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3 e CONGRÈS EN SP PÉDIATRIQUES – MONTRÉAL Médecine palliative 69 N° 1 – Février 2007 Med Pal 2007; 6: 69-75 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Accompagner un parent en deuil après le suicide d’un enfant Christophe Fauré, Maison Médicale Jeanne-Garnier et à l’unité de Soins palliatifs de l’Hôpital Paul-Brousse, Paris. Le suicide emporte, en France, 12 000 personnes par an. Il représente la deuxième cause de décès pour la tran- che d’âge des 15-24 ans et la première pour les 25-35 ans. On dénombre également plus de 160 000 tentatives de sui- cide par an et environ 2 millions de personnes traversent, chaque année, une crise suicidaire. Par ailleurs, lorsqu’un suicide survient, on estime que le nombre de personnes directement endeuillées est de 5 en moyenne. Cela signifie que, chaque année, près de 60 000 personnes sont tou- chées de plein fouet par la violence du suicide. Sachant que la douleur de ce deuil s’étend sur plusieurs années, il ressort que plusieurs centaines de milliers de personnes sont actuellement en proie à la souffrance liée à la perte d’un être cher par suicide. Or, un constat s’impose : peu d’études, peu d’écrits s’intéressent à ces personnes. Que vivent-ils ? À quels enjeux spécifiques doivent-ils faire face ? Comment les aider sur ce chemin ? Cet article invite le lecteur, qu’il soit professionnel de santé ou bénévole, à s’arrêter sur les particularités du deuil après suicide tel que le vit un parent après le décès d’un enfant, ainsi que des pistes pour l’accompagner au fil du temps. Le deuil après suicide : un deuil traumatique Le deuil après suicide entre dans la catégorie des deuils traumatiques. En effet, deux processus psychiques peuvent potentiellement se déployer après le suicide d’un proche : – le processus de deuil à proprement parler, en tant que mécanisme naturel et incontournable de cicatrisation psychique ; un processus traumatique qui a sa dynamique propre. Le syndrome de stress post-traumatique Le risque inhérent au processus traumatique est la sur- venue d’un syndrome de stress post-traumatique (SSPT ou PTSD : post-traumatique stress disorder) dont les critères diagnostiques doivent être systématiquement recherchés dans le cas de deuil après mort violente. Le SSPT a en effet le pouvoir d’interférer fortement avec le déroulement du processus de deuil. Selon une étude américaine, la pré- valence du SSPT, 5 ans après la mort violente d’un enfant (suicide, accident ou homicide) est de 27 % pour les mères (contre 9,5 % dans la population générale) et de 12 % pour les pères (contre 6,3 %). Dans le cadre du suicide de l’enfant, les proches ayant découvert, par surprise, le corps de la personne morte (ou en train de mourir) sont le plus exposés au risque de SSPT. Son apparition est possible dans les 2 à 3 mois après le traumatisme, parfois beau- coup plus tard. Le SSPT se caractérise par : 1. la réactivation (très chargée émotionnellement) de l’événement traumatique sous forme de « flashs », d’ima- ges intrusives, de cauchemars à répétition (images récur- rentes de l’adolescent pendu dans sa chambre) ; 2. des conduites d’évitement de toutes les circonstances qui, de près ou de loin, sont en lien avec l’événement trau- matique (exemple : évitement du métro, car l’enfant s’est jeté sur les rails). De même, évitement et/ou retrait social du fait d’un ressenti intérieur qu’il est difficile d’exprimer ou de partager avec autrui. Cette difficulté d’expression ex- pose la personne traumatisée au risque de ne pas pouvoir « métaboliser » psychiquement ses affects. Le risque de dé- compensation dépressive n’est pas négligeable ; 3. l’hypervigilance. Les personnes se retrouvent dans un état de stress chronique où est, notamment, redoutée la récurrence de l’événement traumatique initial. Elles dé- crivent un état constant de tension intérieure qui les rend vulnérables et facilement irritables, parallèlement à de grandes difficultés de concentration ou de mémorisation (exemple : sentiment de panique lorsqu’elles entendent la sirène des pompiers, en écho à leur intervention le jour du suicide). Il peut en résulter des troubles anxieux, des troubles du sommeil. Le recours excessif aux médicaments ou à l’alcool à visée anxiolytique et/ou antidépressive est fréquent. Le SSPT doit parfois être la première tâche de l’ac- compagnant quand le parasitage traumatique occupe le devant de la séance et qu’il bloque, de façon plus ou moins importante, l’élaboration du travail de deuil. On constate souvent que la levée du SSPT permet au proces- sus de deuil de (re)prendre son cours, de façon presque « organique ». Nous aborderons plus loin les modalités de prise en charge du SSPT. Fauré C. Accompagner un parent en deuil après le suicide d’un enfant. Med Pal 2007; 6: 69-75. Adresse pour la correspondance : Christophe Fauré, Maison Médicale Jeanne-Garnier, 110, avenue Émile Zola 75015 Paris. e-mail : [email protected]

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© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Accompagner un parent en deuil après le suicide d’un enfant

Christophe Fauré, Maison Médicale Jeanne-Garnier et à l’unité de Soins palliatifs de l’Hôpital Paul-Brousse, Paris.

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e suicide emporte, en France, 12 000 personnes paran. Il représente la deuxième cause de décès pour la tran-che d’âge des 15-24 ans et la première pour les 25-35 ans.On dénombre également plus de 160 000 tentatives de sui-cide par an et environ 2 millions de personnes traversent,chaque année, une crise suicidaire. Par ailleurs, lorsqu’unsuicide survient, on estime que le nombre de personnesdirectement endeuillées est de 5 en moyenne. Cela signifieque, chaque année, près de 60 000 personnes sont tou-chées de plein fouet par la violence du suicide. Sachantque la douleur de ce deuil s’étend sur plusieurs années, ilressort que plusieurs centaines de milliers de personnessont actuellement en proie à la souffrance liée à la perted’un être cher par suicide. Or, un constat s’impose : peud’études, peu d’écrits s’intéressent à ces personnes. Quevivent-ils ? À quels enjeux spécifiques doivent-ils faireface ? Comment les aider sur ce chemin ? Cet article invitele lecteur, qu’il soit professionnel de santé ou bénévole, às’arrêter sur les particularités du deuil après suicide tel quele vit un parent après le décès d’un enfant, ainsi que despistes pour l’accompagner au fil du temps.

Le deuil après suicide : un deuil traumatique

Le deuil après suicide entre dans la catégorie des deuilstraumatiques. En effet, deux processus psychiques peuventpotentiellement se déployer après le suicide d’un proche :

– le processus de deuil à proprement parler, en tantque mécanisme naturel et incontournable de cicatrisationpsychique ;

– un processus traumatique qui a sa dynamique propre.

Le syndrome de stress post-traumatique

Le risque inhérent au processus traumatique est la sur-venue d’un syndrome de stress post-traumatique (SSPT ouPTSD : post-traumatique stress disorder) dont les critèresdiagnostiques doivent être systématiquement recherchésdans le cas de deuil après mort violente. Le SSPT a eneffet le pouvoir d’interférer fortement avec le déroulementdu processus de deuil. Selon une étude américaine, la pré-

valence du SSPT, 5 ans après la mort violente d’un enfant(suicide, accident ou homicide) est de 27 % pour les mères(contre 9,5 % dans la population générale) et de 12 %pour les pères (contre 6,3 %). Dans le cadre du suicide del’enfant, les proches ayant découvert, par surprise, le corpsde la personne morte (ou en train de mourir) sont le plusexposés au risque de SSPT. Son apparition est possibledans les 2 à 3 mois après le traumatisme, parfois beau-coup plus tard.

Le SSPT se caractérise par :1. la réactivation (très chargée émotionnellement) de

l’événement traumatique sous forme de « flashs », d’ima-ges intrusives, de cauchemars à répétition (images récur-rentes de l’adolescent pendu dans sa chambre) ;

2. des conduites d’évitement de toutes les circonstancesqui, de près ou de loin, sont en lien avec l’événement trau-matique (exemple : évitement du métro, car l’enfant s’estjeté sur les rails). De même, évitement et/ou retrait socialdu fait d’un ressenti intérieur qu’il est difficile d’exprimerou de partager avec autrui. Cette difficulté d’expression ex-pose la personne traumatisée au risque de ne pas pouvoir« métaboliser » psychiquement ses affects. Le risque de dé-compensation dépressive n’est pas négligeable ;

3. l’hypervigilance. Les personnes se retrouvent dansun état de stress chronique où est, notamment, redoutéela récurrence de l’événement traumatique initial. Elles dé-crivent un état constant de tension intérieure qui les rendvulnérables et facilement irritables, parallèlement à degrandes difficultés de concentration ou de mémorisation(exemple : sentiment de panique lorsqu’elles entendent lasirène des pompiers, en écho à leur intervention le jourdu suicide). Il peut en résulter des troubles anxieux, destroubles du sommeil. Le recours excessif aux médicamentsou à l’alcool à visée anxiolytique et/ou antidépressive estfréquent.

Le SSPT doit parfois être la première tâche de l’ac-compagnant quand le parasitage traumatique occupe ledevant de la séance et qu’il bloque, de façon plus oumoins importante, l’élaboration du travail de deuil. Onconstate souvent que la levée du SSPT permet au proces-sus de deuil de (re)prendre son cours, de façon presque« organique ». Nous aborderons plus loin les modalitésde prise en charge du SSPT.

Fauré C. Accompagner un parent en deuil après le suicide d’un enfant. Med Pal

2007; 6: 69-75.

Adresse pour la correspondance :

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Les enjeux du deuil après suicide pour les parents

Le deuil après suicide d’un enfant n’est pas un deuil« comme les autres ». Parallèlement à la dimension trau-matique, plusieurs paramètres dont la connaissance est in-dispensable pour un accompagnement de qualité entrenten jeu, légitimant la vigilance particulière à porter à cesparents en deuil.

Les enjeux directement liés au suicide par lui-même

La recherche du « pourquoi ? » et la quête de sens

Cette quête occupe l’espace psychique des parents defaçon majeure pendant des mois et parfois des années. Ellesemble être un passage obligatoire et fait feu de tous bois :le parent passe des heures et des heures à scruter les lettreslaissées par l’enfant, ses e-mails, les messages de sa boîtevocale, il tente d’interroger ses amis proches à la recherched’informations qu’il ignorerait. Bon nombre de parentspoussent leurs recherches jusqu’à l’étude du suicide et despathologies psychiatriques pouvant y conduire (troublesbipolaires, schizophrénie…). Ce temps de recherche s’étendparfois sur des mois, plus rarement des années.

Si cette recherche, parfois obsédante, répond au besoinde donner un cadre intellectuel ou cognitif à l’inconceva-ble, elle est très souvent sous-tendue par l’espoir de trou-ver une explication qui les apaiserait sur le fait qu’ils nesont en rien responsable du décès de leur enfant, alorsqu’ils se désignent comme les premiers fautifs. On devinecombien la culpabilité peut être un moteur déterminantdans cette quête du pourquoi.

Aux dires de certains parents, elle est ressentie commenécessaire à leur survie psychique, même si, finalement,elle s’avère infructueuse… Une étude de Van Dongen

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montre en effet que la « métabolisation psychique » de laperte commence une fois que les membres de la famillese sont eux-mêmes confrontés au fait qu’ils ne trouverontpeut-être jamais de réponses définitives à leurs questions.Même si leur entourage le savait depuis longtemps et sedésolait de leur quête incessante, les parents affirmentqu’ils ont besoin d’arriver eux-mêmes à cette conclusion.

Le deuxième aspect de cette quête est de tenter de don-ner du sens à acte suicidaire et à tout ce qui en découle.

Les enjeux émotionnels

La culpabilité

« Qu’est-ce que je n’ai pas fait ?... Qu’est-ce que je n’aipas compris ?... Qu’est-ce que je n’ai pas vu ?... Je n’ai

pas su l’aider… Je n’ai pas su la protéger… Je n’ai pasété à la hauteur… Et si j’avais su… Et si seulement… » Pourl’immense majorité des parents, la culpabilité constituel’axe majeur autour duquel s’articule la douleur. Elle sefonde sur l’indéracinable présupposé que le suicide pou-vait être prévenu et qu’ils n’ont rien fait – ou pas assez– pour l’empêcher de survenir… Le parent, en tant que« parent » justement, se positionne quasi systématique-ment comme responsable, le suicide étant vécu commel’échec ou l’impardonnable faillite de son rôle parental.C’est en cela que le suicide de l’enfant est capable de gé-nérer une véritable crise identitaire chez le parent en deuil.

La racine du mot « culpabilité » étant

culpa

, la « faute »en latin, voilà donc la « faute » dont ils s’accusent : ne pasavoir pu, ou su, prévenir le suicide. Or, ceci n’est pas sansconséquence : dans notre tradition judéo-chrétienne, s’ily a « faute », il doit y avoir « punition ». Ces « punitions »(qui s’énoncent, par exemple, ainsi : « Je n’ai plus droit aubonheur », « Je ne mérite pas d’être aidé » ou encore « Jemérite de mourir à mon tour »…) touchent le cœur mêmede l’estime de soi. Le parent se dit que s’il/elle avait étéquelqu’un d’autres – sous-entendu un « meilleur » parent– rien de tout cela ne serait jamais arrivé. Bon nombrepointent leurs défaillances, en tant que personnes, commeétant à la genèse du mal-être de leur enfant. Ils se sententalors indignes du moindre succès, de la moindre gratifica-tion, du moindre bonheur à venir. Cela peut aller jusqu’àse mettre en échec dans tout ce qu’ils entreprennent. Ceciinvite à la vigilance car ces « punitions », essentiellementinconscientes, ont une réelle toxicité au niveau psychique.Elles peuvent miner le quotidien du parent en deuil defaçon pernicieuse et durable.

À un autre niveau cependant, d’autres processus en-trent en jeu. De nombreux auteurs, par exemple, pointentavec justesse combien la culpabilité du parent peut êtreprotectrice psychiquement, dans le sens où, endossant unepartie de la responsabilité du suicide de l’enfant, il s’at-tribue implicitement un certain contrôle de la situationqui, autrement, serait vécu comme totalement absurde etsource d’une intolérable impuissance. Face aux vaguesdestructrices de l’absurde et de l’impuissance, face augouffre du vide de sens et de l’éclatement des repères, leparent pose la « digue » de sa propre personne… même sila culpabilité doit en être le point d’amarrage. De même,se désigner comme coresponsable affranchit, en quelquesorte, l’enfant de la pleine responsabilité de son acte ettend à « annuler » l’agression/l’agressivité du geste, agres-sion dont il s’estime victime mais qu’il lui est parfoisimpossible de nommer comme telle (d’où la nécessité del’annuler). De plus, et dans une certaine mesure, cetteculpabilité pourrait aider à restaurer une vision plus maî-trisée et cohérente du monde : je suis responsable, doncil y a au moins quelqu’un à blâmer ; de là, les choses1. Nursing Research 1990 ; 39 : 224-9.

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auraient pu être évitées ; cela met un peu à distance l’idéed’un destin aveugle et implacable… Le prix à payer pouréviter cette vision du Monde est exorbitant, mais ce po-sitionnement permet peut-être de ne pas perdre pied psy-chiquement.

Enfin, on ne peut pas évoquer la culpabilité liée ausuicide sans évoquer celle qui résulte du sentiment de…soulagement dont certains parents parlent à demi-mot etavec beaucoup d’ambivalence. Après des années de lutte,d’angoisse et de perturbations majeures de la vie familiale,le suicide peut être vécu comme la fin du cauchemar,même si, à nouveau, il est souvent impossible de l’accepterou de le reconnaître comme tel.

La colère

Considérons la situation sous cet angle : si quelqu’untuait la personne à laquelle on tient le plus au monde, onressentirait une haine indicible pour le meurtrier. Qu’enest-il alors quand celui qui meurt… est celui qui tue,comme c’est le cas dans le suicide ? Que devient alorsla colère contre l’agresseur ? On se retrouve soudain enporte-à-faux vis-à-vis d’une émotion complexe : je suislégitimement en colère, car « quelqu’un » a tué la personneque j’aime ; mais, agresseur et victime se confondant, jem’interdis – ou je me sens coupable – de l’éprouver, carcela reviendrait à condamner l’objet même de mon amouret de ma souffrance… Ainsi, après le suicide, une questionqui se pose pour certains parents est de savoir quoi fairede cette colère qui se porte sur la personne même dont ilspleurent la disparition. Cette problématique, même si ellene se retrouve pas chez tous les parents en deuil, est unedes composantes spécifiques du deuil après suicide.

La colère, la rancœur ou le ressentiment, inconscientou non, du parent vis-à-vis de l’enfant décédé peut aussirésulter de l’« agression » dont il se sent l’objet. Il ne « ri-poste » pas à l’agression, car c’est inconcevable pour luide condamner son enfant mais elle a néanmoins un impactpsychique indéniable. Elle suscite parfois un sentiment derejet ou d’abandon : le parent souffre à l’idée que son en-fant ait pu agir d’une façon qui fasse aussi peu cas de lui,même s’il comprend intellectuellement que celui-ci étaiten souffrance. Il se trouve devant le fait accompli et c’estsans appel : je t’abandonne et tu n’as rien à dire… Demême, certains parents en deuil traduisent le geste de lapersonne disparue en ses termes : « Je m’en vais, car tonamour n’était pas assez fort pour me retenir. En dépit detes efforts pour prendre soin de moi, je décide de prendreun autre chemin. Ce que tu as fait, ou dit, n’a finalementservi à rien… » Une telle perception du geste suicidaire estbrutale. Partant de là, ils en viennent à douter de la qualitéde l’amour qu’ils ont offerte à l’enfant : « Quand est-il dela valeur de mon amour, s’il ne peut retenir mon enfant à

la vie ? » Le parent peut lui en vouloir de le contraindreà un tel questionnement…

Le risque de décompensation dépressive

Le vécu dépressif est un temps incontournable (et né-cessaire) du processus de deuil. Néanmoins, le deuil aprèssuicide expose davantage à une décompensation dépres-sive avec une majoration du risque suicidaire. En effet, ledeuil par suicide est reconnu comme étant un facteur derisque de passage à l’acte pour les proches endeuillés. Ilsemble que les mères sont les plus vulnérables au risquede décompensation dépressive, même au-delà de 3 annéesaprès le décès. Un diagnostic précoce et un traitementefficace s’imposent sans tarder.

Les enjeux familiaux

Le suicide de l’enfant met le système familial en étatde stress majeur, même si ce dernier l’était déjà avant lesuicide. Il bouleverse son organisation et ses lignes deforce de façon durable. Les parents en deuil sont très fré-quemment confrontés (ou ils le sont directement par leursautres enfants) à la légitimité et surtout à la pertinencede l’éducation prodiguée aux enfants jusqu’à maintenant.Le suicide de l’enfant est perçu comme le tragique désaveude leur système éducatif. Les conséquences sont multiples.Il peut, par exemple, en résulter une très sérieuse remiseen question de l’autorité parentale par les membres de lafratrie restants, ces derniers pouvant être tentés, plus oumoins consciemment, de tirer profit de cette vulnérabilitéparentale. Les parents, eux-mêmes, peuvent osciller entreune attitude trop permissive vis-à-vis des autres enfants,si, de leur point de vue, ils s’étaient montrés auparavanttrop stricts ou, au contraire, une position trop rigide et« serrée », s’ils estiment ne pas avoir assez donné de limi-tes à l’enfant disparu. La fratrie peut être déstabilisée parce changement soudain du cadre éducatif.

Il faut être vigilant à l’impact d’une idéalisation tropmassive, par les parents, de l’enfant suicidé (souvent mo-tivée et majorée par leur culpabilité). Elle peut véhiculerune subtile disqualification des autres enfants de la fratriequi ont le sentiment de ne jamais pouvoir être à la hauteurdes attentes de leurs parents, maintenant que la barre aété placée si haut. Je fais ici écho aux propos d’un jeuneado après le suicide de son frère : « Il n’y en a que pourlui maintenant ; nous, on est transparent ! J’ai des foisl’impression qu’il faut être mort pour exister vraimentdans cette famille… »

Au sein du couple, le suicide de l’enfant est loin d’êtresans conséquence, mais un paramètre essentiel à l’éven-tuelle fragilisation du couple est l’existence de difficultés

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relationnelles préexistantes au suicide de l’enfant. Dansce cas, si la relation éclate après le décès, le deuil ne doitêtre perçu que comme un facteur aggravant et favorisantet non pas comme l’élément causal. Le couple va tenterde « gérer » sa souffrance avec les moyens de communi-cation dont il dispose : comment vont-ils parvenir à nom-mer les éventuels reproches vis-à-vis de telles ou tellesattitudes envers l’enfant disparu ? Comment vont-ilsprendre soin mutuellement d’eux-mêmes quand l’unprend l’autre pour cible de sa colère ou qu’il tente de leculpabiliser ? Comment supporter au quotidien le regardde l’autre quand on est soi-même submergé de doutes oude honte ? Une aide spécifique, centrée sur le couple, s’im-pose parfois.

Les enjeux sociaux

Dans les siècles passés, le suicide d’un proche jetait l’op-probre sur sa famille : la personne suicidée ne pouvait pasbénéficier d’obsèques religieuses et son entourage se voyait,entre autres, confisquer les biens du défunt. Le suicide mar-quait la famille du sceau de l’infamie. Aujourd’hui encore,il reste, dans notre inconscient collectif, des réminiscencesde cette stigmatisation sociale. Ce ressenti intervient forte-ment dans la capacité des parents à parler ouvertement etlibrement du suicide de leur enfant, avec la crainte d’êtredésigné comme un parent incompétent ou dysfonctionnel.Par ailleurs, rien dans notre éducation ne nous enseignedes codes de communication autour du deuil après suicide.Privées de ces repères, beaucoup de personnes de l’entou-rage prennent peur et battent en retraite. La perceptiondouloureuse de cette défection d’autrui majore le sentimentde stigmatisation sociale.

La honte est l’affect principal qui découle de ce res-senti, justifié ou non, de stigmatisation.

« Ma belle-mère est restée 3 mois sans sortir de chezelle ! » confie une jeune femme « 3 mois sans même allerchercher son courrier, de peur qu’elle croise quelqu’undans la rue. Elle portait en elle une honte énorme et necessait de répéter : « Qu’est-ce que les gens vont penserde moi, maintenant que mon fils s’est suicidé ? ! »

Quand elle est présente, la honte peut constituer unfardeau supplémentaire et un point d’ancrage significatifà la douleur du deuil. La honte a la même racine étymo-logique que « honnir » : vouer quelqu’un à l’opprobrepublic, à la désapprobation générale. Elle a pris le sens dedéshonneur au

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e siècle. Le sentiment de honte émergequand on montre à autrui une image de soi dégradée etdévalorisée par rapport à celle qu’on voudrait donner.La honte est donc en lien direct avec l’image de soi etcomment on pense être perçu par autrui. Elle résulte de

la conviction d’être vu par autrui de façon négative : « J’ail’impression que tout mon être est exposé et jugé. C’estcomme si toutes mes failles étaient mises à jour. » On n’aalors qu’une envie : se cacher, se soustraire aux regardsd’autrui ! Alors que la culpabilité renvoie à une « faute »qu’on aurait commise, mais qui n’engloberait pas néces-sairement la totalité de sa personne, la honte va plus loin :elle remet profondément en question la personne dans sonensemble. À cet égard, la honte est psychiquement plusnocive que la culpabilité.

Hormis son caractère délétère au niveau psychique, lahonte contribue fortement à l’auto-exclusion des person-nes en deuil après suicide. Se sentant, à tort ou à raison,jugées par autrui et indignes de l’aide qu’on leur propose,elles ont davantage tendance à s’exclure des réseaux desoutien disponible et cela vient renforcer leur impressiond’isolement et d’abandon. L’exemple suivant illustre cettedynamique : voici une mère dont le premier enfant s’estsuicidé. Au fil du temps, elle constate que les autres pa-rents lui confient de moins en moins leurs propres enfantspour que ceux-ci viennent jouer le mercredi avec sa petitedernière. Persuadée elle-même qu’elle a été une mauvaisemère parce que sa fille aînée s’est suicidée (point de départd’une projection inconsciente), elle en vient à la conclu-sion (erronée) que les autres parents la considèrent commeincapable de prendre soin d’un enfant puisque sa proprefille s’est tuée ! Elle en éprouve, en silence, honte et colère.Des mois plus tard, lors d’une conversation à cœur ouvert,un parent lui confie qu’après le décès de l’enfant, il n’osaitplus lui envoyer sa propre fille, de crainte que sa présencene réactive chez elle, jeune mère en deuil, la douleurd’avoir perdu un enfant. Un autre parent lui expliquequ’elle ne voulait pas être intrusive en lui imposant lacharge de trop d’enfants à s’occuper : « Je pensais que tuavais besoin de calme et de solitude, mais que tu n’osaispas nous le dire ! » Cette mère ne se trompait pas quandelle constatait que les autres parents ne lui confiaient plusleurs enfants, mais c’est son interprétation qui étaitfausse : au bout du compte, personne ne la condamnait,si ce n’est elle-même ! Ne remettant pas en question lapertinence de son interprétation, cette jeune femme estrestée, pendant des mois, convaincue que les autres l’ex-cluaient, alors qu’ils essayaient seulement de la préserver.

Aider un parent en deuil après suicide

Comme dans tout accompagnement de deuil potentiel-lement à risque, il est toujours utile de solliciter plusieursressources à la fois, qu’il s’agisse d’« aidants naturels »,de professionnels et/ou de membres du monde associatif.Nous aborderons deux modalités d’aide : les groupes de

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parole pour personnes en deuil et l’aide individuelle (quidoit être professionnelle dans certains cas).

Les groupes de parole

L’impact des groupes d’entraide de parents en deuil(tous deuils confondus) n’est plus à démontrer. Néan-moins, dans les groupes « généralistes », certains parentsendeuillés par le suicide ont des difficultés à se retrouverdans les récits des parents ayant vécu la maladie graveou ayant perdu leur enfant suite à un accident. Les ques-tions autour de la culpabilité, par exemple, ou encoreautour de la remise en question du rôle parental ne seposent pas de la même manière. Ainsi, quand les moyenshumains et financiers sont à disposition, la mise en placede groupes spécifiques pour parents endeuillés par le sui-cide est susceptible de répondre à leurs besoins spécifi-ques. Il est reconnu que les parents qui participent à ungroupe d’entraide (suite à la mort violente d’un enfant)ont 4 fois plus de chances de « donner du sens » à l’évé-nement traumatique, par rapport à des parents qui neprennent part à aucun groupe. Or, on sait que donner dusens est un facteur pronostic favorable à l’issue du deuil.

L’aide individuelle

Elle se décline sur trois axes.

Les aspects « techniques »

Il est essentiel de systématiquement rechercher les cri-tères diagnostiques du

syndrome de stress post-traumatique,

car il requiert une prise en charge spécifique qui dépassele simple cadre de l’accompagnement du deuil. Ceci né-cessite une expertise professionnelle. Les modalités de cestraitements ne seront pas développées ici. Pour mémoire,l’INSERM préconise 3 approches : les thérapies cognitiveset comportementales, les traitements par les antidépres-seurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et la thé-rapie EMDR. Je pratique, par ma part, l’EMDR auprès depersonnes traumatisées par le fait d’avoir découvert lecorps de leur proche suicidé et qui ont développé, par lasuite, un SSPT. Je dois reconnaître que l’EMDR est capabled’apporter d’étonnantes améliorations cliniques.

Le corps porte aussi le deuil ! Il faut donc systémati-quement faire le point au niveau somatique et ceci surla durée. On sera attentif aux pathologies somatiquespréexistantes (risque de décompensation au cours du deuil– jusqu’à un ou deux ans après le décès ! – plus parti-culièrement pour les pathologies cardio-vasculaires). Ilconvient de faire régulièrement le point sur l’hygiène devie « de base » du parent en deuil, à l’affût de toute né-gligence de soi susceptible d’avoir une incidence sur sasanté et sa qualité de vie. Il ne faut pas hésiter à l’orientervers les thérapies corporelles alternatives comme les mas-sages, l’acupuncture, la relaxation…

Une

prescription médicamenteuse

peut s’imposer encas de troubles du sommeil persistants ou de troublesanxieux parasitant le fonctionnement au quotidien. Letraitement antidépresseur n’est justifié qu’en cas de dé-pression clinique avérée et d’autant plus qu’il existe desidées suicidaires récurrentes ou relativement élaborées, ledeuil après suicide, nous venons de le voir, exposantdavantage au risque de passage à l’acte. Incidemment, onsera attentif à toute attitude de mise en danger de soi(conduite dangereuse en état d’ébriété, sports extrêmes,ou, à un autre niveau, des comportements comme le « sa-botage » de sa vie professionnelle…) qui peut être autantd’équivalents-suicidaires sur lesquels le parent gagneraità être interpellé… Enfin, il faut systématiquement explorerla consommation d’alcool ou le recours aux drogues àvisée antidépressive ou anxiolytique et proposer, le caséchéant, une prise en charge

ad hoc

en parallèle.

Les aspects cognitifs

Partant du constat que notre société s’est coupée dusavoir ancestral de l’accompagnement de fin de vie et dudeuil, il est souvent très utile de prendre le temps d’ap-porter au parent en deuil des données factuelles sur leprocessus de deuil, en tant que mécanisme psychique avecdes étapes et une chronologie assez bien définies. Sansprétendre pouvoir faire l’économie de la souffrance inhé-rente au deuil, l’expérience montre que cet apport cliniquea un impact très positif sur la personne en deuil, l’aidantainsi à structurer et « normaliser » un vécu intérieur quine lui semble être que chaos et confusion. La conscienceque « ce que je vis est normal et est partagé par autrui »est vécue comme rassurante. On peut également évoquerles différentes stratégies ou « outils » communément uti-lisés par les personnes en deuil : la mise en œuvre derituels, le recours à l’écriture, les attitudes aidantes faceaux vacances, aux dates anniversaires, face égalementaux possessions de la personne disparue… etc. L’idée estd’enrichir la gamme de ressources disponibles pour faireface à la souffrance et d’aider à l’intégration la plus har-monieuse possible de la perte.

Dans leur démarche de quête du « pourquoi ? », cer-tains parents éprouvent la nécessité de s’informer sur lesuicide et ses causes et sont ainsi demandeurs de donnéescliniques qu’il peut être intéressant de partager avec eux.Ce partage peut contribuer, dans certains cas, à renforcerl’alliance thérapeutique.

L’accompagnement psychologique

La tâche principale du thérapeute/accompagnant estd’aider le parent en deuil à répondre, du mieux possible, àce qui a été identifié comme les 6 besoins fondamentauxde la personne en deuil, en plus des enjeux spécifiquesabordés plus haut. Il est clair que ce travail nécessite des

Médecine palliative

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N° 1 – Février 2007

Accompagner un parent en deuil après le suicide d’un enfant

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années pour être mené à bien, sans que cela soit incompa-tible avec le retour à un niveau de fonctionnement intel-lectuel, émotionnel, social et professionnel satisfaisant.Nous allons les aborder ici brièvement :

Reconnaître et comprendre la réalité du décès

Étape essentielle initiant, en quelque sorte, le proces-sus de deuil, elle peut être parasitée par l’intensité de larecherche du « pourquoi ? ». Cette étape est difficile à dé-passer quand il existe, de la part de l’un ou l’autre desparents, un déni de la réalité du suicide, ce dernier étant,par exemple, qualifié d’« accident ». Ce positionnement acertes pour finalité de court-circuiter le douloureux ques-tionnement que génère le suicide, mais cet espoir est vain.Le déni du suicide et/ou le silence qui l’entoure sontmalheureusement à l’origine des « secrets de famille » quiminent l’inconscient familial pendant des décennies.

Ressentir et exprimer les émotions du deuil

Ceci est le cœur du travail de deuil dans les premiersmois et demande de la part de l’accompagnant une infiniepatience. En ce qui concerne la culpabilité, il est souventnécessaire de s’attarder longuement sur les cognitions né-gatives qui l’alimentent, en tentant de les mettre en pers-pective et sans pour autant que le parent ressente cettedémarche comme une tentative d’invalider ou de disqua-lifier le ressenti de sa culpabilité. Il en va de même pourla colère ou la honte.

Se mettre en lien avec autrui

Il est désormais bien établi que la perception subjec-tive d’un réseau de soutien de qualité est un facteur pro-nostic très favorable dans le déroulement du deuil. Cettemise en lien avec autrui doit être encouragée. Ce mouve-ment est parfois contrecarré par la tendance à l’auto-exclusion dont nous avons déjà souligné l’importancedans le paragraphe consacré à la honte. Le recours à desgroupes de parole de personnes en deuil par suicidepermet parfois de contourner cet écueil.

Également, le travail avec le parent en deuil veillera àévaluer les modalités de la réorganisation familiale depuisle décès. Si des dysfonctionnements préoccupants tendentà apparaître (sous le joug, par exemple, de non-dits entreles membres de la famille, d’une agressivité rampante oude la désignation de boucs émissaires), il peut être discutél’indication d’une thérapie familiale. Il en va de même pourune thérapie/

counseling

de couple si la relation se trouvesérieusement mise en danger ou si la communication s’esttrouvée interrompue depuis le suicide.

Enfin, dans une tout autre mesure, il peut s’avérer utiled’aborder l’impact du suicide sur la vie spirituelle du pa-rent en deuil et de l’aider à identifier un relais compétent

si la question spirituelle est une interrogation importantedans son processus de deuil.

Construire une nouvelle relation avec la personne disparue

Passer d’une relation objective, dans le Monde, à unerelation intérieure, plus subjective, est le propos de cetteétape du travail intérieur. Elle peut rencontrer des obstaclescomme, par l’exemple, l’idéalisation excessive qui im-plante en soi une vision tronquée et fausse de l’être qu’ona perdu. Il en va de même pour la colère ou le ressentiment.Cette reconstruction peut d’ailleurs nécessiter une démar-che de pardon qui s’élaborera longtemps au fil du temps,un pardon accordé… ou un pardon symboliquement reçu.

Construire un nouveau rapport au monde

Un des enjeux de cet aspect du travail de deuil est derestaurer une vision positive du Monde, alors qu’au dé-cours du suicide, celui-ci est perçu comme totalement ab-surde et vide de sens ; un lieu d’insécurité où tout peutdésormais arriver. Une certaine confiance dans le Mondeet dans autrui a souvent besoin d’être reconquise.

Construire une nouvelle identité

C’est un enjeu majeur du travail de deuil. Il a pourobjet la restauration de l’estime de soi, une redéfinitionde ce qui compte désormais et du sens à donner à sa vie.Il serait malheureusement faux d’affirmer que tous lesparents y parviennent, même si on ne dispose que de peude données pour étayer cette affirmation. Néanmoins, àcôté de parents qui s’enlisent dans un deuil sans issue, onen trouve d’autres qui réforment leur existence de façonétonnante. Ils se découvrent une nouvelle ouverture decœur, une capacité insoupçonnée à percevoir et à ac-cueillir la souffrance d’autrui… Entre ces deux extrêmes,tous les cas de figure sont possibles, mais il est faux d’af-firmer que l’issue du deuil après suicide sera nécessaire-ment négative.

Selon l’étude de Murphy et Johnson

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, la reconstructionde soi sera d’autant plus favorable que le parent parvien-dra à donner du sens à la mort violente de son enfant, cequi semble concerner 57 % des parents 5 ans après le décès.En fait, à chaque parent correspond une reconstructionspécifique qui dépendra étroitement de son potentiel derésilience. Cette capacité est le fruit de son histoire de vie,de son éducation, de ses épreuves antérieures, de ses res-sources intérieures et extérieures. Il est clair néanmoinsque, pour chaque parent, rien ne sera plus « commeavant », même si beaucoup lutte pendant des années pourrevenir à un état antérieur… Le suicide a emporté son

2. Death studies 2003 ; 27 : 381-404.

Med Pal 2007; 6: 69-75

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Christophe Fauré

enfant ; le parent doit œuvrer désormais pour qu’il nehappe pas sa propre existence, alors que tout parfois sem-ble l’y inviter. Il se trouve aussi devant le long travail quiconsiste à ne pas réduire la vie de son enfant à son seulsuicide ; d’autres dimensions de son être ont besoin d’êtrerestaurées, honorées, afin de ne pas se focaliser unique-ment sur celles qui parlaient de sa souffrance.

Je vous propose, en guise de conclusion, les proposd’une mère 6 ans après le suicide de son fils de 17 ans.Ils sont le résultat d’un lent cheminement intérieur :

« Après toutes ces années, j’ai compris que c’était luiqui avait choisi de mourir. C’est difficile, mais il faut queje respecte ça, sans juger. J’ai aussi compris que si luiavait fait le choix de mourir, moi, je ne l’avais pas fait etqu’il était légitime pour moi de continuer à vivre. Sa dé-cision ne peut plus déterminer le cours de mon existence.Je n’ai pas choisi de vivre ce drame, mais je peux déciderd’en faire quelque chose qui ait du sens. J’essaie d’honorersa mémoire parce que je fais aujourd’hui de ma proprevie, pour moi-même et pour autrui. »

Pour aller plus loin, consulter Fauré C. La vie après le suicide d’un proche – vivre le deuil et se reconstruire. Paris :Albin Michel (à paraître en 2007).