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Forage et exploitation d’hydrocarbures

Du pétrole et des idéesLe forage et l’exploitation pétrolière en France métropolitaine sont des activités méconnues. Pourtant… la filiale française de Lundin International, société d’exploitation pétrolière, est présente sur dix gisements en Champagne-Ardenne et sur cinq en Aquitaine. Un secteur hors du commun, avec ses codes et sa propre approche de la prévention des risques professionnels.

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A u milieu des champs, dans la campagne champenoise, sur la

commune de Grandville, dans l’Aube, s’élève une étrange machine. Des panneaux blancs encerclent un mât télesco-pique qui s’élève et s’abaisse : il s’agit d’un puits de forage pétrolier. Sur la plate-forme de forage, des opérateurs s’affai-rent pour insérer les tubes à la verticale. Juste à côté, assis en cabine et entouré de multiples manettes et écrans de contrôle,

le pilote commande les opéra-tions : sa machine extrait d’un stock un tube en acier de 13 m de long et 13 cm de diamètre, puis le positionne pour qu’un opérateur le graisse avant de le visser au précédent tube déjà en place. À proximité immé-diate, un puits en exploitation, avec une forme de tête de che-val typique, bascule suivant un mouvement de balancier régu-lier. Une vision que l’on s’attend davantage à trouver au Texas qu’en Champagne. Pourtant, le

sous-sol hexagonal abrite des gisements pétrolifères, certes modestes à l’échelle mondiale, mais qui génèrent une acti-vité pérenne d’exploration et d’exploitation.Sur le site de Grandville, un ambitieux projet est en train de voir le jour. D’un montant de 30 millions d’euros, il s’agit du plus grand projet de pros-pection pétrolière de ces vingt dernières années en France. Si le premier puits a été foré sur le site en 1965, le réservoir

Les opérations de forage sont de plus en plus automatisées, réduisant les risques liés aux

interventions manuelles.

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Du pétrole et des idées

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pétrolifère reste mal connu. Ce programme de forages vise une meilleure récupération du pétrole et une connaissance approfondie du sous-sol. Le maître d’ouvrage de ce chan-tier est Lundin International (France), entreprise d’exploita-tion pétrolière. Le forage étant un autre métier que l’exploi-tation, Lundin fait appel à des spécialistes pour le réaliser. Le présent forage, qui consiste à creuser un trou de 20 à 50 cm de diamètre sur 1 130 m à la verticale avant de pratiquer un déport de 600 m pour atteindre une cible à 2 430 m sous terre, fait appel aux der-nières technologies.

3 x 8, 7 jours sur 7

L’entreprise intervenante, Cofor, travaille avec une nou-velle génération d’appareil de forage hydraulique, encore nommé « rig ». Il s’agit d’une plate-forme mobile, provisoire. L’essentiel des opérations d’ins-tallation des tubes de forage et du train de tiges est désormais automatisé, sous l’autorité du pilote. Une cinquantaine d’opérateurs y travaillent en 3 x 8, sept jours sur sept. En termes de conditions de tra-vail, que change cette nou-velle génération de foreuses ? « Le rig est moins rapide mais évite de nombreuses manuten-tions », répond Jean Clastre, superviseur du chantier. Les opérations manuelles et les risques associés sont en effet nettement réduits du fait de l’automatisation des tâches. Une conséquence importante vu le contexte dans lequel

Les pièces en acier manipulées pour réaliser le forage peuvent atteindre 13 m de long et peser jusqu'à 120 kg/m.

Lundin International

en bref

Lundin International est une filiale de Lundin

Petroleum, société suédoise dont le siège est basé à Genève. Elle emploie en France 48 salariés et fournit près de 150 emplois permanents à des prestataires externes. Elle est présente dans le bassin parisien, essentiellement en Champagne-Ardenne, sur dix gisements représentant plus de 150 puits d’exploitation, et sur cinq gisements en Aquitaine. Le plus important, qui est aussi le siège de la filiale française, est localisé à Montmirail, dans la Marne. Sa production, autour de 900 000 barils par an, constitue environ 15 % de la production nationale de pétrole.

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car le travail demande une concentration totale à chaque instant. Il ne faut pas vivre dans la hantise de l’accident, mais rester conscient que c’est dan-gereux. Tous connaissent leur place sur le rig et sont vigilants sur la sécurité des uns et des autres », explique Jean Clastre. Ces évolutions techniques s’ac-compagnent néanmoins pour certains d’une perte de sens du métier, du fait qu’il y a moins de contact avec les pièces et les outils. Même si ce ne sont pas ses salariés, Lundin joue un rôle majeur dans la supervision de la sécurité sur le chantier. Un film reprenant les consignes de sécurité et présentant les prin-cipaux risques liés à l’activité est présenté à l’accueil à tout visiteur ou tout intervenant sur le site.

ExploitationDes visites régulières du chan-tier sont effectuées par le responsable sécurité ou son assistant. La politique sécurité de la société est appliquée de la même façon à ce chantier.

travaillent les opérateurs et les dimensions des éléments qu’ils peuvent être amenés à manipuler (tubes d’acier mesurant 6, 9 ou 13 m dont le poids peut atteindre 120 kg par mètre…). « Les gens connaissent leur métier. Il est vrai que l’on peut ne plus voir les risques,

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Un forage pétrolier est une opération de très haute technicité.

Le rig, appareil de forage hydraulique, fonctionne en 3x8, sept jours sur sept. Une cinquantaine d'opérateurs s'y succèdent.

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Mât

Bac à boue

Tige de forage

Trépan(mèche de forage)PétroleLa boue refroidit

le trépan et évacueles déblais à la surface

Injection de la bouedans les tiges de forage

Remontée de la bouevers la surface

Tubage en métal + ciment

Pompe

Tamisà déblai

Principe d’un forage

Un forage consiste à creuser un trou de plusieurs milliers de mètres de

profondeur dans la roche. Au bout de la première tige de forage, un outil nommé trépan est muni de dents en acier très dur ou de diamants. Par sa rotation, il désagrège la roche. Au fil du creusement, les tiges de forage sont vissées les unes après les autres pour permettre l’avancement dans le sous-sol : c’est le train de tiges. Pour éviter l’effondrement du trou au cours de son percement, des tubes de forage creux sont installés dans la cavité. Ils sont là aussi vissés les uns aux autres. Pendant toute l’opération, de la boue de forage – mélange d’eau et de particules argileuses solides stabilisées par divers produits chimiques – est injectée dans le puits. Cette boue remplit plusieurs fonctions : elle refroidit l’outil de forage qui a tendance à s’échauffer lors du creusement ; mise sous pression, elle aide le trépan à attaquer la roche et contribue à nettoyer le fond du puits. Lors de sa remontée le long du tubage, elle ramène à la surface les déblais, fragments de roche arrachés par le trépan. Les géologues analysent à intervalles réguliers certains de ces fragments pour connaître la nature du terrain et identifier la présence ou non d’hydrocarbures. La boue de forage consolide également les parois du trou, elle équilibre la pression dans le tubage. Sa densité doit être parfaitement maîtrisée, c’est pourquoi elle est contrôlée en permanence : si elle est trop lourde ou trop légère, cela peut avoir des conséquences désastreuses sur le bon déroulement d’un forage. En résumé, la boue est un élément essentiel. Le forage fait appel à divers métiers annexes : géologues qui analysent la nature des roches extraites, ingénieur de mesure des caractéristiques des boues, cabine du déviateur, qui, tous les dix mètres d’avancement du forage, contrôle l’azimut et l’inclinaison de la tige de forage et réajuste l’angle d’avancement si nécessaire. Ces fonctions d’analyse sont également décisives. ©

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Car le cœur de métier de Lundin se situe en aval de ces activités de forage, dans l’exploitation. L’entreprise est présente sur dix sites comp-tabilisant plus de 150 puits d’exploitation pétrolière en Champagne-Ardenne. Le prin-cipal est situé à Maclaunay, près de Montmirail, dans la Marne. Depuis les unités de pompage, le produit brut extrait du sous-sol contient du pétrole (également appelé huile), mais aussi de grosses quantités d’eau et du gaz. Il subit un traitement destiné à séparer ces trois constituants, via un séparateur d’eau libre et du pétrole gazé, des bacs écrémeurs, une colonne de

dégazage et une torchère pour brûler le gaz. Une fois isolée, l’huile est stockée dans des bacs avant d’être expédiée par un oléoduc souterrain vers la raffinerie de Grandpuits à Nangis, en Seine-et-Marne, à 60 km de là. Le procédé est essentiellement automatisé. Les interventions humaines à la production concernent principalement les opérations de conduite, de mesures et de suivi ainsi que les opérations de maintenance. Classé Seveso II seuil bas, le site de Montmirail – ainsi que tous les sites d’exploita-tion du groupe – est exposé aux risques industriels « clas-siques » : incendie, explosion,

risques chimiques, électrique et mécanique, travail en hau-teur... Parmi les mesures de sécurité de base, des grillages séparent la zone vie (bureaux, réfectoire…) de la zone de pro-cess. Des zones non feu, cor-respondant à des périmètres de sécurité, sont délimitées autour des différentes activi-tés, comme le déchargement de camions. Interdiction d’y allumer une flamme ou d’y avoir un téléphone mobile en marche !

Sous-traitantsÁ ces risques s’ajoute un dan-ger particulier : l’intoxication par dégagement de sulfure

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d’hydrogène (H2S). Ce gaz, pré-sent dans le pétrole et dans l’eau du process, est mortel à partir d’une concentration de 0,1 %. Les opérateurs de pro-duction et les intervenants dans la zone process portent obligatoirement un détecteur sur eux. La manipulation de produits dangereux, comme des bactéricides et des acides, nécessite également le port d’équipements de protection individuelle. Un dispositif de protection des travailleurs isolés est porté par chaque opérateur amené à intervenir

seul. Les manipulations de tubes d’acier, fréquentes, sont réalisées à l’aide de chariots. La consigne est de ne jamais les accomplir à proximité de per-sonnel. Les travaux en hauteur sont par ailleurs effectués à l’aide de nacelles.Les déplacements routiers constituent l’une des grandes sources de risques. Du fait de la répartition de l’activité sur dix gisements, le personnel Lundin France cumule un mil-lion de kilomètres par an. Sur chaque site, les déplacements répondent à des règles pré-cises également : voies pour piétons séparées du flux de véhicules, vitesse limitée à 20 km/h, et même à la vitesse

d’un homme au pas à proxi-mité des puits d’exploitation.Lundin fait par ailleurs appel à de nombreux sous-traitants (transport, entretien, services pétroliers, etc.). Il assure en effet près de 150 emplois permanents en complément de ses propres salariés. Entre 300 et 350 personnes sont accueillies chaque année sur le site. D’où l’importance d’une information détaillée. Outre le film d’une vingtaine de minutes présenté à toute per-sonne pénétrant pour la pre-mière fois sur le site, dont une grande partie est consacrée aux consignes de sécurité, un permis de travail obligatoire est délivré par Lundin à chaque

La sécurité sur le chantier fait l'objet de visites régulières du responsable sécurité de Lundin ou de son assistant.

Opération de contrôle des boues, un élément décisif dans le bon

déroulement d'un forage.

À la production, parmi les principales interventions humaines figurent les opérations de mesure.

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intervenant. Deux types de permis existent : le travail par points chauds (soudage, meu-lage…) et le travail à froid (dans le cadre d’un entretien, par exemple, analyse des risques et définition des moyens nécessaires). Des permis com-plémentaires existent pour des interventions particulières, comme des travaux d’excava-tion ou des travaux confinés. Ils sont remis après vérifica-tion des habilitations et des compétences des prestataires. « Le plus souvent, du person-nel Lundin accompagne les

interventions de sous-traitants, afin de s’assurer du bon dérou-lement et du respect des règles de sécurité », explique Nathalie Pingret, secrétaire du CHSCT et assistante technique. Des rappels sécurité sont ensuite effectués régulièrement. Le pétrole est acheminé à Montmirail par camions-citernes depuis neuf autres gisements. Cela représente

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Les opérations de maintenance réalisées par des sous-traitants sont généralement effectuées en présence de personnel de Lundin.

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environ 25 camions par jour. Le produit subit ensuite le même traitement que celui extrait sur place. Afin de limiter le risque d’explosion, avant de vider la citerne, les chauffeurs branchent une prise équipo-tentielle pour supprimer l’élec-tricité statique. Des passerelles ont également été aménagées pour permettre aux chauffeurs de monter en sécurité sur les citernes des camions.

Évaluation constante des risques

Un système de gestion de la sécurité a été développé en interne : la déclaration de risque potentiel. « Une per-sonne qui constate sur le ter-rain une situation générant un risque (barrière fragilisée, chevilles de fixation sortant du sol…) est incitée à faire remon-ter cette information via la déclaration, qui se présente sous forme d’un tableau », présente Philippe Schneider, responsable hygiène, sécurité

et environnement. Les risques sont analysés, cotés par prio-rité et résolus. « En général, le plus difficile est de faire remon-ter les informations du terrain. Avec ce dispositif, on y arrive », poursuit-il. Une centaine de déclarations sont remplies chaque année, toutes sont analysées. Souvent, les sala-riés ont une bonne connais-sance du poste et suggèrent des pistes d’amélioration. Dans les cas les plus urgents, des mesures conservatoires peuvent être prises. Parfois des modifications lourdes – remise en état de caillebotis sur les excavations, par exemple – sont nécessaires sur le terrain, ce qui demande du temps. « Mais il est important que le personnel voie les choses se faire, on effectue toujours un retour après une déclaration », ajoute le responsable hygiène, sécurité et environnement. Ce dispositif a été long à mettre en place mais fonctionne très bien aujourd’hui. « L’entreprise ne part pas de l’accident ou de l’incident, mais plus en amont, du presqu’accident », souligne Bernard Pierson, technicien-conseil à la Carsat Nord-Est. Une véritable prévention pri-maire répondant aux principes généraux de prévention, visant à éviter le risque.Bien que ne comptant que 48 salariés, Lundin possède un CHSCT. « Une de ses forces est que la population constituant le CHSCT est représentative du

terrain. Cela génère beaucoup d’échanges et d’idées autour de la table », décrit Valery da Silva, general manager. « Chacun a une mission sécurité, notre poli-tique HSE demande l’adhésion de l’ensemble du personnel, du cadre supérieur à l’opéra-teur », précise encore Philippe Schneider. Les accidents du tra-vail sont aujourd’hui en grande

partie des chutes de plain-pied. « Les risques majeurs sont aujourd’hui bien maîtrisés. C’est donc ce type d’accidents qui émerge ensuite », conclut Bernard Pierson.

Céline Ravallec

La politique sécurité du donneur d'ordres est appliquée de la même façon avec les sous-traitants, sur le chantier de forage.

Une passerelle aménagée permet aux chauffeurs d'accéder en sécurité sur leur citerne (site

d'exploitation de Montmirail).

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