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AGROFORESTER LE MONDE, DE LA MACHETTE AU TRACTEUR En générant des réseaux d’agriculteurs et des systèmes de production agroforestiers (unissant déjà plus d’un millier de familles de producteurs au Brésil) Parce que la Terre ne nous appartient pas, C’est nous qui appartenons à la Terre. Auteurs : Nelson Eduardo Corrêa Neto, Namastê Maranhão Messerschmidt, Walter Steenbock, Priscila Facina Monnerat Traduction : Léo Godard Projet graphique et illustrations : Claudio Leme Coordination : Association des agriculteurs agroforestiers de Turvo et Adrian ópolis, Cooperafloresta (www.cooperafloresta.com.br) Organisme financeur : Petrobras, par le biais d u Programa Petrobras Socioambiental Barra do Turvo, 2016

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AGROFORESTER LE MONDE, DE LA MACHETTE AU TRACTEUR

En générant des réseaux d’agriculteurs et des systèmes de production agroforestiers (unissant déjà plus d’un millier de familles de producteurs au Brésil)

Parce que la Terre ne nous appartient pas,

C’est nous qui appartenons à la Terre.

Auteurs : Nelson Eduardo Corrêa Neto, Namastê Maranhão Messerschmidt,

Walter Steenbock, Priscila Facina Monnerat

Traduction : Léo Godard

Projet graphique et illustrations : Claudio Leme

Coordination : Association des agriculteurs agroforestiers de Turvo et

Adrian ٖ ópolis, Cooperafloresta (www.cooperafloresta.com.br)

Organisme financeur : Petrobras, par le biais d u Programa Petrobras

Socioambiental

Barra do Turvo, 2016

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« Quand la Forêt est vide, sans protection,

Mofokari, l’entité solaire, brûle les rivières et les ruisseaux.

Il les assèche avec sa langue de feu

et avale leurs poissons.

Et quand ses pieds se rapprochent du sol de la Forêt,

il devient brûlant et s’endurcit.

Plus rien ne peut germer en lui.

Il n’y a plus ni racines, ni graines logées dans l’humidité du sol.

Les eaux se sont enfuies au loin.

Ainsi le vent qui les accompagnait et nous rafraichissait

s’est retiré lui aussi.

Une chaleur ardente s’installe partout.

Les feuilles et les fleurs qui sont encore restées au sol se dessèchent

et recroquevillent. Tous les vers de terre périssent.

Le parfum de la Forêt se consume et disparaît.

Plus rien ne pousse.

La fertilité de la forêt se dirige vers d’autres terres. »

(Connaissance ancestrale indigène sur la forêt et le climat, savamment contée par Davi

Kopenawa pour la préface du livre Urihi, la Terre-Forêt Yanomami)

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Table des matières

Note du traducteur..................................................................................................................... 1

1. Le début, la fin et le recommencement du monde. .......................................................... 2

2. Quelques mots sur ce livre ................................................................................................. 3

3. Quelques-uns des désastres causés par l’agriculture artificielle ....................................... 5

4. Voir le monde avec un regard nouveau ............................................................................. 9

4.1. La transformation de la manière de voir le monde au sein de la Cooperafloresta .... 9

4.2. La nécessité de voir avec un regard nouveau pour la construction de

l’agroforesterie agroécologique ....................................................................................... 14

5. Quelques notions fondamentales sur la vie au sein de l’organisme Planète Terre ........ 15

5.1. La source d’énergie .................................................................................................... 15

5.2. Le contrôle de la composition de l’atmosphère terrestre ........................................ 16

5.3. Le gaz carbonique et ses principales fonctions ......................................................... 17

5.4. L’oxygène et la gestion organique de l’énergie solaire ............................................. 21

5.5. La régulation organique des températures ............................................................... 24

5.6. Le rôle de l’eau dans le refroidissement et la régulation de la température ........... 26

5.7. Les océans et leur rôle dans le refroidissement et la régulation de la température 26

5.8. Les forêts et quelques-unes de leurs fonctions dans la régulation du climat et le

maintien du cycle de l’eau ................................................................................................... 28

5.9. Le contrôle de la circulation des nutriments minéraux ............................................ 30

5.10. La régulation et les fonctions de l’azote ................................................................ 32

6. Des sols naturellement fertiles et productifs ................................................................... 36

7. Succession Naturelle ........................................................................................................ 40

7.1. L’éternel recommencement en spirale de la Succession Naturelle .......................... 41

7.2. La succession des systèmes écologiques au sein des organismes forestiers ............ 42

7.3. Concepts de stratification et d’étages de la Succession Naturelle ........................... 46

7.4. Systèmes de lignines .................................................................................................. 49

7.5. Crises de vieillissement de l’Organisme Planète Terre ............................................. 49

7.6. Libérer de l’espace, des nutriments et de l’énergie pour l’éternelle renaissance de la

vie : l’apparition d’une clairière ........................................................................................... 51

7.7. La fonction essentielle des « Agents Rénovateurs » ................................................. 53

7.8. Les systèmes d’accumulation .................................................................................... 55

7.9. Les clairières du système d’abondance : le milieu parfait pour nos cultures ........... 56

8. Reprendre notre place dans la vie de l’organisme Planète Terre .................................... 58

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9. La construction de la pratique de l’agroforesterie dans les communautés rurales de

Mario Lago à Ribeirão Preto (état de São Paulo) et de Contestado à Lapa (état du Paraná) . 59

9.1. Contexte et défis ........................................................................................................ 59

9.2. Maintenir le sol couvert, le meilleur commencement .............................................. 61

9.3. La litière végétale, la première étape ........................................................................ 65

9.4. Bien dimensionner pour produire la matière organique suffisante ......................... 65

9.5. Choisir l’herbe pour produire la couverture du sol ................................................... 67

9.6. L’utilisation du bananier pour la formation de la litière végétale ............................. 68

9.7. Toujours rénover pour maintenir la jeunesse du SAF ............................................... 70

9.8. Pourquoi élaguer les arbres ? .................................................................................... 70

9.9. Rentabiliser les lignes d’herbe ................................................................................... 72

9.10. Dimensionner pour permettre l’utilisation d’équipements .................................. 73

9.11. Décompacter le sol sans en inverser les couches .................................................. 75

9.12. L’importance de la planification ............................................................................ 75

9.13. Systèmes agroforestiers tournés vers la production fruitière ............................... 77

9.14. Viabiliser la production fruitière ............................................................................ 78

9.15. Le semis direct sur paille de céréales et de cultures annuelles dans les systèmes

agroforestiers ....................................................................................................................... 80

9.16. Systèmes agroforestiers adaptés à l’élevage ......................................................... 81

9.17. La production d’aliments destinés à l’autoconsommation ................................... 83

10. Références pour organiser les systèmes agroforestiers ........................................ 84

10.1. Utilisation de la succession et de la stratification lors de la combinaison de

cultures incluant des légumes .............................................................................................. 85

10.2. Certaines utilisations des arbres dans les systèmes agroforestiers

agroécologiques ................................................................................................................... 99

10.3. Exemples de combinaisons avec des arbres fruitiers .......................................... 108

11. Observation et mesure de la contribution des systèmes agroforestiers à la fertilité

du sol, à la capture du carbone atmosphérique et à la dynamique de la Nature. ........ 111

12. Notre dernière chance ......................................................................................... 118

REMERCIEMENTS DES AUTEURS ............................................................................................ 120

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Note du traducteur

J’ai découvert les travaux d’Ernst Götsch, ainsi que des multiples personnes ayant mis

en pratique ses principes d’agroforesterie, alors que j’étais responsable d’un projet agricole

au Brésil au cours des années 2017 et 2018. Nous y développions un système de production

agroforestier de grande échelle en tentant au mieux de nos capacités d’appliquer les directives

de notre consultant Ernst Götsch. Je dis au mieux de nos capacités car il est difficile (en tout

cas au début) de comprendre et respecter à 100% les conseils techniques d’Ernst. Pour y

arriver, il est fondamental de remonter à la racine de sa réflexion et de dérouler le fil du

raisonnement constituant l’armature de sa pratique dénommée agriculture syntropique.

C’est pour cela que j’ai choisi de traduire ce livre : il en explique les fondements, du début à la

fin, tout en restant accessible à n’importe quel individu, quel que soit son niveau de

connaissance agricole. Car d’après moi, l’agriculture syntropique ce n’est ‘que’ cela : repenser

notre relation à la nature afin de refaire émerger des principes d’agronomie profondément

cohérents et intelligents fondés sur les processus naturels de création et d’élévation de la

fertilité des écosystèmes. Cela converge vers toutes les autres écoles de l’agroécologie, et

finalement on pourrait n’y voir rien de révolutionnaire là-dedans. Cependant, la profondeur

de la réflexion et les résultats magnifiques que l’on retrouve sur le terrain me portent à croire

que c’est l’un des plus beaux chemins vers une « vraie » agriculture, où l’humain retrouve son

rôle et sa place dans un environnement durable et beau.

Cet ouvrage a été écrit par plusieurs auteurs autour de la création d’une coopérative de

producteurs, la Cooperafloresta. On y retrouve un bel exemple de partage et d’apprentissage

collectif qui fait aujourd’hui défaut à nos modèles de production individualistes. Nous avons

encore énormément de choses à apprendre sur l’agroforesterie en France, et peu de temps

pour le faire. Ce n’est que grâce à un effort et une audace commune que nous arriverons à

recréer des agro-écosystèmes abondants et fertiles. Peut-on s’inspirer de l’agriculture

syntropique et suivre l’exemple de la Cooperafloresta sous nos latitudes, loin des tropiques ?

Oui. Comme il sera dit de nombreuses fois dans ce livre, il ne s’agit pas de suivre des pratiques

fixes comme on suit un livre de recettes, mais bien de s’en inspirer et de les réinventer à notre

avantage. L’agriculture syntropique ne se limite donc pas à un climat donné, ni à une culture.

Elle peut être appliquée et améliorée par tous, du plus petit éleveur à la plus grande

exploitation céréalière.

J’espère que la traduction de ce livre participera à éveiller la curiosité d’agriculteurs et non

agriculteurs français, et donnera des pistes à celles et à ceux qui souhaitent se lancer dans la

merveilleuse aventure qu’est l’agroforesterie. Ce n’est qu’un début et j’espère que de plus en

plus de parcelles agroforestières de ce type verront le jour en France. C’est ensemble que nous

construirons une agriculture de vie.

Léo Godard.

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AGROFORESTER LE MONDE, DE LA MACHETTE AU TRACTEUR

1. Le début, la fin et le recommencement du monde.

En l’année 1500, quand les navires portugais débarquèrent au Brésil, ils rencontrèrent

des peuples qui agissaient et se reconnaissaient comme faisant entièrement partie de la

nature. Ils reconnaissaient la sacralité du monde et l’importance de la forêt ainsi que de tous

ses êtres vivants et de ses esprits, afin de pouvoir vivre dans cet environnement faste et

parfaitement adapté à la vie. Ils plantaient et vivaient avec leur milieu tout en pensant au bien-

être de toute vie. Leur agriculture était si intégrée aux processus naturels que les portugais ne

réussirent pas à la comprendre. Pour cela, dans la première carte envoyée au Roi du Portugal,

Pero Vaz Caminha affirme que ces peuples ne cultivaient pas de plante et n’élevait pas

d’animaux. Il comprit tout de même que ce qu’ils consumaient le plus était « ce manioc, que

l’on retrouve partout ». Et pourtant, cette plante obtenue par les indigènes selon des

processus séculaires, n’aurait jamais pu exister sans leurs pratiques agroforestières.

Comme le savait déjà les peuples qui habitaient l’Amérique en l’an 1500, et comme le

confirmèrent les études écologiques les plus avancées, le fonctionnement de la nature est

organique au niveau de chacun de ses niveaux d’organisations. L’organisation est présente

dans les organites des microorganismes qu’on appelle cellules. Ces cellules s’organisent en

tissus et organes et, à l’aide des microorganismes qui composent l’écosystème corps, créent

un milieu parfait pour accueillir la vie. Les niveaux d’organisations supérieurs, celui des

végétaux, des animaux et des microorganismes manifestent cette organicité sacrée de la vie

en écosystème, en biome, dans la biosphère et au sein de l’Organisme Planète Terre. Au

travers de ce système incroyablement coopératif, toutes les conditions sont maintenues afin

que puisse se développer la vie, comme le cycle des pluies, le climat et la composition parfaite

de l’atmosphère.

Le concept d’une société et d’une agriculture construites sur la compétition et la

domination de la nature et des autres êtres humains est complètement contre-intuitif et anti-

scientifique. Et pourtant il est bien plus répandu aujourd’hui qu’an l’an 1500. Par conséquent,

toutes les tragédies qui succèdent à l’expulsion de la vie dans les forêts et des Hommes dans

les champs, comme annoncées par le peuple Yanomani, sont actuellement en train de se

produire sur la Planète Terre. En même temps s’élèvent de grandes souffrances humaines,

elles aussi découlant de l’emprise de la compétition dans les relations humaines.

Ce petit livre a pour objectif de contribuer à la réflexion, à la perception, à l’étude et à

la reconstruction de comment chaque lecteur peut participer au développement du monde et

de l’agriculture, à partir de ses propres connaissances, sentiments et expériences.

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2. Quelques mots sur ce livre

Ce livre est un des fruits du Projet Agroflorestar. Il relate les actions, résultats, textes et

impacts qui furent produits durant le projet, mené par 400 familles paysannes et leurs

associations, incluant des étudiants d’écoles tournées vers l’agroécologie.

Tout fut possible grâce au travail réalisé en grande synergie avec le Projet Flora, géré et

coordonné par l’Instituto Contestado de Agroecologia – ICA. Le Projet Agroflorestar, comme

le Projet Flora, furent sélectionnés au travers d’un appel d’offre publique, sponsorisé par

Petrobras depuis son Programa Petrobras Socioambiental.

Le Projet Agroflorestar est géré et administré par l’Associação dos Agricultores de Barra do

Turvo e Adrianópolis – la Cooperafloresta, qui réunit plus de 100 familles de petits producteurs

travaillant en Systèmes Agroforestiers (SAFs) Agroécologiques. Durant plus de 20 ans ces

familles observèrent et développèrent ces SAFs dans le but de mieux les comprendre et les

diffuser. Afin que cette réplication puisse contribuer à l’implantation de l’agroforesterie dans

d’autres contextes sociaux, économiques et environnementaux d’agriculture familiale, il est

cependant crucial d’adapter les techniques, les perceptions, les espèces et les technologies.

Afin de contribuer à la démocratisation des SAFs, en 2011 la Cooperafloresta prit le rôle

d’organisme de formation et de plateforme, procurant des ressources et des supports

permettant la diffusion de la connaissance accumulée par ses adhérents.

L’initiative de la Cooperafloresta entre en parfaite résonnance avec la volonté de transition

vers l’agroécologie de nombreuses autres organisations. De ce mouvement font aussi partie

un grand nombre d’écoles mettant en place des formations au sein de communautés

agricoles, comme par exemple les six écoles participant au Projet Agroflorestar. Dans ce sens,

on retrouve aussi la Journée de l’Agroécologie qui a lieu depuis déjà 15 ans dans l’état du

Paraná, réunissant à chaque fois plus de quatre mille familles paysannes ainsi que leurs

organisations luttant pour une agriculture familiale.

Les familles de la communauté de Contestado, de la ville de Lata de l’état du Paraná, ainsi que

de la communauté de Mario Lago, de la ville de Ribeirão Preto de l’état de São Paulo, sont les

auteurs de ce livre, encore plus que ceux qui l’ont écrit. Dans les deux cas, les familles de

paysans décidèrent il y a à peu près 15 ans de créer ces communautés afin de servir comme

références et expérimentations pour l’agroécologie et les SAFs. Ils y construisirent aussi des

écoles afin de former plus de gens à la pratique de l’agroécologie et de l’agroforesterie, venant

du Brésil et de pays voisins. De ces écoles on peut citer l’Escola Latino Americana de

Agroecologia (ELLA) qui fut créée dans la communauté de Contestado, et le Centro de

Fromação Sócio-Agrícola Dom Hélder Câmara de la communauté Mario Lago. La Cooperativa

Terra Livre a aussi joué un rôle important dans la création de ce livret.

Ce qui a permis le bon développement des projets Agroflorestar et Flora, ainsi que de la

connaissance autour des SAFs, est l’organisation et la fraternité existant entre les 50

communautés agroforestières où furent implantés plus de 1000 SAFs, ainsi que les

innombrables autres communautés agricoles du Brésil.

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Le projet Agroflorestar est aussi le fruit du travail et de la détermination de l’agriculteur Ernst

Götsch qui a sans relâche développé de nouvelles techniques et machines pour toujours plus

mécaniser et viabiliser la pratique de l’agroforesterie. Il serait impossible de faire pleinement

justice à l’apport d’Ernst concernant les concepts et les techniques décrites dans ce livre. La

grande majorité des idées développées ici nous ont été transmises directement grâce à lui.

Cependant, nous n’avons pas la prétention de retranscrire dans son intégralité et son intégrité

le travail d’Ernst, non plus de différencier ce qui vient de lui de ce qui a été découvert ou

adapté dans la pratique par les familles d’agriculteurs du projet, ou d’autres sources.

Mentionner Ernst à propos de seulement quelques paragraphes se révélerait extrêmement

insuffisant et arbitraire, et choisir de le citer partout serait trop répétitif.

« Il n’y a pas de doute pour moi concernant le fait que ce travail nous est venu de Dieu

et de notre connaissance propre, de notre ville de Barra do Turvo. Et Ernst nous a apporté

un grand renfort, pas seulement au niveau des connaissances mais aussi en nous

donnant des exemples. J’ai visité sa ferme. C’est une propriété pionnière où nous avons

appris ce que nous savons maintenant. » (Sezefredo, agriculteur de la Cooperafloresta)

Sur la première photo, la parcelle d’Ana Rosa et Sezefredo, les deux personnes sur la gauche, en

1998 durant une visite de Ernst Götsch (sur la droite), avec la participation du groupe qui

formera plus tard l’ONG Mutirão Agroflorestal. Sur la deuxième photo, visite technique de Ernst

(sur la droite) dans la communauté Contestado, en 2014 pour le projet Agroflorestar.

Nous choisissons donc dans ce livre de mélanger sans distinction toutes les contributions,

recréant ainsi le processus de construction de connaissance vivant et collectif, qui a eu lieu au

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sein du projet Agroflorestar. Il est fondamental que chaque personne et collectif s’approprie

et reconstruise sans cesse les connaissances, les visions, les techniques et les théories qu’ils

utilisent. C’est aussi Ernst qui nous pousse à cela, grâce à son exemple personnelle.

Sa relation avec la nature peut être considérée comme ce qui définit

pour nous la pratique même de l’agroforesterie. Ernst part de

l’observation directe de la nature, et synthétise ses observations par

des théories qu’il applique par la suite de ses propres mains. Il

observe les résultats et corrige ensuite les détails, peaufinant ou

parfois abandonnant une théorie pour une autre qu’il considère plus

utile pour son travail. Ceci est une façon de travailler digne des plus

grands scientifiques, que les familles paysannes et les diverses

communautés du projet Agroflorestar se sont mises à pratiquer et

qui se reflète aussi dans ce livre.

3. Quelques-uns des désastres causés par l’agriculture artificielle

Dans le monde entier, et en particulier ces 60 dernières années, les forêts, les arbres, les

animaux et les familles de producteurs sont expulsés des champs, avec toutes leurs

connaissances de la nature. A leur place fut installé un environnement artificiel destiné à

produire des aliments tout en concentrant le capital, les terres et le pouvoir dans les mains

d’un nombre toujours plus petit d’entreprises. Tout cela est le résultat de politiques publiques

dictées par l’intérêt de grandes entreprises internationales.

De cette manière, l’agriculture s’est transformée en simple maillon d’une chaine de valeur

industrielle incluant extraction minière, industries de machines agricoles, systèmes

d’irrigation, combustibles, fertilisants, plantes génétiquement modifiées, plastiques, fret,

emballages, publicité ; tout cela pour produire des aliments toxiques pour la santé humaine

et les vendre dans des boutiques sophistiquées. Ainsi, ces chaines de production cristallisent

les gigantesques intérêts économiques de nombreuses grandes entreprises.

Champs privés des hommes et de nature, et portion de ville, complètement artificielle.

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Grâce à leurs ressources, ces grandes entreprises ont la capacité d’influencer ce que nous

croyons juste et vrai. Dédiant une fraction de leurs bénéfices à la recherche, elles financent

uniquement ce qu’elles souhaitent voir étudié. Dominant les principales institutions de

communication, elles s’emploient à réaliser de minutieuses études scientifiques sur l’art de

convaincre, dans le but de réaliser leur propagande par le biais d’un marketing soigné. C’est à

cause de cela que le grand public croit actuellement que ce qu’elles proposent est le seul

chemin vers la sécurité alimentaire mondiale.

Ce modèle d’agriculture et d’élevage est bien plus responsable que tout autre de la

déforestation et de l’effort continuel déployé pour empêcher les forêts de repousser. Il est

donc aussi la principale cause de l’assèchement des sources et des rivières, et de l’incapacité

des sols à retenir l’eau, forçant ainsi l’irrigation à consommer presque 80% de toute l’eau

douce disponible dans le monde. Eau qui est déjà extraite en quantités bien supérieures à ce

que peut durablement fournir la nature. Aujourd’hui plus d’un milliard de personnes souffrent

d’un manque grave d’eau, et cette situation s’empire chaque année.

Evolution de l’utilisation de l’eau dans le monde, classée par activité économique. En substituant

la biodiversité naturelle par des équipements et des intrants, l’agriculture artificielle rend les

sols incapables de stocker l’eau qui devrait être fournie aux aquifères et aux cultures. La courbe

verte du graphique ci-dessus nous montre l’impressionnante augmentation de la quantité d’eau

consommée par l’agriculture, qui nous obligera à choisir entre nourriture et eau dans un futur

proche. Source : UNESCO – International Hydrological Program

Des centaines de scientifiques étudiant le climat ont prouvé et continuent à démontrer

que la combustion des énergies fossiles et la substitution des forêts pour l’usage agricole sont

les deux principales raisons de l’augmentation de l’effet de serre et du réchauffement

climatique. Une étude de la FAO, qui couvre 223 pays et territoires a conclu que près de 130

millions d’hectares de forêts ont été converties pour d’autres usages ou simplement perdus,

seulement entre 2000 et 2010. L’Amérique du Sud a subi la perte nette la plus importante

durant cette période, avec 40 millions d’hectares, le Brésil seul cumulant une perte de 26

millions. Des données fournies par le Ministério da Ciência e Tecnologia montrent que la

substitution des couverts forestiers par l’agriculture a été responsable d’approximativement

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80% des émissions nettes de gaz à effet de serre au Brésil, entre 1994 et 2005. La perte de

biodiversité est cependant encore plus inquiétante et grave que l’augmentation de l’effet de

serre. La communauté scientifique reconnait aujourd’hui que, du aux actions humaines, nous

sommes entrés dans la sixième extinction de masse, s’annonçant être la plus importante et

destructrice de toute l’histoire de l’organisme Planète Terre. Les conséquences d’un tel

cataclysme sont encore difficiles à concevoir et dimensionner, mais elles incluront très

probablement la fin de la Civilisation.

Dans le premier graphique, la somme des barres vertes et jaunes représente la plus grande part

des émissions brésiliennes. Le second graphique nous montre que 93% des émissions de gaz

survenant lors de la substitution de la forêt par l’agriculture artificielle est causé par la perte de

matière organique du sol.

Néanmoins, il est important de noter que la quantité actuelle de carbone présente

dans les sols est encore au moins deux fois supérieure à celle présente dans l’atmosphère et

encore huit fois supérieure à celle libérée dans l’atmosphère depuis le début de l’ère

industrielle. Il est encore stocké le double de cette quantité de carbone rien que dans les

parties aériennes (cimes, canopées) des forêts actuelles de la Terre. Cet énorme stockage de

carbone se réalise encore, bien que la moitié des forêts aient déjà été détruites, en majorité

pour libérer de l’espace destiné à l’agriculture. Quand les forêts sont substituées par

l’agriculture moderne, une grande partie du carbone contenu dans leurs sols et la quasi-

totalité du carbone de leurs parties aériennes, quand il n’est pas brûlé, est absorbé par les

êtres vivants avant de finalement se libérer dans l’atmosphère.

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Heureusement, grâce à certains mécanismes dans lesquels les êtres vivants occupent

un rôle important, comme l’augmentation de la photosynthèse réalisée dans les forêts

restantes ou par les algues dans les océans (liée à l’augmentation de la concentration de

carbone dans l’atmosphère), une partie des émissions parviennent à être ré-absorbées. Ainsi,

tout le CO2 qui est émis par la déforestation ne se retrouve pas forcément dans l’atmosphère.

Cela complique d’autant plus l’estimation de la contribution du secteur agricole à

l’augmentation du CO2 atmosphérique. Cependant, il est clair que le secteur de

l’agroalimentaire moderne participe énormément à ce phénomène : notamment car il repose

énormément sur la combustion d’énergies fossiles pour l’utilisation des machines agricoles, le

fonctionnement des chaînes industrielles de transformation, et pour la circulation

internationale des produits alimentaires. Plus que toute autre erreur désastreuse, il a poussé

de grandes quantités d’individus à se concentrer dans les zones urbaines, là où les émissions

de carbone sont bien plus importantes.

Alors que la contribution du secteur agroalimentaire moderne au réchauffement

climatique est bien souvent sous-estimée, la quantité de carbone qui pourrait être retirée de

l’atmosphère par un retour à une agriculture basée sur les processus naturels et un retour des

hommes dans les champs l’est encore plus. Les chiffres cités plus haut nous permettent de

comprendre l’immense capacité des sols à stocker le carbone, si la dynamique forestière est

régénérée, pour le moins dans les zones de forêt historiques qui furent substituées par

l’agriculture. Cette possibilité est sous-estimée et méconnue car évaluer la productivité et la

viabilité des SAFs n’intéresse pas les grandes entreprises qui se chargent habituellement de

financer les recherches sur le secteur agricole. A cela s’ajoute la mainmise qu’ont ces

entreprises sur les médias, répandant l’idée que l’agriculture artificielle est la seule à pouvoir

nourrir la population mondiale grandissante. Les rares études menées sur les SAFs prouvent

toutes que l’agroforesterie permet de produire plus d’aliments que l’agriculture artificielle sur

une même aire, avec bien moins ou même sans intrants, tout en capturant autant voire plus

de carbone atmosphérique que les processus naturels de régénération forestière.

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1e photo : Système agroforestier d’Ana Rosa et de Sezefredo. 2e photo : Réunion dans la

résidence de Maria et Pedro, entourée de SAFs, avec les chercheurs de l’EMBRAPA (Institut de

recherche agricole national du Brésil), ICMbio (Institut Chico Mendes de Conservation de la

Biodiversité) et de l’UFPR (Université Fédérale du Paraná) réalisant une étude sur les SAFs.

4. Voir le monde avec un regard nouveau

Le possesseur d’un cœur endurci par l’idée que la vie est une compétition n’aura

jamais ni les yeux, ni les oreilles lui permettant de percevoir, comprendre et apprécier la

grandeur et la beauté du colossal travail collaboratif que réalise la Nature.

4.1. La transformation de la manière de voir le monde au sein de la

Cooperafloresta

« La Nature est intelligente. C’est quand j’ai commencé à observer les systèmes

agroforestiers que j’ai commencé à percevoir la valeur de la Nature. » (Felipão,

agriculteur en agroforesterie, Cooperafloresta)

Lors d’un cours réalisé pour la Cooperafloresta en 1996, Ernst Götsch a raconté ce qu’il

se produit dans ses agroforêts. Il nous a ouvert les yeux sur le fait que la coopération et

l’organisation sont les deux lois majeures de la vie. Il nous a raconté comment il a pu observer

que les fourmis ne s’attaquaient pas à ses cultures au hasard, sans raison. Bien au contraire, il

comprit que quand il élaguait un arbre ayant besoin de lumière au-dessus d’un arbre ayant

besoin d’ombre, les fourmis corrigeaient son erreur en élaguant encore plus l’arbre inférieure

ayant besoin d’ombre1. Cet exemple, et d’autres encore plus subtils et complexes, lui a permis

de se rendre compte que les fourmis peuvent être considérées comme de grands professeurs

de la pratique agroforestière. Toutes les espèces d’êtres vivants sont capables d’enseigner, de

façons très différentes les unes des autres. La nature entière est devenue son professeur, le

1 Au Brésil, il existe plusieurs espèces de fourmis qui attaquent les végétaux (légumes, arbres…) en coupant leurs feuilles. Ces « nuisibles » sont très présents sur le territoire et représente un des cauchemars des agriculteurs brésiliens conventionnels.

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poussant à percevoir que tous les êtres vivants travaillent ensembles, de manière organique,

pour le plus grand bien de l’organisme forêt. Ernst nous a aussi montré que si on s’appliquait

à participer au travail que la nature réalise, on finissait par récolter une plus grande quantité

d’aliments, de bois et d’autres produits.

Sa vision organique du monde, en complète cohérence avec ses pratiques

agroforestières a énormément marqué le cœur et l’esprit des premiers pionniers de la

Cooperafloresta.

« C’est une agriculture multiplicatrice, pleine de vie… Qui rappelle la vie de la Nature à

nos côtés, les oiseaux et les animaux. Je parle de multiplication parce que la Nature ne

s’arrête jamais de travailler, jamais. Et nous profitons tous de ce travail. » (Sezefredo,

groupe de Salto Grande)

La création de la Cooperafloresta provoqua dans les familles de petits producteurs,

pour leur majeure partie quilombolas2, une relecture de leur histoire, de leur expérience de

vie et de leur héritage culturel, qui fut forgé en grande intimité avec les processus naturels.

Tout cet héritage culturel entra fortement en résonnance avec les principes d’organisation de

la vie et de la pratique agroforestière inculquée par Ernst. Ainsi, cela entraîna une véritable

reconstruction, de l’intérieur vers l’extérieur, des concepts et des connaissances, de la part

des familles impliquées dans le projet, en collaboration avec les techniciens accompagnant la

Cooperafloresta.

Les deux photos ci-dessus sont des témoignages de la formation du premier groupe d’agents

multiplicateurs de la Cooperafloresta, en 2005. Les agriculteurs et les participants du projet

ayant la capacité et la volonté de diffuser la pratique agroforestière sont appelés agents

multiplicateurs.

« Ce que nos ancêtres connaissaient des plantes et de la qualité du sol était un grand

savoir. Ils connaissaient l’abc de la terre. Je trouve cela extrêmement fort. Et ce qui est

aussi intéressant c’est que cela a été renforcé, car ce que les uns ne savaient pas, les

autres le savaient. Ce qu’il s’est passé ici fut donc très riche. » (Pedro, agriculteur en

agroforesterie, Cooperafloresta)

2 Peuple dont l’origine provient d’anciens esclaves en majeure partie africains, fuyant les propriétés agricoles brésiliennes et formant des communautés agricoles. Il existe actuellement plus de 2000 communautés quilombolas au Brésil.

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La méthodologie « producteur x producteur »3 a été un aspect essentiel de la création

de la Cooperafloresta. Dès le début, les familles de producteurs ont dû prendre un rôle crucial

dans la multiplication du modèle, entraînant une véritable révolution dans la façon de voir et

d’agir sur le monde.

« Le travail des agents multiplicateurs est un point clef en agroforesterie. Cela m’a

énormément enthousiasmé… J’ai appris et ça m’a plu, et quand l’apprentissage ainsi que

la théorie plait aux gens, ça fonctionne merveilleusement bien après dans la pratique.

Après on a encore plus envie de partager ce qu’on a appris. Travailler ensemble,

transférer les connaissances avec une grande attention. C’est au travers de cette amitié,

de cette union, de cette passion que l’agent multiplicateur parvient à léguer à une autre

famille de producteurs la pratique qu’elle ne possède pas encore. Ainsi, le phénomène

grandit. » (José Baleia, agriculteur en agroforesterie, Cooperafloresta)

« Je suis allée visiter l’exploitation de Sidinei. Cette visite fut très importante pour moi.

Au début je ne croyais pas qu’une densité si élevée de plantes pouvait fonctionner. Je

pensais que c’était impossible, mais après j’ai pu constater que si. On a vu des plantes

servant d’alimentation pour d’autres plantes. Je n’y croyais pas mes yeux ! Mais

aujourd’hui je comprends qu’il est juste question de travail. Ce qui m’intéresse le plus

c’est de planter des arbres, comme Sezefredo. J’expérimente plein d’associations :

palmiers, arbres fruitiers, arbres pour bois d’œuvres… et de nouvelles techniques. Mon

exploitation est grande et jamais je ne m’arrête. » (Dolíria, agricultrice en agroforesterie,

Cooperafloresta)

Les deux photos ci-dessus montrent des agents multiplicateurs réalisant leur travail. A gauche,

Nelma recevant des élèves d’une école municipale et, à droite, Pedro recevant la visite de

consommateurs.

Le mutirão4, pratique traditionnelle de la culture locale, a énormément contribué à la

construction des valeurs de solidarité, d’aide mutuelle et de renforcement de connaissance

basé sur l’échange, valeurs qui forment la base de la Cooperafloresta. Prenant cette forme ou

une autre, l’organisation collective tient toujours une place fondamentale en agroforesterie,

3 La formation des producteurs est menée de façon collective et participative : les producteurs se réunissent et échangent afin d’apprendre à l’un ce que l’autre a déjà appris. 4 Le mutirão est une activité collective et solidaire où tous collaborent gratuitement et avec enthousiasme pour la réalisation d’un projet social et communautaire pour le bien de tous. En France on parle de chantier participatif.

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autant dans les activités de formation et de production que dans les processus de certification

et de commercialisation.

Les photos ci-dessus témoignent du processus de formation au sein de la Cooperafloresta, la

première photo montre un mutirão dans les cellules de Estreitinho et d’Aroeira, la deuxième

photo est une photo de groupe de l’unité de mutirão de Jorlene et Gilmar.

Divers professionnels de la santé et du bien-être social, ainsi que bien d’autres

personnes de cultures et de formations variées ayant visité la Cooperafloresta ont témoigné

que le sentiment d’appartenance à la Nature et la reconnaissance de la perfection quasi-divine

des processus naturels se retrouve jusqu’à la façon de parler, amenant de réels réflexes

positifs pour la santé, la joie de vivre et l’estime des familles de producteurs qui furent à la

tête de la construction de la Cooperafloresta.

« Il vient ici des groupes entiers de consommateurs alors quand on va vendre au marché,

mon dieu ! C’est un vrai plaisir. Les clients ayant déjà visité notre exploitation ramènent

d’autres clients et leur explique notre façon de produire, ensuite ils leur disent. « Il faut

que vous achetiez ces produits ! ». Ils font vraiment ça ! Ils sont juste contents de savoir

comment on fait ! » (Clovis, Cooperafloresta)

Le projet Agroflorestar a permis de viabiliser plusieurs initiatives grâce auxquelles la

Cooperafloresta peut partager les fruits de son travail avec des héros et des héroïnes qui iront

eux aussi reproduire, protéger et transférer cette façon de travailler avec les autres.

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Ci-dessus, des moments de fraternisation et de prières, à gauche durant un rassemblement de

la Cooperafloresta, à droite lors d’une séance de formation dans l’unité de Terra Seca.

Séances d’échange à la Cooperafloresta, à gauche avec le Centro de Formação Dom Helder

Câmara localisé dans l’unité de Mario Lago, à Ribeirão Preto (état de São Paulo), et à droite

avec l’Escola Latino Americana de Agroecologia localisée dans l’unité de Contestado à Lapa

(état du Pará).

Mais l’histoire n’est pas encore parvenue à sa fin ! L’interaction permanente de la

Cooperafloresta avec le réseau d’organisations qui ont participé à la construction de la

Reforma Agrária Popular5, qui voit en l’agroécologie un de ses piliers fondamentaux, continue

à porter ses fruits. La dimension de ces fruits est si grande qu’il est encore difficile de concevoir

son impact historique, qui ne se révèlera qu’avec le passage des années.

« Aujourd’hui je récolte les fruits. Je dis les fruits, mais je ne parle pas que des fruits que

l’on peut vendre mais aussi des fruits qui ont pour moi le plus de valeur, comme la

satisfaction intérieure de voir une chose si belle se développer, et me dire que j’ai pu

participer à ça. » (Pedro, Cooperafloresta)

5 Mouvement social au Brésil, porté par de nombreuses associations et familles de producteurs, proclamant un retour à une agriculture plus humaine, de taille familiale et régie par des pratiques agroécologiques. Plusieurs initiatives s’y rattachent, que ce soit des actions d’occupation de terrains agricoles (notamment par le groupement des Sem Terra), ou des projets ambitieux comme la Cooperafloresta.

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4.2. La nécessité de voir avec un regard nouveau pour la

construction de l’agroforesterie agroécologique

Lors de ces deux derniers siècles, l’essor de la science et de la technologie a permis la

réalisation d’énormes changements sur la face de la Terre et dans notre façon de vivre. Cela a

apporté, bien que de façon très inégale, des conforts et des bénéfices que l’on n’aurait pas pu

imaginer auparavant. Mais en même temps, les richesses et le pouvoir de la science et de la

technologie se sont concentrées de plus en plus sur des intérêts corporatifs gigantesques qui

rentrent en opposition avec le bien-être de tous les êtres vivants qui font partie de l’organisme

Planète Terre, dont nous faisons partie aussi.

Il est crucial dans la stratégie d’obtention du pouvoir sur la société d’utiliser les

méthodes et les techniques les plus raffinées comme le marketing, et d’obtenir l’emprise sur

les secteurs fondamentaux de formation d’opinion. De cette manière, on nous imprime au

plus profond de nous une façon de voir le monde qui nous laisse croire l’illusion que la science

et la technologie peuvent à elles seules substituer complètement, et en mieux, Dieu et la

Nature, apportant des bénéfices pour tous.

Si cette perpétuelle tentative de nous convaincre un jour se révèle être un échec, cela

réduirait du jour au lendemain leurs très grands pouvoirs en poussière. C’est pour cela que les

visions les plus organiques concernant la santé, l’environnement, l’agriculture et d’autres

secteurs seront toujours attaquées des façons les plus diverses et subtiles. Pourtant il est

décisif de les rationaliser, de les fortifier, de les protéger et de rester alerte.

Substituer les environnements naturels par des environnements artificiels rend

toujours plus difficile la réalisation par la Nature de ses processus indispensables à la vie. Ceci

contribue chaque jour plus à l’accumulation de preuves par une partie du monde scientifique

(celui le plus indépendant des grands intérêts du capital) de ce qu’il existe une immense

interconnexion entre tous les êtres animés et inanimés de la Planète Terre. La communauté

scientifique adopte et défend de plus en plus l’idée que tenter de substituer les processus

naturels est un réel suicide pour la civilisation. Reconnaitre et préserver le rôle central de la

Nature, ainsi que ses processus divinement mystérieux, redevient aujourd’hui une nécessité

absolue pour la civilisation.

« Si l’être humain se déclare complètement autonome et se constitue comme

dominateur absolu, il désagrège l’essence même de son existence. » (Papa Francisco,

Encíclica Louvado Seja)

D’un autre côté, de nombreuses études montrent que la connaissance scientifique et

notre vision du monde interfère parfois directement avec ce qu’il nous est possible de

concevoir et de découvrir. Au fil des années passées avec les communautés paysannes, nous

avons entendus énormément de témoignages qui nous firent nous rendre compte que la foi

dans le pilotage divin et infiniment intelligent des processus naturels est décisive afin que nous

puissions observer et étendre notre connaissance de ces processus. Nous avons vu fleurir de

grands maîtres de l’agroforesterie grâce à cette foi, qui grandissent en apprenant et en

enseignant que, dans la nature, la maxime la plus ultime est « d’aimer son prochain comme

soi-même ». Au final, nous appartenons tous à un seul et unique organisme sacré.

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5. Quelques notions fondamentales sur la vie au sein de l’organisme

Planète Terre

« On se rend compte que la Nature est complète, c’est nous qui la déréglons et qui

pensons après que c’est Dieu qui est coupable. Car sans Nature, sans eau, sans vert, la

vie n’existe pas. Nous devons donc saisir cette sagesse, la valeur qu’elle présente pour

nous et en profiter. C’est ce qu’on essaye de montrer ici. En ayant cette extraordinaire

qualité de vie, on veut montrer que c’est le chemin qu’il faut adopter pour continuer à se

développer. C’est un chantier pour la nouvelle génération. Car pour ceux qui vivent dans

les champs, aller vivre dans la ville est une perte de temps. Ce que je fais, je le fais pour

mes fils et pour mes petits-fils. Quand je plante un arbre qui sera grand seulement dans

deux cent ans, je peux voir qu’il sera un sanctuaire pour les oiseaux, qu’il appellera la

pluie et la brise, ainsi que l’air que nous recevons. Beaucoup de gens ne sont même pas

reconnaissants pour l’air qu’ils respirent. » (Sezefredo, Cooperafloresta)

5.1. La source d’énergie

Le soleil est la source d’énergie. C’est la captation de quantité toujours plus grandes

d’énergie solaire qui a rendu possible le perfectionnement de la vie et la continuelle

augmentation de la diversité et de la quantité d’êtres vivants qui travaillent chaque jour à ce

perfectionnement, en chaque endroit de la planète.

Nous oublions souvent que n’importe quel être vivant de la planète, afin de se

déplacer, de bourgeonner, de penser, de respirer, ou d’effectuer tout type d’activité

demandant de l’énergie, a besoin d’énergie solaire.

C’est avec l’énergie qui vient des rayons du soleil que les plantes peuvent réaliser la

photosynthèse, produisant des sucres qui formeront par la suite leurs tissus et rendront

possible leurs actions. Quand les êtres qui ne réalisent pas la photosynthèse s’alimentent de

plantes, ils cherchent eux aussi ces mêmes sucres afin de libérer leur énergie, et continuer à

vivre. C’est pour cela qu’il existe un vieux proverbe chinois disant que « l’agriculture est l’art

de capter et de stocker le soleil ».

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Potager agroforestier dans lequel les bananiers, les arbres et l’excellente occupation de l’espace

par les plantes permettent de capter au mieux l’énergie solaire par le travail de création et de

maintien de la fertilité par les êtres vivants.

5.2. Le contrôle de la composition de l’atmosphère terrestre

L’air que nous respirons contient une grande quantité de diazote (N2) avec 78%, et

d’oxygène (O2) avec 21%, les 1% restants sont tous les autres gaz, entre autres le gaz

carbonique (CO2). La composition de l’atmosphère a changé radicalement durant toute la

durée de l’existence de l’organisme Planète Terre. Il est le fruit du travail organique déployé

de manière coopérative et coordonnée par tous les êtres vivants. Par exemple, il y a 4,5

millions d’années la teneur de l’oxygène de la Terre était de 0%. Actuellement, la composition

de l’atmosphère est relativement stable, maintenue et contrôlée dans les conditions parfaites

à la vie grâce au travail des êtres vivants. La vapeur d’eau et certains autres gaz jouent aussi

un rôle très important, même si leurs teneurs sont très faibles, pour la réalisation de fonctions

essentielles au sein de l’organisme Planète Terre.

C’est en comparant la composition de l’atmosphère de la Terre avec celle de Mars

(révélée grâce à l’analyse de la lumière provenant de cette planète) qu’en 1968, les

scientifiques James Lovelock et Lynn Margulis conclurent qu’il n’y a jamais eu de vie sur Mars.

Ceci fut déterminé bien avant que les premières navettes spatiales quittent la gravité terrestre

pour aller se poser sur cette planète. C’est aussi en faisant ce genre de comparaisons qu’ils

découvrirent que l’atmosphère terrestre n’a rien à voir avec ce qu’elle devrait être si elle

suivait seulement les lois de la chimie pure, comme toutes les autres planètes étudiées jusque-

là. La principale incohérence est la grande présence d’oxygène, gaz volatile ayant tendance à

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se lier avec d’autres substances, qui serait impossible à trouver en si haute teneur dans sa

forme libre s’il n’était produit de façon continuelle par les êtres vivants.

Les études citées dans le paragraphe précédent ne laissent pas de doutes sur le fait

que la composition si précise de l’atmosphère terrestre soit générée et contrôlée par tous les

êtres vivants. Ceci se produit de façon extrêmement similaire avec la façon dont les

microorganismes de notre corps – appelés cellules – contrôlent la composition de notre sang.

La spectaculaire conclusion que l’on peut tirer de cette observation se rapproche énormément

des croyances de nombreux peuples primitifs, qui considéraient la Terre comme un titanesque

organisme vivant. De cet organisme font partie tous les êtres et tous les processus de la

planète, même ceux qui étaient considérés antérieurement comme n’ayant rien à voir avec la

vie, comme le volcanisme. Lovelock et ses confrères donnèrent le nom « d’Hypothèse Gaia »6

à cette théorie qui considère la Terre comme un unique organisme.

Montage réalisé avec des photos de la Terre et de Mars, prises dans l’espace par la NASA. Le

contraste qui en résulte révèle bien le miracle de la vie qui se produit dans l’organisme Planète

Terre.

5.3. Le gaz carbonique et ses principales fonctions

La teneur en CO2 de l’atmosphère avant la révolution industrielle était

approximativement de 0,028%, elle est actuellement proche de 0,040%. Cette quantité

apparemment infime de CO2 exerce pourtant diverses fonctions fondamentales au

développement de la vie dans l’organisme Planète Terre.

6 Voir le livre « Gaia, une médecine pour la planète » de James Lovelock. Œuvre qui se dénote par la beauté de son texte mais aussi par sa rigueur scientifique. Voir aussi « Gaia » du scientifique brésilien José Lutzemberger.

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5.3.1. Le rôle du gaz carbonique dans le stockage et la circulation de l’énergie solaire

Les végétaux supérieurs et les algues captent l’énergie solaire grâce au mécanisme de

photosynthèse, et la stocke sous la forme d’énergie chimique qui maintient unies les

molécules de gaz carbonique et d’eau en une espèce de batterie solaire vitale, que nous

appelons aliment. Sans le CO2 de l’atmosphère et la photosynthèse, la vie de quasiment tous

les êtres vivants de la Terre serait impossible.

Les corps des végétaux, des animaux et des microbes sont aussi constitués en grande

partie des aliments produits par la photosynthèse, bien qu’étant présents sous une forme

différente, transformés par divers processus. Pour cela l’énergie solaire accumulée dans les

aliments s’écoule et s’échange entre les êtres vivants, au fil de la chaine alimentaire. La quasi-

totalité des organismes obtiennent leur énergie de la photosynthèse, ou de la consommation

de plantes et d’algues, ou d’êtres s’étant alimentés de ces derniers.

5.3.2. Le rôle du gaz carbonique dans la régulation de la température

C’est principalement grâce au CO2 que l’atmosphère est capable de retenir une partie

de la chaleur générée par les rayons solaires la traversant. Cette chaleur retenue est

proportionnelle à la teneur de CO2 de l’atmosphère. Nous appelons ce processus l’effet de

serre, il est indispensable à la vie car, sans lui, la Terre serait gelée.

En contrôlant la concentration en CO2 de son atmosphère, l’organisme Planète Terre

peut ainsi contrôler, dans une certaine mesure, sa propre température moyenne. Ce contrôle

du CO2 est réalisé de manière complexe grâce à de nombreux cycles, dans lesquels les êtres

vivants tiennent un rôle clef. Dans un de ces cycles, le processus est continu et très lent, il se

réalise dans la même échelle de temps que le mouvement des plaques rocheuses

occasionnant le déplacement lent des continents : c’est pourquoi on l’appelle le cycle

géologique. Dans ce cycle, le CO2 est lentement dissolu dans l’eau de pluie qui pénètre le sol,

formant une solution acide qui extrait le silicium, le calcium et d’autres minéraux des roches,

lors d’un processus appelé érosion des roches. Ce cycle est le principal responsable de la

capture du CO2 depuis le début de l’Histoire de la vie. Il est bien plus ancien que la lente

création des conditions nécessaires à la vie des forêts sur Terre.

Ces minéraux ainsi extraits et dilués dans l’eau de pluie sont ensuite transportés

jusqu’aux océans. Divers êtres vivants dans les océans les utilisent pour former leurs

carapaces, toutes plus belles et différentes les unes des autres : les coquillages. Après la mort

des êtres qui habitent ces coquillages, ils chutent sur le plancher océanique et s’accumulent

en larges dépôts, stockant ainsi le CO2 faisant partie de leur composition dans les profondeurs.

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Plusieurs exemples de coquillages

De cette manière, de grandes quantités de CO2 sont retirées de l’atmosphère, grâce à

la participation active de nombreux êtres vivants. Une partie de ces dépôts finissent par arriver

à des profondeurs où la chaleur et la pression les fait fondre, créant un magma qui, bien

longtemps après, sera répandu sur la surface de la planète par les éruptions volcaniques,

retournant ainsi le CO2 à l’atmosphère.

La rapidité d’extraction du CO2 par le cycle géologique fut beaucoup augmentée par

l’apparition des forêts. La teneur en CO2 de l’air pénétrant le sol des forêts est quarante fois

supérieure à celle de l’atmosphère, ceci est dû à la respiration des êtres qui consomment la

matière organique des feuilles. Ainsi, la concentration du CO2 dans l’eau qui pénètre les sols

forestiers est très élevée, multipliant aussi la rapidité d’extraction du calcium et du silicium

composant les roches du sol. A cela s’ajoute aussi le fait que l’action de la vie augmente

l’érosion des roches en y générant des canaux par lesquels s’écoule la solution d’eau et de

CO2, multipliant la surface de roche sujette à cette solution acide.

Le cycle impliquant le plus grand flux de CO2 est celui de la photosynthèse, réalisé par

la végétation. Le CO2 ainsi capturé est en partie accumulé dans le corps des êtres vivants et en

partie rendu à l’atmosphère par la respiration.

Au moment où l’organisme Planète Terre n’en était encore qu’au début de l’évolution

de la vie, une forte augmentation de la puissance du soleil aurait pu entraîner sa surchauffe.

Mais l’apparition de la photosynthèse permit d’éviter ce processus qui aurait pu lui être fatal

en retirant une partie du CO2 de l’atmosphère, faisant baisser l’effet de serre. D’un autre côté,

ce CO2 capturé se mit à s’accumuler dans les entrailles de la Terre sous forme de matière

organique se transformant en pétrole, en charbon minéral ou en gaz naturel.

L’intelligence et la bienveillance de la Nature est infinie. L’organisme Planète Terre

travaillera toujours pour le bien-être de tous les êtres vivants qui le constitue. C’est pour cela

que travailler de façon opposée au labeur de la Nature entraînera toujours de lourdes

conséquences pour tous les êtres, voire peut devenir fatal pour l’organisme entier.

Le contrôle de la teneur en CO2 de l’atmosphère par la photosynthèse et la respiration

est une façon pour l’organisme Planète Terre de contrôler sa température, cela se produit de

façon similaire chez beaucoup d’autres êtres vivants.

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Du bas vers le haut, le premier graphique met en exergue l’augmentation quasi-verticale de la

concentration de CO2 atmosphérique ces cent dernières années, comparée à la régularité des

cycles antérieurs. En parallèle, le second graphique montre l’augmentation des émissions de CO2

d’origine humaine comparée à l’augmentation globale terrestre. Ces deux graphiques ne laissent

pas de doute sur le fait que ce sont les activités humaines qui sont responsables du phénomène

global d’augmentation de CO2. Le troisième graphique montre la température moyenne en forte

augmentation depuis les années 1900, coïncidant avec l’évolution de la concentration en CO2

atmosphérique témoignés par les deux graphiques précédents.

En rapport avec sa fonction dans le contrôle de la température de l’organisme Planète

Terre, le CO2 peut être comparé à une hormone. Régulant certains processus vitaux à

l’intérieur d’un organisme, une quasi-imperceptible altération de la teneur en hormone peut

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entraîner des altérations majeures au niveau de l’individu. Et il existe toujours des mécanismes

de contrôle et de régulation de la teneur de l’hormone.

Prenant comme principes la compétition, l’exploitation et la domination à l’inverse des

comportements naturels de coopération, la société humaine a, bien avant d’en connaître les

profondeurs, commencé à déséquilibrer les mécanismes de contrôle de l’organisme Planète

Terre, provoquant sa surchauffe et, avec elle, des conséquences désastreuses pour elle-même

et la vie en général.

Au-delà des chiffres et des données numériques, certaines images comme celles-ci-dessus sont des

témoignages poignants du réchauffement climatique.

5.4. L’oxygène et la gestion organique de l’énergie solaire

L’oxygène a pour fonction de défaire la liaison entre l’eau et le gaz carbonique qui a

été créé lors de la photosynthèse, libérant ainsi l’énergie qui maintenait ces deux molécules

unies et libérant le CO2 qui est retourné à l’atmosphère. Ce processus peut se produire à

l’intérieur des êtres vivants, de façon contrôlée, il s’appelle alors respiration, il peut aussi se

produire à l’air libre, il s’appelle alors combustion.

Par la combustion du bois ou du pétrole, l’énergie solaire libérée peut alors être utilisée

pour réaliser des travaux physiques tels que le déplacement de véhicules comme les trains et

les voitures, ou alors transformée en d’autres formes d’énergie, comme l’électricité.

Pour fournir l’énergie dont la vie de notre corps a besoin, il est nécessaire d’apporter

de l’oxygène et des aliments finement désagrégés par la digestion à chacune des 100 trillions

de cellules de notre organisme. Ainsi, en chacune de nos cellules peut se produire le

désagrégement du mélange eau, énergie solaire et gaz carbonique qui a été formé lors de la

photosynthèse, durant la respiration cellulaire.

Pour que cette respiration cellulaire puisse bien se réaliser, les aliments sont

premièrement hachés et prédigérés par la salive dans la bouche. Dans l’estomac, les sucs

gastriques acides se chargent de continuer à désagréger les aliments, pour que quand ils

arrivent dans les intestins ils soient bien dissous. Une partie des aliments sera rendue au milieu

extérieur, auquel elle servira à nouveau d’aliment pour une infinité d’êtres vivants qui

participeront à la fertilité du sol. Une autre partie sera utilisée par des microbes qui habitent

nos intestins (encore plus nombreux que la somme de toutes les cellules du corps) afin de

réaliser leurs rôles indispensables qui participent à notre santé. Enfin, la partie restante sera

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diluée dans le sang et transportée jusqu’à nos cellules. Pour rendre possible cette absorption

des aliments par le sang, les intestins sont dotés d’une irrigation sanguine intense.

Nos poumons sont des structures très spécialisées afin que l’oxygène que nous

inspirons durant la respiration puisse pénétrer la circulation sanguine et être fourni aux

cellules qui l’utiliseront pour extraire l’énergie contenue dans les aliments grâce à la

respiration cellulaire. Au même moment, dans nos poumons, le CO2 produit lors de la

respiration cellulaire et transporté par le sang est déchargé dans le système respiratoire pour

être retourné à l’atmosphère à chaque fois que nous expirons.

Les minuscules veines et artères des poumons permettent l’échange du gaz carbonique récupéré

lors de la respiration cellulaire par l’oxygène capté par l’appareil respiratoire.

Les aliments sont stockés sous des formes variées par notre corps, grâce à cela nous

pouvons survivre plusieurs jours sans manger. Mais si une panne nous empêche de respirer,

seules quelques minutes suffiront à ce que les cellules manquent d’oxygène pour réaliser la

respiration cellulaire, et nous mourons par manque d’énergie pour nos organes.

Comme toutes les conditions nécessaires à notre vie, la teneur en oxygène de

l’atmosphère de l’organisme Planète Terre est aussi le fruit de l’action coordonnée des êtres

vivants. L’oxygène s’est accumulé par le passé dans l’atmosphère pour atteindre les 21%

actuels grâce à la photosynthèse. Ce processus libère deux tiers de l’oxygène présent dans les

molécules d’eau (H2O) et de gaz carbonique (CO2) qu’il utilise, avec l’énergie solaire, pour

produire les aliments.

Ainsi, afin que les êtres vivants puissent utiliser l’énergie solaire stockée dans l’union

de la molécule d’eau et de gaz carbonique, cette union doit être rompue lors de la respiration.

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L’énergie solaire utilisée est captée par les plantes ou par les algues, puis stockée sous forme

d’aliments pour les Hommes, dans le bois pour la locomotive à vapeur, et dans le pétrole ou l’alcool,

ou plus récemment les batteries, pour les voitures.

La respiration consomme la même quantité d’oxygène que celle libérée par la

photosynthèse. Pour cela, une forêt arrivée à maturité peut cesser d’être productrice

d’oxygène quand la quantité totale qu’elle en produit est consommée par la population

d’êtres vivants qui l’habite.

Dans l’histoire de la Terre, une partie des aliments produits par la photosynthèse ne

fut pas complètement consommée par la respiration cellulaire. Cette part fait partie du corps

des êtres vivants, de la matière organique morte qui fait partie des sols ou qui fut transformée

en pétrole, en charbon minéral et autres produits générés par la vie. Pourtant, la

photosynthèse totale fut supérieure à la respiration totale sur Terre. Ce reste positif de

l’équilibre photosynthèse-respiration est à l’origine des 21% d’oxygène présents dans

l’atmosphère terrestre et de l’oxygène présent dans le sol qui se lie avec d’autres substances

comme le fer.

L’oxygène peut jouer le rôle de libérer l’énergie solaire présente dans les aliments

justement parce qu’il possède la forte capacité de se lier à d’autres substances. Pour cela, si

toute vie disparaissait sur Terre, la teneur en oxygène libre atteindrait très rapidement les 0%.

Ceci se produirait car l’oxygène libre se lierait avec la matière organique morte et d’autres

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substances. Une grande partie du fer rencontré dans le sol est aujourd’hui déjà lié avec

l’oxygène généré par la photosynthèse. Cependant, la continuelle action de diverses bactéries

rompant l’union de l’oxygène avec le fer permet de maintenir encore un important stock de

fer non lié dans nos sols.

Sans l’action de ces bactéries et de la photosynthèse, les 21% d’oxygène de

l’atmosphère seraient quasi-instantanément consumés par l’union avec le fer et la matière

organique, rendant ainsi à l’atmosphère le CO2 et l’eau qui avaient été unis par la

photosynthèse.

Grâce au travail de tous les êtres vivants de la biosphère, l’organisme Planète Terre

parvient à maintenir la teneur exacte de 21% d’oxygène dans l’atmosphère. Seulement 1%

supplémentaire doublerait les risques d’incendie, et si cette teneur atteignait 25%, la

libération de l’énergie solaire présente dans les aliments serait si facile que même les feuilles

vertes prendraient feu spontanément. D’un autre côté, si cette teneur était bien inférieure, il

nous serait extrêmement difficile d’obtenir des aliments l’énergie qui nous est nécessaire pour

vivre. Avec 15% d’oxygène dans l’atmosphère, le feu serait impossible.

5.5. La régulation organique des températures

Dans l’univers, les températures varient de -273° Celsius (le zéro absolu) à des

centaines de billions de degrés. Les moindres petits détails lors de l’évolution organique de

l’univers ont dû se produire d’une manière extrêmement précise et improbable afin que la vie

puisse se développer sur Terre. Parmi eux on trouve la distance entre la Terre et le Soleil.

Pourtant, au-delà de la précision des mécanismes cosmiques, ce fut l’action coordonnée des

êtres de la planète Terre qui a permis, et continue de permettre, que les températures soient

maintenues dans le minuscule intervalle favorable à l’apparition de la vie.

La majeure partie des êtres de la Terre possèdent un grand pourcentage d’eau dans

leur corps et vivent dans la fourchette de température entre 0° et 40°. Cela parce qu’en

dessous de 0°, l’eau gèle et empêche les fonctions vitales de se produire, et au-dessus de 40°,

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les protéines des êtres vivants commencent à se détruire. Il existe très peu d’organismes

pouvant vivre dans des températures s’approchant de 70°.

A l’intérieur même de cet intervalle de 0° à 40°, chaque espèce s’adapte à une

température spécifique, dans laquelle il puisse vivre et réaliser ses fonctions de façon plus

efficace pour le bien-être de l’organisme Planète Terre. Quand un être vivant s’éloigne des

conditions propices à sa vie, il est transformé en aliment pour les autres. Ceci est permis grâce

à l’action de divers êtres que l’on appelle dans l’agriculture des nuisibles ou des maladies. De

cette manière, ces êtres créent des conditions plus favorables afin que des espèces mieux

adaptées au milieu puissent réaliser leur travail plus efficacement, en faveur du bien-être

commun. C’est pour cela qu’il est très difficile de cultiver des plantes ou d’élever des animaux

dans des climats qui ne leur sont pas adéquats.

Ces images témoignent de comment les différences de climat et de type de sol donnent naissance

à des biomes avec une végétation et des animaux aussi différents que la Forêt Atlantique (Photo

1), le Pantanal (Photo 2) et la Tundra des régions polaires (Photo 3).

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5.6. Le rôle de l’eau dans le refroidissement et la régulation de la

température

La grande majorité des êtres vivants sont refroidis par l’eau. Nous autres êtres humains

nous possédons des glandes sudoripares dans tout notre corps. Quand nous émettons de la

sueur, l’eau qui la constitue s’évapore. Faire s’évaporer l’eau nécessite de l’énergie. Pour avoir

une idée de la quantité d’énergie requise pour faire s’évaporer un litre d’eau il suffit juste

d’imaginer la quantité de feu nécessaire pour la faire s’évaporer dans une bouilloire. Pendant

seulement un jour chaud, nous pouvons suer plus de 10 litres d’eau.

L’eau peut absorber une quantité relativement grande de chaleur pour chaque degré

qu’elle se réchauffe, et rend cette énergie pour chaque degré qu’elle se refroidit. Cette

caractéristique rend très difficile aux milieux riches en eau de beaucoup se réchauffer ou se

refroidir : à mesure que l’eau va se réchauffer, une grande quantité de chaleur va être retirée

du milieu, et cette chaleur est rendue à mesure que l’eau se refroidit à nouveau. De cette

manière, plus la quantité d’eau est grande dans un milieu, plus sont proches les températures

extrêmes de ce milieu. L’eau a donc un fort effet tampon de la température.

Au-delà du contrôle de la température, l’eau détient bien d’autres fonctions

fondamentales. Les cellules, qui sont à la base de tout être vivant, sont par exemple remplies

d’eau. C’est en milieu liquide, formé par l’eau, que la plupart des processus vitaux peuvent se

produire. Les canaux qui transportent l’oxygène, les nutriments, le CO2, ou toute autre

substance vitale pour les cellules (que ce soit des veines, des artères ou les vaisseaux des

plantes) les transporte toujours dissoutes dans de l’eau.

5.7. Les océans et leur rôle dans le refroidissement et la régulation de la

température

L’organisme Planète Terre est lui aussi refroidit par l’eau. Les océans sont ses

principaux systèmes de refroidissement. Tous les jours s’évapore des océans un volume d’eau

bien supérieur au volume que tous les fleuves réunis du monde jettent dans la mer.

L’évaporation de cette immense quantité d’eau retire une grande quantité de chaleur de la

superficie de la mer, la rendant plus froide que l’atmosphère. La chaleur ira toujours du milieu

le plus chaud au milieu le plus froid, cela rend ainsi la superficie de la mer énormément

consommatrice de chaleur. Au même moment, cette chaleur est emportée par la vapeur d’eau

dans les hautes altitudes, permettant ainsi aux processus vitaux de s’y produire aussi. Quand

il pleut, la chaleur qui fut absorbée par l’évaporation de l’eau des océans et des forêts est

rendue à l’atmosphère en très haute altitude, ce qui la rend plus facilement retirable de

l’organisme planétaire par irradiation dans l’espace sidéral.

Grâce à l’effet tampon de l’eau, les océans permettent de contrôler et d’abaisser les

variations de températures de l’organisme Planète Terre.

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Des nuages formés par la Forêt Amazonienne pris en photo par la NASA.

Cette photo prise par la NASA montre une partie de l’océan couvert par les nuages produits par lui-

même. C’est au niveau des océans que se réalisent plus de 97% de la transpiration terrestre. Cette

fonction physiologique de l’organisme planétaire permet le transport de la chaleur vers les hautes

altitudes où elle sera diffusée dans l’espace sidéral.

La quantité d’eau de la planète est constante, elle ne peut augmenter ni diminuer.

Cependant, elle est prise dans un mouvement constant que nous appelons cycle de l’eau. Ce

sont les êtres vivants qui veillent au bon fonctionnement de ce cycle, et sur les continents, ses

principales gardiennes sont les forêts.

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5.8. Les forêts et quelques-unes de leurs fonctions dans la régulation du

climat et le maintien du cycle de l’eau

Parmi leurs nombreuses fonctions, les forêts ont la même action que les glandes

sudoripares des humains pour les écosystèmes continentaux. Les arbres pompent l’eau des

profondeurs de la Terre et la place dans leurs feuilles. Toutes les plantes possèdent, sur le

tissu de leurs feuilles, des ouvertures qui s’ouvrent et se ferment afin de contrôler certains

processus comme l’entrée de CO2 et la sortie de l’eau. On les appelle les stomates.

Le volume d’eau évaporé grâce aux forêts est plus grand que le volume de tous les

fleuves du monde réunis. Ainsi, les forêts retirent d’immenses quantité de chaleur tous les

jours, agissants comme de gigantesques systèmes de refroidissement des écosystèmes. Dans

les endroits les plus éloignés de la mer, la majorité des pluies sont formées grâce à l’eau

pompée par les forêts. Le refroidissement de l’air ainsi provoqué par les pluies fait beaucoup

baisser la pression atmosphérique, contribuant ainsi à attirer l’air humide provenant de la

superficie de la mer vers les continents. De plus, les particules projetées dans l’air par les forêts

favorisent aussi la chute des pluies. Sans la présence des forêts, une grande partie des pluies

continentales seraient dispersées par la montée de l’air chaud et irait se perdre dans les

océans. Enfin, les nuages formés par les forêts reflètent la lumière du soleil, la renvoyant en

dehors de l’organisme Planète Terre, contribuant au refroidissement du climat.

De nouveau grâce à l’effet tampon de l’eau, les forêts parviennent à réduire les

extrêmes de températures sur les continents. Cela est possible parce que les forêts exercent

des fonctions essentielles dans le cycle de l’eau, la retenant sur les continents notamment

parce que les êtres vivants qui les constitue sont composés à 70% d’eau. L’absence de vie rend

les extrêmes de températures entre la nuit et le jour impossibles à supporter, comme c’est le

cas dans les déserts.

La Forêt Amazonienne tire du sol et fait s’évaporer par ses feuilles près de 20 trillions

de kilos d’eau par jour, 20% plus que la quantité d’eau que le fleuve Amazone déverse dans

l’océan. L’évaporation d’un kilo d’eau permet de retirer du milieu 540kcal (la calorie est une

unité de chaleur), ou 2.260kJ (le joule est une unité d’énergie) de chaleur. D’un autre côté,

cela veut dire que pour que cette évaporation massive puisse se réaliser, l’énergie requise est

considérable : 45.200 trillions de KJ par jour. Cette quantité de joules est égale à 45.200 x

0.000277kWh (Kilowatt heure, autre unité d’énergie), c’est-à-dire approximativement 12.500

billions de kWh par jour. L’usine hydroélectrique de Itaipu, une des plus grandes du monde,

produit 90 billions de kWh par jour. Sa production annuelle est quasiment 140 fois inférieure

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à l’énergie nécessaire pour évaporer la quantité d’eau que la Forêt Amazonienne fait

s’évaporer en un jour seulement. Afin de pouvoir faire s’évaporer ces 20 trillions de kilos d’eau

journaliers mentionnés plus haut sur une année entière, il faudrait faire fonctionner 140x365

= 50.000 usines d’Itaipu, à 100% de leurs capacités, 100% du temps. Ce type de réflexion et de

prise de conscience est aujourd’hui indispensable à la survie de la civilisation humaine7.

La valeur de construction de l’usine d’Itaipu serait approximativement de 60 billions

de dollars. Nous savons aujourd’hui que même si nous avions l’argent nécessaire pour

construire 50.000 usines d’Itaipu, ce serait un véritable désastre écologique. De plus, puisque

les facteurs de productivité de ces usines (volume et retenue d’eau) seraient de plus en plus

bas à chaque usine, le coût de production serait toujours plus élevé. Bon, nous allons quand

même supposer qu’il serait possible de construire ces usines pour 60 billions de dollars

chacune. Cette valeur est deux mille fois supérieure au PIB du Brésil et quarante fois

supérieure au PIB mondial, qui représente la somme de toutes les richesses matérielles du

monde entier.

Les deux paragraphes précédents mettent uniquement en relief que la valeur du travail

associé à l’évaporation de l’eau réalisé par la Forêt Amazonienne. Afin de réaliser le cycle

complet de l’eau qui permet la réfrigération et qui maintient humide les régions éloignées de

la mer, qui seraient désertiques sinon, il faudrait aussi prendre en compte la quantité

d’énergie nécessaire au pompage de l’eau provenant des entrailles de la Terre, ainsi qu’à son

transport jusqu’aux feuilles des plantes, etc… De plus, la Forêt Amazonienne assure aussi le

maintien de son incroyable biodiversité, de la fertilité de ses sols, et de bien d’autres fonctions

connues et inconnues des êtres humains, toutes aussi essentielles les unes que les autres pour

que la vie puisse continuer d’exister. Ce type de calcul démontre bien à quel point sont sous-

estimés les services écosystémiques rendus par la Nature. Cela montre aussi l’absurdité de

certains raisonnements actuels qui cherchent à prouver que l’on peut substituer et surpasser

le travail de la Nature par le travail artificiel à tous les niveaux, que ce soit l’agriculture,

l’environnement ou la médecine.

7 Lire à ce sujet l’article du scientifique Antônio Nobre, O Futuro Climático da Amazônia, disponible (en portugais…) sur ce lien : https://www.socioambiental.org/sites/blog.socioambiental.org/files/futuro-climatico-da-amazonia.pdf

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Les photos précédentes, prises par la NASA, montrent la partie indispensable de l’évaporation de

l’eau du continent sud-américain. Elle se produit durant la saison sèche, pendant laquelle

l’Amazonie ne reçoit quasiment aucune humidité de l’océan, les nuages qui se forment alors sont

exclusivement le résultat du travail de la forêt. Le Sud et le Sud-Est du Brésil deviendraient

complètement désertiques sans cette fonction de la Forêt Amazonienne.

L’exponentielle croissance des

centres urbains, dans lesquels les structures

artificielles sont prédominantes, entraîne le

réchauffement du climat et

l’agrandissement de l’écart entre les

extrêmes de température. Plus grave encore

est l’artificialisation de l’agriculture, qui

expulse la Nature et les êtres humains de

surfaces gigantesques.

Sur la photo à gauche on compare la carte

de répartition de la végétation de la municipalité de São Paulo avec la carte de répartition des

températures. Sans grande surprise, les zones forestières sont les plus fraiches et les zones

urbaines sont les plus chaudes.

5.9. Le contrôle de la circulation des nutriments minéraux

A mesure que les roches vont s’éroder face à la pluie, au soleil, aux vents et à l’action

des êtres vivants, la terre se transforme. Ce processus de transformation est extrêmement

lent et peut prendre des milliards d’années. Mais quand les roches sont enfin transformées

en terre, leurs minéraux sont libérés et rendus disponibles pour les êtres vivants. Dans les

régions chaudes, où la présence de la vie est déjà très intense, la dissolution des roches

broyées est relativement rapide et peut être accélérée grâce à un travail du sol réalisé par la

vie, permettant ainsi d’augmenter la captation d’énergie. Quand sont brûlés les arbres et les

plantes, leur eau s’évapore et leur matière organique est consumée par le feu, il ne reste que

leurs nutriments minéraux sous la forme de cendres. C’est pour cela que la cendre est un

excellent fertilisant pour les plantes.

La majeure partie des minéraux n’est présente sous sa forme liquide qu’à des

températures infernales, dans les profondeurs de la Terre. Grâce à l’activité volcanique, ces

minéraux sont déversés à la surface et forment les roches volcaniques. C’est pour cela qu’au

niveau des régions où les dernières éruptions volcaniques sont encore récentes, ou des

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régions dans lesquelles la roche qui forme le plateau du sol n’a pas encore été beaucoup

modifiée (par exemple par les pluies qui lessivent les minéraux et les emportent dans les cours

d’eau), les sols sont très riches en minéraux, on les appelle les sols basaltiques. Si les conditions

requises au travail de la vie sont réunies, ces sols peuvent alors devenir extrêmement fertiles

en peu de temps.

Les roches sédimentaires sont constituées de terre, de sable, de matière organique et

d’autres sédiments soumis à des conditions spécifiques de pression-température. La terre et

le sable qui forment les roches sédimentaires viennent à l’origine de roches volcaniques, mais

ils peuvent avoir perdu une grande partie de leurs minéraux, dissous dans l’eau. Pour cela, les

roches sédimentaires peuvent donner naissance à des sols à faible teneur en minéraux.

La fabuleuse exubérance des paysages proches de volcans sur les photos ci-dessus confirment la

fameuse richesse minérale et la fertilité des sols volcaniques du Costa Rica.

Même sur des sols pauvres en minéraux, l’action collective des êtres vivants peut

permettre de former de grandes forêts riches en aliments comme cela est le cas pour la plus

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grande partie de la Forêt Amazonienne8. Dans ces cas précis, le recyclage des nutriments qui

circulent entre les êtres vivants est encore plus crucial, les nutriments sont d’ailleurs recyclés

de manière si optimale par la vie qu’ils ne passent généralement plus par les sols, qui sont très

pauvres en minéraux. Dans ce type de milieu, comme la Forêt Amazonienne, retirer la vie

forestière des sols peut avoir des conséquences extrêmement dramatiques. Au contraire, une

gestion qui maintienne et dynamise la vie est encore plus importante afin de conserver un

environnement fertile et productif.

Le retrait de la structure et de la dynamique forestière rend impossible pour

l’organisme planétaire de maintenir les minéraux. Pour éviter la perte des minéraux, il recourt

donc à l’acidification des sols, rendant les minéraux insolubles dans l’eau et ainsi capturés

dans les sols. De cette manière, l’organisme sécurise et stocke des minéraux qui pourront être

de nouveau utilisés s’il est permis à la vie de revenir habiter ce milieu. Si un processus de

récupération forestière s’engage, petit à petit, plusieurs êtres comme les vers de terre, les

mycorhizes, et bien d’autres iront corriger l’acidité du sol.

Grâce au chaulage 9 , on peut corriger chimiquement l’acidité du sol et libérer de

nouveau et rapidement la majeure partie des minéraux rester prisonniers du sol, au profit des

cultures. Cependant, si on n’arrive pas à reconstituer un cycle de la vie permettant la capture

de ces minéraux dans le corps des êtres vivants et dans la matière organique, ces minéraux

libérés risquent d’être très vite lessivés par les pluies et finiront dans les cours d’eau puis dans

l’océan, appauvrissant toujours plus le sol de cet endroit.

En raison du processus de dissolution des minéraux des roches et du sol, les cours

d’eau et les fleuves contiennent toujours une petite quantité de sels minéraux, contrairement

à l’eau de pluie. Les océans sont salés pour cette raison : ils reçoivent de l’eau chargée en sels

minéraux mais l’eau s’évapore toujours sans ces sels, ils ne peuvent pas passer par l’état

gazeux. L’eau de mer est riche en sels minéraux bénéfiques pour tout type de vie, et

notamment la végétation. Cependant, l’excès en chlorure de sodium de l’eau de mer la rend

néfaste au développement des plantes. S’il n’existait pas certains mécanismes spécifiques qui

maintiennent cette teneur en chlorure de sodium aux alentours de 3%, les océans seraient

encore plus salés, empêchant tout type de vie marine de se développer, ayant de lourdes

conséquences pour l’organisme Planète Terre…

5.10. La régulation et les fonctions de l’azote

Dans l’atmosphère actuelle de la Terre, pour 100 litres d’air, on trouve 78 litres d’azote.

Il y a près de 5 fois plus d’azote dans l’atmosphère que dans les océans, et plus de 10 fois plus

dans les océans que dans les sols.

Contrairement à l’oxygène, il faut beaucoup d’énergie pour lier l’azote avec d’autres

substances. Cette caractéristique de l’azote, et cette opposition avec l’oxygène, sont

8 Dans le cas de la Forêt Amazonienne, on s’est rendu compte qu’un grand volume de minéraux est lui apporté chaque jour par les vents venant du désert du Sahara. En étudiant les photos de la NASA du flux des vents on peut donc observer un des mécanismes naturels de « fertilisation » planétaire. 9 Le chaulage est une technique agricole de récupération des sols qui consiste à ajouter de la chaux ou du calcaire afin de baisser le taux d’acidité, ou pH, du sol.

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essentielles pour la vie et pour le processus de la respiration. Ce serait désastreux pour nos

corps si d’autres gaz que l’oxygène, ayant la possibilité de se lier facilement, faisait aussi partie

du processus de la respiration. Le rôle principal de l’azote dans la respiration est de diluer

l’oxygène. L’azote a aussi un rôle important au sein de l’atmosphère, sa présence permet de

maintenir la pression atmosphérique à un niveau adéquat aux êtres vivants.

Le fait que l’azote ait du mal à se lier lui permet de jouer un rôle essentiel pour certains

mécanismes d’autorégulation des corps vivants, par exemple dans le processus de

transmission génétique des caractères de génération en génération. Cette fonction de l’azote

est exercée grâce à sa participation dans les molécules d’ADN et d’ARN, clefs de la génétique.

Pour cause de sa très faible réactivité, bien que l’azote soit présent en très grande

quantité, sa disponibilité pour les êtres vivants dépend de l’action d’organismes très

spécialisés. C’est pour cela que contrôler la teneur en azote est la principale façon pour les

organismes écosystèmes de contrôler l’activité des êtres vivants, toujours en direction de

l’abondance et de la biodiversité.

L’organisation de la société actuelle, créée sur le principe que chaque individu doit

veiller sur ses propres intérêts afin de créer des richesses nous a porté à un point de rupture

avec les mécanismes de contrôle censés nous orienter vers le bien de l’organisme tout entier,

et non la richesse et le pouvoir des individus. L’usage intensif de fortes doses d’azote chimique

dans l’agriculture a déséquilibré complètement la capacité des organismes écosystèmes de

doser parfaitement l’activité des êtres vivants.

Dans les sols, l’activité incontrôlable et déraisonnée des êtres vivants, causée par

l’usage d’azote chimique a contribué énormément à la consommation intempestive de la

matière organique par le processus de respiration. Cette consommation excessive finit par

provoquer la forte diminution de la litière10 qui structure le sols et l’humus. Il en résulte une

désertification croissante des sols sur toute la planète, contribuant ainsi, entre autres

cataclysmes, à la perte de sa fertilité et de sa capacité à retenir l’eau. De cette manière, il en

suit une perte rapide de toute la biodiversité et de la structure propice à la vie que les

organismes forestiers ont mis tant de temps à accumuler au travers des millénaires.

« Dieu nous a unit de manière si étroite au monde qui nous entoure que la désertification

du sol est comme une maladie pour chacun de nous. » (Encíclica Louvado Seja, 2015,

Papa Francisco)

10 La litière désigne de manière générale l'ensemble de feuilles mortes et débris végétaux en décomposition qui recouvrent le sol (des forêts, jardins, sols plantés de haies, etc.).

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Désertification dans l’état de Rio Grande do Sul

Désertification du cerrado11 brésilien

Désertification dans le Nord-Est du Brésil

11 Biome de savanes spécifique aux zones Nord et Est Brésil

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La suite de photos ci-dessus montre l’escalade de la perte de matière organique au Brésil, rendant

les sols désertiques, c’est-à-dire sans vie ni eau. La 1e photo montre ce phénomène dans le Sud,

avec l’unique arbre araucária survivant tant bien que mal, puis la 2e photo témoigne de ce qui se

passe dans le Centre-Ouest, la 3e dans le Nord-Est. Cette série se termine sur la Planète Mars avec

la dernière photo, destinée terrible vers laquelle nous nous acheminons et que nous atteindrons si

la civilisation n’apprend pas à reconnaitre et à aimer l’organisme dont elle fait partie.

Une autre conséquence terrible de l’utilisation excessive de l’azote est

l’enrichissement immense de l’eau des lacs et des fleuves, rendant là aussi l’activité des êtres

vivants incontrôlable. Etant donné que l’oxygène n’est présent qu’en petites quantités dans

l’eau, une trop forte activité des êtres vivants le consommerait entièrement avec la

respiration. A cause de quoi tout type de vie finit par mourir par manque d’oxygène et donc

d’énergie. Ce processus, appelé eutrophisation, a déjà eu lieu dans la majeure partie des

fleuves et des lacs de la planète et dans d’immenses régions déjà « mortes » des océans. Ce

phénomène tragique est la principale raison qui rend l’agriculture et l’élevage basés sur

l’égoïsme des désastres écologiques comme il n’en a jamais existé de tels sur 4,5 billions

d’années d’histoire de la Vie sur notre planète.

La teneur de l’azote dans l’atmosphère est aussi contrôlée de façon complexe et

sensible grâce au cycle de l’azote. Dans ce processus, grâce à une grande quantité d’énergie,

une quantité considérable d’azote est retirée de l’atmosphère par décharges électriques et

incorporée dans les mers et les sols. Une autre partie est retirée de l’atmosphère par des

bactéries très spécialisées, qui l’incorpore dans les sols sous formes organiques.

La prolifération des algues consomme l’oxygène et tue par asphyxie tous les êtres vivants dans

d’énormes zones des océans et des lacs. Ci-dessus une forte prolifération d’algues rouges en Chine

à Qingdao et sur la plage du Ceará au Brésil.

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S’il n’existait pas cette activité continuelle des êtres vivants en charge du cycle de

l’azote, en seulement quelques millions d’années, tout l’azote de l’atmosphère serait dissout

dans les océans avec comme conséquence dramatique une salinisation fatale pour la vie

marine.

La quantité d’azote incorporée dans la végétation et dans les chaînes alimentaires des

sols par les êtres vivants est considérablement plus forte que celle incorporée par les pluies.

Si les conditions étaient favorables à ce type de mécanismes, il serait alors possible de rendre

l’agriculture indépendante de l’addition d’azote externe. Actuellement, la quantité d’azote

incorporée dans les sols par voie de fertilisation chimique est 10 fois supérieure à celle

incorporée par voie naturelle.12

6. Des sols naturellement fertiles et productifs

« On n’y connaissait pas grand-chose, mais on était sûrs que c’était le bon moment pour

que l’agroforesterie se développe. Je me suis tout de suite rendu compte que le

phénomène avait sa volonté propre. Je suis heureux d’avoir pu participer à cette histoire.

Même face à toutes les difficultés qu’on a rencontrées, je n’ai jamais pensé à

abandonner. J’avais la conviction que c’était le moment de réaliser l’apprentissage d’une

vie. Il faut qu’on apprenne ce que l’on a oublié. Je parle pour le compte de toute

l’humanité parce que notre monde n’en peut plus de toutes les agressions que nous,

humains, lui faisons subir. » (Pedro, Cooperafloresta)

Dans les paragraphes précédents, nous avons tenté de montrer notre foi dans l’infinie

interdépendance, intelligence et organisation présentes dans tous les processus qui se

réalisent sur chaque centimètre carré de l’organisme Planète Terre.

A partir de maintenant, l’objectif est de se concentrer sur les processus pouvant rendre

fertiles les sols. Grâce à l’infinie intelligence de la Nature, ces processus permettent aussi la

réapparition des cours d’eau, la correction du changement climatique, le retour des oiseaux

et la survie d’un monde où « les printemps ne deviendront jamais silencieux ».

Les sols sont formés par le travail de la Nature toute entière qui, grâce à la présence

de la vie, augmente la matière organique et transforme les roches. A ce travail incroyablement

parfait participent la pluie, le soleil et un nombre incalculable d’êtres comme les plantes, les

microbes, les vers de terre, les fourmis, les tatous et les oiseaux.

12 Le guide « Agricultura Ecológica, Princípios Básicos” elaboré par le Centre Ecologique et disponible sur le lien : http://www.centroecologico.org.br/Agricultura_Ecologica/Cartilha_Agricultura_Ecologica.pdf, outre de nombreux contenus de grande importance pour la pratique d’une agriculture basée sur les processus naturels, montre en page 21 que presque 500kg/ha d’azote pourrait être fournis aux cultures grâce aux processus naturels.

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Les roches sont de différents types et origines, il en existe qui se désagrège plus ou

moins facilement, et dont la composition est plus ou moins riche en nutriments. Selon une

combinaison complexe de facteurs, comme le type de la roche, le climat, le relief et l’histoire

de la vie dans un lieu en particulier, les sols seront naturellement profonds, fertiles, de couleur

obscure et riche en matière organique, ou non.

Même s’il existe une infinie diversité de sols d’origines différentes, on peut observer

que, toute chose égale par ailleurs, les sols des forêts sont toujours immensément plus fertiles,

aérés, souples, humides et productifs. Ils seront éternellement couverts par les feuilles mortes

et les branchages. Entre la couverture du sol et la terre, on peut voir des champignons

blanchâtres captant l’azote de l’air et une grande quantité d’êtres et de vers de terre aérant

et fertilisant la terre grâce à leurs déjections rondes.

Si nous pouvions voir à travers la terre, nous verrions que la profondeur atteinte par

les racines, par la matière organique et par toute la biodiversité souterraine, est

proportionnelle à la biodiversité qui est au-dessus de la surface, étant ainsi comme la réflexion

dans un miroir de la végétation et de la vie au-dessus de la terre. Cela nous permet de mieux

nous rendre compte de pourquoi un sol sous couvert forestier est bien plus vivant et fertile

qu’un sol sous tout autre type de couverture végétale.

La matière organique est formée par les restes des animaux et des plantes et leurs

rejets, c’est pour cela qu’elle est généralement obscure. Cependant, les rejets des uns seront

l’alimentation des autres. La matière organique est toujours l’aliment, la source d’énergie qui

rend possible le travail de tous les êtres qui, à leur tour, rendent le milieu fertile et adapté à

la vie.

Au Brésil, il est fréquent de rencontrer des sols forestiers qui contiennent de 5% à 6%

de matière organique, alors que les sols cultivés par l’agriculture conventionnelle en

contiennent moins d’1%. Pour cela, les sols brésiliens étaient par le passé naturellement très

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fertiles, rendant l’agriculture simple et productive. Aujourd’hui le Brésil est la nation

important et usant les plus grandes quantités d’intrants chimiques au monde.

Dans les conditions naturelles, le sol est humide et mou, capable de stocker et de

permettre la circulation de l’air et de l’eau, avec des espaces qui facilitent la pénétration des

racines, riche en matière organique et en nutriments, et abritant une grande quantité et

diversité d’êtres vivants. Une partie de la matière organique est composée d’une multitude

d’aliments divers, indispensables à la santé parfaite de la végétation. Cette grande diversité

d’aliments sera libérée en temps et en dose adapté et ne peut être produite que par une

biodiversité intense, présente uniquement dans les écosystèmes qui ont atteint les degrés les

plus élevés du parcours de la vie. Un autre facteur participant à ces conditions parfaites est le

climat généré par les forêts avoisinantes, avec des températures stables qui ne subissent ni

augmentations ni diminutions radicales, ainsi qu’un contrôle de la quantité de vent, pouvant

assécher les plantes.

C’est cette situation, cette combinaison parfaite, que nous devons atteindre.

L’évolution vigoureuse du système agroforestier de Jorlene et Gilmar, juste après être passé par

un stade d’intense rénovation, dans la ville de Barra do Turvo, état de São Paulo.

Dans le type de clairière montré par la

photo à gauche, les espèces pionnières de

vie courte ou longue et les arbres qui

poussent dans leur ombrage poussent

ensemble, à partir du moment où la

clairière se forme. Pousser ensemble est

une stratégie qui permet à ces plantes

d’obtenir la dose exacte de lumière dont

elles ont besoin, et profiter de la

compagnie des racines des unes et des

autres afin de pénétrer le sol de manière

conjointe et extraire les nutriments plus

efficacement. Chacune de ces espèces possède des capacités de colonisation du sol

différentes et de captation des nutriments bénéfiques à tous. Ces nutriments sont partagés

entre toutes les plantes par le biais de la chute des feuilles, des branches, des racines et des

échanges mettant en relation les réseaux des filaments des champignons. Ensemble, elles

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parviennent à atteindre les conditions parfaites pour leur développement. C’est pour cela que

dans les systèmes agroforestiers, on cherche à installer en même temps des plantes qui ont

des fonctions écologiques complémentaires, permettant ainsi que chaque fonction soit

réalisée par une espèce spécialiste. On cherche aussi à occuper les strates aériennes par des

canopées et les strates souterraines par les racines de différentes plantes.

En réalité, il est erroné de penser que dans une forêt, chaque plante possède un

système racinaire, puisqu’on peut observer qu’il existe en fait toute une toile de racines

formant ensemble un gigantesque organe-racine appartenant à l’organisme forestier entier.

Que ce soit dans les forêts ou dans les systèmes agroforestiers, la majorité des graines

et des plants n’arriveront pas à maturité. Cependant, ces plantes qui ne verront jamais l’âge

adulte ne seront en aucun cas des pertes puisqu’elles auront aéré le sol, dissout les nutriments

accrochés aux argiles, alimenté la vie du sol et seront finalement transformées en matière

organique, complétant ainsi leur fonction écologique dans l’organisme. Il ne restera que les

plantes les plus saines et les mieux adaptées au local et au sol. Grâce à la très haute densité

utilisée, si un quelconque accident provoquait la perte d’un plant, il y aurait toujours un autre

pour le remplacer.

L’occupation parfaite des strates garantit l’utilisation optimale de la lumière parvenant

jusqu’au sol. Ceci permet que la production d’aliments, mécanisme le plus important

permettant l’ascension de l’échelle de la vie, soit réalisée de la manière la plus abondante

possible. Ainsi, le semis de graines en grande quantités par la Nature est une étape

fondamentale pour la marche de la vie, ce principe est donc tout aussi fondamental pour la

création de systèmes agroforestiers. L’élagage permanent en est aussi un principe fondateur,

aidant la canopée des arbres à occuper la place la plus adaptée à leur strate aérienne naturelle,

laissant passer jusqu’au sol la quantité exacte de lumière pour chaque espèce cultivée.

A mesure que le temps passe, la clairière va finir par se refermer, ne laissant plus passer

la lumière suffisante pour les espèces se développant dans les strates inférieures. C’est pour

cela que les arbres les plus jeunes rencontrent alors de grandes difficultés à se développer.

Ainsi, pour qu’une espèce se développe pleinement, il est primordial qu’elle ait été implantée

au même moment que la création de la clairière, ou alors elle devra attendre la création d’une

nouvelle clairière. Dans la gestion d’un système agroforestier, c’est la raison qui justifie les

rénovations du système.

Reconnaître les principaux processus qui font que les organismes forestiers réalisent

leurs fonctions avec une efficacité grandissante est très important pour pouvoir ensuite les

reproduire et les valoriser afin de récolter, finalement, des aliments, des remèdes, des fibres

et tous les autres produits dont nous avons besoin.

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7. Succession Naturelle

Dans les clairières des forêts, on trouve en général de grandes quantités de graines

dans le sol car la stratégie des plantes a toujours été d’éparpiller un maximum de graines afin

qu’elles puissent tenter de germer dans les milieux les plus différents si elles en ont la

possibilité. Ainsi, quand une clairière se forme, elle porte dans son sol l’héritage de toutes les

espèces d’arbres qui occupait ce lieu auparavant.

Toutes les espèces (colonisatrices, pionnières, secondaires et climax) ont tendance à

pousser ensemble, bien qu’à des rythmes différents, pour cela elles font partie d’un seul et

même « Système Ecologique ». Les colonisatrices ont une vie courte et leur fonction est de

servir de « placenta protecteur ». En effet quand la forêt renait, les arbres sont encore aussi

fragiles que des fœtus. Sous cette protection peuvent grandir les espèces pionnières, qui sont

les plus rapides, par la suite viennent les secondaires et enfin les climax. Dans la catégorie des

secondaires il existe les secondaires initiales, puis les secondaires moyennes et les secondaires

tardives. Le placenta formé par les plantes colonisatrices va installer les conditions parfaites à

la croissance des espèces suivantes, qui grandissent plus lentement et ont une durée de vie

toujours plus longue. A chaque degré de la succession naturelle, la forêt comme un tout

grandit aussi et avance d’un stade initial aux différents stades moyens puis, finalement, par le

stade le plus avancé, appelé de climax.

Schémas réalisés par l’Association Française d’Agroforesterie, tirés d’une traduction de documents

de l’association Life in Syntropy. On peut voir la succession végétale d’un système écologique, avec

une représentation schématique des cycles de vie de certaines catégories de plantes (placenta,

secondaire, climax) ainsi que les différentes strates.

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7.1. L’éternel recommencement en spirale de la Succession Naturelle

Nous allons maintenant parler de la Succession des Systèmes Ecologiques, dont fait

partie la Succession Végétale dont il était question dans le paragraphe précédent. A la fin de

chaque cycle, quand il se forme une nouvelle clairière, toute la végétation est remplacée par

un nouveau groupe, plus adapté pour interagir avec le nouveau degré de fertilité plus élevé

généré lors du degré précédent. A chaque degré de fertilité apparaissent de nouveau des

plantes colonisatrices générant un placenta pour les espèces pionnières, ces dernières sont

un placenta pour les espèces secondaires et enfin pour les espèces climax.

C’est pour cela que nous décrivons cette succession comme suivant un chemin en

spirale, qui passe plusieurs fois par les mêmes étapes, mais toujours à des degrés de fertilité

différents. Quand l’Homme se comporte comme acteur en harmonie avec la Nature, cette

spirale se dirige toujours vers le haut. Mais quand l’Homme cède aux illusions le portant à

croire que le monde est régi par la compétition et non par la coopération, il détruit la matière

organique et toute la structure des écosystèmes. Le chemin en spirale se dirige alors vers le

bas, ou alors il se produit une rupture. Dans ces cas-là, malheureusement les plus fréquents

dans notre monde actuel, la succession en spirale peut recommencer à zéro…

A chaque centimètre de sol de la Terre, tous les êtres vivants travaillent ensemble de

manière intelligente pour améliorer les conditions de vie du milieu et de l’organisme Planète

Terre entier. L’éternel recommencement en spirale de la Succession Naturelle fait partie d’une

grande stratégie visant à promouvoir les conditions les plus favorables pour les générations

futures. Reconnaitre ce processus nous permet de percevoir les lois qui le régisse. La

compréhension de ces lois est fondamentale afin que nous puissions revenir à une agriculture

pour laquelle la fertilité repose sur des processus naturels.

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7.2. La succession des systèmes écologiques au sein des organismes forestiers

Les systèmes qui se succèdent sont différents pour chaque biome et chaque niche

écologique, en fonction notamment du climat, du relief et des caractéristiques du sol.

Néanmoins, cette succession possède des lois communes, qui ne dépendent pas du biome

dans lequel elle a lieu.

Les forêts sont en réalité un grand mélange de « systèmes écologiques ». Dans chaque

petit morceau d’une forêt se réalise toujours plein de rénovations. A chaque endroit différent,

la succession naturelle peut suivre des rythmes différents d’évolution, selon plusieurs facteurs

comme les compositions hétérogènes de sol, les microclimats et d’autres particularités.

Stimuler les processus de digestion et de respiration consomme la matière organique.

Cependant, lorsque le sol est constitué d’un humus et de matière organique en quantités

suffisantes, l’intensification modérée de ces processus peut résulter en l’augmentation

significative de la photosynthèse. C’est pour cela que les organismes forestiers, du placenta

des plantes colonisatrices jusqu’aux espèces climax, tendent à produire une matière

organique toujours plus riche en azote et plus pauvre en substances difficiles à digérer, comme

la lignine13.

Prioriser l’accumulation de matière organique et d’humus entraîne un coût écologique.

En effet, afin d’améliorer les conditions de vie du milieu, les êtres vivants utilisent la matière

organique comme source d’énergie pour, par exemple, creuser des canaux, tirer de l’azote de

l’atmosphère, ou encore extraire les nutriments des roches érodées présentes dans le sol.

Dans un cas extrême de manque, les organismes forestiers ralentiront automatiquement ces

actions d’amélioration afin d’économiser la matière organique.

Ernst Götsch a donné le nom de « systèmes de lignine » aux systèmes composés par

des espèces colonisatrices, pionnières, secondaires et climax qui apparaissent quand les

conditions du milieu sont encore extrêmement dégradées, ou que le chemin en spirale en est

encore à ses débuts. Dans ces systèmes, les teneurs en azote sont encore très faibles et la

quantité de matériaux lignifiés, difficilement décomposables, est à son maximum.

Dans les systèmes de lignine, une grande partie de la matière organique produite par

la végétation est accumulée sous différentes formes composites, comme l’humus. L’humus

possède une fonction de « colle » qui unit les grains d’argile, de sable et de limon14, formant

de petites boules de terre mêlée à la matière organique. Ces boules sont arrondies et ne

s’encastrent donc pas bien entre elles, laissant des espaces creux à l’intérieur du sol.

Ces espaces dans le sol se joignent aux petits chemins ouverts par les êtres vivants et

les racines, transformant peu à peu le sol en une éponge où peuvent circuler l’air et l’eau. Cela

peut permettre à l’eau de rester disponibles pour les microbes, les animaux et la végétation

durant de nombreux jours sans pluie. La matière organique colle les nutriments présents dans

13 La lignine est un des principaux composants du bois. 14 Un limon est une formation sédimentaire dont les grains sont de taille intermédiaire entre les argiles et les

sables c'est-à-dire entre 2 et 50 micromètres.

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le sol avec une intensité parfaite : assez pour qu’ils ne soient pas lessivés par l’eau de pluie

mais pas trop afin que la végétation puisse les absorber.

Les photos ci-dessus montrent respectivement les espèces Guanxuma, Carqueja et Sapé, espèces

typiquement génératrices de placenta. Ensuite, le Bracatinga et l’Embaúba-branca qui sont des

arbres pionniers. Toutes ces espèces sont liées à des systèmes relativement au début du chemin

en spirale de la succession végétale. Les espèces constituant ces systèmes varient beaucoup entre

chaque biome différent.

Les systèmes qui succèdent aux systèmes de lignine possèdent des teneurs en azote et

lignine intermédiaires dans leur végétation. Dans ces systèmes la vie a déjà commencé à se

structurer de façon suffisante à ce que les augmentations modérées de la respiration résultent

en de grandes augmentations de la photosynthèse, portant la quantité de matière organique

à ses niveaux les plus élevés. Ernst Götsch nomma ces systèmes les « systèmes

d’accumulation », car ils sont spécialisés pour accumuler de façon la plus rapide la matière

organique.

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Après les systèmes d’accumulation, viennent les « systèmes d’abondance15 », où les

teneurs en azote et l’efficacité de la photosynthèse se rapprochent de leurs maximums

possibles. Les endroits où sont prépondérants les systèmes d’abondance en sont arrivés là

grâce à un grand nombre de rénovations. Il existe des lieux, généralement en bordure de

fleuves et proches de montagnes, dans lesquels le passage d’éventuels vents violents ou crues

déracinent les vieux arbres ayant déjà réalisé leurs fonctions, accélérant ainsi les processus de

rénovation. Le bois de ces milieux sont généralement plus mous et les branches tombent plus

facilement, favorisant encore plus l’apparition d’événements de rénovation.

Les paragraphes précédents montrent à quel point les organismes forestiers sont régis

par une infinie intelligence, dosant la croissance des êtres vivants grâce au contrôle des

teneurs en azote de la matière organique et du sol. Dans l’évolution d’un organisme forestier,

il n’y a généralement pas de système majoritaire sur tout le territoire occupé par la forêt, mais

il peut exister des tronçons où prédominent un système en particulier.

Les roches les moins lavées et érodées par la pluie, qui possèdent encore une

constitution riche et proche du magma originel, rendent plus rapide l’accession aux systèmes

d’abondance. Dans les endroits où le sol fut engendré par des roches déjà très lavées par le

passé, l’utilisation de poudre de roche de nature volcanique (basaltique) peut permettre de

pallier les faiblesses du lieu. Un relief peu accidenté et principalement en forme de bassin, qui

facilite l’accumulation du sol et de la matière organique, est plus emprunt à suivre une

évolution rapide, au contraire des collines et des monts où l’inclinaison favorise le

ruissèlement de l’eau, contraire à l’accumulation.

Les processus de rénovation qui permettent

d’atteindre les systèmes d’abondance peuvent être

très largement accélérés grâce à la pratique de

l’élagage : qu’il soit permanent comme dans les

systèmes agroforestiers intensément cultivés, ou

qu’il suive des cycles de 5, 10, 20, 50 ou 100 ans. Pour

qu’un système gagne plus vite en fertilité, il est

important que se manifestent des perturbations. Elles

peuvent être totales et prendre la forme

d’événement climatiques violents (ouragans,

éclairs…) et créer des chablis (clairières), dans ce cas

les arbres les moins adaptés ou en moins bonne santé

laisseront ainsi place à d’autres plus efficaces, tout en

les nourrissant de leur matière morte. On parle alors

de rénovation. Les perturbations peuvent aussi être

partielles et ne concerner qu’un ou peu d’individus.

15 Ernst a choisi le terme abondance car en latin, abundancia vient du verbe déborder. Le système d’abondance déborde de vie et de fertilité sur les zones environnantes. Les espèces apparaissant dans ce système sont donc vouées à « exporter » cette vie vers d’autre systèmes moins avancés et plus pauvres. C’est typiquement un des rôles des grands animaux qui consomment les aliments dans un système d’abondance et les redépose dans un autre grâce à leurs excréments.

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Elles sont provoquées par des animaux de grand port comme l’éléphant ou même des plantes

grimpantes comme le lierre. Là aussi ces perturbations peuvent permettre de retirer un

individu peu efficace de l’organisme, mais elles peuvent aussi stimuler la croissance d’un

individu : un arbre bien élagué peut atteindre une bien meilleure santé. Nous pouvons

reproduire ces processus grâce à un élagage plus ou moins radical, choisir de rénover un

système, ou bien de seulement perturber le système.

Ce principe de rénovation partielle ou totale est fondamental dans la pratique

agroforestière agroécologique. Il fut historiquement utilisé dans l’agriculture traditionnelle

pratiquée par les quilombolas et d’autres populations anciennes qui basaient leurs pratiques

sur le repos de la terre afin de recomposer sa fertilité : un des exemples connus est

l’agriculture sur brûlis. C’est en usant de ce genre de techniques que les indigènes générèrent

ce que l’on appelle aujourd’hui le phénomène de « terre noire des indiens ». Dans ces sols,

encore présents en Amazonie, la matière organique est prédominante, en couches qui

peuvent atteindre une profondeur supérieure à deux mètres. Plusieurs études ont démontré

que ces sols ont été produits par l’action des peuples indigènes.

Quand toute la végétation d’une clairière est abattue, une fraction de la matière

organique est alors consumée par la respiration des êtres vivants. Cependant, la majeure

partie finit aussi par retourner dans le sol grâce au bois mort qui reste à la surface et qui sera

lentement digéré. Le processus de succession se reproduira dans la clairière à un niveau de

fertilité supérieur au précédent, s’il n’est pas entravé.

Pratiques agroforestières ; La photo du paragraphe précédent montre l’élagage intensif d’un

eucalyptus et la photo ci-dessus la rénovation d’une parcelle en agroforesterie.

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Ce niveau de fertilité supérieur permet à des espèces plus exigeantes de se développer,

capables de produire plus de matière organique, à tous les niveaux, du placenta aux arbres

climax. Ainsi, lors de ce nouveau stade de la succession, plus de matière organique pourra être

accumulée et se sommera à la matière organique qui ne fut pas complètement consommée

lors du stade antérieur.

Cet usage savant et modéré des processus de rénovation permit aux peuples natifs

d’Amérique de laisser un héritage de terres hautement fertiles, et des systèmes agroforestiers

dotés d’une majestueuse biodiversité. Ces systèmes étaient tellement bien intégrés aux

processus naturels que les colons portugais n’arrivèrent même pas à concevoir qu’il s’agissait

de parcelles cultivées par les peuples indigènes, et non des forêts vierges. Déjà les premiers

rapports écrits par les colons sur le Brésil racontent à tort que les indigènes ne cultivaient pas

la terre. Pourtant, Pero Vaz de Caminha16 écrit à propos de « cette igname qui se retrouve

partout », cette igname n’était pas une espèce sauvage mais bien une plante sélectionnée

durant de nombreuses générations, une plante qui, sans le travail et l’expérience des peuples

indigènes n’auraient jamais pu produire autant…

7.3. Concepts de stratification et d’étages de la Succession Naturelle

La stratification est un processus par lequel les organismes forestiers s’organisent en

étages à chaque stade de la succession naturelle, afin que chaque espèce puisse capturer en

collaboration avec les autres le maximum d’énergie solaire arrivant au sol.

La strate d’une plante est l’étage que sa partie aérienne (feuillage) occupe dans

l’organisme forestier et le stade de la succession auquel elle appartient. Par exemple, si un

arbre est de la strate haute et du stade climax, il occupera l’étage supérieur de l’organisme

forestier lorsque l’organisme atteindra le stade climax. Si un arbre est une espèce de la strate

moyenne du stade secondaire, il occupera l’étage moyen de l’organisme forestier lors du stade

secondaire de la succession, etc.

16 Pero Vaz de Caminha est un écrivain portugais, connu par ses fonctions de secrétaire de l'escadre de Pedro Álvares Cabral, « le découvreur du Brésil », en l’année 1500.

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Ainsi, la pratique agroforestière consiste, par exemple, à permettre grâce à l’élagage à

une espèce climax de la strate moyenne d’occuper l’étage moyen du système, précédemment

occupé par une espèce secondaire elle aussi de strate moyenne. Le but étant bien sûr de

réaliser ce travail au bon moment, quand l’espèce secondaire a déjà réalisé son travail et que

le système a atteint le stade climax.

On peut observer que les arbres de la strate haute forment une canopée bien plus

éloignée du reste du système que les strates inférieures. De cette manière, plus la strate est

haute, plus elle laisse passer de lumière aux strates inférieures. Ernst Götsch, afin de vulgariser

son observation des processus naturels dans le but de les adapter à la pratique agroforestière,

a estimé que la strate émergente (la plus haute) laisse passer 80% de la lumière qu’elle reçoit,

la strate haute 60%, la strate moyenne 40% et la strate basse 20%.

Il faut être prudent quand on souhaite utiliser les classifications technico-scientifiques

standards des végétaux car elles ne prennent pas toujours en compte les mêmes bases que

celles décrites ici : système de succession (colonisation, accumulation, abondance), place dans

la succession (espèce pionnière, secondaire initiale-moyenne-tardive, climax) et stratification

(étage bas, moyen, haut et émergent). Cela ne doit cependant pas être un frein car il est

important de pouvoir profiter de l’immense connaissance écologique cataloguée dans ces

classifications.

Il est important de noter qu’il existe des écosystèmes de toutes les hauteurs. Cela a

pour cause les différents facteurs environnementaux limitant la croissance des arbres, le plus

souvent le climat et le type de sol. Il est normal de rencontrer des espèces de la strate haute

d’une forêt haute de taille plus petite que des espèces de la strate moyenne d’une forêt plus

basse. Pour donner un exemple parmi les espèces les plus connues, on peut citer l’acerola et

l’avocatier. L’acerola est une espèce de la strate haute car il occupe l’étage haut dans son

écosystème d’origine. L’avocatier est, lui, une espèce de la strate moyenne, pourtant, il est

fréquent de rencontrer des acerolas plus petits que les avocatiers. Ceci vient du fait que la

forêt dont est originaire l’acerola atteint une hauteur inférieure à la forêt dont est originaire

l’avocatier. Or un acerola ne se développera jamais bien s’il se retrouve en dessous d’espèces

de strates inférieures à la sienne, dans le cas présent, l’avocatier. Une telle association sera

néfaste à la croissance de l’acerola.

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Schéma de synthèse réalisés par l’Association Française d’Agroforesterie, tirés d’une traduction de

documents de l’association Life in Syntropy. On peut y voir les différents principes abordés

précédemment, appliqués à des espèces du climat méditerranéen.

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7.4. Systèmes de lignines

Quand les terres sont abandonnées aux bras de la Nature nues, dures, pauvres, sèches

et craquelées afin qu’elles se reposent, les premières espèces à apparaître sont des herbes et

de petits arbustes, capables de grandir et résister dans les pires conditions. Peu de temps

après, grâce à la matière organique et l’ombre que ces premières espèces génèrent, vont

commencer à pousser des arbres pionniers, secondaires puis finalement climax. Toute cette

végétation produira de la matière organique dure et rêche, venant du fait que les teneurs en

azote sont faibles comparées à la grande quantité de matières difficilement digérables par les

organismes du sol, comme les lignines.

Le manque de conditions favorables ne laisse alors se développer qu’une faible variété

d’animaux et de microorganismes, capables de résister eux aussi aux mauvaises conditions

présentes dans le sol et à l’air libre. Ces êtres ne digèrent et ne profitent que d’une petite

partie des aliments qu’ils consomment. La majeure partie de ces aliments est modifiées et

rejetées sous la forme d’excréments, qui devient alors une réserve grandissante d’aliments

riches en énergie, ainsi qu’une colle qui va permettre aux grains du sol d’adhérer entre eux,

structurant ainsi la terre.

Exemple de système de lignine avec des espèces adaptées à l’aridité et l’inhospitalité du milieu.

7.5. Crises de vieillissement de l’Organisme Planète Terre

Les espèces pionnières ont une vie plus courte que celles qui ont besoin de leur ombre

pour grandir. Les espèces pionnières se développant dans les terres très pauvres ont une vie

encore plus courte. Quand elles vieillissent, leurs feuilles perdent le verre de la chlorophylle

et jaunissent, rendant impossible la captation de l’énergie solaire pour la transformer en

aliments. Il arrive alors un moment où elles ne peuvent même plus capter assez de lumière

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pour réaliser les tâches indispensables à sa survie et son rôle à l’intérieur de l’organisme

forestier, comme produire de la matière organique, tirer l’eau du sol, capter et rendre

disponibles les nutriments coincés dans les profondeurs du sol…

Quand ce moment arrive et que les espèces qui réalisent les tâches les plus

importantes de l’organisme forestier entrent en décrépitude, tout le système perd lui aussi en

vigueur. Il se produit alors la décadence globale de l’organisme, car les racines des arbres sont

toutes entrelacées en réseau dans les entrailles de la terre, échangeant nutriments et

informations, formant ainsi un organe unique : les racines de la forêt. Ainsi, le vieillissement

ou la régénération d’une ou plusieurs plantes participe au vieillissement ou à la régénération

de l’organisme forestier entier. De cet organe géant appelé « racines de la forêt » font aussi

partie activement les êtres qui vivent dans le sol. Ces considérations nous montrent à quel

point il est important de veiller à maintenir les plantes d’un SAF agroécologique toujours

jeunes et vertes grâce à l’élagage, la récolte et l’extraction des individus les plus vieux. Ceci

nous a été démontré de nombreuses fois par la pratique et par le récit de beaucoup de familles

de producteurs.

Les espèces secondaires et climax vieillissent aussi, rendant fondamentaux les

processus de rénovation partielle (quand seulement un individu est substitué) et de

rénovation totale (décrite dans le prochain chapitre) afin de poursuivre le parcours de la

succession naturelle.

Images relatives aux mycorhizes, champignons vivant en synergie avec les racines de la végétation.

Entre autres, elles permettent d’agrandir le volume de sol accessibles par les racines des plantes,

dissolvent et captent des nutriments et de l’eau, et participent à l’échange constant de nutriments

et d’information entre toute la communauté.

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7.6. Libérer de l’espace, des nutriments et de l’énergie pour l’éternelle

renaissance de la vie : l’apparition d’une clairière

Quand une rafale de vent déracine les arbres les plus vieux dans la forêt, entraînant

d’autres arbres liés à eux par des lianes, s’ouvre alors une clairière. Certaines espèces

bourgeonnent de nouveau et d’autres non. Pour celles qui ne renaissent pas, toutes leurs

racines meurent ; celles qui rebourgeonnent se débarrassent d’une grande partie de leurs

racines les plus fines (les radicelles) chargées d’absorber l’eau et les nutriments, car sans

feuilles pour capter de l’énergie, il faut réduire le nombre de racines à alimenter. Ainsi, dans

les clairières se forme toujours une grande quantité de racines mortes. Cette quantité varie

en fonction de l’espèce et du milieu. En règle générale, le poids total des racines d’un arbre

est proportionnel au poids de son feuillage. A mesure que la vie du sol va s’alimenter de ces

racines mortes vont se créer des tunnels structurant la terre, laissant entrer l’air, l’eau, les

animaux et les racines de nouvelles plantes.

Les feuilles et le bois mort vont recouvrir le sol, maintenant une forte humidité et

protégeant les agglomérats de terre et de matière organique du poids des gouttes de pluie.

Grâce à ces agglomérats, les grains de terre sont bien collés entre eux et ne peuvent ainsi

disparaître en se dissolvant dans l’eau. La matière organique qui reste au sol empêche l’eau

de prendre de la vitesse en s’écoulant, même dans les endroits les plus inclinés. De cette

manière, il n’apparaît quasiment pas d’érosion, phénomène classique dans les zones

découvertes, et responsable majoritairement de la perte de la terre la plus fertile du milieu,

qui s’en va remplir les rivières.

De plus, la température au sol des clairières se met à augmenter grâce à l’entrée des

rayons du soleil, provoquant ainsi la germination d’une grande quantité de graines qui étaient

justement en train d’attendre patiemment l’arrivée de cette chaleur.

Une petite partie de la matière organique sera recyclée sous la forme de composés

organiques qui apportent une forte santé à la végétation et à la vie des sols. La majeure partie

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sera consommée durant les processus de digestion et respiration des êtres vivants,

fournissant énergie, minéraux et carbone, essentiels pour la croissance de la végétation et des

autres êtres vivants. Grâce à ce processus, une grande quantité de nutriments qui étaient

présents dans le sol sont libérés.

Une partie importante de la matière organique sera intégrée à l’intérieur du sol, le

rendant plus souple et poreux, et servant aussi de réserve d’énergie et de nutriments mise à

disposition de manière lente pour les êtres vivants.

Mais pour que tous ces processus se réalisent rapidement et finissent par refermer à

nouveau la clairière ouverte, les êtres habitant les sols ont besoin de beaucoup d’énergie.

C’est pour cela qu’au début d’une phase de rénovation, l’organisme forestier se met à

produire une matière organique plus riche en azote, et pauvre en composés dont les

nombreuses liaisons chimiques les rendent difficiles à digérer, tels que la lignine. Lorsque cette

fonction de rénovation est effectuée grâce notamment à la consommation d’une partie de

l’énergie accumulée lors du stade antérieure de succession, les organismes forestiers se

remettent à produire une matière organique riche en lignine, plus difficilement digérable,

comme le bois. Cette nouvelle matière organique, sera en grande partie accumulée à son tour

pour être ensuite partiellement mise à disposition dans le futur, rendant possible la nouvelle

vie de l’organisme forestier, toujours plus abondante et active à chaque stade du parcours en

spiral de la succession naturelle.

Dans la pratique agroforestière, juste après un élagage de rénovation, la matière

organique est consommée et transformée rapidement. Afin que la Nature continue à aller de

l’avant sur le parcours de succession, il est important que les excellentes conditions soient

parfaitement exploitées, depuis le début, pour une croissance forte de la nouvelle végétation.

Cette végétation se doit d’être bien diversifiée et doit former le plus tôt possible plusieurs

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étages afin que la production de feuilles, branches et bois soit maximales et supérieures à

avant l’élagage effectué.

Cependant, si pour n’importe quelle raison ces processus venaient à être empêchés ou

ralentis, l’organisme forestier continuerait à digérer et respirer plus qu’à réaliser la

photosynthèse. En conséquence, il se produira une perte croissante en minéraux et matière

organique qui structurent le sol. Les organismes forestiers ont des moyens pour éviter cela, et

permettre à la renaissance de se produire plus loin dans le futur, dans de meilleures

conditions. Ils se servent de l’acidification des sols. L’acidité fait que les minéraux se mettent

à adhérer énormément aux argiles du sol, les rendant insolubles dans l’eau. De cette manière

ils ne pourront pas disparaître, lessivés et emportés par l’eau de pluie, mais ils restent alors

indisponibles pour la majeure partie de la végétation et des êtres vivants.17

7.7. La fonction essentielle des « Agents Rénovateurs »

Toutes les rénovations opérées par la Nature ne sont pas toujours réalisées de manière

aussi totale que la formation de clairières. La plupart du temps, seul le travail des agents

rénovateurs suffit afin que la Nature puisse passer le pas et continuer son parcours.

Les agents rénovateurs sont des animaux et des microbes qui ont pour fonction de

retirer du système tout ce qui ne contribue pas au bien être de tous et à la poursuite du

parcours vers l’abondance. De cette manière, ils sont de véritables catalyseurs des processus

naturels. La fonction des agents rénovateurs est, de nos jours, très mal interprétée. Ainsi, ces

êtres extraordinaires, que l’on nomme aujourd’hui « nuisibles » ou « ravageurs » sont

généralement combattus avec férocité.

Quand les plantes et les arbres ne grandissent pas dans les meilleures conditions et

qu’ils ne reçoivent pas ce dont ils ont besoin, le développement de leur corps est incomplet

et les parties qui le composent sont mal assemblées. Techniquement parlant, ces plantes ne

réussissent pas à synthétiser leurs protéines correctement, elles deviennent très peu efficaces

pour les former. Ainsi, les molécules qui composent ces protéines, les aminoacides, faute

d’être assemblés en protéines, se retrouvent en excès et finissent par se dissoudre avec les

sucres dans la sève. Seule une plante dans cette situation peut devenir un aliment pour un

agent rénovateur. En effet, ces êtres ne

disposent pas d’un système digestif très

sophistiqué et ils sont incapables de séparer les

protéines en aminoacides, il leur manque ces

« ciseaux chimiques » que l’on appelle les

enzymes pour réaliser ce travail. Pour cela, les

plantes saines sont indigestes pour les agents

rénovateurs. Pour qu’ils puissent survivre et se

reproduire ils ont besoin de trouver des plantes

malades, dont les sèves sont gorgées d’aminoacides et de sucres qui devraient normalement

17 Ce phénomène de création de clairière est appelé « chablis » dans le jargon forestier français. Voici une petite vidéo en français en expliquant aussi les grandes lignes : https://www.youtube.com/watch?v=nmFA9OlfxzY

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faire partie de leurs tissus végétaux. On ne voit d’ailleurs aucune plante saine attaquée par

des « ravageurs » dans la forêt, seules les plantes malades ou vieilles ainsi que les feuilles

mortes leur servent d’aliments.

Cette fonction organique des agents rénovateurs est ce qui les rend importants dans le

système, et ce pourquoi il nous faut les observer et apprendre d’eux plutôt que de les chasser.

Ils retirent du milieu les plantes qui sont le moins bien adaptées, qui ne sont pas dans les

conditions adéquates pour se développer de façon saine et ainsi participer activement au

parcours vers l’abondance. C’est pour cela qu’on observe parfois des lignes entières de

fourmis faire de grandes randonnées pour aller couper une espèce de plante dont on peut

pourtant trouver des individus juste à côté de leur colonie. Dans ce cas-ci, il est fort probable

que les individus de cette espèce se trouvant proches de la colonie profitent de conditions

plus adaptées à leur développement, sont donc plus saines et ne conviennent pas comme

aliment pour les fourmis, les plus grands agents rénovateurs de la Nature. Les fourmis sont de

véritables architectes de la Nature.

Selon les situations, il est parfois nécessaire pour le développement des organismes

forestiers que les agents rénovateurs s’occupent de retirer un arbre entier, ou alors une simple

branche, qui empêchait la croissance d’une espèce faisant partie d’un stade plus avancé du

parcours en spirale de la succession végétale. Par exemple, il peut être nécessaire de retirer

un arbre pionnier qui procurait auparavant une ombre bienvenue pour la croissance d’une

espèce secondaire mais qui, maintenant que cette espèce est plus âgée, l’empêche de recevoir

la quantité de lumière suffisante pour se développer pleinement. Ainsi, les organismes

forestiers sont souvent amenés à se servir des agents rénovateurs, comme les fourmis, les

coléoptères ou les chenilles, pour corriger des erreurs.

Comprendre cette fonction essentielle des agents rénovateurs peut nous permettre

de voir les choses sous un autre angle et tirer certaines conclusions sur la pratique intensive

de l’agriculture artificielle aujourd’hui, et l’effet des produits chimiques sur les plantes.

Pourquoi, constate-t-on des populations de ravageurs toujours plus élevées dans les champs ?

Cet indicateur, mal interprété, pousse l’agriculteur à utiliser toujours plus de pesticides pour

se débarrasser de ces nuisibles. Cependant, il entre alors dans un cercle vicieux et ne traite

pour ainsi dire qu’un symptôme sans réellement percevoir la cause…

Les plantes traitées en conventionnel, subissant l’usage intensif de fertilisants de

synthèse sont en réalité dans un tel état de décrépitude que les agents rénovateurs y sont

absolument attirés. Une plante recevant des fertilisants chimiques n’est en réalité pas du tout

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dans les meilleures conditions pour son développement, ces composés chimiques lui sont

extrêmement difficiles à digérer. Ainsi, pour réussir à les décomposer elle utilise beaucoup

d’énergie, de plus, comme ces composés contiennent beaucoup d’éléments toxiques pour

elle, la plante se doit ensuite de les éliminer, processus de détoxification qui consomme

encore plus d’énergie. Ce laborieux travail préliminaire laisse la plante avec une réserve

d’énergie très basse pour réaliser les cycles organiques qui lui permettent finalement, de

synthétiser les protéines nécessaires à sa survie. Elles se retrouvent alors dans le même cas

que les plantes dont on a parlé plus haut, incapables d’associer correctement les aminoacides

en protéines et donc avec une sève gorgée de ces aminoacides, les aliments des agents

rénovateurs. Une plante nourrie aux fertilisants chimiques est en fait moribonde, sa couleur

verte n’étant qu’un maquillage masquant sa situation critique18.

7.8. Les systèmes d’accumulation

C’est au sein de ce système, de ce niveau de fertilité, que les organismes forestiers

atteignent leur vitesse de création et d’accumulation maximum de la matière organique. Alors

qu’une plus grande quantité de vie va se structurer, la disponibilisation croissante d’énergie

et de nutriments, qui se produit parallèlement à la production d’une matière organique de

plus en plus riche en azote, va résulter en une augmentation de la photosynthèse supérieure

à la respiration.

C’est ainsi que va s’intensifier la croissance d’herbes et d’arbres plus grands et plus

variés qui produiront des tissus végétaux de plus en plus tendres et succulents. Ces espèces

vont pouvoir générer plus de matière en utilisant de moins en moins de matière organique

par kilo de matière digérée, et ainsi la matière organique va s’accumuler rapidement dans les

sols du système.

Cependant, si les conditions des sols et de la vie en général n’ont pas encore atteint le

niveau adéquat, s’ils ne sont pas encore capables de générer cet excès d’énergie et de

nutriments, la production de matière organique plus riche en azote provoquera une

diminution, et non une augmentation, de la matière organique totale du sol. C’est à cause de

ce phénomène que certaines études agronomiques ont déjà détecté des quantités de matière

organique totale décroissantes dans un sol après culture et incorporation de couverts

végétaux à haute teneur en azote. Dans ce cas en particulier, si l’ascension en spirale de la

succession naturelle avait été mieux comprise, il aurait été cultivé des espèces qui produisent

une matière organique pauvre en azote et plus riche en carbone comme les herbacées. De

plus, il aurait fallu tondre et laisser en surface ce couvert et non l’incorporer dans le sol.

Plus nous arriverons à comprendre ce type de phénomène, plus nous parviendront à

nous rendre compte que les espèces qui apparaissent naturellement sont toujours les plus

efficaces, étant sélectionnées avec soin par les organismes forestiers afin de faciliter

18 Pour aller plus loin, lire le livre « Les plantes malades des pesticides », écrit par Francis Chaboussou, directeur de recherche à l’INRA, où il y développe la théorie de la Trophobiose qui peut être résumée par la phrase : « un nuisible meurt de faim sur une plante saine ».

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l’ascension du système vers des niveaux plus élevés de fertilité, de richesse et de diversité de

la vie.

Les espèces adaptées aux conditions les plus adverses sont souvent spécialisées pour

survivre dans un type d’environnement hostile et, généralement, elles sont peu efficaces pour

réaliser leurs fonctions dans des stades de fertilité plus élevés, elles disparaissent donc dans

les systèmes plus avancés. Parfois, des espèces peuvent parvenir à demeurer dans un système

qui passe au niveau supérieur. Dans ces cas-là, grâce à divers facteurs comme la plus grande

disponibilité d’eau et d’azote, ces espèces vont se mettre à produire des feuilles plus épaisses

et humides, riches en azote.

7.9. Les clairières du système d’abondance : le milieu parfait pour nos

cultures

Dans les systèmes d’abondances, la vie est déjà tellement riche que l’accumulation de

matière organique n’est plus une priorité pour les organismes forestiers. Afin de mieux réaliser

leur fonction globale au sein de l’organisme Planète Terre, ces organismes forestiers vont se

mettre à déborder, exportant leur matière organique à d’autres endroits.

Dans ces stades de haute fertilité, les plantes produisent des feuilles épaisses et

humides et de grandes quantités de fruits variés, plus gros, plus savoureux et aux parfums plus

intenses. Ils favorisent l’apparition et attirent une grande diversité d’animaux qui vont manger

ces fruits et éparpiller leurs graines dans les endroits où elles pourront au mieux se développer

et participer à l’ascension de la vie. Ainsi la vie à l’intérieur et au-dessus du sol atteint une

quantité et une diversité sans précédent.

C’est à l’intérieur des clairières des étapes les plus avancées de la succession naturelle

végétale que l’on retrouve les conditions les plus parfaites pour le développement de nos

cultures. Ce sont les lieux naturels où l’on retrouve les plantes les plus proches de nos cultures.

C’est pourquoi chercher à rapprocher les conditions de nos champs aux conditions des

meilleures clairières est à la base de la préparation et de la manutention des SAFs

agroécologiques.

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8. Reprendre notre place dans la vie de l’organisme Planète Terre

« Je me suis tout de suite rendu compte que le projet commençait à avoir une volonté

propre. Et cela m’a rendu heureux de pouvoir participer à l’histoire de ce moment, même

face à toutes les difficultés que nous avons rencontrées, je n’ai jamais eu envie de laisser

tomber. J’avais la conviction que c’était l’apprentissage d’une vie. Nous devons

réapprendre ce que nous avons oublié. Quand je dis ‘nous’, je parle de l’humanité. La

Terre ne parvient plus à supporter toutes les agressions que nous autres humains nous

lui faisons subir. » (Pedro, Cooperafloresta)

Aujourd’hui, l’idée prédominante est qu’il est nécessaire de retirer les arbres d’une

parcelle pour réaliser une agriculture performante et productive. Dans ce contexte, ramener

les arbres dans les champs est déjà un grand pas en avant vers la durabilité de l’organisme

Planète Terre et de l’agriculture. Mais pour atteindre des systèmes de production auto-

suffisants, nous devons aller encore plus loin. Nous devons apprendre à reconnaitre et

coopérer avec les processus naturels qui rendent les sols fertiles et productifs.

C’est pour cela que, jusqu’à présent, l’objectif principal de ce livre a été de renforcer

notre foi dans l’importance de préserver et renforcer les processus naturels. Cet ouvrage aura

déjà rempli un grand rôle s’il a réussi à stimuler la curiosité et la réflexion à propos des grandes

thématiques abordées jusque-là.

A partir de ce chapitre 8, nous allons plus loin, présentant certaines techniques,

stratégies et méthodologies pédagogiques permettant de transformer une agriculture

artificielle menée même dans les milieux les plus désertiques et soutenue uniquement par la

dépendance lourde à l’industrie chimique, en une agriculture supportée par les processus

naturels.

Afin que cette transformation puisse se réaliser de la meilleure façon et le plus

rapidement possible, il est indispensable de promouvoir les échanges humains entre les

producteurs et autres acteurs autour de la connaissance, des expériences, de la stratégie et

des méthodologies, comme il en fut le cas pour le Projet Agroflorestar. Le développement du

projet fut particulièrement facilité par la bonne organisation déjà existante parmi les

producteurs et la conscience de ceux-ci qu’il est indispensable de partager les expériences de

chacun.

Nous allons donc décrire les étapes méthodologiques qui nous ont permis de

développer le projet dans les communautés de la Lapa (état du Paraná) et de Mario Lago, à

Ribeirão Preto (état de São Paulo). De cette manière nous espérons que cela donnera la

volonté au lecteur de connaitre et de reproduire ces processus, ou d’autres de même

importance.

Il ne faut pas oublier que rien ne remplace la pratique, comme par exemple quand les

communautés paysannes commencent à maitriser les principes et les techniques enseignées

et commencent à les modifier et les reformuler, puis les enseigner à leur tour à d’autres qui

les reformuleront… C’est une histoire qui ne connait pas de fin.

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9. La construction de la pratique de l’agroforesterie dans les

communautés rurales de Mario Lago à Ribeirão Preto (état de São

Paulo) et de Contestado à Lapa (état du Paraná)

« Un grand nombre de personnes nous ont accompagné, ont sensibilisé le gouvernement

et ont cru dans ce projet. Nous avons recherché un autre chemin. Notre communauté est

proche d’une zone de recharge et d’affleurement de l’Aquifère Guarani, il faut donc plus

que jamais faire attention à la manière de produire, pour ne pas contaminer ces réserves

précieuses d’eau pure, dont dépendent complètement la ville de Ribeirão Preto. La

qualité de vie de ceux vivant dans les villes dépend de la campagne. La production d’une

diversité d’aliments sains, les relations sociales refusant le travail esclave et la

déforestation. Sans les forêts aucun projet ne pourra nous sauver du manque d’eau dans

les centres urbains. » (Kelli, agricultrice et multiplicatrice)

9.1. Contexte et défis

Depuis le début du projet, le plus grand défi de ses acteurs a été d’adapter, de créer et

de réorganiser les techniques agroforestières, en prenant comme point de départ l’expérience

agroforestière de la Cooperafloresta et l’histoire de l’agroécologie dans les communautés

paysannes. Réussir ce défi est fondamental pour la réplication de l’agroforesterie

agroécologique dans différentes régions, biomes et contextes socioéconomiques.

Ce défi fut relevé en particulier par les familles d’agriculteurs des communautés

Contestado (Lapa, état du Paraná) et Mario Lago (Ribeirão Preto, état de São Paulo). Ces deux

communautés, depuis leur lutte pour obtenir la terre, ont été créées par les familles

paysannes avec pour but de devenir des références en agroécologie et en agroforesterie.

L’histoire de cette lutte et de ces conquêtes commença cependant bien avant les moments

décrits dans ce livre.

Dans ces deux communautés, les familles et leur réseau d’organisations nationales et

internationales ont construit des écoles d’agroécologie et ont formé des personnes de bien

d’autres endroits du Brésil et de pays voisins. On peut énoncer ici l’Ecole Latino-Américaine

d’Agroécologie (ELLA) dans la communauté Contestado, et le Centre de Formation Socio-

Agricole Dom Hélder Câmara à Mario Lago. Dans ces écoles étudient des jeunes du Brésil et

de toute l’Amérique Latine, en particulier des enfants d’agriculteurs. Regroupant la pratique

et les grands principes d’enseignement, ces écoles permettent de raccourcir le chemin de la

réplication des SAFs agroécologiques par-delà le monde entier.

« J’ai étudié la Réforme Agraire par le passé, j’aimerais aujourd’hui voir naître une

Réforme Agraire Agroforestière. » (Monica, doctorante en géographie)

Pour réussir l’adaptation des techniques agroforestières dans ces communautés, il a

été important d’identifier les trois grandes différences entre la région de la Cooperafloresta

et la région de chacune d’elles : différences écologiques, de relief et des pratiques agricoles

traditionnelles.

Concernant le contexte écologique il est important de noter : la région de la Vale do

Ribeira fait partie de l’écosystème forestier très ombragé et dense de la Forêt Atlantique, avec

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des températures élevées, beaucoup de pluie, une forte humidité et une structure forestière

très diversifiée. Dans la communauté Contestado, faisant partie de l’écosystème des Forêts

d’Araucárias (aussi du biome de la Forêt Atlantique), il pleut moins et les températures sont

bien plus froides (il se produit fréquemment des gelées), la structure forestière est aussi moins

stratifiée. La communauté de Mario Lago fait partie du biome Cerrado, avec une végétation

native très différente de la Forêt Atlantique et un climat bien plus sec. Son sol provient de

roches avec un plus grand potentiel de fertilité naturelle que celles de la Vale do Ribeira,

cependant ce sol a été fortement dégradé par la culture de la canne à sucre, implantée il y a

des décennies de cela, avant l’arrivée des familles formant aujourd’hui la communauté. Ainsi,

le développement de la pratique agroforestière au cœur même d’une région marquée par

l’agro négoce de l’état de São Paulo représente une adéquation de l’agriculture comme

processus productif avec une forme de récupération écologique du Cerrado.

Concernant le relief, il est important de noter la présence de hautes collines dans le

Nord de la Vale do Ribeira. Dans cette région, il est très rare de pouvoir évoluer sur terrain

plat sur plus d’une dizaine de mètres. Les variations d’altitude sont très grandes sur de petits

espaces car les collines sont entrecoupées de nombreux fleuves et rivières. Que ce soit dans

la communauté Contestado que dans celle de Mario Lago, le relief est moins accidenté avec

de faibles ondulations, sauf quelques exceptions. Ces deux communautés sont sur des

plateaux et plus éloignées de la mer que le Nord de la Vale do Ribeira.

Les différences écologiques se reflètent dans les différentes manières de cultiver, qui

sont aussi influencée par les contextes culturels et sociaux des groupes d’agriculteurs.

Dans le Nord de la Vale do Ribeira, la mécanisation est bien moins présente : il est

compliqué de manipuler des machines, et leur utilité ne justifie pas l’investissement requis.

D’un autre côté, l’utilisation de l’agroforesterie en sous-bois est historique dans cette région,

usant de ses processus naturels de régénération, avec des sols couverts et une pression

superficielle d’adventices. Dans ces conditions, l’usage de machines agricoles n’est pas

forcément économiquement viable.

Les sols où ont été installés les systèmes agroforestiers n’étaient pas occupés par un

couvert forestier, et ne présentaient pas un environnement particulièrement favorable pour

les cultures. Dans cette situation, il a été nécessaire d’améliorer les sols par un chaulage, une

fertilisation et un travail du sol réalisé grâce à des machines agricoles, de manière adaptée aux

principes de l’agroforesterie. Un autre aspect à noter est que, dans le contexte de la

communauté Mario Lago, le climat particulièrement sec rendait plus périlleux que dans les 2

autres régions la mise en place d’une agriculture sans irrigation.

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9.2. Maintenir le sol couvert, le meilleur commencement

La technique qui a montré les meilleurs résultats est le fait de couvrir le sol. Certaines

familles qui ne faisaient pas partie du Projet Agroflorestar, voyant les résultats positifs des

participants, ont aussi adopté cette méthode. Cependant, le manque de matière organique,

de connaissance et d’expériences pousse souvent, au début, à couvrir seulement légèrement

les lignes de culture.

Ci-dessus deux photos de lignes de culture faiblement couvertes

La pratique de l’agroforesterie est un apprentissage continu de la Nature. La sagesse

que l’on peut observer se manifester dans la Nature est immense. Par exemple, les animaux

construisent des nids pour protéger leurs petits. Ils nous enseignent que la façon de modeler

la matière organique dans nos lignes de culture. L’idéal est de placer la matière organique

toujours un peu plus haut sur les bords des lignes qu’au centre, formant ainsi un nid, ou un

berceau, pour les jeunes plantes. Cette forme de nid permet à l’eau et aux nutriments de

s’écouler vers le centre des lignes là où les plantes pourront les absorber, et de les protéger

de vents trop violents.

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Dans les deux images ci-dessus on peut observer des lignes de cultures en forme de nid, avec leurs

bordures renforcées en matière organique.

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La stratégie de surélever les lignes de cultures peut aussi être pertinente afin de rendre

les premiers 40 centimètres du sol plus fin et aéré. Cependant, il est possible d’arriver au

même résultat grâce à une plus forte fertilisation et un travail du sol plus intense. Dans les

endroits humides il est important de surélever les lignes afin de les drainer d’un excès

d’humidité. Dans ces cas-là il faut trouver un moyen d’augmenter la matière organique afin

de conserver cet environnement de nid.

Quelques exemples d’expériences où l’on a essayé d’accumuler plusieurs types de résidus dans les

interlignes afin de recréer une situation où la matière organique est plus grande dans les interlignes

que dans les lignes de culture.

Quand on place de la matière organique au pied d’un plant d’arbre qui ne se trouve

pas dans une ligne de culture, on doit aussi lui donner cette forme de nid, plus haute sur les

bords qu’au centre. Si on se borne à empiler la matière organique sur le pied de la plante, elle

reste toujours en contact avec le tronc et favorise l’apparition de maladies. De plus, les

nutriments déplacés par la chute de la pluie s’écouleront toujours vers les côtés et

n’atteindront pas le pied de la plante.

L’épaisseur des couches de matière organique, du paillage, doit être suffisante pour ne

pas avoir à désherber les mauvaises herbes par la suite. Il est difficile au début de trouver la

bonne hauteur de paillage, mais le besoin de désherber et le compactage des lignes doit être

interprété comme un manque de matière organique.

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La manière la plus simple de procéder est de couvrir la surface totale de la ligne avec

de la matière organique et ensuite de venir ouvrir de petits trous afin de planter à l’intérieur,

de cette façon chaque plant se trouve dans un nid, protéger du vent pouvant les casser à un

moment encore fragile de leur existence. Même si un plant est recouvert par la matière

organique, il trouvera toujours le moyen de le percer pour pousser, et le sol autour de lui

restera couvert. Quand les plantes ont un peu poussé, il est important de venir approvisionner

de nouveau en matière organique aux endroits peu couverts.

« Plus vous couvrez le sol, plus la terre est bonne et les insectes protégés. Quand vous voulez

planter, ouvrez un petit espace et essayez de ne pas trop recouvrir la graine. Comme ça on organise

au mieux pour la croissance de la plante. Si le sol est un peu découvert autour d’une salade, on va

le recouvrir de matière et elle va beaucoup apprécier. » (Paraguai, agriculteur et agent réplicateur)

Un agriculteur ouvrant un petit espace pour planter des graines dans une ligne bien couverte

Les producteurs du projet ont toujours trouvé des méthodes ingénieuses pour planter

dans des lignes avec une bonne couverture de matière organique. Un exemple de ces

techniques est d’installer des bambous là où seront planter les carottes puis de recouvrir la

ligne de paille. De cette manière, quand vient le moment de planter les graines de carotte, on

retire les bambous, laissant un petit trou où on sème les graines.

Il est important d’insister sur le fait que l’agroforesterie n’est pas, et ne sera jamais

une technologie finie et prête seulement à être adoptée. Il sera toujours possible et nécessaire

de l’améliorer. Il est essentiel de s’efforcer à faire preuve de créativité pour découvrir de

meilleures façons de cultiver en maintenant toujours le sol couvert.

Exemple de lignes avec une couverture en forme de nid, avec plus de matière organique dans les

interlignes, favorisant la concentration de l’eau et des nutriments pour la plante et la protégeant

du vent.

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9.3. La litière végétale, la première étape

La litière est le nom donné aux branches et feuilles mortes tombées au sol d’une forêt,

couvrant sa surface et alimentant les organismes qui l’habitent.

La litière est extrêmement importante pour la productivité des SAFs, elle améliore

l’infiltration, le stockage de l’eau de pluie et l’activité de la vie du sol, elle protège aussi contre

l’érosion. Afin de couvrir un hectare de sol de 10cm de litière (ce qui est relativement peu), il

faudrait 10’000m² * 0,1m = 1’000m3 de feuilles et de branches, c’est-à-dire 100 camions de

10m3 ! Ce simple calcul nous montre assez facilement que, sauf quelques exceptions, couvrir

le sol avec des matériaux venant de l’extérieur n’est généralement pas économiquement

viable.

Il est donc crucial de générer de la litière à l’intérieur de la parcelle, même dans des

zones déforestées. Dans ces zones en particulier, le vent sèche les feuilles et rend obligatoire

pour les plantes d’absorber l’eau du sol afin de ne pas faner. Cependant, à cause du manque

de matière organique, le sol n’a pas la capacité de stocker beaucoup d’eau. Ainsi, les plantes

se retrouvent dans l’obligation de fermer leurs pores (les stomates) pour limiter l’évaporation

de leur eau, stoppant ainsi par la même occasion leur photosynthèse.

Les plantes herbacées ont su évoluer afin de pouvoir continuer à fonctionner de

manière efficace, même dans ces conditions extrêmes : ces espèces arrivent à capter du gaz

carbonique, même avec leurs stomates à moitié fermées, concentrant ce CO2 dans une

structure créée spécialement pour cela, appelée gaine foliaire. Ces espèces herbacées ont

évolué afin de pouvoir remplir leur fonction dans les zones déforestées : générer de la matière

organique peu concentrée en azote. Ainsi, dans les zones dépourvues d’arbres, ces herbes

permettent d’accumuler une litière végétale riche en matière organique difficilement

digérable, ce qui permet de garder le sol couvert plus longtemps. Pour réaliser ce travail crucial

de manière optimale, ces herbes doivent être bien entretenues.

Il peut être utile de compléter cette couverture d’herbacées par des légumineuses,

équilibrant ainsi les teneurs de carbone et d’azote afin de favoriser la décomposition de la

litière pour former de l’humus plus rapidement, augmentant ainsi la disponibilisation des

nutriments pour les plantes.

« Toute la matière organique produite par l’eucalyptus, le guandu, le bananier, l’amora, le gliricídia,

est ici afin de me permettre de couvrir mes lignes de culture. Entre chaque paire de ligne de culture,

il y a une ligne d’arbre. » (Zaqueu, agriculteur en agroforesterie et agent multiplicateur)

« Je plante une ligne d’arbre tous les 4 mètres, et dans les entrelignes de cultures, je plante de

l’herbe que je tonds afin de pouvoir couvrir les lignes. » (Vandeí, agriculteur en agroforesterie et

agent multiplicateur)

9.4. Bien dimensionner pour produire la matière organique suffisante

Avant de commencer à planter n’importe quel type de SAF, il est fondamental de le

dimensionner de façon à obtenir la matière organique nécessaire afin de pouvoir couvrir

constamment, dès le début, les lignes d’arbres et de culture. Laisser des espaces suffisants

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entre les rangs de culture afin de faire pousser de l’herbe et des engrais verts19 permet de

diminuer énormément le travail et les coûts de production d’un SAF. C’est une source de

production de litière facile à être appliquer par la suite dans les rangs.

La largeur de ces espaces doit être pensée afin de pouvoir appliquer dans les rangs une

couche de matière organique assez épaisse pour ne pas laisser pousser les mauvaises herbes,

s’émancipant ainsi du laborieux travail de désherbage. Il est aussi primordial de laisser au

moins la moitié de la matière organique dans ces espaces intercalaires afin que l’herbe puisse

repousser par la suite. Bien que n’étant pas à but commercial, il ne faut pas oublier de rendre

fertiles ces lignes d’herbes, appliquant s’il le faut la même quantité de poudre de roche, de

fumier et de chaux que les rangs de culture. On peut limiter, voire compenser, les coûts de

production de ces lignes d’herbes en leur associant des cultures commerciales adaptées, au

début de leur croissance. En investissant dans ces « usines de matière organique » on s’assure

l’abondance future du SAF.

Il est important de profiter de la matière organique déjà présente aux alentours de la

parcelle au début de son implantation afin de pouvoir déjà pailler les rangs avec une

couverture suffisante, dés la première année. Dans ce cas-là, il faut planter la moitié de ce

qu’on avait prévu pour la parcelle, et couvrir ces rangs avec toute la matière organique

disponible. Quand l’herbe et les engrais verts plantés dans les entrelignes sont assez grands

et vigoureux pour pouvoir produire une matière organique suffisante à couvrir l’ensemble des

rangs de la parcelle, on peut planter les rangs restants. Généralement, des entrelignes faisant

3 à 4 fois la taille de la zone totale à couvrir sont suffisantes. Il faut cependant garder en tête

que ce dimensionnement est une référence initiale, à modifier si la pratique démontre le

contraire.

19 Un engrais vert est une plante semée par un agriculteur dans le but d'améliorer et de protéger un sol, et non dans l'optique d'être récoltée.

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Apporter de la matière organique, de la paille ou de la sciure, venant de l’extérieur est

beaucoup mois efficace que la produire au sein même du SAF. C’est pour cela que les

agriculteurs pratiquant l’agroforesterie depuis un certain temps reconnaissent qu’il est

toujours meilleur d’exagérer la taille des entrelignes plutôt que de planter trop peu d’herbe

et d’engrais vert.

Si on laisse trop pousser et vieillir l’herbe cela diminue sa capacité à produire de la

matière organique, poussant alors à augmenter la taille des entrelignes. De plus, si on laisse

vieillir l’herbe, les cultures seront aussi influencées par ce vieillissement, recevant leurs

informations et leurs hormones (voir paragraphe 7.5 et 9.7). L’inverse est aussi vrai, si on tond

continuellement l’herbe, il se propagera dans tout le SAF une dynamique de croissance et de

vitalité.

Une herbe vieille produira une matière organique plus difficile à digérer pour les

plantes et qui libèrera beaucoup plus lentement l’énergie nécessaire aux micro-organismes

pour réaliser leur travail du sol.

Il faut garder à l’esprit que surdimensionner les entrelignes et planter trop d’herbe

diminue l’espace disponible pour planter les arbres et les bananiers qui seront, par la suite, la

principale source de matière organique. Cela augmente aussi le travail de tonte. Trouver le

bon équilibre et donc le bon ratio entre les lignes et les entrelignes sera toujours un défi

important à relever avec le temps et l’expérience collective.

9.5. Choisir l’herbe pour produire la couverture du sol

Dans la région de la communauté de Mario Lago, on trouve beaucoup de capim-

colonião qui pousse spontanément. Cette espèce produit une bonne quantité de matière

organique et peut être utilisée afin de pailler les rangs de culture. Elle n’apparaît

spontanément que dans des sols fertiles.

Cependant, quand on substitue le capim-colonião avec la Mombaça20, plantée avec

une forte densité (comme recommandée pour la plantation de pâture), la production de

matière organique double, diminuant ainsi de moitié la largeur des interlignes laissées à cet

effet. Planter la Mombaça peut apporter de grands avantages pour un SAF, le plus important

étant la baisse des coûts de manutention.

Le capim-colonião peut être tout de même une bonne option pour les interlignes,

surtout la première année, car la Mombaça est une espèce exigeante en termes de fertilité du

sol. Dans des conditions de sol pauvre, d’autres espèces, telles que le capim-Napier produiront

plus abondamment.

Il n’y a pas de consensus sur le choix de l’herbe à installer dans les interlignes, si elles

sont bien gérées, et tondues au bon moment, elles peuvent toutes bien fonctionner.

Dans les zones plus froides, telles que la région de la communauté de Contestado, il

nous a paru important d’associer la Mombaça avec un engrais vert d’hiver. On peut par

20 La Mombaça (panicum maximum cv.) est une plante graminée, très utilisée en tant que fourrage dans les zones tropicales. Elle peut produire jusqu’à 36t/ha/an.

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exemple planter la Ervilhaca. L’engrais vert d’hiver produit de la matière organique pendant

une saison où la Mombaça ralentit sa croissance. Ainsi on compense et on peut avoir une

bonne quantité de matière organique toute l’année. De plus, la Ervilhaca protège la Mombaça

du gel, améliorant sa repousse au printemps. Etant donné que l’on laisse la Ervilhaca terminer

son cycle de culture avant de la tondre et de l’appliquer en paillage, on la laisse produire ses

graines qui pourront germer l’année suivante.

Préparation du sol pour un rang de culture entouré de Mombaça associée à de l’Ervilhaca à la fin

de l’hiver. Une partie de l’Ervilhaca sera tondue et utilisée pour le paillage du rang, la Mombaça

restante repoussera vigoureusement au début du printemps.

9.6. L’utilisation du bananier pour la formation de la litière végétale

Le bananier est peut-être la plante la plus typique des systèmes d’abondances. Au

niveau des bordures de fleuve proches de montagnes, où les rafales de vent favorisent

continuellement la rénovation de la végétation, la production de matière organique est

particulièrement stimulée. Cela entraîne aussi une augmentation de l’activité des êtres qui

génèrent la fertilité des sols propre aux systèmes d’abondance. Dans ces endroits, le bananier

se répand facilement, spontanément, ses boutures étant transportées par les inondations

fréquentes.

Sa « tige » est formée par la base de ses feuilles, et est donc extrêmement riche en

azote, en minéraux et en eau. Il est important de bien savoir gérer le bananier car il peut être

une grande source de fertilité pour les cultures d’un SAF. Quand on commence un nouveau

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cycle de plantation d’espèces annuelles, il est important de retirer toutes les tiges de la section

du bananier, ne laissant qu’une ou deux des meilleures tiges. Cela permet, entre autres, de

créer artificiellement une « perturbation » dans le système, qui pousse toutes les cultures à

entrer en état de rénovation (comme après une inondation).

Ces tiges coupées ne peuvent pas être laissées entières au sol, sinon elles se

transformeront en de véritables petits nids de prolifération du charançon du bananier

(Cosmopolites sordidus), le pire de ses ravageurs. Le mieux est de couper la tige au milieu et

de laisser la partie intérieure face contre sol, cela permet d’accélérer sa digestion par la vie du

sol. De cette manière, ces tiges coupées en deux deviennent des pièges pour le charançon car

il y aura pondu ses œufs mais les larves n’auront pas le temps de se transformer au stade

coléoptère et finiront par toutes mourir. Cette technique permet aussi de placer au sol des

« réserves d’eau » pour les plantes, la tige du bananier étant très riche en eau, cela peut être

très utile lors de périodes de sécheresse.

Les feuilles du bananier doivent être découpées car si on les laisse entières sur le sol,

elles agissent comme des parapluies, laissant une grande partie du sol très sec.

La première photo montre comment couper une tige de bananier en son centre, les photos

suivantes montrent différentes manières d’appliquer par la suite ces moitiés de tiges au sol.

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9.7. Toujours rénover pour maintenir la jeunesse du SAF

Il est fondamental d’apprendre l’importance de maintenir au maximum les plantes du

SAF jeunes et vertes, les empêchant d’entrer dans leur phase de vieillissement. Ainsi, elles

transmettront toujours aux autres organismes un message de vitalité et de croissance.

On observera toujours un ralentissement de croissance chez toutes les plantes si on

laisse par exemple les interlignes d’herbe dépasser leur point de tonte, alors que si on respecte

ce rythme, et qu’on paille bien les rangs avec la matière organique tondue, les résultats sont

très positifs.

« En plus du bananier, on plante le gliricídia et l’eucalyptus parce qu’ils produisent beaucoup de

matière organique. Les feuilles et le bois mort apportent beaucoup d’azote au sol, et ça nous a

beaucoup fait avancer pour la fertilisation biologique. C’est devenu très gratifiant de travailler en

collaboration avec le sol. » (Clailton, agriculteur en agroforesterie)

« Il est important de s’occuper de tout le système afin que tout puisse repousser ensemble et afin

de ne pas avoir d’influence négative de l’herbe vieillissante. J’élague l’eucalyptus 3 à 4 fois par an,

coupant la pointe toujours à la même hauteur et appliquant ses feuilles et ses branches sur le sol

dans les rangs de culture. De cette manière, contrairement à la monoculture d’eucalyptus,

l’eucalyptus sera une bonne plante compagne qui apportera beaucoup d’eau au système. »

(Paraguai, agriculteur en agroforesterie et agent multiplicateur)

Toutes les plantes de ces photos sont jeunes et vertes. Maintenir les plantes en bonne état de

jeunesse grâce à des processus de rénovation tels que la tonte ou l’élagage, ou les retirer du

système participe au bon développement du SAF.

9.8. Pourquoi élaguer les arbres ?

Il y a différentes raisons pour lesquelles il faut constamment élaguer les arbres :

1) Afin de maintenir toujours les arbres dans un état de repousse permanente,

transmettant ainsi une dynamique de rajeunissement et de croissance dans le

système, même pour les autres plantes ;

2) Afin d’augmenter la production de matière organique par les arbres qui repoussent

facilement ;

3) Afin de laisser entrer la lumière ;

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4) Afin d’éviter que les branches basses puissent pousser. Ces branches ne sont pas

favorables à la croissance des arbres de strates inférieures, elles occupent leur

espace. Au Brésil, on dit qu’on « suspend la jupe de l’arbre » ;

5) Afin de limiter la hauteur de l’arbre, dans ce cas on coupe « la tête », on fait une

coupe apicale. Elaguer de cette manière est très important car il en va de la sécurité

de l’élagueur, et de l’arbre car s’il pousse trop haut, sans la protection des autres

arbres, une rafale de vent peut le casser. Enfin, limiter la hauteur de l’arbre favorise

l’accroissement de son tronc, augmentant donc la valeur commerciale du bois ;

6) Afin de bien maintenir la stratification du SAF ;

7) Dans le cas des arbres fruitiers, l’élagage est bien différent et on le réalise pour

d’autres raisons : apporter une forme à l’arbre, stimuler la production de fruits,

augmenter la taille des fruits, retirer les branches peu productives, etc…

La première photo montre la coupe apicale d’un guapuruvú, un arbre de bonne croissance et qui

repousse très vite après cet élagage. Sur la photo suivante, des lignes de gliricídia et d’eucalyptus

recevant des coupes apicales afin de rénover un nouveau cycle de cultures annuelles.

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9.9. Rentabiliser les lignes d’herbe

Les coûts de plantation des lignes d’herbe peuvent être remboursés dès la première

année. Une des options pour cela a été réalisée avec succès dans la communauté de

Contestado où l’on a planté en association avec l’herbe un haricot de la variété tuiuiú. Cette

variété a pour caractéristique d’avoir des feuilles poussant verticalement et non

horizontalement, produisant ainsi les cosses en hauteur. Ceci facilite son association avec la

Mombaça car ce haricot laisse donc entrer plus de lumière pour l’herbe. D’autres associations

telles qu’avec le maïs ou le riz n’eurent pas le même succès. Dans le cas du riz, le problème

est venu du manque d’équipement pour planter correctement, ainsi les grains ont été plantés

trop en profondeur. Dans le cas du maïs une des raisons possibles est la mauvaise sélection

de la variété, elle doit être la plus rapide possible en croissance verticale afin de pouvoir laisser

de l’espace à la Mombaça pour grandir.

Les haricots ont été placés dans la même semeuse que les graines de Mombaça, avec

des granulés de fumier de volaille dans les compartiments d’intrants supérieurs. De cette

manière, cela a permis au haricot et à la Mombaça de germiner et grandir ensemble, dans des

lignes espacées de 40cm. Un débroussaillement est nécessaire tant que la Mombaça et le

haricot sont encore jeunes car les herbes qui étaient déjà présentes antérieurement sur la

zone ont tendance à grandir plus vite qu’eux. Il faut donc les tondre afin de ne pas les laisser

occuper l’espace de la Mombaça.

Il est important de noter que la Mombaça germine mieux si elle n’est pas enterrée, ou

alors enterrée superficiellement (1cm de profondeur), il est très bon de la recouvrir d’une fine

couche de matière organique.

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De haut en bas, les étapes suivies pour l’établissement des lignes d’herbes pour la couverture du

sol et des rangs de culture. Sur les deux premières photos, une parcelle plantée avec le haricot et

la Mombaça, le haricot a grandit plus vite. Sur les photos du milieu, la collecte des haricots, la

Mombaça est déjà grande. Enfin, sur les photos du bas, les haricots ont été récoltés et la Mombaça

domine l’entreligne, une ligne est ouverte afin de pouvoir planter les arbres du SAF (fruitiers,

bananiers) et les cultures.

Lors de la plantation de la parcelle représentée sur les photos précédentes, il a été

important de réaliser un chaulage modéré, afin que les nutriments de la terre puissent être

disponibilisés pour les plantes à une vitesse adaptée à la croissance de la végétation. La

préparation du terrain a aussi été très importante, que ce soit le travail du sol ou la fertilisation

à base de fumier et de poudre de roche. Le nivelage de la parcelle est crucial afin de pouvoir

par la suite tondre facilement l’herbe.

Il est fondamental d’utiliser à bon escient les techniques de l’agriculture biologique ou

conventionnelle afin de bien préparer la parcelle tant que l’organisme SAF n’est pas encore

prêt à fonctionner en auto-suffisance.

9.10. Dimensionner pour permettre l’utilisation d’équipements

Mécaniser est un facteur important dans la conduite d’un SAF et il faut donc bien

choisir la largeur des rangs de cultures et des entrelignes pour pouvoir profiter un maximum

du potentiel des équipements. Nous allons prendre exemple sur ce qui a été fait dans la

communauté de Contestado : il y a été acheté un équipement qui permet de tondre et triturer

l’herbe, et l’envoyer jusqu’à 6 mètres de chaque côté. Cette machine facilite énormément le

travail des lignes d’herbe, diminuant son coût et permettant aussi l’augmentation des surfaces

travaillées (meilleur pour les SAF orientés sur la production de fruits ou de céréales).

Cette machine ne peut tondre que sur une largeur de 1,20 mètres et est attelée à un

tracteur de 2,10 mètres de largeur. Pour un travail efficace, il est important que le tracteur

puisse faire un aller-retour sans rouler sur l’herbe. Ainsi un des arrangements les plus

intéressants serait d’ouvrir une interligne de 4 x 1,20 = 4,80 mètres. En considérant que les

interlignes doivent avoir une surface trois fois supérieure à la surface qu’elles vont devoir

couvrir de matière organique, cela permet d’avoir un rang de 1,60 mètres en espaçant les

rangs de 6,4 mètres. Ainsi on obtient plusieurs options :

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a) Des rangs de cultures de 1 mètre de largeur avec des arbres et des bananiers en

son centre, avec 30 cm de chaque côté de la ligne pour remplir de matière

organique de façon à obtenir la forme de « nid » dont a parlé précédemment.

b) Le même arrangement que le a) mais en laissant une bordure de 60 cm du côté

où il y a le plus de soleil.

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c) Utiliser le même format que le a) avec les arbres et les bananiers plantés à 30 cm

du centre, du côté qui reçoit le moins de soleil. Par la suite, faire les prochaines

plantations avec le format b).

Les formats b) et c) sont en fait une amélioration du format a). En effet, ces formats

ont été créés dans la communauté Contestado car la présence des arbres au milieu du rang

de culture rendait quasiment impossible l’utilisation du motoculteur lors de la rénovation d’un

rang. Cela peut être particulièrement intéressant pour planter des légumes qui ne se

développent bien que dans un terrain mou et aéré, comme les carottes. Normalement, un SAF

bien entretenu avec des rangs couverts n’a pas un grand besoin de ramollir le sol avec un

motoculteur, mais si on n’entretient pas bien ses lignes d’herbe et que les rangs finissent par

ne plus être couverts, ils peuvent de nouveau s’endurcir.

9.11. Décompacter le sol sans en inverser les couches

Il est crucial de ne jamais inverser les couches du sol car les êtres vivants y vivant ont

des organismes très spécialisés, ainsi ils ne peuvent parfois pas survivre dans une couche du

sol qui ne leur est pas adaptée. On peut par exemple utiliser des fourches qui permettent de

décompacter le sol sans en inverser les couches et sans trancher des êtres vivants importants

comme les vers de terre. Ci-dessous des photos d’un modèle très pratique qui peut être fait

sur commande par un charpentier. En France, cet outil est appelé grelinette.

9.12. L’importance de la planification

« Je pense que je vais continuer le maraîchage en SAF, particulièrement parce qu’ici on a une bonne

disponibilité de l’eau, et cela permet de rester proche de chez soi. Plus tard on aura aussi du bois,

et ça me permettra de terminer ma maison, de construire une barrière pour mes vaches, plein de

choses. » (Jesuíta, agricultrice en agroforesterie)

« Si je commence à planter de ce côté-là, mes rangs de culture finiront à l’ombre. Si je le fais plutôt

de ce côté-là les rangs seront plus ensoleillés. Oui, je vais plutôt faire comme ça. » (Zaqueu,

agriculteur en agroforesterie et agent multiplicateur)

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Même si on utilise des schémas identiques pour l’implantation de SAF à finalités

différentes, il est important de toujours garder en tête où on veut arriver, et planifier

l’implantation des parcelles en fonction de leur production.

Par exemple, si on investit dans des plants d’arbres fruitiers couteux dès le début de

l’implantation du SAF, et qu’on les plante autour de notre lieu de résidence, leur ombre finira

par empêcher la plantation de légumes, éloignant donc toujours plus le potager. Comme le

maraîchage demande beaucoup de travail, il est plus intéressant de garder son potager proche

de la maison, afin d’optimiser le temps et rendre le travail plus agréable.

Au-delà de cela il faut aussi bien planifier les différentes étapes de succession

du SAF, et toujours évaluer la quantité de matière organique qui sera disponible à

chaque étape, afin de garantir l’alimentation du SAF.

« Si je plante un pied d’oranger ou d’avocatier, je ne pourrais plus le couper pour implanter un

potager par la suite ! On planifie de cette façon. » (Paraguai, agent multiplicateur)

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9.13. Systèmes agroforestiers tournés vers la production fruitière

« Ici c’est maraîchage, il y a une zone plus âgée qui produit plus de fruits, et une autre plutôt tournée

sur le bois. On a plusieurs modèles, comme ça on arrive à se limiter à 1 hectare. Mais rien qu’avec

0,5ha bien travaillés on obtient déjà un bon revenu et on parvient à avoir une bonne diversité et

plein d’aliments. » (Vandeí, agent multiplicateur)

En prenant en compte les différents contextes socio-environnementaux qu’on

rencontre au sein de la Cooperafloresta et des communautés du projet on finit par se rendre

compte du besoin de définir des schémas différents et stratégiques en agroforesterie.

Ci-dessus des SAFs en conditions montagneuses et proches de la Forêt Atlantique, forçant ainsi à

la mise en place d’un design moins aligné. Sur la dernière photo, visite d’un SAF riche en en cactus

et jurema, des plantes bien adaptées à la production d’humus dans des conditions semi-arides.

Il existe de nombreux chemins différents, mais nous choisissons plutôt d’expliquer ici

les principes de la pratique de l’agroforesterie en montrant des schémas relativement proches

des vergers les plus communs. Il est relativement commun de cultiver les vergers en ligne avec

des arbres fruitiers espacés selon leur taille adulte, et de laisser un entreligne afin de

permettre de drainer la plantation.

Si l’on choisit de faire un verger en SAF, il est important de lui ajouter certains

éléments fondamentaux afin de le rendre auto-suffisant dans le temps. En particulier :

a) Dés le début, privilégier des espèces qui peuvent former rapidement, et en abondance

un bon humus, et qui ont souvent besoin d’élagage.

b) Que les espèces soient choisies de manière à s’adapter aux conditions du lieu.

c) Elaguer régulièrement les arbres fruitiers afin d’assurer une bonne productivité.

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9.14. Viabiliser la production fruitière

Il est possible d’orienter un SAF sur la production fruitière, mais toujours en continuant

de cultiver des cultures annuelles. Un des grands avantages de cette association est qu’il est

possible de rembourser les coûts d’implantation très vite grâce à la vente des annuelles. Cela

permet aussi de développer un environnement mieux géré, meilleur pour la croissance des

arbres fruitiers.

De façon générale on peut planifier un SAF de ce genre de la manière suivante : planter

les arbres fruitiers au centre des rangs de culture d’un mètre de largeur, associés avec les

cultures annuelles et les arbres voués à la production de matière organique. Entre ces rangs il

est important de mettre en place des entrelignes de taille suffisante pour cultiver assez

d’herbes et autres types de fertilisant vert pour couvrir les rangs de culture, mais aussi pour

permettre d’éviter la venue d’adventices sur les bords des rangs, qu’il faudrait par la suite

retirer laborieusement.

Planter une ligne d’arbres fertilisants et de bananiers entre les lignes d’arbres fruitiers

permet de faciliter la production de matière organique. Cette ligne intermédiaire ne gênera

pas la croissance de l’herbe et des cultures annuelles des rangs car elle sera continuellement

élaguée, ne projetant que très peu d’ombre. Cela permet de pouvoir garder cette ligne tout

au long de la vie du SAF. Il est important de profiter du moment de l’élagage de ces lignes

intermédiaires pour y planter des légumes, cela peut permettre de viabiliser économiquement

ces lignes. Dans ces lignes intermédiaires, où ne seront pas plantés d’arbres fruitiers, il est

important de planter des espèces typiques des systèmes d’accumulation, afin de favoriser

l’accumulation de matière organique, apportant une meilleure structure au sol.

Pour les premières années du SAF il faut planter des arbres à croissance et repousse

rapide dans les rangs de cultures, afin de fournir les meilleures conditions de développement

aux jeunes arbres fruitiers. Par la suite, quand les arbres fruitiers seront entrés en production,

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il faudra retirer ces arbres producteurs de matière organique et ne laisser que des arbres

émergents, ayant un bois à haute valeur ajoutée, pouvant être élagués qu’une seule fois par

an, comme par exemple : l’andiroba, l’araribá, l’aroeira verdadeira, la castanha do pará, le

Cèdre Rouge d’Australie, l’ipês amarelo, rosa et roxo, le jatobá, le jequitibá, l’acajou et le

peroba rosa.

Sur la première photo, des pêchers plantés avec des eucalyptus dans un rang où l’on a déjà récolté

des cultures annuelles. Sur cette même photo à gauche on peut voir une ligne plantée uniquement

avec des arbres fertilisants, producteurs de matière organique, et des légumes. Sur la photo ci-

dessus, des eucalyptus et des bananiers poussant avec un pied d’igname en fin de cycle, les autres

cultures ont déjà été récoltées. A droite on peut voir de l’ervilhaca associée avec l’herbe Mombaça,

qui va apporter plus d’azote au système et protéger la Mombaça d’éventuels gels.

Tout ce qui a été dit dans ce paragraphe montre que les SAFs orientés vers la

production fruitière suivent les mêmes principes que les SAFs plus focalisés production

maraîchère ou autre culture annuelle.

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9.15. Le semis direct sur paille de céréales et de cultures annuelles dans

les systèmes agroforestiers

Le semis direct de céréales dans un SAF est encore une pratique très expérimentale,

qui n’a pas été encore beaucoup testée au moment de l’écriture de ce livret. Il faut donc

considérer le paragraphe qui suit comme la présentation des résultats des récentes

expérimentations menées sur le sujet, et non des pratiques dont l’efficacité a été démontrée.

Un design présenté dans le schéma qui suit peut être imaginé pour permettre la

production de céréales dans un SAF. Il est important de prendre en compte l’évolution de

l’ensoleillement de la parcelle car il faut placer le rang de céréales du côté le plus ensoleillé

comparé à la ligne de bananiers et d’arbres émergents.

La culture de céréales et de plantes annuelle est exigeante en termes de fertilité et

structuration des sols. Pour réussir à viabiliser ce type de production il faut donc bien assurer

la fertilisation et le travail du sol avant la plantation, et mettre en place un système pouvant

produire beaucoup de matière organique afin de sustenter les cultures.

Ce type de production est aussi très intense en termes de passages de tracteur. Cela

peut entraîner une compaction qui peut être fatale pour la vie du sol et donc la fertilité du

SAF. Pour s’affranchir de ce problème, il faut rechercher des machines toujours plus légères

et petites, que ce soit pour le travail du sol, la gestion des cultures ou la tonte des interlignes

avec de l’herbe.

Enfin, lors de l’installation d’un SAF destiné à la production de céréales, il faut toujours

chercher à augmenter le nombre de plantes pouvant être commercialisées. Par exemple, sur

le schéma ci-dessous on observe un SAF à un instant donné. Mais sur ce SAF il aurait été

possible de planter une annuelle au même moment que l’herbe, la récolter et ensuite laisser

les interlignes avec l’herbe.

Ensoleillement plus fort

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9.16. Systèmes agroforestiers adaptés à l’élevage

« Ici on produit beaucoup de fruits, on récolte aussi des légumes, mais l’idée c’est de mettre en

place une parcelle de 2000m² adaptée à l’élevage, poules, canards, de manière simple, avec

beaucoup de nourriture et d’ombre, un environnement agréable pour les animaux. » (Paraguai,

agriculteur en agroforesterie et agent multiplicateur)

« Je vais préparer le poulailler comme s’il s’agissait d’un potager agroforestier, en plantant des

arbres, des bananiers, mais je vais aussi planter une série de plantes spécialement pour

l’alimentation des poules » (Zaqueu, agriculteur en agroforesterie et agent multiplicateur)

L’élevage a généralement été développé sur des zones forestières. La fertilité des sols

des organismes forestiers sont maintenus par la coopération des êtres vivants qui y séjourne,

avec un taux de matière organique entre 5% et 6%, et une surface toujours bien couverte par

l’humus.

Sans la dynamique des forêts, la fertilité du sol ne peut être maintenue que par des

technologies développées dans le cadre de l’agriculture artificielle. Son taux de manière

organique peut alors diminuer de 5 à 10 fois. Entre autres effets dégradants, ce sont en

majeure partie le manque de nutriments et la destruction de la structure du sol qui rendent

incapables les terres de stocker l’eau et de la rendre disponible à la végétation et aux cours

d’eau. Au Brésil, les aires de pâturage sont gigantesques, entraînant donc des impacts

environnementaux gigantesques.

En intégrant des animaux d’élevage à un SAF on peut récupérer, sinon entièrement, au

moins la majeure partie de la fertilité d’un organisme pâturage, dont la vocation naturelle est

de devenir forestière. Ceci peut être très important pour les familles de petits producteurs,

les rendant indépendant en intrants extérieurs et en énergie.

Les principes de la Nature sont les mêmes, que ce soit pour la production végétale ou

animale. Dans le cadre des projets Agroflorestar et Flora, certaines familles de producteurs

ont fait de nombreuses avancées dans ce domaine, bien que l’élevage ne fût pas l’objectif

principal du projet Agroflorestar. C’est pourquoi, bien que nous connaissions l’importance de

l’élevage, nous ne pouvons pas présenter dans ce livre les connaissances détaillées que

mériteraient ce sujet. Nous choisissons tout de même de partager certaines idées et

expériences qui pourraient éveiller la curiosité de producteurs voulant se dédier à l’élevage et

à l’agroforesterie.

Un des principes fondamentaux de l’élevage au sein d’un SAF est la présence d’arbres,

réalisant diverses fonctions, comme ramener à la surface des nutriments présents dans les

profondeurs de la terre et diminuer l’impact des vents. Il est aussi primordial de maintenir les

sols bien couverts. Les arbres plantés pour fournir de la matière organique au sol doivent être

sélectionnés afin de ne planter que ceux qui nécessitent un élagage 2 à 3 fois par an. Ainsi, les

pâturages pourront aussi produire du bois.

Un schéma possible pour l’élevage en SAF est d’alterner les lignes d’arbres et de

bananiers avec des lignes d’arbustes voués à l’alimentation du cheptel.

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En élaguant 2 à 3 fois les arbres et les bananiers, cela permet de ne pas les laisser

projeter trop d’ombre pour les pâturages. Le niveau d’ombre doit toujours être contrôlé pour

rester bénéfique pour les pâturages et les animaux. On peut aussi penser à des schémas de

SAF avec des lignes d’arbres plus rapprochées afin de fournir plus de bois et de matière

organique pour l’organisme pâturage, cependant les espèces d’arbres doivent être alors

sélectionnées dans ce but.

L’idéal est de mettre en place en premier la structure végétale du SAF pour recevoir

par la suite le cheptel. On peut d’ailleurs commencer par un SAF orienté sur la production de

céréales, car il aura une structure plus facilement adaptable à la mise en place d’un SAF

pâturage. Si l’idée est de transformer un pâturage conventionnel en SAF, il peut être

intéressant de commencer par de petites zones carrées et de les agrandir au fil du temps.

Pour mener un élevage en SAF, le mieux est de pratiquer un élevage en rotation

(modèle Voisin), qui est d’ailleurs le modèle historiquement pratiqué par l’agriculture familiale

à travers le monde. Dans la communauté de Mário Lago, certaines parcelles ont été créées

pour débuter en maraîchage mais déjà en pensant à l’intégration de l’élevage de poule. Ces

zones commencèrent de manière classique avec des lignes d’arbres fertilisants entrecoupées

d’entrelignes d’herbe et de lignes d’arbres fruitiers. Puis furent installées des aires de

poulaillers divisées en 4 par des barrières. Le poulailler doit avoir une sortie indépendante

pour chacune des 4 zones. Ces poulaillers devront par la suite changer d’endroit afin de suivre

les principes de pâturage en rotation.

La différence principale d’un SAF avec élevage est qu’il faut sélectionner des espèces

d’arbres pouvant être élagués 2 à 3 fois par an, fournissant ainsi plus de matière organique au

système qui doit sustenter les animaux. Le plus intéressant est de choisir des espèces d’arbres

pouvant fournir un fourrage de bonne valeur nutritionnelle au moment où les pâturages

produisent moins (typiquement des arbres qui soient verts et vigoureux lors de la période

sèche où les pâturages végètent). Ainsi on obtient une continuité dans la ressource fourrage.

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9.17. La production d’aliments destinés à l’autoconsommation

« Planifier sa production en pensant au court, moyen et long terme permet une source de revenu

toute l’année. Ici on a aussi bien des arbres dont le bois sera commercialisé d’ici 30 ans que des

espèces comme le radis ou la roquette qui produisent dès 25 jours. » (Paraguai, agriculteur en

agroforesterie et agent multiplicateur)

Avant de commencer à planifier la mise en place d’un SAF, il est important de penser

à sa vocation environnementale et sociale. De nombreux facteurs doivent être pris en compte,

tels que le climat, le sol, la disponibilité de matière organique, l’accès à l’eau pour l’irrigation,

la distance par rapport aux points de consommation les plus proches, le goût des personnes

qui vont s’alimenter des produits, mais aussi la propre affinité de l’agriculteur pour les

différentes activités et espèces du SAF.

Dans les deux communautés du projet Agroflorestar, il a été important de planifier la

production de fruits, de légumes et d’autres espèces importantes pour l’alimentation des

familles de producteurs, comme les céréales. La production d’une grande variété de légumes

est déjà bien implantée dans les communautés de Mário Lago et de Contestado. La production

de fruits va suivre. La production de céréales et de cultures comme le manioc sont aussi

maitrisées, cependant réussir à produire tout ce qu’il faut au bon moment pour l’alimentation

des familles de producteurs reste encore un défi.

Les parcelles de Mário Lago sont de 1,7ha, c’est-à-dire 17’000m². Sur 500m² de

cultures, une famille peut parvenir à produire son alimentation et gérer une recette

satisfaisante grâce à un SAF. Il faut cependant aussi compter la surface nécessaire à la

production de la matière organique (les entrelignes d’herbe). Si, comme on l’a dit dans un

Poulailler

Fruitiers

Fruitiers

Arbres MO

Herbe

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chapitre précédent, il faut 4 fois plus de surface pour la production de matière organique, on

arrive à un total de 2’500m². La production de légumes, suivie par la production de fruits sont

majoritairement destinées à la commercialisation. L’élevage de petits animaux et la

production de céréales et d’espèces comme le manioc sont importants pour alimenter la

famille du producteur avec des produits de bonne qualité, mais ont aussi un bon débouché

commercial.

Au sein de la communauté de Contestado, les parcelles sont au moins six fois plus

grandes qu’à Mário Lago. Le maraîchage est devenu la plus importante source de revenus pour

les familles de producteurs. Toutefois, les conditions locales permettent aux espèces de climat

tempéré ou subtropical – pommes, poires, pêches, coings, figues, prunes, nectarines, noix de

pécan, châtaignes, agrumes, mûres, pitangas, cerises du rio grande, guabirobas, guabijus,

goyaves, raisins, aracás, jaboticabas, pinhão, mate, espinheira santa, safran, cannelles et bien

d’autres – de fournir un revenu de moyen terme, et même parfois de court terme. Il est parfois

plus intéressant d’évoluer vers ces productions plutôt que de maintenir un maraîchage total.

Dans le cas de Mário lago, la majorité des familles considère que les parcelles de 1.7ha

sont trop petites pour l’élevage de grands animaux. A Contestado, les parcelles plus grandes

(10ha) permettent d’avoir un cheptel, cependant cette vocation n’a pas été jugée la plus

rentable car il faut pour cela mettre en place un SAF destiné à cet usage avant de commencer

l’élevage. Il faut donc pouvoir compter sur un plus grand capital de départ.

L’élevage de petits animaux, comme les poules et les cochons, surtout quand son but

est d’alimenter la famille, parait une alternative très prometteuse pour les communautés de

Contestado et de Mário Lago.

Dans les deux communautés du projet Agroflorestar il a été crucial de planifier la mise

en place des SAFs avec une logique de long terme, en considérant la communauté entière

comme un tout.

10. Références pour organiser les systèmes agroforestiers

« Même dans des conditions très différentes de son lieu d’origine, une plante ayant un sol riche, un

lieu adéquat et étant associée de la bonne façon à d’autres plantes ne sera pas attaquée tant que

ça par les ravageurs. Les ravageurs viennent s’en prendre aux plantes faibles, qui ne sont pas dans

les conditions adéquates. Cela ne sert à rien de se lancer dans une plantation sans commencer par

comprendre la forêt ! Il faut y entrer et y observer les étages et les cycles de vie de chaque plante !

Avez-vous déjà vu une forêt avec un seul type d’arbre ? Tous de la même taille ? Avec un sol

découvert ? Non. Il y a les plantes proches du sol, les arbres moyens, les grands et les émergents !

L’agriculture devrait être tout à fait pareil, on doit organiser les plantes de sorte qu’elles puissent

collaborer entre elles, de la même façon que dans la Nature. Le pied de papaye est émergent et

grandit très vite, on peut donc l’associer au manguier. J’ai planté beaucoup de pieds de papaye

avec des manguiers et jamais la croissance des manguiers n’a été gênée. » (Paraguai, agent

multiplicateur)

Si l’on ne discutait que des grands principes, sans tenter de donner des exemples

pratiques, il serait beaucoup plus simple de ne pas se tromper, car en agroforesterie on

travaille avec beaucoup de plantes ayant chacune une fonction différente. Les principes sont

plus simples à comprendre et à expliquer que leurs applications pratiques.

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Nos concepts, comme ceux de n’importe quel agriculteur en agroforesterie, changent

avec le temps, avec la pratique. C’est pour cela que, bien que tous les exemples décrits dans

ce chapitre aient été tirés d’expériences réelles, ils doivent être étudiés avec un œil critique,

ils doivent être considérés comme un début et non une fin.

Il est aussi important de se rappeler que la base de l’agroforesterie est l’organisation

de la vie dans chaque endroit de la Planète Terre. Il est fondamental que l’organe qui exécute

sa fonction dans l’organisme soit parfaitement adapté à sa fonction et au contexte dans lequel

il va l’exécuter. C’est pour cela qu’avant d’utiliser les plantes décrites en exemples dans ce

chapitre, il est crucial de se poser la question si elles s’adapteront bien aux conditions

climatiques, au sol, au relief, à l’exposition au soleil et aux autres caractéristiques de

l’environnement.

Tout peut varier énormément, en fonction de l’environnement et du travail personnel

de chacun. Quand on veut utiliser des exemples et des références, il faut tout d’abord les

tester et les améliorer de façon collective, afin de développer la pratique de l’agroforesterie.

Ayant donné au lecteur ces précautions, nous choisissons donc de publier certains exemples

de SAFs dans le chapitre qui suit.

10.1. Utilisation de la succession et de la stratification lors de la

combinaison de cultures incluant des légumes

« Sur une parcelle de 500m², on peut cultiver 20 à 30 espèces, et avoir une production de bois au

bout de 7, 10 à 40 ans. Un acajou, un cèdre, les gens commencent à voir un horizon plus lointain. »

(Zaqueu, agent multiplicateur)

Les suggestions de SAFs présentés ci-dessous sont basés sur des expériences

concrètes, appliquant les concepts de succession et de stratification. Il n’est pas superflu de

rappeler que les espacements et les cycles des plantes peuvent changer avec les conditions

do sol, le climat et la saison. Ainsi, même si nous avons eu du succès avec certaines

associations, cela peut ne pas du tout marcher dans des conditions de climat différentes. Cela

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est vrai pour les associations mais, plus que tout, pour les espacements et le nombre de rangs

de culture.

Dans un sol très fertile, dans des conditions favorables et une bonne humidité, les

plantes poussent mieux et tendent à être plus imposantes, on doit donc planter en

conséquence, en espaçant plus les lignes. L’inverse est valable dans des conditions adverses,

où l’on doit planter de manière plus rapprocher pour garantir une bonne production mais

aussi mieux couvrir le sol. Nous proposons tout de même des espacements moyens, basés sur

des expériences réelles pour aider à la visualisation des SAFs, afin qu’ils soient moins abstraits

dans l’esprit du lecteur.

L’unique certitude que nous avons est que planter en respectant les principes de

stratification et de succession vaut la peine, même si cela demande un plus grand

investissement personnel pour comprendre comment adapter ces principes à ses propres

conditions environnementales. Nous croyons fortement que ces principes apportent des

résultats incroyables : améliorer l’alimentation de la famille du producteur, générer des

recettes, régénérer et préserver le sol. Ainsi, l’effort initial et les possibles premiers échecs

seront récompensés pour ceux qui persistent et cherchent toujours à améliorer la pratique de

l’agroforesterie.

« On a fait des tableaux qui montrent comment on a monté les associations, avec rénovation au bout de 30, 60

ou 90 jours. » (Clailton, agriculteur)

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Bas

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Nous allons maintenant expliquer comment peut être utilisé le tableau précédent, qui

est un tableau général, avec des exemples d’associations construites sur la base de la

succession végétale et de la stratification. Une des pratiques les plus importantes si l’on veut

que les associations fonctionnent est de bien récolter les plantes avant qu’elles en arrivent à

vieillir. Vous pourrez observer que quand les plantes commencent à vieillir il se passe comme

une sorte de transmission d’informations de vieillissement, et les autres plantes, plus jeunes,

se mettent aussi à jaunir. A l’inverse, si toutes les plantes sont maintenues toujours jeunes,

vertes et en bonne santé, le système entier profite de cette dynamique et devient plus

vigoureux.

« C’est vraiment très beau, j’aime passer du temps ici, j’aime ce qu’on peut en retirer en retour. Je

ne comprenais pas le concept d’association. On a appris tous ensemble. » (Clailton, agriculteur).

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Ces photos montrent l’association du tableau ci-dessus en pratique, sur la photo de gauche une parcelle de 50

jours, et à gauche une de 60 jours. La roquette a été récoltée au bout de 30 jours, le cresson est sur le point

d’être récolté sur la photo de droite. Après la récolte du cresson, il restera une ligne centrale de quiabo et deux

lignes latérales de brocolis.

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Ces 5 photos sont de la même parcelle. Les bananiers d’à peu près un an ont été complètement

coupés afin de pouvoir commencer un nouveau cycle, en ne laissant que 2 ou 3 rejets. Cela permet

d’utiliser toute la matière organique des bananiers et d’à nouveau faire entrer la lumière sur la

planche de culture. Le pourtour des eucalyptus a été légèrement élagué jusqu’à ce qu’ils atteignent

4 mètres de hauteur, 90% de leur houppier a alors été élagué (coupe apicale, on parle d’étêter

l’arbre), comme on peut le voir sur la photo du haut à droite. Lorsqu’un nouveau cycle de

maraîchage commence, on réalise une coupe apicale. Sur les photos du dessous on peut voir

l’évolution de la parcelle, la dernière photo a été prise 25 jours après la plantation d’un nouveau

cycle de maraîchage.

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Photos de l’association du tableau ci-dessus, dans 2 parcelles et sous 2 formes différentes. Sur la

photo de gauche, la parcelle a été plantée il y a 27 jours, il reste une partie des radis, des laitues,

des aubergines et du maïs vert. Sur la photo de droite, la parcelle a 30 jours, le radis a déjà été

récolté et on peut encore voir la laitue, le brocoli et le maïs.

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« On a réussit à montrer par la pratique que la production agroforestière peut être diversifiée et

abondante, elle permet de nourrir la famille mais aussi de commercialiser. Celui qui plante un

système agroforestier pense aux autres. Cela va créer un courant bien plus fort que tout autre

mouvement social du Brésil ou du monde. Ce type de conscience a besoin de se répandre. C’est un

projet pour la société brésilienne toute entière. » (Keli, agricultrice)

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10.2. Certaines utilisations des arbres dans les systèmes agroforestiers

agroécologiques

10.2.1. Arbres pour la production de matière organique en association avec des plantes

annuelles

Afin d’obtenir de bonnes récoltes, dès le début de la mise en place du SAF, il est

obligatoire de diminuer artificiellement la différence entre les conditions du sol de la parcelle

et celles des terres qui accueilleraient, dans la nature, nos cultures. Afin d’arriver à cela, il est

possible d’utiliser une préparation du sol, des intrants organiques, des amendements

calcaires, de l’irrigation et encore d’autres techniques. Même avec tout cela, il est souvent

important d’inclure des arbres du système d’accumulation dans le design initial afin qu’ils

contribuent à une régénération plus durable de la parcelle. Cependant, lorsqu’un décide

d’implanter des arbres du système d’accumulation, il est important de choisir des espèces aux

caractéristiques proches de celles du système d’abondance, afin qu’elles puissent devenir des

compagnonnes de nos cultures.

Les tailles intenses des arbres du SAF, suivies de très fortes repousses, ont pour effet

de rapprocher les caractéristiques de la végétation à celles d’espèces des systèmes

d’abondance, rendant ainsi moins contre-nature la présence d’arbres du système

d’accumulation. Une des raisons pour expliquer ce phénomène est le fait que ces tailles

promeuvent la production de matière organique plus riche en azote (plus facilement digestible

par le sol), ainsi que des informations de croissance et de verdissement, 2 caractéristiques

typiques des systèmes d’abondance.

Ci-dessous nous avons réunis dans un tableau général certaines espèces d’arbres avec

la capacité de générer de la litière et accumuler de la matière organique, lorsqu’associées avec

des cultures annuelles et suivant un plan de tailles continu. Ces arbres repousseront après

qu’ils aient subis une taille apicale, retirant une grande partie de leur houppier, parfois 2 à 3

fois par an, produisant ainsi une grande quantité de matière organique.

Il est toujours important de tester de nouvelles espèces afin de trouver celles les mieux

adaptées aux conditions de climat, sol et aux pratiques de chaque agriculteur.

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10.2.2. Succession des arbres pour la production de litière organique et de bois

Généralement, il est très utile de pouvoir compter sur des espèces d’arbres qui

peuvent se succéder pour la production de matière organique. Dans un premier temps, la

matière organique sera fournie par des espèces pionnières, puis par des espèces secondaires

ou des espèces dont la croissance s’en rapproche comme l’eucalyptus ou le Cajá-mirim. On

peut aussi utiliser des espèces climax dont la repousse est vigoureuse, comme l’Aroeira

verdadeira, mais elles ne parviendront à produire une bonne quantité de matière organique

qu’après plusieurs années.

Le retrait d’une espèce ne doit arriver que quand l’espèce pouvant la remplacer dans

la succession bénéficie de conditions propices à sa croissance et à la réalisation de sa fonction

de production de matière organique. Si cette succession n’a pas été prévue, on peut opter

pour une rénovation, sachant qu’on recommencera ce nouveau cycle à un seuil supérieur de

fertilité (grâce aux cycles précédents).

« On ne fait pas de la reforestation avec un arbre tous les 3 mètres. Moi j’en plante un maximum

et je vois ensuite lesquelles sont les meilleures et complètent mieux le système, le reste je coupe et

j’utilise la matière organique pour le sol. Je n’ai pas peur de planter des arbres ! Ma production est

horizontale mais aussi verticale. » (Zaqueu, agriculteur et agent multiplicateur)

Il est important d’avoir certaines références concernant la capacité de repousse de

chaque espèce d’arbre après un certain type de taille, ainsi que leur capacité de production

de matière organique en fonction des conditions climatiques, des saisons…

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10.2.3. Arbres pour la production de zones d’ombre adaptées, de bois et de matière

organique, au sein de la même ligne que les arbres fruitiers

Planter des lignes de graminées et de fertilisants verts entre les lignes d’arbre est

primordial afin de garantir la production de matière organique. Au-delà de cela, la pratique

nous a montré qu’il pouvait être très avantageux de planter entre les lignes d’arbres fruitiers

une ligne d’arbres et de bananiers destinée à la production de matière organique, comme

pour les systèmes orientés maraîchage ou grande culture. Cette ligne intermédiaire, étant très

intensément taillée, ne gêne pas le développement des graminées à ses côtés, permettant

ainsi de laisser ces lignes durant toute la vie du SAF. A chaque taille de cette ligne

intermédiaire, on peut planter des céréales annuelles dans l’interligne, pouvant être de haute

valeur ajoutée et rentabiliser le travail de cette interligne et du SAF entier.

De cette manière, on peut tailler qu’une seule fois les arbres présents dans la ligne des

fruitiers, cela étant suffisant pour émettre un message de rénovation annuelle, laissant ainsi

savoir aux fruitiers que la reproduction (et donc la fructification) est possible, entraînant donc

de bonnes productions de fruits annuellement. Il est compliqué de tailler plus d’une fois par

an les arbres se trouvant dans la ligne des fruitiers, l’accès est difficile et les branches taillées

peuvent tomber et abimer les arbres fruitiers.

Ne tailler qu’une fois par an permet de pouvoir utiliser des espèces d’arbres dont le

bois peut être de haute valeur dans la ligne des fruitiers, comme le Cèdre australien ou

l’Acajou, mais uniquement si elles font partie du système d’abondance (ou ayant des

caractéristiques proches) afin qu’elles puissent bien s’associer aux fruitiers.

Il est tout de même important de planter des bananiers et des arbres de croissance

rapide et forte production de MO (à tailler plusieurs fois par an) dans la ligne car quand ils

sont bien gérés, ces arbres fournissent rapidement une quantité et une qualité d’ombre

nécessaire au développement initial des fruitiers. Il est alors recommandé de retirer ces

espèces du système au moment où les fruitiers commencent à entrer en pleine production,

laissant ainsi la place aux espèces citées plus haut, ayant un bois valorisable et une croissance

plus lente. Ainsi dans les premières années des fruitiers, on favorise leur croissance végétative

avec les tailles régulières des espèces pionnières, puis on favorise la fructification avec la taille

unique annuelle des espèces plus lentes. Ci-dessous un tableau pour illustrer l’usage de ces

arbres dans un système fruitier :

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10.2.4. Références pour les associations de fruitiers

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10.3. Exemples de combinaisons avec des arbres fruitiers

Les tables présentées précédemment ont pour but de donner quelques indications pour

l’élaboration de plans de vergers qui respectent la stratification et la succession naturelle. Il

est important de sélectionner et de tailler les arbres de façon à ce qu’ils n’occupent que

l’espace de leurs strates respectives. Par exemple, le caféier est une espèce de strate basse,

on doit donc réaliser régulièrement une taille apicale afin qu’il puisse rester dans sa strate,

sinon il commencera à occuper l’espace des strates supérieures, gênant les autres arbres.

Il existe certaines espèces, comme les citrus, qui ne peuvent pas recevoir de taille apicale,

mais dans une certaine mesure on peut limiter leur houppier.

Dans la pratique, il est recommandé de laisser un à deux mètres de hauteur entre 2 strates

différentes, particulièrement si la densité de la plantation est élevée. Ainsi, si l’on décide de

planter sur une même ligne toutes les espèces pour remplir toutes les strates, on finirait par

obtenir un SAF très élevé (car on devrait laisser 1-2 mètres entre chaque strate), et donc

difficile à gérer. C’est pour cela qu’il est plutôt recommandé de laisser une strate vide entre

des espèces plantées très proches les unes des autres. Par exemple le Caféier, le Citronnier, le

Cabeludinha et le Bacupari Miúdo sont tous de la strate basse, ils seraient donc parfaitement

adaptés à être plantés sous des Manguiers ou des Jacquiers, de strate haute, avec la strate

moyenne laissée libre. Dans la même logique, il n’est pas pratique de les planter sous les

Cacaoyers, les Orangers ou les Caramboliers qui sont de strate moyenne.

Ci-dessous nous proposons donc des associations d’arbres fruitiers à planter sur une

même ligne, en prenant en compte les tableaux précédents ainsi que les recommandations

des lignes précédentes. Ces propositions ont été validées par la pratique. Il est possible au sein

du verger d’alterner les lignes afin d’avoir des associations différentes.

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Sur la photo de gauche un Cabeludinha sous un Biribá (en tout petit) qui ont été plantés par semis

dans le même trou qu’un bananier nanica qui les aide à grandir car il fait partie des espèces dites

« placenta » qui protègent les nouveaux plants. Sur la droite, un Pitanga de 5 mètres ayant sur sa

droite un oranger qui commence à produire et un Araçá encore plus à droite. Ces 3 espèces sont

de la même strate moyenne, pour qu’elles puissent cohabiter elles ont besoin d’un bon

espacement (équivalent au conventionnel). Au-dessus d’eux on peut voir 3 jeunes araucárias, il ne

faudra en laisser qu’un.

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Ces différents exemples ont tous été validés par la pratique chez des petits producteurs,

cependant il est primordial que chacun teste ses propres associations et partage sont

expérience. Ce ne sera qu’ainsi que l’on pourra réellement générer de nombreuses références

fiables pouvant s’adapter à diverses situations.

Sur la photo du dessus, des lignes de bananiers avec au milieu une entreligne de Mombaça,

formant ainsi une bonne structure pour la production de matière organique, mais qui peut être

aussi géré de façon à permettre le maraîchage, la production de grains et céréales, l’élevage… Sur

les 2 photos du bas, une parcelle avec des citronniers occupant la strate moyenne et des palmiers

juçara dans la strate haute.

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11. Observation et mesure de la contribution des systèmes

agroforestiers à la fertilité du sol, à la capture du carbone

atmosphérique et à la dynamique de la Nature.

Des recherches furent démarrées en même temps que la mise en place des premières

parcelles agroforestières des communautés de Mário Lago et Contestado, afin de suivre

l’évolution de la fertilité des sols et des différents cycles écologiques. Ces recherches furent

menées ensemble par des agriculteurs, des techniciens de la coopérative, des chercheurs de

l’Université Fédérale du Paraná, l’Institut Embrapa Florestas et l’Institut Chico Mendes de

Conservação da Biodiversidade (ICMBio).

Pour réaliser l’étude, on a choisi des parcelles avec des SAFs déjà bien développés,

d’autres en friche avec leur couverture historique (herbe colonião ou brachiaria) et enfin on a

aussi choisi des aires au sein de parc naturels ayant une couverture forestière non gérée.

On a collecté périodiquement des échantillons de sol et de végétation que l’on a analysé

par la suite en laboratoire afin d’évaluer la matière végétale produite au-dessus et en-dessous

du sol (racines), la fertilité chimique du sol, la densité du sol et la quantité de racines. De cette

manière, on a pu suivre l’évolution de ces différents indicateurs dans chaque parcelle.

Au moment de la rédaction de ce petit livre, ces expériences n’avaient commencé que

depuis 2 ans, cependant, on peut tout de même identifier certains résultats préliminaires

intéressants ainsi que des tendances se détacher clairement.

Une des questions importantes à laquelle tente de répondre ces recherches est la

suivante : Quelle est la quantité de matière organique produite et rendue disponible pour la

fertilisation des plantes ?

Afin de répondre à cette question, des échantillons de végétation ont été collectés à chaque

semestre dans les aires étudiées. Pour se faire, on a utilisé des cadres en bois de 50x50cm,

placés aléatoirement au sein de la zone et dans laquelle on a collecté toute la matière

organique au-dessus et en-dessous du sol. Le matériel ainsi collecté a été ensuite séché à

l’étuve afin d’en obtenir seulement sa biomasse sèche.

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Dans les zones de SAF, ces échantillonnages furent réalisés dans les planches de culture

et dans les entrelignes (où est produite la matière organique par des graminées et des

légumineuses). Pour rappel, on coupe les graminées et les légumineuses pour pailler les

planches de culture, ainsi la matière organique collectée dans les planches est aussi constituée

de cette paille, alors que celle dans les entrelignes est uniquement constituée des brins

restants.

Après deux ans d’étude, la quantité moyenne de biomasse sèche au niveau des planches

de culture était de 4kg par mètre carré, cette biomasse est en constante décomposition. Dans

les entrelignes, la quantité de biomasse moyenne est d’un peu moins de 2kg par mètre carré.

En sachant que les graminées de l’entreligne sont tondues 3 à 5 fois par an, on peut considérer

que leur production de matière végétale annuelle se situe entre 6 et 10kg de biomasse sèche

par mètre carré par an (voir le schéma plus bas).

Il est important de rappeler que la production de matière végétale dans les entrelignes

est primordiale pour le SAF, car si on décidait d’utiliser de la biomasse venant d’un autre

endroit pour pailler les planches, il faudrait prévoir le transport de 60 à 100 tonnes de matière

sèche par an, ce qui ne serait ni viable économiquement ni cohérent écologiquement.

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Une question à laquelle prétend répondre l’étude menée actuellement sur les SAFs est :

comment la pratique de l’agroforesterie (qui inclue aussi l’utilisation de couverts végétaux) se

reflète sur la fertilité du sol ?

Schéma des sources de la matière végétale produite et utilisée pour pailler la planche

Pour tenter de répondre à cette question on a réalisé plusieurs analyses du sol comme :

• Le pH dont l’augmentation signifie que l’acidité du sol diminue, ce qui rend les

nutriments plus facilement disponibles pour les plantes ;

• La concentration en carbone, qui montre l’évolution de la quantité de matière

organique présente dans le sol, ce qui le rend, entre autres bénéfices, plus

poreux, plus humide et plus fertile ;

• La concentration en certains nutriments (calcium, magnésium et phosphore) ;

• La saturation du sol par les bases (appelée V%) qui montre le pourcentage

d’occupation du sol par des nutriments favorables au développement des

plantes.

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En général dans toutes les zones de SAF analysées il y a eu réduction de l’acidité et

augmentation du carbone, et donc augmentation de la fertilité du sol au fil du temps. Dans les

zones non exploitées que l’on a aussi analysées on a constaté quasiment aucune modification

des indicateurs durant les 2 premières années de l’analyse.

Parmi ces analyses, on détaille ici les résultats comparatifs entre 2 zones très proches

l’une de l’autre. Une de ces zones était une friche couverte d’une graminée appelée Brachiária

et l’autre était un SAF exploité par l’agriculteur appelé Paraguai sur un couvert de Brachiária.

Dans la zone avec uniquement la Brachiária, le pH passa de 5,74 à 5,77, la

concentration en carbone de 18,1 à 17,9g/dm3 et le V% de 78 à 76% : quasiment pas de

changement. Dans la zone de SAF les changements furent importants, que ce soit dans les

planches que dans les entrelignes enherbées (voir le schéma plus bas). En seulement un an, le

pH passa de 4,73 à 5,30 dans les entrelignes et de 5,30 à 6,27 dans les planches ; la

concentration de carbone passa de 10,5 à 21,4g/dm3 dans les entrelignes et monta à

34,0g/dm3 dans les planches ; le V% passa de 32,5 à 59,3% dans les entrelignes et à 79,0%

dans les planches.

Résultat des analyses de sol dans un SAF de Mário Lago

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Il est important de noter que les seules différences entre les deux zones étudiées sont

les techniques d’exploitation (plantation en forte densité et tonte des entrelignes), associées

à une faible fertilisation initiale (1000kg de fumier par hectare) et une application réduite de

chaux (800kg par hectare). On peut donc en déduire que les techniques d’exploitation ont été

fondamentales pour l’amélioration de la fertilité du sol.

Dynamique de production et utilisation de la fertilisation dans les SAFs en phase initiale de production

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12. Notre dernière chance

Depuis l’apparition de la vie sur Terre, chaque génération d’être vivant a laissé derrière

elle un environnement plus adapté à la diversité de la vie. En héritant de ces conditions

favorables, les générations suivantes peuvent être encore plus efficaces dans l’amélioration

de leur milieu. La transformation vers de meilleures conditions et une plus grande quantité et

diversité de la vie n’a ainsi jamais cessé depuis le début de l’évolution de la vie sur Terre. Ce

chemin qu’emprunte sans relâche l’organisme planétaire peut être observé partout sur Terre,

et a été le thème principal de ce livret.

Cependant, la Science a montré qu’il y a eu des épisodes durant lesquels une

catastrophe a pu perturber ce cheminement, comme la chute d’une météorite par exemple.

Durant ces périodes, un grand nombre d’espèces peut disparaitre en un très petit laps de

temps. Des preuves montrent qu’il y a eu 5 périodes d’extinction de masse durant les 4

milliards d’années qui constituent l’histoire de la vie sur Terre. Le dernier épisode en date eu

lieu il y a 65 millions d’années, plus de 500 fois la durée de l’existence de l’espèce humaine.

En mesurant la rapidité à laquelle les espèces s’éteignent aujourd’hui, de nombreux

scientifiques ont découvert que nous sommes actuellement en train de vivre la 6ème extinction

de masse sur Terre, et qu’elle est la plus destructrice de toute. Jamais autant d’espèces ne se

sont éteintes aussi rapidement. Si cette dynamique n’est pas stoppée, l’espèce humaine fera

parti de cette grande extinction, sachant qu’elle en est elle-même la cause, contrairement aux

autres espèces.

Dans l’immensité de l’histoire de la vie, chaque moment a été unique et sacré. Nous,

les êtres humains, nous n’avons participé qu’à 0,005% du temps de cette histoire. Cependant

ce court instant de notre existence, représentant cent à deux cent mille ans et à peu près dix

mille générations d’humains, nous parait déjà comme une éternité.

Mais pourquoi nous revient-il à nous, qui sommes si insignifiants dans l’histoire du

monde, de participer au grand combat final pour le salut de tous les êtres vivants de la Terre ?

Ceci restera le plus grand mystère de nos vies ! Il est indispensable de garder cette lutte à

cœur, qu’elle dirige nos actions chaque jour, et qu’elle ravive l’ardeur de nos âmes.

De nombreuses religions et mythologies mettent en cause une faute originelle, qui

entraine toutes les autres et que seul l’être humain peut commettre. Cette faute, c’est se

sentir séparé du monde, et agir par pur égoïsme. Cette erreur primordiale, répétée chaque

jour, a causé énormément de souffrance durant des siècles, des millénaires, créant la guerre,

l’asservissement, la destruction de la nature et d’énormes inégalités sociales.

Ce dernier siècle, l’égoïsme a montré de plus en plus sa face la plus extrême. Certaines

organisations se sont mises à concentrer des richesses et du pouvoir à un niveau jamais

imaginé auparavant, piétinant la nature et les Hommes. En conséquence, les sols, les rivières,

les mers et l’atmosphère furent empoisonnées, et continuent de l’être à une vitesse affolante.

Les forêts ont été substituées par des milieux artificiels. Les rivières s’assèchent et le climat se

modifie d’une façon inadéquate à notre survie. Les peuples et la nature ont été expulsés des

champs.

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Petit à petit, de plus en plus d’organisations se déclarent maîtres de toujours plus de

terres, de graines, de gênes et de la régulation de la distribution et de l’utilisation des aliments

et des médicaments. Elles se mettent à contrôler les institutions et les mécanismes des nations

qui les freinait dans leur course folle au profit. Elles utilisent les stratégies les plus raffinées de

marketing et de contrôle des médias et des formateurs d’opinions afin de pouvoir assoir leur

domination. Enfin, elles s’émancipent de leurs anciens créateurs et propriétaires. Elles

finissent par être régies par des lois, des codes de conduite et des conseils, qui priorisent le

profit sur l’éthique, ou sur les nécessités de tous les êtres vivants de la Terre. Et tout cela

même s’il est chaque jour plus évident que les personnes les plus riches et les plus puissantes

finiront aussi par périr avec le reste de l’humanité et les innombrables espèces disparues.

Ce livret est un ouvrage technique créé sur les bases de la grande science qu’est

l’agronomie. Mais aujourd’hui, il est difficile de pouvoir parler d’un quelconque secteur

d’activité sans faire des choix éthiques primordiaux. L’apologie de la neutralité de la science

et de la technologie participent aussi aux intérêts immenses des organisations citées plus haut,

et c’est pour ça que nous décidons dans ce livre de ne pas rester neutres.

En essayant dans ce livre de décrire les fondamentaux de la pratique de

l’agroforesterie, nous empruntons un chemin qui a déjà été suivi par plus de mille familles

paysannes. Ce chemin ne se résume pas à la proposition technique faite dans les chapitres

précédents, il comprend aussi une vision participative et horizontale de l’éducation, en

passant par la construction de réseaux de coopération, de solidarité et d’amour entre les êtres

humains et la nature. C’est pour cela que nous désirons la construction d’un projet pour le

bien de toute la société, passant par une grande réforme agraire inclusive et populaire, qui

tient pour pilier fondamental l’agroécologie.

Nous luttons aussi pour les peuples traditionnels, leurs cultures et leurs valeurs, pour

les personnes exclues, pour les travailleurs et travailleuses ainsi que les organisations

défendant la vie de tous les êtres vivants. Nous luttons pour une vie plus proche des savoirs

divins, des savoirs de la nature. Pour un monde sans frontière, où les terres, les graines et la

nature sont la propriété collective de tous les êtres de la Planète Terre. Pour une vie plus

naturelle, sans l’infinité de choses inutiles qui finissent par nous asservir. Pour faire

reconnaitre et aimer l’organicité de l’organisme Planète Terre. Pour remettre la science et la

connaissance humaine à profit de tous les être de la Planète, dans les limites que dictent

l’humilité, la responsabilité et l’éthique. Nous luttons pour la libération des individus et de la

nature de toute forme d’esclavage, nouvelle ou ancienne. Mais nous luttons aussi par amour

pour notre patrie qu’est le Brésil, et pour toutes les autres patries du monde. Ceci est notre

lutte, que nous mènerons avec fermeté et un amour indéfectible.

Nos cœurs se renforcent grâce à la foi en l’amour universel présent dans chaque petite

parcelle du monde, nous procurant la force pour triompher contre l’empire de l’égoïsme qui,

s’il n’est pas freiné, nous mènera inévitablement à la mort collective de l’humanité et de la

plus grande partie de l’infinité des espèces qui partagent et forment avec nous ce corps sacré

qu’est l’organisme Planète Terre.

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REMERCIEMENTS DES AUTEURS

A Dieu, pour sa présence dans chaque recoin du monde et pour nous laisser la percevoir.

A nos mères, pères, filles et fils, à nos familles et nos amis et à toutes les personnes qui de manière toujours

différente, à un certain moment, nous ont enseigné, par la pratique, l’amour qui nous pousse aujourd’hui à

écrire chaque page de ce livre.

Aux peuples originels d’Amérique, pour le lègue de leurs connaissances sacrées et de leurs immenses

agroforêts dont la fertilité et la biodiversité sont grandioses.

A tous les individus, organisations et réseaux qui travaillent pour la justice et l’équité sociale, et pour donner

conscience que nous sommes plus que des frères et sœurs car ensemble avec tous les autres êtres nous

appartenons à l’Organisme Planète Terre.

A tous les individus, organisations et réseaux qui assument la mission de ramener dans les champs la nature,

l’agroécologie, l’agroforesterie, les peuples traditionnels et les gens, construisant ainsi une réforme agraire

inclusive et populaire.

A Vandeí, Cristine, Paraguai, Zaqueu, Zé das Couves, Kelli, Biju, Guê, Tassi, Jesuíta, Rodrigo, Eduardo, Márcio,

Paulinho, Mario, César, Edson, Daniel, Joison, Capitani, Ademir, Luis Paulo, Claudio, George, Neotune, Rafael,

Diogo, Pedra, Japonês, Rogério, Fernanda, Daniel et à tous les autres compagnons et compagnonnes qui

portèrent le Projet Agroflorestar dans les installations rurales de la Réforme Agraire Populaire.

Aux compagnons et compagnonnes qui formèrent le Projet Flora, parce que de corps et de cœur ils appuyèrent

la création du Réseau Agroflorestal dont parle ce livre, qui réunit déjà plus de 1000 familles de producteurs

dans l’état du Paraná et de São Paulo.

A tous les producteurs et productrices, protagonistes du processus d’implantation de plus de milles systèmes

agroforestiers qui ont donné naissance à ce livre.

Aux élèves, aux professeurs et aux coordinateurs des cours populaires d’agroécologie, qui participèrent

activement à ce processus.

A Edu, Fabiane, Luisão, Rodrigo et tous les chercheurs et chercheuses qui, bien qu’à l’instar du système, se

dédient à révéler au monde entier les caractéristiques des systèmes agroforestiers agroécologiques du Réseau

Agroflorestal, dont traite ce livre.

A toutes les familles de producteurs qui ensemble ont construit la Cooperafloresta, ouvrant un sentier de

lumière pour le monde et les nombreux individus, organisations et réseaux qui contribueront, grâce à leurs

ressources et leur dévouement, à la concrétisation globale de leur travail.

A Lucilene, Osvaldinho, Eliziana, Rogério, Bernardo et Arthur, qui, de corps et de coeur, ont été des frères et

sœurs essentiels pour la construction de la Cooperafloresta.

A Sezefredo et à sa famille, aux frères Pedro, José et Felipe pour avoir semé la Cooperafloresta et pour s’en

être occupé de tous leurs cœurs.

A toutes les personnes qui ont contribués, toujours avec enthousiasme, à la gestion, l’administration et la

réalisation des projets, de l’agroindustrie et de la commercialisation collective des produits de la

Cooperafloresta.

A Ernst Götsch, tuteur gigantesque, qui, par la théorie et la pratique, a su inspirer la Cooperafloresta et la

grande majorité de ce dont traite ce livre. Communiant avec la Nature, et l’âme et le savoir des peuples

d’Amérique il a enseigné et ouvert les yeux, les cœurs et les esprits de toute une génération d’acteurs de

l’agroforesterie.

A Petrobras et à toutes les personnes qui contribuèrent à la construction du Programa Petrobras

Socioambiental, pour l’importance de ce programme pour le Brésil et pour le financement des projets

Agroflorestar et Flora, dont les résultats sont décrits dans ce livre.

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Traduit par Léo Godard.