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DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DE LA COHESION SOCIALE MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU DIPLOME D’ETAT DE MASSEUR KINESITHERAPEUTE 2014 Stage temps plein Ariane BOUVET A propos de la douleur neuropathique : stratégies de rééducation dans le cadre d’un Syndrome de Guillain Barré.

A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

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Page 1: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS

ET DE LA COHESION SOCIALE

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DU

DIPLOME D’ETAT

DE

MASSEUR KINESITHERAPEUTE

2014

Stage temps plein Ariane BOUVET

A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

rééducation dans le cadre d’un Syndrome de Guillain Barré.

Page 2: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Résumé :

Le propos de cet écrit porte sur la rééducation de Mme L. âgée de 65 ans, atteinte

d’un syndrome de Guillain Barré. Cette prise en charge a lieu durant la phase de

récupération. Elle est ciblée sur la récupération musculaire et sensitive ainsi que sur la

rééducation de l’équilibre dans le but d’un retour à domicile. Le syndrome de Guillain

barré a entraîné des troubles majeurs chez cette patiente : des douleurs neuropathiques et

des troubles sensitivo-moteurs. Ces différentes manifestations cliniques sont à l’origine

d’une limitation de la marche et des activités chez cette femme dynamique. Pour améliorer

la qualité de vie, nous avons entrepris d’instaurer une rééducation ciblée sur les troubles

sensitifs et moteurs, rééducation complexe passant par la gestion de la fatigue et des

considérables douleurs neuropathiques. Cependant malgré le traitement médicamenteux, la

prise en charge par le centre antidouleur et la rééducation il persiste des douleurs

neuropathiques qui limitent la qualité de vie de Mme. L. C’est pourquoi je me suis

demandée quelles sont les stratégies kinésithérapiques établies pour lutter contre ces

douleurs et celles qui sont en voie de développement. Je me suis donc intéressée aux

techniques classiques de kinésithérapie et à leurs effets sur ce type de douleur. Puis j’ai

recherché l’intérêt du concept de rééducation sensitive et des techniques d’imagerie

motrice dans le cas de Mme. L.

Mots clefs Keywords

- Syndrome Guillain Barré

- Douleur neuropathique

- Troubles sensitifs

- Techniques antalgiques

- Guillain Barré syndrome

- Neuropatic pain

- Sensory disorders

- Pain relief technique

Page 3: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

1 INTRODUCTION ........................................................................................................ 1

2 PRESENTATION DU PATIENT ET ANAMNESE ................................................ 2

2.1 ETUDE DU DOSSIER MEDICAL ................................................................................... 2

2.2 ANTECEDENTS : ....................................................................................................... 2

2.3 HISTOIRE DE LA MALADIE ........................................................................................ 2

2.4 TRAITEMENTS .......................................................................................................... 3

3 PRISE EN CHARGE MASSO-KINESITHERAPIQUE ......................................... 4

3.1 BILANS INITIAUX A J35 ............................................................................................ 4

3.1.1 Bilan des douleurs : des douleurs persistantes aux pieds.................................... 4

3.1.2 Bilan de la sensibilité :des troubles sensitifs importants aux extrémités ............ 4

3.1.3 Bilan cutané, trophique et vasculaire : .............................................................. 5

3.1.4 Bilan morphostatique : ........................................................................................ 5

3.1.5 Bilan articulaire : ................................................................................................ 5

3.1.6 Bilan musculaire : un déficit musculaire prédominant à droite .......................... 5

3.1.7 Bilan fonctionnel : l’équilibre est précaire,la marche est précautionneuse et

instable ........................................................................................................................... 6

3.1.8 Profil psychologique : un facteur à prendre en compte ...................................... 6

3.2 BILAN DIAGNOSTIC KINESITHERAPIQUE. .................................................................. 7

3.3 OBJECTIFS: ............................................................................................................... 7

3.4 PRINCIPES ................................................................................................................ 8

3.5 REEDUCATION ......................................................................................................... 8

3.5.1 Réharmoniser la fonction sensori-motrice .......................................................... 8

3.5.2 Retrouver la fonction d’équilibration ............................................................... 12

3.5.3 Autonomiser la marche ..................................................................................... 16

3.6 BILANS DE SORTIE A J65 ........................................................................................ 17

3.6.1 Bilan des douleurs : des douleurs légèrement diminuées ................................. 17

3.6.2 Bilan sensitif : les troubles sont diminués ......................................................... 17

3.6.3 Bilan articulaire : .............................................................................................. 17

3.6.4 Bilan musculaire : ............................................................................................. 18

3.6.5 Bilan fonctionnel : la marche est stable, la montée et descente des escaliers est

possible ......................................................................................................................... 18

Page 4: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

4 DISCUSSION : STRATEGIES KINESITHERAPIQUES DANS LE

TRAITEMENT DES DOULEURS NEUROPATHIQUES ........................................... 19

1. PHYSIOLOGIE DES DOULEURS NEUROPATHIQUES ....................................................... 19

2. LES METHODES DITES CLASSIQUES : .......................................................................... 21

3. LE CONCEPT DE REEDUCATION SENSITIVE DE LA DOULEUR : ..................................... 23

4. LES TECHNIQUES « NOUVELLES » EN DEVENIR .......................................................... 25

4.1.1 La reconnaissance de latéralité : une technique peu efficace lorsqu’elle est

utilisée de façon isolée ................................................................................................. 26

4.1.2 L’imagerie motrice (IM) : un concept en voie de développement..................... 26

4.1.3 La thérapie miroir : une technique efficace pour les douleurs neuropathiques 27

4.1.4 Graded motor imagery ...................................................................................... 28

5 CONCLUSION : ........................................................................................................ 30

REFERENCES

ANNEXES

Page 5: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

1

1 Introduction

Le syndrome de Guillain Barré (SGB) fut décrit par Georges GUILLAIN, Jean

Alexandre BARRE et André STROHL en 1916 pendant la Première Guerre mondiale.

L’incidence varie entre 0,6 et 1,9 cas par an pour 100000 habitants dans le monde entier et

touche les hommes comme les femmes sans distinction d’âge ou de classe socio-

économique. [1] Le SGB est une polyradiculonévrite aiguë qui atteint le système nerveux

périphérique. Il se caractérise par une démyélinisation des structures nerveuses émergentes

de la moelle et du tronc cérébral, ce qui entraîne une mauvaise conduction de l’influx

nerveux. La démyélinisation touche de façon globale les racines et aboutit à une déficience

du système nerveux : elle se traduit par des déficits moteurs, sensitifs et phénomènes

douloureux. Il existe des variantes cliniques de ce syndrome : on retrouve le syndrome de

Miller Fisher qui associe en plus une ophtalmoplégie, une ataxie et aréflexie

ostéotendineuse ainsi que des formes de SGB purement motrices, d’autres purement

sensitives ou axonales et pandysotaumie aigue idiopathique [1,2]. L’étiologie de ce

syndrome, encore indécise, semble être d’ordre immuno-allergique et dans la plupart des

cas son apparition fait suite à une injection de sérum ou maladie infectieuse souvent

d’ordre viral [1,2].

L’évolution de la maladie se fait en quatre phases. Les premiers signes

neurologiques sont précédés dans les deux tiers des cas d’un épisode infectieux respiratoire

ou gastro-intestinal : c’est la phase prodromique. La deuxième phase est dite d’extension

des paralysies : de durée de 12 jours en moyenne, elle est caractérisée par l’extension

rapide, disto-proximale et symétrique, des paralysies allant de la simple faiblesse des deux

membres inférieurs, gênant la marche et montée des escaliers, à la tétraplégie complète

nécessitant une intubation et ventilation mécanique d’urgence. Cette phase se traduit aussi

par l’abolition des réflexes ostéotendineux, l’apparition de troubles sensitifs et de douleurs.

La phase suivante, de quelques jours à quelques semaines, est la phase de plateau : c’est la

stagnation des troubles neurologiques [2]. Enfin, la phase de récupération s’étend de 6

mois à 1 an et connaît une progression proximo-distale. Les facteurs de mauvais pronostic

vont être l’âge du patient, la présence d’une atteinte axonale, la nécessité d’une ventilation

assistée et la durée de la phase de plateau. Environ 7 à 15% des patients auront des

séquelles motrices, sensitives ou douloureuses [3]. Les douleurs neuropathiques, fréquentes

dans 15 à 50% des cas [1] ralentissent la rééducation. Leur prise en charge est complexe

Page 6: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

2

pour le corps médical de santé, le traitement médicamenteux ne suffisant pas la plupart du

temps. Actuellement les techniques classiques de kinésithérapie ne suffisent pas sur ces

douleurs. De récentes avancées mettent en avant de nouvelles techniques de rééducation

telles que le concept de rééducation sensitive de la douleur mais aussi les techniques

d’imagerie motrice.

2 Présentation du patient et anamnèse

2.1 Etude du dossier médical

Mme L. a été prise en charge à l’hôpital en raison d’un syndrome de Guillain Barré

atypique.

Mme L. ,65 ans, est une ancienne secrétaire de direction à la retraite, gauchère,

veuve depuis 15 ans et sans enfants. Elle vit seule dans un appartement avec quatre

marches d’accès mais doit déménager dans une maison de plain-pied deux semaines après

sa sortie de l'hôpital. Elle a le permis B mais ne conduit plus. Ses loisirs sont le jardinage,

la natation et la gymnastique. Ses projets sont de pouvoir récupérer suffisamment

d'autonomie pour préparer son déménagement et réaménagement. Elle souhaite également

reprendre ses activités physiques antérieures.

Elle est hospitalisée dans le service de soin de suite et réadaptation pour la prise en

charge rééducative d'un syndrome de Guillain Barré atypique d'étiologie indéterminée.

2.2 Antécédents :

La patiente a de l’ostéoporose, une implantation de prothèse mammaire bilatérale,

myomectomie par laparotomie d’un kyste du sein, une hystérectomie et annexectomie pour

kyste ovarien bénin en novembre 2012. Lors de son hospitalisation, le scanner a révélé des

séquelles d’AVC droit.

2.3 Histoire de la maladie

Le 17.02.2013, Mme L consulte aux urgences pour l'apparition, depuis une semaine

(début des troubles le 10.02.2013), de douleurs neuropathiques sans troubles moteurs. Ces

douleurs à type de brûlure et de paresthésies, sont associées à des phénomènes de

compression des deux chevilles, de paresthésies à type de fourmillement des deux pieds et

un engourdissement de la main gauche. Ces symptômes se sont constitués en trois jours. Il

n'a pas été mis en évidence d'épisode d'infection ou de vaccination récente, de lésion

Page 7: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

3

cutanée, de syndrome sec, d'arthralgie ou de morsure de tique. Elle n'avait pas d'altération

de l'état général. L'examen clinique ne montre pas de déficit sensitivo-moteur, les réflexes

sont symétriques. Le diagnostic de lombosciatique est porté. Elle ressort à domicile avec

une IRM médullaire à faire en externe qui ne montre pas d'anomalie particulière. En

revanche, l'électromyogramme à J10 du début des symptômes montre une polyneuropathie

démyélinisante multi-focale avec des blocs de conduction et méningite lymphocytaire.

(Annexe I)

Elle est donc hospitalisée à J12 en neurologie. Traitée d’abord pour une méningo-

polyradiculite puis un syndrome de Lyme sans aucune amélioration, la suspicion d’une

origine immune a indiqué à prescrire des immunoglobulines qui ont permis la diminution

des douleurs. Le diagnostic de Guillain Barré a été posé. Il persiste une perception de froid

douloureux à la face plantaire des deux pieds, des réflexes rotuliens et achilléens abolis

avec une hypopallesthésie des membres inférieurs et une arthrokinésie conservée. La

patiente ne présente pas de troubles respiratoires ni vesico-sphinctériens. Hospitalisée

d’abord dans le service neurologique de l’hôpital, elle est ensuite transférée à J30 dans le

service de soin de suite et réadaptation une fois les troubles stabilisés.

Elle est transférée dans le service de SSR le 11 mars à J30 du début des troubles

pour la suite de la prise en charge rééducative. (Annexe II) Parallèlement elle a été prise en

charge de J16 à J26 par le centre antidouleur pendant son hospitalisation en neurologie.

2.4 Traitements

Depuis le début des troubles, Mme L. prend le traitement antalgique suivant :

Durogesic, antalgique opioïde majeur transdermique de palier III selon l’Organisation

Mondiale de la Santé (OMS), 12µg 2 patchs tous les trois jours et du Neurontin

(antiépileptique pour lutter contre les douleurs de désafférentation) 600mg le matin, 300

mg le midi et le soir pour lutter contre les douleurs de désafférentation. Il a été rajouté à

cela, lors de son hospitalisation, du rivotril et du laroxyl.

Page 8: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

4

3 Prise en charge masso-kinésithérapique

3.1 Bilans initiaux à J35

3.1.1 Bilan des douleurs :

A l’interrogatoire elle décrit des douleurs permanentes localisées dans les deux

pieds, à type de brûlure et fourmillements. Elle les cote à 10/10 à droite et à 7/10 à gauche

à l’Echelle Numérique Simple (ENS). Au questionnaire DN4 on arrive au résultat de 6/10.

(Annexe III) En plus de ces douleurs, la patiente présente des douleurs spontanées intenses

au niveau du cou de pied droit (territoire de L5, nerf fibulaire superficiel) qu’elle cote à

9/10 à l’ENS. Elle décrit une sensation de froid, douloureuse et permanente au niveau de la

plante des pieds (territoire de S1).

3.1.2 Bilan de la sensibilité :

Sensibilité subjective

Au niveau des mains, Mme L. présente une discrète sensation d’engourdissement.

Au niveau des pieds elle présente des paresthésies à type de brûlures et fourmillements

dans les pieds. On retrouve une hypoesthésie au pied droit, que ce soit face plantaire ou

dorsale. (Annexe IV)

Sensibilité objective

Il n’existe pas de troubles de la sensibilité objective pour les membres supérieurs.

Sensibilité Superficielle :

La douleur : Au test avec une aiguille la patiente ne présente pas d’allodynies.

La température : il existe une hypoesthésie à la chaleur face dorsale et plantaire du pied

bilatéralement testé à 45°.

Le tact cutané : Au test de pique touche tout piqué et touché est ressenti comme un touché

sur le territoire de S1 et L5 bilatéralement, cela montre une hypoesthésie.

Sensibilité discriminative : test de Weber, [4]

Localisation Pied droit Pied gauche Valeur seuil normale

Pulpe des orteils 15 mm 12 mm 10 mm

Talon 24 mm 22 mm 18 à 20 mm

Page 9: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

5

Sensibilité profonde :

La sensibilité statesthésique : il existe une hypoesthésie à la sensibilité statesthésique pour

les deux pieds.

La sensibilité kinesthésique : elle présente une sensibilité kinesthésique normale.

3.1.3 Bilan cutané, trophique et vasculaire :

Mme L. ne présente pas d’escarres, ni d’hématomes ni de signes de phlébite. Elle

ne porte pas de bas de contention.

3.1.4 Bilan morphostatique :

Il est effectué debout et pieds nus. Mme L. pèse 49kg et mesure 1,60m. IMC =

19,1. Sa morphologie est physiologique.

3.1.5 Bilan articulaire :

Les amplitudes articulaires sont physiologiques bilatéralement aux membres

supérieurs, hanches et genoux. La flexion dorsale de cheville est de 0° bilatéralement

genou tendu et elle est de 5° genou fléchi. (La patiente précise qu’elle portait régulièrement

des talons étant plus jeune). cf. bilan musculaire

3.1.6 Bilan musculaire :

Bilan qualitatif : Il n’existe pas d’amyotrophies, de contractures ni d’hypoextensibilités au

niveau des membres supérieurs. Pour les membres inférieurs les gastrocnémiens sont

hypoextensibles bilatéralement.

Bilan quantitatif : Nous avons effectué deux tests pour évaluer la force de Mme L : d’abord

le Medical Research Concil (RMC), test fonctionnel, afin d’avoir une vision globale de la

force musculaire de la patiente. (Annexe V) Le RMC présente un déficit musculaire

prédominant au membre supérieur gauche (la patiente est gauchère) et aux membres

inférieurs en distal. Pour les membres supérieurs, comme la patiente a décrit une

fatigabilité à tenir des objets trop longtemps nous testons sa force à l’aide du test de

Jamar (test réalisé avec les ergothérapeutes) permettant d’affiner le bilan: nous retrouvons

des résultats de 12kg à droite et 10 kg à gauche ; il existe une différence de 2kg entre les

deux mains. Vu les résultats du RMC pour les membres inférieurs nous décidons alors

d’effectuer un testing musculaire analytique: nous remarquons une faiblesse musculaire

plus ciblée à droite. L’évaluation met en avant des muscles cotés à entre 2 et 2+ pour le

Page 10: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

6

droit fémoral, le biceps fémoral et les muscles de la cheville et du pied à droite et à 3 et 4

pour les muscles de la cheville et du pied gauche. (Annexe VI)

3.1.7 Bilan fonctionnel :

Les membres supérieurs : la patiente est gauchère. Elle décrit une fatigue et une difficulté

pour les activités fines telles que tenir son crayon ou une aiguille plus de deux minutes.

L’équilibre : L’équilibre assis est coté à 5/6 à l’échelle de Boubée (Annexe VII). Son

équilibre est évalué par l’échelle de BERG à 52 points sur 56 points (Annexe VIII). La

patiente tient debout en bipodal sur une durée illimitée sur plan stable et plan instable les

yeux ouverts. La station debout bipodale yeux fermés, inconfortable, est tenue 5 secondes.

La station unipodale, sur plan stable et les yeux ouverts, est tenue 2 secondes à droite et 4

secondes à gauche sans l’aide des membres supérieurs et déstabilisations.

La marche : la patiente se déplace sur une distance de 100 m sans s’arrêter avec une canne

en T à droite et un releveur élastique dynamique à droite en attendant une amélioration.

Pour une distance plus élevée elle a besoin de pauses régulières ; la fatigue et les

déséquilibres la limitent fortement. La marche se fait à petits pas symétriques ; elle est

instable. Lors de la marche sans aides techniques la phase taligrade n’est pas présente. On

retrouve un steppage à la marche à droite. Il n’y a pas de ballant des bras et de dissociation

des ceintures. La marche sur les talons et sur les pointes est impossible. La montée et

descente des escaliers est impossible à réaliser

Les activités de la vie quotidienne : Mme L. est autonome dans les transferts, la toilette,

l’habillage, l’alimentation mais elle présente une gêne pour se coiffer. Elle effectue le

Time up and go test en 23 secondes pour une valeur théorique de 20 secondes : elle est

surtout hésitante et a besoin de se tenir avec les membres supérieurs. Elle a une Mesure

d’Indépendance Fonctionnelle (MIF) à 111/126 : les items déficients sont les escaliers et la

locomotion. (Annexe IX)

3.1.8 Profil psychologique :

La patiente est anxieuse et hésitante lors de la marche. De plus elle est fatiguée d’être à

l’hôpital et veut rentrer chez elle le plus vite possible pour effectuer son déménagement à

la date prévue, déménagement qu’elle a déjà décalé à cause de son entrée à l’hôpital. Il est

Page 11: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

7

impératif qu’elle sorte puisqu’elle doit libérer sa location. Elle a des séances avec la

psychologue à J43.

3.2 Bilan diagnostic kinésithérapique. (fig. 1)

Mme L., âgée de 65 ans, gauchère, a été admise au service de rééducation de

l’hôpital à la suite d'un syndrome de Guillain Barré atypique. A son arrivée elle ressent des

douleurs neuropathiques importantes dans les pieds. Elle présente une perte globale de

force musculaire dans les membres inférieurs de prédominance distale. Le membre

supérieur gauche est plus déficitaire que le droit Il existe des troubles de la sensibilité

superficielle et profonde au niveau des pieds. Enfin, la grande fatigabilité de la patiente a

des répercussions sur la durée des séances.

Il en résulte des troubles de l’équilibre qui l’empêchent de marcher en sécurité sans

aides techniques, d’emprunter les escaliers. La patiente présente une difficulté à tenir

longtemps des objets dans sa main gauche.

Ainsi Mme L. est hospitalisée ; elle est limitée dans ses déplacements et n’est pas

autonome pour la cuisine, le ménage et les courses. Elle n’est plus capable d’écrire ses

lettres et de coudre sans pauses. Enfin elle ne peut pas pratiquer ses activités de loisirs et

effectuer son déménagement.

Le facteur environnemental se focalise sur son déménagement. Les facteurs

personnels sont : elle vit seule sans enfants ; sa sœur vit à côté de chez elle et est

disponible ; la patiente est anxieuse et fatiguée. Les projets de la patiente sont de retourner

au plus vite chez elle, d’effectuer son déménagement à la date prévue puis de reprendre la

gymnastique et le jardinage.

La patiente a 65 ans; il y a eu apparition des déficits moteurs avant 7 jours ; la durée

de la phase de plateau a été courte et la patiente n’a pas eu d’atteinte respiratoire

nécessitant une ventilation assistée. Tous ces facteurs sont en faveur d’un bon pronostic de

récupération [2].

3.3 Objectifs:

Chaque objectif se divise en sous objectifs. Le premier objectif est de réharmoniser

la fonction sensori-motrice par simultanément une diminution des douleurs, une

augmentation de la force musculaire, un entretien articulaire et une récupération de la

sensibilité. Puis le deuxième objectif est de retrouver les fonctions d’équilibration par une

stimulation des différentes réactions d’équilibration et de redressement dans la séquence

Page 12: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

8

de redressement (SDR), la progression dans le relever du sol automatique et la diminution

du risque de chute. Enfin le dernier objectif est d’autonomiser la marche, tout d’abord en

améliorant la qualité et le périmètre de la marche puis par la suite en permettant à la

patiente d’emprunter les escaliers et enfin améliorer la capacité d’autonomie dans les

activités de la vie quotidienne (AVQ) et de loisirs.

3.4 Principes

Les premiers principes pour la patiente sont bien sûr le respect de la douleur et la

fatigue. Mais pour elle il faut aussi : surveiller les troubles cutanés et sensitifs notamment

les risques d’escarres aux pieds ; faire une évaluation régulière de l’évolution des troubles

de la sensibilité ; répéter et varier les exercices pour favoriser l’apprentissage et la

réhabilitation neuro-musculaire de la patiente et utiliser des supports variés et progressifs

pour la récupération sensitive.

3.5 Rééducation

La patiente suit à l’hôpital une prise en charge pluridisciplinaire : elle a des séances

de kinésithérapie, d’ergothérapie mais elle voit aussi l’assistante sociale, et la psychologue

à J43. Les séances de rééducation, en kinésithérapie ont lieu deux fois par jour pour une

durée totale de deux heures. Au début de ma prise en charge à J35 elle arrive en salle de

rééducation en fauteuil roulant accompagnée d’un brancardier ; par la suite à J45 elle se

déplace à pied avec l’aide d’une canne en T. Pendant les séances nous effectuons

régulièrement des pauses de 5 à 10 minutes afin que la patiente se repose et puisse se

concentrer entièrement pendant les exercices.

3.5.1 Réharmoniser la fonction sensori-motrice

Favoriser la diminution de la douleur

La patiente est déjà sous fort traitement antalgique. De plus elle est prise en charge

par le centre antidouleur qui lui fait faire des séances de neurostimulation transcutanée,

bénéfiques puisque les douleurs diminuent. Durant sa rééducation nous avons essayé de lui

mettre du TENS (Transcutaneous Electrical Nerve Stimulation) sur les pieds. Elle utilise

le programme TENS sensibilité faible à une fréquence de 100 Hz sur une durée de 20

minutes. Les électrodes positives sont sur les mollets et pieds : je surveille les effets du

TENS à côté d’elle puisqu’elle présente des troubles de la sensibilité superficielle. Les

douleurs diminuent mais ce sont des effets à court terme. Par la suite la stimulation de la

Page 13: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

9

sensibilité permet d’agir sur ses douleurs ainsi: tout ce qui est de la thérapie de touche à

tout favorise la diminution des douleurs [4]. Les mobilisations passives, la reprise de la

marche, toutes les activités qui permettent de reporter son attention autre part que sur ses

douleurs les font diminuer [5]. En effet elle précise qu’elle souffre moins quand elle

marche. J’ai proposé à Mme L. la thérapie miroir comme moyen pour traiter les douleurs

du pied droit. La patiente a l’illusion du mouvement, la création de ces différentes cinèses

redonne au cerveau des informations moins douloureuses qu’il ne recevait plus de la non

utilisation des structures [6]. Cependant la date de sortie de la patiente m’empêche de

continuer cette thérapie et je n’ai pas pu observer d’effets bénéfiques à long terme de cette

technique sur ses douleurs.

Gain de flexion dorsale

Le gain en flexion dorsale s’est fait d’abord par des postures manuelles genou

fléchi et étirement des gastrocnémiens genou tendu. Puis je donne à la patiente une sangle

qu’elle place sous son pied lorsqu’elle est assise, elle tire à l’aide des bras en flexion

dorsale pour s’autoposturer pendant 20 minutes. Je lui propose ensuite de faire du tenu

relâché des gastrocnémiens améliorant le gain d’amplitude. Enfin debout elle se place sur

le bord d’une marche et laisse descendre ses talons dans le vide, genoux tendus. Toutes ces

postures et étirement ont permis de gagner 5 degrés des deux côtés à J65, date de sa sortie.

Augmentation de la force musculaire

Nous commençons par un travail analytique des muscles déficitaires qui permet de

cibler un muscle ou un groupe musculaire, et donc d’avoir une action plus spécifique [7].

Mme L. commence par un travail assis, des quadriceps contre pesanteur en concentrique,

statique et excentrique. Puis par la suite j’ajoute un poids de 2kg. Ayant des releveurs à

droite cotés à 2, elle effectue des séries de 10 répétitions, en décubitus dorsal et genoux

fléchis, d’abord en concentrique et actif aidé, le retour se fait en excentrique avec pour

consigne de freiner la descente. Pour le membre inférieur droit, le plus atteint, nous avons

continué par de l’actif avec des séries de 10 répétitions en variant concentrique, statique et

excentrique. Les contractions excentriques sont souvent proches de la fonction, nous les

retrouvons dans la marche et les escaliers. Elles permettent de renforcer les structures

passives du muscle [7]. L’actif contre résistance étant trop difficile et fatiguant pour la

patiente il n’a pas été fait. Pour le membre inférieur gauche le travail des releveurs se fait

Page 14: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

10

en mode concentrique, excentrique, en actif pur puis à J45 en actif contre résistance à

raison de 3 séries de 10 répétitions.

Le renforcement des fibulaires et du tibial postérieur en bilatéral se fait tout d’abord

en décubitus dorsal puis en décubitus latéral pour avoir la pesanteur. La patiente travaille

d’abord seule en mode excentrique contre pesanteur puis avec une résistance manuelle

pour une meilleure compréhension de l’exercice. Par la suite elle effectue cet exercice en

concentrique par 3 séries de 10 répétitions. En décubitus dorsal je donne à la patiente un

élastique qu’elle place sous son pied et de même elle travaille contre résistance en éversion

ou inversion.

A J45 je lui propose les chaines de Kabat qui consistent en « l’utilisation des

renseignements d’origine superficielle et profonde pour l’excitation du système nerveux

qui a son tour fait agir... la musculature » [8]. Avant un travail actif, je demande toute

l’attention de la patiente lors de la répétition de l’exécution passive d’une diagonale : elle

visualise le déroulement du mouvement dans l’espace et met en jeu ses récepteurs

kinesthésiques [8]. La première, la chaine de flexion-abduction-rotation médiale, sollicite

plus particulièrement les releveurs et éverseurs de cheville. La seconde, la chaîne de

flexion-adduction-rotation latérale sollicite les inverseurs de cheville. La position du genou

agit sur le recrutement du quadriceps. Le stimulus d’étirement est utile pour obtenir une

réponse musculaire, pour augmenter la puissance musculaire et combattre la fatigue

temporairement. Il permet de réveiller les récepteurs proprio cutanés.

Enfin, pour stimuler les stabilisateurs de cheville, Mme L. est debout face aux

barres pour maintenir son équilibre et elle déplace latéralement un sac de 1kg avec son

pied.

En parallèle les autres groupes musculaires sont sollicités par des séances de vélo

de 20 minutes, à faible résistance à J40 puis plus forte résistance selon l’évolution de la

patiente, des parcours de marche de plus en plus longs et la réalisation des escaliers à J50.

Stimuler la sensibilité

Je commence à J35 à effectuer ce qu’appelle Claude Spicher la thérapie du touche à

tout. On ne peut la commencer qu’à partir du moment où la sensibilité cutané est passable

c’est-à-dire que la patiente perçoit deux points fixes d’un point fixe. « C’est une attitude

qui consiste pour le patient à explorer tout ce qui lui passe par la main durant la journée et

de le comparer avec son autre membre non lésé » [4] . Ainsi je lui conseille plusieurs fois

par jour de toucher ses pieds avec ses mains, avec du linge ou du papier, en comparaison

Page 15: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

11

droite et gauche, membres supérieurs et inférieurs. Les sensations « bizarres » qu’elle a au

niveau des pieds vont progressivement se transformer en sensation connues.

La rééducation se poursuit par la prise de conscience des sensations élémentaires.

La rééducation porte sur chaque modalité sensitive : contact immobile à pression variable,

contact déplacé avec appréciation de la localisation, de la vitesse et du sens de

déplacement, stimulation thermique [4]. Je décide d’effectuer cette stimulation du proximal

vers le distal : je commence toujours par stimuler la sensibilité du genou pour que la

patiente puisse comparer ensuite au niveau des pieds. Pour cela j’applique sur la face

dorsale puis plantaire des pieds un tube chaud et un tube froid : elle essaye de reconnaître

les yeux fermés la température appliquée. Puis la sensibilité tactile est stimulée à l’aide

d’un coton tige que j’applique sur ses deux jambes et pieds: elle m’indique où elle sent le

toucher. La sensibilité tactile continue d’être stimulée par les exercices de renforcements et

d’équilibre qui se font pieds nus. Ces exercices sont très fatigants pour la patiente car ils lui

demandent beaucoup d’attention et de concentration mais surtout ils la mettent souvent en

échec et agissent sur son moral: elle est très émotive et se repose régulièrement entre les

séances. Mais par la suite ils améliorent ses sensations au niveau des pieds.

La sensibilité profonde est d’abord stimulée par des mobilisations passives

analytiques et globales des pieds, où la patiente me précise si j’effectue le mouvement ou

pas : c’est la sensibilité kinesthésique ; chez la patiente cette sensibilité est préservée mais

il faut toujours l’affiner du fait qu’elle a une hypoesthésie de la sensibilité statesthésique.

Ce sont les mouvements et postures « proprioceptifs » passifs. Puis je lui demande de

s’imaginer le mouvement : ce sont des mouvements et postures « proprioceptifs « par

activation mentale. Elle réalise mentalement des flexions et extensions de cheville : on

parle de cinèse mentale [6]. Enfin l’exercice avec le miroir effectué pour la douleur stimule

aussi la sensibilité. La patiente a l’illusion du mouvement, la création de ces différentes

cinèses redonne au cerveau des informations qu’il ne recevait plus de la non utilisation des

structures [6]. Puis la sensibilité statesthésique est stimulée par des exercices de

positionnement : la patiente est en décubitus dorsal, un coussin sous les genoux, le genou

est fixe et je donne un numéro à différentes positions de la cheville en passif ; la position 1

correspond à la flexion dorsale maximale, la position 2 à 90° de flexion et la position 3 à la

flexion plantaire maximale. A partir de là elle doit retrouver dans quelle position j’ai placé

préalablement sa cheville. Puis je lui demande de placer elle-même son pied dans les

positions précédentes.

Page 16: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

12

Je n’ai pas pu déterminer quelle technique fonctionne le mieux, le fait est que grâce

à l’ensemble de ces techniques la patiente recouvre une sensibilité statesthésique correcte

des deux pieds. Ces techniques sont utilisées pour répondre à plusieurs objectifs : stimuler

la sensibilité mais aussi diminuer les douleurs.

3.5.2 Retrouver la fonction d’équilibration

Récupération des différentes réactions d’équilibration et de

redressement dans la SDR (séquence de redressement)

Dans chaque position la patiente commence par tenir la position ce qui stimule les

ajustements posturaux ; elle travaille ensuite en limite d'équilibre grâce à des déséquilibres

ce qui permet de travailler les réactions d'équilibrations ; enfin le passage d’une position à

une autre met en jeu le contrôle volontaire, les ajustements posturaux, les réactions

d'équilibration et de protection. Mon but est de lui faire travailler pour chaque position les

réactions d’équilibration qui sont « des mouvements compensateurs faisant suite à des

déséquilibres du corps venant d’une influence extérieure ou consécutive à ses propres

mouvements » [9].Ces réactions permettent de protéger une partie du corps contre une

agression extérieure mais aussi d’éviter la chute. Elles font appel à une motricité à la fois

très fine et non volontaire et donc rassurent la patiente [9].

Le travail de l’équilibre dans la séquence de redressement.

Dans la littérature, l’évaluation des positions dans la séquence de redressement

(SDR) est un moyen utile, efficace et plus économique pour travailler les relevés post

chutes. Lors de la rééducation à J45 un bilan sur les SDR a révélé des difficultés pour le

passage de genou dressé à chevalier servant et le maintien de chevalier servant avant de

passer à la position debout.

La séquence de redressement permet de réinvestir les ajustements posturaux et les

réactions d'équilibration préalablement guidées. Mme L le fait surtout dans les deux

positions préalablement citées parce qu’elles sont simples à réaliser, sont les moins

contraignantes et fatigantes pour elle. Le travail dans ces deux positions va lui montrer

comment se relever si elle est à terre.

Elle commence par le passage de la position genoux dressés à chevalier servant : ce

passage est dur à réaliser. Je lui montre qu’il faut se pencher du côté controlatéral à la

jambe qui va se mettre en avant afin que celle-ci puisse passer devant. Le temps de

Page 17: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

13

maintien de cette position est très court parce que les douleurs au niveau de ses pieds

augmentent et nous devons fragmenter les séances.

Le passage de la position genoux dressés à celle de chevalier servant étant acquise

nous passons ensuite à la position chevalier servant à J48 : je lui fais maintenir l’équilibre

sans déstabilisations avec les yeux ouverts ; elle est anxieuse et a du mal à lâcher prise des

membres supérieurs ; j’ajoute des poussées en arrière, en avant et latéralement afin de

recréer les réactions parachutes (fig.2). Ce maintien de position est effectué sur des tapis

peu épais puis ensuite elle place un pied sur le tapis mousse et un pied à terre. Une fois

l‘équilibre avec déstabilisations sur plans stable et instable acquis je lance des ballons à la

patiente et elle déplace des objets de la droite vers la gauche ou inverse (fig.3, fig.4) ce qui

la prépare au transport d’objets pour son déménagement. De même dans cet exercice

j’ajoute progressivement un tapis mousse sous son pied avant.

Mme L ayant chuté deux fois avant son entrée à l’hôpital et le diagnostic de sa

maladie, elle précise qu’elle a du mal à se relever. A partir du travail précèdent nous

travaillons le relevé du sol à J55. Les enchaînements au sein de la séquence de

redressement peuvent permettre au patient chuteur de se relever [10].

Figure 2: position chevalier servant avec

déstabilisations latérales

Figure 3 et 4: position chevalier servant avec

ramassage d'objets

Page 18: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

14

Je lui montre tout d’abord les différentes étapes du redressement: la patiente, si elle

est sur le côté ou sur le dos, se met sur le ventre puis à quatre pattes en se rapprochant d’un

appui qui lui permette de se mettre en position genoux dressés et d’arriver à la position

chevalier servant ; cet appui lui permettra enfin de se mettre debout malgré la faiblesse des

membres inférieurs. Chaque passage, d’une position déterminée à une autre, unit un grand

nombre de réactions qui se régulent entre elles et qui sont modulées par le guidage proposé

et les sensations perçues [9,10].

Le passage de couché sur le ventre vers quatre pattes se fait sans problèmes (fig 5 et

6). Le passage quatre pattes genoux dressés aussi mais la position genoux dressés est

douloureuse au niveau des cous de pieds. Enfin la transition genoux dressés à chevalier

servant est difficile (fig.7): Mme L. manque de force ; elle a du mal à passer une jambe

devant l’autre quelle que soit la latéralité et cette position est extrêmement inconfortable

(fig.8). A cette étape elle n’arrive à se mettre debout sans peine que si elle avance son pied

droit et pour en compenser la faiblesse prend appui des deux mains. A J60 elle réussit à se

relever du sol seule et en sécurité. A partir de J60 elle travaille l’équilibre et le port de

charges dans la SDR et la marche afin de se préparer à son déménagement. Les charges

sont légères mais la mettent en condition.

Figure 7: position genoux dressés Figure 8: position chevalier servant

Le travail de l’équilibre debout

La patiente s’est d’abord mise en bipodal pied nus. Pour débuter, je l’incite à

réaliser simplement des transferts de poids de droite à gauche les yeux ouverts puis

fermés ; au début je lui place une balance sous chacun des deux pieds, donnant un

Figure 6: position quatre patte Figure 5: position décubitus latéral

Page 19: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

15

feedback visuel. Dès qu’elle ferme les yeux il est beaucoup plus difficile pour elle d’être

stable d’autant plus que c’est fatiguant : elle est essoufflée, manque d’attention et de

concentration. Malgré cela, ce travail les yeux fermés lui permet au maximum de faire

appel aux perceptions sensitives de ses pieds. Ensuite, je lui demande de maintenir

l’équilibre malgré les déstabilisations que je lui applique (les déstabilisations sont

effectuées dans toutes les directions) elle le fait les yeux ouvert puis fermés ; ce sont

d’abord des poussées longues faisant appel au tonus du tronc puis aussi des poussées

brèves permettant de recruter les réactions d’équilibrations. Elle tient l’équilibre facilement

pour les déstabilisations postéro-antérieures, en revanche l’équilibre antéro-postérieur est

instable les yeux fermés. Une fois l’équilibre bipodal maintenu les yeux fermés avec

déstabilisations à J45, j’ajoute un tapis mousse sous ses pieds et nous recommençons ces

déstabilisations. Ce travail proprioceptif sur plan instable permet en plus de favoriser le

ressenti sensitif et de recréer les réflexes parachutes antéro-postérieurs.

Puis je décide de lui faire travailler son équilibre unipodal à J45. Ce travail est fait

une fois les muscles de la cheville renforcés. Elle commence sans déstabilisations, pieds

nus et sur terrain stable. Le feedback visuel lui permet de tenir quelques secondes de plus

l’équilibre de chaque côté, ce qui est le but de cet exercice, et elle réussit. Alors j’augmente

la difficulté en lui demandant de fermer les yeux : elle échoue et je reviens à l’exercice

avec les yeux ouverts pour lui faire tenir cette position le plus longtemps possible. Lorsque,

pour augmenter la difficulté, j’installe un tapis mousse sous ses pieds, elle réussit à

maintenir l’équilibre mais beaucoup moins longtemps. Puis elle travaille cet équilibre en

venant toucher la jambe opposée : elle travaille aussi la dissociation des ceintures

nécessaire lors de la marche ; cet exercice est difficile pour la patiente car elle ne peut pas

tenir longtemps cette position. A J53 elle refait cet exercice en l’intégrant dans la marche.

Conseils de prévention des chutes

Avant son départ nous répétons tout ce qui a été appris lors de la prise en charge

kinésithérapique. Je lui répète la nécessité de porter le releveur lorsqu’elle marche. Comme

elle a du mal à le mettre toute seule nous en travaillons la mise en place à J55. Le plus dur

pour elle reste d’attacher l’élastique au niveau du pied parce qu’il lui manque des forces

dans les mains pour tendre suffisamment l’élastique.

Puis je lui conseille vivement de continuer à marcher avec une canne en T ou un

bâton de marche ce qui la rassure et de se reposer régulièrement. Le port de charge doit se

faire en sécurité selon les séquences de redressement que nous avons vues ensemble. Enfin

Page 20: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

16

je lui conseille de retirer tout tapis glissant de sa maison, et de surveiller sa peau au niveau

des pieds.

3.5.3 Autonomiser la marche

Amélioration de la qualité de la marche de la patiente

Tout d’abord le déroulement du pas : elle le travaille en marchant sur une ligne ; je

lui précise qu’elle doit poser d’abord le talon puis la plante du pied pour finir par la pointe ;

la marche sur une ligne permet aussi de diminuer le polygone de sustentation et

d’augmenter la difficulté en ajoutant un déséquilibre à la marche.

Pour la dissociation des ceintures nous effectuons la marche guidée avec deux

bâtons qui nous relient horizontalement : je suis derrière, un bâton dans chaque main et je

rythme le mouvement des bras lors de la marche. Trop douloureuse pour la patiente, la

marche sur les pointes de pied se révèle impossible durant toute la rééducation mais

j’alterne de temps en temps avec la marche sur les talons qui est réalisable à J50 et qui lui

permet d’intégrer les releveurs dans le schéma de marche et stimuler sa sensibilité les pieds

nus.

Capacité à monter et descendre les escaliers de façon

autonome

Les escaliers, impossibles à réaliser au bilan d’entrée, sont travaillés à J52 une fois

les déficits moteur et sensitif diminués. D’abord la patiente essaye de les monter en

asymétrique : je lui explique que pour la montée c’est le membre inférieur gauche, le plus

fort des deux, qui monte en premier ; pour la descente il faut en revanche commencer par

le droit puis le gauche. Elle se tient des deux mains, la descente des escaliers lui procure

des douleurs dans les pieds. Puis nous tentons la montée symétrique. La descente reste

difficile à J55 à cause des douleurs provoquées dans les pieds. A J60 elle monte les

escaliers en symétrique et les descend en asymétrique.

Capacité d’autonomiser dans les AVQ et activités de loisirs

Ce travail se fait en association avec celui des ergothérapeutes. La patiente décrit

une fatigabilité lors des activités fines telles que l’écriture et la couture : les muscles de la

main gauche sont peu endurants. Nous les travaillons alors en analytique en kinésithérapie

et en ergothérapie la patiente travaille dans le fonctionnel. Nous commençons par travailler

les prises digito-digitales, interdigitales qui permettent la tenue du stylo (la patiente est

gauchère), la couture. Pour cela elle effectue de nombreuses répétitions à faible résistance

Page 21: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

17

afin de cibler l’endurance. Elle va ensuite serrer des balles en mousse de différentes

résistances mais aussi travailler les différentes prises à l’aide de bouteilles d’eau d’abord

vides puis remplies progressivement.

3.6 Bilans de sortie à J65

3.6.1 Bilan des douleurs

La patiente sort avec comme traitement de l’Alprazolam, du Laroxyl, du

Neurontin, du Transipeg, du paracétmol si besoin, du Tahor et du Kardegic. Globalement

les douleurs ont diminué. Mme L. présente toujours des douleurs neuropathiques

permanentes cotées à 8/10 au niveau des pieds à type de brulure et fourmillement. Il

persiste une sensation de froid localisée à la plante des pieds, aux talons mais qui varie de

localisation à droite. Les douleurs sont plus intenses la nuit. Le questionnaire DN4 donne

un résultat de 6/10. Il persiste des allodynies au niveau du cou de pied droit lors de la

descente des escaliers et de la position chevaliers servant cotées à 7/10 à l’EN.

3.6.2 Bilan sensitif :

Sensibilité superficielle :

La patiente présente une douloureuse sensation de froid face plantaire des pieds (S1). Elle

a retrouvé la sensibilité thermo algique : le test de chaleur à 45° est positif.

Le tact cutané :

Le test de pique touche montre une hypoesthésie sur le territoire de S1 pour le pied droit.

Sensibilité discriminative : le test de Weber, [4]

Localisation Pied droit Pied gauche Valeur seuil normale

Pulpe des orteils 12 mm 10 mm 10 mm

Talon 22 mm 21 mm 18 à 20 mm

Sensibilité profonde

La sensibilité statesthésique : elle est correcte au niveau des deux pieds

Sensibilité subjective

Mme L. présente toujours des paresthésies à type de brûlure et fourmillements dans les

pieds. Il y a hypoesthésie au pied droit, face plantaire et dorsale.

3.6.3 Bilan articulaire :

L’amplitude en flexion dorsale de cheville bilatéralement est de 5 degré genoux tendus.

Page 22: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

18

3.6.4 Bilan musculaire

Bilan quantitatif : L’évaluation met en avant des muscles à droite cotés à 4 pour le droit

fémoral et le biceps fémoral, cotés à 3 pour les muscles de la cheville et du pied. Au

membre inférieur gauche les muscles restés déficitaires sont le tibial postérieur côté à 3+ et

les fibulaires à 4. Les interosseux restent côtés à 2 en bilatéral. (Annexe X)

3.6.5 Bilan fonctionnel

L’équilibre : L’équilibre bipodal est maintenu pendant une durée illimitée les yeux ouverts,

fermés, avec déstabilisations. La station unipodale sur plan instable et les yeux ouverts est

tenue 4 secondes à droite et plus de 5 secondes à gauche sans l’aide des membres

supérieurs et sans déstabilisations.

La marche : La marche, moins instable, nécessite toujours l’aide d’une canne côté gauche

et d’un releveur type Boxia © côté droit. Le périmètre de marche sans s’arrêter est passé à

300m. La marche se fait avec un bon déroulement du pied, attaque par le talon : la phase

taligrade est acquise. Il y a dissociation des ceintures mais pas de ballant des bras, la

patiente reste crispée à la marche. Elle réalise le time up and go test en 19 secondes sans

l’aide des membres supérieurs. La montée des escaliers se fait en symétrique, la descente

en asymétrique à cause des douleurs dans les pieds.

Les activités de la vie quotidienne : la patiente est autonome pour se coiffer : elle a moins

de difficultés. Elle est autonome pour le relevé de chute et le transport de charge mais

précise qu’elle aura de l’aide pour son déménagement. Elle va bénéficier d’une aide-

ménagère à domicile.

Page 23: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

19

4 Discussion : stratégies kinésithérapiques dans le

traitement des douleurs neuropathiques

Lors de la prise en charge de Mme L, j’ai posé comme objectif principal de

diminuer les douleurs qu’elle ressentait. A sa sortie elles sont atténuées mais restent encore

importantes. Malgré le traitement antalgique, la prise en charge par le centre anti-douleur et

les techniques kinésithérapiques classiques, les résultats n’ont pas été très probants. Ces

douleurs, très complexes à traiter, font parties des symptômes fréquents dans le syndrome

de Guillain barré [2,3,11]. La prévalence des douleurs neuropathiques est estimée à 7-8%

de la population en Europe [12,13] : ces douleurs ont un impact sur la qualité de vie des

patients à long terme. Ces résultats ne sont donc pas surprenants mais décevants car ils ont

gêné la patiente malgré le traitement antalgique et kinésithérapique mis en place. De plus, à

cause de l’association des troubles sensitifs et des douleurs qu’elle présentait au niveau des

pieds, son profil psychologique commençait à se dégrader. A ce jour avec un peu de recul

sur ma prise en charge, je me demande quelle est la place du concept de rééducation

sensitive de la douleur et des nouvelles techniques dans la prise en charge des douleurs de

Mme L. Auparavant j’expliquerai le mécanisme des douleurs neuropathiques et leur

complexité puis j’approfondirai sur les techniques classiques utilisées dans le cas de ces

douleurs. J’explorerai enfin les autres techniques pour en connaître l’efficacité et la validité

dans le cadre de Mme L.

1. Physiologie des douleurs neuropathiques

La douleur est définie d’après l’International Association for the Study of Pain

(IASP) comme une « expérience subjective sensorielle et émotionnelle désagréable,

associée à un dommage tissulaire présent ou potentiel ou décrit en termes d’un tel

dommage » [14]. Elle peut-être générée à partir de différentes sources : douleur par excès

de nociception (stimulation des récepteurs périphériques), douleur neuropathique (par

dysfonction du système nerveux périphérique ou central), douleur fonctionnelle ou encore

psychogène.

Seules les douleurs neuropathiques nous intéressent ici. Elles se différencient des

douleurs nociceptives par leur physiopathologie et leur expression : les douleurs

nociceptives sont « mécaniques » alors que les douleurs neuropathiques touchent les voies

Page 24: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

20

neurologiques. C’est le cas de Mme L. La transmission du message nociceptif se fait de la

périphérie au niveau des nocicepteurs, se propage le long des fibres nerveuses de petit

calibre et entre dans la corne postérieure de la moelle épinière. De là ce message monte

dans les cordons latéraux et postérieurs de la moelle et va informer le tronc cérébral,

l’hypothalamus, le thalamus, le système limbique et le cortex cérébral. Tout le long du

trajet il existe des points de modulation de ce message. Au niveau de la moelle épinière il

existe un filtre modulateur de très grande importance appelé « la porte », décrit sous le

nom de théorie du « gate control » par Patrick Wall et Ronald Melzack en 1965. Le

message douloureux transite à travers cette porte qui peut être plus ou moins ouverte. Le

débit de ce message peut donc être augmenté, réduit ou même totalement diminué. Plus la

porte est ouverte, plus le message douloureux est perçu comme intense [14]. Au niveau

supérieur il est possible de lutter contre ce phénomène douloureux par le biais des voies

descendantes. Il a été récemment proposé de définir cette douleur neuropathique comme

« une douleur associée à une lésion ou une maladie affectant le système somatosensoriel »

[12].

Ces douleurs sont responsables d’une réduction des influx (« désafférentation »)

provenant de la région rapportée comme douloureuse, et sont attribuées à un

dysfonctionnement des mécanismes de contrôle de la transmission des messages

nociceptifs. Elles sont le plus souvent de survenue spontanée et accompagnées de

dysesthésies, paresthésies, allodynies et hyperpathies associées, décrites en tant que

fourmillements, picotement, démangeaisons ou engourdissement [12].

Les mécanismes périphériques les plus documentés chez l’animal incluent

l’apparition de décharges d’activités anormales dites « ectopiques » au sein des nerfs lésés.

Un des mécanismes centraux les plus documentés des douleurs neuropathiques est la

sensibilisation centrale, qui correspond à une hyperexcitabilité des neurones nociceptifs

centraux liée à une modification directe de leurs propriétés électrophysiologiques. D’autres

arguments expérimentaux suggèrent l’intervention de phénomènes de désinhibition

segmentaire [13].

Il est toutefois important de ne pas oublier que la douleur est un phénomène

subjectif puisqu’elle peut être ressentie différemment en fonction des individus mais aussi

par une même personne selon son environnement. Cette différence s’explique par le lien

étroit entre la douleur et le contexte psycho-social. En effet l’imagerie cérébrale a permis

de montrer que les centres cérébraux responsables de la perception de la douleur sont

étroitement liés aux centres des émotions. Ce lien a été mis en évidence par des études

Page 25: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

21

montrant qu’un individu dont l’attention est sollicitée ressentira moins la douleur qu’un

individu focalisé sur l’évènement douloureux [5]. Cette caractéristique est particulièrement

intéressante et il est important de ne pas l’oublier dans la prise en charge des douleurs.

2. Les méthodes dites classiques :

Le massage constitue l’un des premiers et des plus anciens soins de la douleur.

Largement utilisé dans la rééducation il est supposé apporter relaxation, diminution de

l’angoisse et réduction de la douleur [15]. Le massage est une bonne méthode pour établir

une relation soigné-soignant de qualité, et faciliter l’adhésion du patient à la prise en

charge pluridimensionnelle qui lui est proposée. Son action antalgique est fonction des

techniques utilisées. Il a trois types d’action possible sur les douleurs, le plus souvent

complémentaires [16]. On lui reconnaît d’abord une action locale sur la peau, les tissus

cellulaires sous cutanés et les muscles. Il a une action mécanique en libérant les adhérences

et en diminuant les contractures. Ensuite il a une action à distance sur le système

nerveux : d’abord par la théorie du Gate Control, un massage doux et mesuré

déclencherait des influx qui emprunteraient le trajet des fibres A-béta myélinisées de gros

calibre à conduction rapide. Cette stimulation inhiberait partiellement ou totalement les

activités spontanées des cellules de la corne dorsale de la moelle épinière (substance

gélatineuse de Rolando) fermant ainsi la « porte » aux messages nociceptifs, filtrés avant

d’atteindre la cellule cible. Mais il agit aussi sur la théorie de la « contre-irritation » : ce

phénomène aussi appelé Diffuse dixius inhibitory controls, consiste à appliquer un

massage appuyé qui déclencherait des influx à destination des inhibiteurs descendants sur

la substance gélatineuse. Ce type de massage plus difficile à appliquer n’est pas toujours

bien accepté par les patients. Les techniques pouvant être utilisées sont variées : massages

réflexes, auriculothérapie, massage chinois,…Toujours par action locale sur le système

nerveux, le massage entraîne la détente physique et psychique par action sur le système

nerveux végétatif parasympathique : la relaxation passive ainsi obtenue induirait l’antalgie.

La dernière action du massage est bien sûr d’ordre relationnel et psychologique :

l’écoute du malade et le contact manuel de la zone douloureuse jouent un rôle bienfaisant

et il est important de ne pas sous-estimer l’effet placebo du massage qui détourne

l’attention du sujet [16]. Cependant il n’existe aucune preuve de son efficacité sur les

douleurs neuropathiques en elles même [17]. Cette technique reste donc facile à utiliser,

efficace et à moindre coût pour la société. Malgré cela pour Mme L, le massage reste

Page 26: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

22

discuté : en effet elle présente des allodynies à la face plantaire des deux pieds ; il faut

donc trouver d’autres stratégies thérapeutiques. En général, malgré plusieurs enquêtes

auprès des patients montrant que les massages sont situés en tête des traitements considérés

comme efficaces, il existe peu d’études randomisées traitant du sujet[15].

Les ultra-sons sont utilisés pour leur action mobilisatrice et défibrosante sur les tissus

mous. Utilisés en continu ils ont un effet antalgique mais aucune étude n’a été retrouvée

concernant leurs effets sur les douleurs neuropathiques. En revanche des études ont montré

leur efficacité sur les douleurs musculaires [15,17].

Le TENS ou SETA (Stimulation Electrique Transcutanée Antalgique) qui agit par

l’augmentation de la sécrétion d’endorphine ou sur la théorie du gate control a fait ses

preuves sur les douleurs chroniques [18,19]. Les courants TENS agissent sur les

mécanismes du contrôle douloureux c’est-à-dire le système porte, analgésie

d’hyperstimulation, contrôle inhibiteur diffus de la nociception [20]. Il a été démontré en

effet, qu’ils pouvaient entraîner une diminution de l’activité cellulaire de la corne dorsale,

la production de neuropeptides opioïdes, de gaba, de sérotonine en particulier. Ces divers

mécanismes sont dépendants des conditions de stimulation. On considère, à l’heure

actuelle, que la stimulation nerveuse transcutanée peut se faire selon trois modes :

- le mode conventionnel qui réalise une activation du contrôle de la porte grâce à

une stimulation d’intensité faible, à fréquence « élevée » (100 Hz).

- le mode endorphinique ou acupuncture like (altens) est une stimulation à

intensité élevée et à fréquence basse (1-5Hz). L’intensité doit être suffisante pour

provoquer des contractions musculaires au moins visibles ; ce mode de stimulation

entraînerait une production d’opioïdes qui agissent à la fois au niveau du filtrage

médullaire comme dans l’activation des mécanismes inhibiteurs descendants.

- le mode de stimulation intense et brève associe une intensité élevée et une

fréquence élevée (supérieure à 100 Hz). La stimulation doit être désagréable mais

tolérable; ce mode de stimulation mettrait en jeu le système du gaba [20].

Dans le cadre des douleurs neuropathiques le TENS a pour but de renforcer les

systèmes inhibiteurs défaillant de la douleur [21]. Pour Cruccu et col. la SETA (courant de

basse fréquence) peut s’utiliser dans le cadre les douleurs neuropathiques (recommandation

grade C). Kumar et col ont étudié l’effet antalgique du TENS sur les douleurs

neuropathiques d’origine diabétique et leurs résultats sont très concluants [17]. Enfin il est

Page 27: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

23

encore difficile de différencier l’effet du TENS conventionnel et son effet placebo sur ces

douleurs [22].

Les vibrations mécaniques transcutanées consistent à appliquer sur la zone

douloureuse ou hyposensible et son pourtour immédiat des vibrations mécaniques. Cette

technique a connu un réel essor à partir des années 1990 grâce aux travaux de Roll et

Neiger. Deux mécanismes complémentaires peuvent être suggérés : le premier fait appel à

une réduction de la douleur via le mécanisme du gate control qui a montré que les

afférences non douloureuses de grand diamètre renforçaient l’inhibition spinale sur le

transit des afférences douloureuses. Le second mécanisme de réduction de la douleur

pourrait être d’origine centrale et résulter de la réorganisation corticale associée à la

rééducation. Cette technique a prouvé son efficacité sur les douleurs neurologiques[23].

Pour les douleurs neuropathiques d’origine périphérique, l’association des vibrations

mécaniques et du TENS entraîne une diminution des douleurs mais il n’existe pas de

niveau de preuve suffisant permettant d’avancer l’efficacité isolée plus importante des

vibrations mécaniques par rapport au TENS [17] .

3. Le concept de rééducation sensitive de la douleur :

La rééducation sensitive est depuis longtemps une technique appliquée afin de stimuler

la sensibilité ; plus récemment Spicher s’appuie sur les techniques classiques de

rééducation sensitive et présente un nouveau concept : la rééducation sensitive de la

douleur.

La rééducation sensitive de la douleur, comme son nom l’indique, a pour but de traiter

la douleur neuropathique. Elle comprend cinq techniques qui sont :

- la rééducation de l’hyposensibilité,

- la contre-stimulation vibrotactile à distance effectuée en présence d’une

allodynographie positive,

- la rééducation de l’hyposensibilité sous-jacente lorsque l’allodynographie devient

négative ,

- la désactivation des signes d’irradiation provoquée,

- et enfin la désensibilisation par vibrations mécaniques du site de lésions axonales

[24].

Page 28: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

24

Le thérapeute doit en tout premier point, savoir si ces douleurs sont consécutives à

un contact cutané ou non. En effet, en rééducation sensitive, « l’état de la peau peut […]

être soit hypoesthésique, soit hypersensible au toucher ». L’hypoesthésie de la peau est la

première indication de l’utilisation de cette méthode ; puis viennent les allodynies

mécaniques en deuxième indication. Après plusieurs années d’esthésiographie, des études

ont prouvé l’existence d’une hypoesthésie sous-jacente à une allodynie mécanique [24].

Dans la rééducation de l’hyposensibilité différentes techniques sont utilisées. La

rééducation des tracés effectuée à l’aide de deux crayons avec une gomme à leur

extrémité. Elle consiste à faire reconnaître au patient le type de toucher effectué puis leur

localisation sur la peau sans l’aide de la vision : différencier un toucher de la gomme fixe

et mobile, un toucher mobile de la gomme droit et courbe et un toucher de la gomme fixe,

droit et courbe [4,24]. La thérapie du touche à tout, effectuée 4 à 5 fois par jour, pendant

5 minutes, est la continuité de cette première technique : accessible à tous les patients il

suffit que la personne puisse discriminer deux points statiques. Elle consiste, pour le

patient, à explorer tout ce qui lui passe par la main dans la journée puis de le vérifier avec

son autre membre non lésé : il compare ses sensations « bizarres » aux sensations connues

[4,24,25]. Cet aspect de la rééducation de l’hyposensibilité est très important car il permet

une comparaison avec le toucher antérieur, avec la vie avant l’accident. Cependant il

nécessite la présence hebdomadaire du thérapeute sinon le patient risque de se décourager

en essayant des différenciations trop difficiles [4]. La thérapie est effectuée 4 à 5 fois par

jours pendant cinq minutes consécutives [24].

La contre-stimulation vibrotactile a distance (CSVD) est une technique de

rééducation sensitive qui utilise un agent thérapeutique tactile et vibratoire pour permettre

au patient de percevoir un stimulus non nociceptif de manière non nociceptive sur un

territoire initialement allodynique ; autrement dit, le patient se réapproprie sa peau,

centimètre carré par centimètre carré. L’hypersensibilité au toucher doit d’abord être

diminuée par un travail à distance avant de pouvoir traiter directement l’hypoesthésie sous-

jacente. Cette technique s’effectue de deux façons : la contre-stimulation tactile à domicile

qui consiste à toucher huit fois par jour la zone de travail (zone à distance de la zone

hypersensible) avec une texture très douce pendant une minute. La contre-stimulation

vibratoire, de durée inférieure à une minute, qui est appliquée par le thérapeute sur la zone

de travail avec un générateur de vibration (100 Hz). Lors de la première séance

Page 29: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

25

d’évaluation, la stratégie thérapeutique va consister pour le thérapeute en un choix entre

ces deux techniques.

Mais en plus la méthode de rééducation sensitive de la douleur compte trois autres

techniques complémentaires qui sont [24] :

- La rééducation de l’hyposensibilité sous-jacente lorsque l’allodynie a disparu : c’est

une adaptation de la rééducation de l’hyposensibilité,

- la désactivation des signes d’irritation provoquée,

- la désensibilisation par vibrations mécaniques du site de lésions axonales : c’est la

technique de la desensitization ; même si son efficacité sur le névrome est prouvé

elle n’a pas d’effets décrits dans la littérature sur les douleurs neuropathiques

spontanées [24,25].

L'hypoesthésie diminue grâce à la rééducation de l'hyposensibilité basée sur la

neuroplasticité du système somesthésique [24]. Dans le cas de Mme L. cette rééducation

est intéressante certes par la diminution de l’hypoesthésie mais elle peut être discutée : en

effet lorsqu’elle était à l’hôpital j’ai appliqué la thérapie du touche à tout sur ses pieds. Or

cette thérapie normalement s’applique avec un membre sain en référence. Mme L. n’en a

pas et donc pour elle il aurait été intéressant d’appliquer la contre-stimulation vibro-tactile

à distance de la zone allodynique. Cependant si la description du concept est bien détaillée

et diffusée dans des articles publiés, si des formations sont proposées pour maitriser la

technique, il n’existe que peu de preuves de son efficacité par des études cliniques

sérieuses.

4. Les techniques « nouvelles » en devenir

Avec l’avancée des techniques d’imagerie les chercheurs ont pu mieux comprendre

la plasticité du cerveau. Ainsi chez les patients douloureux chroniques il existe des

changements au niveau de la topographie corticale de la partie du corps impliquée. Il existe

un lien entre la réorganisation corticale et l’intensité de la douleur : ces changements

corticaux peuvent retourner à la normale une fois la douleur diminuée. Outre ces

découvertes, l’existence de neurones miroirs a été mise en évidence. Ce sont des cellules

spécialisées du cerveau, dont le processus contribue à la production d’un mouvement

moteur. Ces neurones s’activent aussi bien à travers l’observation et l’imagination que

dans l’exécution du mouvement [26]. Ils font partie d’un haut processus cognitif qui aide

Page 30: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

26

lors des apprentissages individuels d’autres actions incluant l’imitation et l’observation et

leur dysfonctionnement serait à l’origine des douleurs chroniques [27].

Les nouvelles informations concernant les changements corticaux chez les patients

douloureux chroniques ont donc entraîné une réévaluation du traitement typique « bottom-

up » (ascendant) de la douleur se focalisant sur les stimuli périphériques nociceptifs. Plus

récemment les études sur les douleurs neuropathiques se sont intéressées au processus

cortical « top-down » (descendant) de la douleur [27]. Les techniques d’imagerie motrice

sont des techniques du paradigme « top-down » désigné pour traiter la douleur chronique :

paradigme qui s’appuie sur la plasticité cérébrale, le remodelage des aires corticales en

fonction des informations sensorielles afférentes et des commandes motrices efférentes

[28,29]. Ces techniques ont leur intérêt dans le traitement des douleurs neurologiques

aigues et chroniques, centrales et périphériques [28].

4.1.1 La reconnaissance de latéralité : une technique peu efficace

lorsqu’elle est utilisée de façon isolée

La reconnaissance de latéralité consiste à ce que le patient reconnaisse

correctement différentes images d’une partie du corps en mentionnant la latéralité. Le

patient doit reconnaître si c’est une image de la main droite ou celle de la main gauche. On

augmente la difficulté en augmentant le nombre d’images et en diminuant la durée de la

reconnaissance. L’hypothèse sous-jacente de cette technique est que la capacité à

reconnaître la latéralité dépend d’un schéma corporel intact [27]. Malheureusement cette

technique utilisée seule ne présente pas d’efficacité réelle sur la douleur chronique [28].

4.1.2 L’imagerie motrice (IM) : un concept en voie de développement

L’imagerie motrice peut se définir comme « la capacité de se représenter

mentalement une action sans l’exécuter physiquement » [29], alors que la pratique mentale

par imagerie motrice implique en rééducation la répétition des actions simulées

mentalement afin d’améliorer ultérieurement l’exécution physique (EP). La pratique

mentale (PM) par IM est utilisée depuis longtemps pour l’amélioration des performances

motrices chez les athlètes, récemment utilisée en neurosciences. Elle représente un

processus cognitif complexe impliquant des mécanismes sensoriels et perceptifs qui

permettent la réalisation des actions motrices spécifiques à l’aide de la mémoire de travail.

Il existe deux techniques d’imagerie motrice :

Page 31: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

27

- Imagerie externe : le sujet imagine un mouvement réalisé par un tiers, stimulation

visuelle.

- Imagerie interne : le sujet imagine le mouvement réalisé par lui-même stimulation

kinesthésique et visuelle [30].

L’efficacité de l’imagerie motrice est conditionnée par la capacité du sujet à réaliser

une représentation mentale correcte du mouvement en termes de clarté et de durée, par la

familiarité de la tâche, par l’intégrité de la mémoire de travail et par la motivation du sujet.

Elle représente en effet un substitut efficace lorsque l’exécution réelle est difficile ou

impossible. On demande au patient d’imaginer des mouvements sans douleur. Imaginer le

mouvement des mains équivaut à activer les zones du cerveau similaires à l’exécution du

mouvement[27]. L’imagerie motrice est cependant moins efficace que la thérapie miroir

dans le traitement des douleurs chroniques [28].

4.1.3 La thérapie miroir : une technique efficace

Introduite par Ramachandran en 1992, la technique du miroir consiste à ce que la

personne qui regarde un membre sain dans un miroir placé dans le plan sagittal et décalé

vers le côté controlatéral, a l’illusion qu’il s’agit du membre homolatéral lésé caché

derrière le miroir. L’effet de cette technique est de tromper le cerveau entre les

informations sensorielles et douloureuses qu’il a, et les informations visuelles qu’il reçoit.

Ce phénomène est présent quand le membre vu dans le miroir est statique, et favorisé

lorsqu’il est animé d’un mouvement. Le principal objectif de la thérapie miroir est

clairement la douleur. Une première hypothèse fait référence à la correction de la

discordance entre le système moteur et le système somatosensoriel. En effet la thérapie par

miroir permettrait d’améliorer la perception sensorielle du membre affecté en apportant un

feedback visuel faux et ainsi restaurer une relation sans douleur entre l’intention motrice et

le feedback sensoriel [28,31]. Des données actuelles mettent en avant l’efficacité de la

thérapie miroir dans le traitement des douleurs liées à l’algoneurodystrophies et douleurs

fantômes ainsi que sur l’hémiplégie mais on ne retrouve pas d’essais cliniques dans la

littérature pour les douleurs liées à une atteinte périphérique[32–34]. Une méta-analyse a

été faite en 2013 pour traiter de l’efficacité isolée de cette technique : les résultats sont

meilleurs que pour la reconnaissance de latéralité ou l’imagerie motrice sur les douleurs

[28]. Pour cette technique Mme L. fait face à un handicap important : ses deux pieds sont

douloureux, certes plus à droite, mais aucun n’est référent sain. Son atteinte bilatérale

Page 32: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

28

pourrait représenter une limite à cette technique et la douleur installée pourrait être

diminuée par le leurre du cerveau. Cependant je n’ai pas trouvé de littérature traitant de

cette limite. De plus la plupart des études sont effectuées sur des pathologies centrales et

non périphériques.

4.1.4 Graded motor imagery : un programme en voie de développement

Le Graded Motor Imagery (GMI) (ou imagerie mentale progressive) est un

programme qui intègre la reconnaissance de latéralité, l’imagerie motrice (IM), et la

thérapie miroir. Ce programme, introduit par Butler & Moseley, consiste à « entraîner le

cerveau ». Puisque la modification du cortex favorise l’installation de douleurs chroniques,

sa réorganisation doit mener à leur diminution, voire disparition [27]. La GMI est

composée de trois phases. La première phase consiste à réaliser une tâche d'IM implicite de

reconnaissance de latéralité de segments corporels. La deuxième phase correspond à une

tâche d'IM explicite : le patient observe des images présentant différentes positions

corporelles et doit s'imaginer les reproduire sur lui-même. La troisième phase est celle de

la boite miroir où le patient observe, par l'intermédiaire d'un miroir, son membre

controlatéral sain effectuer des mouvements. Ceci permet l'activation des zones cérébrales

correspondant au côté douloureux.

Une revue systématique parue au mois de janvier 2013 dans « The Journal Of

Pain » présente l’analyse du GMI et de ses composants de façon isolée en retenant six

essais contrôlés randomisés. Les résultats suggèrent que l'utilisation du GMI et de la

thérapie miroir seule sont efficaces dans le traitement des douleurs chroniques. Il serait

souhaitable cependant d’avoir des études plus approfondies [28].

On retrouve une littérature scientifique, traitant là-dessus, dominée par les articles

du professeur Moseley (23 des 45 références proposées dans la section portant sur les

preuves scientifiques du récent ouvrage sur le GMI).

Selon Moseley : Trois de ses RCTs (randomized controlled trial) comparant le

GMI à une prise en charge classique ont montré une amélioration significative des

symptômes à 6 semaines du traitement[28,32]. L’efficacité de ce programme a été mis en

évidence dans le traitement des douleurs mais le professeur ne s'est intéressé pour l'instant

qu'à une certaine population de douloureux chroniques (syndrome douloureux régional

complexe particulièrement)[28,35]. L'étude de Johnson [36] ne retrouve pas cette

efficacité.

Page 33: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

29

Selon Johnson : Cette fois, pas de RCT mais un conduit prospectif auprès de deux

centres britanniques et incluant un total de 32 patients avec un diagnostic de syndrome

douloureux régional complexe. Un traitement comprenant GMI et de la physiothérapie a

été appliqué à l'ensemble de ces patients pendant une moyenne de plus de 6 semaines. Une

évaluation a été faite au départ, à chaque changement de niveau de progression et en fin de

traitement. Au final, seulement 3 patients sur 32 ont rapporté une diminution de leur

douleur d'au moins 50%.

Johnson émet certaines hypothèses pouvant expliquer ce manque de résultats.

D’abord les thérapeutes n'utilisaient pas uniquement le GMI. Ensuite cette étude

prospective est différente d'une RCT : il est possible que les résultats des RCTs aient pu

être modifiés par le simple fait que les sujets savaient qu'ils participaient à une étude, qu'ils

recevaient beaucoup d'attention et que leurs résultats seraient observés avec beaucoup

d'intérêt. Enfin, le protocole du GMI utilisé dans les centres a été modifié par rapport à

celui des RCTs : il y avait ainsi moins de temps de contact entre patients et thérapeutes (un

rendez-vous toutes les 2 à 4 semaines) et une plus faible fréquence de pratique des

exercices. C'est bien ce dernier point qui a été souligné par Moseley et Butler. Tous deux

préconisent une pratique journalière intensive sans en définir une durée exacte : les RCTs

utilisent un programme journalier composé d'un travail sous supervision du

physiothérapeute et d'exercices personnels à raison de 3 répétitions dans la progression

(soit 10-15min) toutes les heures. D'autres études semblent nécessaires pour aider les

praticiens à mieux appréhender le GMI en pratique. La conclusion de l'étude de Johnson

est d'ailleurs assez intéressante : « l'échec du traitement n'est pas nécessairement la faute du

patient ou du thérapeute mais pourrait refléter le fait que nous ne comprenons pas

pleinement quels sont les ingrédients actifs de cette intervention complexe et comment elle

s'intégrerait et interagirait avec d'autres stratégies thérapeutiques » [36]. Cependant peu

d’études ont été réalisées dans le cadre des douleurs neuropathiques d’origine périphérique.

Page 34: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

30

5 Conclusion :

La prise en charge de Mme L, 65 ans, était complexe : elle présentait des douleurs

neuropathiques dans les deux pieds et des troubles sensitifs associés à des allodynies qui la

limitaient dans ses activités de la vie quotidienne et la fatiguaient énormément. La patiente

tendait même vers la dépression, l’obligeant à voir une psychologue. Son état

psychologique était en effet conditionné par sa maladie, ses douleurs et aussi son retour à

domicile. Je me suis alors demandé quelle est la place des techniques kinésithérapiques

dans la prise en charge de ces douleurs. Après maintes recherches j’ai de plus en plus

conscience qu’au-delà des techniques classiques, l’arsenal thérapeutique en intègre de

nouvelles en voie de développement, telles que le concept de rééducation sensitive de la

douleur et les techniques d’imagerie motrice. Mais j’ai aussi appris que le traitement de ces

douleurs ne passe pas par une seule technique mais par l’association de plusieurs. Il est

important de ne pas oublier les techniques psycho-comportementales qui prennent en

compte l’aspect émotionnel de cette douleur. Enfin la stimulation magnétique

trancrânienne est une technique non kinésithérapique à l’heure actuelle qui a fait ses

preuves. Elle entre maintenant dans le traitement de ces douleurs et de plus en plus de

rééducateurs sont amenés à la réaliser en accord avec les médecins.

Page 35: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

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Page 39: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexes

Annexe I: Electromyogramme

Annexe II: Dossier de Mme. L.

Annexe III: Questionnaire DN4

Annexe IV: Evaluation de la sensibilité

Annexe V: Medical Research Concil (RMC)

Annexe VI: Bilan musculaire initial à J35

Annexe VII: Echelle de Boubée

Annexe VIII: Echelle de Berg

Annexe IX: Mesure d’indépendance fonctionnelle (MIF)

Annexe X: Bilan musculaire final à J65

Page 40: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexe I : Electromyogramme

Page 41: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexe II : Dossier de la patiente

Page 42: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de
Page 43: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de
Page 44: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexe III : Questionnaire DN4

Page 45: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexe IV : bilan de la sensibilité

Sensibilité discriminative : on détermine la distance minimale entre 2 pointes qui permet

encore au patient de discriminer un ou deux points statiques. Au niveau de la pulpe des

orteils du pied droit on retrouve une valeur seuil de la patiente qui est de 15mm et pour la

pulpe des orteils du pied gauche de 12mm pour une valeur seuil normale de 10mm. Au

talon on trouve une valeur seuil de 24mm pied droit et 22mm pied gauche pour une valeur

seuil normale de 18 à 20mm. On note la valeur minimale où la patiente a, au moins à 7

reprises sur 10, identifié correctement la stimulation de deux points. [6]

La sensibilité statesthésique : Suite au positionnement passif de la hanche et du genou dans

différentes amplitudes la patiente reconnait à 100% la bonne position. Pour le

positionnement du pied droit elle présente 50% de réponses correctes et 70% de réponses

correctes pour le pied gauche. Il existe une hypoesthésie à la sensibilité statesthésique pour

les deux pieds.

La sensibilité kinesthésique : La patiente indique de façon correcte la direction et le début

du mouvement de chacune de ses articulations lors de leurs mobilisations passives.

Page 46: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexe V : RMC (Médical Research Council)

Gauche Membres supérieurs Droite

5 Fléchisseurs d’épaule 4

5 Abducteurs d’épaule 4

5 Fléchisseurs de coude 4

5 Extenseurs de coude 4

5 Fléchisseurs de poignet 4

5 Extenseurs de poignets 4

5 Fléchisseurs des doigts 4

5 Extenseurs des doigts 4

Membres inférieurs

5 Fléchisseurs de hanche 4

5 Extenseurs de hanche 4

5 Abducteurs de hanche 4

5 Adducteurs de hanche 5

4 Fléchisseurs de genou 3

4 Extenseur de genou 3

4 Fléchisseurs de cheville 2

4 Extenseurs de cheville 4

Page 47: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexe VI : Testing musculaire analytique des membres inférieurs au bilan initial

Région Gauche Muscles Droit

Tronc Extenseurs : 5

Fléchisseurs : 4, pas de dysmétrie

Hanche

5 Iliopsoas 4

4 Grand fessier 3+

5 Moyen fessier 4

5 Adducteurs 5

5 Pelvitrochantériens 5

5 Rotateurs médiaux 5

5 Sartorius 3+

5 Tenseur du fascia lata 3+

Genou

5 Droit fémoral 3+

5 Quadriceps 4

5 Vastes 4

3+ Biceps fémoral 3+

4 Semi-tendineux et

membraneux

4

Cheville/ Pied

3+ Tibial antérieur 2

4 Long extenseur de

l’hallux 2

4 Long extenseur des

orteils 2

4 Court extenseur des

orteils 2

4 Long fibulaire 2+

4 Court fibulaire 2+

3 Tibial Postérieur 3

4 Gastrocnémiens 4

4 Triceps 4

4 Soléaire 4

5 Long fléchisseur des

orteils

5

5 Court fléchisseur des

orteils

5

2 Interosseux et

Lombricaux 2

5 Long fléchisseur de

l’hallux

4

5 Court fléchisseur de

l’Hallux

4

Page 48: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexe VII : Test de Boubée

Page 49: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexe VIII: Echelle de Berg

Page 50: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de
Page 51: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexe IX : Mesure d’indépendance fonctionnelle (MIF)

Page 52: A propos de la douleur neuropathique : stratégies de

Annexe X : Testing des membres inférieurs bilan final

Gauche Muscles Droit

Hanche

5 Iliopsoas 5

4 Grand fessier 4

5 Moyen fessier 5

5 Adducteurs 5

5 Pelvitrochantériens 5

5 Rotateurs médiaux 5

5 Sartorius 4

5 Tenseur du fascia lata 4

Genou

5 Droit fémoral 4

5 Quadriceps 5

5 Vastes 5

4 Biceps fémoral 4

5 Semi-tendineux et membraneux 4

Cheville/ Pied

4 Tibial antérieur 3

5 Long extenseur de l’hallux 3

5 Long extenseur des orteils 3

4 Court extenseur des orteils 3

4 Long fibulaire 3

4 Court fibulaire 3

3+ Tibial Postérieur 3+

5 Gastrocnémiens 4

5 Triceps 4

5 Soléaire 4

5 Long fléchisseur des orteils 5

5 Court fléchisseur des orteils 5

2 Interosseux et lombricaux 2

5 Long fléchisseur de l’hallux 4

5 Court fléchisseur de l’hallux 4