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N° 353 /SEPTEMBRE 2010 / www.defense.gouv.fr ARMÉES D’AUJOURDHUI ARMEES D’AUJOURD’HUI FOCUS LES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES DE DEFENSE 3:HIKLLD=^UXUUZ:?a@d@p@d@k; M 01139 - 353 - F: 3,00 E :HIKLLD=^UXUUZ:?a@d@p@d@k DOSSIER LA PROTECTION DU TERRITOIRE ENTRAINEMENT MIRAGE FRANÇAIS CONTRE SUKHOÏ INDIENS MODERNISATION LA REFORME DU SERVICE DE SANTE DOSSIER LA PROTECTION DU TERRITOIRE

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Armées d'Aujourd'hui, nº 353, septembre 2010.

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N° 353 /SEPTEMBRE 2010 / www.defense.gouv.frAR

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LES COMMISSIONS

PARLEMENTAIRES DE DEFENSE

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DOSSIERLA PROTECTION DU TERRITOIRE

ENTRAINEMENT MIRAGE FRANÇAIS

CONTRE SUKHOÏ INDIENS

MODERNISATION LA REFORME DU SERVICE DE SANTE

DOSSIERLA PROTECTION DU TERRITOIRE

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ARMÉES D’AUJOURD’HUI. Direction: Directeur de la publication: Laurent Teisseire. Directeur de la rédaction:

colonel (terre) Benoît Trochu. Chef du bureau de la rédaction: lieutenant-colonel (air) Nicolas Martin. Rédacteur

en chef : chef d’escadron (terre) Olivier Destefanis. Rédacteur en chef adjoint : adjudant-chef (terre) Stéphane

Froidure (01 44 42 81 66). Secrétariat de rédaction : Yves Le Guludec. Chef des reportages : sergent-chef

(terre) Alban Vasse (48 02). Rédaction : Carine Bobbera (48 07), Paul Hessenbruch (55 05), Julien

Fouineau (33 18), enseigne de vaisseau (marine) Cynthia Glock (40 04), Samantha Lille (47 27), capitaine (terre)

Anne-Lise Llouquet (48 01), Linda Verhaeghe (48 26). Prestations intellectuelles : Jean-Claude Jaeger, Thierry Widemann.

Service photo : adjudant-chef (air) Bruno Biasutto (47 44), Stéphanie Brandin (48 35), caporal-chef (terre) Christophe Fiard

(48 40). Directeur de fabrication : SergeCoulpier (01 56 77 23 08). Photogravure: Open Graphic. Impression : Circleprinters.

Routage : CRP. Commission paritaire n° 0211 B 05686. Dépôt légal : février 2003. Dicod – École militaire – 1, place Joffre –

75007 Paris.

Contact publicité (ECPAD) : Thierry Lepsch : 01 49 60 58 56 / [email protected]és (ECPAD) : 01 49 60 52 44 /[email protected] : 01 56 77 23 08 /[email protected] . Photo de couverture: C. Fiard /Dicod

FORCES EN ACTION

4 Garuda IV : confrontationau sommet

10 Portrait

12 Les opex en bref

14 Portfolio

ENJEUX

16 Point de vue sur l’eau :Interview de CharlesSaint-Prot, directeur de l’Observatoire d’étudesgéopolitiques

MODERNISATION

18 Les armées achèvent de se refaire une santé

FOCUS DÉFENSE

22 Défense : à quoi serventles commissions parlementaires

28 14 Juillet: l’Afrique ouvre le bal

30 Afghanistan :Interview du général Druart

34 Le sauveur de sous-marinsen Méditerranée

36 Staff ride : histoire militaireà ciel ouvert

40 Site Internet :La Défense retend sa toile

44 Repères

DOSSIER

46 La protection du territoire national

48 Armées-nation :Des missions étendues

52 Police du ciel :Surveillance élargie

55 Vigipirate :Prudence maintenue

58 Surveillance côtière : centralisation des moyens

61 Héphaïstos : La guerre du feu

PERSPECTIVES

64 Document photo

65 Histoire: La guerre est finie

KIOSQUE

66 Sélection

Garuda IV : Confrontation au sommetL’exercice franco-indien s’est dérou-lé dans le ciel français et des pilotessingapouriens y participaient. Il a per-mis de travailler sur l’interopérabilitédes procédures et des matériels.

N° 353

FORCES en action

Pour sa quatrième édition, l’exercice franco-indien s’est déroulé dans le ciel fran-

çais. Et, cette année, des pilotes singapouriens étaient invités à participer aux

manœuvres aériennes. Pour les trois armées de l’air, aux matériels et procédures

sensiblement différents, Garuda est l’occasion de travailler sur l’interopérabilité.

P A R C Y N T H I A G L O C K . P H O T O S : B R U N O B I A S U T T O / D I C O D

Garuda IV : confrontation au sommet

Ravitaillementen vol d’un Sukhoï de l’armée de l’air indienne.

FOCUS défensedédéfense

Le Parlement vote la loi, contrôle l’action du gouver-nement et évalue les politiques publiques. Pour pou-voir remplir cette mission que lui attribue la Consti-tution, chacune des deux chambres – l’Assembléenationale et le Sénat – dispose en son sein de com-

missions permanentes spécialisées. Le domaine régalien dela Défense n’échappe pas à cette règle.A l’Assemblée, la commission de la Défense nationale et desforces armées est présidée par Guy Teissier, député desBouches-du-Rhône. Au Sénat, les dossiers ayant trait à laDéfense et à la politique étrangère sont liés. Ils sont traitéspar la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des

forces armées, présidée par Josselin de Rohan, sénateur duMorbihan. « Le Sénat a considéré que l’action des armées estla continuation d’une politique internationale. Lorsque desmoyens sont attribués pour la conduite d’opérations extérieu-res, par exemple, cela a un impact sur l’influence françaisedans le monde», explique Olivier Delamare-Deboutteville, direc-teur adjoint responsable du secrétariat de la commission séna-toriale. Les commissions sont composées de députés et de sénateursdésignés par leurs groupes politiques en fonction de leur repré-sentation au sein de chaque chambre. Leur fonctionnement estassuré par un personnel administratif permanent issu princi-

palement du corps des administrateurs. A la commission duSénat est détaché un officier de l’état-major des armées, tan-dis qu’à la celle de l’Assemblée, c’est un contrôleur général misà disposition par le ministère de la Défense qui conseille le pré-sident. Les deux commissions ont un officier correspondantdans chaque état-major d’armée.Les tâches principales sont identiques, dont la première estd’ordre législatif. Les commissions sont en effet chargées depréparer les débats avant le vote des lois. Elles entendent lesexperts ou les parties prenantes d’un dossier et établissentun rapport à partir duquel débattent les parlementaires. Ellesproposent également des amendements aux textes étudiés.

Parmi les projets de loi examinés, on peut citer l’assouplisse-ment de la loi sur la reconversion des militaires, les lois sur l’in-demnisation des victimes des essais nucléaires, la program-mation militaire 2009-2014, l’élimination des armes àsous-munitions ou les accords internationaux de défense. L’undes grands rendez-vous est l’examen annuel du projet de bud-get de la Défense.La seconde grande mission des commissions est celle ducontrôle des dépenses, réalisé à travers les auditions de minis-tres, d’experts ou d’industriels organisées chaque trimestre,selon l’actualité. «L’aspect budgétaire est très important pournos concitoyens. Il est rassurant de savoir que les dépen-

(P. suivante, de g. à d.) M. Larcher, président du Sénat, accompagné du général Druart, en Afghanistan.Visite du chantier de la frégate FREMM, à DCNS-Lorient, par les sénateurs Reiner, rapporteur du budget, et Gautier. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, rencontre les troupes fran-çaises de la Finul, au Liban.

Défense : à quoi serventles commissionsparlementaires

Formées d’élus, elles préparent le travail législatif au sein de l’Assembléenationale et du Sénat, grâce notamment aux auditions mettant enprésence experts et hommes politiques. Chargées aussi de contrôlerles dépenses, elles sont un rouage majeur de la démocratie parlementaire.

L’Assemblée nationale. L’un des grands rendez-vous de l’Assemblée et du Sénat est l’examen annueldu projet de budgetde la Défense.

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DOSSIERDOSSIER

LA PROTECTION DU TERRITOIRE NATIONAL

S O M M A I R EP. 48 Armées-nation :

Des missions étendues

P. 52 Police du ciel :Surveillance élargie

P. 55 Vigipirate :Prudence maintenue

P. 58 Surveillance côtière :Centralisation des moyens

P. 61 Héphaïstos :La guerre du feu

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FORCES EN ACTION

À quoi servent les Com-missions parlementairesFormées d’élus, elles préparent letravail législatif au sein del’Assemblée nationale et du Sénat.Elles contrôlent les dépenses et sont,un rouage majeur de la démocratieparlementaire.

FOCUS DÉFENSE

DOSSIER

La protection duterritoire nationalLes armées contribuent en permanen-ce à la sécurité du territoire (terre, air,mer). Depuis le Livre blanc 2008, ellescollaborent davantage avec les autori-tés civiles : lutte contre le terrorisme,le feu, les catastrophes naturelles...

S o m m a i r e

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FORCES en action

Pour sa quatrième édition, l’exercice franco-indien s’est déroulé dans le ciel fran-

çais. Et, cette année, des pilotes singapouriens étaient invités à participer aux

manœuvres aériennes. Pour les trois armées de l’air, aux matériels et procédures

sensiblement différents, Garuda est l’occasion de travailler sur l’interopérabilité.

P A R C Y N T H I A G L O C K . P H O T O S : B R U N O B I A S U T T O / D I C O D

Garuda IV : confron t

Ravitaillementen vol d’un Sukhoï de l’armée de l’air indienne.

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n tation au sommet

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En haut :Briefing avec les pilotesindiens. À droite : un Mirage de l’escadron Cigogne au décollage. Les missions se succèdent, à raison de deux à quatre par jour : interception,protection d’avions de transport, attaquesaériennes...

Ci-contre :Dans le cockpit d’un avion ravitailleur Iliouchine IL78. En Inde, l’espace aérienest assez vaste pour que le ravitaillement s’effectue en ligne droite, et non sur une trajectoire elliptique,comme en France.

FORCES en action

«Plus de 20chasseurspeuvent être engagéssur un mêmescénario»

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Le moment critique, ce sera quand nosSukhoï et nos Mirage partiront se ravi-tailler, avertit le lieutenant-colonelArnaud Brunetta. Pendant deux ou troisminutes, nous n’aurons plus que deux

avions sur zone pour repousser nos adversai-res.» C’est sur ces mots que le chef de missionde l’escadron de chasse 2/5 Île-de-France de labase aérienne d’Orange (84) clôt le brief de seséquipages. Dans moins d’une heure, seize chas-seurs s’affronteront dans le ciel français, dontcertains plutôt rares sous nos latitudes: six bipla-ces Sukhoï Su-30MKI de l’Indian Air Force,autant de F-16D Block 52 de la Singapore AirForce, ainsi que trois avions ravitailleurs, un KC-135 singapourien et deux Iliouchine IL-78 indiens.Ils participent à la quatrième édition de l’exer-cice Garuda, qui s’est déroulée pendant quinzejours sur les bases aériennes d’Istres et d’Orange.

Confronter les tactiques de combat Garuda réunit tous les deux ou trois ans lesarmées de l’air française et indienne. Il est orga-nisé alternativement dans chaque pays, pour« entretenir la coopération, confronter les tac-tiques de combat et améliorer le niveau d’inter-opérabilité», explique le lieutenant-colonel Mau-rer, directeur adjoint de l’exercice et chef dubureau entraînement/exercices du commande-ment des forces aériennes. Cette année, pourla première fois depuis 2003, des Singapouriens,au nombre de 120, se sont joints à la manœu-vre afin de compléter leur entraînement avantun prochain déploiement en Afghanistan. Pour cet exercice, l’escadron 2/5 Île-de-Francefait équipe avec les Indiens contre le 1/2 Cigo-gne (Dijon) et les Singapouriens. Après quelquesjours de patrouilles où les hommes ont apprisà se connaître, le régime s’est corsé: opérationsd’interception ou de protection d’avions detransport, attaques aériennes combinées à desdestructions de cibles au sol, à raison de deuxà quatre missions par jour. « Plus de 20 chas-seurs peuvent être engagés sur un même scé-nario », signale le lieutenant-colonel Maurer. Ilarrive même que des chasseurs issus d’autresbases françaises viennent « compliquer » lesmanœuvres, comme les Rafale de l’escadron1/7 Provence de la BA113 de Saint-Dizier. Lazone de l’exercice comprend le Massif central,une partie du Sud-Ouest et une partie maritime,au large de la Corse. Aujourd’hui, les Sukhoï indiens et les Mirageorangeois ont mission d’escorter quatre avionsde transport qui doivent larguer des parachutis-tes près de Toulouse. Classée «ennemie»

«

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FORCES en action

En haut : Après avoirsalué l’avion,les mécanos indiensquittent le tarmac au pas militaire.

Au milieu, de gauche à droite : Un pilote français présente leRafale à un «confrère»indien. Pilotes et F16 singapouriens. Le 105e

escadron de l’armée de l’air singapourienneest installé sur la basefrançaise de Cazaux.

Ci-contre : Mirage au roulage devant un Iliouchine indien.

«À chaquemission, desdizaines de tirssimulés sontéchangés à plusieurscentaines de kilomètres.»

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pour le scénario, la zone corse sera défen-due par les F-16 singapouriens et les Miragedijonnais. Avant de livrer bataille, les chasseurs devront seravitailler en vol. « Ils consomment un tiers deleur carburant au décollage, explique le colonelArun Nair, copilote d’un des Iliouchine indiens.C’est pourquoi nous les ravitaillons en début devol. » Combinaison de vol ajustée, lunettes desoleil vissées sur le nez, les pilotes traversent letarmac de la base d’Istres et s’installent aux com-mandes. Moins rapide que les chasseurs, l’Iliou-chine décolle trente minutes avant. Dans le cielpyrénéen, cette « station-service volante » sedélestera bientôt de dizaines de tonnes de kéro-sène stockées dans sa soute pour remplir lesréservoirs des chasseurs français et indiens viadeux tuyaux souples flottant de chaque côté del’arrière de l’appareil. «En Inde, l’espace aérienest assez vaste pour que nous puissions ravitailleren ligne droite, indique le colonel Nair.Ici, pour ne pas sortir de la zoneautorisée, nous devons suivreune trajectoire ovale.»Alors que l’Iliouchine sur-vole la côte méditerra-néenne vers l’ouest,les pilotes de chasseenfilent leur combi-naison. Les visagessont déjà concentrésen prévision des 90minutes de combatintense qui se profilent. Àchaque mission, ce sont desdizaines de tirs simulés qui sontéchangés à plusieurs centaines dekilomètres de distance entre des adversairesqui ne se «voient» la plupart du temps que surradar. «Quand un “équipage” est touché, c’estun contrôleur aérien qui suit les opérations àterre qui le lui apprend par radio, précise le lieu-tenant-colonel Maurer. Il doit alors quitter la zonede “jeu“.»

Des systèmes d’armes différentsLe plan de bataille élaboré par les pilotes del’escadron 2/5 Île-de-France et leurs alliésindiens stipule une heure précise pour pénétrerdans la zone « ennemie » et couvrir le passagedes avions de transport. « Ensuite, tout dépen-dra de l’évolution de la situation tactique,explique l’un des pilotes, le capitaine Olivier Pal-lier. L’essentiel est de toujours garder uneconnaissance fine de la situation et de traiterles bonnes informations au bon moment. »Pas toujours simple, lorsqu’on évolue avec des

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partenaires équipés de systèmes d’armes dif-férents, car chaque tactique dépend du typed’armement et de la technologie emportée.« Ce sont justement ces différentes culturesqui justifient ce type d’exercice», affirme le lieu-tenant-colonel Maurer. De l’avis général, l’inter-opérabilité se fait assez naturellement avec lesSingapouriens. D’autant que leur 150e escadronest installé à Cazaux, où leurs pilotes sont for-més depuis 1998. Avec les Indiens, les diffé-rences sont notables. Elles sont perceptiblesdéjà sur le tarmac, où les mécaniciens au sols’activent autour des avions. Pour les Mirage, un «pistard», chargé des contrô-les avant chaque mission, rode sous «son» avionet l’inspecte sous toutes ses coutures. «La pré-paration commence deux heures avant le vol,explique le sergent-chef Arnaud Geoffrey. Il fauttout vérifier : trappes, revêtements et rivets dela carlingue, pneumatiques, branchements élec-

triques, voyants du tableau de bord.Puis, on termine par les pleins de

carburants et autres liquides.»Côté indien, en revanche,

les mécaniciens se ren-dent jusqu’à l’avion aupas militaire. ChaqueSukhoï-30 est contrôlépar cinq personnes.« Une par tâche,explique le chef de

groupe en s’approchantd’un bombardier, comme

ôter les cales qui maintien-nent les roues ou vérifier

qu’aucun corps étranger ne s’estintroduit dans les réacteurs.» Quand

les vérifications sont faites, demi-tour droite,puis garde-à-vous pour saluer l’avion. Les méca-niciens quittent la piste au pas militaire, commeils sont venus. Quant aux pilotes, ils montrent « une grandecuriosité à l’égard des procédures et tactiquesfrançaises », comme le concède le comman-dant Amit Vij, du 8e escadron de poursuiteindien. Mais Garuda a donné à deux d’entre euxl’occasion de voler sur Rafale. Bien que d’ungabarit sensiblement plus modeste que leSukhoï, le fleuron de l’armée de l’air française« a beaucoup impressionné », affirme le colo-nel indien, avant d’emboîter le pas à son équi-page en direction du tarmac brûlé par le soleil. Harnachés dans leur cockpit, les équipages nefont plus qu’un avec leur chasseur. Dans levacarme des moteurs, ils décollent un par unpour rejoindre l’avion ravitailleur dans le cielméditerranéen avant le combat aérien…

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Ce demi-fondeur est un battant. Ila toujours cherché à se dépasserpour être meilleur que les autres,malgré son handicap. « J'ai eutout le côté droit paralysé, étant

jeune, et il a fallu que je fasse du sport pourretrouver la mobilité de mon bras et de majambe droite. C’est lors de cette rééduca-tion que j’ai découvert l’athlétisme, versl’âge de 13-14 ans.» Un sport qu’il pratiquechez les «valides», où il veut toujours êtrele meilleur. Régulièrement classé parmi lesdix meilleurs sur 3 000 et 5 000 mètresdans toutes les catégories de jeunes, ildécroche le titre de vice-champion deFrance du 10 000 mètres Espoirs avec unchrono de 30’48“, en 1992. Un exploit !« C’est un de mes plus beaux souvenirs,confie-t-il. “Faire” vice-champion deFrance, avec mon handicap ! Ça a été ungrand moment pour moi. Dans le sport,tout est possible. C’est une question demental. »Le service militaire lui ouvre alors des per-spectives. «À l’époque, le service était obli-gatoire. Avec mon handicap, j’ai penséqu’ils ne m’appelleraient jamais. Pourtant,quand j’ai fait mes “trois jours” àVincennes, ils ont considéré mes résultatssportifs et m’ont déclaré apte. » DjamelMastouri est affecté au 8e Régiment detransmissions du Mont-Valérien, àSuresnes, où les «appelés sportifs» sontnombreux. Après ses dix mois de service,il choisit de s’engager. Il met alors sa car-rière sportive entre parenthèses. «J’avaismoins envie de faire de la compétition,

j’avais davantage l’esprit tourné vers lachose militaire. J’ai mis de côté ma pas-sion pour l’“athlé”.» Il préfère se concen-trer sur ses examens professionnels. «Enles réussissant, je voulais montrer qu’unsportif n’a pas que des jambes, il peut avoiraussi de la tête !» Le sergent Mastouri partensuite deux fois au Kosovo. «Ça a été unetrès belle expérience. J’étais sur le terrain.Je m’occupais de tout ce qui était NRBC.C’est là que je me suis vraiment découvertl’âme militaire. Les valeurs de l’armée res-semblent à celles dusport : combativité, fra-ternité, persévérance.C’est un univers où jeme sens bien.»Prenant sur son tempslibre, Djamel Mastouricontinue de courir,« pour le plaisir, avecles copains et monfrère, qui est lui aussiun champion enathlé ». Jusqu’au jouroù, pour « dépanner » son entraîneur, ilaccepte de courir le 3000 mètres pour lesInterclubs. À cette occasion, le directeurtechnique fédéral de la Fédération d’ath-létisme handisport le repère et lui proposede reprendre la compétition, mais chez leshandisports. Djamel Mastouri hésite. «Jen’étais pas trop chaud, au départ. Dans matête, j’étais un valide, se souvient-il. J'aitoujours couru avec les valides. Il ne m’estpas venu à l’idée que je pouvais courir avecles handisports, je trouvais que c’était pren-

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FORCES en action

dre leur place... Puis, je me suis laisséconvaincre.» Commence alors pour le ser-gent une nouvelle aventure. «J’ai repris aumois de mai 2005, pour les Interclubs. Enjuin, il y a eu les championnats de Franceet en septembre les championnatsd’Europe. De simple militaire, je suisdevenu champion. En quatre mois, tout achangé, les entraînements, l’envie degagner, la Marseillaise… Après, c’est l’en-vie de toujours faire mieux. »Depuis, les victoires s’enchaînent, DjamelMastouri bat des records au 800 et au1 500 mètres et décroche le bronze auxjeux Olympiques de Pékin sur 800 mètresen 2008. «Avec les handisports, j’ai décou-vert un milieu plus fraternel, plus cool,moins “prise de tête”, que chez les vali-

des où, il faut le recon-naître, c’est un peu lechacun pour soi. Enhandisport, tout lemonde est ensemble,quel que soit le handi-cap. On se soutient, onest solidaire les unsdes autres.»Actuellement, Djamelse remet d’une légèreblessure au tendond’Achille. « Depuis les

Jeux de Pékin, j’ai accumulé les blessures.C’est en grande partie de ma faute, j’ai dumal à rester au repos. J’ai toujours enviede repartir courir. C’est plus fort que moi!»Plus sage, cette fois, il reprend l’entraîne-ment progressivement, avec en ligne demire les jeux Olympiques de Londres en2012. «Pékin, c’était mes premiers Jeux.Londres, ce seront mes derniers. J’espèreterminer en beauté : sur la plus haute mar-che du podium !»

CCaarriinnee BBoobbbbeerraa

Atteint d’hémiplégie durant l’enfance, Djamel découvre l’athlétismelors de sa rééducation et court avec les valides, toujours classédans les meilleurs. Il s’engage dans les transmissions, puis retrouvela course dans la catégorie handisport, où il accumule les titres.

«Avec leshandisports, j’ai

découvert un milieuplus fraternel quechez les valides. »

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> rencontre

Djamel Mastouri.« Les valeursde l’arméeressemblent à celles du sport.C’est un milieu oùje me sens bien. »

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12_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

AFGHANISTAN: LES TIGRE PASSENT LA BARRE DES 1000 HEURES DE VOL09/08

AFGHANISTAN : TROIS FRANÇAIS TUÉS EN OPERATION6/08 - 23/08

L’adjudant LaurentMosic, du 13e Régimentdu génie, est mort sui-

te à l’explosion, le 6 juillet,d’un IED (engin explosifimprovisé). Le 23 août, cesont le lieutenant Lorenzo

Mezzasalma et le caporalJean-Nicolas Panezyck, du21e Régiment d’infanteriede marine, qui ont trouvé lamort au cours de l’opéra-tion de sécurisation Her-mes Burrow, conduite par

le groupement tactiqueinterarmes (GTIA) Hermèspour désorganiser lesréseaux d’insurgés dans lavallée de Bedraou, au sudde Tagab.Trois militaires dumême régiment, blessésdans le secteur sud deKaramkhel, ont été rapa-triés en France et sontactuellement soignés dansdes hôpitaux militaires.Le président de la Répu-blique et le ministre de laDéfense ont présenté auxfamilles et aux proches desvictimes leurs plus sincèrescondoléances. En outre,saluant « l’engagement et ladétermination des soldatsfrançais pour le retour de lastabilité, le rétablissementde la paix et le développe-ment en Afghanistan», Her-vé Morin a exprimé à cesderniers toute sa confianceet son soutien.3750 Français sont engagéssur le théâtre afghan, dontla majorité est stationnéeen Kapisa et Surobi. 48 ontperdu la vie depuis 2001.

FORCES en actionPAR JULIEN FOUINEAU ET PAUL HESSENBRUCH

CÔTE D’IVOIRE :LICORNE ET L’ONUCIEN VISITE D’INSPECTION

26/07

La force française Licorne et celle de l’Opération

des Nations unies en Côted’Ivoire (Onuci) ont effectuéune visite d’inspection,fin juillet, au groupementd’instruction militaire de Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire. Dans lecadre de la résolution 1933de l’Onu adoptée en juindernier, les militaires françaiset onusiens ont évalué l’étatd’avancement du processus,entamé le 15 juin,de démobilisation,de désarmement etd’encasernement des Forcesnouvelles (coalition demouvements rebelles).À ce jour, 492 éléments ont été regroupés en caserneet 1520 combattants ont étédémobilisés pour le secteurde Korhogo.

Les 3 hélicoptères EC665Tigre du 5e Régiment

d’hélicoptères de combat(5e RHC) ont dépasséen moins d’un an les 1000heures de vol dans le cielafghan. Ils ont pourmission l’escorte,le transport et l’appui des troupes au sol. Ils sontnotamment équipés d’uncanon de 30mm à viséelaser et de roquettes de 28mm. Aucunepatrouille, ni opération en Afghanistan

n’est conduite sansla protection d’avions ou d’hélicoptères.C’est le premier théâtre

sur lequel l’Aviation légèrede l’armée de terre (Alat) aengagé le Tigre,à l’été 2009.

LIBAN :UN FRANÇAIS TUÉDANS UN ACCIDENT

24/08

Un militaire français de la Force intérimaire des

Nations unies au Liban (Finul)est décédé près du village de Burj Qallaouay des suitesd’un accident de la route.L’adjudant-chef RichardGuilloteau appartenait au 40e Régiment d’artillerie.Deux autres soldatsde la même unité ont été gravement blessés.

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> les opérations en bref

La France a pris le commandement del’opération européenne

de lutte contre la piraterieAtalante. C’est de la frégatefrançaise De Grasseque le contre-amiral PhilippeCoindreau dirige les opérations, qui se succèdent depuis la prisede commandement. Alertépar des navires marchands, le bâtiment est intervenuà de nombreuses reprisespour intercepter desembarcations suspectes.Lancée en décembre 2008 à l’appui des résolutions du Conseil de sécurité desNations Unies, cette forcemaritime (EUNAVFOR) a pour mission d’assurerl’acheminement des naviresdu Programme alimentairemondial à destination de la

Somalie et de lutter contre la piraterie dans le golfed’Aden. La force Atalante est composée d’une dizainede bâtiments européens et de deux à trois avions de patrouille maritime, dont

un Atlantique 2 basé à Djibouti. Une dizaine de pays participent à l’opération, dont quatrecontributeurs permanents :l’Allemagne, l’Espagne, la France et la Grèce.

AFGHANISTAN : SAISIE RECORD DE MUNITIONS 04/08

Le corps d’un militaireappartenant au 1er Régiment

d’infanterie a été retrouvé,le 12 juillet, en Guyane. Alors qu’il participait à un barrage fluvial dans la cadre de l’opération de luttecontre l’orpaillage clandestinHarpie, sa pirogue a étépercutée par une embarcationrapide forçant le passage. Il avait alors été porté disparu.

Afin de tester l’ensembledes procédures

de récupération d’un piloteéjecté, deux Mirage2000ont été déployés dans le ciel tchadien pourl’exercice SATER(sauvetage terrestre) le 12août. À 9h 55, un desdeux appareils simule une avarie mécanique

à 30 kilomètres au nord de la capitale, N’Djamena.Après l’appel de détresselancé au centre desopérations, le déploiementdes moyens terrestres et aériens doit alors êtreréalisé en un minimum de temps pour portersecours au pilote etorganiser son exfiltration.

GUYANE :DÉCÈS D’UN SOLDAT DU 1ER RI

12/08

Trois tonnes de munitionsont été saisies

en Afghanistan au cours de deux opérationssuccessives menées par les militaires du Battelgroup Bison. Il s’agit de la plus importantesaisie de l’année. Alertés

par la population locale, les militaires français ont déterré des roquettes et des obus cachés dans lavallée d’Uzbeen, les nuits du 4 au 6 août. En parfait étatde marche, ces munitions ontété rapportées sur la base deTora, où elles ont été détruites.

TCHAD: EXERCICE « SATER » DANS LE NORD DU PAYS

12/08

ATALANTE : LA FRANCE PREND LE COMMANDEMENT14/08

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14_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

PORTFOLIO

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15

1 - Exercice TAMCommandos

marinelors d’une

présentationterre - air - mer

2 - VABConvoi de

véhicules del’avant blindé du

126e Régimentd’infanterie.

3 - CaracalUn hélicoptèreCaracal EC-725

au décollage.

4 - EntraînementExercice de

tir de nuitau Centre

d’entraînementde l’infanterie au

tir opérationnel(CEITO).

5 - 13e RGPlongée sous la

glace pourun soldat du

13e Régimentdu génie.

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16_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

Pourquoi l’eau est-elle considérée commeune ressource stratégique?Il n’y a pas de vie sans eau, et la préser-vation de cette ressource est au moinsaussi essentielle que celle de la couched’ozone. L’accès à l’eau est beaucoup plusimportant que la possession des réservesde pétrole ou de gaz. Si elle représenteplus de 70 % de la superficie de la planète,3 % seulement de son volume peuventêtre directement consommés comme eaupotable ou utilisés pour l’agriculture et l’in-dustrie. L’eau est donc une ressource stra-tégique. En outre, la croissance démo-graphique, l’augmentation des besoins,l’épuisement des réserves dû augaspillage, à la pollution et aux change-ments climatiques, la répartition inégaledes bassins d’eau douce, en surface etsous terre : tout se conjugue pour faire decette question l’un des grands enjeux duXXIe siècle. Il y a d’ores et déjà des pro-blèmes graves. Selon un rapport de laBanque mondiale publié en 1995, 80 paysreprésentant 40 % de la population dumonde sont dans une situation préoccu-pante parce qu’ils disposent de moins de1 000 m3 d’eau par personne et par an,alors que la situation «satisfaisante» estfixée à 1 700 m3 (selon l’indice de réfé-rence dit de Falkenmark, ndlr). De nom-breux pays dont les ressources se situententre ces deux chiffres sont dans unesituation de « stress hydrique ». D’aprèsla Commission mondiale sur l’eau, quis’est réunie en 2000, 1,3 milliard de per-sonnes, soit près du quart de la popula-tion mondiale, n’ont pas accès à l’eaupotable, notamment en Asie (dont envi-ron 400 millions de Chinois) et en Afrique(près de 300 millions de personnes).

L’eau doit-elle être considérée comme undroit ou comme un bien par la législationinternationale?D’un point de vue juridique, l’on peutregretter qu’il n’existe pas un régime pré-cis organisant le partage de l’eau, des fleu-ves et des nappes souterraines entre lesÉtats. Le droit international, notamment

le régime de la navigation sur les coursd’eau internationaux, régi par laConvention de Barcelone de 1921.En 1970, l’assemblée générale des Nationsunies a chargé une commission d’étudierle droit relatif aux utilisations des voiesd’eau internationales à des fins autres quela navigation. En 1992, un projet a posé un

certain nombre de principes, en particulierl’affirmation que tous les États du bassinont droit sur leurs territoires à une part« raisonnable et équitable» dans l’utilisa-tion des eaux du bassin de drainage.À partir de ces principes, les Nations uniesont adopté, le 21 mai 1997, une conven-tion qui devrait régir le partage interna-tional des eaux, lorsqu’elle aura été rati-fiée par au moins trente-cinq États. Cetexte privilégie les droits des usagerssitués en aval sur ceux situés en amont.Par ailleurs, en 1992, la Conférence inter-nationale sur l’eau et l’environnement aadopté la Déclaration de Dublin, selonlaquelle « il est primordial de reconnaîtrele droit fondamental de l’homme à une

eau salubre et une hygiène adéquate pourun prix abordable». La même année, lorsde la Conférence de Rio sur l’environne-ment et le développement, les gouver-nements ont adopté une déclaration selonlaquelle « les êtres humains […] ont droità une vie saine et productive en harmo-nie avec la nature».Il est clair qu’au-delà des déclarations, lesbonnes intentions et l’évolution du pro-cessus juridique restent soumises à labonne – ou plutôt à la mauvaise – volontédes États. Par exemple, certains ont déjàfait savoir qu’ils ne ratifieraient pas laconvention de 1997. Cependant, avancéenotable, les Nations unies ont voté en juilletdernier une résolution reconnaissant l’ac-cès à l’eau potable comme un droit humain.

Quelles sont les tensions liées au contrôlede l’eau à travers le monde?Les différends sont nombreux et sesituent sur tous les continents. Les ser-vices de renseignement des États-Unisestiment que, depuis 1985, l’eau serait lecatalyseur d’une dizaine de conflits armésdans le monde. À vrai dire, les affronte-ments pour l’accès à l’eau se sont inten-sifiés : que ce soit pour l’appropriationd’un cours d’eau (menaces israéliennessur les fleuves libanais) ou d’une nappephréatique (exploitation des ressourcesaquifères par Israël au détriment de sesvoisins palestiniens et jordaniens), ou pourl’exploitation d’un fleuve au détriment duou des pays situés en aval (barrages éthio-piens sur le Nil, à l’origine de tensionsavec l’Égypte et le Soudan, barrage slo-vaque de Gabcikovo sur le Danube, audétriment de la Hongrie, etc.).Par ailleurs, des problèmes graves peu-vent, au sein même des États, résulterde l’exploitation ou du détournement del’eau au profit de villes ou d’industries (lebarrage des Trois-Gorges, dans la valléedu Yangzi Jiang, en Chine, avec le dépla-cement forcé de centaines de milliers depersonnes) ou vers des régions plusdémunies (l’Ebre, vers le Sud-Est del’Espagne). Il est très clair que l’occupa-

Charles Saint-Prot. « Des affronte-ments auront lieu dans les zonesoù cette ressource est rare. »

Charles Saint-Prot, directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques (OEG)

« L’accès à l’eau est beaucoup plus important que la possession des réserves de pétrole ou de gaz »

DR

ENJEUX point de vue

Page 17: AdA 353

cubes par an), la Russie (4 100 milliards),l’Indonésie (2 838 milliards), la Chine (2 812 milliards), le Canada et le Québec(2740 milliards), les États-Unis, la Colombie(2133 milliards), le Pérou (1746 milliards),l’Inde (1 260 milliards), le Congo-ex Zaïre(1 100 milliards). La France n’est pas malplacée, avec plus de 200 milliards de mètres cubes d’eau, sans compter celle dela Guyane française (plusieurs centaines demilliards). On peut alors imaginer que lesrégions défavorisées demandent unemeilleure distribution de cette richesse etfassent de cet objectif un combat politique.

Recyclage des eaux usées ou dessalementde l’eau de mer, quelles solutions pourraientêtre envisagées?Le développement de nouvelles technolo-gies, notamment le dessalement, peutreprésenter un espoir. Grâce à ces tech-nologies, certains pays ont fait d’énormes

progrès pour couvrir leurs besoins essen-tiels, tels que les pays du Golfe ou leMaroc, pour les villes du Sahara marocain(Laâyoune, Boujdour, etc.).Mais, outre le fait que le dessalement nepeut concerner que les régions prochesdes mers, cette technique nécessite unsavoir-faire coûteux, notamment en éner-gie. Ainsi, le dessalement est inaccessi-ble pour les pays les moins développés.Ce n’est donc pas la panacée, à moinsque la communauté internationaleinscrive un grand programme d’aide enla matière. L’un des objectifs d’une com-munauté internationale bien organisée etresponsable serait d’accorder une largeaide aux pays pauvres afin qu’ils puissentbénéficier du développement technolo-gique leur permettant de limiter leurpénurie en eau.

Propos recueillis par

Linda Verhaeghe

17

Chantier de dérivation des eaux de la rivière Wazzani vers des villages du Sud-Liban, en 2002. Pour les Israéliens, le détour-nement de la rivière Hasbani, dont la Wazzani est un affluent et qui se jette dans le lac Tibériade, constituerait un casus belli.

tion du Tibet par la Chine a pour objet decontrôler le formidable château d’eau quereprésente ce pays.

Au-delà des affrontements locaux, tous lespays pourraient-ils un jour être concernés à des degrés divers par l’accès à l’eau? La «guerre de l’eau» aura-t-elle lieu?Il est évident que des affrontementsauront lieu dans les zones où cette res-source est rare. La quantité d’eau dispo-nible est très inégalement répartie dansle monde. Environ 80 pays sont dans une situationpréoccupante, notamment en Asie et enAfrique, où certains d’entre eux disposentde ressources extrêmement faibles, voirequasi nulles. À eux seuls, une dizaine depays bénéficient d’environ 60 % des res-sources mondiales. Les principaux déten-teurs de ressources en eau naturelle sontle Brésil (plus de 6000 milliards de mètres

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Les propos exprimés dans cette rubrique ne reflètent que l’opinion de leur auteur.

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18_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

MODERNISATION

Les armées achèvent de se refaire

D’Ambroise Paré, premier chirur-gien des armées françaises, qui,au XVIe siècle, pansait les plaiesdes soldats des guerres de reli-gion, aux médecins qui organi-

sent les évacuations d’urgence dans la val-lée de la Kapisa en Afghanistan, le cœurde métier des médecins militaires est restéle même: le terrain.Pour améliorer le soutien qu’il fournit auxforces françaises déployées en opérationsextérieures, le Service de santé des

armées (SSA) s’est engagé dans uneréforme d’envergure. Présentant, débutjuillet, les transformations de son serviceaux membres de la commission de laDéfense nationale et des forces arméesde l’Assemblée nationale, le médecin géné-ral des armées, Gérard Nédellec, directeurcentral du SSA, annonçait que la réformepermettrait de «dégager des économies».Au sein de la Défense, les changementsau SSA ont ceci de particulier que lesefforts ne porteront pas sur les effectifs

mais sur la réorganisation de la fonctionsanté, a-t-il expliqué. Les effectifs passe-ront en effet de 16000 à 15500 personnesen 2014. En revanche, le dispositif territo-rial, le soutien spécifique, la formation etl’enseignement ont été repensés.• RRééppaarrttiittiioonn tteerrrriittoorriiaallee.. Avec la créationd’une nouvelle structure dans les bases dedéfense (BdD), qui regroupent désormaisplusieurs unités et services sur des zonesgéographiques plus vastes afin d’en facili-ter le soutien, la répartition des services

Comme tout le ministère de la Défense depuis 2008, le Service de santé des armées a engagé sa réforme. Le dispositif territorial a été revu en profondeur

ainsi que le soutien spécifique et la formation. Mais les effectifs sont maintenus.

L’hôpital militaire de Percy, en région parisienne. Le matériel biomédical, les médicaments déstinés aux hôpitaux militaires serontgérés par la direction des approvisionnements en produits de santé des armées (DAPSA).

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e une santé

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LE CEMA SUR LA BDD DE MARSEILLE. Faire

le point sur le fonctionnement de la

base de défense, tel était l’objet de la

rencontre entre le chef d’état-major

des armées (Cema), l’amiral Édouard

Guillaud, et les responsa-

bles de la BdD pilote de

Marseille, le 1er juillet der-

nier. Le Cema s’est notam-

ment entretenu avec les

responsables des ressour-

ces humaines ainsi que les

chefs de corps des unités faisant par-

tie de cette BdD mise en place en 2009.

51 bases de défense seront opération-

nelles au 1er janvier prochain.

LA DÉFENSE SE DOTE D’UN COMMAN-

DEMENT INTERARMÉES DE L’ESPACE (CIE).

Conformément aux objectifs fixés par

le Livre blanc sur la défense et la sécu-

rité nationale, un Commandement

interarmées de l’espace a été créé le 2

juillet. Lors de la cérémonie organisée

en cette occasion à l’École militaire de

Paris, l’amiral Guillaud a rappelé que

« l’espace est l’un des enjeux majeurs

du XXIe siècle et plus que jamais un fac-

teur structurant de la puissance ».

DE NOUVEAUX LOCAUX POUR LE CIRFA DE

SEINE-SAINT-DENIS. Hervé Morin, le

ministre de la Défense, et le général

Elrick Irastorza, chef d’état-major de

l’armée de terre, ont inauguré cet été

le nouveau Centre interarmées de

recrutement des forces armées (Cirfa)

de Saint-Denis. Il offrira aux équipes

de recrutement des armées des locaux

plus spacieux que ceux de l’ancienne

structure, créée en 2002. Ce Cirfa «cou-

vrira» 17 communes au total. 108 Cirfa

fonctionnent désormais en France

(métropole et outre-mer) et délivrent

des informations sur les 20 000

emplois proposés par la Défense

chaque année.

B R È V E S

du SSA sur le territoire se trouvera chan-gée. «Les médecins militaires n’officieront

plus au sein des services médicaux

d’unité (SMU) des régiments et des bases

aériennes ou maritimes, explique le méde-cin en chef Éric Darré, coordinateur de laréforme du SSA, mais au sein des centres

médicaux des armées (CMA) des BdD.

Nous garderons cependant un référent

dans certaines unités lorsque cela sera

nécessaire. » En clair, les CMA et leursantennes médicales seront implantéesdans les emprises des régiments ou basestrès opérationnels, mais il n’y en aura plusdans les états-majors ou dans les servicesadministratifs dont les effectifs seront peuimportants ou qui se trouveront pro-

Une seule école formera les élèves officiers médecins à Lyon.

Le jury des Victoires de la modernisa-tion de l’État, organisées chaque annéeà l’Assemblée nationale et récompen-sant les meilleurs projets de réformedu service public, a décerné cet été auSSA un prix pour la qualité de la trans-formation de ses ressources humaines.C’est le directeur central du SSA, lemédecin général des armées GérardNédellec qui a reçu la distinction pourla catégorie «Organisation».

Le SSA récompensé

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20_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

ches d’un CMA. À la mise en placedéfinitive des bases de défense, fin 2011,55 CMA soutiendront les forces, avec unréseau de 200 antennes locales. «Outre la

rationalisation et la mutualisation de nos

moyens, la création des CMA est aussi pour

nous une manière de clarifier les respon-

sabilités, poursuit Éric Darré. Alors que les

SMU étaient subordonnés à la fois au SSA

et aux armées concernées, les centres

médicaux ne relèveront que du SSA.»

• LLee ssoouuttiieenn ssppéécciiffiiqquuee.. Le changement,de taille, se traduit par la création d’uneDirection des approvisionnements en pro-duits de santé des armées (DAPSA). « Le

matériel biomédical, les médicaments des-

tinés aux CMA, aux hôpitaux militaires ou

aux OPEX seront désormais gérés par la

DAPSA, explique son directeur, le médecingénéral inspecteur Pierre Huet-Pailhès.Auparavant, nos établissements de ravi-

taillement pouvaient par exemple acheter

pour leur propre compte des médicaments

à des prix variables et auprès de fournis-

seurs différents. Il s’agit donc d’une trans-

formation complète de la chaîne d’approvi-

sionnement, poursuit le directeur de laDAPSA. Nous gérerons les achats pour

chaque métier du SSA et nous centralise-

rons les paiements.» Quant aux achats res-sortissant du soutien commun – consom-mables informatiques, fournitures debureau, restauration… –, ils relèvent dés-ormais du groupement de soutien des BdD.Autre volet de la transformation du soutienspécifique, la rationalisation de son fonc-

d’Orléans et les Etablissements de ravi-taillement sanitaire du SSA (ERSA) de Vitry-le-François et de Marseille, sous l’autoritéde la DAPSA, et par la fermeture du site deChartres en 2013 (après celle de Mondevilleet Brest en 2009). Au terme de l’opération,la DAPSA gérera 3000 marchés d’articlespharmaceutiques et de matériels spéci-fiques de santé, contre 1 300 avant leregroupement de ces achats à la DAPSA.

tionnement par le regroupement sur troissites, au lieu de six en 2008, des quatre éta-blissements suivants : l’Établissement cen-tral des matériels du SSA (ECMSSA), laPharmacie centrale des armées (PCA)

MODERNISATION

• Le SSA compte actuellement 10 000 mili-taires et 6000 civils.• 1,7 % sont réservistes.• Son budget annuel est de 1,5 milliard d’eu-ros. • L’approvisionnement spécifique (médica-

ments, matériel biomédical) représente unbudget de 360 millions d’euros.• 35 % des revenus du SSA proviennent del’activité produite au sein des 9 hôpitauxd’instruction des armées (HIA) de Toulon,Marseille, Bordeaux, Brest, Metz, Lyon,

Clamart, Saint-Mandé et Paris.• 1 347 hommes et femmes du SSA ont étéengagés sur une OPEX en 2009. Ils repré-sentent 4 % sur l’ensemble des forcesdéployées (6 % en ce qui concernel’Afghanistan).

Le SSA en quelques chiffres

Les « centres médicaux des armées» ne seront implantés que dans les emprisesdes régiments ou bases très opérationnels.

• UUnnee ssttrruuccttuurree ddééddiiééee àà llaa rreecchheerrcchhee..Une nouvelle structure dédiée à la recher-che sera créée en 2014. «Nos chercheurs

travaillent au quotidien dans les domaines

de la NRBC, la médecine tropicale, l’adap-

tation aux systèmes d’armes et l’amélio-

ration du soutien médico-chirurgical des

forces, détaille le médecin en chef Darré.Mais sans réelle coordination, en raison de

la dispersion des équipes et des labora-

toires. La nouvelle structure : l’Institut de

recherche biomédical des armées (IRBA),

fusionnera les centres de recherche de

Grenoble, Marseille et Toulon.» L’IRBA éliradomicile à Brétigny-sur-Orge (Essonne)«dans un site militaire, ce qui en facilitera

la surveillance, dont nous récupérerons les

constructions existantes, ajoute le méde-cin général des armées Gérard Nédellec.La commune de Brétigny est en outre

située dans une région accueillant des éta-

blissements de recherche de très haut

niveau », comme le Commissariat àl’énergie atomique ou l’Institut national dela recherche agronomique. • FFoorrmmaattiioonn tteecchhnniiqquuee eett mmiilliittaaiirree.. Le der-nier volet de la réforme du SSA est celui dela formation des élèves officiers médecins,vétérinaires, chirurgiens-dentistes et phar-maciens. Les Écoles du service de santédes armées (ESSA) de Bordeaux et Lyon-Bron fermeront leurs portes en juillet pro-chain, laissant la place à une unique Écolede santé des armées (ESA), située à Lyon.« Ce n’est pas la ville, que nous voulons

mettre en avant, mais les écoles, car les

deux ESSA ont une histoire importante.

Leur fermeture est forcément difficile à

vivre pour certains.» La future ESA, qui seracréée le 2 juillet prochain, accueillera envi-ron 800 élèves, un chiffre sensiblement égalà celui des élèves qui composaient les éco-les de Lyon-Bron et de Bordeaux.

Julien Fouineau

Fin 2011, 55 «centres médicaux des armées», avec unréseau de 200 antennes locales, soutiendront les forces.

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FOCUS défensedédéfense

Le Parlement vote la loi, contrôle l’action du gouver-nement et évalue les politiques publiques. Pour pou-voir remplir cette mission que lui attribue la Consti-tution, chacune des deux chambres – l’Assembléenationale et le Sénat – dispose en son sein de com-

missions permanentes spécialisées. Le domaine régalien dela Défense n’échappe pas à cette règle.A l’Assemblée, la commission de la Défense nationale et desforces armées est présidée par Guy Teissier, député desBouches-du-Rhône. Au Sénat, les dossiers ayant trait à laDéfense et à la politique étrangère sont liés. Ils sont traitéspar la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des

forces armées, présidée par Josselin de Rohan, sénateur duMorbihan. « Le Sénat a considéré que l’action des armées estla continuation d’une politique internationale. Lorsque desmoyens sont attribués pour la conduite d’opérations extérieu-res, par exemple, cela a un impact sur l’influence françaisedans le monde», explique Olivier Delamare-Deboutteville, direc-teur adjoint responsable du secrétariat de la commission séna-toriale. Les commissions sont composées de députés et de sénateursdésignés par leurs groupes politiques en fonction de leur repré-sentation au sein de chaque chambre. Leur fonctionnement estassuré par un personnel administratif permanent issu princi-

(P. suivante, de g. à d.) M. Larcher, président du Sénat, accompagné du général Druart, en Afghanistan.Visite du chantier de la frégate FREMM, à DCNS-Lorient, par les sénateurs Reiner, rapporteur du budget, et Gautier. Bernard Accoyer, président de l’Assemblée nationale, rencontre les troupes fran-çaises de la Finul, au Liban.

Défense : à quoi serventles commissionsparlementaires

Formées d’élus, elles préparent le travail législatif au sein de l’Assembléenationale et du Sénat, grâce notamment aux auditions mettant enprésence experts et hommes politiques. Chargées aussi de contrôlerles dépenses, elles sont un rouage majeur de la démocratie parlementaire.

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palement du corps des administrateurs. A la commission duSénat est détaché un officier de l’état-major des armées, tan-dis qu’à la celle de l’Assemblée, c’est un contrôleur général misà disposition par le ministère de la Défense qui conseille le pré-sident. Les deux commissions ont un officier correspondantdans chaque état-major d’armée.Les tâches principales sont identiques, dont la première estd’ordre législatif. Les commissions sont en effet chargées depréparer les débats avant le vote des lois. Elles entendent lesexperts ou les parties prenantes d’un dossier et établissentun rapport à partir duquel débattent les parlementaires. Ellesproposent également des amendements aux textes étudiés.

Parmi les projets de loi examinés, on peut citer l’assouplisse-ment de la loi sur la reconversion des militaires, les lois sur l’in-demnisation des victimes des essais nucléaires, la program-mation militaire 2009-2014, l’élimination des armes àsous-munitions ou les accords internationaux de défense. L’undes grands rendez-vous est l’examen annuel du projet de bud-get de la Défense.La seconde grande mission des commissions est celle ducontrôle des dépenses, réalisé à travers les auditions de minis-tres, d’experts ou d’industriels organisées chaque trimestre,selon l’actualité. «L’aspect budgétaire est très important pournos concitoyens. Il est rassurant de savoir que les dépen-

L’Assemblée nationale. L’un des grands rendez-vous de l’Assemblée et du Sénat est l’examen annueldu projet de budgetde la Défense.

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Page 24: AdA 353

ses de la Défense sont suivies de près par des représen-tants du peuple», explique Patrice van Ackere, contrôleur géné-ral des armées, conseiller du président de la commission de laDéfense nationale et des forces armées de l’Assemblée natio-nale. «Le budget de la Défense est complexe, précise OlivierDelamare-Deboutteville. Les élus l’étudient dans le détail afinde comprendre les contraintes des armées. Il est nécessairequ’existe un regard extérieur à la Défense, pour pointer aussibien les dépenses superflues que le manque de moyens.Auxquels cas la mission est révisée ou de nouveaux moyenssont mis à disposition des militaires. C’est un des aspects dulien armée-nation.»Des déplacements de parlementaires sur le terrain sont éga-lement organisés, en France et à l’étranger. «Ces visites sontimportantes, insiste Patrice van Ackere. Les élus constatent pareux-mêmes ce que font les militaires déployés sur les théâtres d’opérations ou en métropole, dans quelles conditions et avec

quels moyens. Ces derniers mois, par exemple, poursuit-il, unplan de réduction des dépenses de la Défense de 3 ou 4 millionsd’euros a été annoncé. Les parlementaires ont exposé lesconséquences d’une telle baisse sur la capacité opérationnelle

des armées, en particulier sur laréduction de leur capacité d’en-traînement. »Autre exemple, à l’issue d’unevisite sur le théâtre afghan, enseptembre 2008, des députésont constaté un nombre insuffi-sant d’hélicoptères, dont ils ontfait part au Premier ministre àleur retour. Leurs observations

ont corroboré le projet de l’état-major des armées de projeterrapidement des hélicoptères de combat. Trois Tigre ont ainsi étédéployés en renfort, en juillet 2009. «Les parlementaires sontfinalement aussi des alliés des militaires », ajoute Patrice vanAckere.Outre leur travail législatif et le contrôle du budget, les com-missions ont des missions en propre, selon la chambre àlaquelle elles appartiennent (cf. encadré p. 26). Au Sénat, lacommission produit régulièrement des rapports sur tel outel sujet touchant à la Défense et aux Affaires étrangères.« Cette année, nous avons, par exemple, travaillé sur lesconséquences du traité de Lisbonne sur la politique étran-gère et de défense de l’Union européenne, sur la missiondes gendarmes en Afghanistan ou sur la prolifération et ledésarmement nucléaire», détaille Olivier Delamare-Debout-teville.Les commissions préparent les débats sur le déploiementdes armées sur des théâtres d’opérations. En effet,

24_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

Il est nécessairequ’existe un

regard extérieur à la Défense.

Le Sénat. Cette année,

la commission a travaillé sur

des thèmes aussi variés

que la politique européenne de défense

après le traité de Lisbonne,

les missions dela gendarmerie

en Afghanistan etle désarmement

nucléaire.

Sécurité et Défense au Parlement européen

Au sein du Parlement européen, la sous-commission « Sécu-rité et Défense » de la commission affaires étrangères a encharge les questions ayant trait à la Politique européenne desécurité et de défense commune (PeSDC). Elle est actuellement présidée par le député européen ArnaudDanjean.

FOCUS défense

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37

3 questions à Josselin de Rohan, président de lacommission des Affaires étrangères, de la Défense et desforces armées du Sénat

Comment la commission choisit-elle ses sujets d’étude ? Ce sont les membres du bureau de la commission qui définis-sent les thèmes étudiés. Cette année, nous avons notammenttravaillé sur la réforme de l’Otan et sur la défense antimissilebalistique, dans la perspective du sommet de Lisbonne de novem-bre prochain. Nous menons aussi des travaux moins liés à l’ac-tualité, comme l’utilisation des réserves militaire et civile encas de crise. Mais notre principale préoccupation reste l’impactdes restrictions budgétaires sur la Défense, car si celle-ci ne peuts’abstraire de l’effort national de redressement des financespubliques, elle reste une condition de notre souveraineté. Dès larentrée parlementaire, nous allons entamer l’examen de la loi definances pour 2011 et de ses répercussions sur la loi de pro-grammation militaire.

Comment est réalisé, à travers la commission, le lien entre les citoyenset les militaires engagés dans des opérations extérieures ? Dans un pays comme le nôtre, sans ennemi déclaré et dont lesfrontières ne sont pas menacées, les citoyens ont du mal à com-prendre le bien-fondé de nos engagements internationaux etdu coût financier et humain consenti pour assurer notre sécurité,en particulier en Afghanistan, d’autant que nous vivons un

contexte de crise économique et financière.D’où la nécessité de leur faire prendre cons-cience de la réalité des menaces auxquellesnous sommes confrontés. Lorsque nous ren-controns des unités sur le terrain, c’est pournous assurer qu’il y a adéquation entre lesmenaces et l’effort consenti. Mais c’est aussipour leur témoigner de l’intérêt et de l’admiration que la repré-sentation nationale porte au dévouement et au professionnalismequ’ils mettent au service de la nation. Ces échanges sont d’au-tant plus importants pour eux que leur condition de militaires leurimpose un devoir de réserve et limite leur droit d’expression.

Quels liens entretiennent les deux commissions de défense ?Elles sont indépendantes l’une de l’autre, comme le sont les deuxassemblées. Les projets de textes législatifs sont examinés parchaque commission, qui amende et améliore le dispositif initial.Par ailleurs, à l’initiative du président de la commission del’Assemblée nationale, nous nous retrouvons une fois par an, dansle cadre d’universités d’été, dont la prochaine est prévue le13 septembre. Ce forum d’échanges constitue un moment pri-vilégié pour les parlementaires des deux commissions et pourles hauts responsables du monde de la Défense qui sont conviés :militaires, administratifs et industriels. Depuis quelques années,nous avons donné une dimension internationale à cet événementen invitant des parlementaires des Etats de l’Union européennepour pouvoir confronter nos analyses.

3 questions à Guy Teissier, président de la com-mission parlementaire de la Défense nationale et des forcesarmées de l’Assemblée nationale

Comment sont définis les sujets sur lesquels travaille la commissiondéfense de l’Assemblée ?Ils sont déterminés en fonction de l’actualité législative, des opé-rations en cours ou imminentes, ainsi que des conclusions queles parlementaires tirent de leurs rapports et de leurs déplace-ments sur le terrain. Cette année, la commission a travaillé surla restructuration du ministère de la Défense ou sur la pirateriemaritime. En ce moment, les sujets d’actualité sont les créditsalloués à nos armées pour les trois années à venir, sachant quela Défense ne peut se soustraire à l’effort de maîtrise des dépen-ses publiques. La commission se penche également sur la qua-lité du recrutement et la fidélisation des engagés. Un sujet pharereste l’avenir de notre industrie de défense, celle-ci contribuant àpréserver la souveraineté de notre pays.

En quoi le contrôle démocratique exercé par les parlementaires cons-titue-t-il un aspect du lien Armée-Nation ? Le contrôle exercé par les parlementaires constitue un aspect

essentiel du lien Armée-Nation. Nos conci-toyens savent ainsi que l’effort financier quileur est demandé est justifié et que l’emploides deniers publics est contrôlé avec beau-coup de professionnalisme et de rigueur. Lamédiatisation des débats parlementaires, toutcomme celle des auditions d’experts par lacommission, est un moyen pour ceux qui le souhaitent de setenir informés des enjeux et des contraintes qui pèsent sur laDéfense.

Les parlementaires sont-ils des « alliés » pour les militaires ?Les multiples rapports et auditions d’experts, les fréquentsdéplacements en France métropolitaine et outre-mer ainsi queles visites aux forces pré-positionnées et en opérations exté-rieures donnent aux parlementaires une vision très complètedes difficultés et des contraintes auxquelles les armées sontsoumises. Ils peuvent remplir leur mission avec une connais-sance approfondie et se montrer vigilants sur l’adéquation desmoyens alloués aux missions données aux militaires. J’ajouteque l’on ne vient pas siéger par hasard à cette commission, lesdéputés qui en sont membres manifestent en permanence unréel intérêt pour la Défense.

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depuis la révision, en 2008, de l’article 35 de la Consti-tution, le Parlement doit être informé avant de prendre ladécision du déploiement de toute force sur un territoire étran-ger. Après un délai de quatre mois, un débat, puis un votesont organisés pour décider, ou non, de la poursuite de lamission. Deux débats onteu lieu concernant l’Afgha-nistan, en septembre 2008,puis le Liban et des paysd’Afrique, en janvier 2009.« Ces votes montrent auxcitoyens que les parlemen-taires regardent de près les motifs de ces missions. Ils légi-timent ces dernières, aux yeux des acteurs internationaux,puisqu’ils représentent un consensus politique au sein de lanation», souligne Patrice van Ackere.Enfin, les représentants du peuple ont un rôle dit de «diplo-

matie parlementaire ». « Leur présence, par exemple, surdes salons d’armement, comme Idex, à Abu Dhabi (Emiratsarabes unis), poursuit le contrôleur général des armées,contribue à soutenir les industries françaises. En ces occa-sions, ils rencontrent les autorités locales. Leur influence est

d’autant plus détermi-nante que, pour choisirleur matériel militaire, cer-tains pays accordentdavantage d’importanceaux arguments d’ordrepolitique que simplement

technique.» La composante «affaires étrangères» de la com-mission du Sénat conduit les élus à se déplacer fréquem-ment à l’étranger et d’aborder avec leurs homologues aussiles questions de Défense.

LLiinnddaa VVeerrhhaaeegghhee

26_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

Le Sénat et l’Assemblée nationale constituent les deux institutions parlementaires, qui votent les lois, contrôlent l’action du gouvernement.Elles exercent conjointement le pouvoir législatif en examinant projets et propositions de lois, de manière successive. Elles contrôlent également l’action du gouvernement, à travers l’organisation de débats, de questions orales ou écrites, ou encore d’enquêtesmenées par ses commissions. Récemment, le général Stéphane Abrial, Commandant suprême allié pour la transformation au sein l’OTAN, a,par exemple, été entendu par chacune des commissions pour faire un premier bilan de la réintégration de la France dans les structures mili-taires intégrées de l’Alliance, en avril dernier. Néanmoins, seule l’Assemblée nationale peut mettre en jeu la responsabilité du gouvernement. Le Congrès réunit l’Assemblée nationale et le Sénat dans des cas bien particuliers, tels que pour le vote définitif d’un projet de révision de laConstitution.

Université d’étéde la Défense

en 2009.Une fois par an,

les commissionsdes deux

assemblées se réunissent en

présence du ministre de la

Défense.

Les rôles respectifs du Sénat et de l’Assemblée nationale

Le Parlement doit être informé avant de décider le déploiement de toute force à l’étranger.

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DOSSIER

44_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 306 • DÉCEMBRE 2005 - JANVIER 2006

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Les troupes africaines étaient àl’honneur pour l’édition 2010 dudéfilé du 14 juillet. Pour le cin-quantenaire de l’indépendancede leur pays, des unités de treize

États d’Afrique francophone (Bénin,Burkina-Faso, Cameroun, Congo,Gabon, Madagascar, Mali, Mauritanie,Niger, République Centrafricaine,Sénégal, Tchad, Togo) ont ouvert le défilédes troupes à pied.Auparavant, la Patrouille de France aentamé les festivités. Des avions emblé-matiques de l’aéronavale, comme leSuper-Étendard modernisé, le RafaleMou l’Atlantique2, ont survolé la «plus belleavenue du monde », célébrant ainsi lecentenaire de l’aviation embarquée. À l'honneur également, les unités deretour d’Afghanistan – dont un pelotonOperational Mentoring and LiaisonTeam (OMLT) de la gendarmerie natio-nale – ainsi que les régiments revenusdu Liban (mandat de la Finul), lesmarins de l’opération Atalante de luttecontre la piraterie dans l’océan Indienet les formations ayant participé auxopérations de sauvetage en Haïti aprèsle séisme de janvier dernier. Ce défilé a été l’occasion de plusieurspremières et d’une dernière. Une pre-mière pour les soldats du 13e Régimentde dragons parachutistes (13e RDP),d’abord, ces «invisibles» spécialistes ducamouflage et du renseignement, plushabitués à éviter les regards qu’à s’yexposer. Une première également pourles jeunes de la nouvelle École des mous-ses, pour l’Équipe de voltige de l’arméede l’air (EVAA) et pour les véhiculescomme le Buffalo, engin de déminagedéployé en Afghanistan, et les véhiculesblindés hautement protégés (VBHP), quil’accompagnent sur le terrain. Une dernière, c’était pour l’équipage duporte-hélicoptères Jeanne d’Arc. Le bâti-ment-école des jeunes aspirants del’École navale a été récemment retirédu service. Le défilé s’est clos sur le largage de huitparachutistes portant les couleurs fran-çaises et européennes ainsi que les dra-peaux des treize nations africaines invi-tées. Bravant l’orage, ils se sont posésdevant la tribune d’honneur.

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14 Juillet :l’Afrique ouvre le bal

Le défilé sur les Champs-Élysées était placé cette année sous le signe du cinquantenaire des indépendances africaines, que des militaires de treize États

d’Afrique francophone ont célébré en ouvrant la marche.

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30_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

En novembre 2009, vous avez pris le commandement de la TaskForce La Fayette, qui venait d’être créée et de se voir attribuer unezone de responsabilité à l’est de Kaboul. Pouvez-vous rappeler lecontexte de cette création?Cette création était le cœur de la manœuvre de redéploiementdu dispositif français en Afghanistan. La France, après avoir trans-féré la sécurité de la province de Kaboul aux forces de sécuritéafghanes, venait de laisser le commandement de la région Capi-tale à la Turquie. L’objectif consistait à redonner une pleine cohé-rence à notre déploiement par l’établissement d’un comman-dement unique et le regroupement de l’essentiel de nos forces,incluant les OMLT (operational mentoring and liaison teams) etles POMLT (police operational mentoring and liaison teams) dansune seule et même zone de responsabilité.Le 1er novembre, la Task Force La Fayette est créée. Sa zone deresponsabilité comprend la province de Kapisa et le district deSurobi, au sein du commandement régional Est, armé par la 82e

Airborne. La Task Force La Fayette (TFLF) s’est installée dans uncontexte favorable : poste de commandement, soutien logis-tique, etc., tout cela était fonctionnel, même si, au début, lesinfrastructures de la vie courante étaient un peu rustiques.

Quel était le plan de campagne de la TF La Fayette?Il consistait pour nos deux GTIA (groupements tactiques inter-armes) à rétablir la liberté de mouvement dans cette zone, enparticulier sur l’axe stratégique Vermont, qui traverse la Kapisadu nord au sud et rejoint le district de Surobi. Son exécution pas-sait par une occupation progressive du terrain en appui des for-ces de sécurité afghanes soutenues par nos OMLT et les POMLT,tout en faisant effort sur les contacts avec la population et lesautorités locales.

Quels ont été les modes d’action de la TFLF?La TFLF a mis en œuvre ce que l’on appelle l’«approche globale»pour couvrir les trois lignes d’opération de sa mission : sécurité,développement et gouvernance. Il s’agit donc de combiner lesopérations de sécurisation et de contrôle de zone avec les actionscivilo-militaires et d’aide au développement, associées à l’«enga-gement» des autorités locales, qu’elles soient politiques, judi-ciaires ou relevant des administrations de l’État (éducation, santé).Cette combinaison ne trouve sa pleine efficacité que par unemanœuvre exercée dans le champ psychologique. En Afghanis-

tan, tout est affaire de perception et l’adversaire en joue pleine-ment. C’est pourquoi nous avons mis l’accent sur l’informationde la population, le dialogue avec les acteurs locaux pour expli-quer nos opérations, les avancées, les projets, etc. Pour optimiser nos effets et nous adapter aux particularismesdu milieu, la TFLF a également amélioré ses outils par la créa-tion d’une fusion cell dédiée à la lutte contre les réseaux ou à lapromotion des réseaux, selon la nature de leurs effets sur lapopulation. Enfin, le recours à des civils experts en développe-ment et en gouvernance placés auprès du général commandantla TF a ouvert de nouvelles perspectives de travail dans les domai-

nes cruciaux qui condui-sent à la sortie de crise.Sur le terrain, cela s’est tra-duit par de multiples pro-jets de développement auprofit de la population (sou-tien agricole, routes,ponts, écoles, cliniques…)grâce aussi, il faut le dire,à la puissance financièrede la PRT (équipes dereconstruction provinciale)américaine sous TACONde la TFLF. Cela s’est éga-lement traduit par descontacts permanents avecla population, soit par le

biais des radios que nous mettions en œuvre, soit, bien sûr, parles nombreuses rencontres sous forme de shura (assembléesde village, ndlr) et d’entretiens particuliers.

Quelle a été la nature de vos relations avec le commandement américain?Excellente. Le plan de campagne, que nous avions présenté àla division américaine à laquelle nous étions subordonnés, a étévalidé à la mi-octobre sans restriction, et j’ai bénéficié d’une totaleliberté d’action. La collaboration avec les Américains s’est opérée sur le volet desactions civilo-militaires et du développement. Leur PRT en Kapisadispose d’un budget annuel de 30 millions de dollars pour lesprojets de développement. Sur le volet des opérations, nous

Général Marcel Druart, premier commandant de la Task Force La Fayette

« L’armée afghane a été créée en 2002. Il faut lui laisser le temps de constituer un vivier de cadres expérimentés

qui pourront transmettre leur savoir-faire. »

«En Afghanistan, tout est affaire de perception. C’est pourquoi nous avonsmis l’accent sur le dialogue avec lesacteurs locaux.»

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Le généralDruart

a exercéle commande-

ment de laTask Force La

Fayette depuissa création, en

novembre dernier,

jusqu’au 20avril 2010.

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32_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

avons bénéficié des appuis de la division, essentiellementsous la forme d’appuis aériens et de capacités de renseignement(capteurs électromagnétiques et imagerie), ainsi que d’un sou-tien précieux dans le domaine de la protection de la force pour lasécurisation de nos postes avancés.

Quel a été l’apport de la Task Force La Fayette aux forces de sécurité afghanes? Il est nécessaire d’aider les forces de sécurité afghanes à amé-liorer leurs compétences militaires et policières. Le but est biende les mettre en situation de responsabilité et de les rendre auto-nomes. Pour y parvenir, nous mettons en œuvre un partenariatqui s’appuie sur les forces afghanes, les OMLT et la TFLF.Ce partenariat repose sur le principe de proximité et de respon-sabilisation. La proximité se traduit par la présence permanentedes OMLT auprès des unités afghanes et par la colocalisationdes unités afghanes avec les unités des GTIA sur les bases oupostes avancés.La responsabilisation s’exprime pendant toutes les phases d’uneopération, de la planification à la réalisation de l’objectif. Lesétats-majors afghans et français se réunissent chaque semainepour programmer, planifier, conduire les opérations et en tirerles enseignements. Le point clé consiste à laisser la réalisationde l’effet majeur auxunités de l’arméeafghane.Sur le terrain, l’Arméenationale afghane (Ana)a démontré sa capacitéà opérer seule. J’ai pule constater à l’occasionde la prise de contrôled’une zone dans le sudde la vallée de Tagab envue de construire unposte avancé au plusprès d’un des noyauxde l’insurrection enKapisa. L’Ana a su met-tre en œuvre son infan-terie, ses sapeurs, l’artillerie, tout en organisant le flux logistiquepour acheminer le matériel sur zone. J’ai également pu consta-ter la confiance qu’elle a su instaurer avec la population locale.Elle incarne désormais l’autorité de l’État dans ces zones aupa-ravant livrées à elles-mêmes. La TF est encore en soutien pourla coordination des tirs et l’appui aérien, qu’ils ne maîtrisent pasencore, notamment parce qu’ils ne disposent pas de matérielsde transmission suffisamment performants. Ce partenariat avec l’Ana est un vrai succès. La méthode utili-sée par la TFLF se révèle performante grâce au travail quotidiendes OMLT, intermédiaires précieux qui cimentent la coopérationdes unités sur le terrain et optimisent le travail d’état-major, tantau niveau brigade que des kandaks-GTIA.

Quels efforts leur reste-t-il à fournir pour être autonomes?L’axe de progrès essentiel, au-delà de tout savoir-faire tactique,est l’amélioration de la gestion de la ressource humaine. Leschefs afghans devraient être plus proches de leurs hommes,

pour leur faire comprendre la pertinence des opérations et l’espritdans lequel il faut les mener. L’effort doit porter aussi sur la priseen compte de la condition et du profil de carrière du subordonné– concept qui leur est presque étranger – à court et moyen terme.Par exemple, le besoin de permission du soldat ne peut êtreignoré: il faut le laisser partir voir sa famille et lui donner le tempsde revenir, en tenant compte des moyens de transport limités,des zones traversées éventuellement instables et des délaisapproximatifs pour qu’il ne soit pas hâtivement déclaré déser-teur. Une partie de l’absentéisme et des désertions vient de là.

À quelle échéance, selon vous, l’armée afghane sera-t-elle autonome? L’armée afghane a été créée en 2002, elle ne peut donc pas seconstituer sur un claquement de doigts ! Il faut encore lui lais-ser le temps nécessaire au recrutement et à la formation, à laconstitution d’un vivier de cadres, sous-officiers et officiers, expé-rimentés qui pourront transmettre leur savoir-faire. Historique-ment, les Afghans sont des guerriers. Ils ont des qualités decourage, une aptitude physique et morale au combat et un savoir-faire inné sur le terrain qu’ils n’ont pas besoin de beaucoup tra-vailler à l’instruction. Cela ne veut pas dire pour autant qu’ilss’inscrivent aisément dans une structure militaire organisée.C’est pourquoi nous devons les aider à mûrir et à se responsa-biliser sans pour autant calquer nos schémas et nos organisa-tions occidentaux, sous peine d’altérer leurs qualités foncières.

Comment voyez-vous la sortie de crise?Comme nous l’avons fait avec la province de Kaboul, les progrèsenregistrés en Surobi et dans une grande partie de la Kapisa per-mettent d’entrevoir un transfert progressif de la responsabilitévers les Afghans.Parallèlement, les autorités afghanes ont entrepris une démar-che d’ouverture à l’égard des groupes insurgés qui souhaite-raient cesser le combat. Ce processus de réconciliation estnécessaire pour ramener la stabilité, c’est aux Afghans de leconduire.

Quel regard portez-vous sur votre expérience afghane?J’ai vécu l’essence du métier militaire. Mon expérience a étémarquée par l’intensité des relations entre les hommes et aussipar la pleine responsabilité du commandement. Cette périodede commandement, c’est aussi une alternance pleinementvécue de joies et de coup durs, de grande plénitude et de pro-fonde tristesse, le tout sur fond de détermination permanente.Mais surtout, je retiens le courage et le professionnalisme denos hommes. Ils sont admirables et m’inspirent une profondefierté.

Une expérience bien différente de celle qui vous attend à l’Otan…J’ai, en effet, été désigné pour prendre les fonctions d’adjointopérations au directeur de l’état-major militaire international. Unregistre plus politico-militaire et multinational qu’auparavant...Je compte cependant faire part de mon expérience opération-nelle, et en particulier celle que j’ai acquise sur le théâtre afghan,pour apporter un éclairage du « terrain» dans le processus déci-sionnel de l’organisation.

Propos recueillis par Aude Le Calvé

«Nous devons aider l’armée afghane à mûrirsans pour autant calquer sur elle nosschémas et nos organisations occidentaux.»

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Cette image exceptionnelle a été prise le 23 juin,lors de l’exercice Soleil du Sud qui s’est dérouléen Méditerranée, au large de Hyères (Var). Réali-sée par 45 mètres de profondeur, elle montre l’ap-pontage de ce Submarine Rescue Vehicle (SRV) –

engin de sauvetage subaquatique – sur le sous-marin Mistral, de la marine espagnole. Ce SRV de 30 tonnes pourune dizaine de mètres de long est l’un des éléments com-posant le NSRS (Nato Submarine Rescue System), en ser-vice depuis fin 2008 sur la base d’un groupe de travail del’Otan. Propriété de la Grande-Bretagne, de la Norvège etde la France, le NSRS est le fruit d’une coopération entre

la Direction générale de l’armement française (DGA) et seséquivalents britannique (DE&S) et norvégienne (NDLO).Construit par la société Rolls-Royce (maître d’ouvrage), il eststationné habituellement sur la base sous-marine de Fas-lane, en Écosse, qu’il a momentanément quittée pour parti-ciper à cet entraînement de sauvetage en Méditerranée.Le SRV est capable d’intervenir jusqu’à 610 mètres de pro-fondeur. Même si les fonds compris entre 0 et 610 mètres nereprésentent qu’un faible pourcentage à l’échelle des océans,c’est à ces profondeurs que surviennent la grande majoritédes accidents impliquant des sous-marins (officiellementune quarantaine depuis la fin de la seconde guerre mondiale,

Quittant sa baseécossaise, le «SRV»s’est livré à un exercicede sauvetage à Hyèressur un sous-marin espagnol. Conçu par les marines anglaise,norvégienne et française, il peut êtredéployé en 72 heurespour intervenir sur unsubmersible enn’importe quel point du globe.

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qui ont coûté la vie à plus de 600 marins). D’autre part, lessous-marins militaires, à de rares exceptions près, ne sontpas conçus pour naviguer à de très grandes profondeurs.Le cycle complet d’une plongée de sauvetage dure trois ouquatre heures et permet de remonter une douzaine de sous-mariniers. Il faudrait compter par exemple environ 24 heu-res pour sortir l’équipage complet d’un sous-marinnucléaire d’attaque comprenant environ 70 hommes. Le NSRS a été conçu pour être déployé en 72 heures. Le SRV – avec les équipements de lancement et de récu-pération depuis un bâtiment de surface, les équipementsde décompression et un robot sous-marin pour retirer des

débris et ravitailler le sous-marin secouru avant le sauve-tage lui-même – peut être aérotransporté jusqu'à la zonede l’accident. Ensuite, il peut être embarqué avec les tech-niciens sur tout navire, civil ou militaire, disposant d'uneplage arrière de 400 m2 (plus d’un millier recensés dans lemonde) qui servira de bateau mère pour l'opération de sau-vetage.Pour la France, le NSRS vient compléter les moyens d'in-tervention sous la mer de la marine relevant de la Cellulede plongée humaine et intervention sous la mer (Cephis-mer), basée à Toulon.

Stéphane Froidure

Le «SRV» appontantsur le Mistral.

Ce micro- sous-marinpeut mener

des opérations de sauvetage jusqu’à

600 mètres de profondeur.

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36_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

Région de Cassino, en Italie, à mi-chemin entre Rome etNaples. On a du mal à se figurer que ces collines plan-tées d’oliviers et bruissant du chant des cigales ont étéle théâtre, il y a plus de soixante ans, d’âpres combats.Fin 1943, les Alliés, qui occupent la Sicile, entament la

conquête de la péninsule. Pour atteindre Rome, le plus court che-min passe par le massif des Apennins, en suivant la vallée duLiri. Mais son accès est barré par la «Ligne Gustave», où l’en-nemi s’est installé. Une partie des Italiens a rejoint les forcesalliées après la chute du régime fasciste, mais les combats pourle mont Cassin, qui domine le Liri et solidement tenu par les Alle-

mands, feront rage durant six mois. Cette bataille est la raisonde la présence dans ces collines autour de Monte Cassino desquarante officiers français et étrangers de l’armée de terre de la123e promotion du Cours supérieur d’état-major (CSEM). Poureux, c’est la dernière des trois études historiques sur le terrain(EHT) – après la percée de Sedan de mai 1940 et la fin de labataille de Normandie, en août 44 – qui ponctuent leur année deformation. Ces voyages de quelques jours sont conçus et organisés depuiscinq ans par le CSEM (voir encadré p. ci-contre) en coopérationavec le Service historique de la Défense (SHD). Equivalent des

Soixante ans après le général deMonsabert (photo de droite), unstagiaire fait l’exposé de son plande bataille.

En appui de leur formation d’un an, les stagiaires du Cours supérieurd’état-major se rendent sur les lieux de batailles historiques, où ilsproposent un plan de manœuvres. Exemple à Monte Cassino, en Italie.

Histoire militaireà ciel ouvert

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staff ride (« sorties » d’état-major) chers aux Américains, cescours magistraux dispensés à des états-majors sur les lieux his-toriques d’une bataille pour analyser in situ les stratégiesemployées à l’époque. Les EHT s’en distinguent cependant parune approche quelque peu différente. «Quelques mois avant ledéplacement, nous confions à des stagiaires l’étude détailléed’un cas concret tiré d’une situation historique, sur lequel leurscamarades auront à plancher sur le terrain», précise le chef d’es-cadron Legrier, du CSEM.«Nous sommes le matin du 24 janvier 1944, au poste de com-mandement du général de Monsabert, commandant la

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«Avant le déplacement,nous confions à des stagiaires l’étude d’uncas concret sur lequelleurs camarades aurontà plancher sur le terrain.»

Formation d’états-majors

Le Cours supérieur d’état-major (CSEM), l’une des trois écolesdu Collège de l’enseignement supérieur de l’armée de terre(CESAT), est basé à l’École militaire, à Paris. Héritier de l’Écolesupérieure de guerre, il s’adresse aux officiers supérieurs ayantréussi le concours du Centre interarmées de défense (CID). LeCESM dispense un enseignement à dominante opérationnellesanctionné par le brevet technique d’études militaires supé-rieures (BTEMS). Par ailleurs, un enseignement à dominantegénérale sanctionné par le brevet technique d’études militai-res générales (BTEMG) est destiné à des officiers choisis surdossier.Après avoir obtenu leur diplôme, les officiers poursuivent leurformation au Collège interarmées de Défense pour accéderensuite à des postes à haute responsabilité.

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38_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

3e division d’infanterie algérienne, décrit le chef d’escadronGauthier, un stagiaire chargé de l’un de ces cas concrets. Le géné-ral Juin, commandant le corps expéditionnaire français aux côtésdu 2e corps américain, vous confie la mission d’attaquer sur l’axeIl Lago-Belvédère-Colle-Abate, afin de couvrir l’action offensive dela 34e division d’infanterie américaine sur Cassino.» Grâce à dessemaines de préparation, le chef d’escadron Gauthier peut aujour-d’hui, cartes d’état-major à l’appui et sous la supervision de deuxofficiers du SHD, faire un point détaillé des forces en présenceau moment du déclenchement de l’opération. «En vous appuyantsur les forces et faiblesses du dispositif ennemi, sur l’analyse duterrain et sur les contraintes de délais, vous présenterez lamanœuvre que vous proposeriez si vous étiez le général de Mon-sabert.» Le décor est planté. Répartis en groupes de travail, lesautres officiers ont moins d’une heure pour élaborer leurs plans.« Ils n’ont aucune connaissance particulière de la manœuvreconduite à l’époque, indique le chef d’escadron Legrier, qui enca-dre les stagiaires du CSEM. C’est tout l’intérêt de l’exercice. Ilsconfrontent ainsi leurs analyses à celles de leurs glorieux aînéslà même où l’action s’est déroulée. »Face aux massifs entourant Cassino, les stagiaires s’imprègnentdu terrain foulé par leurs aînés soixante-six ans plus tôt. Cas

concret après cas concret, ils doivent se demander ce que cesaînés auraient fait à leur place, durant ces trois jours d’immer-sion dans les monts Apennins. «Avec ces EHT, nous faisons pro-fiter ces futurs commandants de régiment et ces futurs géné-raux de nos connaissances des conflits passés. Nous leurdémontrons in situ que si les technologies évoluent, les grandsprincipes de la guerre, eux, ne changent pas, explique le lieute-nant-colonel Gué, initiateur de l’étude sur Monte Cassino. Pournous, historiens militaires, la façon dont les stagiaires préparentces cas concrets est une source d’émulation. Ils nous poussentà approfondir nos propres recherches et à relire les ouvrages deréférence avec une approche plus fine. Nous pouvons ainsi répon-dre plus précisément aux questions qu’ils ne manquent pas denous poser sur tel ou tel aspect des combats.»

Des options identiques à celles prises à l’époqueÀ l’aspect scientifique s’ajoute parfois pour certains une noteplus personnelle. «Nous préparons cette étude depuis trois mois,explique le chef d’escadron Gauthier. J’ai lu une dizaine d’ou-vrages sur la campagne d’Italie et j’ai eu l’occasion de rencontrerdes anciens combattants et leurs familles pour approfondir lesujet. J’ai d’ailleurs un grand-oncle qui a participé à la bataille duBelvédère, elle m’a donc particulièrement passionné.»Commentant les solutions tactiques envisagées par les stagiai-res durant ce séjour italien, le lieutenant-colonel Noulens, chefdu bureau études et enseignement du SHD-terre, les juge « toutà fait en phase avec celles adoptées à l’époque par le général deMonsabert. Il est intéressant de constater que les stagiaires arri-vent aux mêmes options de manœuvre que celles prises àl’époque, alors qu’ils utilisent une méthode de raisonnement tac-tique d’aujourd’hui, à savoir la méthode d’élaboration d’une déci-sion opérationnelle (MEDO). Cela me conforte dans l’idée quel’Histoire militaire peut être riche d’enseignements pour les com-bats d’aujourd’hui. C’est ce message que l’on tente de faire pas-ser aux stagiaires à travers cette étude d’une partie de l’histoirede la seconde guerre mondiale».Pour le colonel Bizeul, commandant le Cours supérieur d’état-major, ces staff ride à la française répondent à « l’ambition duCSEM d’améliorer les compétences tactiques de ces futurs chefsopérationnels de haut niveau. Ils sont le complément indispen-sable des conférences magistrales, des cours de doctrine, desexercices sur cartes, sans lequel l’enseignement de la tactiqueserait désincarné.»

Anne-Lise Llouquet

SHD : 300 km d’archives linéaires

Créé en 2005, le Service historique de la Défense (SHD) est issude la fusion des services historiques des armées de terre, del’air, de la marine, de la gendarmerie nationale et du Centre desarchives de l’armement et du personnel. Source documentairede premier ordre, accessible au public sur simple demande, leSHD possède 300 km d’archives linéaires répartis sur 10 sitesen France, ainsi que des dizaines de milliers de cartes et deplans. Sa bibliothèque, l’une des plus riches de France, compteprès d’un million de livres.Chargé de conserver ce patrimoine et de le communiquer aupublic, le SHD a également pour mission de faire progresser,au moyen de ses archives, la connaissance historique auprèsdes armées.Renseignements :http://www.servicehistorique.sga.defense.gouv.fr

Répartis en groupes de travail,les officiers ont moins d’une heure

pour élaborer leurs plans.

FOCUS défense

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FOCUS défensedédéfense

40_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

Nouvelle présentation, nouveaux services,le ministère a refondu son site. Il offre à l’internaute intéressé par la Défense

une interface moderne où l’information tient uneplace de choix. Grâce notamment à sa Web-TV et

sa présence sur Facebook,Twitter et Dailymotion.

Le 12 juillet à 8 heures, le site Internet du ministère

www.defense.gouv.fr a fait sa mue. En gestation depuis

2008, ce nouveau site a l’ambition de devenir une réfé-

rence en matière de questions de Défense. Il se veut le

portail privilégié d’informations destinées à un public tant

externe (jeunes, étudiants, élus, journalistes, familles, anciens

combattants, associations, bloggeurs, etc.) que interne (militaires

et civils de la Défense), même si, pour ces derniers, il n’a pas voca-

tion à se substituer à l’Intranet du ministère.

Il s’adresse donc à la «communauté défense» au sens large des

internautes, à laquelle il offre une interface plus moderne, plus

claire, avec une navigabilité plus intuitive. Sur le fond, toute l’ar-

chitecture du site et de ses sous-sites a été remaniée, ainsi que

les contenus. Avec un accent mis sur l’homogénéité, pour que le

visiteur se retrouve, quelle que soit la page consultée, dans un

environnement connu de lui. Par exemple, sur la droite de l’écran

est proposé un accès direct aux différents sites d’armées, de ser-

vices, de directions ou de grands organismes.

Depuis 2008, le ministère se transforme pour être plus efficace,

plus performant, avec une organisation simple et rationnelle. De

même, le portail du site Internet se veut plus lisible, avec ses accès

directs par thématiques (opérations, modernisation, matériels,

mémoire, recrutement, innovation, etc.) ou par profils (jeunes, cor-

La Défenseretend

sa Toile

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respondants Défense, familles, anciens combattants, etc.). L’inter-naute parvient directement à l'information qui l’intéresse. Il peutaussi profiter de nouveautés, comme un accès à la page Face-book et aux comptes Twitter et Dailymotion du ministère de laDéfense ou l’abonnement à des flux RSS spécialisés.L’une des grandes nouveautés réside dans la création d’une pagedédiée à l’actualité : www.defense.gouv.fr/actualites. Celle-ci estanimée par le bureau de la rédaction de la Délégation à l’infor-mation et à la communication de la défense (DICoD). Une équiped’une douzaine de journalistes civils et militaires rompus aux tech-niques de la presse écrite, du Web et de l’audiovisuel cherche,vérifie, hiérarchise et produit l’information au jour le jour. Toujoursà la recherche d’angles originaux, elle s’efforce de rendre compte

41

de l’engagement et de l’action des hommes et des femmes duministère, mais aussi d’informer plus globalement l’internautesur les grandes thématiques ayant trait à la Défense. L’accent aété mis sur la vidéo. En particulier, grâce à une WebTV modernes’appuyant sur les capacités offertes par la plate-forme vidéo gou-vernementale (PVG). Le service d’information du gouvernement (SIG) vient en effet dedévelopper, sur le site www.gouvernement.fr, une plate-formevidéo interministérielle (Fil gouv). Plusieurs types de players vidéosont disponibles. Les capacités d’hébergement très élevées per-mettent de diffuser des fichiers vidéo de haute définition (HD). Le ministère de la Défense a donc décidé de créer sa WebTV surla PVG : TV Défense, http://www.gouvernement.fr/ministe-

Ci-contre à gauche :Page d’accueil

du nouveau site de la Défense. Une

équipe de journalistes

civils et militairesvérifie, hiérarchise

et produit de l’infor-mation au jour

le jour.

Pourquoi un nouveau site Internet pour le ministère ?Avec près d’un million de connexions mensuelles, le sitedu ministère de la Défense figurait déjà parmi les sitespublics français les plus consultés. Il fallait cependant évo-

luer. Le site précédent datait de2002. Une éternité, à l’ère numé-rique ! Laissant peu de place à l’image et construit comme unecompilation de sous-sites d’ar-mées, de services et de directions,le site defense.gouv.fr réclamaitune connaissance parfaite de l’or-ganisation du ministère pour s’yretrouver. Il était temps de renou-

veler l’image que la Défense projette sur la Toile et de ren-dre un meilleur service. Il fallait aussi s’ouvrir pour toucherun public plus large, en allant trouver les internautes là oùils sont, grâce aux nouvelles possibilités du Web. D’où notreprésence aujourd’hui sur la plate-forme de partage de vidéosDailymotion et sur les réseaux sociaux Facebook et Twit-ter.

Quels sont les objectifs, en termes de communication ?A travers une information voulue comme la plus pertinenteet la plus diverse possible, il s’agit de rendre compte etd’expliquer à ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la

défense nationale l’action que le ministèremène au service de la nation. Ce site a aussipour ambition de proposer une meilleureoffre de services. Par exemple, à ceux quiveulent rejoindre le ministère, à ceux qui tra-vaillent avec lui (entreprises, associations…),mais aussi à ceux qui en sont les acteurs, militaires et civilsavec leurs familles, ainsi qu’à toute la « communautédéfense» (réservistes citoyens, anciens combattants…).La Défense doit savoir répondre à une multitude de publics.

Quels moyens ont été mobilisés pour élaborer et faire vivre le nouveau site ?Ce projet a été initié en octobre 2008 autour de la Délé-gation à l’information et à la communication de la défense(DICoD) avec une équipe pluridisciplinaire (éditoriale, tech-nique, juridique) d’une vingtaine de personnes impliquanttous les services de communication du ministère. Mais letravail n’est pas fini : l’été a permis de corriger les clas-siques imperfections du lancement, et de nouvelles fonc-tionnalités (comme l’accès à un mur d’images) seront déve-loppées pour l’automne. Mais ce qui compte le plus, c’estde faire vivre les milliers de pages du site. C’est la tâchede tous au sein du ministère. Ce site Internet n’est pascelui des communicants, c’est celui de toute la commu-nauté Défense.

3 questions audélégué à l’information et àla communication du minis-tère de la Défense, LaurentTeisseire

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FOCUS défense

res/Ministere-de-la-Defense/videos. TV Défense a vocationà recueillir toutes les vidéos grand public produites par le minis-tère, en particulier, le Journal de la Défense, multi-diffusé d’abordsur la chaîne parlementaire LCP-AN, mais aussi les vidéos diffu-sées sur la chaîne Défense de Dailymotion, lancée il y a un an.En outre, un service d’information automatisé, appelé Fil Défense,liste en continu 24 heures sur 24 toute l’information publiée surl’ensemble des pages du ministère.Autre nouveauté de taille : le site www.defense.gouv.fr/ope-rations, que l’état-major des armées (EMA) consacre aux opé-rations menées tant à l’extérieur du territoire national (opex)qu’à l’intérieur. Comme l’état-major des armées, chaque armée,service, direction ou grand organisme conserve d’ailleurs sonpropre espace sur la Toile, dont il a en charge l'animation et lamise à jour, en français, ainsi qu’en anglais et en espagnol (dansdes versions allégées, mais précises et actualisées). Ce nouveau site ne signifie pas pour autant la fin des grandsmagazines et revues du ministère (Armées d’aujourd’hui, Terreinfo magazine, Air actualités, Cols bleus, le Bus, etc.). Aucontraire, il leur donne plus de visibilité. Grâce à des logicielsqui permettent une lecture fluide et agréable, il est désormaispossible de consulter en ligne les numéros du mois en courset d’accéder aux archives. D’une façon générale, l’objectif premier du nouveau sitewww.defense.gouv.fr est de rendre un service de meilleur qua-lité à tous ceux qui le consultent. A cet égard, on peut citer un

moteur de recherche interne digne de ce nom, capable d’affi-cher des résultats hiérarchisés et pertinents. Autre exemple,la médiathèque – encore en construction –, qui va s’étoffer rapi-dement et intégrer les médiathèques de toutes les entités duministère et proposera de nombreuses rubriques : photos,vidéos, logos, documents, jeux ou économiseurs d’écran.

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N° 352 / JUILLET - AOÛT 2010 / www.defense.gouv.fr

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MODERNISATION

REFORME DU SOUTIEN

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ENJEUX

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MEDIAS ET FORCES ARMEES

ENJEUX

LA GEOPOLITIQUEDU CAUCASE

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MEDIAS ET FORCES ARMEES

DOSSIER LA COOPERATION FRANCO-AFRICAINE

DOSSIERLA COOPERATION FRANCO-AFRICAINE

N° 353 /SEPTEMBRE 2010 / www.defense.gouv.fr

ARMÉ

ESD’

AUJO

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ARMEESD’AUJOURD’HUI

FOCUS

LES COMMISSIONS

PARLEMENTAIRES DE DEFENSE

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ENTRAINEMENT MIRAGE FRANÇAIS

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44_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353• SEPTEMBRE 2010

La France a répondu, le moisdernier, à l’appel des Nationsunies pour accélérer l’achemi-nement de l’aide d’urgence auPakistan, touché cet été par lespires inondations de son his-toire. Dans une lettre en datedu 15 août adressée au prési-dent de la Commission euro-péenne, le président de la

République, Nicolas Sarkozy, aaffirmé que la France était «prête à mobiliser des moyenslogistiques militaires nationaux,aériens et navals, pour l’ache-minement de l’aide internatio-nale dans le cadre de l’Otan.»Depuis le mois de juillet, la cata-strophe naturelle aurait fait plusde 1600 morts selon l’Onu.

Le Premier ministre, FrançoisFillon, a désigné par arrêté, enjuillet, les listes des partici-pants à la 63e session natio-nale « Politique de défense »et à la 47e sur « Armement etéconomie de défense » del’Institut des hautes études dedéfense nationale (IHEDN).

Les sessions 2010-2011 sedérouleront autour de la thé-matique : « La France, l’Unioneuropéenne, leurs alliés par-tenaires face au défi de l’arcde crise ». Créé en 1936,l’IHEDN sensibilise les acteurssociaux en matière de ques-tions de Défense.

FOCUS défenseJULIEN FOUINEAU

Le général Xavier Bout deMarnhac a été nommé, le 27juillet, à la tête de la Missionde l’Union européenne « Étatde droit» (Eulex), déployée auKosovo. Il succédera ainsi, àpartir du 15 octobre prochain,à un autre Français, le géné-ral Yves de Kermabon.« Xavier Bout de Marnhacdispose de l’esprit de com-mandement nécessaire pour

mener d’importantes opéra-tions destinées à établir l’Étatde droit dans un environne-ment complexe», a déclaré lechef de la diplomatie euro-péenne, la Britannique Cathe-rine Ashton. Avec un effectifde 3 200 personnes, Eulex apour mission d’établir l’Étatde droit et de superviser lapolice, les douanes et la jus-tice au Kosovo.

Une réflexion à mener sur les« mises en commun et lesmutualisations » entre laFrance et l’Allemagne, tel estle bilan de la rencontre entreles ministres français etal lemand de la Défense,Hervé Morin et Karl-Theodorzu Guttenberg le 21 juilletdernier, à l’hôtel de Brienne, à

Paris. Les deux hommes ontannoncé la création d’ungroupe de travail chargé deréf léchir à de possibleséconomies d’échelle. Ils ontégalement soul igné lanécessité de « franchir unenouvel le étape dans laconstruction de l’industrie dedéfense européenne».

LA FRANCE PRÊTE À ENGAGER DES MOYENS POUR AIDER LE PAKISTAN15/08

IHEDN 2010-2011 : LE PREMIERMINISTRE DÉSIGNE LES AUDITEURS09/07

LA FRANCE ET L’ALLEMAGNERECHERCHENT LA «MUTUALISATION»21/07

LE GÉNÉRAL BOUT DE MARNHAC À LA TÊTE D’EULEX AU KOSOVO27/07

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Hubert Falco, secrétaire d’Étatà la Défense et aux AnciensCombattants, a inauguré, le 19juillet, un cimetière du Com-monwealth à Fromelles (Nord),en présence du Prince de Gal-les, du duc de Kent et du gou-verneur général d’Australie. Cecimetière, à la mémoire desmorts au combat en 1916,

accueille les dépouilles de 250soldats australiens et britan-niques. Il a été édifié à proxi-mité du champ où les corpsont été retrouvés en 2008.M. Falco a notamment rappelé« le devoir envers ces soldats,héros qui ont donné leur vie etdont il faut ici honorer lamémoire».

La base aérienne 113 de Saint-Dizier (Haute-Marne) a reçu, le1er juillet, le chef d’état-majordes armées (Cema). L’amiralÉdouard Guillaud a en effetannoncé la mise en serviceopérationnelle des Rafalearmés de missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélio-rée) lors de son inspection du1/91 « Gascogne », un des

deux escadrons de chassedont la mission est la dissua-sion nucléaire. Cette visitemarque une nouvelle étape dela modernisation de la compo-sante nucléaire aéroportée.L’ASMP-A avait tout d’abordété mis en service sur lesMirage 2000 N de l’escadron3/4 « Limousin » d’Istres, enoctobre 2009.

Le Français Patrice Bergaminia été nommé à la tête duCentre de situation conjointde l’Union européenne (Sit-Cen), l’agence de renseigne-ment du nouveau servicediplomatique européen surlequel la Haute Représen-tante de la politique étrangèrede l’Union européenne,Catherine Ashton, a autorité.M. Bergamini a été directeur-

adjoint du cabinet de JavierSolana, Haut Représentantpour la politique étrangère etde sécurité commune etsecrétaire général du Conseileuropéen. Créé en 2001, leSitCen analyse les informa-tions sensibles partagées parles pays membres de l’UEafin d’aider les responsablespolitiques européens dansleur prise de décisions.

> repères

UN FRANÇAIS À LA TÊTE DU RENSEIGNEMENT EUROPEEN26/07

Commandé en 2009 pourremplacer les Super-Frelon,retirés du service, le secondhélicoptère EC 225 de sécu-rité maritime (Secmar) a étélivré par la Direction généralede l’armement à la marinenationale le 23 juillet dernier.Stationnés sur la base de Lan-véoc (Finistère), ces appareilssont destinés à des missionsde secours en mer. L’EC 225

peut tenir un vol stationnaireau-dessus d’une zone d’in-tervention dans des condi-tions météorologiques dégra-dées. Son équipage estcomposé de deux pilotes,d’un treuilliste, d’un plongeuret d’un médecin. Chaqueannée, les interventions deshommes et femmes de lasécurité maritime sauventplus de 400 personnes.

SÉCURITÉ MARITIME : LA DGA LIVREUN DEUXIÈME HÉLICOPTÈRE EC225 23/07

UN CIMETIÈRE DU COMMONWEALTHINAUGURÉ À FROMELLES19/07 LE CEMA ANNONCE LA MISE EN

SERVICE DU COUPLE RAFALE/ASMP-A01/07

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DOSSIERDOSSIER

LA PROTECTION DU TER R

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R RITOIRE NATIONAL

S O M M A I R EP. 48 Armées-nation :

Des missions étendues

P. 52 Police du ciel :Surveillance élargie

P. 55 Vigipirate :Prudence maintenue

P. 58 Surveillance côtière :Centralisation des moyens

P. 61 Héphaïstos :La guerre du feu

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DOSSIER

48_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

La défense du territoire et de la popu-lation est «le premier devoir de l’Etat»,rappelle le Livre blanc sur la défenseet la sécurité nationale, dans son édi-tion de 2008. A cette fin, l’État enga-

ge les forces de police, de la gendarmerie oude la sécurité civile, ainsi que les forcesarmées. Pour l’emploi de ces dernières, laConstitution de 1958 considère trois types desituation : la paix, la crise, la guerre. Si le rôledes armées s’impose à l’évidence en tempsde guerre, on oublie parfois qu’elles inter-viennent lors d’événements exceptionnels –catastrophes naturelles, menaces sanitaires…– mais aussi en temps de paix. Elles s’acquit-tent alors de missions dépourvues d’objectifmilitaire à proprement parler et sont amenéesà travailler avec des organismes civils. C’estainsi que la marine et l’armée de l’air mènentquotidiennement des missions de police et deservice public. La première, largement impli-quée dans l’action de l’Etat en mer (voir p. 58),couvre tout le spectre des missions dites garde-côtes (surveillance, sauvetage, police…).La seconde veille sur le ciel français selon undispositif nommé « posture permanente desûreté aérienne » (voir p. 52). « Ces disposi-tions particulières sont inhérentes à la nature“internationale et ouverte“ des espaces danslesquels ces deux armées évoluent», expliquele colonel Olivier Salaün, de la section Protec-tion-Sauvegarde de la division Emploi de l’état-major des armées. Néanmoins, toutes les composantes des for-ces armées peuvent intervenir sur le sol fran-

çais de façon exceptionnelle, sous la respon-sabilité des préfets. Et ce, pour prévenir unesituation d’urgence et/ou y réagir, qu’il s’agis-se de risque (catastrophe, pandémie) ou demenace (attaque terroriste). Dans le cas desmenaces, les militaires sont réquisitionnésdans des dispositifs de sécurité intérieure etcoopèrent avec des autorités civiles. Il en estainsi des opérations de lutte contre l’orpaillageillégal en Guyane (opération Harpie) ou le ter-rorisme (Vigipirate, voir p. 55). Ils se coordon-nent dans ce cas avec les forces de police etde gendarmerie. Deuxièmement, les militairespeuvent intervenir sur demande de concourspour contribuer à prévenir des risques (planHéphaïstos contre les feux de forêt (voir p. 61).Ou pour apporter une aide d’urgence après dessinistres (voir p. 50). Ils ont alors pour parte-naires les unités départementales de sapeurs-pompiers et les pompiers des formations mili-taires de la sécurité civile. Enfin, certaines unités militaires aux missionstrès spécifiques ont en permanence des fonc-tions de sécurité intérieure et de sécurité civi-le. Elles dépendent directement du ministèrede l’Intérieur (voir p. 51). La coopération civilo-militaire dans les mis-sions de protection du territoire national n’estdonc pas une nouveauté. Mais, pour la pre-mière fois, le Livre blanc lie les notions desécurité nationale et de défense. Il établit un« continuum » entre elles qui nécessite unaccroissement significatif de la coopérationentre les acteurs civils et militaires. Celle-ciavait déjà connu des changements notables il

Des missions étenduesLes armées contribuent en permanence à la sécurité du territoire, ne serait-ce qu’en surveillant les airs et les mers. Mais, avec les objectifs fixés parle Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, elles sont amenées àcollaborer davantage avec les autorités civiles pour de nouvelles missions.

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ARMÉES-NATION

Lesmilitaires

peuvent êtremobilisés en cas de

catastrophe.Mais

certainesunités sont

affectées à des

missions de sécuritéintérieure.

Ellesdépendent

alors duministère de

l’Intérieur.

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DOSSIER

50_ARMÉESD’AUJOURDHUI • NUMÉRO 353 • SEPTEMBRE 2010

y a dix ans. «Les tempêtes de 1999, qui ontfait 90 morts et privé d’électricité 3,5 millionsde foyers pendant plusieurs jours, ont mis enévidence pour les armées de disposer d’unestructure ad hoc afin d’assurer l’interface civi-lo-militaire et le commandement des armées»,signale le colonel Salaün. L’arrêté du 28 juin2000 a ainsi établi l’organisation de Défenseque nous connaissons aujourd’hui. Les 7zones de défense et de sécurité de métropo-le (+ 5 outre-mer) s’inscrivent, depuis, au seind’une chaîne d’organisation territoriale inter-armées de défense (OTIAD), parallèle à la chaî-ne des moyens civils territoriaux. Ainsi les pré-fets de zone de défense et de sécurité(généralement ceux de la région du siège dela zone) collaborent avec un officier général dezone de défense et de sécurité (OGZDS). A latête d’un état-major interarmées (EMIAZDS),ce dernier assure le contrôle opérationnel desunités militaires placées à la disposition desautorités civiles. Il dispose, dans chaque dépar-tement, d’un délégué militaire départemental,habituellement basé en préfecture départe-mentale. La chaîne OTIAD est activée surdemande du préfet (de région ou de départe-ment). Aujourd’hui, la coopération «civilo-miltaire» apassé la vitesse supérieure. La sécurité natio-nale doit désormais embrasser aussi bien «lasécurité extérieure que la sécurité intérieure,les moyens militaires que les moyens civils »,selon le Livre blanc, pour qui une nouvelle don-ne est née avec la mondialisation, entraînantla disparition des frontières physiques, éco-nomiques, informatiques. «Les menaces etles risques se diversifient, précise le colonelSalaün, et deviennent par conséquent de plusen plus difficilement prévisibles. »Ce «continuum sécurité-défense» impliquaitla réorganisation des structures existantespour assouplir les liens entre acteurs civils etmilitaires. Instance suprême de coordinationinterministérielle en matière de sécurité et dedéfense, un Secrétariat général de la Défenseet de la sécurité nationale (SGDSN) est créépar décret du 24 décembre 2009 et remplacel’ancien Secrétariat général de la défense natio-nale. «Les missions du SGDSN, qui agit sousl’autorité du Premier ministre, sont désormaisélargies, explique le préfet François Lucas,

directeur de la protection et de la sécurité del’Etat au SGDNS. Notamment en matière derenseignement, de lutte contre le terrorismeet de planification des réponses aux crises.»Un Conseil national du renseignement a étécréé et, dans le domaine de la gestion de cri-se, le SGDSN a rédigé, avec les ministères dela Défense et de l’Intérieur, une instruction rela-tive à l’engagement des armées en cas de cri-

se majeure sur leterritoire national.Daté du 3 mai der-nier, ce documentformalise la métho-dologie du dialogue«civilo-militaire» dansle processus déci-sionnel ainsi que lesprincipes d’engage-ment des arméesauprès des autoritésciviles. L’instructionfixe ainsi un«contrat opération-nel 10 000 hom-mes » pour l’enga-gement des arméessur le sol français

(comme il existe un « contrat 30 000 hom-mes » à l’étranger), que les armées doiventpouvoir déployer en quelques jours en cas decrise majeure et qui définit les modalités deleur engagement. «Une crise majeure est unévènement – pandémie, attaque terroriste,catastrophe, crise d’ordre public – dont la gra-vité et la portée conduisent les autorités gou-vernementales à activer le dispositif de ges-tion interministérielle de crise », précise lepréfet Lucas. La cellule de crise du premierMinistre active alors le Centre opérationnel degestion des crises (Cogic), dont le ministèrede l’Intérieur a la charge et qui se tient en liai-son avec le centre opérationnel de la police etle CPCO du ministère de la Défense.Les récentes catastrophes naturelles que laFrance a connues, même si on ne peut lesconsidérer comme des crises majeures, ontmontré la pertinence de ces nouvelles rela-tions civilo-militaires, notamment en zone dedéfense Sud. Les inondations dans le Var, phé-nomène rarissime dans la région, qui ont tou-

A plusieurs reprises, cet-te année, les armées sontvenues renforcer lesmoyens d’interventioncivils face à des situa-tions de crise.• Janvier. Episode nei-geux dans le Sud : dansle Vaucluse, l’armée deterre engage des moyenspour évacuer des bles-sés, dégager et sécuriserles réseaux routiers. 500repas sont fournis auxpersonnes bloquées surles routes. Des techni-ciens de France Télécomet d’ERDF sont transpor-tés à un relais de trans-mission sur le mont Ven-toux. • Février, tempête Xyn-thia : 4 hélicoptèressecourent 136 personnes.Le génie livre 5000 sacsde terre et consolidentdes digues. La baseaérienne de Rocheforthéberge 600 sauveteurs,pompiers et gendarmes.•Juin, inondations dansle Var : 11 hélicoptèreseffectuent 300 héli-treuillages. 160 sinistréssont hébergés et nourris.Le génie déblaie desroutes, des villages iso-lés sont ravitaillés en viv-res. Les militaires aidentà évacuer les boues et àrétablir l’électricité,sécurisent les zones.

Intempéries :les armées en renfort

Les structuresexistantes ont été réorganiséespour assouplirles liens entreacteurs civils et militaires.

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ché Draguignan et ses environs en juin der-nier, ont mis à contribution l’ensemble desmoyens militaires de l’EMIAZDS Sud. Avantmême la demande officielle du préfet du Var,l’EMIAZDS avait mis en œuvre son centre opé-rationnel, pré-alertant les unités susceptiblesd’intervenir, tout en prenant contact avec lasécurité civile, déjà à pied d’œuvre. «Cette réac-tivité a été déterminante, affirme le capitainede vaisseau Sanoner, chef d’état-major de l’E-MIAZDS Sud. Les militaires se sont totalement

fondus dans la grande chaîne de solidarité quis’est nouée à l’occasion de ce sinistre.»Qu’il s’agisse d’assurer la protection du territoi-re au quotidien, de la renforcer ponctuellementou d’aider au retour à la normale suite à unesituation d’urgence, la présence des militairesne relève pas simplement de leur «mission» ausens strict. Elle est une affirmationmanifeste et un symbole fort du lienqu’ils entretiennent avec la nation.

Cynthia Glock

ARMÉES-NATION

Uneinstruction

du 3 maidernier fixeun « contrat

opérationnel10 000

hommes »que lesarméesdoiventpouvoir

déployerrapidement

en cas de crise

majeure :pandémie,

attaqueterroriste,

catastrophe...

Environ 115 000 militaires, mis à la disposition du ministère del’Intérieur, sont engagés quotidiennement sur le territoire natio-nal pour diverses missions. • Les formations militaires de la sécurité civile, crées en 1976,sont constituées de 1500 militaires issus du génie ;• La brigade des sapeurs-pompiers de Paris, créée en 1811 parNapoléon 1er, comptent 7800 militaires ;

• Le bataillon des marins-pompiers de Marseille, créé en 1939,regroupe 2400 militaires de la marine nationale.• La gendarmerie nationale, placée sous l’autorité du ministèrede l’Intérieur depuis le 1er janvier 2009, regroupe 103000 militai-res. Seuls la gendarmerie des transports aériens, la gendarme-rie maritime et les gendarmes en mission à l’étranger restent soustutelle de la Défense.

Au service de la sécurité intérieure

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DOSSIER

Dix mille aéronefs de toutes sortesvolent chaque jour dans le ciel del’Hexagone, en moyenne. Un fluxencadré et coordonné par la Direc-tion générale de l’aviation civile et

qui nécessite d’être surveillé de près pourque l’espace aérien français soit protégé. L’ar-mée de l’air est chargée d’assurer la «policedu ciel» et de faire face à d’éventuelles mena-ces. Une « posture permanente de sûreté »est dévolue à des avions de chasse et deshélicoptères qui, 24 heures sur 24, se tien-nent prêts à intervenir en quelques minutesaux quatre coins du pays. «Avant le 11 sep-tembre 2001, la sûreté aérienne se focalisaitprincipalement sur une menace de type mili-taire, explique le lieutenant-colonel Lahille,du commandement de la défense aérienneet des opérations aériennes (CDAOA). Maisaprès cet attentat, le monde a pris cons-

cience que des avions civils pouvaient setransformer en quelques minutes en armeredoutable entre les mains de terroristes. L’État a alors décidé de renforcer son dispo-sitif de sûreté aérienne.»Les «mesures actives de sûreté aérienne»,un outil de protection propre à notre pays,élargissent dorénavant les prérogatives del’armée de l’air à la surveillance de tout aéro-nef utilisant l’espace aérien : avions de ligne,hélicoptères, mais aussi avions de loisir, ULMet même parapentes. «En France, l’aviationgénérale (d’affaires et de loisir) représente600000 heures de vol par an, un chiffre plusimportant que chez la plupart de nos voisinseuropéens, intervient le capitaine ValérieBaron, de la section réglementation au dépar-tement défense aérienne élargie du CDAOA.Ces aéronefs sont soumis, comme les avionsde commerce, à une réglementation natio-

Surveillance élargieL’armée de l’air assure la protection du ciel français en adoptant une«posture permanente de sûreté aérienne». Focalisée sur les menaces mili-taires, elle a dû étendre sa surveillance à tout aéronef utilisant l’espaceaérien depuis les attentats du 11 septembre 2001.

«19000 objets gravitent autour de la Terre (satel-lites actifs et débris), un chiffre en constante pro-gression. Chaque mise en orbite de satellitegénérant jusqu’à dix débris, le nombre d’objetsinertes potentiellement dangereux, susceptiblesd’entrer en collision dans l’espace ou de retom-ber de façon aléatoire sur Terre, augmentechaque année de façon exponentielle. Afin d’as-surer la sécurité des satellites français, maisaussi des biens et des personnes sur le territoi-

re, la mission de surveillance de l’espace faitdésormais partie des tâches prioritaires pourl’armée de l’air. Grâce aux systèmes – uniquesen Europe – de radars de veille et de poursuitespatiales (GRAVES et SATAM), la division « sur-veillance de l’espace » du CDAOA suit les mou-vements de milliers d’objets évoluant en orbitehors de l’atmosphère, en étroite coopérationavec les partenaires européens de la France, enparticulier l’Allemagne.

L’espace en plus

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POLICE DU CIEL

Après les attentats

du 11septembre

2001,37 zones

ont étéprovisoirement

décrétéesinterdites de survol. 19 le sontdevenues

définitivementdepuis.

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nale, le code de l’aviation civile, que nul n’estcensé ignorer. »Trente-sept zones interditestemporaires (ZIT), créées après les attentatsdu 11 septembre 2001, y sont définies, dont19 sont devenues zones interdites perma-nentes (ZIP), mais toutes le seront à terme.Cas particulier, Paris intra muros constitueune ZIP. Les autres correspondent à des sitessensibles, tels que centrales nucléaires, sitespétrochimiques, ports industriels, mais aus-si sites de recherche et installations militai-res. «Pénétrer dans l’une de ces zones sans

autorisation est considéré comme une viola-tion de l’espace aérien. De même, le non-respect du plan de vol déclaré à la DGAC[Direction générale de l’aviation civile] avantle décollage est d’emblée considéré commeanormal», souligne le capitaine Baron.Les radars militaires, «maillés» avec ceux dela DGAC, traquent ces comportements anor-maux. Lorsqu’un aéronef est considéré com-me douteux, son signalement est aussitôttransmis au centre de conduite du CDAOA,le Centre national des opérations aériennes(CNOA). Basé à Lyon, le CNOA centralise lesinformations recueillies par les radars. Il coor-donne l’activité des cinq centres de détec-tion et de contrôle militaires (CDC), basés àLyon, Nice, Mont-de-Marsan, Cinq-Mars-la-Pile (37) et Drachenbronn (67). Le CDAOA, etdonc le CNOA, qui lui est rattaché, sont sousles ordres d’un officier général, Haute Auto-rité de défense aérienne (HADA), qui dépenddans ce domaine directement du Premierministre. Dans un premier temps, le CDC de la zonede survol concernée tente d’identifier l’aéro-nef douteux en s’assurant de ses intentionspar une interrogation radio, car il est «soit endifficulté, soit animé d’intentions malveillan-tes», précise le capitaine Baron. En fonctiondes informations recueillies – ou de leur

absence, si l’aéronef ne répond pas –, leCNOA peut déclencher une série de mesu-res graduelles, dites mesures actives de sûre-té aérienne (Masa), réalisées par les inter-cepteurs de l’armée de l’air. «Les Masa vontpermettre, par un contact radio doublé d’uncontact visuel, d’observer de près le com-portement du contrevenant, éventuellementde lui imposer une trajectoire de vol, de l’avertir par des tirs de semonce, voire, endernière extrémité et seulement sur ordredes autorités gouvernementales, de le détrui-

re, ajoute le lieutenant-colonel Lahille. Toutpilote intercepteur estassermenté, ce qui luiconfère l’autorité léga-le pour appliquer cesmesures de “police duciel”. »S’il s’agit d’un avion

militaire ou d’un gros-porteur type avion deligne, l’autorité militaire mobilise des avionsde chasse. Deux chasseurs se tiennent prêtsen permanence à décoller en quelques minu-tes des bases de Creil, Orange, Mont-de-Mar-san et Lorient, pour traiter, le cas échéant, lesmenaces «haute altitude et grande vitesse».Dans le cas d’un aéronef léger, «basse vites-se et basse altitude», ce sont des hélicoptè-res Fennec qui s’en chargent. Armés par destireurs d’élite, ils sont basés à Villacoublay,Metz, Orange et Bordeaux. « Dans le cadredes Masa, les avions de chasse effectuenten moyenne 180 sorties par an et les Fen-nec 500 », précise le lieutenant-colonelLahille. Ce dispositif de posture permanen-te de sûreté inclut un avion E-3F SDCA (sys-tème de détection et de contrôle aéropor-té), ainsi qu’un avion ravitailleur C-135,respectivement basés à Avord et Istres. Encomptant pilotes, mécaniciens, contrôleursaériens et personnel d’astreinte, ce sont autotal près de 1 000 militaires qui se tiennentprêts en permanence à protéger le ciel fran-çais. « Les arraisonnements restent rares,conclut l’officier, mais le dispositif d’alertepermet chaque année d’assister oude guider en vol une dizaine d’a-vions en difficulté. »

Cynthia Glock

Le Premier ministre peutdemander de resserrer lasurveillance aériennelors d’évènements impor-tants (14-Juillet, réunionsde chefs d’État, grandescompétitions sportives).Le dispositif particulierde sûreté aérienne(DPSA) est alors appli-qué. Le nombre d’aéro-nefs en alerte est aug-menté et les délaisd’alerte réduits. Auxradars de surveillancepeuvent s’ajouter desmoyens de guet à vueainsi que des systèmesd’armement sol-airmoyenne portée. De plus, tout aéronefdésirant survoler la zoneconcernée doit se faireaccréditer.La difficulté est de trou-ver le meilleur compro-mis entre les objectifs desûreté et la fluidité desactivités aériennes habi-tuelles. D’où une coordi-nation accrue avecl’aviation civile, notam-ment par le biais de déta-chements de liaison del’armée de l’air répartisdans les aérodromesenvironnant la zone. Ce concept, unique enEurope, inspire la Gran-de-Bretagne pour l’orga-nisation de ses jeuxOlympiques en 2012.

Protection d’évènementsimportants

Les radars militaires, maillés avec ceux de la Direction générale de l’aviation civile, traquent lescomportements anormaux d’aéronefs.

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VIGIPIRATE

Prudence maintenueCréé à la suite des attentats survenus en France dans les années 90, le planVigipirate continue d’associer l’action des forces armées et de la police surles sites considérés comme sensibles.

Les missionsdes militaires

sont planifiéesen fonction

des demandesémanant

de la préfecturede Paris.

Un matin comme les autres, en cet-te fin juillet, à la gare du Nord, laplus fréquentée des gares SNCF dela capitale. Pendant que des milliersde Parisiens, de Franciliens et de

touristes affluent sur les quais, les forces del’ordre et des militaires du 48e Régiment detransmissions d’Agen ouvrent l’œil, au milieudu va-et-vient incessant des voyageurs.Soudain, l’adrénaline monte d’un cran. Uncolis suspect vient d’être signalé près des

guichets. En deux minutes, la patrouille diri-gée par le capitaine Martine Balland établitun périmètre de sécurité et prévient les ser-vices de la sécurité ferroviaire. Fausse aler-te : cinq minutes ont suffi pour retrouver lepropriétaire distrait du bagage abandonné.«Ce genre de situation arrive en permanen-ce. La procédure est bien rodée, désormais :on sécurise la zone et la police ou les agentsde la SNCF se chargent de retrouver le pro-priétaire et, en cas d’échec, d’alerter le ser-

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vice des démineurs», déclare-t-elle. Dans cet-te gare, comme en plein cœur de Paris à lastation Châtelet, il ne se passe pas dix minu-tes sans qu’on aperçoive une patrouille arpen-ter les quais.Le lieutenant-colonel Boutolleau, chef de ladivision Opérations de l’état-major de la zonede défense et de sécurité de Paris(EMIAZDSP), est en charge de la collabora-tion avec les acteurs de la sécurité sur Paris.«Nous planifions les missions des militairesen fonction des demandes émanant de lapréfecture de police de Paris, précise-t-il.Mais nous sommes aussi fréquemment encontact avec la SNCF et la RATP. »Aujourd’hui, Vigipirate concerne de nombreuxsites en Île-de-France, dont le nombre exactest tenu confidentiel. Ces sites caractériséspar une forte fré-quentation (gares,aéroports, empla-cements touris-tiques) sont sur-veillés par despatrouilles de mili-taires en missionpour une durée dedeux semaines etopérationnels vingt-quatre heures survingt-quatre, septjours sur sept. Plu-sieurs centainesde militaires serelaient ainsi quo-tidiennement pourveiller à la sécurité des Franciliens et des tou-ristes. Dans la zone de défense et de sécurité deParis, seuls les militaires de l’armée de terreet de l’air participent à Vigipirate. Avec desdifférences pour chaque armée, principale-ment sur la composition des patrouilles : cel-les de l’armée de l’air, affectées aux aéro-ports, comportent deux aviateurs et unpolicier. L’armée de terre, elle, fonctionne entrinôme 100 % militaire depuis 2003. « Lesmarins participent à Vigipirate en dehors del’Ile-de-France, aux alentours de zones por-tuaires », indique le lieutenant-colonel Bou-tolleau.

Vigipirate n’est pas un dispositif figé, le planévolue et s’adapte aux nécessités. «La pré-fecture de police de Paris a demandé récem-ment que l’on se déploie sur d’autres sites,notamment dans la capitale. Plusieurs lieuxsont actuellement à l’étude, sur lesquelsnous devrions nous mettre en place », confiele lieutenant-colonel.Sur le terrain, la coordination s’effectue parl’intermédiaire du réseau radio des policiersAcropole. C’est grâce à ce réseau que, le 24avril dernier, une patrouille du 1er Régimentde chasseurs, de garde au pilier sud de la tourEiffel, a fait le rapprochement entre un indi-vidu dont une joggeuse se plaignait de l’in-sistance et le signalement d’un hommesuspecté de tentative de viol deux heuresplus tôt, et qui a été interpellé par les forcesde l’ordre.Conçu pour lutter contre la menace terroris-te (voir encadré), le plan Vigipirate contribueen outre à dissuader toutes les formes dedélinquance. «La présence de militaires dansla gare me rassure, on se sent plus en sécu-rité. On sait qu’en cas de problème, ils nesont jamais très loin », témoigne un usagerdu RER à Châtelet. «Nous n’intervenons pasà la place des policiers, car nous n’avons pasles mêmes droits, notamment en matièrejudiciaire », précise le capitaine AngéliquePequin, du 42e Régiment de transmissions,affecté à la gare RER de Châtelet. Quant aux personnels de sécurité de la SNCF,ils se disent satisfaits du travail effectué avecles militaires. «Heureusement qu’ils sont làpour calmer tout le monde par leur seule pré-sence », ajoute un agent de la sécurité ferro-viaire de la gare du Nord.Des touristes britanniques descendent d’unEurostar arrivant de Londres alors qu’unepatrouille aborde les quais. Surpris, ils posentdes questions sur la présence de militaires :« Ici, on a beaucoup l’occasion de parleranglais, confirme le capitaine. Même si nousne sommes pas là pour cela, il nous arrive derenseigner les touristes, et parfois les Pari-siens !»Depuis 1996, environ 163 000 mili-taires ont participé au plan Vigipira-te, dont 80 % en Ile-de-France.

Paul Hessenbruch

Le plan Vigipiratecontribue en outre à dissuadertoutes les formes dedélinquance. B

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Le plan Vigipirate est un plan de vigilance, de surveillance et de centralisation du renseignement. Il a été mis en place sous sa for-me actuelle en 1996, après les attentats qui ont touché Paris dans les années 1990, notamment celui du RER à la station Saint-Michel,en 1995.Il appartient au Premier ministre de fixer le niveau d’alerte du plan Vigipirate, qui en comporte quatre. Chaque niveau est matéria-lisé par une couleur qui permet de déclencher une série de mesures et de renforcement d’effectifs.Jaune : accentuer la vigilance face à des risques réels mais encore incertains.Orange : prévenir le risque d’une action terroriste. Rouge : prendre des mesures nécessaires pour prévenir le risque avéré de plusieurs attentats graves (la France est au niveau rou-ge depuis les attentats survenus à Londres en 2005).Ecarlate : prévenir le risque d’attentats majeurs, simultanés ou non.

Quatre niveaux d’alerte

Le planévolue au

gré desnécessités :

niveauxd’alerte,

sites àprotéger.

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En France, la marine est plus qu’une“armée de mer“, elle est par natureun acteur central du service public,résume le commissaire en chef Thier-ry Duchesne, responsable de l’action

de l’État en mer à l’état-major de la marine.Sûreté des approches côtières, sauvegardede la vie humaine, lutte contre les activitésillicites, protection de l’environnement : sonaction couvre tout le spectre, des missionsgarde-côtes, que certains Etats maritimesconfient à des organisations dont c’est le rôle,tels que les coast-guards, aux États-Unis. »La marine, qui y consacre une grande partiede son activité intervient ainsi aux côtés desAffaires maritimes, des douanes, de la gen-darmerie maritime, de la sécurité civile et dela Société nationale de sauvetage en mer(association d’intérêt public partiellementfinancée par l’Etat).Deuxième Etat côtier au monde avec11 millions de kilomètres carrés d’espacesmaritimes, outre-mer compris, la France adepuis longtemps confié à sa marine un rôlede premier plan pour pouvoir exercer sa sou-veraineté en mer et sur ses côtes, et pourassurer la sécurité des biens et des person-nes. Afin de coordonner les activités de tou-tes les entités intervenant dans les missionsde garde-côtes, elle a institué, il y a deux siè-cles, les préfets maritimes (Manche/mer duNord, Atlantique et Méditerranée, pour lamétropole). Les attributions de ces derniersn’ont cessé d’évoluer et sont aujourd’hui laclé de voûte de l’action de l’État en mer.

«Officier général de la marine, le préfet mari-time est, en métropole, la plus haute autori-té militaire et interministérielle dans sa zone,explique le capitaine de vaisseau Patrice Bara,adjoint opérations du préfet maritime de lazone Manche/Mer du Nord. Il exerce desresponsabilités militaires sous l’autorité duchef d’état-major des armées, mais aussi civi-les, sous celle du Premier ministre. » Outre-mer, sa fonction civile est remplie par le pré-fet de région, délégué du gouvernement pourl’action de l’Etat en mer, assisté du com-mandant de sa zone maritime.Le centre opérationnel de la préfecture mari-time centralise les informations provenantdes différents services de l’Etat opérant enmer. Parmi eux, les Centres régionaux opé-rationnels de surveillance et de sauvetage(CROSS) jouent un rôle majeur. Ils sont char-gés de la réception des alertes et de la coor-dination des opérations de sauvetage ainsique de la surveillance de la navigation, despollutions et des pêches. Administrés par lesAffaires maritimes mais principalementarmés par du personnel de la marine, lesCROSS sont au nombre de cinq en métro-pole (et deux outre-mer). Grâce à ce réseaude veille et d’alerte, le préfet maritime pos-sède une vision d’ensemble de la situationdans sa zone et des moyens à sa disposition,notamment ceux de la marine nationale. Du « trait de côte» à la haute mer, la marinedispose d’un large panel de moyens de servi-ce public. Tout d’abord, une cinquantaine desémaphores, ces tours d’observation depuis

Centralisation des moyensTraditionnellement, en France, la marine n’est pas qu’une armée, elle est lele bras de l’Etat en mer. Si cette caractéristique demeure, les missions rele-vant des « garde-côtes» – surveillance des côtes, sauvetage, police admi-nistrative, etc. – recevront un «centre opérationnel » dédié.

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«

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SURVEILLANCE CÔTIERE

La marineconsacre

une grandepart de sonactivité aux

missionsdites

« garde-côtes ».Elle estamenée

ainsi à travailler

avec les Affairesmaritimes,

les douanes,la

gendarmeriemaritime,

la Sécuritécivile et

la Sociéténationale de

sauvetageen mer.

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lesquelles des « guetteurs de la flotte » sur-veillent les approches maritimes jusqu’à la limi-te des eaux territoriales. Tombés en désuétu-de, les sémaphores «ont retrouvé une vraiefonction opérationnelle après le 11 septembre2001, affirme le capitaine de frégate Jourdan,commandant de la formation opérationnellede surveillance et d’information territoriale deCherbourg. Car nul n’ignore qu’il est surveilléquand il passe près de nos côtes». Les guet-teurs utilisent, outre de puissantes jumelles,des radars dont les données sont partagéesen réseau par toute la chaîne sémaphoriquefrançaise. Ils signalent chaque jour des cen-taines d’évènements (cargo en avarie, pêcheuren infraction, baigneur en difficulté…) auxCROSS de leur zone de responsabilité ou, pource qui concerne la défense du territoire, auCentre opérationnel de la marine.Dans les approches côtières interviennentaussi les gendarmes maritimes. Sous tutel-le du ministère de l’Intérieur, ils sont mis pour

emploi au seinde la marinenationale, à terre(brigades motori-sées) et en mer(sous forme depelotons desûreté maritimeet portuaire ou àbord de vedettesde la marine). Ilsassurent la policeadministrative (in-fractions aux

réglementations) et judiciaire (troubles à l’or-dre public ou non-respect des lois). Leur rôleest essentiel dans les zones d’importancestratégique comme les ports industriels (Mar-seille et Le Havre notamment).Au large, les missions de la marine s’orien-tent davantage vers la police des pêches (plu-sieurs centaines de procès-verbaux d’in-fractions sont édités chaque année), laprotection de l’environnement (la marine esten charge de la lutte contre la pollution) et lesauvetage en mer. Interviennent alors desmoyens hauturiers, tels que des patrouilleursde la gendarmerie maritime et de la marinepour la police des pêches, des remorqueurs

privés affrétés par la marine pour l’assistan-ce, et des hélicoptères. « Un Dauphin assu-re en moyenne 30 sauvetages hélitreuilléspar an sur alerte des CROSS », précise lelieutenant de vaisseau Jérémy Pruvot, chefdu détachement de service public (flottille35F) de Cherbourg, l’un des cinq que comp-te la métropole (avec ceux du Touquet, de LaRochelle, de Lanvéoc et de Hyères). Cas par-ticulier, la flottille 32F, basée à Lanvéoc-Poul-mic et équipée de deux hélicoptères EC-225,assure les missions de recherche et de sau-vetage dans le rail d’Ouessant, où le traficest dense et les conditions de mer souventdangereuses. « Les CROSS peuvent aussinous demander d’aller identifier et authenti-fier un navire suspecté de dégazage sauva-ge ou de rechercher des objets dérivant enmer», ajoute le lieutenant de vaisseau.Dernier maillon de la chaîne de moyens dela marine : les groupements de plongeursdémineurs (GPD) de Cherbourg, Brest et Tou-lon. « Les marées exhument régulièrementdes fonds côtiers obus, mines sous-marineset autres munitions, vestiges de la secondeguerre mondiale, explique le capitaine de cor-vette Benoît Drier de Laforte, commandantdu GPD Manche. Ils peuvent représenter undanger pour les pêcheurs qui les prennentdans leurs filets ou pour les baigneurs surles plages. » Les démineurs de la marine« nettoient » chaque année le littoral de plusde 1 500 de ces engins explosifs, particuliè-rement en Manche/Mer du Nord, zone laplus « polluée » des côtes hexagonales.Avec un panel de moyens « polyvalents etqui lui permettent d’agir loin et par tous lestemps, résume le capitaine de vaisseau Bara,la marine nationale est l’épine dorsale dudispositif gouvernemental qui protège auquotidien les personnes, l’environnement etles activités économiques, et est capable deréagir à un risque ou une menace “venus dela mer“ ». Une place centrale confortée parla création de la toute nouvelle fonction gar-de-côtes (voir encadré), et aussi un exemplede fonctionnement interministériel coor-donné, dans la droite ligne du conti-nuum « sécurité/défense » dessinépar le Livre blanc.

Cynthia Glock

Afin de fédérer et decentraliser tous lesmoyens dont il disposepour assurer ses mis-sions d’action en mer,l’État a institué, le 8décembre dernier, lafonction « garde-côtes ».La marine a été chargéede piloter la mise en pla-ce d’un « centre opéra-tionnel de la fonctiongarde-côtes » hébergé àl’état-major de la mari-ne à Paris. Placé sousl’autorité du Secrétairegénéral de la mer, il ren-dra compte de la situa-tion maritime auprès desautorités gouvernemen-tales. Il sera en outre lepoint de contact natio-nal avec les servicesdes garde-côtes étran-gers. Cette évolution nemodifie pas l’organisa-tion de la conduite desopérations par les pré-fets maritimes.

Nouvelles fonctions

De la côte à la haute mer, la marine a un large panelde moyens deservice public.

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HÉPHAÏSTOS

La guerre du feuChaque été depuis 1984, la Défense met des militaires des trois armées àla disposition des préfets pour renforcer les unités de la sécurité civile dansla lutte contre les feux de forêt dans le Sud de la France.

Les militairesviennent

renforcer leGroupementopérationnel

contre les feuxde forêt, non

sans avoir reçuune instruction

de trois jourspour acquérir

les rudiments dece combat d’un

genreparticulier.

Vous comprendrez vite que luttercontre les feux de forêt est uneforme de combat à part entière »,lance l’adjudant-chef Alain Davan-zo. C’est par ces mots que l’ins-

tructeur des Formations de la sécurité civi-le (Formisc) accueille la section du17e Régiment de génie parachutiste (RGP),qui vient de rejoindre les quartiers de l’uni-té instruction intervention de la sécurité civi-le (UIISC) n° 5 à Corte, en Corse. Ces tren-

te soldats sont engagés, avec deux sectionsdu 1er Régiment étranger de cavalerie (REC)et du 1er Régiment d’artillerie de marine(RAMa), dans le plan Héphaïstos (voir enca-dré), qui constitue la part prise par le minis-tère de la Défense dans la lutte contre lesfeux de forêt durant les mois d’été. Ils vien-nent ainsi renforcer le Groupement opéra-tionnel de lutte contre les feux de forêt(GOLFF). De juin à septembre, 380 sapeursde la sécurité civile arment ce groupement

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pour lutter contre les incendies aux côtésdes unités départementales, pompiers etsapeurs forestiers. Les sections Héphaïs-tos, dites «militaires intégrées» (SMI), inter-viennent lors des mois les plus critiques dejuillet et août. En moyenne, plus de 20 000 hectares devégétation partent en fumée dans le Sud dela France chaque été, avec un pic enregistrépendant la canicule de 2003, où le nombredes terres ravagées a doublé. Un phéno-mène aux origines multiples – actes de mal-veillance ou d’inattention, plus rarement cau-ses électriques ou naturelles – favorisé parla sécheresse, le vent et par la nature de lavégétation méditerranéenne. A cet égard,la Corse est particulièrement vulnérable,80 % de sa superficie étant couverts de boiset de maquis, contre seulement 55 % enProvence.Pendant un mois, les soldats des SMI vont« passer du statut de combattants des for-ces à celui de combattants du feu », selonles mots que leur adresse l’adjudant-chefDavanzo, qui précise : « Vous ne serezjamais engagés seuls. Votre mission consis-tera surtout à surveiller les zones à risques,et éventuellement à intervenir à la suite despompiers et des sapeurs des Formisc en“deuxième rideau“ pour finir d’éteindre lesfoyers de braises et traiter les lisières boi-sées où les feux sont susceptibles dereprendre. »Avant de passer à l’action, les sections reçoi-vent une instruction de trois jours à Cortepour apprendre les rudiments du combatcontre le feu. Ils découvrent leur matériel :seaux-pompes, motopompes, tuyaux, lan-ces à incendie. Première leçon de l’instruc-teur : «Comme dans une confrontation avecl’ennemi, il faut procéder sans précipitation.On observe, on analyse, puis on prend unedécision. Vos munitions : l’eau. Vos armes :les tuyaux et les lances. » Quant aux équi-pements individuels, exit rangers et treillistraditionnels, ils porteront des chaussuresaux semelles renforcées, ainsi que descagoules, des gants, un casque, des lunet-tes pare-feu et un treillis ignifugé. Sur le terrain, les soldats apprennent prin-cipalement à poser des « établissements »

hydrauliques. C’est-à-dire à assembler lesmotopompes, installer des réseaux detuyaux de diamètres différents, ainsi que desraccords et des lances, qui rendront possi-ble la progression depuis une source d’eau(rivière ou camion-citerne) jusqu’à la zoneincendiée. Ils doivent veiller à conserver undébit suffisant sachant que « la pressiond’eau diminue d’un bar tous les 100 mètres

de tuyau et tousles 10 mètres dedénivelé, commele leur expliquel’adjudant-chef, etque « les incendiesse produisent surdes reliefs et sepropagent vers lessommets ».L’instructeur insisteégalement sur lasécurité et sur lesmultiples dangersdu feu. Outre lesrisques de brûlure,le soldat du feu estexposé aux intoxi-cations dues à la

combustion de certaines essences de boisou à des coups de chaleur provoqués par lesflammes, qui font grimper une températureambiante déjà élevée en Corse. « Je prendsde plus en plus conscience de la difficultéde ce métier, confie l’adjudant Raiffe, chefde la section du 17e RGP, au terme d’unejournée de manœuvres d’entraînement dansle maquis corse. Et du professionnalisme denos camarades de la sécurité civile... »Les formations militaires de la sécurité civi-le (Nogent-le-Rotrou, Brignoles et Corte)sont en effet des « sauveteurs » profes-sionnels. Elles sont constituées d’unités degénie de l’armée de terre qui ont suivi lemême cursus que les sapeurs-pompiers.Placés à disposition du ministère de l’Inté-rieur, ces 1 500 hommes et femmes peu-vent être réquisitionnés à n’importe quelmoment pour intervenir sur tout type decatastrophe en France (tempête Xynthia enCharente-Maritime, inondations dans le Var)comme à l’étranger (tsunami au Sri Lanka,

Le plan Héphaïstosrésulte d’un protocolesigné en 1984 entre lesministères de la Défen-se et de l’Intérieur. Il doitpermettre de faire faceaux risques accrus defeux de forêt de juin àseptembre en régionPACA, Languedoc-Rous-sillon, en Corse, dans laDrôme et l’Ardèche. Des moyens sont mis àla disposition des unitésinstruction interventionde la sécurité civile(UIISC) et du préfet de lazone de défense Sud : • moyens intégrés auxUIISC : 3 sections mili-taires intégrées et 15véhicules, pour les feuxen Corse ; un groupe degénie (8 sapeurs et 5véhicules), pour des tra-vaux d’aménagement deterrain ; un détachementaéromobile de l’arméede terre (3 hélicoptèreset 20 militaires), pourdes reconnaissances etdes héliportages.• moyens non intégrés :6 modules adaptés desurveillance de l’arméede terre, 4 de l’air et 2 dela marine nationale (15soldats et 7 véhiculeschacun). 2 sont à dispo-sition en Corse, 5 enLanguedoc-Roussillon etautant en Provence.

Un appui pourla zone dedéfense Sud

«On observe,on analyse,puis on décide.Vos munitions :l’eau.Vos armes : les tuyaux et les lances. »

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séisme en Haïti…). Dans le cadre du planGOLFF de lutte contre les feux de forêt, ilssont déployés sur huit sites répartis du nordau sud de la Corse. Dès la fin de leur instruction, les SMI rejoi-gnent ces sites, où ils répèteront chaquejour avec leurs instructeurs les manœuvresapprises à Corte, pour se tenir prêts à inter-venir. Ce qui n’a pas manqué de se produi-re pour les soldats du 3e RIMa, dans le sec-teur d’Ajaccio. Parmi eux, une dizaine sont

rentrés d’Afghanistan il y a un an : « Nousavons aidé à éteindre six feux, dont l’un trèsdifficile parce qu’il s’est étendu sur un flancde colline abrupt. Lutter contre le feu n’estpas notre métier, admet le caporal-chefGourdel. Mais, ce jour-là, je me suis vrai-ment senti intégré dans la chaîne demoyens déployés pour combattreles flammes. Et j’ai réalisé à quelpoint notre présence est utile. »

Cynthia Glock

HÉPHAÏSTOS

Les soldatsapprennent

à installerdes réseaux

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possible laprogressiondepuis une

source d’eaujusqu’à la

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6-7 septembre 1914 : l’épopée des taxis de la Marne

Un mois après le début de la guerre, les troupes allemandes sont signalées à quelques dizaines de kilomètres au nord-est de Paris.Pour stopper l’avant-garde ennemie, le général Galliéni, gouverneur de Paris, réquisitionne les 6 et 7 septembre 1300 taxis pari-siens. Partis des Invalides, ils transportent 5000 fantassins pour rejoindre le front. Au terme de combats terribles, les Allemandsse replient le 13 septembre : la première bataille de la Marne est une victoire. Si elle n’a pas renversé le cours de la guerre, l’opé-ration a eu une réelle portée psychologique sur les soldats et la population française. L’épopée des taxis de la Marne devient ainsirapidement un symbole d’unité et de solidarité nationales.

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politiques. Celle des Malouines était limi-tée dans sa finalité ainsi que dans l’espace,le temps et les moyens.

Question de point de vueL’exemple le plus souvent sollicité pourillustrer cette notion est celui des guerresdu XVIIIe siècle. Limitées, elles le furenteffectivement, selon la plupart des critè-res évoqués. Il s’agissait de conflits dontles enjeux demeuraient dynastiques et pasencore nationaux, dominés par la préoc-cupation d’un équilibre européen à main-tenir. La violence ne s’y exerçait qu’entrecombattants professionnels dans l’espaceclos du champ de bataille, où un droit dela guerre opérait, non seulement à l’égarddes populations civiles, mais aussi pour lesprisonniers et les blessés. Mais on se gardera d’oublier que ces limi-tations ne concernaient qu’une aire cultu-relle bien circonscrite : celle des grandespuissances européennes. Les Écossais,par exemple, considérés comme des semi-barbares, en étaient exclus. La répressionanglaise qui les a frappés en 1746 s’est tra-duite par des massacres de populations etdes déportations dans les colonies. Si pourles Anglais il s’agissait bien d’un conflitlimité, les Écossais ne l’ont pas perçu decette façon. Ce qui amène une autre relativisation dela notion de guerre limitée : elle n’est sou-vent conçue comme telle que par l’un desbelligérants. Si la guerre du Vietnam étaitlimitée du point de vue américain, elleconstituait un enjeu vital pour leurs adver-saires. Lors de la guerre Irak-Iran, SaddamHussein a conçu son offensive comme uneguerre limitée. Les Iraniens lui ont opposéune guerre totale et l’on vécue commetelle.La guerre limitée est aussi une questionde point de vue. ■

La notion de guerre limitée, parcontraste avec les deux guerresmondiales, s’impose comme unedonnée d’évidence. Elle n’en estpas moins relative et ambiguë.

Une guerre « sans limite » n’existe pas,dans l’histoire, et ce qui s’oppose à uneguerre limitée n’est pas la guerre totale.Celle-ci se définit en effet par la mobili-sation de toutes les ressources (humai-nes, économiques, matérielles et mora-les) des belligérants, ce qui n’infère pasnécessairement un usage illimité de laviolence. Ainsi, la guerre de Sécessionaméricaine, première guerre totale del’ère industrielle, n’en était pas moins limi-tée quant à la violence exercée sur lespopulations civiles qui ont été, dans l’en-semble, épargnées. Le contraire d’uneguerre limitée serait plutôt ce queClausewitz appelait la guerre absolue.Mais le théoricien prussien la considéraitcomme un pur concept, que la réalité dela guerre pourrait approcher sans jamaisl’atteindre.Il n’existe donc que des guerres limitées,selon certains aspects : par leur finalité,c’est-à-dire leur objectif politique ; par lesmoyens utilisés (la nature et la quantitédes ressources humaines et matérielles

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La guerre est finie

T H I E R R Y W I D E M A N N

chargé d’études à l’Institut de recherche

stratégique de l’École militaire (IRSEM).

D. V

IOLA

/DIC

OD

> histoire

mises en œuvre) ; par leur intensité (lesmodalités d’emploi de la violence) ; parleur durée et par leur extension géogra-phique. Une guerre peut ainsi être limitée dansl’espace, mais motivée par une volonté

d’anéantissement del’adversaire commece fut le cas pour latroisième guerrepunique, qui vit la des-truction complète deCarthage par lesarmées romaines. La

guerre de Sept Ans, qui a opposé les gran-des puissances de l’Europe sur plusieurscontinents de 1756 à 1763, eut une grandeextension dans l’espace et dans le temps,mais fut modérée quant à ses objectifs

Que ce soit dans ses buts ou dans ses moyens,dans son usage de la violence ou dans sonextension dans le temps et l’espace, la guerrene se développe pas infiniment. Démonstration.

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KIOSQUE sélection

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JEAN-CLAUDE JAEGER

PRINCIPES DE CONTRE-INSURRECTIONLégitimer l’action, s’adapter au contextelocal, marginaliser l’ennemi. Telles sont,selon les auteurs de cet ouvrage, lesdonnées fondamentales sans lesquelles

les guerres contre-insurrectionnelles sontvouées à l’échec. Les colonels deCourrèges, Germain et Le Nen ont toustrois participé à des opérations opposantt roupes régul ières et forcesinsurrectionnelles. Ils font ici le point surle renouvellement récent des principesstratégiques des guerres de contre-insurrection. Un ouvrage clair, réaliste etnovateur, préfacé par l’amiral Guillaud,chef d’état-major des armées.H. de Courrèges, E. Germain, N. Le Nen, éd.

Economica, 112 p., 19€

GUERRE RÉVOLUTIONNAIRE,GUERRES IRRÉGULIÈRESCet ouvrage rassemble une vingtaine d’études sur lesnombreuses guerres parallèles du XXe siècle – guérillas,contre-guérillas, maquis et autres guerres révolution-naires. Rédigés par des enseignants et des officiers,ces textes sont publiés sous l’égide du conseil scien-tifique du musée des Troupes de marine, et offerts aulieutenant-colonel Michel David, chef du départementd’histoire et de géographie des Écoles de Saint-CyrCoëtquidan.Sous la direction de A. Champeaux, éd. Lavauzelle, 283 p., 27€

ATLAS DU MONDE GLOBAL

Hubert Védrine, ministre des Affairesétrangères de 1997 à 2002, et PascalBoniface, directeur de l’Institut de rela-tions internationales et stratégiques(IRIS), proposent une importante miseà jour de leur ouvrage Atlas du mondeglobal. Cette nouvelle édition du best-seller des ouvrages de géopolitiqueanalyse avec clarté et complétude l’évolution des relations internationa-

les avec un enrichissement de nouvelles thématiques comme les enjeux cli-matiques, l’évolution du tourisme et ses conséquences. Le tout servi par uneremarquable cartographie. Un ouvrage de référence pour tout ceux qui s’inté-ressent à la géopolitique.Pascal Boniface, Hubert Védrine, éd. Armand Colin/Fayard, 142 p .,19,90 €

OPÉRATIONS SPÉCIALES, 20 ANS DE GUERRES SECRÈTESDes maquis du Vercors à la jungle laotienne, le colonelJean Sassi a connu la plupart des théâtres d’opérationsdans lesquels un soldat français des forces spécialespouvait être engagé. Jean-Louis Tremblais, grand repor-ter au Figaro Magazine, lèvele voile sur ces vingt annéesd’opérations secrètes ausein des Corps francsd’Afrique, des commandosparachutistes Jedburghs, dela Force 136 ou du 11e Choc.Un série d’entretiens capti-vants, qui s’attardentnotamment sur les maquiscontre-révolutionnaires indo-chinois.

Jean Sassi, J-L Tremblais,

éd. Nimrod, 355 p., 21 €

CENT ANS D’AÉRONAUTIQUE NAVALE EN FRANCE

Après un rappel historiquebien documenté de l’aéro-nautique navale, l’auteurJérôme Baroë, présente defaçon claire ce qu’est aujour-d’hui cette composante opé-rationnelle. Il y présente leshommes et femmes qui lacomposent, le matériel enservice et les différentes uni-tés. Accompagné d’une belleiconographie provenant duministère de la Défense, cetouvrage permettra à tous

ceux qui le souhaitent de découvrir cette composante dela marine qui fête cette année ses 100 ans.

Jérôme Baroë, éd. Ouest-France, 125 p., 17,90€