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Douleurs, 2006, 7, 2 97 ACTUALITÉS LES BRÈVES DE « DOULEURS » Brefs échos des congrès et des sociétés savantes, notes de lecture des revues spécialisées à l’usage des cliniciens, cette rubrique est ouverte à tous. La revue Douleurs encourage tous ses lecteurs à lui faire parvenir des informations brèves issues de leurs lectures, de leurs rencontres, de leurs expériences, de leurs travaux, de leurs voyages ou de leurs navi- gations sur le web, à l’adresse suivante : [email protected] Une référence bibliographique pour ceux qui souhaitent en savoir plus, un court commentaire critique seront bienvenus. Administration systémique d’anesthésiques locaux dans le soulagement de la douleur neuropathique : revue systématique et méta- analyse Systemic administration of local anesthetics to relieve neuropathic pain: a systematic review and meta-analysis Tremont-Lukats IW, Challapalli V, McNicol ED, Lau J, Carr DB. Anesth Analg 2005;101:1738-49. Anesthésique local, la lidocaïne est aussi utilisée par voie systémique comme anti-arythmique. La lidocaïne et la pro- caïne IV ont été utilisées dans les douleurs cancéreuses et post-opératoires. Le regain d’intérêt ces dix dernières années pour l’administration de lidocaïne dans les douleurs neuropathiques est dû aux recherches chez l’animal et en laboratoire qui ont mis en évidence des mécanismes plausi- bles de son efficacité dans ce type de douleur et au déve- loppement d’analogues oraux permettant un traitement au long cours. Afin de déterminer l’efficacité et la sécurité d’utilisation des anesthésiques locaux administrés par voie systémique dans le traitement de la douleur neuropathique, les auteurs ont analysé 27 essais contrôlés randomisés en double aveugle. Dix essais pour la lidocaïne (habituelle- ment 5 mg/kg IV sur 30-60 min.) et 9 pour la mexilétine (dose médiane : 600 mg/jour) utilisés pour la méta-analyse avec un total de 706 patients montrent que ces traitements sont plus efficaces que le placebo pour soulager la douleur neuropathique chronique et qu’ils ont une efficacité compa- rable. La méta-analyse de cinq essais avec un total de 206 patients comparant la lidocaïne ou analogues avec d’autres traitements actifs (carbamazépine, gabapentine, amantadine, morphine) ne montre pas de différence d’effi- cacité. Le bénéfice thérapeutique est plus conséquent pour les douleurs neuropathiques périphériques (post-traumati- que, diabète, post-amputation) et les douleurs centrales (accident vasculaire cérébral, lésion médullaire). Les effets secondaires les plus fréquents sont les nausées, vomisse- ments, douleurs abdominales, diarrhées, vertiges et engour- dissement péribuccal ; plus rarement goût métallique, tremblements, bouche sèche, insomnie, réaction allergique et tachycardie. Les effets secondaires graves, arythmie cardiaque et instabilité hémodynamique n’ont pas été retrouvés dans ces essais. Si les effets secondaires sont sta- tistiquement plus fréquents avec les anesthésiques locaux qu’avec le placebo, ils ne sont pas statistiquement plus fré- quents qu’avec les autres traitements actifs contrôles mais petit nombre d’essai. Mai Luu Facteurs de risque d’une douleur aigüe et sa persistance suite à une chirurgie pour cancer du sein Risk factors for acute pain and its persistence following breast cancer surgery Katz J, Poleshuck EL, Adrus CH, Hogan LA, Jung BF, Kulick DI, Dworkin RH. Pain 2005;119:16-25. L’incidence chez les femmes de développer une douleur chronique après chirurgie pour cancer du sein varie de 20 à 50 % et plus. Afin d’identifier les facteurs de risque de sur- venue d’une douleur aiguë et de sa persistance à un mois, les auteurs ont évalué chez 114 femmes les variables démo- graphiques, cliniques et de fonctionnement émotionnel supposées être associées à une douleur aiguë sévère. Une douleur post-opératoire a été considérée cliniquement significative lorsque l’EVA était 5 à J2 (douleur aiguë), J10 et J30 (douleur persistante) après chirurgie. Le fonctionne- ment émotionnel a été évalué par des questionnaires géné- raux (Beck Depression inventory, State-Trait Anxiety Inventory, Hamilton Depression and Anxiety Rating Scale) et des questionnaires spécifiques (Functional Assessement of Cancer Treatment-Emotional scale=FACT-E; Somatosen- sory Amplification Scale, Illness Behavior Questionnaire disease conviction scale). 54 % (59/109) des patientes ont eu une douleur cliniquement significative à J2. Si les fac- teurs de risque étaient un âge plus jeune, être non marié,

Administration systémique d’anesthésiques locaux dans le soulagement de la douleur neuropathique : revue systématique et métaanalyse

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Douleurs, 2006, 7, 2

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A C T U A L I T É S L E S B R È V E S D E « D O U L E U R S »

Brefs échos des congrès et des sociétés savantes, notes de lecture des revues spécialisées à l’usage des cliniciens, cetterubrique est ouverte à tous. La revue

Douleurs

encourage tous ses lecteurs à lui faire parvenir des informations brèvesissues de leurs lectures, de leurs rencontres, de leurs expériences, de leurs travaux, de leurs voyages ou de leurs navi-gations sur le web, à l’adresse suivante : [email protected]

Une référence bibliographique pour ceux qui souhaitent en savoir plus, un court commentaire critique seront bienvenus.

Administration systémique d’anesthésiqueslocaux dans le soulagement de la douleurneuropathique : revue systématique et méta-analyseSystemic administration of local anestheticsto relieve neuropathic pain: a systematic reviewand meta-analysis

Tremont-Lukats IW, Challapalli V, McNicol ED, Lau J, Carr DB.Anesth Analg 2005;101:1738-49.

Anesthésique local, la lidocaïne est aussi utilisée par voiesystémique comme anti-arythmique. La lidocaïne et la pro-caïne IV ont été utilisées dans les douleurs cancéreuseset post-opératoires. Le regain d’intérêt ces dix dernièresannées pour l’administration de lidocaïne dans les douleursneuropathiques est dû aux recherches chez l’animal et enlaboratoire qui ont mis en évidence des mécanismes plausi-bles de son efficacité dans ce type de douleur et au déve-loppement d’analogues oraux permettant un traitement aulong cours. Afin de déterminer l’efficacité et la sécuritéd’utilisation des anesthésiques locaux administrés par voiesystémique dans le traitement de la douleur neuropathique,les auteurs ont analysé 27 essais contrôlés randomisés endouble aveugle. Dix essais pour la lidocaïne (habituelle-ment 5 mg/kg IV sur 30-60 min.) et 9 pour la mexilétine(dose médiane : 600 mg/jour) utilisés pour la méta-analyseavec un total de 706 patients montrent que ces traitementssont plus efficaces que le placebo pour soulager la douleurneuropathique chronique et qu’ils ont une efficacité compa-rable. La méta-analyse de cinq essais avec un total de206 patients comparant la lidocaïne ou analogues avecd’autres traitements actifs (carbamazépine, gabapentine,amantadine, morphine) ne montre pas de différence d’effi-cacité. Le bénéfice thérapeutique est plus conséquent pourles douleurs neuropathiques périphériques (post-traumati-que, diabète, post-amputation) et les douleurs centrales(accident vasculaire cérébral, lésion médullaire). Les effetssecondaires les plus fréquents sont les nausées, vomisse-ments, douleurs abdominales, diarrhées, vertiges et engour-dissement péribuccal ; plus rarement goût métallique,

tremblements, bouche sèche, insomnie, réaction allergiqueet tachycardie. Les effets secondaires graves, arythmiecardiaque et instabilité hémodynamique n’ont pas étéretrouvés dans ces essais. Si les effets secondaires sont sta-tistiquement plus fréquents avec les anesthésiques locauxqu’avec le placebo, ils ne sont pas statistiquement plus fré-quents qu’avec les autres traitements actifs contrôles maispetit nombre d’essai.

Mai

Luu

Facteurs de risque d’une douleur aigüe et sapersistance suite à une chirurgie pour cancerdu seinRisk factors for acute pain and its persistencefollowing breast cancer surgery

Katz J, Poleshuck EL, Adrus CH, Hogan LA, Jung BF, Kulick DI,Dworkin RH. Pain 2005;119:16-25.

L’incidence chez les femmes de développer une douleurchronique après chirurgie pour cancer du sein varie de 20à 50 % et plus. Afin d’identifier les facteurs de risque de sur-venue d’une douleur aiguë et de sa persistance à un mois,les auteurs ont évalué chez 114 femmes les variables démo-graphiques, cliniques et de fonctionnement émotionnelsupposées être associées à une douleur aiguë sévère. Unedouleur post-opératoire a été considérée cliniquementsignificative lorsque l’EVA était

5 à J2 (douleur aiguë), J10et J30 (douleur persistante) après chirurgie. Le fonctionne-ment émotionnel a été évalué par des questionnaires géné-raux (Beck Depression inventory, State-Trait AnxietyInventory, Hamilton Depression and Anxiety Rating Scale)et des questionnaires spécifiques (Functional Assessementof Cancer Treatment-Emotional scale=FACT-E; Somatosen-sory Amplification Scale, Illness Behavior Questionnairedisease conviction scale). 54 % (59/109) des patientes onteu une douleur cliniquement significative à J2. Si les fac-teurs de risque étaient un âge plus jeune, être non marié,