchevique, avec la paix séparée avec l’Allemagne signée à Brest-Litovsk et la guerre civile qui se déchaîne à travers les anciennes provinces de l’Empire russe. Ce nouvel État est perçu comme particulier et étrange par les autres – ce qu’indique la formule Kronos/Vulcanus=Admète. Le Regelwerk évoque à ce sujet un « État mort ou dormant » - ce qui fait penser à la théorie léniniste du « dépérissement de l’État » qui aboutit en fait à un des pouvoirs étatiques le plus totalitaire et arbitraire au monde. Enfin, Uranus/Admète, significateur d’assassinat, montre que cet homicide provoque un ébranlement, une commotion et, avec Pluton, il indique le commencement d’un développement qui mène au règlement définitif d’une affaire : à la fin de la pièce engagée par l’assassinat de Raspoutine, le rideau se ferme sur l’effondrement d’un Empire multiséculaire.

Raspoutine - D30 déc. 1916 – 2h45

Petrograd

Raspoutine - Assassinat

MC-UR-PL-AD // PV/PL – PL/AD – ZE/VU – KR/VU

PL/AD – 46°54

47 – 2-47 / 25-70

H 16 : ME-VE-MA-JU

8 avril 2016

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Ce tableau se singularise sur le fait de l’assassinat de Raspoutine par son ancrage au Milieu du Ciel et par son lien avec le Point Vernal. Mais la figure Uranus-Pluton-Admète est active aussi dans la disparition des deux empires centraux, l’Empire germanique (le Deuxième Reich) et l’Empire austro-hongrois. On retrouvera la triplice Uranus-Pluton-Admète au moment du carré évolutif Uranus-Pluton entre 2012 et 2015, autre phase de mutation en profondeur dans les rapports entre puissances.

La personnalité du maître du complot est, elle aussi, exceptionnelle. Vladimir Volkoff se plaît à

présenter l’histoire de la famille Ioussoupov dans les termes d’une ironique désinvolture :

La famille prétendait remonter à Ali, neveu de Mahomet. Youssoupov avait vainement défendu Kazan, la capitale tatare, contre Ivan le Terrible. Un ancêtre de Félix passait pour avoir construit la flotte de Pierre le Grand ; son trisaïeul pour avoir été l’amant de Catherine la Grande. Avec dix voitures tirées chacune par six chevaux, il allait de Moscou à Arkhangelskoïé, où, à son arrivée, on tirait le canon en son honneur. Il possédait une famille de chameaux du Tibet, un automate grandeur nature représentant Jean-Jacques Rousseau, et la plus célèbre des perles noires, le Peregrina, pendant de celle que Cléopâtre avait dissoute dans le vinaigre pour la boire avec Marc-Antoine.12

La mère du prince Félix Felixovitch, la princesse Zénaïde, était réputée être plus riche que le tsar

lui-même. La famille résidait le plus souvent dans son palais du 94 quai de la Moïka à Saint-Pétersbourg mais également dans son domaine moscovite d’Arkhangelskoïe, ses villas en Crimée, ou encore dans l’immense domaine de Rakitnoïe, en Ukraine.

En 1908, le fils aîné, le prince Nikolaï Felixovitch Ioussoupov s'éprit de Maria Manteuffel, une femme mariée. Six mois avant son 26e anniversaire, le jeune prince fut tué en duel par le comte Arvid Manteuffel, le mari jaloux. Une malédiction planait sur la maison princière des Ioussoupov : le fils aîné de cette richissime famille ne devait pas atteindre ses 26 ans. La mort de son frère aîné fait de Félix l’héritier de la plus grosse fortune de Russie et l’homme le plus riche d’Europe. De 1909 à 1912, le prince Félix Felixovitch étudia à l'University College d'Oxford et effectua de nombreux voyages en Europe. C'est à cette époque qu'il devint ami avec Oswald Rayner qui joua un rôle secret, mais central, dans le meurtre de Raspoutine. De 1915 à 1916, afin de se préparer aux examens d'officier, il entra au corps spécial des pages en Russie.

En Russie, on disait du prince Félix Felixovitch Ioussoupov qu'il était « le plus bel homme de tout l'Empire ». Ce prince élégant, raffiné, doté d’une grande intelligence, amateur d'art, au goût très sûr, vouant un véritable culte à la beauté, mena une double vie. Cette personnalité angoissée et émotive éprouva pour Oscar Wilde une véritable fascination : comme le célèbre écrivain, il afficha son homosexualité. Félix éprouva également une attirance pour les sciences occultes. Il mena dans sa jeunesse une vie extravagante, scandalisant son entourage par sa vie dissolue. Ces comportements ne l’empêchèrent pas d’être un proche de la grande-duchesse Élisabeth, sœur de la tsarine et veuve du grand duc-Serge. La grande-duchesse, devenue religieuse après l’assassinat de son mari en 1905, sera la directrice spirituelle et la confidente du jeune Félix, passablement bouleversé par la mort de son frère. Il rendit également visite à l'impératrice Alexandra, cette dernière l'ayant pris sous sa protection. Après une jeunesse dorée, Félix Youssoupoff se fiance avec la nièce de Nicolas II, la grande-duchesse Irina Alexandrovna de Russie, jeune fille d'une rare beauté. Le 22 février 1914, le mariage est célébré avec le consentement de l'empereur à l'église du palais Anitchkov. Le ménage résista à toutes les épreuves. Ce prince si futile resta jusqu'au terme de sa vie un époux respectueux.

12 Ibid., p. 41-42.

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Le prince souffrait de l’ascendant exercé par Raspoutine sur la famille impériale. A ses yeux, le « starets » avait envoûté la tsarine et mettait en péril le trône de Russie. En contribuant au meurtre de Raspoutine, Félix Felixovitch Ioussoupov exerça sans doute également une vengeance. Son père, le gouverneur-général de Moscou, avait été spectaculairement limogé en 1915 pour avoir critiqué le régime impérial. Sa mère, la princesse Zenaïde, avait également été déclarée indésirable à la cour après avoir demandé à la tsarine de renvoyer Raspoutine. L’assassinat de Raspoutine hantera le prince Ioussoupov jusqu’à sa mort : il est en proie à des cauchemars tenaces et peint des tableaux inquiétants représentant des monstres mi-homme, mi-animal.

Au printemps 1917, le prince Ioussoupov, accompagné de son épouse et de sa fille, quittèrent Saint-Pétersbourg pour la Crimée. Le 11 avril 1919, Il est contraint de quitter la Russie à bord d’un cuirassé de la Royal Navy, envoyé à Yalta par le roi d’Angleterre pour sauver ses cousins russes, membres de la famille impériale. En 1920, il s’établit avec sa femme à Paris. Ami de Kessel, de Cocteau ou du comte Boniface de Castellane, il reste, jusqu’à sa mort et malgré son refus de tout engagement politique, une des grandes figures de l’émigration russe et de la société mondaine parisienne.

Le prince Félix Félixovitch Ioussoupov est né le le 11 mars 1887 à Saint-Pétersbourg et mort le

27 septembre 1967 à Paris. Nous avons choisi comme point d’ancrage l’axe Mars/Uranus (10° Capricorne), issu de l’opposition Mars-Uranus à 10° Bélier-Balance, relié à Kronos et au mi-point Neptune/Hadès. Le tableau évoque un événement soudain, lié à un acte énergique, à une action palpitante. Mars/Kronos pointe sur l’organisateur d’une action arbitraire, qui est en même temps un grand original. La formule Neptune/Hadès=Uranus signale des assassinats en rapport avec des activités subversives. Jupiter/Admète se rapporte au sang-froid ; avec Uranus, le natif est soudainement arraché à la tranquillité. Saturne/Zeus se réfère à un climat d’angoisse, d’oppression, de peur ; avec Mars, il est question de blessure ou de mort par le feu ou par une arme à feu. Ce mi-point Zeus/Saturne sera au cœur des thèmes de la révolution de Février, en conjonction avec l’axe Saturne/Neptune (à 29° Cancer).

Félix Ioussoupov23 mars 1887 – 1h30Saint-Pétersbourg

Félix Félixovitch Ioussoupov

MA-UR-NE-NN-HA-KR // JU/AD – SA/ZE – NE/HA -

MA/UR – 10°10

10 – 10-55 / 33-78

H16 : JU

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LA REVOLUTION DE FEVRIER Le 4 février 1917, l’envoyé bulgare à Berlin, Rizov, rencontra l’envoyé russe en Norvège,

Goulkevitch, et le pria d’envoyer un télégramme à Petrograd mentionnant le désir de l’Allemagne de conclure avec la Russie une paix séparée dans des conditions très favorables. La réponse de Petrograd à Goulkevitch fut la suivante : « Ecoutez cette proposition et assurez-vous d’obtenir une formulation précise des conditions ». Mais il était trop tard : Février était lourd d’événements irréversibles.

Comme le souligne Soljénitsyne dans ses considérations sur la révolution de Février, l’événement prit de court tout le monde, le pouvoir comme les partis révolutionnaires. Et pourtant, elle ne survenait pas à l’improviste : l’Okhrana fournissait des rapports exhaustifs que le gouvernement n’était capable ni d’assimiler, ni de transformer en décisions. En outre pesait lourdement dans la balance la situation calamiteuse de la garnison de Petrograd, surchargée de cent cinquante mille soldats appelés au service avant terme. Au lieu d’être engagés sur le front, ils étaient voués à se morfondre dans l’inaction, à se décomposer et à prêter une oreille complaisante à l’agitation révolutionnaire. Quant à la Garde, elle était décimée sur les points les plus meurtriers du front. Les révolutionnaires n’étaient guère plus préparés que le gouvernement à cette curieuse révolution. Les partis révolutionnaires ne jouèrent pratiquement aucun rôle dans la préparation de l’atmosphère révolutionnaire. Tout fut fait non par des slogans socialistes, mais par la Douma : ce sont ses discours qui ont surexcité la société et préparé la révolution. Mais les partis révolutionnaires se sont empressés de mettre, dès les premiers jours, leur main sur le butin, sur le pouvoir. Face aux actions subversives, le gouvernement russe n’a presque pas lutté pour son existence. Les ragots s’étaient amassés tant et plus, atteignant le seuil critique à partir duquel se déclenche la panique. Durant les derniers mois, le gouvernement ne croyait déjà plus à lui-même ni à aucun de ses actes. De sorte que l’agitation bascula brusquement de façon incontrôlée dans la révolution, dans un chaos désordonné.

La chute de l’autocratie fut l’acte premier et central du prologue de Février. Un double pouvoir s’instaura : dans le même palais, le palais de Tauride, deux organes tenaient des séances houleuses. Dans une aile, le comité provisoire de la Douma d’État. Le ton y était donné par la bourgeoisie « de gauche » - les Cadets (abréviation de « Constitutionnels démocrates »). Dans l’autre aile était installé le Soviet de Petrograd, organe du pouvoir révolutionnaire. Il avait à sa tête les mencheviks N.S. Tchkéidzé, M.I. Skobélev, le travailliste A.F. Kerenski. Les bolcheviks étaient en minorité au comité exécutif des Soviets ; seuls deux bolcheviks, Chliapnikov et Zaloutski, en étaient membres.

SO=PV – 0°

0 – 0-45 / 23-68

Ingrès Capricorne 1916

H16 : JU-NN-VU

Ingrès Capricorne22 déc. 1916

3h58m32s TUSaint-Pétersbourg SO=PV-UR-AD // LU/NE – JU/VU - SA/AP – PL/PO – KR/AP

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Le Soleil sur l’axe Cardinal forme un grand carré avec Pluton, Admète et le mi-point Lune/Neptune au Milieu du Ciel, le tout relié à Uranus (17° Verseau). Sur le mi-point Pluton/Admète se trouve l’axe Jupiter/Vulcanus (17° Taureau et à 14° Lion sont conjoints les deux axes Saturne/Apollon et Pluton/Poséidon. Enfin, à 29° Gémeaux le mi-point Kronos/Apollon est conjoint à Pluton.

Le lien de la triplice Uranus-Pluton-Admète avec l’axe Cardinal constitue la clé du tableau d’ensemble. Il dépeint une mutation qui s’effectue par sauts successifs (révolution de Février, insurrection d’Octobre, guerre civile), des transformations en profondeur qui apparaissent à l’improviste et entraînent une modification radicale des conditions d’existence et du mode de vie, suscitant de nombreux troubles, un grave accablement soudain au milieu de décombres. L’axe Lune/Neptune au Milieu du Ciel suggère une sorte d’état second onirique, l’incapacité d’affronter les réalités de la vie. Avec Pluton/Poséidon (14° Lion), on peut lire un changement complet du comportement religieux, l’instauration d’une idéologie nouvelle. On peut remarquer enfin la présence, à 29° Cancer, de la Lune noire sur la conjonction Saturne/Zeus, signe de destinée fatale.

Nous avons pris l’habitude de traiter les thèmes d’Ingrès solaires selon une double approche :

d’abord une analyse fondée que l’axe Soleil/Point Vernal, ensuite une analyse reposant sur un point d’ancrage significatif. Ici, celui qui s’impose est Saturne-Zeus (29° Cancer), conjoint à Saturne/Neptune ainsi qu’à Vulcanus/Poséidon, et relié par carré à Kronos.

Nous définirons, dans le cadre de notre WeltRegelwerk (WRW) en cours d’élaboration – c’est-à-dire une réécriture du Regelwerk d’Alfred Witte adapté aux besoins de l’astrologie mondiale – l’axe Saturne/Zeus de la manière suivante :

Puissance irrésistible poussant à la concentration, à la structuration, au contrôle. Société totalitaire. Style de direction caractérisée par la rigidité et la contrainte. Expansion d’un système administratif directif. Peur et angoisse suscitant des comportements compulsifs, en quête de sécurité derrière des frontières bien définies. Stratégie fondée sur la puissance de feu.

SO – 0°

HA=UR/PL

SA/ZE – 28°44

SA-ZE-KRSO/AP – SA/NE - HA/VU

ZE/KR – VU/PO

ZE/KR=JU/SA=JU/NE

SA/NE=SA/ZE=VU/PO

29 - 6-51 / 29-74

Ingrès Capricorne 1916Ingrès Capricorne22 déc. 1916

3h58m32s TU

Eris=HA/ADL

Fin Cancer : triplice Saturne-Neptune-Zeus

Fin Bélier : JU-KR=

UR/PL=HA/VU

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La conjonction est en orbe de juillet 1916 au début août 1917 et se renouvellera en juillet 1948 à 23° Lion, au moment de l’ultime affrontement entre Mao Tsé-toung et Tchang Kaï-chek dans la guerre civile en Chine. L’implication de Kronos dans l’axe Saturne/Zeus nous paraît signaler un gouvernement par la contrainte, s’appuyant sur un système administratif directif, suscitant peur et angoisse. Saturne/Neptune se réfère à la dissolution d’une structure établie et il correspond aussi au risque d’épidémies, qui peuvent prendre une extension générale du fait du lien avec le Point Vernal. Quant à l’axe Vulcanus/Poséidon, il se rapporte à la puissance d’un pouvoir idéologique. L’axe Zeus/Kronos (14° Gémeaux) indique une direction énergique, qui s’impose absolument, selon une stratégie de prise du pouvoir. Dans les derniers degrés du Bélier, une autre zone sensible est constituée par l’axe Jupiter/Kronos conjoint à Uranus/Pluton et à Hadès/Vulcanus. Cela suggère une mutation explosive derrière laquelle se trouvent des puissances d’argent, voire des pouvoirs et forces démoniaques, qui s’opèrent au travers d’actes de violence terribles en public et dans un climat de dépendance et d’oppression générale. Indications que vient renforcer la présence d’Eris sur l’axe Hadès/Admète à proximité du Point Vernal. Cela indique un climat de discorde et d’anarchie, une situation chaotique avec une économie en baisse et un manque général de matières premières aboutissant à un abaissement du niveau de vie dans un monde en guerre et suscitant le pessimisme général.

Les éphémérides graphiques permettent d’observer l’évolution cyclique sur une durée déterminée,

à la façon d’un panorama cinématographique et non pas selon une vue photographique limitée à un instant précis. Le tableau en Harmonique 4 (90° et multiples) pour le quatrième trimestre 1916 met en valeur l’importance capitale de la zone de 29° des signes Cardinaux ainsi que le transit sur cette zone de Mercure au début novembre et à la fin décembre 1916 – au moment de l’assassinat de Raspoutine.

Quatrième trimestre 1916EG – H4 – TrimestrielClassiques – Transneptuniens

HA-PO

AD

CU

JU-NE

ME r

SA

PL

UR

ZE-KR

AP

VU

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Pour le premier trimestre 1917, durant lequel se déroule la révolution de Février en Russie, la

même zone est affectée par la rétrogradation de Mercure qui passe trois fois sur la conjonction Saturne-Zeus au carré de Kronos, le 4 et le 21 janvier puis à la mi-février. On peut relever aussi le transit du Soleil et du cortège des lentes – Mars, Vénus et Mercure – qui se rejoignent vers la fin des Poissons juste après l’Ingrès de Bélier, après avoir transité, le 23 mars, sur la zone de l’opposition Hadès-Poséidon. Avec la fin des signes Cardinaux (notamment Cancer et Bélier), la fin des signes Mutables (notamment Poissons et Gémeaux) constitue une autre zone sensible marquante durant cette période.

Le tableau des éphémérides graphiques permet en outre de relever l’importance de trois phases soli-lunaires qui sont la Nouvelle Lune du 21 février sur la zone Apollon/Vulcanus avec la conjonction Soleil-Mars, puis la Pleine Lune du 8 mars à 16° Poissons-Vierge, enfin le 3e quartier du 16 mars à 25° Poissons-Sagittaire.

Premier trimestre 1917EG – H4 – TrimestrielClassiques – Transneptuniens

HA-PO

AD

CU

NE

ME r

SA

PL

UR

ZE-KR

AP

VU

JU

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Au cœur de la Nouvelle Lune du 21 février 1917, nous plaçons l’axe Mars/Vulcanus (19° Bélier)

au carré de l’axe des Nœuds lunaires, sur lequel se situent les mi-points Neptune/Pluton et Apollon/Vulcanus est significateur d’une activité intense, d’une grande force et d’actes de violence d’une grande intensité et concernant une masse importante (du fait d’Apollon et de Vulcanus). L’axe Neptune/Admète est indicateur de déclin et de décadence, ainsi que d’un amoindrissement et d’une qualité de vie inférieure. C’est à cause d’une mauvaise gestion dans la distribution du pain que vont commencer les grèves à Petrograd, et du fait du manque de matières premières les ouvriers des grandes usines seront mis au chômage technique, poussés ainsi à venir manifester au cœur de la capitale. On remarquera aussi dans ce thème, dressé pour Petrograd, Pluton au Milieu du Ciel, signe d’un profond bolchevisme imminent durant le mois à venir.

Nous allons suivre maintenant le fil des événements, en prenant pour guide Soljénitsyne, dans les

deux premiers tomes du « Nœud » consacré à Mars 1917 dans la Roue rouge.

Nouvelle Lune – 21 février 1917

62 – 17-62 / 40-85

NL – 21 fév. 191718h09 TU

2°34 PoissonsPetrograd

S/L – 62°34

S/L-MA-NN-VU // MA/VU - JU/PL - NE/PL – NE/AD -AP/VU -

H16 : ME-CU-HA-PO

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Jeudi 8 mars (23 février a.s.)

Des grèves peu nombreuses avaient débuté au matin dans les Quartiers de Vyborg et de Pétersbourg, lorsque le pain noir avait commencé à manquer dans les boutiques. Pourquoi en était-on soudain arrivé là ? Les boulangeries s’étaient vu allouer exactement la même quantité de pain que les jours précédents, calculée à raison d’une livre et demie par habitant et de deux par ouvrier. A la vérité, nul ne contrôlait les boulangers, pareille idée n’était venue à l’esprit de personne. (…) Le manque ne pouvait tenir qu’à une seule cause : la rumeur irrésistiblement surgie que Pétrograd allait cesser d’être fourni en farine, que la capitale allait bientôt connaître des restrictions en matière de pain. De leur côté, les ouvriers qui s’étaient mis en grève dans la matinée se rendaient - conformément à une tactique parfaitement au point, afin de se sentir moins seuls - dans les usines voisines pour y faire débrayer les autres de force. (…) Les grèves s’étaient étendues là où elles avaient pris naissance, au nord de la capitale, et transportées - tant qu’il avait été possible de passer les ponts - dans les Quartiers Liteïnaïa et Rojdestvenskaïa. Ces secteurs avaient réuni, au cours de la journée, jusqu’à quatre-vingt mille grévistes. Plus vite que les grèves s’était répandue durant la journée une nouvelle plaisanterie : retirer les manivelles de commande des tramways. Cela avait plu à tous et s’était répandu dans toute la ville avec l’alacrité d’une traînée de feu, une quinzaine de voitures bloquaient toutes les lignes, une centaine de motrices avaient regagné les dépôts. Une autre mode s’était instaurée : briser les vitrines des magasins et tout flanquer en l’air, piller aussi. On avait commencé par les boulangeries et les boutiques de détaillants, mais sitôt la foule ayant afflué sur la perspective Souvorov ou la Grande perspective du Quartier de Pétrograd, adolescents en tête occupés à briser toutes les vitrines les unes après les autres - comment cette foule aurait-elle pu se contenir ? On s’était mis à dévaliser les marchands de fruits et légumes, à rafler la recette dans les tiroirs-caisses. Dans la soirée on en était déjà à dévaliser une bijouterie. Et partout la foule s’enfuyait avant l’arrivée des policiers. Nulle part la foule n’avait voulu se bagarrer, partout elle se laissait dissiper sans peine, mais, dispersée en un lieu, elle se reformait aussitôt, tenace, en un autre. A la vérité, tout au long de la journée, il y avait eu des cas d’agression contre des policiers ou des contremaîtres d’usine, plusieurs d’entre eux avaient été conduits à l’hôpital, qui inconscient, qui la mâchoire démise ou un bras cassé. Et personne d’autre n’avait souffert que les serviteurs de l’ordre. Lors des dispersions (…) pas un manifestant n’avait été blessé. Nulle part la police n’avait eu à faire usage de ses armes et, de toute la journée, on n’avait entendu retentir le moindre coup de feu. De même, pendant tout ce temps, aucun drapeau rouge n’avait été brandi, aucun slogan lancé, la foule n’avait reçu aucune instruction de personne et ne semblait pas receler de meneurs, même devant la cathédrale de Kazan, point le plus sensible de la capitale, haut-lieu préféré des révolutionnaires, où tout avait toujours commencé à Pétersbourg.13

13 SOLJENITSYNE Alexandre, La Roue rouge, Mars dix-sept, t. I, Fayard/Seuil, 1993, p. 67.

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Vendredi 9 mars (24 février a.s.)

Pressions dans les usines des faubourgs pour entraîner les ouvriers dans la grève. Passage de la foule qui traverse la Neva gelée pour se rendre dans le centre ville. Meetings sur la Perspective Nevsky. Police démobilisée, ayant interdiction de faire usage de ses armes. Administration passive et irrésolue. Cosaques désireux de pactiser avec la foule plutôt que de la réprimer.14

Samedi 10 mars (25 février a.s.)

La grande différence, aujourd’hui, était l’absence de cette humeur joyeuse, de cette sorte de jeu des deux jours précédents. On n’entendait plus le refrain : « Du pain ! Du pain ! », et puis, question de piller les boutiques, l’enthousiasme s’était refroidi. Le peuple s’était complètement convaincu de la bienveillance des troupes, surtout des Cosaques. Le troisième jour, il n’y eut pas de pertes parmi les manifestants et le peuple cessa aussi de craindre la police. Au contraire, il la tarabustait avec une hargne croissante. La police, elle, avait perdu son assurance. Personne n’était de son côté, pas même ses chefs et, petits points noyés dans des foules de milliers de personnes, les policiers devaient contenir Dieu sait quoi. La police sentait le pouvoir de la rue. Meeting ininterrompu autour de la statue du tsar Alexandre III sur la place Znamenskaïa. Nevsky noyée de monde, drapeaux rouges. Coups de revolver contre les sergents de ville.15

Samedi 10 mars (25 février a.s.)

Il fallut attendre ce soir-là, le troisième jour de troubles dans la ville, pour qu’on adresse à la Stavka [l’Etat-Major, sur le front, où se trouve le Tsar] les premières informations à ce sujet. [Des rapports] il ressortait, semblait-il, que si des désordres avaient éclaté, ils étaient réprimés avec succès et presque sans une goutte de sang. La journée, cependant, signa la défaite des autorités sur tous les plans : il fut manifeste aux yeux de la foule que la police était isolée de la troupe et que cette dernière ne participerait pas à la répression. Bon nombre de commissariats des faubourgs étaient déjà mis à sac et privés de liaison avec le centre.16

Samedi 10 mars (25 février a.s.)

Désertes étaient les rues et bien peu eurent l’occasion de le contempler : ce soir-là brillait une puissante aurore boréale, comme on en voit rarement. Derrière les nuages, des langues de feu sillonnaient le ciel, d’un bleu sombre soutenu, lilas, pourpre.17

14 Ibid., p. 69. 15 Ibid., p. 181. 16 Ibid., p. 230. 17 Ibid., p. 233.

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Dimanche 11 mars (26 février a.s.)

Ce dimanche avait débuté d’une façon si encourageante qu’il [Khabalov, gouverneur militaire de Pétrograd] avait annoncé que le calme régnait dans la ville. Mais, à partir de midi, les gens de quartiers périphériques avaient recommencé à s’infiltrer dans le centre, rejoignant toujours, depuis le nord et l’est, la perspective Nevski. Des échauffourées avaient commencé dans les rues adjacentes, d’abord seulement avec la police montée. Mais morceaux de glace, pierres, bouteilles s’abattaient sur la troupe et elle ne pouvait le supporter indéfiniment. En différents endroits de la Nevski, entre les Galeries marchandes et la perspective Souvorov, elle avait tiré : en l’air, ou encore, ici et là, à blanc. Mais, loin de se disperser, la foule, habituée à l’impunité, avait répondu par des lazzi. Alors ils avaient tiré dans le tas. Mais même en s’égaillant, tandis que morts et blessés étaient abandonnés sur la chaussée, les gens ne s’en allaient pas loin : ils se cachaient dans les cours et les rues voisines et bientôt la foule se reformait. Que faire ? Mutinerie d’une compagnie du bataillon de réserve du régiment Paul Ier, de la Garde personnelle du tsar.18

Dimanche 11 mars (26 février a.s.)

Toute la journée, hormis l’heure trop brève de la révolte du régiment Paul Ier, Kérenski lui-même avait nourri des idées noires : il était persuadé que les troubles seraient réprimés sans pitié et que la Douma serait définitivement dissoute. Il perdrait alors son immunité parlementaire et serait aussitôt arrêté pour la hardiesse de son dernier discours. (…) Toutes les chances d’avoir une révolution s’étaient effondrées. Et l’on ne devait attendre d’aide de nulle part.19

Lundi 12 mars (27 février a.s.)

Mutinerie du régiment de Volhynie, qui va s’efforcer d’entraîner à sa suite le régiment Préobrajenski. Débandade des troupes qui se jettent dans l’émeute par crainte de la répression. Etrange spectacle que ces soldats sans commandement qui avançaient en horde, en meute, chacun allant où il voulait et écoutant qui il voulait, parfois lui seul. Ce qui courait ainsi sans savoir quelle direction prendre, ce n’étaient plus des Volhynie, des Lituanie, des –Préobrajenski, des sapeurs – c’étaient des centaines de soldats mélangés, toutes origines confondues, qui se trouvaient dans un état pire que l’ivresse et ne comprenaient bien qu’une seule chose : si on s’arrête, c’est fini, on est tous morts. Alors on n’a rien à perdre : en avant, toujours en avant ! Incendie du Tribunal civil. Libération des prisonniers de droit commun et mise à sac des prisons. Pillage de l’Arsenal (plus de quarante mille fusils). La ville devient la proie du pillage, des flammes et des meurtres.20

Lundi 12 mars (27 février a.s.)

Vers la fin du jour, dans toute la ville, administrations, magasins, restaurants, boutiques, marchés, entreprises en tous genres étaient fermés, sans exception. Ni cinémas, ni théâtres. Les gens se terraient chez eux ou se déversaient en foule dans les rues. Des cris joyeux, sauvages, partout des coups de feu en l’air. Et des automobiles, toutes sortes d’automobiles.

18 Ibid., p. 299. 19 Ibid., p. 327. 20 Ibid., p. 392.

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(…) Et on se hâte, on se hâte, allez savoir vers où, vers quoi – étudiants armés de fusils, matelots armés de fusils, femmes armées de fusils. Dans les rues, les coups de feu crépitent, sans discontinuer, on ne sait plus qui tire sur qui. Pendant la fusillade, les piétons se recroquevillent contre les maisons. Le soir, la foule se raréfie. Beaucoup restent chez eux, éteignant même la lumière ou baissant les rideaux, allumant les lampes les plus faibles, les veilleuses. (…) Au bout du compte, chacun des deux millions et demi d’habitants de la capitale se retrouva livré à lui-même : personne pour le diriger, personne pour le défendre. Les criminels libérés et la populace font désormais la pluie et le beau temps. (…) Or, délivrées de toute police, les idées de la masse mûrissent rapidement : pourquoi ne pas saccager aussi les maisons particulières ? Si l’on ne trouve pas d’officiers dans les appartements, on y saisira du bien, en veux-tu en voilà ! Et l’on se mit à faire la tournée.21

Mardi 13 mars (28 février a.s.)

On ne trouva finalement personne à qui remettre le télégramme du tsar rejetant la démission du gouvernement : les ministres n’avaient pas attendu la réponse et s’étaient tous éclipsés. (…) On avait parfaitement récupéré durant la nuit et, dès le matin, on déferla à nouveau dans les rues, formant des détachements armés à la recherche des ennemis de la révolution. Il y avait aussi les « droit-commun » libérés de la veille – les uns déjà déguisés en soldats, les autres pourvus de fusils – d’heure en heure plus hardis. Et de reprendre ce qui avait clôturé leur soirée de la veille : arrestations, pillages, incendies, beuveries, vengeances et tueries – sur toute l’étendue de la ville, rien ne leur faisait obstacle. Toutes les autorités avaient été balayées, toutes les liaisons coupées, toutes les lois réduites à l’impuissance. (…) Et puis on tire beaucoup partout, sans cible précise, partout il est dangereux de se promener. On tire pour polissonner. Pour libérer, aussi, son excitation nerveuse. Il suffit qu’un soldat appuie par mégarde sur la détente, et aussitôt la fusillade se déclenche dans tout le quartier. Ces tirs incompréhensibles et proches mettent tout le monde à cran. A tout instant la foule passe de l’enthousiasme à la peur et à la haine.22

Mardi 13 mars (28 février a.s.)

Sur la grande flèche de la forteresse Saint-Pierre-et-Saint-Paul, on a hissé le drapeau rouge. Tous regardent, se réjouissent, font part de la nouvelle à ceux qui n’ont pas vu. Exaltant ! La principale citadelle du tsarisme ! C’est qu’il tourmentait les esprits, ce polygone de pierre fortifié étendant largement ses branches au-dessus de la Néva : combien de condamnés politiques y croupissaient-ils ? Déjà la foule s’excite aux portes, elle exige qu’on lui remette les détenus. Enfin on laisse entrer les députés-témoins pour examiner les cellules. Et eux de se convaincre que, bastions et ravelins, tout est vide. Ils font rapport à la foule, on crie quelques « hourras » et on commence à se disperser. (…) A la mi-journée, plus le moindre « adversaire », fini les hostilités ! Plus une seule unité qui ne se soit « ralliée » ; toutes, jusqu’à la dernière, ont rejoint le mouvement, gagnant le palais de Tauride ou y envoyant des délégations. Dans le même temps, les saccages et pillages des magasins et entrepôts sont en augmentation.23

Mardi 13 mars (28 février a.s.)

Dans la soirée, on commence à distribuer un supplément aux Izvestia du Soviet des Députés ouvriers : le Manifeste des bolchéviks. Au soir venant, les pillages d’appartements privés se font de plus en plus fréquents. On frappe à la porte et toute la rue, dirait-on, déferle dans la maison.

21 Ibid., p. 648. 22 SOLJENITSYNE Alexandre, La Roue rouge, Mars dix-sept, t. II, Fayard/Seuil, 1993, p. 53 et 57.. 23 Ibid., p. 139 et 142.

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Mercredi 14 mars (1er mars a.s.)

Sur la Nevski, moins d’automobiles qu’hier, mais le public des piétons et les soldats débridés sont encore plus nombreux. Les voici en foule au beau milieu de la perspective – une ambiance de fête. De nouveau, tous portent du rouge : nœuds, rubans, cocardes plaquées – sur les pattes d’épaules, autour des boutons de capotes, sur les croix de Saint-Georges, les médailles, à la pointe des baïonnettes et, pour les demoiselles, sur les manchons ou la poitrine, coquettement cousus. Il n’y a pas que de l’andrinople, on trouve aussi de la soie. Aux carrefours sont apparus des étudiants miliciens munis de sabres d’officiers confisqués et de brassards blancs portant les lettres MEME (« milice municipale »). Des voix indignées : « Alors quoi, on va encore avoir droit à la police ? Elle est belle, la liberté ! » Mais : les brassards rouges ont plus d’impact que les blancs. Aux rouges, on obéit. Dans tout Pétrograd, c’est la journée de la grande fouille, les perquisitions battent leur plein. On fait irruption dans un immeuble et on passe dans tous les appartements à la file.

Mercredi 14 mars (1er mars a.s.)

Réunie à la bourse Kalachnikov, l’assemblée des imprimeurs a décidé : de ne pas imprimer pour l’instant les journaux bourgeois. Sur résolution du Soviet des Députés ouvriers, ne sont autorisés à paraître que les périodiques qui ne seront pas dirigés contre le mouvement révolutionnaire. De Pétrograd, Rodzianko, président de la Douma et débordé par le mouvement insurrectionnel, informe le général Rouszki, à la Stavka, que « la question dynastique se pose avec acuité » : se précise l’exigence d’une abdication en faveur du fils [du tsar Nicolas II], avec Michel Alexandrovitch pour régent.24

Jeudi 15 mars (2 mars a.s.)

La journée commença à Pétrograd dans une vague grisaille, mais se prolongea ensuite par une gelée légère et un soleil étincelant. Et, comme les fumées des fabriques ne s’étendaient pas sur la ville, l’air était incroyablement, radieusement pur. On n’entendait pas les sirènes d’usines, les tramways ne circulaient pas – la fête ! Et les tirs d’armes étaient devenus peu nombreux, le calme régnait presque. Partout flottaient des drapeaux rouges, sur les maisons d’habitation, les immeubles administratifs, le palais Marie, et plusieurs sur le palais de Tauride. Les drapeaux nationaux de Russie avaient disparu, il n’y en avait plus un seul.25

24 Ibid., p. 406. 25 Ibid., p. 556.

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Cette Pleine Lune du 8 mars 1917 (23 février a.s.), le jour où commencent les manifestations puis

les émeutes à Petrograd, le Soleil se trouve sur l’axe Mars/Hadès au carré de Zeus/Kronos. L’axe Mars/Hadès évoque les notions d’actes ignobles et d’homicides, qui vont se multiplier durant la semaine suivante. Avec Zeus, peut se lire l’implication des soldats, nombreux dans la garnison de la capitale, avec Kronos, celle du gouvernement, incapable de maintenir l’ordre. Zeus/Kronos est relié aux deux mi-points Saturne/Neptune et Uranus/Pluton, significateurs de révolution (depuis le temps de la Révolution française).

Pleine Lune – 8 mars 1917 (23 fév. a.s.)

78 – 10-55 / 33-78

PL – 8 mars 191721h58 TU

17°46 Poissons-ViergePetrograd

S/L – 77°46

MC-MA-ZE-KR // SO/VU – MA/VU – JU/SA - JU/UR – JU/KR - SA/NEUR/PL - NE/ZE – HA/AD - HA/VU - ZE/KR

SA/NE=UR/PL=ZE/KR

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Une semaine plus tard, lors du 3e quartier soli-lunaire, le 16 mars, il n’y a plus de Tsar en Russie

et la dynastie des Romanov est mise hors jeu. Le Soleil est conjoint à Hadès à 25° Poissons et le mi-point MC/AS tombe sur Pluton.

3e quartier – 16 mars 1917 (3 mars a.s.)

40 – 17-62 / 40-85

PL – 16 mars 191712h33 TU

25°21 Poissons-SagittairePetrograd

S/L – 40°21

S/L –MC-HA-PO // SP/VU – MA/VU - JU/SA – JU/UR - SA/NE – UR/PL HA/AD - HA/VU - ZE/KR

a

MC/AS=PL

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L’ABDICATION DU TSAR Le jeudi 15 mars, la grande affaire est celle du pouvoir :

Jeudi 15 mars (2 mars o.s.)

Toute la journée, en divers endroits de Pétrograd, des meetings et des discours politiques : quel sera le pouvoir ? qu’adviendra-t-il du tsar ?26

Le dimanche 11 mars 1917, Michel Vladimirovitch Rodzianko, président de la Douma, adresse

un télégramme pressant à l’empereur Nicolas II :

La situation est sérieuse. L’anarchie règne dans la capitale. Le gouvernement est paralysé. Les transports, le ravitaillement, le combustible sont totalement désorganisés. Le mécontentement général grandit. Une fusillade désordonnée se poursuit dans les rues. Des unités de groupe font feu les unes sur les autres. Il faut charger immédiatement une personnalité jouissant de la confiance du pays de la constitution d’un nouveau gouvernement. On ne peut tarder. Chaque retard est pareil à la mort. J’implore Dieu pour que la responsabilité à cette heure ne retombe pas sur le monarque.

Le lendemain, 12 mars, le président de la Douma envoie une nouvelle missive à l’empereur :

La situation s’aggrave, il faut prendre des mesures immédiates, car demain il sera trop tard. L’heure suprême est arrivée qui doit décider du sort de la patrie et de la dynastie.

Dans la matinée du 13 mars, le Tsar décide de quitter Pskov pour se rendre à Tsarskoïé Selo. Son

voyage, soumis à d’invraisemblables contretemps, dure deux jours et finit par un lamentable retour à Pskov. Dans la soirée du 14 mars, il a un entretien avec le général Nicolas Rouzski. Le lendemain, jeudi 15 mars, à 2h du matin, le Tsar fait à nouveau appeler le général Rouzski et lui remet un décret sur le ministère responsable. Dans la matinée, le général Rouzski soumet à l’empereur la teneur des échanges qu’il avait eus avec les généraux. C’est en fin de compte le général Mikhaïl Alekséïev, chef d’état-major général des forces armées impériales russes, qui se trouvait promu juge suprême de la situation. Par l’entremise de Rodzianko, Alekséïev a été entraîné à mener des pourparlers directs avec la capitale rebelle et s’est laissé convaincre d’être l’instrument de l’abdication du tsar (sans doute dans l’espoir fallacieux qu’ainsi l’ébranlement de l’État ne durerait guère et n’affecterait pas l’armée active. Pressé par tous ses généraux d’abdiquer pour sauver la Russie, le tsar Nicolas cède et écrit au Président de la Douma qu’il est prêt à renoncer au trône en faveur de son fils, le grand-duc Michel Alexandrovitch, frère du tsar, assumant la régence. « Il était trois heures cinq de l’après-midi », écrit Soljénitsyne.27

Comme l’explique Jean-Pierre Arrignon dans un article consacré à ce tragique événement, il y eut en fait trois actes d’abdication de Nicolas II. Une première abdication en faveur de son fils, le tsarévitch Alexis : à 3h de l’après-midi le 15 mars, le Tsar assura que cet acte était signé. Toutefois, moins de trente minutes plus tard, avant que le télégramme qui portait cette information ne fût expédié, Rousski apprit que les députés du Comité de la Douma, Goutchkov et Choulguine, étaient partis pour Pskov. L’empereur changea immédiatement d’idée et retarda la publication de l’acte d’abdication. Le soir même, les deux députés arrivèrent au Haut commandement, à Pskov. Le Tsar fit la déclaration suivante aux députés de la Douma :

Jusqu’à trois heures de cet après-midi, j’étais prêt à abdiquer en faveur de mon fils, mais je compris ensuite que je n’étais pas capable de me séparer de lui. C’est pourquoi j’ai décidé d’abdiquer en faveur de mon frère. 28

Vers minuit, dans la nuit du 16 mars, l’empereur remit aux députés et à Rousski deux copies du

manifeste d’abdication.

26 Ibid., p. 663. 27 Ibid., p. 608. 28 ARRIGNON Jean-Pierre, « L’abdication des Romanov », Les Trente nuits qui ont fait l’Histoire, Belin, 2014, pp. 314.

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Ne voulant pas nous séparer de notre fils bien-aimé, nous remettons notre succession à notre frère le Grand Prince Michel Alexandrovitch, et donnons notre consécration à son avènement au trône de l’État russe.

Une nouvelle fois encore, Nicolas II allait changer d’avis, abdiquant à nouveau en faveur de son

fils et remettant cet acte entre les mains du général Alekséïev :

Tard dans la nuit, le train emportait l’empereur abdicataire à Moguilev. En arrivant à Moguilev, il eut une entrevue avec le général Alekséïev et lui dit, avec une certaine hésitation : « J’ai changé d’avis. Je vous prie d’envoyer ce télégramme à Petrograd ». Sur une feuille de papier, il écrivit, de sa propre main et d’une écriture nette, qu’il consentait à ce que son fils Alexis montât sur le trône. Alekséïev emporta le télégramme mais il ne l’envoya pas. Il était trop tard. Il le garda sur lui et ne le remit au général Denikine qu’à la fin de mai alors qu’il quittait le commandement suprême.29

Par ailleurs, l’abdication en faveur du grand-duc Michel Alexandrovitch n’aboutirait pas, du fait

du renoncement de ce prince à la couronne : vers midi, le vendredi 16 mars, les membres du gouvernement et du Comité provisoire, persuadèrent – excepté Milioukov et Goutchkov - le grand-duc de renoncer. Dans une déclaration publiée le 16 mars, le grand-duc remettait à la future Assemblée constituante le soin de déterminer la forme du gouvernement de l’État russe et il appelait les citoyens à se soumettre au gouvernement provisoire.

Bien que ce soit dans la nuit du 16 mars que la dynastie des Romanov a été effectivement exclue

du pouvoir, la décision d’abdiquer fut prise par le Tsar et annoncée le jeudi 15 mars, à 15h05. C’est donc le moment que nous retiendrons pour dresser le thème de l’abdication.

On retrouve, dans le thème de l’abdication, la double signature de Saturne/Neptune (conjoint à Zeus fin Cancer) et d’Uranus/Pluton (conjoint à Kronos et à Mars/Vulcanus à la fin des Poissons). Une fois encore, le mi-point MC/AS tombe sur Pluton et le Soleil est en conjonction avec Hadès. L’axe Jupiter/Pluton sur Vulcanus est significateur d’une transformation en profondeur qui commence avec force. 29 Ibid., p. 316.

Abdication de Nicolas II15 mars 1917 – 15h05

Pskov

Abdication de Nicolas II

LU-ME-VE-ZE-KR // MA/VU – UR/PL – NE/ZE

SA/NE – 28°02

28 – 5-50 / 28-73

H16 : UR

SA/NE=UR/PL

JU/PL=VU

SO=HA

MC/AS=PL

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Dans sa réflexion sur la révolution de Février, Soljénitsyne porte un jugement sévère sur la capitulation du souverain et sur le renoncement de la dynastie, qui a lâché le trône sans même avoir cherché à livrer combat pour la Russie. A ses yeux, le grand responsable, plus encore que Nicolas II, est le grand-duc Michel :

Ignorant complètement et la Constitution en vigueur, et le Conseil d’État, et la Douma d’État, sans leur accord et sans les avertir, Michel a déclaré le trône vacant et, usant de son pouvoir illusoire, a annoncé de son propre chef des élections à l’Assemblée constituante, en a même fixé par avance les modalités. L’abdication de Nicolas ne mettait pas formellement un terme à la dynastie, elle sauvegardait la monarchie parlementaire. C’est l’abdication de Michel qui a mis fin à la monarchie. Il n’a pas seulement abdiqué, il a fait pire : il a barré la voie à tous les autres éventuels successeurs au trône en remettant le pouvoir à une oligarchie amorphe. On n’avait jamais assisté à un tel déni de la légalité à aucun moment du régime tsariste .30

Dans une sorte de vertige endiablé, le gouvernement provisoire va s’empresser d’annihiler dans la

Russie entière toute forme d’administration. La révolution de Février n’avait eu lieu qu’à Petrograd, puis avait touché Moscou ; mais elle n’allait se répandre aussi facilement que dans la mesure où le tsar avait abdiqué de façon si inopinée pour tout le pays. A l’époque de Février, le peuple n’avait encore nullement oublié ses conceptions monarchiques et n’était guère préparé à la fin du régime tsariste. Quant aux partis démocratiques, qui imaginaient pouvoir canaliser la révolution, ils allaient bientôt faire l’amère expérience d’une forme absolument non démocratique qu’imposèrent à la Russie tout entière Lénine et les bolcheviks :

La monarchie était abandonnée et les partis démocratiques, représentés par des personnalités aussi fortes que celles de Kerenski ou de Milioukov, liées à la maçonnerie patriotique, ont pour leur part sous-estimé la force d’organisation du mouvement révolutionnaire. Ils ont ainsi cru pouvoir encore contrôler la Révolution alors en cours et en restreindre les avancées dans le cadre d’une République parlementaire. L’arrivée à Petrograd de Lénine, le 3 avril 1917, allait montrer les limites de la démocratie face à la Révolution.31

30 SOLJENITSYNE Alexandre, Réflexions sur la révolution de Février, Fayard, 1985, p. 80-81. 31 ARRIGNON Jean-Pierre, op. cit., p. 318.

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UNE REVOLUTION CONFISQUEE Après avoir achevé le troisième « Nœud » de la Roue rouge, « Mars dix-sept », Alexandre

Soljénitsyne a éprouvé le besoin d’exprimer de façon ramassée les conclusions de cette masse de regrettables faits historiques. C’est ainsi qu’il a rédigé, de 1980 à 1983, ses réflexions sur la révolution de Février, publié en français chez Fayard en 1985. Il constate que la révolution a été confisquée par les bolcheviks pour le plus grand malheur de la Russie durant trois quarts de siècle et il fait ressortir les responsabilité des uns et des autres, en commençant par le Tsar Nicolas II et par la classe dirigeante, sans oublier celle de l’Église et de la paysannerie.

Tout d’abord, ce n’est pas par faiblesse matérielle que le trône a cédé, son esprit avait cédé bien avant. Le pouvoir a perdu la révolution de Février avant même qu’elle ait commencé, à cause du traumatisme laissé par la révolution de 1905. La nuit fatale du 14 au 15 mars a été celle de nombreux abandons qui aboutissent à plonger le pays tout entier dans le chaos :

Plusieurs glissements se chevauchent les uns les autres. Le passage à la monarchie constitutionnelle ; la décision du Comité de la Douma de faire abdiquer ce tsar-là ; la concession faite par toute la monarchie et la dynastie en général ; l’accord donné à une Assemblée constituante ; la soumission d’un gouvernement qui n’était pas encore formé au Soviet ; le sabotage de ce gouvernement par l’abolition de tout ordre gouvernemental (qui avait déjà commencé, en fait, par « l’Ordre N° 1 »).32

Cet Ordre N° 1 introduit de nouvelles règles de discipline dans l’armée, exigeant que leurs armes

soient confisquées aux officiers. Il émanait du Soviet des députés ouvriers et soldats et ne s’adressait en principe qu’aux seuls membres de la garnison de Petrograd, mais il se diffusa rapidement dans toute l’armée.

Les leaders de Février ne pensaient nullement qu’ils venaient de donner le jour à une autre révolution qui allait les rattraper et les liquider, eux et leur radicalisme séculaire. Tout le rôle historique des artisans de Février s’est réduit à ce qu’ils ont empêché la monarchie de se défendre, n’ont pas permis qu’elle combatte ouvertement la révolution. La victoire a été confisquée par l’idéologie soviétique, et ainsi les duellistes séculaires ont chu presque en même temps. La monarchie a cessé d’exister le 3 mars, mais le gouvernement provisoire n’a pas exercé son pouvoir une seule heure : il a été renversé dans la nuit du 2 mars par les insoutenables « huit conditions » du Comité exécutif, ou, au soir du 1er, quand dans la salle n° 13 fut promulgué « l’Ordre N°1 » :

Il en résulte que Nicolas II, pour le bien de la Russie, a abdiqué au profit du Comité exécutif du Soviet des députés ouvriers et soldats – autrement dit, d’une bande de vauriens, semi-intellectuels, semi-révolutionnaires, qui n’avaient été élus par personne. Dans la nuit du 1er au 2 mars, Petrograd a fait périr toute la Russie – et ce, pour plus de soixante-quinze ans. 33

Quinze ans durant, au travers d’une effroyable guerre civile, la révolution s’est déchaînée en

Russie, jusque dans les provinces les plus reculées du Caucase et de la Sibérie :

Pourtant, il est incontestable qu’au XXe siècle a eu lieu en Russie une gigantesque révolution, sanglante et irréversible, de portée universelle. Les révolutions sont parfois lentes – mais, une fois amorcées, elles ne s’arrêtent plus, et leur violence, avec le temps, ne fait que se déchaîner. Notre révolution s’est amplifiée de mois en mois en 1917 – pour devenir un mouvement irrésistible : la guerre civile, la terreur tchékiste avec ses millions de victimes, les révoltes paysannes parfaitement spontanées, avec les famines bolcheviques organisées artificiellement dans trente, voire quarante régions, et elle ne s’est achevée que par l’extermination de la classe paysanne et le bouleversement de toute la vie sociale lors du premier plan quinquennal. Ainsi la révolution a déferlé pendant quinze ans. La révolution russe s’est achevée au début des années trente pour être aussitôt reconnue avec respect par le pachyderme de la démocratie occidentale – les États-Unis.34

32 Soljénitsyne, Réflexions sur la révolution de Février, op. cit., p. 121. 33 Ibid., p. 72-73. 34 Ibid., p. 96-97.

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En venant aux causes de la révolution, Soljénitsyne en met deux en évidence : la Grande Guerre et l’incessant conflit entre la société et le pouvoir. C’est la guerre qui a rendu le système particulièrement instable et fragile – une guerre qui fut une tragique erreur pour toute l’Europe de ce temps : on peut dire que l’Europe s’est suicidée le 1er août 1914. Soljénitsyne insiste toutefois sur le fait que ce n’est pas la guerre en soi qui a déterminé la révolution, mais l’ancien et passionné conflit entre la société et le pouvoir que la guerre a exacerbé.

Le Tsar porte sa propre responsabilité dans la débâcle de la monarchie. Soljénitsyne évoque le mot russe zatsatist, qui peut se traduire par un proverbe : « à trop longtemps régner, on finit par oublier que l’on règne ». Par deux fois, Nicolas II a eu le don malheureux d’amener son pays d’un état de prospérité stable jusqu’au bord de l’abîme ; en octobre 1905 et en février 1917. Soljénitsyne ne pardonne pas au Tsar de n’avoir pas véritablement soutenu le grand homme que fut Stolypine qui, après la révolution de 1905, avait réussi à tirer du chaos et la Russie et la dynastie, et le tsar. C’est dans une indécision bien peu souveraine que réside le grand tort de Nicolas II à l’égard du trône – un reproche qui pourrait être adressé également à Louis XVI face à la révolution française. Mais le reproche de Soljénitsyne va plus loin : le Tsar a trahi. Son empire avait des lois fondamentales qui n’autorisaient en aucun cas le monarque régnant à abdiquer. Or Nicolas II, ne suivant que son sentiment paternel, a ignoré la loi. Et cette trahison a entraîné des calamités pour le peuple russe durant trois générations.

Il faut cependant ajouter que cette trahison, due à la faiblesse du souverain, a été favorisée par la perte de conscience nationale des élites. L’intensité de la haine entre la classe instruite et le pouvoir rendait impossibles toute mesure constructive conjointe, tout compromis, toute solution à l’échelle de l’État, elle ne faisait que créer un potentiel de destruction et d’extermination. Soljénitsyne fustige la léthargie de la classe héréditairement privilégiée - la noblesse, les hauts fonctionnaires, les grands-ducs et les militaires de la Garde :

La classe dirigeante avait perdu le sens du devoir, n’était pas trop embarrassée par ses privilèges héréditaires immérités, par les droits exorbitants qu’elle avait gardés après l’affranchissement de la paysannerie. La conscience nationale l’avait abandonnée plus que toute autre classe.35

Mais ceux qui avaient en charge la conduite spirituelle du peuple ont également failli : le clergé

de l’Église synodale, qui s’était depuis deux siècles soumis à la puissante main des empereurs, avait perdu toute responsabilité suprême ; la grande masse du clergé avait perdu son énergie spirituelle et s’était affaiblie. Des séminaires, les novices sortaient en socialistes-révolutionnaires, comme ce fut le cas de Staline. Le déclin de la paysannerie a été la conséquence directe du déclin du clergé. Une partie de la paysannerie s’adonnait à la boisson, l’autre brûlait d’une envie coupable de se partager les biens d’autrui.

Dans le milieu paysan, les renégats se multipliaient, certains encore silencieux, d’autres déjà grandes gueules : c’est précisément au début du XXe siècle que, dans les campagnes russes, on pouvait entendre des blasphèmes inouïs à l’adresse de Dieu et de la Vierge.36

Et dans les villes, l’incroyance était enseignée dans les écoles secondaires depuis les réformes des

années 1860. Soljénitsyne conclut ses réflexions en allant au plus profond, pressentant le sens cosmique de la

révolution :

Tout le XXe siècle a été cette même révolution étendue au monde entier. Elle avait revêtu un sens planétaire, voire cosmique. (…) Là s’est manifesté en raccourci le modèle du développement universel. Le processus d’étiolement de la conscience nationale face au « progrès » général était aussi à l’œuvre en Occident, mais de façon mesurée, siècle après siècle, et son dénouement est encore à venir.

35 Ibid., p. 111. 36 Ibid., p. 114.

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On ne peut être que frappé par l’amoncellement de mi-points puissants et significatifs qui se

présentent au moment de l’Ingrès de Bélier 1917 sur la zone de 28° des signes Mutables. Cette masse s’articule autour du carré Mars-Pluton et de l’opposition Hadès-Poséidon et trouve son foyer dans l’axe Admète/Poséidon, que nous définirons comme le « pivot des Transneptuniens », c’est-à-dire l’axe qui se situe, pour plus d’un siècle au cœur du système des Transneptuniens considéré en lui-même. Nous aurons de revenir sur ce point dans nos séminaires virtuels consacrés aux cycles et aux mi-points des Transneptuniens. En outre, à ce moment-là, Eris transite exactement sur l’axe Hadès/Admète – qui renvoie à la plus haute antiquité, au passé le plus lointain. Or, c’est à 28° Poissons que se situe le vingtième et dernier des « centres actifs » qui s’étalent, selon des espaces en relation avec la série de Fibonacci, sur toute la distance qui s’étale entre le Soleil et les ultimes confins du système solaire, dans la zone dénommée « Nuage d’Oort ». Cet ultime centre, nous l’avons baptisé, Paul Bernard et moi-même, Eschaton37 – nom dont la résonance « eschatologique » est évidente. Ces brèves considérations ouvrent à une méditation sur la dimension eschatologique des événements de l’année 1917 – que ce soit la révolution en Russie, les apparitions mariales de Fatima ou le Retour des Juifs en Israël, proclamé par la déclaration Balfour du 2 novembre 1917. A ces deux derniers événements, nous consacrerons prochainement deux numéros de la RAM-Histoire.

Il a suffi, en février 1917 de cinq jours (du jeudi 8 au lundi 13 mars) pour que tout s’écroule. Ce lundi, tout va basculer, la capitale va être livrée à l’anarchie et à une violence aveugle. Soljénitsyne illustre cet évanouissement de l’ordre ancien par un épisode saisissant. Le colonel Koutépov, qui a réussi dans la matinée à regrouper des troupes fidèles au gouvernement sur le Litéiny Prospekt, une grande avenue perpendiculaire à la Perspective Nevski et qui conduit au Palais de Tauride où siègent la Douma et les forces révolutionnaires, se retrouve dans la soirée complètement isolé, ses derniers effectifs étant en débandade et réfugié avec lui dans un immeuble, alors que, depuis plusieurs heures, le gouvernement ne répond plus au téléphone. 38

37 Cf. BERNARD Paul, « Ordonnance astrale », RAM n° 1 - http://ridoux.fr/spip/IMG/pdf/-42.pdf 38 SOLJENITSYNE, Mars dix-sept, t. I, p. 518-519.

Zone sensible – 28° Mutables - 1917

88 – 20-65 / 43-88

AD/PO – 87°35

Eris - PL // AD/PO – KR/AP – ZE/VU – HA/AD – UR/KR – SA/VU – JU/UR - MA/HA

Ingrès Bélier21 mars 19174h37m08s TU

28° Mutables - Eschaton AD/PO : Pivot des Transneptuniens

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Si les choses sont allées si vite, c’est que l’édifice était bien vermoulu, que tous – ou presque - étaient déjà « contaminés ». Désormais, la place est libre pour Lénine, qui débarque le 6 avril à la gare de Finlande. Il est porteur d’une idée-force, qu’il a exprimée dès le début de la guerre, en août 1914 : transformer la guerre impérialiste en guerre civile européenne. Cette guerre civile, elle sera effective en Russie, dès la prise du pouvoir par les bolcheviks et jusqu’en 1921, causant 13 millions de morts – chiffre plus élevé que celui des morts russes durant la Grande Guerre – sans compter l’effroyable famine qui s’ensuit, causant encore d’autres millions de morts. C’était le début du communisme. Il allait, telle l’étoile Absinthe (jusqu’à Tchernobyl), infester le tiers de la planète, sur tous les continents. Il demeure encore la doctrine officielle de la puissance la plus peuplée du monde, la Chine. Il règne encore en sourdine dans nombre d’esprits occidentaux – comme le déplorait Soljénitsyne dans son Discours de Harvard, et il semble bien qu’aujourd’hui le mondialisme ait pris le relais, avec ses grands-prêtres, qui prêchent un gouvernement mondial et une sorte de religion athée universelle sous la forme d’un syncrétisme religieux.

Charles Ridoux

Amfroipret, le 28 février 2017