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Nutr Clin M6tabol 2000 ; 14 : 221-34 © 2000 t~ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits rdserv6s Symposium intervention nutritionnelle Acides gras polyinsatur~s n-3 : anti-catabolisme et prevention de l'insulino-r~sistance Jacques Delarue M#decine 4 et EA-948, CHU de Brest, 29200 Brest, France R~sum~ Les acides gras polyinsatur6s & Iongue chaine n-3 sont synth~tis~s par 1'61ongation et la d6satura- tion de I'acide c~-Iinol6nique ou apportes dans I'alimentation par des produits d'origine marine. IIs s'incorporent dans les phospholipides membranaires, sont les pr~curseurs des eicosandfdes et modulent I'expression de certains g~nes. IIs ont un effet anti-catabolique en inhibant la production de cytokines pro-infiammatoires (TNF-c~, IL-1[3, IL-6) par les macrophages, et en s'opposant & I'action de facteurs cachectisants s6cr6t6s par les tumeurs, lls ont aussi un effet modulateur de la sensibilit6 & I'insuline en pr6venant, chez le rat, I'insulino-r6sistance induite par le r6gime hyperlipi- dique. Cet effet est li6 & un moindre stockage des triglyc6rides musculaires et & un effet sur la signalisation de I'insuline. Chez le diab6tique de type 2, ils ne corrigent pas I'insulino-r6sistance, alors qu'il apparaft que chez I'homme en bonne sante, ils pourraient augmenter I'utilisation du glucose. © 2000 F:ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS cachexie / cancer / DHA / EPA Summary - N-3 fatty acids: effects on catabolism and insulin action. N-3 polyunsaturated fatty acids are produced by elongation and desaturation of ~z-linolenic acid or brought in diet by marine products. They are incorporated in membranes phospholipids, are precur- sors of eicosanoYds, and modulate the expression of some genes. Their anti-catabolic effects results from their inhibiting effect on pro-inflammatory cytokines (TNF-a, IL- l fl, IL-6) by mononuclear cells. They also counteract the effects of catabolic factors secreted by tumours. In rats, when substituted in high fat diet, they prevent insulin-resistance, through a lesser muscular triglycerides accumulation and an effect on insulin signalling. In patients with type 2 diabetes, they have no effect on insulin resistance, but in healthy subjects they increase whole body glucose uptake. © 2000 Editions scien- tifiques et m~dicales Elsevier SAS cachexia / cancer / DHA / EPA / insulin-resistance Les acides gras polyinsatur6s (AGPI) ont trois r61es physiologiques : a) ils s'incorporent darts les phos- pholipides membranaires pouvant en modifier les propri6t6s fonctionnelles, y compris celles d'enzy- mes, de rdcepteurs et de transporteurs inclus dans la membrane cellulaire ; b) ils sont les prdcurseurs de ddrivds oxygdnds: les eicosanoTdes, mddiateurs de l'inflammation, du chimiotactisme et de la coagulation; c) ils modulent l'expression de genes en agissant sur des facteurs de transcription nuc- 16aires. Les AGPI ont des effets divers et ubiqui- taires. Le type et/ou l'amplitude de ces effets 221

Acides gras polyinsaturés n-3 : anti-catabolisme et prévention de l'insulino-résistance

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Nutr Clin M6tabol 2000 ; 14 : 221-34 © 2000 t~ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits rdserv6s Symposium intervention nutritionnelle

Acides gras polyinsatur~s n-3 : anti-catabolisme et prevention de l'insulino-r~sistance

Jacques Delarue

M#decine 4 et EA-948, CHU de Brest, 29200 Brest, France

R~sum~ Les acides gras polyinsatur6s & Iongue chaine n-3 sont synth~tis~s par 1'61ongation et la d6satura- tion de I'acide c~-Iinol6nique ou apportes dans I'alimentation par des produits d'origine marine. IIs s'incorporent dans les phospholipides membranaires, sont les pr~curseurs des eicosandfdes et modulent I'expression de certains g~nes. IIs ont un effet anti-catabolique en inhibant la production de cytokines pro-infiammatoires (TNF-c~, IL-1[3, IL-6) par les macrophages, et en s'opposant & I'action de facteurs cachectisants s6cr6t6s par les tumeurs, lls ont aussi un effet modulateur de la sensibilit6 & I'insuline en pr6venant, chez le rat, I'insulino-r6sistance induite par le r6gime hyperlipi- dique. Cet effet est li6 & un moindre stockage des triglyc6rides musculaires et & un effet sur la signalisation de I'insuline. Chez le diab6tique de type 2, ils ne corrigent pas I'insulino-r6sistance, alors qu'il apparaft que chez I'homme en bonne sante, ils pourraient augmenter I'utilisation du glucose. © 2000 F:ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS

cachexie / cancer / DHA / EPA

Summary - N-3 fatty acids: effects on catabolism and insulin action. N-3 polyunsaturated fatty acids are produced by elongation and desaturation of ~z-linolenic acid or brought in diet by marine products. They are incorporated in membranes phospholipids, are precur- sors of eicosanoYds, and modulate the expression of some genes. Their anti-catabolic effects results from their inhibiting effect on pro-inflammatory cytokines (TNF-a, IL- l fl, IL-6) by mononuclear cells. They also counteract the effects of catabolic factors secreted by tumours. In rats, when substituted in high fat diet, they prevent insulin-resistance, through a lesser muscular triglycerides accumulation and an effect on insulin signalling. In patients with type 2 diabetes, they have no effect on insulin resistance, but in healthy subjects they increase whole body glucose uptake. © 2000 Editions scien- tifiques et m~dicales Elsevier SAS

cachexia / cancer / DHA / EPA / insulin-resistance

Les acides gras polyinsatur6s (AGPI) ont trois r61es physiologiques : a) ils s'incorporent darts les phos- pholipides membranaires pouvant en modifier les propri6t6s fonctionnelles, y compris celles d'enzy- mes, de rdcepteurs et de transporteurs inclus dans la membrane cellulaire ; b) ils sont les prdcurseurs de

ddrivds oxygdnds: les eicosanoTdes, mddiateurs de l'inflammation, du chimiotactisme et de la coagulation; c) ils modulent l'expression de genes en agissant sur des facteurs de transcription nuc- 16aires. Les AGPI ont des effets divers et ubiqui- taires. Le type et/ou l'amplitude de ces effets

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different le plus souvent selon la sdrie ga laquelle ils appartiennent ainsi que selon la longueur de leur chaine carbon6e et le degr6 d'insaturation. Dans cette mise au point, nous d6crirons les mdcanismes impliquds dans les effets anti-cataboliques des AGPI

longue chaine de la s6rie n-3 (AGPI-LC n-3) et dans leurs effets modulateurs de la sensibilit6 l'insuline.

BIOSYNTHI~SE DES ACIDES GRAS POLYINSATURI~S

L'homme peut synth6tiser des acides gras (AG) de novo par la voie de la lipogenese ; cette voie existe dans le foie et dans le tissu adipeux, et, au cours de la lactation, dans la glande mammaire. Les enzymes de la voie de la lipogenese de novo sont les memes dans ces 3 tissus. Elle conduit, fi partir de l'ac6tyl- CoA, produit par la glycolyse, ~ la formation d'acide palmitique (16:0) qui peut subir une 61ongation en acide st6arique (18:0). L'introduction d'une simple

double liaison entre le C-9 et C-10 de l'acide st6a- rique grace g une k9-ddsaturase,, conduit ~ la forma- tion d'acide oldique (18:1 n-9). A la diffdrence de la k9-ddsaturase qui est pr6sente ~t la fois chez les ani- maux et chez les plantes, seules les plantes ont l '6quipement enzymatique permettant d'introduire des doubles liaisons additionnelles au sein de l'acide ol6ique entre la double liaison existante en C-9 et l'extr6mit6 m6thyle terminale (appel6e m ou n) de la chaine carbonde. Une A12-d6saturase convertit l'acide ol6ique en acide linol6ique (18:2 n-6) et une A15-ddsaturase convertit l 'acide linoldique en acide c~-linoldnique (18:3 n-3). Les animaux ne pouvant pas synthdtiser ces deux acides gras, ils doivent etre consomm6s dans leur alimentation d'o~ leur ddnomination d'acides gras essentiels. Par des 6tapes successives d'dlongation et de ddsaturation (figure 1), l~s animaux peuvent convertir le 18:2 n-6 en 20:4 n-g (acide arachidonique ou ARA) via le 18:3 n-6 (acide y-linoldnique) et le 20:3 n-6 (acide dihomo-7-1inol6nique). De son c6t6, le 18:3 n-3 est

A6 dlong A5 EPA dlong n-3 18:3 ~ 18:4 ~ 20:4 ~ 20:5 ~ 22:5

c(-linolOnique dlong

T A15 (plantes) 24:5 | A6 dlong A5 ARA dlong

n-6 18:2 -------~18:3 -~11~ 20:3 ~ 20:4--------~ 22:4

n-9

DHA 22:6

A6 I B-oxydaUon 24:6 DPA 22:5

linol6ique

~lon~eg A 9 ..s) 16:0

palmitique

l malonyl CoAT ,_ ' i ~

acetyl CoA

l . pyruvate o

glucose-6-phosphate

.,oogl t0_,,o ° 24:4 ~ 24:5

A 6 dlong ~ 5 ETA 18:0-----I~ 18:1 ~ 1 8 : 2 ~ 20:2------I~ 20:3

st(~arique ol~ique

Figure L Biosynthbse des acides gras polyinsatur6s ~ longue chatne. 5,6,9,12,15: ddsaturases; 610ng: 610ngase; E P A : acide eicosapenta6noique; A R A : acide arachidonique ; D H A : acide docosahexa6noique ; DPA : acide docosapentadno~que ; ETA : acide eicosatridnofque.

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converti en 20:5 n-3 (acide eicosapentaenoique ou EPA). A partir du 20:4 n-6 et du 20:5 n-3, la voie de formation des acides gras fi plus longue chaine suit une voie m6tabolique comportant 3 drapes d6crites par Sprecher [1]. La premi6re 6tape est une double 61ongation conduisant ~ la formation du 24:4 n-6 et du 24:5 n-3, suivie d 'une A6-d6saturation avec formation du 24:5 n-6 et du 24:6 n-3. Ces deux acides gras, une fois produits dans le reticulum endoplasmi- que, migrent dans les peroxysomes pour y subir une [3-oxydation conduisant ~t un raccourcissement de la chaine carbon6e avec formation du 22:5 n-6 et du 22:6 n-3 (acide docosahexadnoique ou DHA) . Bien que les voies m6taboliques existent pour une d6gra- dation ultdrieure du 22:6 n-3 en 20:5 n-3, cette voie est lente et le devenir prdf6rentiel du 22:6 n-3 est sa migration des peroxy-somes vers les microsomes pour y 8tre estdrifi6 puis incorpor6 dans les mem- branes. La A6-d6saturase qui catalyse la formation du 24:5 n-6 et du 24:6 n-3 pourrait 8tre diffdrente de celle impliqude dans la premiSre 6tape du m6tabo- lisme du 18:2 n-6 et du 18:3 n-3.

Les s6ries n-9, n-6 et n-3 des acides gras polyinsa- tur6s ne sont pas mdtaboliquement interconvertibles chez les mammifSres. Plusieurs plantes d'origine marine, en particulier certaines algues unicellulaires du phytoplancton, out la capacit6 d'dlonguer et de d6saturer le 18:3 n-3 jusqu'?a I 'EPA et au DHA. La consommation de ces algues par les poissons exptique que certains d 'entre eux, en fonction de leur alimentation, aient une teneur de leur foie ou de leur chair particuliSrement 61ev6e en AGPI -LC n-3. De ce fait, les populat ions/ t forte consommation de poissons ~ teneur 61evde en EPA et en D H A out un enrichissement plus 61ev6 de leurs membranes cellu- laires en ces acides gras.

RI~GULATION DE LA SYNTHESE DES AGPI-LC DES SI~RIES n-6 ET n-3

Les A 6 et A5-d6saturases humaines out 6t6 clon6es en 1999 par Cho et al. [2]. La A6-d6saturase est exprimde majoritairement dans le cerveau et le foie, et h u n degr6 moindre dans le poumon, le ceeur et le muscle squelettique. La AS-d6saturase est exprimde majori tairement dans le cerveau, le foie et le ceeur et ~a un degr6 moindre dans le muscle squelettique, le poumon, le placenta, le rein et le pancr6as. Dans l 'ensemble des tissus, l 'expression de I 'ARN rues- sager de la AS-ddsaturase est tr6s infdrieure h celle de I 'ARN messager de la A6-d6saturase. Chez le rat, l 'expression des deux d6saturases est inhibde de 75 % lors d 'une alimentation contenant 10 % d'huile de tournesol ou d'huile de poisson par comparaison

avec une alimentation ddpourvue de lipides ou con- tenant de la trioldine.

L'activit6 de la A6-d6saturase constitue la premiere 6tape rdgulatrice de la format ion des A G P I - L C ?~ partir de leurs prdcurseurs. I1 existe une compdtition des pr6curseurs des sdries n-9, n-6 et n-3 comme substrats de l 'enzyme. Ceci a pour consdquence une augmentation relative de la formation des AGPI-LC d 'une des s6ries aux d6pends de ceux des autres s6ries en cas d 'un apport pr6dominant de l 'acide gras pr6curseur correspondant. L'activit6 de la A6-ddsatu - rase est modul6e par l'insuline, le type d'alimenta- tion et l 'apport en acide linoldique (18:2 n-6). En cas de ddficit d 'apport en acides gras n-3, l 'acide doco- sapentadnoique (22:5 n-6 ou DPA) s'dl6ve ; en cas de ddficit d 'appor t des deux acides gras essentiels, l ' a c i d e e i c o s a t r i 6 n o i q u e (20:3 n-9 ou E T A ) s'accumule. Le rapport triSne/t6tra~ne peut 8tre uti- lis6 comme indice du ddficit en 18:2 n-6 associ6 au d6ficit en 18:3 n-3, mais n'est pas un bon marqueur du d6ficit isol6 en n-3. Dans ce dernier cas, le rap- port D P A / D H A est un meilleur marqueur.

La fourniture d 'ARA, d 'EP A ou de D H A dans l 'alimentation ne reproduit pas les mSmes effets qu 'un apport 6quivalent de 18:2 n-6 ou de 18:3 n-3. Ceci s'explique par le court-circuit de l '6tape de la A6-ddsaturase. Un apport 61ev6 en 18:2 n-6 (huile de tournesol, de ma'fs, de p6pins de raisins, de carthame ou de sdsame), qui caract6rise l 'alimentation occi- dentale, s 'accompagne d 'une diminution de la for- mation de D H A ~a partir du 18:3 n-3 du fait de l'inhibitiorl de l'activit6 de la A6-ddsaturase par exc6s de son substrat d 'une part, et de la comp6tition entre les deux acides gras pr6curseurs d 'autre part. Lors d 'une nutrition entdrale ou parent6rale utilisant comme apport lipidique pr6dominant le 18:2 n-6 sous forme d'huile de soja, l '61ongation/ddsaturation est aussi inhib6e avec pour consdquence une diminu- tion de la fourniture d 'AGPI-LC. De mSme, lors d 'un exc6s d 'apport en 18:3 n-3 (huile de soja, huile de lin, de noix, de colza), la formation d ' A R A est diminude. L ' E P A per se inhibe l'activit6 de la A6-d6saturase, ce qui explique vraisemblablement la diminution de la formation d ' A R A lots de la consommation d'huile d'origine marine fiche en E P A et en D H A et pauvre en ARA.

Depuis les ann6es 1930, la contribution fi l 'apport 6nerg6tique des acides gras de la s6rie n-6 a forte- ment augment6 alors que celle des n-3 a diminu6, de tetle sorte que le rapport A G n-6/AG n-3 dans l'ali- mentat ion occidentale s'est 61ev6. Le rapport 18:2 n-6/18:3 n-3 joue un r61e important dans la capacit6 de synthSse de I 'ARA et du DHA. L 'apport en 18:3 n-3 n6cessaire pour obtenir le mSme effet que l 'apport de D H A varie en fonction de l 'apport de 18:2 n-6, de l 'apport 6nergdtique total et de la four-

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niture des autres AG. Des 6tudes sugg6rent que pour un apport de 18:2 n-6 repr6sentant 5 % de l 'apport 6nergdtique, 10 % de l 'apport en 18:3 n-3 est converti en AGPI -LC n-3 [3]. Une augmentation de l 'apport en 18:2 n-6 de 4,7 % fi 9,3 % de l 'apport 6nerg6tique rdduit de 50 % la conversion du 18:3 n-3 en AGPI -LC n-3 [4].

INTERRELATIONS ENTRE AGPI ET VOlE DES EICOSANOIDES

Les A G P I sont incorpords dans les phospho- lipides membrana i r e s et par t ic ipent ~ des fonc- tions cellulaires. Les pr inc ipaux A G P ! incorpor6s dans les membranes sont I 'EPA, le D H A , I ' A R A et l 'acide ol6ique. Sous l 'ac t ion de stimuli, I ' A R A et I 'EP A sont relargu6s fi par t i r des phospho- lipides et subissent une d6gradat ion enzymat ique dans les voies des cyclo-oxygdnases et des lipo- oxyg6nases, avec fo rma t ion des eicosanoTdes, m6dia teurs d 'or ig ine l ipidique fi dur6e de vie courte . La voie des cyclo-oxyg6nases condui t 5 la fo rmat ion de prostanoTdes, de pros taglandines et des th romboxanes , alors que la voie des l ipooxy- gdnases condui t fi la fo rmat ion des leucotr i6nes. L ' A R A est le principal prdcurseur des eicosa- noTdes de par sa repr6sen ta t ion plus 61ev6e dans les membranes chez l ' homme. Son mdtabol i sme dans la voie des l ipooxygdnases condui t fi la for- mat ion de d6riv6s d 'hydroxydes , des leucotr i~nes de la s6rie 4, et, via la voie des cyclo-oxygdnases,

la fo rma t ion des pros taglandines et th rom- boxanes de la sdrie 2 (figure 2). L ' E P A , de son c8t6, condui t 5 la fo rmat ion d 'hydroxydes , des leucotr i6nes de la s6rie 5 et des pros taglandines et t h romboxanes de la s6rie 3 (figure 2). Les pros- taglandines et les leucotr i6nes sont impliquds dans la r6ponse inf lammatoire . Les leucotr i6nes de la s6rie 5 ont un effet beaucoup moins puis- sant que ceux de la s6rie 4 et en t ren t en compd- t i t ion avec eux au niveau des sites de liaison sur leurs rdcepteurs . Les eicosanoTdes d6riv6s des A G n-3 sont envi ron 100 lois moins actifs sur le processus in f lammato i re que ceux ddriv6s de I 'ARA. Une augmenta t ion de l ' appor t en A G P I n-3 s ' accompagne d 'une diminut ion p rononc6e de la rdact ion in f lammato i re par d iminut ion de la synth6se des leucot r ibnes de la s6rie 4, secondai- r emen t 5 la compdt i t ion au niveau de la A6-d6sa - turase (cf. supra) ou au niveau des l ipooxyg6- nases en cas d ' appor t d ' A G P I - L C n-3 ( E P A et D H A ) . Cet effet inhibi teur de la r6act ion inflam- mato i re per se peut rendre compte en par t ie de leur effet ant i -catabol ique.

phospholipides

arachidonique eicosapentaeno'fque 20:4 n-6 20:5 n-3

cyclooxyg~nase lipooxyg6nase cyclooxygdnase lipooxyg6nase

PGI 2 LTA4 PGI 3 LTAs TXA 2 LTB 4 TXA 3 LTB5 TXB 2 LTC 4 TXB 3 LTC5 PGD 2 LTD4 PGD 3 LTD5 PGE2 ~ ~" LTE4 PGE 3 LTE5 PGF 2 " 5-HPETE PGF 3 5-HEPE

5-HETE 5-PEPE 15-HPETE 15-HETE

12-HPETE 12-HETE

Figure 2. Syn th~se des e icosano~des ~t part i r de l ' ac ide a rach ido- n ique et de l 'ac ide e icosapentadno~que . P G : p r o s t a g l a n d i n e ; T X : t h r o m b o x a n e ; LT : l e u c o t r i ~ n e ; H P E T E : ac ide h y d r o p e r o x y e i c o s a t e t r a 6 n o i q u e ; H E T E : ac ide hydroxye icosa te t raenoYque ; H E P E : ac ide h y d r o x y e i c o s a p e n t a 6 - noique .

EFFETS DES AGPI SUR LA PRODUCTION DES CYTOKINES PAR LES MONOCYTES

ET LES MACROPHAGES

Les cytokines sont des m6diateurs de la rdaction inflammatoire locale et syst6mique qui interagissent avec des r6cepteurs sp6cifiques. Au niveau systd- mique, le TNF-~ et l ' interleukine 1-13 (IL-l~3) agis- sent sur l 'hypothalamus et induisent de la fi6vre. Ils mettent aussi en jeu le syst6me neuroendocrinien avec libdration des hormones de l 'agression aigu~ (catdcholamines, cortisol, glucagon) 5 l 'origine d 'un hypercatabolisme et l ' induction d'un 6tat de r6sis- tance 5 l'insuline. Le TNF-c~ appara~t comme le mddiateur primitivement responsable de la r6ponse hormonale, la production accrue de I 'IL-I~ 6tant elle-mame stimul6e par le TNF-a. L' interleukine 6 (IL-6) est le mddiateur de la production par le foie des protdines de la phase aigu6.

Les AGPI de la s6rie n-3, en particulier les AGPI-LC n-3, inhibent la production des cytokines pro-inflammatoires : TNF-a, IL-113 et IL-6 ; cet effet n'est pas observ6 avec les A G P I de la s6rie n-6. Meydani et al. [5] ont 6tudi6 deux groupes de sujets soumis ~ une alimentation pauvre en acides gras

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saturds destinde ~t prdvenir l'616vation de la cholestd- rol6mie (26 % de l 'apport 6nergdtique sous forme de lipides avec un rapport acides gras polyinsaturds/satu- rds (P/S) de l 'ordre de 2,30). L'alimentation usuelle des sujets comportait 35,4 % de lipides avec P/ S = 0,50. Un groupe de sujets avait un apport faible en AGPI-LC n-3 (0,13 % calories ; E P A + D H A = 0,27 g/j [consommation de 33 g de poisson/j] ; n-6/ n-3 =3 ,6 ; n-6/EPA + D H A = 12,5); le deuxibme groupe de sujets avait un apport 61ev6 en AGPI-LC n-3 (0,53 % calories; EPA + D H A = l , 2 7 g/j [consommation de 121-188 g de poisson/j]; n-6/ n-3 = 4,9 ; n-6/EPA + D H A = 50). Les productions de TNF-c~, IL-1~3 et IL-6 6taient diminu6es respective- ment de 35, 40 et 34 % apr6s l 'alimentation pauvre en lipides et riche en AGPI-LC n-3. Avec l 'alimentation pauvre en lipides et en AGPI-LC n-3, les productions de TNF-cz et d'IL-l[3 6taient au contraire augmentdes respectivement de 47 et 62 %. Ce r6sultat plaide en faveur de la responsabilit6 des AGPI-LC n-3 de ce type d'alimentation dans l'inhibition de la production des cytokines. Caughey et al. [6] ont soumis deux groupes comparables de volontaires fi un rdgime au sein duquel les huiles et les margarines usuelles d'assaisonnement (riches en acides gras n-6) 6taient remplacdes par de l'huile de lin (56 % de 18:3 n-3 + 18 % 18:2 n-6), de la margarine et du beurre fi base d'huile de lin (23 % 18:3 n-3 + 8 % 18:2 n-6) avec parall61ement rdduction maximale de l 'apport en A G n-6. Le deuxi6me groupe pris comme t6moin devait maintenir une alimentation riche en A G n-6 en utili- sant de l'huile et de la margarine de tournesol. Ces deux types d'alimentation 6taient maintenus pendant huit semaines. Pendant les quatre derni~res semaines, l 'alimentation des deux groupes de sujets 6tait sup- pldmentde par 9 g/j d'huile de poisson (1,62 g/j d 'EPA

+1,08 g/j de DHA). Apr6s quatre semaines de r6gime <~ tournesol >>, la production de TNF-0~, d 'IL-l~, du thromboxane B 2 (TXB2) et de la prostaglandine E 2 (PGE2) n'dtait pas affectde, alors qu'elle diminuait de 30 % avec le rdgime << lin ~> pour ces quatre facteurs (tableau I). Aprbs huit semaines, c'est-~-dire ~ la fin de la suppl6mentation en huile de poisson, la produc- tion de TNF-0~, d'IL-113, de TXB 2 et de PGE2 6tait fortement inhib6e et de mani~re comparable dans les deux groupes. Avec le r6gime lin ou le r6gime tour- nesol, le TNF-ct 6tait inhib6 respectivement de 77 % et 70 %, l'IL-113 respectivement de 8 1 % et 78 %, le TXB 2 respectivement de 48 % et 52 %, et ta PGE 2 respectivement de 28 % et 55 %. Endres et al. [7] ont mis en 6vidence que l'effet inhibiteur sur la produc- tion de TNF-cz et d ' IL-l~ ( - 2 2 % pour le TN F-a ; - 3 2 % pour l'IL-lf3) d 'une suppl6mentation de l'ali- mentation usuelle par 18 g/j d'huile de poisson (2,75 g/j EP A + 1,85 g/j D H A ) pendant 6 semaines non seulement persistait 10 semaines apr6s l'arr6t de la suppldmentation mais 6tait encore majorde ( -40 % pour le TNF-a ; - 39 % pour I'IL-I~). La production des cytokines 6tait restaurde ~ la 20brae semaine sui- vant l'arr~t de la suppl6mentation.

L' incorporation des AGPI-LC n-3 dans les mem- branes des cellules mononucl6es joue vraisemblable- ment un r61e dans l 'effet inhibiteur des AG n-3 sur la production des cytokines pro-inflammatoires. En effet, dans l '6tude de Caughey et al. [6], il existait une relation exponentielle inverse entre le contenu en EPA des phospholipides membranaires des cel- lules mononucl6es et la production des deux cyto- kines. L'inhibition maximale de la production du TNF-c~ et de l'IL-113 6tait obtenue pour une concen- tration intra-membranaire d 'EPA sup6rieure ou 6gale ?~ 1 % (tableau II). Dans l '6tude d 'Endres et al.

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[7], la teneur en EPA des membranes 6tait de 3,8 % aprbs six semaines d'huile de poisson et restait encore de 1 % (vs 0,7 % avant suppl6mentation) dix semaines aprbs son interruption. Ceci pourrait expli- quer la persistance de l'inhibition de la production des cytokines, ce d 'autant qu'~ 20 semaines aprbs interruption de l'huile de poisson la teneur 6tait revenue h 0,6 %, similaire ~ celle avant suppl6men- ration. Cependant, au cours de la suppldmentation en AGPI-LC n-3, le rapport ARA/EPA ou A R A / E P A + D H A diminue aussi, ce qui pourrait etre le ou l 'un des facteur(s) impliqu6(s) dans l 'effet observ6. Si l ' incorporation membranaire des AGPI-LC n-3 est un pr6alable vraisemblable ~ leur effet anti-cyto- kines, les m6canismes exacts de cet effet restent encore real 61ucid6s. La suppression de la production des eicosano*des pourrait etre impliqu6e, de meme que Faction sur des facteurs de transcription. L'effet inhibiteur de la production de P G E 2 (tableau I) n'explique pas l 'effet car la P G E 2 inhibe la produc- tion des cytokines. L'inhibition de la production du thromboxane A2 pourrait jouer un r61e car l'inhibi- tion de la synthese du TXA 2 inhibe la production de TNF-~ et d'IL-l[3. Peut-6tre l 'inhibition des cytoki- nes est-elle plus influenc6e par l'6quilibre PGE2/ TX A 2 qui ont des effets oppos6s sur la production des cytokines.

Les AGPI -LC n-3 agissent sur des facteurs de transcription, prot6ines qui se lient ~ I 'ADN et r6gulent l 'expression de certains g6nes. Quatre fac- teurs de transcription nucl6aires des AGPI-LC n-3 ont 6t6 mis en 6vidence : la famille des r6cepteurs aux activateurs de la prolif6ration des peroxysomes

(PPAR: Peroxysome Proliferator-Activator Recep- tors), le facteur nucl6aire kappa B (NF-~zB), le pep- tide de liaison ~ l'616ment de r6ponse aux st6rols (SREBP : Sterol Response Element Binding Protein) et un 616ment de r6ponse aux AGPI (PUFA-RE) . En fait, les deux facteurs de transcription qui pour- raient 6tre impliqu6s dans l 'effet anti-cytokines des AGPI-LC n-3 sont PPAR- 7 et NF-v,B. Les PPAR sont des r6cepteurs nucl6aires des activateurs de la prolif6ration des peroxysomes qui ont des effets divers sur l 'expression de g6nes conduisant ~ diff6- rents effets m6taboliques et ~t la diff6renciation cel- lulaire. Les AGPI-LC n-3 sont des ligands des PPAR et en particulier de PPAR-y pr6sents dans le noyau des macrophages et des monocytes. L'activa- tion de PPAR-y par des agonistes supprime la syn- th6se des cytokines par les monocytes [8]. Un autre facteur de transcription, NF-~B, est aussi activ6 par les AGPI-LC n-3. L'activation et la r6gulation de NF-~zB sont 6troitement contr616es par un groupe de prot6ines inhibitrices (I~:B) qui maint iennent NF-v.B dans le cytoplasme des monocytes et des macrophages. Son activation met en jeu successive- ment une phosphorylation, une ubiquitination et une prot6olyse limit6e. Ceci libbre NF-~zB qui migre vers le noyau, og il se lie ~ des sites promoteurs sp6- cifiques et active la transcription de certains g~nes. Si le r61e activateur de I 'EPA n'est pas 6tabli, en revanche, I 'ARA est n6cessaire h la translocation de ce facteur du cytoplasme vers le noyau [9]. I1 est ainsi possible que I 'EPA ait un effet inhibiteur de la translocation de NF-~B en inhibant la formation d 'ARA.

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Effets m6taboliques des acides gras n-3 Nutr Clin M6tabo12000 ; 14 : 221-34

EFFETS ANTI-CATABOLIQUES DES AGPI-LC n-3 AU COURS

DU CANCER PANCRI~ATIQUE

Les effets anti-cataboliques des AGPI-LC n-3, en l'absence d'autres nutriments susceptibles d'affecter sp6cifiquement le catabolisme, n 'ont 6t6 caractdrisds qu'au cours de la cachexie accompagnant le cancer pancrdatique. C'est pourquoi nous nous limiterons cette situation particuli6re et ne traiterons pas de leurs effets au cours de l'agression aigu~. Les AGPI-LC n-3, en particulier I 'EPA, ont un effet anti-catabolique, d 'une part en modulant la rdponse de la phase aigu6, et, d 'autre part, en s'opposant aux effets des facteurs cachectisants sdcr6t6s par la tumeur. Chez des patients ayant un cancer pancr6a- tique inextirpable, une raise en jeu de la rdponse de la phase aigu6 est un facteur prddictif inddpendant de survie [10]. La durde mddiane de survie des patients ayant la mise en jeu d'une rdponse de phase aigu~ [protein C reactive (CRP) sup6rieure 5 10 mg/L] est plus br6ve que chez ceux ayant une CRP inf6rieure 5 10 mg/L (66 jours vs 222 jours res- pectivement). De plus, chez des patients ayant une CRP supdrieure fi 10 mg/L, la ddpense 6nerg6tique de repos et la production de TNF-a et d'IL-6 par les macrophages 6taient plus 61ev6es que chez ceux ayant une CRP inf6rieure ~ 10 mg/L [11]. L'augmen- tation de la CRP est abolie par I 'EPA secondaire- ment ~ son effet inhibiteur de la production d'II-6, ce qui confirme son implication en tant que mddia- teur initiateur de la rdponse de la phase aigu~ chez ces patients [12]. Une suppldmentation en AGPI-LC n-3 (8-15 g/j d'huile de poisson) modifie l'6volution ponddrale de patients porteurs d 'un cancer pancrda- tique inextirpable. La perte de poids mddiane des patients 6tait de 2,9 kg/mois (2,4-6 kg) avant suppl6- mentation, alors qu'apr6s huile de poisson les patients avaient une prise de poids mddiane de 0,3 kg/mois (0-0,5 kg/mois) [13]. Sur les 18 patients 6tudids, 11 avaient un gain de poids, 3 stabilisaient leur poids et 4 continuaient h e n perdre mais ~t une vitesse moindre. Une autre 6tude du m6me groupe met en 6vidence l'int6r6t d'une suppl6mentation en EPA (1,09 g/j) associ6e fi un suppldment calorico- prot6ique (310 kcal/j et 16,1 g/j de prot6ines) chez le m6me type de patients [14]. La perte de poids avant le suppl6ment 6tait de 2,9 kg/mois. Apr6s successive- merit trois semaines et sept semaines de consomma- tion du suppldment, la prise de poids mddiane 6tait respectivement de 1 kg et de 2 kg. De plus, la prise alimentaire spontande augmentait de 400 kcal/j et la ddpense 6nerg6tique de repos diminuait. Ces rdsultats sugg6rent que les AGPI-LC n-3 et en par- ticulier I 'EPA peuvent rendre r6versible la cachexie du cancer pancr6atique.

,~ c6t6 de l 'effet anti-inflammatoire de I'EPA, celui-ci pourrait affecter la cachexie cancdreuse en antagonisant les effets du lipid-mobilizing factor (LMF) et du proteolysis-inducing factor (PIF). Ces deux facteurs, mis en 6vidence dans les urines de patients porteurs d 'un cancer avec cachexie, sont sdcrdtds par les tumeurs solides, en particulier pan- crdatiques, et ont des effets lipolytique et protdo- lytique responsables en partie de la perte de la masse grasse et de la masse maigre. Le LMF exerce son effet lipolytique sur le tissu adipeux en stimulant l 'addnylate cyclase [15, 16], ce qui conduit ~ une aug- mentation de la production d 'AMPc qui active la lipase hormono-sensible. L 'EPA antagonise l'effet du LMF en bloquant l'activit6 de l 'addnylate cyclase [17]. Le PIF exerce son effet prot6olytique en simu- lant la production d 'ARA. L'effet de I 'ARA est mddi6 par un eicosanoYde: le 5-HETE (acide hydroxyeicosatetra6noYque) qui active la protdolyse ATP-ubiquitine d6pendante au niveau du protda- some. L 'EPA s'oppose aux effets du PIF en inhibant le relargage de I 'ARA et/ou en entrant en comp6ti- tion avec lui pour la formation du 5-HETE [18-20].

ACIDES GRAS POLYINSATURI~S A LONGUE CHAiNE n-3

ET INSULINO-RI~SISTANCE

La rdsistance ~ l'insuline est un 6tat m6tabolique par- ticulier qui associe une relative inefficacit6 biologique de l'insuline et une hyperinsulindmie. L'insulino-rdsis- tance est fortement lide au d6veloppement d'affections morbides dont la pr6valence est 61ev6e qu'il s'agisse du diab6te de type 2, de l'obdsit6, des hyperlipiddmies, des maladies cardio-vasculaires ou de l'hypertension art& rielle [21, 22]. L'insulino-r6sistance r6sulte de facteurs de prddisposition gdndtique et de facteurs environne- mentaux, en particulier nutritionnels. Pr6disposition g6n6tique et facteurs nutritionnels peuvent intervenir de mani6res inddpendantes ou assocides pour moduler l'intensit6 des signaux m6taboliques, l'activit6 des r6cepteurs membranaires (r6cepteur de l'insuline, transporteurs du glucose entre autres) et celle des enzymes membranaires ou intra-cytosoliques interve- nant dans la sdcrdtion et l'action biologique de l'insu- line. C'est dans ce cadre que l'environnement lipidique intervient. Par environnement, on entend aussi bien l'apport alimentaire que la composition lipidique membranaire et les stocks et la composition des trigly- c6rides intra-tissulaires (musculaire squelettique et adi- pocytaire). De m~me qu'il existe un lien entre facteurs de pr6disposition gdndtique et environnement lipi- dique, il existe un lien entre apports alimentaires lipi- diques, composition lipidique membranaire et stocks intra-tissulaires de triglycdrides.

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Effets des A G P I - L C n-3 sur I ' insul ino-r~sistance chez le rat

M~canismes de l'insulino-r~sistance induite par les regimes hyperlipidiques Chez le rat, une al imentation hyperlipidique conte- nant des acides gras satur6s (AGS) (lard) ou des A G P I n-6 (huile de tournesol) induit une insulino- r6sistance g6n6ralis6e et une intol6rance au glucose [23, 24] par comparaison avec le r6gime usuel de laboratoire (fiche en amidon). L'insulino-r6sistance est manifeste au niveau du foie et des tissus p6riph6- riques (muscle, tissu adipeux). Au niveau du foie, apr~s trois semaines de r6gime hyperlipidique, la production h6patique de glucose (PHG) n 'est pas modifi6e mais son inhibition par l 'hyperinsulin6mie est for tement r6duite ( - 40 %) (figure 3). L'insulino- r6sistance p6riph6rique se traduit par une forte dimi- nution ( - 6 0 %) de l 'utilisation totale du glucose en euglyc6mie/hyperinsulin6mie (figure 3).

Les m6canismes de cette insulino-r6sistance g6n6- ralis6e induite par le r6gime hyperlipidique satur6 ou polyinsatur6 n-6 restent incompl6tement 61ucid6s. Au niveau h6patique, la n6oglucogenbse est stimul6e de mani6re chronique du fait d 'une majorat ion de l 'oxydation intra-h6patique des A G [25], elle-m~me secondaire ~ l 'augmentat ion de l 'afflux d ' A G libres en provenance de la p6riph6rie et/ou ~ une lipolyse intra-h6patique accrue [26]. Cette stimulation est

observde alors m~me que la disponibilit6 en lactate et en alanine est diminu6e du fait d 'une r6duction importante ( -65 %) de la glycolyse musculaire [27]. Cependant, l 'accroissement de la ndoglucogen6se ne rend pas compte ~ lui seul du ddficit d'inhibition de la P H G lots du clamp. En effet, lors de l ' inhibition de l 'oxydation des acides gras par l '6tomoxir, la ndo- glucogenbse est r6duite mais compensde par une augmentat ion de la glycog6nolyse permet tant le maintien de la PHG. En fait, s 'associe ?~ l 'aug- mentat ion de la ndoglucogen6se une diminution chronique de l'activit6 de la glucokinase (GK) (VmaxGk = - 2 9 %) sans modification du niveau de base de l'activit6 de la glucose 6 phosphatase (G6Pase). En euglycdmie/hyperinsulin6mie, l'activit6 de la G K n'est pas restaur6e et il s 'y associe un ddfaut d'inhibition de l'activit6 de la G6Pase, de telle sorte que lesorapport Vmax G-6-Pase/GK est aug- ment6 de 7 ~ % en euglyc6mie/hyperinsulindmie [25].

L'insulino-rdsistance pdriph6rique concerne /t la fois le muscle squelettique (figure 4) et le tissu adi- peux. Le d6ficit d'utilisation du glucose concerne le t ransport du glucose. Au niveau du muscle squelet- tique, ce d6ficit de t ransport du glucose est associ6 une diminution de la glycolyse avec/ou sans diminu- tion de la capacit6 de synth6se du glycogbne selon les 6tudes. Les mdcanismes de la r6duction du transport restent incompl~tement 61ucidds : la compdtit ion glucose-acides gras participe ~ cet effet

8 2 0

i 6 e-

E =

I

E ~ 2 ,

a.

! ,

E

' m l sat mono poly n-6 poly n-3 sat mono polv n-6 polv n-3

Figure 3. Production h6patique de glucose (A) et utilisation du glucose (B) chez des rats soumis h quatre r6gimes hyperlipidiques pendant quatre semaines. Dans la figure A, le trait horizontal sup6rieur repr6sente la valeur de la production h6patique de glucose (PHG) basale chez des rats soumis ?~ un r6gime normal de laboratoire ; le trait horizontal inf6rieure repr6sente l'inhibition de la PHG chez ces rats lots d'un clamp euglyc6mique/hyperinsulin6mique. Dans la figure B, le trait horizontal inf6rieur repr6sente la valeur de l'utilisation globale du glucose basale chez les rats soumis au r6gime normal de laboratoire ; le trait horizontal sup6rieur repr6sente l'utilisation du glucose stimul6e chez ces rats lors du clamp (d'apr~s r6f 24). [] : 6tat basal • : hyperinsulin6mie.

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Effets m6taboliques des acides gras n-3 Nutr Clin M6tabo12000 ; 14 : 221-34

1 0 0 tll

m

O~ 75

13

O~ 50"

25-

° // x

13 C

- - 0 sat mono poly n-6 poly n-3

Figure 4. Captage musculaire du glucose lors d'un clamp euglycdmique/hyperinsulin6mique chez des rats soumis fi quatre types de rdgime hyperlipidique. La valeur 100 repr6sente le captage observ6 chez des rats soumis fi un rdgime normal de laboratoire (d'apr~s r6f 24).

/

[27, 28]. En effet, 1'inhibition de l 'oxydation lipi- dique par l 'etomoxir restaure compl~tement la gly- colyse et lbve l'inhibition par l 'acdtyl-CoA de la pyruvate d6shydrog6nase. De plus, un rdgime hyper- lipidique mixte (satur6, polyinsatur6 n-6, mono- insatur6) induit urle stimulation de la pyruvate d6shydrogdnase kinase qui inhibe la pyruvate ddshy- drog6nase par phosphorylation [29]. L'accroissement de l 'oxydation lipidique r6sulte de la disponibilit6 intramusculaire accrue des AG lib6r6s par des stocks de triglyc6rides augment6s. La concentration intra- musculaire d'acyl-COA 6tait augment6e de 230 % aprbs r6gime hyperlipidique dans l '6tude de Oakes et al. [28] et non rdduite par l 'hyperinsulin6mie alors que les concentrations plasmatiques d 'AG libres 6taient rdduites de 36 %. Dans cette marne 6tude, la synth6se de glycog~ne 6tait r6duite et non corrigde par l '6tomoxir ce qui rend peu vraisemblable le r61e de l 'oxydation des AG dans cet effet. I1 est fi noter qu'il a 6t6 mis en 6vidence une relation inverse de type exponentiel entre le contenu musculaire en tri- glyc6rides des rats et l'utilisation musculaire du glu- cose, ce qui sugg6re for tement une lib6ration intramusculaire des AG dans le muscle ~ partir de ces stocks accrus de triglycdrides [23, 26]. Au niveau du tissu adipeux, le ddfaut d'utilisation du glucose apparait plus pr6cocement qu'au niveau musculaire. A l'6tat basal, le ddficit d'utilisation du glucose est plus marqu6 alors que l 'inverse est observ6 en eugly- c6mie/hyperinsulin6mie [24].

L'alt6ration de la voie de signalisation de l'insuline constitue un autre m6canisme possible de l'insulino- r6sistance, mais les r6sultats ne sont pas uniformes. Au niveau du muscle, le nombre des r6cepteurs de l'insuline est diminu6 sans diminution de leur affinit6 [30]. Une diminution de la prot6ine IRS-1, de son A R N m et de la PI3-kinase ont 6t6 mis en 6vidence chez le rat soumis/~ un r6gime hyperlipidique satur6 [31]. Un fait marquant est l 'existence d 'une sp6ci- ficit6 tissulaire avec d6pression du transporteur G LU T4 (ARNm et prot6ine) dans le tissu adipeux associ6e ~ une d6pression moins marqu6e ou absente au niveau musculaire [32, 33]. Un d6ficit de translocation de G LU T4 sans diminution de la pro- t6ine a aussi 6t6 observ6e dans le muscle chez la souris [34] et le rat [35], alors que chez le rat les taux de la prot6ine G LU T4 et de son A RN m sont dimi- nu6s [36]. Une diminution isol6e de l'activit6 intrin- s~que du transporteur a aussi 6t6 mise en 6vidence [37]. Soulignons que les difficult6s techniques de l '6tude du transporteur G LU T4 et de sa transloca- tion au niveau musculaire pourraient rendre compte en partie de la discordance des observations.

Les effets physiologiques peuvent atre soit par- tiellement la cons6quence de l 'alt6ration de la voie de signalisation de l'insuline soit ind6pendants. La quantit6 de graisses du rdgime joue probablement un r61e - les effets sont observ6s pour un apport lipidique satur6 ou polyinsatur6 n-6 reprdsentant plus de 50 % des calories - en favorisant le stockage musculaire des triglycdrides. I1 existe une relation positive entre le contenu en A G saturds des phos- pholipides membranaires et le stock des triglyc6rides intramusculaires [38]. Cette relation peut atre expliqu6e par une moindre capacit6 d 'oxydation des A G satur6s compar6s aux polyinsatur6s et donc un stockage sous forme de triglyc6rides et une incorpo- ration membranaire plus importants. La qualit6 lipidique, en modifiant la composition des phospho- lipides membranaires, peut de son c6t6 affecter la voie de signalisation de l'insuline. Enfin, la produc- tion de diglycdrides et d'eicosanoi'des peut ~tre un troisi6me facteur alt6rant le transport du glucose et l'activit6 d 'enzymes cytosoliques impliquds dans le m6tabolisme du glucose.

Effet pr~ventif des A GPI-LC n-3 sur l'insulino-r~sistance induite par le r~gime hyperlipidique Chez le rat, lorsqu'on substitue au sein d'un r6gime hyperlipidique satur6 ou polyinsatur6 n-6 une partie de la ration lipidique par de l'huite de poisson, l'insulino- r6sistance g6n6ralis6e est pr6venue [23, 26, 39]. Les m6canismes de cet effet restent encore hypoth6tiques.

Au niveau du muscle, chez des rats soumis h u n r6gime hyperlipidique avec substitution de 10 % du

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Nutr Clin M6tabo12000 ; 14 : 221-34 J. Delarue

-• r=0,95 'E is

1 0 - • • ,~

5- 5

13) er er 0 I I , ~ , 0

5 6 7 8 9 10

T r i g l y c & i d e s soleus (IJmol/g)

r=0,97

t i i

0 5 10 15

~% 22:5 & 22:6 dans phosphol ipides

Figure 5. Relation entre le captage musculaire de glucose et le contenu musculaire en triglycdrides (A) ou la teneur en acides gras polyinsatur6s ~t longue chaine 22:5 n-6 + 22:6 n-3 (B), chez des rats soumis fi un regime hyperlipidique avec ou sans substitution d'une partie des acides gras par des acides gras polyinsaturds ~t longue chatne n-3 (d'apr6s rdf 23).

contenu en A G satur6s du rdgime par de l 'huile de poisson, il existe une relation lin6aire positive (r = 0,97) entre le contenu en 20:5 et 22:6 n-3 des phospholipides membrana i res et l 'utilisation du glu- cose (figure 5). De plus, il existe une relation ndga- tive entre le contenu musculaire en triglyc6rides et l 'utilisation du glucose (r = 0,95) (figure 5) [23]. La substitution de 7 % des A G au sein d 'un r6gime hyperlipidique mixte pr6vient la stimulation de la pyruvate d6shydrog6nase kinase et, par voie de cons6quence, l 'effet inhibiteur du r6gime sur la pyru- vate d6shydrog6nase [29]. Actuellement, le lien de cause ~ effet entre la richesse en A G P I - L C n-3 des phospholipides membranai res et l 'am61ioration de l 'utilisation du glucose n 'a pas 6t6 6tablie. Plusieurs m6canismes peuvent atre propos6s : a) un effet sur le r6cepteur de l 'insuline et la signalisation post- r6cepteur ; b) un effet sur les t ransporteurs du glu- cose (prot6ine, translocation et/ou activit6 intrin- s6que). Une al imentation fiche en A G P I - L C n-3 stimule la liaison de l 'insuline ~ des vdsicules de sarcolemne, effet lid ~ la composit ion en phospho- lipides membranaires , ce qui sugg6re un effet des A G P I - L C n-3 au niveau du rEcepteur insulinique [40]. Les m6canismes intimes de ces effets au niveau du rdcepteur insulinique et des transporteurs du glu- cose mdritent d 'a t re 6tudids de mani6re plus appro- fondie.

Au niveau du tissu adipeux, un r6gime riche en A G polyinsatur6s n-6 inhibe le transport du glucose et diminue le nombre de transporteurs membra - naires G L U T 1 et GLUT4, ainsi que la translocation

de G L U T 4 [41]. Lors d 'un r6gime hyperlipidique substitu6 aux 2/3 par des A G P I - L C n-3, le t ransport adipocytaire du glucose est stimul6 apr6s 1 semaine, mais l 'effet sur le t ransport et sur G L U T 4 s ' es tompe

4 semaines et il existe un m~me niveau de r6sis- tance fi l'insuline. I1 est possible que l ' appor t en A G P I - L C n-3 relat ivement 61ev6 par rappor t ~t d 'autres 6tudes puisse contr ibuer au caract6re seule- ment transitoire de l 'effet.

Au niveau h6patique, les mdcanismes de l 'effet pr6ventif des A G P I - L C n-3 n 'on t pas dt6 explor6s. On peut 6mettre l 'hypoth6se d 'une moindre aug- mentat ion de l 'oxydation des A G intra-hdpatiques du fait d 'un moindre stockage des triglycdrides en pdriph6rie dans le muscle, l 'absence d 'un effet sur la glucokinase et/ou un effet inhibiteur propre de la glucose-6-phosphatase.

En rdsum6 : la substitution dans un r6gime riche en lipides saturds ou polyinsaturds n-6 d ' A G n-3 pr6- vient l 'insulino-rdsistance h6patique et musculaire induite par ces rdgimes. L'util isation musculaire du glucose est corrdl6e posi t ivement fi une augmenta- tion de la teneur en E P A et D H A des phospho- lipides membranaires , ce qui pourrai t favoriser la liaison de l'insuline fi son r6cepteur, la transmission du signal biologique ~ part ir du rdcepteur et/ou le t ransport du glucose. Cet effet pourrai t 6tre expliqu6 par effet de restauration de l 'expression d' inter- mddiaires de la voie de signalisation de l 'insuline (IRS-1, Pl3-kinase) ndcessaires fi la l 'activit6 du transport intracellulaire du glucose.

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Effets mdtabotiques des acides gras n-3 Nutr Clin Mdtabol 2000 ; 14 : 221-34

Effets des AGPI-LC n-3 sur la sensibilit6 l'insuline chez l 'homme

Les modules expdrimentaux chez le rat ouvrent donc une perspective quant ~ un intdr~t potentiel des AGPI -LC n-3 dans la pr6vention et/ou le trai tement de l'insulino-rdsistance chez ihomme. Cependant, les di6tdtiques utilisdes pour crder l'insulino-rdsistance et les quantit6s d 'AGPI-LC n-3 ayant une efficacit6 ddmontrde dans sa prdvention sont 61oigndes de ce qu'il est possible d 'obtenir dans l 'alimentation ou en suppldmentation chez l 'homme. La premiere 6tape est d 'observer s'il existe, comme chez le rat, une relation entre la nature des A G de l 'alimentation et/ ou la composition en AG des membranes des tissus insulino-d6pendants et la sensibilit6 ~ l'insuline chez l 'homme.

I1 existe une relation inverse entre le contenu mus- culaire en triglyc6rides chez l 'homme et l'utilisation du glucose en euglycdmie/hyperinsulin6mie [42-44]. I1 existe aussi, chez les Indiens Pimas, une relation positive entre la sensibilit6 fi l'insuline et la teneur en A G P I de 20 ~ 22 carbones d 'une part et l'activit6 de la AS-d6saturase d 'autre part dans les phospholi- pides des membranes musculaires [42]. La teneur en lipides des phospholipides membranaires 6tant li6e en partie g leur contenu dans l 'alimentation, ces observations sugg6rent qu 'un apport addquat en

AGPI de l 'alimentation pourrait avoir un effet posi- tif sur l'utilisation du glucose.

Chez les patients diab6tiques de type 2 qui prdsen- tent une insulino-r6sistance gdndralisde ayant des caract6ristiques communes avec celle induite par le rdgime hyperlipidique chez le rat, la suppl6menta- tion de l 'alimentation avec de l'huile de poisson n'induit pas, sauf dans une 6tude, d'amdlioration de la sensibilit6 ~ l'insuline [revue in 38]. Cette absence d'effet patent peut ~tre du ~ un effet dose, ~ un effet d'esp6ce ou au fait que les AGPI -LC n-3 pourraient n'avoir qu'un effet prdventif de l'insulino-r6sistance mais non pas un effet correctif de celle-ci une lois installde. Ceci conduit ?a 6tudier leurs effets sur le m6tabolisme du glucose chez le sujet sain.

Chez le sujet en bonne sant6, l 'administration de 8-10 g/j d'huile de poisson pendant trois ~ quatre semaines tend ?~ augmenter la glycdmie et ?~ diminuer la r6ponse insulindmique ~ une charge de glucose ota

un repas mixte [45, 46]. Nous avons 6tudi6 l 'effet d 'un apport de 6 g/j d'huile de poisson (1,1 g d 'EPA + 0,7 g de D H A ) sur le mdtabolisme d 'une charge orale de glucose et d 'une charge orale de fructose [47]. Nous avons observ6 apr~s la charge de glucose : a) une augmentation modeste (+ 8 %) de l 'index glyc6mique ; b) une inhibition normale de la P H G par la charge de glucose (figure 6) ; c) une utilisation totale du glucose normalement stimulde (figure 6).

2,5 6 -

'c 2

4 -

~" 1 ,5 3 -

1

I~. 0' I 6O

0 60 1 2 0 1 8 0 2 4 0 3 0 0 3 6 0

120 180 240 300 360

TEMPS (min)

Figure 6. Production endog6ne de glucose (PEG) (A) et d6bit d'utilisation du glucose plasmatique (B) chez six sujets sains apr6s ingestion de 1 g/kg de glucose sans (hachur6) ou avec (B) apport dans l'alimentation de 6 g/j d'huile de poisson (1,1 g EPA + 0,7 g DHA) pendant trois semaines [51].

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6O

20 *

_=

0

J~ CO

01

601

5

4

3

2

0 60 1 2 0 1 8 0 2 4 0 3 0 0 3 6 0 q

TEMPS (min) Gox Lox s tockage

Figure 7. A : Rdponse insulindmique et B : oxydation glucidique net te (Gox), lipidique nette (Lox) et synth~se de glycog~ne cumuldes sur 6 heures chez 6 sujets sains aprds ingestion de 1 g/kg de glucose sans (hachur6) ou avec (1/) apport dans l 'a l imentat ion de 6 g/j d 'huile de poisson (1,1 g EPA + 0,7 g D H A ) pendant 3 semaines [5l].

Cependant, la rdponse insulindmique 6tait diminude de 40 % (figure 7), l'oxydation glucidique 6tait dimi- nude de 30 %, le stockage de glycogbne dtait doubld et l'oxydation lipidique dtait augmentde de 35 % (figure 7). Ces rdsultats montrent que les AGPI-LC n-3 ont des effets majeurs sur le mdtabolisme chez le sujet normal. Le maintien d'une inhibition de la PHG et d'une stimulation de l'utilisation du glucose normales en regard d'une insulindmie infdrieure de 40 % suggdre que le foie et les tissus pdriphdriques ont dtd sensibilisds ~ Faction de l'insuline. Le main- tien de l'utilisation du glucose est en faveur d'une sensibilisation du transport du glucose. Le mdtabo- lisme intracellulaire du glucose dtait, quant ?a lui, orientd vers la synthdse de glycog~ne aux ddpends de son oxydation, ce qui suggdre un effet associd des AGPI-LC n-3 sur le mdtabolisme intracellulaire du glucose. De plus, aprds charge de glucose, la lacta- tdmie dtait moins dlevde aprds prise d'huile de pois- son. A noter qu'apr~s la charge de glucose dont une grande partie est mdtabolisde au niveau musculaire, la concentration plasmatique de lactate dtait moins dlevde aprds la suppldmentation en huile de poisson, phdnom~ne non observ6 apr~s la charge de fructose dont le mdtabolisme est essentiellement hdpatique. I1 est donc possible que la glycolyse musculaire ait aussi dtd affectde par les AGPI-LC n-3.

CONCLUSION

Parmi leurs nombreux effets, les AGPI-LC n-3 modulent la rdponse immunitaire en limitant la for- mation de cytokines pro-inflammatoires: TNF-0~, IL-113 et IL-6 impliqudes dans la rdaction inflamma- toire et la rdponse mdtabolique ~ l'agression aigud. Cette modulation ainsi que leur effet antagoniste de facteurs cachectisants leur confdre un intdrdt poten- tiel au cours des situations d'hypercatabolisme off l'activation macrophagique est mise en jeu, et un intdr~t avdrd au cours de certains types de cachexie cancdreuse. A c6td de cet effet modulateur de l'immunitd, les AGPI-LC n-3 prdviennent chez le rat l'insulino-rdsistance induite par les rdgimes hyperli- pidiques saturds ou riches en AGPI n-6. Cet effet mdtabolique leur confdre un intdrat potentiel chez l'homme dans la prdvention des situations patho- logiques caractdrisdes par une insulino-rdsistance : diabdte de type 2, obdsitd, syndrome mdtabolique et autres. Les dtudes faites au cours du diabdte de type 2 sont ddcevantes en termes d'effet global sur la rdsistance h l'insuline alors que chez l'homme nor- mal il existe des arguments en faveur d'une augmen- tation de la sensibilitd ?~ l'insuline. Les mdcanismes de ces diffdrences entre le rat rendu insulino-rdsis-

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Effets m6taboliques des acides gras n-3 Nutr Clin M6tabo12000 ; 14 : 221-34

t a n t p a r le r d g i m e h y p e r l i p i d i q u e e t l ' h o m m e d i a b 6 - t i q u e e t e n t r e l ' h o m m e d i a b 6 t i q u e e t l ' h o m m e sa in m d r i - t e n t d ' e t r e e x p l o r 6 e s . L ' 6 t u d e m 6 c a n i s t i q u e p lus c o m p l b t e d e s e f f e t s d e s A G P I - L C n-3 c h e z l ' a n i m a l e t c h e z l ' h o m m e au n i v e a u p h y s i o l o g i q u e e t m o l d c u l a i r e p e r m e t t r a p e u t - 6 t r e d e c i b l e r d e s p o p u - l a t i o n s de p a t i e n t s p o r t e u r s o u fi r i s q u e d ' i n s u l i n o - r 6 s i s t a n c e qu i p o u r r a i e n t b 6 n 6 f i c i e r d e l ' i n t r o d u c t i o n d e ces A G d a n s l e u r a l i m e n t a t i o n e n a s s o c i a t i o n 6 v e n t u e l l e a v e c d ' a u t r e s t y p e s d e t h d r a p e u t i q u e s .

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