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Aide à la Focalisation et au Maintien de l’Attention dans l’Apprentissage de la Lecture Chez des Elèves en Situation d’Echec Claire Lambert Jean-Claude Darcheville Université de Lille 3, France 1. Introduction La plupart des apprentissages scolaires requièrent de la part des élèves la mise en place d’un comportement attentif particulier: ainsi en est-il de l’acquisition de la lecture qui solli- cite de l’enfant qu’il puisse à un moment précis, focaliser son attention sur l’information pertinente (une syllabe ou un mot par exemple), puis très rapidement qu’il puisse distribuer son attention de manière à tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit cette information. Pour Inizan, les enfants capables d’avoir des périodes longues d’attention soutenue sur un texte déchiffrer deviennent plus rapidement de bons lecteurs que les enfants n’ayant que de plus nombreuses mais labiles périodes d’attention. Or, nos travaux antérieurs (Beugnet- -Lambert, 1985) nous permettent de penser qu’une bonne ((répartition)) de l’attention est dépen- dante des capacités de l’enfant à utiliser un stockage pertinent de l’information en mémoire. De plus, ce stockage pertinent nous est apparu très lié à la mise en place de stratégies de résolutions de problèmes permettant au sujet d’émettre certaines règles logiques favorisant la réception et l’intégration des informations indispensables à mémoriser afin de résoudre efficacement une tâche particulière. Notre objectif est de voir si des sujets n’émettant pas spontanément certaines de ces règles logiques peuvent apprendre à le faire grâce à la mise en jeu d’un programme d’apprentissage spécialement conçu à cet effet. 2. Méthodologie Les sujets sont 16 élèves de Seme SES n’ayant pas le niveau de CP pour leur acquis en lecture. Ces élèves ont été soumis à un programme d’apprentissage s’inspirant de deux grands courants pédagogiques ayant maintenant fait leur preuve depuis une dizaine d’années aux U.S.A. (Enseignement programmé, Skinner, 1968; Enseignement direct, Englemann et Car- nine, 1982). L‘idée principale est que les règles qui contrôlent un comportement d’acquisi- tions scolaires particulier sont elles-mêmes contrôlées par un invariant comportemental, ce que nous laissions entendre dans notre introduction. Le but du programme d’apprentissage sera donc la mise en oeuvre de cet invariant comportemental devant permettre les généralisa- tions des comportements appris au cours de résolutions de problèmes particuliers. Ce programme, individualisé, mis en place par l’institutrice spécialisée, a lieu chaque jour pendant une heure, durant 4 semaines. Avant et après l’implantation du programme, (et ce dans les mêmes conditions de passation, tant locales que temporelles et en respectant l’ordre chronologique), les enfants ont été testés sur diverses capacités susceptibles d’être modi- fiées par la maîtrise de ce programme, (attention soutenue, émission d’une règle logique, éduc- tion de la règle, niveau intellectuel, concepts de base, style cognitif).

Aide à la Focalisation et au Maintien de l’Attention dans l’Apprentissage de la Lecture Chez des Elèves en Situation d’Echec

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Aide à la Focalisation et au Maintien de l’Attention dans l’Apprentissage de la Lecture Chez des Elèves en Situation d’Echec Claire Lambert Jean-Claude Darcheville Université de Lille 3, France

1. Introduction

La plupart des apprentissages scolaires requièrent de la part des élèves la mise en place d’un comportement attentif particulier: ainsi en est-il de l’acquisition de la lecture qui solli- cite de l’enfant qu’il puisse à un moment précis, focaliser son attention sur l’information pertinente (une syllabe ou un mot par exemple), puis très rapidement qu’il puisse distribuer son attention de manière à tenir compte du contexte dans lequel s’inscrit cette information. Pour Inizan, les enfants capables d’avoir des périodes longues d’attention soutenue sur un texte déchiffrer deviennent plus rapidement de bons lecteurs que les enfants n’ayant que de plus nombreuses mais labiles périodes d’attention. Or, nos travaux antérieurs (Beugnet- -Lambert, 1985) nous permettent de penser qu’une bonne ((répartition)) de l’attention est dépen- dante des capacités de l’enfant à utiliser un stockage pertinent de l’information en mémoire. De plus, ce stockage pertinent nous est apparu très lié à la mise en place de stratégies de résolutions de problèmes permettant au sujet d’émettre certaines règles logiques favorisant la réception et l’intégration des informations indispensables à mémoriser afin de résoudre efficacement une tâche particulière.

Notre objectif est de voir si des sujets n’émettant pas spontanément certaines de ces règles logiques peuvent apprendre à le faire grâce à la mise en jeu d’un programme d’apprentissage spécialement conçu à cet effet.

2. Méthodologie

Les sujets sont 16 élèves de Seme SES n’ayant pas le niveau de CP pour leur acquis en lecture. Ces élèves ont été soumis à un programme d’apprentissage s’inspirant de deux grands courants pédagogiques ayant maintenant fait leur preuve depuis une dizaine d’années aux U.S.A. (Enseignement programmé, Skinner, 1968; Enseignement direct, Englemann et Car- nine, 1982). L‘idée principale est que les règles qui contrôlent un comportement d’acquisi- tions scolaires particulier sont elles-mêmes contrôlées par un invariant comportemental, ce que nous laissions entendre dans notre introduction. Le but du programme d’apprentissage sera donc la mise en oeuvre de cet invariant comportemental devant permettre les généralisa- tions des comportements appris au cours de résolutions de problèmes particuliers.

Ce programme, individualisé, mis en place par l’institutrice spécialisée, a lieu chaque jour pendant une heure, durant 4 semaines. Avant et après l’implantation du programme, (et ce dans les mêmes conditions de passation, tant locales que temporelles et en respectant l’ordre chronologique), les enfants ont été testés sur diverses capacités susceptibles d’être modi- fiées par la maîtrise de ce programme, (attention soutenue, émission d’une règle logique, éduc- tion de la règle, niveau intellectuel, concepts de base, style cognitif).

AIDE A LA FOCALISATION ET AU MAINTIEN DE L‘ATTENTION 231

2.1 Matériel utiIisé

Le programme consiste tout d’abord à mettre sous le contrôle d’évènements extérieurs des comportements d’émission de règles. Une première règle commande au sujet de produire, à partir de la consigne, la description des items pertinents, solutions. Une seconde règle ordonne au sujet d’utiliser la description qu’il vient de produire, devant chaque item de la feuille de la tâche.

Il s’agit ensuite, toujours à l’aide de ce même programme, d’obtenir que le sujet émette en situation «normale» de la tâche de barrage, (utilisée en pré et post-test) la description et son utilisation. Pour cela, il estompe pas à pas ces évènements extérieurs qui dans un pre- mier temps contrôlaient l’apparition des deux règles. Le programme comporte 9 pas d’estom- page. Le nombre d’items de la feuille de la tâche augmente avec le nombre de pas, (les lecteurs intéressés par une description détaillée du programme peuvent la demander aux auteurs).

Pour les diverses capacités des enfants, les épreuves suivantes ont été utilisées: 1. éduc- tion de règles: D 48 et PMC -2. 2 épreuves de code, passées avant et après le PM, (atten- tion soutenue, fatigabilité). -3. le GEFT pour mesurer le style cognitif, (ici la dépendance-indépendance à l’égard du champ, nos travaux précédents montrant que les sujets se différenciant sur cette échelle le faisaient aussi quant aux autres capacités citées). -4. le Boehm (concepts de base), -5. une épreuve de niveau intellectuel passée en collectif. -6. enfin une épreuve que nous avons nous-même élaborée et qui nous permet de tester d’une part la capacité d’attention soutenue des enfants, soumise à des effets d’interférence, et d’autre part leur capacité à analyser et structurer un modèle non structuré, (ils doivent en principe, pour cela, émettre certaines règles qui leur permettront ensuite de mettre en place une straté- gie pour résoudre la tâche proposée).

3. Les résultats

Tous ne peuvent être ici détaillés. Le premier à noter est que les difficultés de lecture de ces élèves ne semblent pas liées à une méconnaissance des concepts de base. La classe obtient en effet à cette épreuve une moyenne de 44,25 (sur 50, a=2,95), ce qui correspond à un niveau moyen de CE1 alors que le niveau de lecture en fin d’année n’est pas celui d’une fin de CP. De même le niveau intellectuel moyen de cette classe est celui du niveau moyen d’une classe de CP.

Concernant le style cognitif de ces enfants, il est à noter que tous les élèves sauf un font partie de la catégorie Dépendants du champ: la moyenne au GEFT est en effet de 2,66 (sur 18,0=3,01), et ces résultats n’ont pas été modifiés par l’implantation du programme.

Le résultat le plus intéressant est que nous avons une différence significative 0 1 ) sur les résultats obtenus à l’épreuve de barrage entre ceux d’avant l’implantation du programme et ceux d’après son implantation: contrairement à la première passation, lors de la seconde plus aucun enfant ne procède par jugement d’identité pour barrer les signes corrects. Tous donnent une structure au triplet-stimulus et diminuent significativement leurs comparaisons entre les signes stimulus et les signes réponses.

De même les résultats aux codes ont été significativement modifiés par la maîtrise du programme, ce qui n’est pas le cas de ceux au P.M.C. alors que certains de ses items avaient été utilisés pour l’apprentissage.

Il semble que le niveau intellectuel faible de ces enfants ne leur permet d’utiliser les appren- tissages acquis que dans les situations similaires à celles dans lesquelles ils ont été menés.

4. Conclusion

Le programme d’apprentissage a eu l’effet escompté sur la capacité des élèves à appren- dre à émettre certaines règles logiques leur permettant d’effectuer une tâche à laquelle ils ne sont pas habitués.

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Sur le plan pratique, les différents enseignants concernés ont remarqué un changement notable dans les attitudes scolaires de leurs élèves. En particulier ils ont constaté que la ver- balisation systématique de la consigne à comprendre aidait effectivement à la compréhen- sion de celle-ci, méthode qu’ils n’appliquaient pas dans leur pratique quotidienne étant données les grosses difficultés verbales connues de leurs élèves. Nous souhaitons par la suite mettre en place une méthodologie nous permettant de voir s’il est possible de transférer ces acquis à tout autre apprentissage, de complexité différente.

Références

Beugnet-Lambert, C . (1985). Vigilance et cognition: approche chronopsychologique de l’attention. Thèse de Doctorat de Psychologie. Lille 3