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Qui étaient les Arvernes ? Les Arvernes apparaissent dans l’histoire à la fin du III ème siècle av. J.-C., dans le récit de la seconde guerre punique. Selon l’historien latin Tite-Live, qui écrit deux siècles après les événements, les troupes d’Hasdrubal auraient en effet reçu le concours des Arverni lors de leur traversée du Languedoc, en 207, ce qui situe ce peuple non loin de la Méditerranée. Les sources ne deviennent nombreuses qu’un siècle plus tard, à la suite de la confrontation militaire des Arvernes avec les armées romaines dans la vallée du Rhône. Au II ème siècle av. J.-C., les Arvernes disposaient donc, si l’on en croit les auteurs classiques - notamment Strabon -, d’une grande puissance militaire et d’un pouvoir qui s’étendait à l’échelle de la Gaule. Comme cette réputation rehaussait le prestige des troupes romaines qui avaient anéanti l’armée arverne de Bituit dans la vallée du Rhône en 121, on peut soupçonner nos sources, toutes du parti des vainqueurs, d’avoir quelque peu exagéré la réalité. La brève mais brillante apparition de Vercingétorix sur le devant de la scène militaire au cours de la dernière année de 1

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Qui étaient les Arvernes ?

Les Arvernes apparaissent dans l’histoire à la fin du IIIème siècle av. J.-C., dans le récit de la seconde guerre punique.

Selon l’historien latin Tite-Live, qui écrit deux siècles après les événements, les troupes d’Hasdrubal auraient en effet reçu le concours des Arverni lors de leur traversée du Languedoc, en 207, ce qui situe ce peuple non loin de la Méditerranée. Les sources ne deviennent nombreuses qu’un siècle plus tard, à la suite de la confrontation militaire des Arvernes avec les armées romaines dans la vallée du Rhône.

Au IIème siècle av. J.-C., les Arvernes disposaient donc, si l’on en croit les auteurs classiques - notamment Strabon -, d’une grande puissance militaire et d’un pouvoir qui s’étendait à l’échelle de la Gaule. Comme cette réputation rehaussait le prestige des troupes romaines qui avaient anéanti l’armée arverne de Bituit dans la vallée du Rhône en 121, on peut soupçonner nos sources, toutes du parti des vainqueurs, d’avoir quelque peu exagéré la réalité.

La brève mais brillante apparition de Vercingétorix sur le devant de la scène militaire au cours de la dernière année de la guerre des Gaules est l’occasion pour le conquérant romain de réanimer les vieux clichés de propagande : selon César, les Arvernes jouissaient un siècle auparavant du contrôle (en latin : imperium) de la totalité de la Gaule.

Bien longtemps après, au début du XXème siècle, l’historiographie française a repris à son compte le même discours, pour servir des desseins tout différents. On parle désormais, à la suite de Camille Jullian, d’un « empire arverne », première réalisation d’une nation gauloise appelée à défier les siècles et les barbares germaniques, d’Arioviste à... Guillaume II. Même en se gardant de ces excès, explicables par le contexte politique dans lequel ils ont été forgés, il n’en demeure pas moins que les Arvernes sont parmi les populations de la Gaule chevelue les plus souvent et les plus anciennement citées par les auteurs antiques ; c’est donc une de celles qui jouissaient des rapports les plus réguliers avec le monde méditerranéen.

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De là l’intérêt particulier de l’étude des vestiges archéologiques du second âge du Fer en Auvergne, intérêt rehaussé par la qualité et la densité de ces vestiges, unique à l’échelle de l’Europe moyenne. On n’insistera sur les problèmes de chronologie, pourtant cruciaux pour cette période où la France centrale entre dans l’Histoire et où l’on doit donc s’efforcer de replacer les observations archéologiques par rapports à des événements datés, comme la création de la province romaine de Gaule transalpine à la fin du IIème siècle av. J.-C., ou encore la conquête césarienne. On mesurera seulement à partir d’un exemple les progrès effectués dans ce domaine depuis quinze ans.

Au début des années 1980, il semblait en effet encore plausible de dater l’abandon du site de La Grande Borne, des années qui suivirent la conquête romaine. On pense maintenant que cela s’est produit un demi-siècle plus tôt, ce qui oblige à revoir complètement l’interprétation historique du phénomène.

Selon les sources antiques, on peut donc supposer qu’une population qui se désignait elle-même sous le nom d’Arvernes habitait dans le nord du Massif Central au moins depuis la fin du IIIème siècle avant J.-C. On ne peut pas espérer retracer les limites de son territoire à une période antérieure à la conquête. La délimitation de ce dernier est en revanche possible si on l’assimile à celui de la cité gallo-romaine qui lui fait suite. Celle-ci englobe la plus grande partie du diocèse de Clermont. A l’est, la limite avec les Ségusiaves est bien marquée par la ligne de crête élevée des monts du Forez. Au nord, elle s’enfonce en coin dans le département de l’Allier, au contact des Eduens et des Bituriges. A l’ouest, la limite de diocèse semble prolonger fidèlement le tracé des confins avec les Lémovices, comme l’indique la désignation comme fines sur la Table de Peutinger d’une étape de la voie de Clermont à Limoges localisée à Voingt, à la limite de département.

C’est au sud que la restitution des limites est la plus incertaine, dans des zones peu peuplées au contact de régions qui subissaient la main-mise arverne (d’ouest en est : Rutènes, Gabales et Vellaves). Le petit diocèse du Puy, qui correspond assez précisément au bassin versant de la haute vallée de la Loire en amont des gorges qui marquent son entrée dans le Forez, perpétue sans doute les limites de la cité vellave. Ainsi circonscrite, la cité arverne s’identifie à un domaine géographique centré sur la dépression des Limagnes et environnée quasiment de toutes parts de larges zones de confins bien moins hospitalières, pour lesquelles on dispose d’une documentation archéologique assez indigente sur la période. Cette indigence s’explique sans doute par une faible densité d’occupation ancienne, amplifiée par une faible activité moderne génératrice de travaux et de découvertes archéologiques.

La dépression des Limagnes bénéficie de deux avantages. C’est à la fois le point d’aboutissement de tous les itinéraires issus des massifs périphériques et une région extraordinairement propice à l’agriculture à cause de sols très fertiles et faciles à travailler, les « terres noires ». Ces qualités s’accompagnent néanmoins d’une réserve : le caractère naturellement palustre de cet environnement, qui ne peut être maîtrisé qu’au prix d’importants travaux de drainage. Le développement de l’emprise humaine sur les Limagnes exige et reflète à la fois l’émergence d’une population nombreuse et d’une organisation sociale capable de coordonner ces travaux.

On a longtemps cru que la documentation disponible sur l’occupation protohistorique des plaines de la Limagne présentait, sous son apparente richesse, des lacunes qui correspondaient à des périodes d’abandon total, en particulier pour la période moyenne de l’âge du Fer. C’est en particulier le modèle défendu par Daugas et Tixier, qui corrèlent ces supposées lacunes du

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peuplement avec des périodes de péjoration climatique. En réalité, l’affinement de la connaissance des mobiliers et la multiplication des prospections et des fouilles de sauvetage conduisent à une tout autre vision, du moins pour l’âge du fer.

On sait désormais que la période des VIIème-IVème siècle - qui correspond pourtant au maximum de la péjoration climatique de l’âge du Fer - est bien représentée, mais surtout par des sites modestes, très difficiles à repérer. Un certain nombre de ces sites a été identifié grâce au suivi systématique de travaux de drainage et de remembrement, dans le nord de la Limagne, ou encore à l’occasion de fouilles de sauvetage. Les fouilles récentes liées à la construction de la bretelle autoroutière A 71, au nord-est de l’agglomération clermontoise, ont ainsi conduit au repérage de deux sites du VIème siècle (dont un associé à un cimetière) et de deux sites du IVème siècle.

L’avancée la plus spectaculaire des connaissances concerne toutefois la période suivante, les IIIème et IIème siècle av. J.-C. Des prospections systématiques développés depuis une trentaine d’années et de la multiplication des fouilles de sauvetage, il résulte en effet une liste pléthorique de sites de tailles très diverses se rapportant à cette époque. Pour bien mesurer à quel point notre perception du peuplement régional à la fin de l’âge du Fer a été bouleversée au cours de la dernière décennie, il faut se rappeler que, jusqu’à la fin des années 1970, on ne connaissait qu’un seul site clairement identifié de cette période, celui de La Grande Borne. La densité de peuplement la plus forte est enregistrée dans la région de Clermont-Ferrand, qui est aussi la plus intensément prospectée.

(Extrait d’un article de John Collis, Jon Dunkley, Vincent Guichard, Christine Jouannet publié dans les chroniques historiques du Livradois-Forez..

Les Arvernes, peuple celtique d’Auvergne

Vincent Guichard

Parce que les Romains eurent à pâtir à plusieurs reprises de leur puissance militaire, une première fois en 121 av. J.-C., une seconde en 52 av. J.-C., les Arvernes tiennent une place particulière parmi les peuples de la Gaule. Quelques décennies après la bataille de Gergovie, le géographe grec Strabon n’hésite pas à affirmer que leur pouvoir s’étendait autrefois « sur toute la Gaule, jusqu’à Narbonne et aux confins du territoire de Marseille, des monts Pyrénées jusqu’à l’Océan et au Rhin ». C’est une formule à l’évidence excessive pour indiquer que les Arvernes furent un peuple influent à l’échelle du territoire récemment conquis par César. Elle eut pourtant une belle postérité, puisqu’elle permit aux historiens modernes, Camille Jullian en tête, de forger le concept d’un « empire arverne » qui avait défié l’envahisseur romain… comme la France de la 3ème République préparait la revanche contre l’ennemi allemand. La notion d’empire arverne a fait long feu, même si le concept a longtemps été invoqué par les numismates à l’appui de la thèse selon laquelle les Arvernes auraient longtemps eu le monopole de l’émission de la monnaie d’or en Gaule, aux IIIème et IIème siècles av. J.-C., thèse qu’il est en fait bien difficile d’étayer par les données archéologiques.

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Néanmoins, la prééminence des Arvernes dans la Gaule de la fin de l’âge du Fer ne peut être niée. Au contraire, l’intense activité de recherche archéologique menée en Auvergne ces dernières années dont ce dossier se veut le reflet dévoile une population singulièrement nombreuse, au moins dans les bassins très fertiles des Limagnes, fondée sur une agriculture prospère, douée d’un sens artistique armé avec une étonnante production de céramique peinte, sans comparaison dans le monde celtique et précocement ouverte aux contacts avec le monde méditerranéen.

Ce dossier ne prétend pas couvrir systématiquement les acquis récents de la recherche que l’on trouvera plus précisément exposés dans les actes d’un colloque récemment tenu à Clermont-Ferrand. Il propose plutôt des coups de projecteur sur quelques facettes de ces acquis. La part belle est faite aux sites majeurs que sont les trois oppida du bassin de Clermont (Corent, Gondole et Gergovie), qui font en ce moment l’objet d’importantes fouilles animées par l’Association pour la recherche sur l’âge du Fer en Auvergne, puisque c’est une originalité de l’Auvergne que de connaître encore une activité de fouilles programmées suffisamment soutenue pour structurer la recherche archéologique régionale. L’archéologie de sauvetage est également très active, notamment dans la région clermontoise.

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Les Arvernes et leurs voisins (sur fond de carte administrative de l’Auvergne ; d’après Trément 2007).

Le territoire que l’on peut restituer aux Arvernes est entièrement intégré dans les limites de la région Auvergne. Le département de l’Allier, au nord, est situé pour partie sur le territoire des Eduens et pour partie sur celui des Bituriges. La situation est plus confuse dans le sud de la région. Le département de Haute-Loire se superpose grosso modo au territoire des Vellaves, peuple client des Arvernes selon César. Leur principal oppidum semble être le plateau de Marcilhac, à quelques kilomètres de leur chef-lieu gallo-romain, Ruessio (Saint-Paulien). L’influence arverne se déployait au-delà des limites de l’Auvergne administrative, vers le sud, chez les Cadurques et les Gabales, également rangés par César parmi leurs clients.

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Les marges du territoire arverne sont peu évoquées dans ces pages, parce que l’activité de recherche y est moins intense aujourd’hui, notamment en Haute-Auvergne et dans le Velay. Le nord de la région est mieux servi, avec des résultats importants en Bourbonnais, aux confins des territoires arverne, éduen et biturige (découverte d’un nouvel oppidum à Cusset, fouille du rempart de l’oppidum de Châteloy à Hérisson...) et les nombreuses fouilles de sauvetage qui se succèdent de façon régulière dans le département de l’Allier. On attend beaucoup dans ce domaine du programme collectif de recherche sur l’habitat protohistorique fortifié en Auvergne.

Les périodes antérieures à l’entrée des Arvernes sur la scène historique, aux IIIème - IIème

siècles av. J.-C., sont également difficiles à aborder, surtout par manque de sites qui focalisent l’attention tels que les oppida et grandes agglomérations de la période finale de l’âge du Fer. On constate néanmoins que les oppida ont été précédés par des phases de perchement de l’habitat qui s’accompagnent de concentrations importantes de population dès la fin de l’âge du Bronze. Dans un autre domaine, les traces souvent ténues mais nombreuses des installations agricoles qui ont précédé l’essor démographique du IIème siècle av. J.-C. comblent progressivement un vide archéologique correspondant aux premiers siècles du second âge du Fer. Les nécropoles tumulaires du haut-plateau cantalien forment un autre beau dossier à peine valorisé aujourd’hui.

Au total, la très grande majorité de la documentation nous ramène à la période finale de l’âge du Fer et au bassin de Clermont-Ferrand. Il faut y voir le résultat de deux phénomènes superposés. Le plus évident est la forte concentration actuelle de la population et de l’activité économique dans ce secteur, ce qui engendre de très nombreuses opportunités d’explorer le sous-sol. Le second est bien le constat que cette polarisation du territoire arverne sur le bassin de Clermont-Ferrand est une affaire qui dure depuis le IIIème siècle av. J.-C., époque à laquelle commence à se constituer l’agglomération d’Aulnat-Gandaillat-La Grande Borne.

Ce territoire restreint du bassin de Clermont, qui mesure au plus 20 x 10 km, pose des interrogations qui transparaissent bien dans les pages qui suivent. A un premier regroupement d’activité en plaine sur le site d’Aulnat-Gandaillat, probablement étendu de quelque 200 ha, succède au Ier siècle avant notre ère une triade de grands oppida regroupés dans un mouchoir de poche : Corent, Gondole et Gergovie forment un triangle équilatéral de 6 km de côté, tandis que le territoire environnant ces sites semble largement déserté à la même époque. La grande question du moment est bien sûr de comprendre les raisons d’être d’un scénario aussi inhabituel dans le monde celtique. On constate que les périodes d’occupation des trois oppida ne coïncident que partiellement, avec une antériorité de Corent sur les deux autres, Gergovie étant le site qui livre les vestiges les plus récents. Les contributions qui suivent proposent différentes hypothèses : considérer pour le milieu du Ier siècle av. J.-C. ces différents pôles d’activité proches comme les éléments d’une seule métropole au tissu très lâche, qui pourrait être la Nemossos de Strabon ; réduire Gergovie au statut de première capitale romaine du peuple arverne, dans les décennies qui suivent la guerre des Gaules... Reste que les dégagements sont encore très limités sur chacun des gisements en termes de surface explorée et portent sur des vestiges de nature différente le cœur de l’oppidum à Corent, les fortifications à Gergovie, une périphérie de l’oppidum à Gondole. Il est donc prématuré de conclure et il faut se réjouir de la possibilité qui nous est donnée de poursuivre l’enquête par des chantiers ouverts simultanément sur chacun des sites clés du problème.

En dernier lieu, soulignons ce qui motive l’édition de ce dossier : rendre compte des résultats de recherches qui restent jusqu’à présent peu divulguées en dehors d’un cercle réduit de

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spécialistes, parce que les moyens ne sont pas disponibles régionalement pour restituer les travaux des archéologues au grand public. En l’absence de musée disposant de la mission de valoriser l’archéologie et pourvu des moyens ad hoc à Clermont-Ferrand, les résultats évoqués ici dorment dans des cartons. En l’absence de perspectives d’exposition, les objets sont très rarement restaurés et il est paradoxalement difficile de regrouper au pied levé suffisamment d’images de qualité pour illustrer un tel dossier. Concluons donc par un vœu : que les pouvoirs publics réunissent leurs moyens pour construire une vitrine de l’archéologie auvergnate digne d’un patrimoine que nous envie l’ensemble de la communauté scientifique européenne.

Article publié dans "L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril - mai 2008" qui nous a aimablement autorisé à le reproduire.

Le plus célèbre des Arvernes

Françoise Melmoth

Que savons-nous de Vercingétorix ?

Vercingétorix, c’est d’abord un nom propre, mentionné chez huit auteurs anciens : César, Tite-Live, Strabon, Plutarque, Florus, Polyen, Dion Cassius et Orose. A part Plutarque (qui l’estropie) et certains manuscrits de Strabon (qui offrent une variante en -rigos), toutes les sources, monnaies comprises, donnent Uercingetorix, « Roi suprême des guerriers », composé du préfixe uer(o), ‘sur-, super-’, de cinget(o)-, ‘guerrier, héros’ et de rix (= riks), ‘roi’, élément le plus fréquent des noms de personnes composés gaulois.

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Vercingétorix se rendant à César.Paul-Henry Motte, 1886. Huile sur toile. Le Puy-en-Velay, musée Crozatier.

Tous les textes évoquent l’ascendance aristocratique de Vercingétorix, issu d’une très grande famille arverne. Son père, Celtill, avait, selon César, exercé un « principat » sur la Gaule et avait été tué par ses compatriotes parce qu’il aspirait à la royauté. Strabon indique que Vercingétorix « provenait » de Gergovie (sa ville natale, la ville dont il était citoyen ?). On ignore sa date de naissance, mais César écrit en 52 av. J.-C. que Vercingétorix est adulescens. Beaucoup ont compris « adolescent » (le mythe en a souvent fait un jeune homme de 17-18 ans), alors que pour les Romains, l’adulescentia est l’âge antérieur à l’exercice des magistratures, lequel est fixé à trente ans. Vingt-sept pièces de monnaie à la légende Vercingétorix nous sont parvenues. Vingt-cinq sont des statères d’or, deux sont en bronze.

On distingue deux « types », d’après la tête qui orne le droit : l’une (série majoritaire) est représentée nue, la seconde porte un casque. Tous les visages sont différents. Si l’on avait voulu représenter un personnage connu, identifiable, correspondant au nom que porte la légende (Vercingetorixs ou Vercingetorixis), un modèle uniforme aurait été imposé. Il ne s’agit donc pas du « portrait » de Vercingétorix, mais probablement du dieu Apollon, issu de l’imitation des statères macédoniens. Le casque est ajouté à la tête d’Apollon, non à celle du chef arverne. A quoi ressemblait physiquement Vercingétorix ? La représentation « traditionnelle » du héros moustachu, aux cheveux longs flottant sur les épaules, est née sous Napoléon III.

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Couverture du livre Basse-Auvergne département du Puy-de-Dôme.Pages d’histoire par J. Semonsous, Saint-Etienne 1938.

Elle s’appuie sur des textes tels que ceux de Diodore, Strabon et César, qui continuent à véhiculer une image stéréotypée des Gaulois remontant à l’époque des migrations celtiques en Italie. Nous disposons aujourd’hui de sources, totalement inconnues au XIXème siècle, qui montrent une évolution de l’iconographie sur près de cinq siècles. Vers 475-450 av. J.-C., un prince ou un roi celte porte barbe et moustache (statue de Glauberg, près de Stuttgart). Il les conservera pendant environ deux siècles. Puis, il ne portera plus que la moustache (le Gaulois mourant de Pergame, un Galate ou Celte d’Asie Mineure de la seconde moitié du IIIème siècle av. J.-C.). A partir de la fin du IIème siècle av. J.-C., les deniers gaulois (monnayage d’argent frappé en Gaule) présentent pour la première fois une iconographie réaliste, des personnages soit en pied soit en buste, parfois accompagnés de leur nom (ou du nom du magistrat monétaire, à supposer que ce ne soit pas le même). Sur un denier d’argent éduen, par exemple, on observe qu’il n’y a plus de moustache. En outre, la chevelure est particulièrement soignée. A cela s’ajoute le texte de César, lors de sa première expédition en Bretagne (l’Angleterre) : il écrit que les habitants de l’île « portent les cheveux pendants et se rasent complètement, sauf la tête et la lèvre supérieure ». Autrement dit, ils ne se coiffent pas les cheveux et ils portent la moustache, ce que ne font plus les Gaulois. Vercingétorix était donc probablement glabre et devait porter une chevelure élaborée, avec des boucles et des mèches savamment coiffées. La panoplie militaire de Vercingétorix, telle que la montrent les tableaux et gravures du XIXème siècle, mêle des pièces qui s’échelonnent chronologiquement de l’âge du Bronze au Moyen Age. On sait aujourd’hui que Romains et Gaulois devaient être armés à peu près de la même manière. Comme tous les aristocrates de son temps, Vercingétorix combattait à cheval (la taille moyenne des chevaux au garrot dépassait rarement 130 à 135 cm), avec une selle (sans étriers) et des éperons. Le harnais des chevaux était très perfectionné et orné. Vercingétorix portait un casque en fer, couvrant la tête, les joues (protège-joues) et la nuque. Notons que ce sont les artisans celtiques qui ont lancé, au Vème siècle av. J.-C., la fabrication de ces casques en fer, qui furent adoptés par nombre de peuples. Il n’était pas torse nu (il s’agit d’un mythe ancien) mais portait la cotte de mailles, elle aussi inventée par les

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artisans celtiques vers la fin du IVe siècle av. J.-C. Son bouclier était ovale et plat (environ 1,10 m de haut et 50 à 60 cm de large), avec un umbo, protubérance souvent coiffée d’une coque métallique, prolongée par une arête verticale (spina). La lance et l’épée constituaient l’équipement offensif de base de toutes les armées de l’Antiquité. Contrairement aux Romains, équipés d’un glaive (gladius) de forme acérée, les Celtes avaient inventé une longue épée à tranchants parallèles, qui se logeait dans un fourreau en métal.

Statère de Vercingétorix.(Cliché F. Malacher).

Quelles relations Vercingétorix entretint-il avec César avant l’année 52 av. J.-C. ? Ici, deux témoignages se rejoignent, celui de Dion Cassius et celui d’Orose, qui s’inspiraient d’autres sources que la Guerre des Gaules de César. Pour eux, Vercingétorix est un traître. Christian Goudineau analyse le refus du pardon de César, tel qu’il est soigneusement expliqué chez Dion Cassius, de la façon suivante : « Vercingétorix avait été non pas dans l’amitié de César, mais en amitié avec César : ils avaient accompli tous les gestes, prononcé les serments, s’étaient mutuellement engagés. Or, Vercingétorix a fait une « antitaxis », un mot qui relève du langage militaire : on oppose une armée rangée en ordre de bataille. La traduction « rébellion » ne rend pas toute la force de l’expression. De même, le mot « trahison » rend imparfaitement « adikia » : c’est la rupture de la parole donnée, le déni de ce qui est juste et consacré, le plus grave des crimes. » Christian Goudineau écrit par ailleurs : « Orose place dans la bouche de Vercingétorix des paroles épouvantables : il a pris en personne la responsabilité de rompre le traité (celui qui unissait Rome aux Arvernes) et il se reconnaît responsable d’un immense forfait, d’un crime considérable : auctorem magnis sceleris. » Pourquoi Vercingétorix a-t-il causé tant de difficultés à César en 52 ? Parce qu’il a appliqué les principes qu’il avait appris auprès de lui. Donc, selon Christian Goudineau, « Vercingétorix fut aux côtés de César pendant une bonne partie de la guerre des Gaules, peut-être dès le début. A quel titre ? Sans doute en tant que chef du contingent arverne, un corps de cavaliers, que le proconsul avait dû réquisitionner aux termes du traité de 122 ou 121. On peut même supposer qu’il fit partie des conturbernales, les « compagnons de tente », issus de la noblesse romaine ou gauloise, qui entourent César, discutent avec lui, l’écoutent avec respect. La question évidente : pourquoi César n’en a-t-il pas dit un mot ? Parce que, s’il l’avait fait, il aurait fallu expliquer au Sénat de Rome que ses collaborateurs gaulois les plus proches le trahissaient, l’abandonnaient. »Le nom de Vercingétorix ne reparaît (chez Plutarque et Dion Cassius) qu’à l’occasion du triomphe que l’ancien proconsul, devenu dictateur de Rome,

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célébra sur la Gaule six ans plus tard, en septembre 46. Le chef arverne y figura. Après quoi, il fut exécuté.

Pour en savoir plus : Christian Goudineau, Le dossier Vercingétorix, Actes Sud / Errance, 2001, 346 p., 18 x 24 cm, br., illustré.

Article publié dans "L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril - mai 2008" qui nous a aimablement autorisé à le reproduire.

La monnaie des Arvernes

Katherine Gruel

L ’Auvergne présente pour la numismatique gauloise des spécificités qui permettent une réflexion approfondie sur l’usage et les échanges monétaires. Plus de quatre mille monnaies gauloises ont été recensées en Auvergne.

Quart de statère.Fin du IIIème siècle av. J.-C. (fouilles : J. Collis, clichés : F. Malacher).

Elles se concentrent dans les plaines et les vallées fluviales. Cette concentration monétaire est très nette dans toute la vallée de l’Allier, en particulier dans la plaine de Clermont-Ferrand et sur les grands oppida arvernes. L’oppidum de Corent (63) tient une place spécifique avec plus de 2000 pièces.

Potin à tête diabolique.(Cliché : F. Malacher)

La reprise des fouilles sur les oppida de Gondole au Cendre (63), Gergovie à La Roche-Blanche (63) et Cordes à Hérisson(03) enrichit nos connaissances sur ces sites. Les autres fortes concentrations monétaires correspondent pour la plupart à des trésors ou à des découvertes multiples sur une même commune.

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Les émissions en or.

Les monnaies les plus anciennes à circuler sont des imitations du statère de Philippe de Macédoine, d’un poids proche du prototype (plus de 8 g d’or). Les graveurs reproduisent avec une telle précision les monnaies grecques qu’on peut définir l’atelier d’où provenait la monnaie copiée. On a rarement des contextes précis et bien datés pour ces statères trouvés isolés ou en trésors (St-Gérand-de-Vaux). Seul un quart de statère à la branche d’Aulne provient de la fouille d’Aulnat. Cependant, on peut penser que leur apparition en Gaule est au plus tard contemporaine de la circulation des dernières émissions grecques au nom du conquérant macédonien, c’est-à-dire de la fin du IIIème s. av. J.-C. Elles marquent l’introduction en Gaule de l’usage monétaire. Les volumes émis restent faibles, les émissions occasionnelles dans plusieurs régions de la Gaule et les émetteurs inconnus. Les imitations fidèles des statères de Philippe de Macédoine, assez nombreuses en Auvergne, ont donc été écartées des émissions attribuées aux Arvernes car leur poids, leur module, leur chronologie haute et leur circulation, dépassant largement la région, en font un phénomène monétaire à part, lié à une contrefaçon de monnaies grecques, visiblement copiées fidèlement dans une partie de la Gaule, plutôt qu’un vrai monnayage gaulois. Cependant, cette tradition de la frappe de statères d’or de haut titre se poursuit en Auvergne jusqu’à la conquête romaine : ils sont parvenus jusqu’à nous sous la forme de trésors (Lapte, Pionsat, Chevenet, Orcines…), dont la date d’enfouissement reste difficile à préciser. Un certain nombre de ces monnaies sont émises par la cité arverne. On peut, dans l’état actuel de nos connaissances, retenir cette attribution pour des séries monétaires qui se répartissent sur tout le territoire et pour celles qui portent des noms de chefs arvernes attestés par les textes comme Vercingétorix. C’est pourquoi, dans la circulation des statères d’or, on distingue les séries correspondant aux références La Tour 3679 à 3778 (BNF) comme arvernes des autres séries pour lesquelles l’émetteur est incertain ou différent, c’est-à-dire ici essentiellement biturige. L’or de plus en plus allié, souvent même fourré de bronze ou remplacé par du laiton, continue à être frappé jusqu’à la conquête romaine.

Les émissions en bronze.

Dès La Tène C2, vers le milieu du IIème siècle av. J.-C. ou un peu avant, commencent à circuler sur les habitats des potins généralement du type dit « au long cou », présents aussi dans la basse vallée du Rhône, ou des potins originaires de la région de Levroux. Le bronze frappé apparaît dès La Tène D1, vers la fin du IIème siècle av. J.-C. , sous forme de petites monnaies à la circulation très limitée comme les petits bronzes« au renard » et « au cheval-cheval » du sanctuaire de Corent. Les bronzes aux noms des chefs arvernes se généralisent ensuite sur tout le territoire au Ier siècle av. J.-C. Ils ont, fait exceptionnel en Gaule, une iconographie et une légende identiques aux deniers arvernes d’argent frappés à la même période.

Les émissions en argent.

Oboles arvernes en argent.(Cliché : F. Malacher).

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Les Arvernes ont tout d’abord frappé des petites oboles qui semblent circuler parallèlement aux potins dès le IIème siècle av. J.-C. Ils frappent aussi des séries monétaires au cheval libre sans légende, qui sont pour la plupart représentées dans le trésor de La Chapelle-Laurent. La date des premières émissions d’argent reste imprécise, on la situe à La Tène D1 sans contexte clair pour confirmer cette proposition ; elles sont présentes à Aulnat et dès l’état II de Corent.

Monnaie d’argent, découverte à Aulnat (Puy-de-Dôme).(Cliché : F. Malacher).

En revanche, la circulation, au Ier siècle av. J.-C., des deniers d’argent et des bronzes portant des noms de chefs, commence à être mieux connue grâce aux fouilles récentes. Les premiers à apparaître sont ceux à légende EPOS (LT 3952), MOTVIDIACA (LT 3994), puis les ADCANAVNOS(LT 3868) et, durant la guerre des Gaules, les monnaies d’Epadnactos au cavalier, CICEDV.BRI/EPAD (LT 3899). Ce chef arverne, conforté par César, après la conquête, frappe alors une nouvelle émission très romanisée, les EPAD au guerrier.

Une monnaie arverne au nom d’Epadnactos et le denier romain dont elle dérive.(Cliché : F. Malacher).

La circulation après la conquête des VERCA (LT3943) confirme cette poursuite des frappes arvernes après la fin de la guerre des Gaules. La monétarisation importante de l’économie arverne au Ier siècle av. notre ère se caractérise donc par des émissions nombreuses associant l’or, l’argent et le bronze. Ceci en fait un cas particulier en Gaule et révèle le dynamisme économique de la cité arverne.

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La circulation monétaire en Auvergne.

Le nombre de potins en circulation reste bien inférieur à celui observé dans la zone voisine du Centre-Est. Les potins à la Grosse tête, présents de la Bourgogne à la Suisse, se comptent d’ailleurs ici sur les doigts. Le potin au long cou, ici dominant, semble assez vite supplanté par les bronzes. A La Tène D2, la circulation simultanée de plusieurs alliages monétaires, en or, en argent et en bronze, l’existence même de textes antiques parlant des Arvernes, la présence de monnaies aux noms des chefs arvernes mentionnés dans la Guerre des Gaules, permettent de poser des hypothèses sur l’organisation des monnayages, sur certaines limites territoriales et sur les relations économiques des Arvernes avec leurs principaux voisins. On constate une forte présence de l’or et du bronze. Les répartitions des découvertes monétaires montrent la frontière entre Bituriges et Arvernes,malgré une pénétration importante des monnaies bituriges dans la vallée de l’Allier jusqu’à Corent. Les faciès de Hérisson et Néris-les-Bains, très différents de ceux des oppida arvernes, reflètent leur appartenance à la sphère biturige. Le contraste avec les deniers du Centre-Est, quasi inexistants dans la région, est d’autant plus pertinent qu’il correspond à la même absence de monnaies arvernes chez les Eduens avant la conquête romaine. Seules cinq communes ont fourni quelques deniers du Centre-Est. Il semble qu’il faille donc interpréter cette présence des monnaies bituriges comme un témoignage des liens économiques et monétaires entre les deux cités, à mettre en relation avec la voie fluviale et commerciale, Allier-Loire.

Témoignage de la frappe monétaire chez les arvernes.

Fernand Malacher, Katherine Gruel.

Les outils de frappe restent exceptionnels. Leur mode de fabrication est mal connu car jusqu’à présent on envisageait une gravure directe, en creux et en négatif, à la gouge et avec des poinçons de détail. La découverte récente de plusieurs objets qu’on identifie comme des matrices de coins ouvre des hypothèses sur les modalités de fabrication.

Matrice de coin monétaire, Oppidum de Corent, Puy-de-Dôme.

Deux coins de revers et un coin de droit, en base cuivre, provenant tous de l’oppidum de Corent, sont actuellement connus. Ils sont de forme tronconique en base cuivre. A la base, la surface est gravée en négatif.- Le premier, découvert en 1844, se trouve dans les collections

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du musée de St-Germain-en-Laye (MAN12273). Il correspond au revers des monnaies d’argent à l’épée du type BN4102, dont un exemplaire est conservé à la BNF, trois au MAN dont un provenant d’Alésia et deux du trésor de Tendre dans l’Indre. En raison de l’iconographie du droit, ces monnaies sont souvent attribuées aux Bituriges.- Le second, trouvé en 1886, n’est connu que par un dessin de Péghoud dans la Revue Archéologique. Il correspond à un revers des monnaies en bronze de typeBN3868.- Le troisième provient des fouilles 2007 dirigées par M. Poux au puy de Corent. Bien que mal conservé, il semble qu’il s’agisse d’un droit empreint sur les bronzes à légende ADCANAVNOS (BN 3868).Un coin de droit base cuivre sur laquelle la légende VERCA en négatif était parfaitement lisible serait conservé dans une collection privée, sans provenance connue. Enfin, le fragment d’une matrice cylindrique a été découvert en prospection sur le plateau de Corent. Il porte à sa base le dessin en relief de la partie supérieure d’une esse couchée au-dessus d’un cheval à droite, ceci correspond au revers du type BN3868. Elle aurait servi à empreindre un coin en négatif nécessaire à la frappe des monnaies. Un atelier monétaire ne nécessite pas de grosses installations, cependant le contexte du coin trouvé en fouille montre un lien avec un atelier de bronzier.

Article publié dans "L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril - mai 2008" qui nous a aimablement autorisé à le reproduire.

Quand les Arvernes écrivaient le gaulois.

En plein Vème siècle, Sidoine Apollinaire déclare que la noblesse arverne vient tout juste d’apprendre le latin et de se débarrasser de la « crasse » du gaulois (« sermonis Gallici squamam », Lettre à Ecdicius).

Couvercle de terra nigra avec inscription sur le pourtour.La lecture de l’inscription a toujours été faite sur photos car l’objet avait disparu (RIG, 2002, L-65). Il a été retrouvé et est aujourd’hui exposé. On relève la présence probable du verbe d’offrande (i)euru.

On sait pourtant que dès avant la conquête de César, les élites gauloises étaient formées à Rome. Les nobles gaulois avaient donc une ancienne tradition de bilinguisme latin-gaulois, dont on trouve plusieurs exemples parmi les personnages cités par César. Une pratique n’impliquant d’ailleurs pas une attitude pro-latine ou un parti pris défaitiste durant la guerre des Gaules. Néanmoins, après la conquête, et plus encore après l’écrasement des révoltes du Ier siècle (Sacrovir), on peut supposer que les élites ont adopté la langue du vainqueur, les inscriptions devenant très vite uniquement latines. L’épigraphie gallo-latine sur pierre semble être de courte durée (une ou deux générations) et très marginale, mais elle témoigne d’une phase de transition entre une affirmation de la culture gauloise et l’adoption

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totale de la culture latine (non seulement de son écriture, mais aussi de sa langue). Au niveau religieux, le gaulois disparaît des inscriptions de fondations officielles, et ne subsiste plus que dans des actes de magie, à caractère populaire.

Le "plat de Lezoux" (RIG, 2002, L-66), découvert en 1970.Ce long texte (environ 50 mots) a été écrit après cuisson sur un fond d’assiette. Trois essais d’analyse incitent à dire qu’il s’agit moins d’une « lettre », comme on l’a pensé, que d‘une suite de maximes morales, de préceptes, une sorte de « conseil au jeune homme ». Malgré la présence de mots d’analyse certaine, on est encore très loin d’avoir compris la signification générale du texte.

L’intérêt des inscriptions gauloises (il faut y inclure les légendes monétaires gauloises) tient au fait que ce sont des documents gaulois écrits par les Gaulois eux-mêmes. « C’est bien sûr la voie royale pour la connaissance du gaulois », écrit Pierre-Yves Lambert (La langue gauloise, Ed. Errance, 2e éd. 2003).Les progrès de l’archéologie ont permis de multiplier les trouvailles de graffites sur l’instrumentum (objets de la vie quotidienne, essentiellement des vases céramiques). Ces inscriptions de type familier (marques de propriété, etc.), le plus souvent en cursive mais parfois en capitales d’un style relâché par rapport aux inscriptions lapidaires, donnent une idée de l’emploi du gaulois dans l’écriture. On admet que le gaulois a été écrit sur l’instrumentum plus longtemps qu’il ne l’a été sur pierre.

Ce fragment d’assiette de sigillée lisse porte, semble-t-il, un message d’offrande ou de cadeau : un homme offre un canisron (pot en forme de corbeille) à une certaine Clebila (RIG,2002, L-68).

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Les centres d’industrie céramique (Montans, La Graufesenque, près de Millau, Banassac-La-Canourgue, Lezoux...) sont nés très tôt en Gaule romaine, pour la fabrication de sigillées destinées à concurrencer la production de la péninsule italienne. Bols, jattes, assiettes, plats, portent des inscriptions avant cuisson : messages publicitaires, sentences, formules de bienvenue, etc. Les inscriptions après cuisson sont plus personnelles : marques de propriété, signatures, dédicaces... Le Musée Départemental de la Céramique expose une vingtaine de graffites gallo-latins (la plupart sur céramique sigillée) mais en compte bien davantage. Trois des objets avec inscription conservés au musée sont présentés ici.

Musée Départemental de la Céramique à Lezoux.

Article publié dans "L’Archéologue Archéologie Nouvelle n° 95 avril - mai 2008" qui nous a aimablement autorisé à le reproduire.

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