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Université Paris I Clément PERROTTA
Panthéon-Sorbonne
Master 2 Professionnel
Spécialité Logistique
La dimension relationnelle, Facteur
Clé de Succès pour l’extension des
activités des prestataires logistiques
industriels ?
Mémoire de fin d’études
Maître de mémoire : Pierre-Yves GOURGA 2011
1
Remerciements
La rédaction d’un mémoire est un exercice complexe qui réclame de la
patience, de la précision mais aussi et surtout un travail de fond de
longue haleine. Le stress généré par cette épreuve a augmenté de manière
régulière au fil de l’année et a amplifié ma soif de savoirs et de
connaissances.
C’est pour cela que je tiens à remercier en premier lieu l’ensemble de mes
camarades de la treizième promotion du Master Logistique, pour leur
soutien sans faille tout au long de l’année mais aussi pour leurs précieux
conseils.
Je tiens à remercier également Jean-Marc Lehu ainsi que l’ensemble du
corps professoral, dans la mesure où leurs enseignements m’ont permis
de mieux appréhender l’environnement lié à la logistique et aux
dimensions relationnelles existantes au sein du monde du travail.
Puis, je tiens à remercier KS Services, entreprise qui m’a accueilli tout au
long de l’année en stage. J’ai pu découvrir le monde de la logistique et
m’initier à ses rouages.
Ensuite, je tiens à remercier mon maitre de mémoire, Pierre-Yves Gourga,
pour sa disponibilité, sa gentillesse ainsi que pour ses précieux conseil.
Pour finir, je remercie toutes les personnes qui ont contribué u contenu de
ce mémoire, en particulier les nombreuses personnes avec lesquelles je me
suis entretenu tout au long de l’année.
2
Tables des matières
REMERCIEMENTS…...........................................................1
INTRODUCTION………………………………………………………….5
1 Panorama actuel du marché des prestations logistiques
industrielles ..............................................................….... 7
1.1 Qu’est ce qu’un prestataire logistique ?..............................7
1.1.1 Le prestataire 1PL…………………………………………...…7
1.1.2 Le prestataire 2PL………………………………………………8
1.1.3 Le prestataire 3PL………………………………………………8
1.1.4 Le prestataire 4PL………………………………………………8
1.2 L’externalisation, cœur de métier des prestataires
logistiques……………………………………………………..……….….9
1.2.1 Définitions………………..…..……….……...……………….9
1.2.2 Pourquoi externaliser ?..............................................10
1.2.3 Distinction d’avec la sous-traitance………………………11
1.2.4 L’essor des prestataires logistiques industriels via
l’externalisation……………………………………………………….…12
1.2.4.1 La problématique des coûts opérationnels…………12
1.2.4.2 La focalisation sur les compétences clés…………...12
1.2.4.3 La rentabilité des capitaux utilisés………………….13
1.2.4.4 L’implication du partage des risques………………..13
1.2.4.5 Avantages et freins à l’externalisation………………14
1.3 Les chiffres actuels du secteur………………………………….16
1.4 Les principaux acteurs du secteur…………………………….16
1.4.1 Les grands intégrateurs……………………………………..17
3
1.4.2 Les spécialistes………………………………………………..17
1.4.3 Les généralistes de taille moyenne………………………..17
1.4.4 Les prestataires de proximité………………………………18
1.5 Les relations entre les prestataires de service et les
industriels………………………………………………………………..18
1.5.1 Déroulement et suivi d’un appel d’offres………………..19
1.5.1.1 La rédaction de l’appel d’offres……………….………19
1.5.1.2 La sélection des fournisseurs potentiels…………...20
1.5.1.3 La rédaction de la réponse à l’appel d’offres…….…20
1.5.1.4 L’analyse des offres par l’acheteur…………………..20
1.5.2 Cas concret : L’exemple de KS Services….………………21
2 La compétence relationnelle, outil stratégique de
développement des prestataires logistiques industriel.…..25
2.1 Compétence relationnelle : définition, acquisition et
développement…………………………………………………….…….26
2.1.1 Définition.............................................................…...26
2.1.2 Acquisition et développement de la capacité
relationnelle……………………………………………………………...26
2.2 La compétence relationnelle, source de réussite des
coopérations inter-firmes……………………………………………..27 2.2.1 Le poids de la confiance dans les coopérations inter-
firmes………………………………………………………………………27
2.2.2 La durabilité des relations inter-firmes, facteur de
réussite……………………………………………………………………28
2.2.3 L’apport de l’approche institutionnelle…………………..29 2.2.4 Le réseau, outil de consolidation des compétences
relationnelles………………………………………………….…………30
4
2.3 Les compétences relationnelles, un outil stratégique pour
les entreprises ?.....................................................................32 2.3.1 La stratégie relationnelle : définition……………………..32
2.3.2 La capacité relationnelle, avantage compétitif pour
l’entreprise………………………………………………………………..32
2.3.3 La capacité relationnelle, actif transférable ?..............34
2.4 La dimension relationnelle sur le marché des prestations
logistiques industrielles……………………………………………….35
2.4.1 Entretien avec Patrice Camporelli, Directeur Général
des Opérations de KS Services………………………………………35
2.4.2 Entretiens croisés de Pascal H., responsable d’entrepôt,
et Denis M., responsable de site pour un prestataire
logistique………………………………………………………………....37
2.4.3 Entretien avec Laurent C., cariste pour un prestataire
logistique………………………………………………………………….39
3 Stratégies et enjeux futurs des relations entre les
prestataires et les industriels…..…………………………………41 3.1 Faire des compromis au début de la collaboration pour
étendre sa crédibilité……………….………………………………….42
3.1.1 Principes de la stratégie……..………………………………42
3.1.2 Enjeux de la stratégie………………..………………………43
3.2 L’extension d’activités par l’autonomie d’actions…………..44
3.2.1 Principes de la stratégie……………………………………..44
3.2.2 Enjeux de la stratégie………………………………………..45
CONCLUSION……………………………………………………………47
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES……………………………..48
BIBLIOGRAPHIE & ANNEXES…..……………………………..52
5
Introduction
« Les entreprises ont recours à l’externalisation dans les domaines où elles
doivent constater qu’en interne elles ont désappris à faire du bon travail ».
Cette citation de Paul Tremsal, PDG de KS Services, prestataire logistique
depuis 1991, illustre bien le fait que les prestataires logistiques prennent
une place de plus en plus prépondérante au sein de l’économie
industrielle française.
En effet, l’essor des prestataires logistiques est fortement lié au
développement de l’externalisation des activités de stockage et de
distribution par les enseignes de la grande distribution au cours des
années 80. Par la suite, la demande logistique s’est élargie, provoquant
ainsi la structuration du métier de prestataire logistique grâce en partie à
de nombreuses concentrations via notamment des opérations de
croissance externe.
Depuis, le marché a connu de nombreuses évolutions. A titre d’exemple,
des prestations de conditionnement se sont greffées à la gestion des
stocks. Puis, les industriels et les distributeurs se sont de plus en plus
préoccupés de l’optimisation de l’ensemble de la chaîne logistique et non
plus seulement du stockage-distribution des produits finis.
Le marché des prestations logistiques en France est de ce fait relativement
jeune, ce qui laisse une certaine marge de manœuvre quant à
l’exploitation de son potentiel.
Dans cette optique, les prestataires logistiques se sont adaptés à cette
nouvelle demande des industriels, en se spécialisant ainsi qu’en
développant de nouveaux systèmes leur permettant d’être de plus en plus
performant. De ce fait et par la même occasion, les frontières entre les
prestataires logistiques et les industriels se sont réduites, amenant ces
deux derniers à intensifier leurs relations.
6
Ce phénomène oblige les prestataires logistiques à se pencher sur la
question de la dimension relationnelle, qui devient un axe essentiel dans
l’optique du développement de la société.
Ce mémoire va essayer d’expliquer, de comprendre et d’analyser par quelle
manière et par quels moyens la dimension relationnelle est devenu et
demeure toujours actuellement l’un des points essentiels de la politique
sociétale des prestataires logistiques industriels.
En effet, dans quelles mesures la dimension relationnelle est-elle devenue
un facteur clé de succès dans la capacité des prestataires logistiques
industriels à étendre leurs activités ?
Dans un premier temps, nous tâcherons de passer en revue dans ce
mémoire le panorama actuel du marché des prestations logistiques
industrielles, en expliquant ce qu’est un prestataire logistique (son rôle,
ses prérogatives, ses facteur de succès) et en mettant en relief les raisons
qui poussent les industriels à externaliser.
Puis, dans un second temps, nous essayerons de nous pencher un peu
plus profondément sur la dimension relationnelle au sein des
organisations, en dévoilant et explicitant d’un part l’avis des différents
experts sur le sujet puis en nous focalisant par la suite sur la capacité
relationnelle au sein du marché des prestations logistiques.
Enfin, nous analyserons dans une troisième partie les enjeux futurs des
relations entre les industriels et les prestataires logistiques.
7
Panorama actuel du marché
français des prestations
logistiques industrielles
Cette première partie a pour but de décrire, d’expliquer et de comprendre
de manière théorique en quoi consiste le marché des prestations
logistiques industrielles, d’expliquer le phénomène de l’externalisation et
de monter par quels moyens les différentes acteurs de ce marché
communiquent entre eux, agissent et fonctionnent.
1.1 Qu’est ce qu’un prestataire logistique ?
Un prestataire logistique, ou Logistics Service Provider, est « un acteur de
la chaîne logistique réalisant un certain nombre d'opérations logistiques
pour le compte de son / ses Client(s). »1 Ainsi, il existe plusieurs types de
prestataires, en fonction notamment des ressources et caractéristiques de
ces derniers, mais aussi en fonction du champ d’action que donnent les
clients aux prestataires logistiques choisis par leurs soins.
1.1.1 Les prestataires 1PL
Les prestataires 1PL (First Party Logistics) sont des acteurs de la chaîne
logistique dont le champ d’action ne se limite qu’à la sous-traitance des
transports, soit par manque de ressources, soit du fait d’une volonté de se
concentrer que sur cette activité.
1 http://www.faq-logistique.com/Definition-Prestataire-Logistique.htm
8
1.1.2 Les prestataires 2PL
Les prestataires 2PL sont des acteurs de la chaîne logistique qui ont des
prérogatives plus élargies que les prestataires 1PL. En effet, leur champ
d’actions englobe à la fois l’externalisation du transport et de l’entreposage.
1.1.3 Les prestataires 3 PL
Les prestataires 3PL (Third Party Logistics) exercent une activité plus
connue sous le nom d « externalisation classique ». Selon la société de
conseils A22 Logistics, cette activité consiste « à confier à un spécialiste
la réalisation des opérations logistiques et la mise en place des outils,
compétences et systèmes nécessaires, avec l'objectif d'améliorer la
performance ». 2
1.1.4 Les prestataires 4PL
Selon le cabinet Arthur Andersen (devenu par la suite Accenture)3, un
prestataire 4PL est « un intégrateur qui assemble ses propres ressources,
capacités et technologies et celles d’autres prestataires pour concevoir et
piloter des Supply chains complexes.
Ces entreprises mettent en œuvre leurs compétences d’ingénierie
logistique afin d’optimiser les flux et de recourir aux meilleurs prestataires.
Leur rôle est de mobiliser et de coordonner des acteurs hétérogènes en
gérant à la fois les systèmes d’information, le transport, l’entreposage, la
manutention, la distribution et les risques pour satisfaire les demandes de
leurs clients.
Le 4PL implique de nouvelles formes de collaboration et donc de
contractualisation liant chargeurs, prestataires 3PL et le client avec une
obligation de résultat (réduction des coûts, d’innovation et d’organisation).
Les 4PL peuvent à la fois jouer un rôle de conseil permettant une
optimisation de la chaîne logistique mais aussi de maître d’ouvrage en
2 http://www.cat-logistique.com/vocabulaire.htm
3 http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DGITM___Prestataire_4_PL_2p_web.pdf
9
pilotant la mise en œuvre des préconisations aussi bien opérationnelles
que stratégiques.
1.2 L’externalisation, cœur de métier des prestataires logistiques
1.2.1 Définitions
Les prestataires logistiques sont, du fait de leurs activités, intimement liés
au développement du phénomène de l’externalisation logistique. Selon
Bertrand Quélin, professeur au sein de groupe HEC, et soit dit en passant
l’un des meilleurs spécialistes du sujet, l’externalisation « est le transfert
durable d’activités dans lesquelles l’entreprise a investi dans le passé. ».
Par ailleurs, Jean-Marc Lehu définit ce même terme comme suit 4 :
« L’externalisation est un transfert stable et durable d’un processus
jusqu’alors interne à un opérateur externe […] Elle permet de faire appel à
des spécialistes qui assureront une fonction qui ne relève pas de son cœur
de métier et pour laquelle ils seront normalement plus efficaces et plus
compétitifs. »
Au-delà de l’avis des spécialistes du sujet, lorsque l’on interroge les
différents responsables des groupes industriels français à propos du terme
« externalisation »5 , on peut constater que leur perception du terme à
évoluer au fil du temps, preuve que le marché de l’externalisation est en
mutation constante.
4 Jean-Marc LEHU, L’encyclopédie du Marketing, page 336.
5 Ernst& Young, Baromètre de l’outsourcing 2005.
10
1.2.2 Pourquoi externaliser ?
L’externalisation par une entreprise industrielle doit remplir plusieurs
objectifs.
Tout d’abord, l’externalisation doit permettre de se recentrer sur son cœur
de métier, qui est source de la plus grande valeur ajoutée produite par
l’entreprise et qui génère le plus de contraintes. Puis l’externalisation doit
permettre de réaliser des économies et de réduire les coûts tout en
maintenant un niveau de qualité important grâce à l’expertise du
prestataire choisi. D’autre part, l’apport de ce dernier est non négligeable
dans la mesure où il permet à l’entreprise cliente d’avoir accès à de
nouvelles compétences, à des ressources qui n’existent par en interne,
ainsi que de concentrer ses propres ressources humaines sur les activités
stratégiques .Par ailleurs, l’externalisation permet de jouir d’une certaine
flexibilité, ce qui de ce fait permet de mieux ajuster les coûts de
production en fonction du niveau d’activité, et ainsi de réduire et contrôler
les coûts opérationnels.
Enfin, externaliser permet de déléguer une activité que l’on maitrise mal
ou pas du tout, de partager les risques liés à la production ainsi que de
mieux gérer ses budgets.
11
En somme, une externalisation réussie peut se résumer en douze étapes,
ces dernières étant décrites dans le tableau ci-dessous.
1.2.3 Distinction d’avec la sous-traitance
Il ne faut pas confondre l’externalisation avec la sous-traitance, dans la
mesure où ces deux activités sont bien distinctes et répondent à des
besoins bien spécifiques
En effet, toujours selon Jean-Marc Lehu, « L’externalisation est distincte de
la sous-traitance, notamment parce qu’elle modifie durablement les
frontières de la firme et la configuration structurelles de ses ressources ».
En d’autres termes, l’externalisation engage l’entreprise sur le long terme
via à vis de ses prestataires logistiques partenaires, tandis que la sous-
traitance ou encore le recours à des services extérieurs temporaires en cas
de pics d’activité irréguliers ne requièrent pas autant d’investissements
financiers, humains et relationnels.
12
1.2.4L’essor des prestataires logistiques industriels via l’externalisation
La volonté des groupes industriels, quelle que soit leur taille,
d’externaliser leurs activités situées en dehors de leur cœur de métier à
engendrer un fort développement des prestataires logistiques industriels.
Ainsi, selon une étude de Bertrand Quelin6, quatre déterminants poussent
les groupes industriels à externaliser.
1.2.4.1 La problématique des coûts opérationnels
Les économies de coûts se font principalement au niveau des activités
supports, telles que le transport, l’informatique, les services généraux ou
encore la maintenance. C’est pour cela que les groupes industriels font
appel à des prestataires spécialistes dans leurs domaines, qui proposeront
leurs services à des tarifs plus intéressants pour les clients que si les
activités restaient internaliser.
1.2.4.2 La focalisation sur les compétences-clés
« Quand on touche au cœur même de la valeur ajoutée, il est inenvisageable
d’externaliser. L’entreprise doit au contraire chercher à se renforcer »7.
La volonté des groupes industriels de garder la mainmise sur leurs
compétences clés est un facteur influençant les décisions d’externalisation.
Cependant, le périmètre délimitant le cœur de métier n’est pas forcément
toujours bien défini, dans la mesure où cela nécessite une analyse interne
profonde. Chose que peu d’entreprises industrielles effectuent.
6 Bertrand Quelin, Journal de l’association du groupe HEC, Juillet-Aout 2002 , page 33
7 Frédéric Tcherneian, DAF de Questel Orbit, Le journal d’HEC, page 32, Juillet-Aout 2006
13
1.2.4.3 La rentabilité des capitaux utilisés
La part croissante de l’évaluation des capitaux engagés par l’entreprise va
de pair avec l’évaluation de la rentabilité des investissements.
Dès lors, deux solutions s’offrent aux industriels :
- L’externalisation peut s’effectuer lorsque de nouveaux investissements
sont à réaliser. Le cas échéant, le client attend que le prestataire prenne à
sa charge les nouveaux investissements.
1.2.4.4 L’implication du partage des risques
Intégrer un prestataire au sein de son processus productif implique
certaines contraintes légales, financières ou encore des contraintes liées à
la communication.
En effet, l’externalisation pose un problème de délégation, et donc par la
même de responsabilité, notamment et surtout au niveau de la sécurité,
de la divulgation d’informations confidentielles ou encore de l’image de la
société cliente. Ainsi, il est indispensable de bien encadrer au préalable la
responsabilité de chacun lorsque le contrat d’externalisation est conclu.
De plus, il existe un risque potentiel concernant le niveau de compétences
du client, dans la mesure où cet élément lui permet de garder une certaine
crédibilité ainsi qu’un pouvoir décisionnel à l’encontre de son prestataire.
En d’autres termes, si le client n’est pas proche de son prestataire et de
l’activité qui lui a été confiée, ce dernier risque de fonctionner en quasi
autonomie chez le client, ce qui peut créer à termes des dissensions entre
les deux personnes morales.
14
1.2.4.5 Avantages et freins à l’externalisation
Mis à part ces quatre critères de décision poussant ou non les industriels
à externaliser, on peut mettre en lumière les différents avantages et freins
poussant les entreprises à faire appel aux prestataires logistiques
industriels (voir par ailleurs l’annexe 1)
1.2.4.5.1 Les avantages à l’externalisation
On constate que le critère de coût est celui qui revient le plus, dans la
mesure où les entreprises cherchent à la fois la réduction des coût
globaux de fonctionnement mais aussi le maintien voire même
l’augmentation de la qualité de ses activités. Par ailleurs, le critère de
flexibilité est aussi très recherché par les industriels, dans la mesure où
l’adaptation aux divers volumes d’activité de manière rapide et efficacité
est déterminant dans l’optique d’une baisse des coûts.
15
1.2.4.5.2 Les freins à l’externalisation
On constate que les principaux freins à l’externalisation résident avant
tout dans la perte de contrôle que va subir l’industriel au profit du
prestataire dans le cadre de l’activité externalisée.
En effet, le fait de transférer une activité à une entreprise externe
engendre une certaine délégation de tâches, ce qui laisse une grande
autonomie de travail pour le prestataire. Il est donc nécessaire de tisser
des relations de confiance mutuelles, dans le but de générer une
prestation transparente de qualité.
En somme, dans une optique d’externalisation, la principale
problématique pour les industriels est de trouver un prestataire à la fois
compétitif, coopératif, réactif, fiable et disposant de ressources permettant
d’assurer une activité de qualité.
A la vue de ces différents éléments, la capacité relationnelle est donc un
facteur indispensable à prendre en compte lorsqu’une entreprise
sélectionne un prestataire.
16
1.3 Les chiffres actuels du secteur
Le marché de l’externalisation logistique à subi de profondes mutations
depuis la fin du vingtième siècle et ne cesse d’évoluer.
Ainsi, le marché est passé de 150 milliards d’euros en Europe en 20018 à
plus 320 milliards en 20049, soit une augmentation de plus de 53 points
en 3 ans. En France, en 2004, le marché de l’externalisation logistique
produisait un chiffre d’affaires de 39,45 milliards d’euros et employait plus
de 400 000 salariés, soit 1,9% de la population active française.
1.4 Les principaux acteurs du secteur10
Sur le marché de l’externalisation logistique, le mot d’ordre est la réactivité.
Les clients exigent de leurs prestataires la capacité de répondre à
l’instabilité grandissante de leur supply-chain. Il s’agit donc, une fois la
maîtrise des prestations essentielles acquise, d’accompagner les
mouvements du client sur son marché. Ainsi, à tous les niveaux, les
prestataires doivent se focaliser sur l’objectif de qualité de service, qui
passe par l’aptitude à identifier les besoins du client, dans un contexte de
complexification des flux logistiques et d’optimisation des ressources de
l’entreprise.
Ces mutations de la demande ont induit de profondes transformations de
la chaine de valeur des prestataires, qui doivent désormais être capables
de proposer, en plus des prestations d’exécution, la gestion voire la
conception de solutions logistiques globales.
8 Source : Les Echos du mercredi 29 Août 2001
9 Les chiffres clés de la logistique, Karen PEIGNARD, RESIS, 2 mai 2006
10 Etude Xerfi : « Les stratégies des prestataires de services logistiques. Reconfiguration du secteur et
modèles de développement. »
17
En outre, quatre grands ensembles distincts de prestataires logistiques
peuvent être déterminés :
1.4.1 Les grands intégrateurs
Les grands intégrateurs sont les grands groupes tels DHL, Geodis ou
encore FM Logistics. La structure de leurs activités est généralement
basée sur l’intégration de l’ensemble des métiers de la supply-chain, sur
une intégration sectorielle mais aussi sur une intégration géographique.
De ce fait, pour faire face à la demande de prestations globales, ces
groupes développent une maitrise totale de leurs réseaux. Toutefois, les
clients n’étant pas tous enclin à confier l’ensemble de leur logistique à un
seul prestataire, l’avantage des poids lourds ne réside pas seulement dans
leur capacité à offrir des services exhaustifs, mais également leur aptitude
à établir un rapport de force équilibré avec le donneur d’ordre.
1.4.2 Les spécialistes
Pour les prestataires logistiques déjà engagés sur la voir de la
spécialisation, le défi est tel qu’il est nécessaire d’être incontournable sur
le segment investi De ce fait, cela implique d’en devenir le référent national,
européen voire même mondial si le créneau de spécialité l’exige. Face à la
force de frappe des leaders, il est dès lors indispensable de posséder une
longueur d’avance et de procéder notamment à une veille technologique.
La clé est de parvenir à conserver ses experts, condition nécessaire pour
remporter des marchés face aux leaders, ces derniers ayant tendance à
perdre ces compétences du fait de la sous-traitance.
18
1.4.3 Les généralistes de taille moyenne
Il est difficilement tenable pour un acteur du marché de taille moyenne de
s’afficher comme intégrateur total global, au même titre que les leaders de
la profession : le marché exerçant une forte pression sur les prix, les
prestataires ne peuvent y répondre que par effet volume ou une
spécialisation des process. Ainsi, pour ces « généralistes moyens », deux
voies de survie sont possibles : premièrement, le développement d’un
savoir-faire spécifique ou bien la mise en place d’une stratégie d’alliances
horizontales pour rivaliser avec les géants internationaux.
1.4.4 Les prestataires de proximité
Si les petits prestataires n’ont naturellement pas les moyens financiers et
structurels pour proposer une offre globale, ils disposent néanmoins de
véritables atouts. En effet, leur pérennité repose sur la maitrise de niches
où ils seront en mesure d’offrir des services compétitifs.
1.5 Les relations entre les prestataires de services et les industriels
Les relations entre les prestataires de services et les industriels se nouent
lorsqu’un qu’un projet d’externalisation est lancé par le second nommé.
Dès lors, le besoin émis est matérialisé par la rédaction d’un appel
d’offres, qui sera diffusé par le demandeur, c'est-à-dire l’industriel, à
l’ensemble des prestataires potentiellement capables de satisfaire les
différents pré-requis exigés par le client.
Selon Xavier Urbain, directeur général de Hays Logistics, “le partenaire
choisi doit être un vrai professionnel, capable de se remettre en cause, de
créer de la valeur, d’anticiper les évolutions. Le donneur d’ordres doit bien
connaître la stratégie de son sous-traitant, valider sa capacité
d’investissement et s’assurer de la compétence de ses équipes”.
19
1.5.1 Déroulement et suivi d’un appel d’offres
Selon Jean-Marc Lehu11, un appel d’offres est « une procédure au cours de
laquelle un acheteur potentiel décrit précisément ses besoins et
proposent à des fournisseurs potentiels de lui faire des offres en
conséquence. »
1.5.1.1 La rédaction de l’appel d’offres
L’externalisation d’une partie ou de la totalité d’une activité suit un
déroulement bien précis qui se doit d’être respecté afin notamment
d’optimiser le niveau de qualité de la prestation. Du côté de l’acheteur
potentiel, la problématique principale est de rédiger un document d’appel
d’offres compréhensible et concis où doivent figurer plusieurs éléments
essentiels, afin que les fournisseurs potentiels puissent répondre à la
demande sans mal.
En effet, l’appel d’offres doit contenir de manière quasi-obligatoire :
- Une description de la société que l’on représente
- Une description du contexte général du déroulement de l’appel d’offre
- L’invitation aux réunions d’informations et un plan d’accès
- Le cahier des charges des prestations attendues
- Les volumes/quantités en jeu
- Les dates de livraisons
- Les règles du déroulement du processus de choix fournisseur et la
deadline pour répondre
- Une grille de cotation afin que tout le monde cote d’une façon comparable.
- Un formulaire d’accusé de réception
11
L’encyclopédie du Marketing, Jean-Marc Lehu, page 56.
20
1.5.1.2 La sélection des fournisseurs potentiels
Un mauvais ciblage des fournisseurs potentiellement aptes à répondre à
l’appel d’offres peut-être à l’origine d’une non réalisation d’un appel
d’offres. Il est donc nécessaire pour l’acheteur de consulter de bonnes
sources afin de trouver des fournisseurs compétents.
Les deux sources principalement utilisées actuellement par les sociétés
sont d’une part les sources internes (autres services, base de données
fournisseurs,…) et de l’autre Internet, grâce aux moteurs de recherche et
aux annuaires spécialisés.
1.5.1.3 La rédaction de la réponse à l’appel d’offres
Pour les prestataires contactés, le premier enjeu est d’analyser
profondément l’appel d’offres émis afin de déceler, de percevoir et de
comprendre les exigences du client potentiel. Ensuite, il est nécessaire
pour le prestataire de développer et d’approfondir les solutions qu’il
souhaite mettre en place afin de répondre aux exigences du client, sans
omettre de budgétiser les solutions.
Une fois cette étape effectuée, la rédaction de l’appel d’offres se doit d’être
concise, précise et proche du cahier des charges du client. La valorisation
de la société par le biais notamment de ses engagements éthiques est
également un élément qui peut être déterminant dans le choix final du
demandeur.
1.5.1.4 L’analyse des offres par l’acheteur
Une fois la deadline passée, l’acheteur doit analyser les différentes offres
de services reçues. L’analyse s’effectue à partir de critères préétablis (coût
global du projet, viabilité des solutions proposées,…). Généralement, les
prestataires potentiels soutiennent leur projet devant un jury composé de
salariés appartenant à l’entreprise industrielle demandeuse.
21
1.5.2 Cas concret : L’exemple de KS Services
Afin de mieux comprendre le processus d’externalisation d’une activité
chez un client, et par la même les relations entre un client et son
prestataire, les différents schémas ci-dessous présentent les différentes
étapes répertoriées et exécutées par le personnel KS Services, prestataire
logistique industriel depuis 1991, dès lors que cette société est sollicitée
pour un appel d’offres.
22
Afin de mettre en lumière le déroulement d’une prestation par KS Services,
le schéma ci-dessous représente les flux physiques et d’informations entre
trois acteurs (la direction de KS Services, le client et l’équipe de KS
Services sur le site client).
Lors de la mise en œuvre d’une prestation, c’est la DTQ (Direction
Technique et Qualité) et le DA (Directeur d’Agence) qui déterminent les
moyens tant humains que matériels à mettre en œuvre pour le bon
déroulement de la prestation.
Pour assurer le bon fonctionnement de la prestation, KS Services bénéficie
d’une communication permanente à différents niveaux :
- Mensuellement : Un reporting d’activité est diffusé au client et à la
direction de KS Services après la clôture de chaque mois. Ce
reporting permet de se rendre compte de l’activité qui a été réalisée,
et si les objectifs quantitatifs et qualitatifs fixés initialement ont été
respectés.
- Périodiquement : Le responsable de site KS Services et son interface
client font un bilan rapide de la période écoulée et des prévisions de
la période à venir.
- Annuellement : Un bilan technico-économique est réalisé chaque
année entre la direction de chaque entité afin de réviser le cas
échéant certaines clauses ou modalités du contrat de prestation
(niveau de production, taux d’unité d’œuvre,…).
23
Le schéma ci-dessous décrit une prestation de KS Services chez un client
industriel fournissant des outils bureautiques destinés principalement à
un commerce B to B.
Cette prestation consiste à faire un contrôle (qualitatif et quantitatif) des
commandes préparées par le client pour ensuite les charger dans des
navettes selon les destinations. KS Services a mis en place des moyens
humains (chefs d’équipe, manutentionnaires, responsable de site) pour
assurer le bon déroulement des opérations.
Le responsable de site allie des qualités d’organisateur, d’animateur, de
gestionnaire et de commercial qui en font un personnage autonome, apte
à réagir à toutes les situations.
24
En somme, le marché français des prestations logistiques industrielles est
en plein boom du fait notamment et surtout du fort développement de
l’externalisation. En effet, ce phénomène a séduit les industriels soucieux
d’optimiser les performances de leurs activités. La nécessité d’avoir
recours à des prestataires a donc permis à ces derniers de diffuser leur
savoir-faire , tout en veillant à soigner les relations avec leurs clients.
Cette dernière optique, c'est-à-dire l’aspect relationnel (que nous
développerons dans le deuxième partie) entre d’une part les clients et de
l’autre les prestataires logistiques, est un élément à ne pas négliger dans
la mesure où elle apporte une plus-value à la qualité de la prestation
produite par le prestataire.
25
La compétence relationnelle,
outil stratégique de développement pour les prestataires logistiques
Les multiples liens entretenus par les entreprises avec leurs parties
prenantes obligent les premières citées à développer de solides
compétences relationnelles afin de tisser des liens viables et durables au
sein de son environnement.
En effet, dans un monde professionnel de plus en plus mondialisé et
concurrentiel, il est indispensable pour une firme de cultiver de l’expertise
et de l’expérience dans le domaine relationnel afin d’être compétitif sur les
différents marchés dans lesquels elle évolue.
Au sein du marché français des prestations logistiques industrielles, la
capacité relationnelle doit avant tout permettre aux prestataires
logistiques d’étendre leurs activités et d’accroître leur pouvoir de
négociation vis-à-vis de leurs clients.
L’objectif de cette deuxième partie de mémoire est donc dans un premier
temps de d’expliquer et de comprendre au travers de l’avis d’experts les
bienfaits pour le bon fonctionnement ainsi que pour la performance d’une
entreprise d’une bonne maitrise de la capacité relationnelle au sein du
monde professionnel.
Puis dans un second temps, nous nous intéresserons plus précisément
sur l’importance et le rôle primordial de la capacité relationnelle au sein
du marché français des prestations logistiques industrielles, par le biais
d’entretiens réalisés avec des acteurs majeurs du marché.
26
2.1 Compétence relationnelle : définition, acquisition et développement
2.1.1 Définition
Selon Eric Persais 12 , maître de conférences en sciences de gestion à
l’Université de Poitiers, la compétence relationnelle peut se définir comme
la « capacité d’une entreprise à tisser et entretenir un lien positif et durable
avec un acteur clé de l’environnement. »
2.1.2 Acquisition et développement de la capacité relationnelle
Toujours selon Eric Persais, l’acquisition de compétences relationnelles
repose sur trois éléments essentiels, c'est-à-dire le savoir, le savoir-faire
ainsi que le savoir-être.
Premièrement, il est primordial d’acquérir une excellente connaissance
des acteurs clés de l’environnement, autrement dit un solide savoir à
propos de son marché, dans la mesure où une plus grande maitrise de
l’information et des données propres à son environnement favorise d’une
part la prise de décision et de l’autre la réactivité.
Ensuite, il est nécessaire pour une entreprise d’avoir un savoir-faire
reconnu dans la gestion des relations avec ses interlocuteurs, dans la
mesure où cela favorise d’une part son aura et de l’autre dans une
moindre mesure son pouvoir de négociation aux yeux de ses derniers.
Enfin, l’entreprise doit se reposer sur un savoir-être qui doit révéler une
attitude et d’un souci d’intégrer les exigences de ses interlocuteurs dans
certaines des décisions prises par l’entreprise.
12
PERSAIS E., (2001), « Le caractère stratégique des compétences relationnelles : une approche
conceptuelle», Communication, Xème Conférence AIMS, Québec.
27
2.2 La compétence relationnelle, source de réussite des coopérations inter-
firmes.
2.2.1 Le poids de la confiance dans les coopérations inter-firmes
Selon Dyer13, la première raison poussant les firmes à passer des accords
entre elles est la recherche de création de valeur. Cependant, certaines
associations sont vouées à l’échec par manque d’investissement et de
coopération d’un ou plusieurs partenaires.
Le résultat d’une association inter-firmes dépend en grande partie du
degré de coopération ainsi que du comportement de chacune des parties.
En effet, une association de firmes investies et engagées dans la relation
engendre des effets et résultats bien supérieurs à ceux d’une association
inter-firmes guidée par des intérêts sournois et individualistes.
De ce fait, dans une relation inter-firmes où règne un climat de défiance,
les entreprises rechignent d’une manière générale à s’engager de manière
unilatérale et volontaire dans des actions ayant un effet positif sur le
résultat final de l’association, mais non prévues par l’accord. À l’inverse,
l’instauration d’une relation établie sur la base d’une confiance réciproque,
réduit par exemple la nécessité d’inscrire des clauses de sauvegarde dans
l’accord et évite la mise en place de mécanismes de contrôle. D’autre part,
elle favorise notamment et surtout l’investissement des acteurs concernés
par l’accord.
13
DYER H., Singh H., “The relational view: cooperative strategy and sources of interorganizational
competitive advantage”, Strategic Management Journal, vol. 23, n° 4, 1998, p. 660-679.
28
2.2.2 La durabilité des relations inter-firmes, facteur de réussite
Madhoc et Tallman14 distinguent le potentiel d’un partenariat, du résultat
réellement obtenu par le biais de la coopération. Les rentes générées
dépendent, selon eux, non seulement des capacités des partenaires, mais
également et surtout de leur volonté de construire une relation efficace et
durable tout au long de leur collaboration.
En effet, le processus de la collaboration inter-firmes est par nature
circulaire. De ce fait, comme cela a été expliqué entre autres par Ring et
Van de Ven par le passé15, une relation optimale nécessite l’instauration
de feedbacks permanents entre les différents partenaires afin d’optimiser
les actions produites et générées par la collaboration.
Les relations et la confiance s’instaurent et s’installent de ce fait avec le
temps. Par conséquent, les savoirs-faire et l’expérience acquis lors de
précédentes coopérations réussies peuvent être décisifs pour la passation
d’accords futurs, dans la mesure où ils permettent de prendre du recul
par rapport aux risques que peuvent engendrer une collaboration inter-
firmes et permettent de se prémunir de certains écueils qui apparaissent
inexorablement lorsque deux firmes décident de s’associer. D’ailleurs,
Ranjay Gulati, professeur des universités au sein de l’Université
américaine d’Harvard parle de « ressources de réseau »16 pour montrer que
la mise au point d’accords durables nécessite des compétences
relationnelles particulières que l’on peut véritablement qualifier de
stratégiques.
14
Madhoc A., Tallman, S.B., “Resources, transactions and rents: managing value through interfirm
collaborative relationships”, Organization Science, vol. 9, n° 3, mai-juin 1998, p. 327-339. 15
Ring P.S., Van de Ven, “Structuring cooperative relationships between organizations », Strategic
Management Journal, vol. 13, 1992, p. 483-498.
16 Gulati R., “Network location and learning: the influence of network resources and firm capabilities on
alliance formation”, Strategic Management Journal, vol. 20, 1999, p. 397-420.
29
2.2.3 L’apport de l’approche institutionnelle
La dimension institutionnelle propose une mise en lumière intéressante
sur les stratégies relationnelles menées par les entreprises. Selon cette
vision, les entreprises s’immergent dans un cadre social, imprégné de
valeurs, de normes et de croyances et de préjugés.
De ce fait, cela tend à limiter leur marge de manœuvre dans la mesure où
il y a une part d’irrationnel dans les choix opérés par les dirigeants
d’entreprise: Ainsi, selon Zukin et Di Maggio 17 l’obligation et la
justification sociale prennent le dessus sur la rationalité économique
Les décisions et les choix économiques pris par les firmes ne sont pas
déterminés exclusivement par une logique financière, ni même par des
limites d’accès à des ressources telles que l’information ou encore la
technologie. En effet, selon Oliver18 , les choix des entreprises sont en
partie également contraints et déterminés par le comportement humain, et
par la même par des interactions sociales.
En somme, la conformité aux exigences sociétales, qu’elles soient internes
ou externes, contribuent fortement au succès de la firme dans la mesure
où les différentes pressions de ces diverses parties prenantes définissent
en grande partie la ligne directrice d’actions de l’entreprise.
Coff confirme cette hypothèse en expliquant dans un de ses nombreux
articles de recherche 19 qu’il est indispensable pour une entreprise de
prendre en compte les intérêts de ses parties prenantes dès lors que
l’influence de ces dernières vis-à-vis de la firme augmente.
17
Zukin S., Di Maggio P.J., “Structures of capital : the social organization of the economy”, Cambridge
University Press, 1990. 18
Oliver C., “Sustainable competitive advantage: combining institutional and resource-based views”,
Strategic Management Journal, vol. 18, n° 9, 1997, p. 617-713. 19
Coff R.W., “When competitive advantage doesn’t lead to performance”, Organization Science, vol. 10,
n° 2, 1999, p. 119-133.
30
Par ailleurs, selon Gulati20, le tissu relationnel ainsi que la qualité des
relations avec l’ensemble des partenaires sont partie intégrante du capital
de l’organisation.
En somme, la vision institutionnelle démontre réellement le fait que les
compétences relationnelles déterminent les liens qu’une entreprise
arrive à tisser au sein de son environnement et conditionnent par la même
le bon fonctionnement ainsi que la réussite d’une entreprise.
2.2.4 Le réseau, outil de consolidation des compétences relationnelles
Le réseau est un outil de développement primordial et vital pour les
entreprises dans la mesure où, selon Hall 21 , les réseaux sont des
« relations personnelles qui transcendent les besoins de la structure
organisationnelle. Ils concernent le partage de l’information et ont pour but
de dégager un avantages mutuel pour les parties concernées».
Le réseau est donc une valeur sûre sur laquelle l’entreprise peut se
reposer quelle que soit sa situation. Cependant, il s’avère indispensable de
l’entretenir de manière continue, c'est-à-dire d’une part de renforcer les
relations déjà existantes et de l’autre de l’enrichir avec l’apport de
nouveaux contacts (nouveaux clients, nouveau fournisseur,…), afin de
bénéficier au maximum de ses bienfaits.
Bontis, Dragonetti, Jacobsen et Roos22 partagent également cette vision
lorsqu’ils affirment que la capacité relationnelle est l’une des trois
composantes du capital structurel : « Structure capital can be divided into
relationships with any type of external actors (suppliers, customers, allies,
local communities, government, shareholders, etc.), organisation (including
structure, culture, routines and processes) and renewal and development
(all projects for the future : R&D, new plants, new products, BPR, etc.) ».
20
Gulati R., “Network location and learning: the influence of network resources and firm capabilities on
alliance formation”, Strategic Management Journal, vol. 20, 1999, p. 397-420. 21
Haanes K., Fjeldstad O., “Linking intangible resources and competition”, European Management Journal,
vol. 18, n° 1, 2000, p. 53-62. 22
Bontis N., Dragonetti N.C., Jacobsen K., Roos G., “The knowledge toolbox”
31
En conclusion de cette sous-partie, on peut donc affirmer que les relations
qu’une organisation entretient avec des acteurs externes doivent être
abordées et déterminées tant d’un point de vue économique et rationnel
que d’un point de vue comportemental et sociétal. L’alliance de ces deux
visions s’avère indispensable et conditionne le succès d’une société.
32
2.3 Les compétences relationnelles, un outil stratégique pour les
entreprises ?
2.3.1 La stratégie relationnelle : définition
2.3.2 La capacité relationnelle, avantage compétitif pour l’entreprise
Selon Mascarenhas23 , la solidité des relations avec des tierces parties
correspond à une des trois compétences clés, au même titre que la fiabilité
des processus et la supériorité technologique. Elles contribuent donc
fortement à la création de valeur ajoutée par l’entreprise, dans la mesure
où elles peuvent être considérées comme des « actifs intangibles » pour la
firme24.
Les entreprises doivent donc s’efforcer de cultiver leurs capacités
relationnelles afin d’étendre notamment à la fois leur pouvoir de
négociation et leurs marges de manœuvre vis-à-vis de leurs parties
prenantes.
Mais, au-delà de ces éléments, la capacité relationnelle peut s’avérer être
un véritable allié stratégique pour les prestataires logistiques dans la
mesure où l’ensemble des acteurs de l’environnement de ces derniers peut
apporter une pierre à l’édifice productif construit au fil du temps par le
prestataire.
En effet, chaque partenaire d’une entreprise peut contribuer au
développement de cette dernière : Ainsi, les fournisseurs sont susceptibles
d’apporter de nouvelles idées afin de développer un service innovant ou
une spécialisation nouvelle. Par exemple, un fournisseur de matériel de
manutention proposant un engin unique en son genre permettant de
manipuler des charges extrêmement lourdes en hauteur pourra inciter et
conseiller son client, c'est-à-dire le prestataire logistique, à travailler avec
23
MASCARENHAS B., BAVEJA A., JAMIL M.(1999), « Comment naissent les compétences »,
L’Expansion Management Review, Mars, p. 29 – 37, traductionde (1998), « Dynamics of core competencies
in leading multinational companies », CaliforniaManagement Review, Vol. 40, N° 4. 24
HALL R., (1992), « The strategic analysis of intangible resources », Strategic Management Journal, Vol.
13, p.135 – 144.
33
de nouvelles méthodes et de nouvelles procédures qu’aucun autre
concurrent ne maitrise encore.
Ensuite, les fournisseurs tout comme les clients peuvent contribuer
grandement à l’extension des activités d’un prestataire logistique car ce
sont des partenaires qui collectent et restituent une quantité non
négligeable d’informations et qui peuvent éventuellement indiquer
d’éventuelles opportunités ou menaces de marché.
L’influence des parties prenantes d’une entreprise est de ce fait assez forte
et peut se révéler être un atout sur le marché, ce qui laisse penser, comme
l’on démontrer Clarkson25 et Carroll26, qu’elle joue un rôle essentiel tant
dans le fonctionnement que dans le devenir de l’entreprise.
En somme, la compétence relationnelle demeure un outil stratégique pour
les entreprises car l’instauration de relations bilatérales entre une
entreprise et ses parties prenantes conditionne en partie la performance
de la première citée et lui permet d’acquérir une meilleure connaissance
des marchés dans lesquels elle se situe.
De plus, selon Oliver27, cela favorise, selon une logique de symbiose, son
intégration au sein de l’environnement.
25
CLARKSON M.B.E., (1995), « A stakeholder framework for analysing and evaluating corporate social
performance», Academy of Management Review, Vol. 20, N° 12, p. 92 - 117. 26
CARROLL A.B., (1996), Business and society: ethics and stakeholder management, Cincinnati, South-
Western Publishing, 3rd editions. 27
OLIVER C., “Sustainable competitive advantage : combining institutional and resource-based views”,
Strategic Management Journal, vol. 18, n° 9,1997, p. 617-713
34
2.3.3 La capacité relationnelle, actif transférable ?
Lorsqu’une entreprise parvient à tisser de solides liens durables avec l’un
de ses partenaires, l’enjeu pour elle est de reproduire ce schéma réussi
avec d’autres parties prenantes.
Cependant, la dimension relationnelle est une science humaine, qui ne se
révèle pas toujours comme une science exacte.
En effet, l’entreprise est susceptible de se servir de l’expérience acquise
dans une relation l’un de ses partenaires, pour la construction d’un lien
avec une autre entité.
Mais la capacité relationnelle reste propre aux entités qui ont su établir et
entretenir la relation. Ainsi, les acteurs concernés ne peuvent pas parfois
expliquer le succès de leur relation. Malgré l’expérience acquise, il est
donc difficile pour eux de diffuser des conseils aux autres acteurs qui
souhaiteraient établir des contacts fiables et durables avec d’autres
parties prenantes.
La capacité relationnelle n’est donc pas toujours transférable.
35
2.4 La dimension relationnelle sur le marché des prestations logistiques
industrielles
Après avoir passé en revue d’une manière assez théorique et académique
le facteur relationnel au sein des organisations économiques, intéressons
nous de plus près à l’influence de la capacité relationnelle au sein du
marché des prestations logistiques industrielles.
Afin de nous éclairer sur ce point, plusieurs entretiens ont été effectués
auprès de différents acteurs et spécialistes évoluant sur ce marché depuis
de nombreuses années.
Dans le but d’affiner les recherches et hypothèses nécessaires pour ce
mémoire, mais aussi pour se rendre compte de la manière dont sont
perçues les relations de confiance chez les prestataires logistiques
industriels ainsi que chez leurs clients, les entretiens suivants ont été
effectués à différents échelons hiérarchiques.
2.4.1 Entretien 28 avec Patrice Camporelli, Directeur Général des
Opérations de KS Services
Selon Monsieur Camporelli, qui travaille au sein de ce marché depuis plus
de 20 ans, un prestataire logistique doit toujours prendre en considération
le fait que le client « a et doit toujours avoir raison ». C’est à partir de ce
postulat que les relations qu’entretient un prestataire avec son client
peuvent se développer d’une manière stable et durable. « Entretenir de
bonnes relations avec ses clients augmente la possibilité d’étendre et
d’élargir nos activité chez ces derniers ».
Cependant, le prestataire logistique doit toujours veiller à ce les exigences
du client ne dépassent pas les conditions initialement prévues dans le
contrat de prestation. « Si on constate que le client exige de nos salariés la
réalisation de tâches non prévues dans le contrat, nous essayons de
négocier avec lui de manière diplomate dans le but d’intégrer cette nouvelle
28
Entretien réalisé le 16 février, à l’agence IDF de KS Services, Pantin (93)
36
tâche dans le contrat ou dans le cas contraire der faire cesser l’exécution de
cette prestation non prévue. »
D’une manière générale, lorsqu’un prestataire logistique spécialisé signe
un contrat de prestation avec un groupe industriel, le démarrage reste
délicat à négocier, dans la mesure où le prestataire pénètre dans l’intimité
de son client. « Un industriel qui n’a jamais externalisé une partie de ses
activités est toujours craintif lorsqu’il voit nos équipes arriver sur son site.
Plusieurs raisons le poussent à appréhender l’arrivée d’une entreprise
extérieure : Premièrement, l’industriel a peur de voir le niveau de qualité de
l’activité baisser. Puis, ce dernier craint également une fuite de certains de
ses secrets industriels. Enfin, l’industriel émet des réserves à propos de
l’entente entre d’une part ses propres salariés, et de l’autre les salariés du
prestataire qui travaillent sur site ».
La première problématique à résoudre pour le prestataire logistique est
donc avant tout de rassurer son client et de mettre tous les moyens
nécessaires pour que ce dernier n’ait pas à regretter son choix
d’externalisation. Une fois ce « problème » résolu, l’objectif est d’instaurer
une relation de confiance entre les différentes sociétés. Pour cela, le
prestataire doit s’efforcer de démontrer son savoir-faire au client. En effet,
selon Patrice Camporelli « le prestataire doit durant les premières
semaines d’activité, voire même les premiers mois, justifier son utilité
auprès du client en ayant une productivité conforme voire supérieure aux
conditions du contrat et des chiffres relatifs à la qualité et la sécurité (taux
d’accidents de travail, nombre d’erreurs durant l’activité,…) « parfaits »,
c'est-à-dire égaux à zéro. Dans le cas contraire, les relations peuvent
éventuellement se tendre avec le client, ce qui compromet fortement la suite
de la prestation ».
Cependant, au-delà des relations entretenues par les différents
responsables hiérarchiques des différents acteurs des contrats de
prestations logistiques, une grande partie des relations inter-firmes se
jouent sur le terrain, entre les différents cadres de proximité et
opérationnels des sociétés.
37
2.4.2 Entretien croisé29 de Pascal H, responsable d’entrepôt et de Denis.M,
responsable de site pour un prestataire logistique
C’est « sur le terrain » que se trouve le cœur d’activité d’un prestataire
logistique. Les relations entretenues par les différents acteurs (employés,
responsables,…) conditionnent fortement la réussite ou non d’une
collaboration. De ce fait, les équipes mises en place par le prestataire au
sein du site de son client se doivent d’être irréprochables tant dans leur
travail que dans leur comportement.
Pascal H., responsable d’entrepôt pour une société industrielle proposant
des solutions de bureautique à destination des professionnels et des
particuliers fait la remarque que « le comportement des salariés du
prestataire a un impact important sur l’image que l’on se fait de ce dernier.
En effet, il est difficile de travailler avec un prestataire qui met en place du
personnel qui génère des conflits et des problèmes. De ce fait, en tant que
responsable d’entrepôt, j’essaye dans la mesure du possible de traiter les
salariés, qu’ils soient internes ou externes à l’entreprise, de la même
manière afin notamment et surtout d’éviter des conflits ».
Denis M., responsable de site pour un prestataire logistique faisant partie
du trio de tête sur le marché français des prestations logistiques
industrielles rebondit sur les propos de Pascal H. en déclarant que « le
recrutement de travailleurs (caristes, manutentionnaires ou autres) se fait
avant sur des critères humains. Notre objectif est de collaborer avec des
personnes équilibrées, ouvertes d’esprit et aptes au travail en équipe, dans
le but d’avoir une équipe de salariés complémentaire prête à se fondre sans
mal chez le client ».
Par ailleurs, les multiples interactions possibles entre les salariés des
deux sociétés, qui travaillent peu ou prou sur la même surface d’activité,
peuvent déboucher sur des conflits.
29
Entretiens réalisés le 3 Mars à l’entrepôt national d’un grand groupe industriel (Les Ulis, 91). La société
ainsi que les deux interviewés ont souhaité rester anonymes.
38
«Dès lors qu’il y a conflit, nous essayons de le résoudre le plus rapidement
possible en convoquant dans un premiers temps les personnes concernées
pour les rappeler à l’ordre. Ensuite, les différentes responsables sur site des
deux sociétés essayent d’analyser les causes du conflit et tranchent sur une
éventuelle sanction » déclare Pascal H.
En somme, la capacité relationnelle des managers de terrain d’un
prestataire logistique doit être fiable, percutante et persuasive tant pour
veiller au bon fonctionnement des équipes mises en place que pour
dialoguer et échanger en permanence avec l’interface client. Elle influence
fortement les décisions prises par la hiérarchie, et conditionne en partie le
renouvellement ou non du contrat de prestation.
Le manager de terrain a donc un rôle clé à jouer, dans la mesure où son
comportement et ses actions, autrement ses relations directes et
indirectes avec le client, ont a posteriori des répercussions bien plus
importantes qu’on ne peut imaginer. Il est le gardien bienveillant des
relations de confiance tissées entre le prestataire logistique et son client.
39
2.4.3 Entretien avec Laurent C.30, cariste pour un prestataire logistique
Bien que l’influence ainsi que le pouvoir des caristes et manutentionnaires
soient limités lorsque des décisions sont prises, ces derniers restent et
demeurent les chevilles ouvrières des contrats de prestations logistiques.
Leurs attitudes et comportements sont des variables incontournables qui
conditionnent l’échec ou au contraire le succès d’un contrat de prestation.
Laurent C., qui travaille depuis plus de 20 ans en tant que cariste, met en
lumière la des relations au sein des entrepôts entre les salariés de
l’entreprise cliente et ceux des prestataires.
« Au sein de chaque sites dans lesquels j’ai travaillé, il a été peu évident
tant pour mes nombreux et multiples collègues que pour moi de se fondre
dans le paysage des entreprises clientes. En effet, les opérationnels
employés par les clients sont très méfiants à notre égard, car ils ont le
sentiment qu’on subtilise leur travail. Les premières semaines de travail ne
sont donc pas très évidentes à gérer. Il ne faut surtout pas répondre aux
provocations du « camp adverse », sous peine d’avoir des remontrances de
la part des hiérarchiques. Lorsque cela se passe bien, les responsables de
l’entreprise cliente nous le font savoir. A titre personnel, j’apprécie beaucoup
ces situations là dans la mesure où l’on nous accorde le cas échant
beaucoup plus de liberté dans notre travail. Cependant, il faut toujours
garder dans un coin de la tête le fait que tout peut évoluer d’un moment à
un autre et que les situations peuvent changer très rapidement. Attention
donc à la facilité, il ne faut surtout pas se relâcher ».
Ce témoignage permet donc de constater que la capacité relationnelle
propre à chaque salarié de l’entreprise, quel que soit son statut ou bien
encore sa position hiérarchique, permet de tisser et renforcer les liens
entretenus avec les clients, notamment et surtout au niveau de l’image
que perçoivent ces derniers à l’égard du prestataire logistique.
30
Entretien réalisé le 27 Janvier dans l’usine d’un des fleurons de l’industrie française, en Seine et Marne
(77). La personne interviewée et la société ont souhaité rester anonymes.
40
En somme, c’est au travers du comportement et de la gestion des hommes
au quotidien que se développe la capacité relationnelle d’une entreprise et
de ses salariés. En effet, le poids de l’influence des hommes sur le terrain
n’est pas négligeable dans la mesure où il détermine fortement la bonne
conduite ou non des relations entretenues par le prestataire logistique
avec son client.
A ce titre, les différents entretiens menés démontrent une certaine prise de
conscience de la part des différents acteurs. En effet, ces derniers sont
conscients de l’importance de leur rôle et s’efforcent d’entretenir de
bonnes relations d’une part pour maintenir un bon climat social sur le
lieu de travail, de l’autre pour accroitre la capacité du prestataire à
proposer de nouveaux projet d’externalisation à son client.
Cependant, ce dernier point dépend toutefois de la situation interne
(financière, humaine,…) du client ainsi que des opportunités éventuelles
en termes d’activités potentiellement externalisables.
41
Stratégies et enjeux futurs des
relations entre les prestataires et
les industriels
« Il ne faut pas oublier que la relation ‘’entreprise externalisatrice-
prestataire’’ reste avant tout une relation commerciale dans laquelle les
deux parties cherchent à s’approprier la plus grande partie de la valeur
créée par l’externalisation »31.
C’est à partir de cette réflexion de Jérôme Barthélémy, professeur de
management et de stratégie à l’ESSEC Business School que l’on peut
aborder les enjeux futurs des relations entre les prestataires de services et
les entreprises clientes.
En effet, si on part du postulat que toute relation commerciale débouche
sur d’âpres négociations visant à satisfaire au maximum l’intérêt
personnel, on peut supposer que les relations entre les parties prenantes
d’un projet d’externalisation soient un problème primordial pour ces
dernières.
De ce fait, plusieurs stratégies plus ou moins risquées visant à générer un
climat de confiance sain entre les différentes parties prenantes peuvent
être mises en place par le prestataire logistique afin d’obtenir divers
avantages ou gains dans un futur à plus ou moins long terme.
Cette troisième partie a donc pour but d’expliquer quelles sont ces
stratégies et de quelles manières le prestataire aborde-t-il les relations
entretenues avec ses clients.
31
Jérôme Barthélémy, L’expansion, page 28, Juin 2002
42
3.1 Faire des compromis au début de la collaboration pour étendre sa
crédibilité
La première stratégie relationnelle qu’un prestataire logistique peut mettre
en place afin d’optimiser ses relations avec l’industriel client consiste au
début de la collaboration inter-firmes à répondre aux demandes de ce
dernier sans réclamer des conditions tarifaires trop élevées ni demander
un élargissement des prérogatives initiales décrites dans le cahier des
charges.
3.1.1 Principes de la stratégie
En effet, cela va permettre au prestataire logistique d’avoir un point
d’entrée dans le processus productif de son client et ainsi d’une part de se
faire connaitre et de l’autre de faire reconnaitre ses compétences et son
savoir-faire. Il est inutile d’avoir des exigences trop fortes au début de la
prestation dans la mesure où le client réclame avant tout que les activités
externalisées soient bien réalisées.
En effet, le processus poussant un industriel à opter pour un choix
d’externalisation est parfois assez long, comme l’explique Bouchra Carlier,
consultante en management chez Accenture. En effet selon elle32, « Une ou
deux années s’écoulent généralement entre la prise de décision et la mise
effective de la solution d’externalisation ». De ce fait, le prestataire ne doit
surtout pas perturber le client durant les prémices de la collaboration
afin de ne pas risquer de froisser ses ardeurs d’externalisation.
Ainsi, comme le suggère Paul Tremsal, président de KS Services, « un
client industriel ne réclame pas d’un prestataire logistique de réaliser des
choses extraordinaires, mais de réaliser extraordinairement bien des choses
ordinaires ». Faire le dos rond et être efficace : Voilà les deux expressions
pouvant schématiser le comportement optimal d’un prestataire logistique
lorsque celui-ci débute une prestation.
32
http://www.focusfi.fr/L-externalisation-comme-un-moyen.html
43
Par la suite, la relation s’affinera et les divers problèmes quotidiens relatifs
à l’activité (management du personnel, management de la production,…)
seront abordés d’une manière plus réfléchie et plus reposée de la part du
client.
L’exigence qualitative et productive demeurera constante, cependant le
client sera plus à même d’accorder des largesses à son prestataire.
C’est notamment pour ces différentes raisons que cette première stratégie
relationnelle permet au prestataire de véhiculer auprès de son client une
réelle impression de contrôle et de maîtrise des savoirs-faire nécessaires
pour la ou les activités externalisée(s). Ainsi, le client ne perçoit pas la
maitrise globale de son prestataire telle une perte de contrôle de certaines
fonctions.
3.1.2 Enjeux de la stratégie
Cette stratégie permet à plus ou moyen termes au prestataire d’aborder
plus sereinement la suite de la relation avec son client et ainsi espérer de
tisser des liens plus fort, notamment d’un point de vue économique. Ainsi,
les interlocuteurs clients sont dans cette hypothèse plus ouverts et
délivrent plus facilement des informations plus ou moins importantes
ayant traits à l’activité globale de l’entreprise ou bien à des activités
spécifiques.
Dans cette optique, l’intérêt majeur pour le prestataire est de proposer ses
services et d’étendre son champ d’actions au travers de nouvelles activités
que le client souhaite externaliser.
Les bonnes relations entretenues permettront d’inciter le client à opter
pour le prestataire déjà en place avec lequel il se trouve en confiance. Le
prestataire pourra ainsi étendre son chiffre d’affaires et agrandir son aura
auprès du client. La dépendance de ce dernier vis-à-vis du premier
nommé sera augmentée, dans la mesure où le prestataire se verra confier
une plus grande part du processus de production de son client.
44
3.2 L’extension des activités par l’autonomie d’actions
Lorsqu’un industriel externalise l’une de ses activités, cela est dû parfois
en raison d’une carence en termes de spécialisation ou d’un manque
d’expérience en la matière. Le choix du prestataire se révèle donc
primordial. En effet, les critères principaux mentionnés par 90% des
industriels dans leur choix de prestataires en matière d’externalisation
sont dans un premier temps sa capacité à s’engager sur des résultats,
puis des considérations de prix, leur expertise technologique-métier, et
enfin leur capacité à partager les risques.
Le cas échéant, le prestataire de services choisi a pour objectif principal de
rassurer son client et de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires afin
de fiabiliser l’activité. C’est pour cela que le prestataire doit se forcer à
mettre en place une stratégie relationnelle efficace afin de « séduire » son
client de la meilleure des manières possible et d’obtenir le maximum
d’autonomie.
3.2.1 Principes de la stratégie
L’inexpérience relative du client au sujet de l’activité externalisée permet
au prestataire de se voir octroyer une certaine autonomie d’actions. Cette
autonomie doit être fructifiée par le prestataire de manière à ce que le
client soit rassuré au voies doivent être prises par le prestataire.
Premièrement, ce dernier doit veiller à être transparent vis-à-vis du client,
que ce soit en termes du suivi de l’activité (reporting hebdomadaire,
comparaison prévisions/activité réelle,…) ou de la gestion quotidienne
(relation avec les interfaces, gestion des moyens humains et techniques,…).
Puis, le prestataire doit essayer d’orienter son client dans les choix
d’investissement les plus appropriés possibles, afin de rendre les
opérations plus efficaces et plus rentables.
45
Enfin, le prestataire doit également veiller à l’amélioration continue de
l’activité en étudiant de manière régulière les possibilités d’amélioration de
l’activité. Par exemple, ces améliorations peuvent concerner une
réorganisation de la zone de production, tels un réordonnancement d’une
zone de picking ou encore le réaménagement des quais d’expédition.
Cette dernière observation souligne l’effort permanent que doit fournir le
prestataire afin de gagner la confiance du client. En effet, l’autonomie
octroyée au prestataire ne doit pas inciter ce dernier à se reposer sur ses
acquis. Au contraire, le prestataire se doit d’être proactif, aller de l’avant et
participer pleinement à la vie de l’entreprise cliente, dans la mesure du
possible.
En somme, même en cas de grande autonomie, le prestataire se doit d’être
proche de son client et d’entamer des démarches constructives afin de
gagner sa confiance. Cette stratégie soulève plusieurs enjeux pour le futur
de la collaboration entre les deux entreprises.
3.2.2 Enjeux de la stratégie
Cette seconde stratégie relationnelle allie plusieurs éléments qui
permettent au prestataire de s’impliquer activement dans le processus
productif de son client.
Ainsi, cette démarche a pour but de fidéliser le client et de rendre ce
dernier plus enclin à prolonger le contrat de prestation .En sus, comme le
dit Frederick Reichheld, « la clé vers la fidélité est la création de valeur. La
clé de la création de valeur est l’apprentissage organisationnel. La clé de
l’apprentissage organisationnel est la valeur de l’échec ».
Le partage des valeurs est donc un élément clé de l’aspect relationnel
entre deux entités liées par un contrat de prestation dans la mesure où
cela pousse les deux parties prenantes à s’investir dans la relation et à
s’engager mutuellement.
46
Le bénéfice perçu par le prestataire au cours de la réalisation de cette
stratégie relationnelle est double. Premièrement, la dimension
relationnelle, composée à la fois du comportement et de l’attitude du
prestataire, va favoriser l’essor d’une volonté mûrement réfléchie du client
de proposer une extension des activités du prestataire.
Ce dernier voit ainsi ses effectifs et son chiffre d’affaires croitre grâce à son
apport dans le processus productif de son client.
Par ailleurs, la confiance engendrée depuis le début de la collaboration
favorise la fidélisation et par la même le prolongement du contrat de
prestation, la stabilité étant le maitre mot des entreprises pratiquant
l’externalisation.
En somme, les relations entre les industriels et les prestataires de services
doivent être abordées d’une manière prudente mais ferme de la part de ces
derniers, tout cela pour tisser avant tout des relations fiables, durables et
mutuellement profitables puis par la suite pour étendre sa surface
d’influence chez le client. Ainsi, innover, créer de la valeur ajoutée et
prendre des initiatives sont les maitres mots permettant aux prestataires
logistiques de gagner la confiance de leurs clients.
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Conclusion
« Un esprit qui s'est élargi pour accueillir une idée nouvelle ne revient
jamais à sa dimension originelle ». Cette citation d’Oliver Wendell Holmes,
célèbre écrivain américain du XIXème siècle, peut à elle seule résumer
l’objectif qu’un prestataire se doit d’introduire auprès de ses clients. En
effet, la dimension relationnelle, via des stratégies plus ou moins
complexes à mettre en œuvre, est à elle seule un puissant vecteur
favorisant l’extension des activités des prestataires dans la mesure où elle
nourri le développement de liens solides et constructifs entre les
différentes parties prenantes d’un contrat d’externalisation.
En sus, elle favorise l’émergence économique des prestataires du fait de la
multiplication des contrats obtenus par les prestataires et par la hausse
de la durée de ces derniers. L’image de qualité et de fiabilité que se font les
clients vis-à-vis de leurs prestataires permet une certaine fidélisation qui
d’une part amplifie la durabilité des relations entre les deux firmes et de
l’autre rend la dépendance l’une envers l’autre plus forte.
La capacité relationnelle d’un prestataire logistique industriel est donc un
outil stratégique qui se révèle être un réel et concret facteur clé de succès
lorsque celui-ci est bien exploité.
Cependant, il ne faut pas oublier que la capacité relationnelle ne peut se
construire qu’avec une solide structure d’entreprise basée avant tout sur
un management humain permettant de développer l’autonomie, le
partage des idées et la pro activité.
Mais, au-delà de la capacité relationnelle, l’enjeu futur des prestataires
logistiques industriels français, qui consiste soit à s’accaparer la part la
plus importante du marché (ce dernier étant en fort développement et
continuera à progresser dans le futur), ou bien soit de se spécialiser dans
un niche de marché spécifique, se verra ponctuer d’une solide bataille où
les différents outils stratégiques tels que l’innovation, la rentabilité ou
encore ladite capacité relationnelle seront mis à contribution.
48
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53
Annexes
Annexe 1 : Etude XERFI, avantages et freins de l’externalisation pour les
entreprises
54
Annexe 1 (suite)