Al Zeituni - Celui Qui Recherchait La Paix

8/14/2019 Al Zeituni - Celui Qui Recherchait La Paix

1/20

AL ZEITUNI

Celuiqui recherchait

la paix

Nouvelles / OR EDITIONS


2/20

OR EDITIONS, oreditions.com, 2009, OR08.


3/20


4/20

DU MEME AUTEUR

Quatrains, OR EDITIONS, Collection Posie,2007, OR05.

A paratre: Penses mourides volume 1, OREDITIONS, Collection Spiritualit, 2007, OR06.


5/20

CELUI QUI RECHERCHAIT LA PAIX

On raconte qu'il y avait au pays deNoun un roi dnomm Abbes qui aimait faire

la guerre ses voisins. Celui-ci se vantait debnficier dun savoir ingal dans ledomaine des sciences de la guerre, savoir quile mettait en position de supriorit face ses ennemis. Il s'appuyait sur des savants,experts dans toutes les sciences qui avaientune utilit dans le cadre de la guerre : la

stratgie et la tactique militaires quipermettaient de gagner des batailles, lessciences techniques qui perfectionnaient sanscesse les armes, les armures et lesinstruments de torture, la mdecine quipermettait de gurir plus rapidement lessoldats, l'astronomie qui consultait les

auspices des toiles, et enfin la diplomatiequi permettait au roi de faire ou de dfaireles alliances avec les royaumes avoisinants.

Ce roi avait deux fils et une fille. Sonfils an, le prince Nourredine, tait le plusbeau et le plus doux jeune homme qu'il ftpermis d'imaginer. Le prince tait soumis

5


6/20

une vie militaire rythme sur celle de sonpre. Une vritable arme de savants

l'entourait afin qu'il puisse connatre de laguerre tous les secrets et qu'il puisse prendreun jour la succession de son pre dans lesincessants combats que ce dernier menaitcontre ses voisins. Le prince n'tait jamaisvritablement sorti du palais ; aussi il n'avaitde la guerre qu'une vision abstraite, faite de

cartes, de plans de machines de guerre,dentranements routiniers et de rusesdiverses et varies pour contracter despactes dont l'issue semblait toujours devoirtre la trahison.

Il aurait voulu tre enthousiastecomme son pre dont les yeux lanaient des

clairs chaque fois qu'il racontait avecemphase ses plus grandes victoires. Mais lecoeur du prince tait ailleurs. Souvent perdudans ses penses depuis la mort de sa mre,le prince ne parvenait regarder le roi, sonpre, quavec un mlange de respect, depeur et de perplexit.

Le fils cadet du roi, le prince Othmane, jalousait son frre an, parce queNourredine tait le prfr du roi, en raisonde ses facilits indniables dans les sciencesde la guerre. Moins dou que son frre,Othmane nexcellait vritablement quendiplomatie, la science de la ruse. Son pre, le

roi, ne ratait jamais une occasion d'humilier

6


7/20

Othmane en public en le comparant avec sonan. Le cadet avait ralis que son frre an

tait trop doux, trop agrable pour faire unvritable chef de guerre, mais il necomprenait pas que son pre ne le vt pas.

Les deux princes avaient une soeur, laprincesse Nur, belle comme le jour, sigracieuse que les quelques hommes quiavaient eu, un jour, le loisir de la contempler

en taient tombs amoureux. Certes, peuvivaient longtemps aprs avoir ouvertementdclar leur amour car, ds lors que le roiapprenait l'affaire, il ne manquait pasd'ordonner son fidle grand vizir Rayan deleur faire trancher la tte immdiatement,expliquant leur soudaine disparition par

quelque mission urgente pour le compte duroyaume dans de lointaines contres.Le royaume tait donc en perptuelle

guerre contre ses ennemis. Le roi nouait etdnouait tour tour les alliances pour gagnerprogressivement des territoires sur lesroyaumes voisins.

Il advint que les autres rois de la rgionse ligurent un jour contre le roi Abbes, etvinrent assiger la capitale de son royaume.Retranche dans les murs du palais, lafamille du roi eut l'occasion de voir lesbatailles d'un peu plus prs et de ressentir la

peur. Malgr la rsistance dOthmane

7


8/20

partir, le roi, ne voulant mettre en danger safamille, prpara une nuit une petite caravane

pour envoyer ses trois enfants dguiss enmendiants chez son frre, le roi Fares.

La caravane traversa la ville la fin dela nuit. Nourredine et Nur restaient silencieuxen contemplant les nombreux cadavresparpills entre les maisons fumantes.Othmane ne regarda ni la ville en ruine, ni

lhorreur provoque par le massacredinnocentes cratures tant il tait mcontentque son pre lui ait refus l'aide qu'il lui avaitpropose.

Les premiers jours de voyage furentdifficiles pour les trois enfants du roi Abbescar le confort manquait terriblement. Les

nuits taient froides, les vtementsoccasionnaient des dmangeaisons et lanourriture tait des plus simples. Quatregardes, dguiss eux aussi en mendiants,protgeaient la caravane.

Peu de temps avant darriver chez le roiFares, le convoi fut attaqu par une troupe

de bandits. Nourredine et Othmane luttrentvaillamment pour protger leur soeur, maisles cargaisons transportes furent emporteset les quatre gardes furent tus. Ainsi, lestrois enfants du roi Abbes finirent le chemin pied, dans le froid, la faim et la soif.

8


9/20

Le roi Fares les accueillit noblement etleur fit oublier bien vite les pripties du

voyage. Il semblait diffrent de son frreAbbes, car moins proccup par la guerre.Des potes et des sages frquentaient sacour, le flattant comme il se devait. Nur taittraite comme une reine, et Othmane commeun fils. Nourredine sinquitait de savoir cequtait devenu son pre Abbes, mais son

oncle le rassurait en lui vantant les mritesmilitaires de son pre. Il est rus etpuissant. Il retournera facilement la situation son avantage. Nes-tu pas bien, ici,Nourredine ? Si, bien sr, mais je cherche la paix.

Nur vint une nuit visiter Nourredine

dans sa chambre. Mon frre, le roi Faresveut me prendre pour pouse. Que dois-jefaire ? Tu dois dire non. Notre pre ne serait pas daccord. Nous devons quitter cetendroit. Nur et Nourredine projetrent doncde senfuir du palais du roi Fares ds quils enauraient la possibilit. Othmane tait lui aussi

daccord avec plan et la date fut bienttfixe.La veille du dpart, alors que les

maigres affaires de chacun taientempaquetes, le roi Fares, accompagndOthmane, vint chercher Nur et Nourredineavec des soldats pour leur demander des

explications. Que cherchez-vous fuir ?

9


10/20

Nur ne doit pas se marier avec son oncle, ditNourredine. Que dirait Abbes votre frre ?

Il ne dira bientt plus rien, mon cher neveu.J'ai organis cette alliance contre lui. Il fallaitfaire taire ses ambitions dmesures et jemassure maintenant que dans quelquessemaines, il ne restera rien que des cendresdu royaume de ton pre. Vous tes donc moi. Je suis votre tuteur. Je dcide ce qui est

bien pour vous. Toi, Nur, tu seras ma femme. Jamais ! sexclama Nur en tentant desenfuir. Nourredine et Nur furent saisis parles gardes. Soyez raisonnables ; prenezexemple sur Othmane. Il est sage de mavoirfait part de vos plans. Il sait ce qui est bonpour lui. Vous pouvez vivre comme des

princes, ici, mais il faut me reconnatrecomme votre matre et votre roi. Nur etNourredine refusrent. Soit, dit Fares, Nursera enferme dans une cellule tant quellene se sera pas donne librement moi ; ettoi Nourredine, je te propose lexil. Retournechez ton pre et tu seras tu. Othmane

sleva contre tant de clmence et demandala mise mort du tratre Nourredine. Le roiFares sourit Othmane et lui dit : monneveu, je ne tuerai point un neveu mien,quoiquil ait fait.

On donna Nourredine un cheval etune bourse de pices dor et il fut jet hors

du palais. Arriv la porte de la ville, des

10


11/20

soldats lattendaient avec Othmane leurtte. Croyais-tu que tu pourrais ten tirer

de la sorte ? Nourredine fut oblig delaisser ses vtements de prince, sa bourse,son pe et son cheval. Othmane lui jeta uneoutre deau. Othmane, abandonnes-tulide de la paix ? Ne retourneras-tu jamaisdans notre pays ? Mon ancien pays ne sera bientt plus que cendres, cela par ta faute et

par celle de mon pre. Mon pays est icidsormais. Quant toi, disparais jamais !Et remercie le roi Fares pour sa clmence. Jenaurais jamais t aussi misricordieux quelui.

Nourredine marcha longtemps sur le

chemin. Il croisait parfois des troupes quiallaient faire la guerre contre son pre. Sonesprit sembrouillait. Il dormit la belle toiledurant deux nuits, grelottant de froid. Ilarriva enfin un village au bord delinanition. Un paysan lui donna un crotonde pain quil dvora. Il travailla dur dans les

champs durant des mois pour gagner de quoimanger, dormant dans une table, priantDieu la nuit de lui donner les moyens de sevenger.

Un jour, un groupe samassa devant laporte de ltable. Nous savons qui tu es,chien ! Sors de ta tanire ! Nous allons te

faire payer les atrocits commises par ta

11


12/20

famille ! Nourredine tenta de schappermais il se fit attraper par les paysans en

colre et fut rou de coups sur tout le corpset le visage. Le paysan qui lavait hberg luiprodigua les premiers soins. Ce ne sont pasdes meurtriers, mais tous ont perdu tant demembres de leur famille dans ces guerres. Et toi, nas-tu perdu personne ? marmonnaNourredine. Si, jai perdu un fils et trois

filles, mais je nai plus lge pour lavengeance. Il faut que tu quittes cet endroit,car ils reviendront. Jai envoy un messagerpour que lon vienne te chercher.

Nourredine ne se souvint pas duvoyage tant il tait faible. Parfois, il voyait

une main enduire son visage dun onguentavant de sombrer de nouveau danslinconscience. Un matin, il ouvrit les yeux etse trouva dans une pice simple sur unmatelas de paille. Le luxe de cet endroit luisauta aux yeux, lui qui avait dormi depuisdes mois dans une table. Un vieillard tait

assis sur un tapis sur le sol, ses cts. O suis-je ? En scurit. Repose-toi, tu nes pas encore en tat de bouger. Levieillard partit.

Durant de longues semaines,Nourredine travailla retrouver lusage deses membres. Il dcouvrit lendroit qui

abritait une petite confrrie dirige par le

12


13/20

vieillard quil avait vu la premire fois, lecheikh Zaboun. Un jour, le vieillard emmena

le jeune homme au bord dun lac dont lasurface tait comme un miroir. Nourredine,une partie de toi a ide de ce que tu vas voir,mais pas lautre. Nourredine se pencha audessus de leau et vit un visage si balafrquil ne se reconnut pas. Cest moi, nest-cepas ? Oui, lui rpondit le vieillard. Tu es

arriv la confrrie au bord de la mort. Jaurais d mourir plutt que dtre commea. Dieu seul dcide de ce genre de choses, rpondit Zaboun. Mais, enfin, sommes-nous condamns tous ces tourmentslorsque lon cherche la paix ? Il faut savoir o chercher, mon ami, dit Zaboun en

souriant. Durant des mois, Nourredine suivitlenseignement du cheikh. Il racontait ce quilavait vcu Zaboun qui, par descommentaires brefs et prcis, clairait sonesprit, le dirigeant dans dautres voies derflexion. Tous les hommes ne peuvent

connatre le vritable amour, disait le cheikh.La plupart ne connaissent que lamour poureux-mmes. Ainsi est ton pre. Qui neconnat de dieu que soi-mme sombre vitedans la guerre. Car lego est irascible et, sion le sert, on court sa propre perte et laperte des autres. Nourredine demandait

parfois avec respect que le matre le guide

13


14/20

sur certaines questions. Comment puis-jetre utile si je veux lutter contre ces

guerres ? Il faut que tu te purges des poisons qui te rongent comme la haine, lavengeance ou lorgueil. Le cur de lhommeest plein de rouille et seule la disciplinespirituelle peux le polir. Alors tu sauras quoifaire, car tu ne seras plus sourd.

Un jour que Nourredine pensait au

funeste destin de sa sur, Zaboun lui dit : Patience Nourredine. Tu auras bientt desnouvelles de Nur. Nourredine avait appris comprendre quand Zaboun avait fini deparler. Le cheikh nargumentait jamais : cequil disait se ralisait toujours.

Au bout de quelques annes, alors que

Nourredine commenait de gagner le respectdes anciens membres de la confrrie quiavaient pris lhabitude de le nommer Sajara,en raison du fait quil passait de longsmoments seul sous un arbre, Zaboun tombamalade. Le veillant jour et nuit, Nourredinesinquitait sur le possible trpas du cheikh.

Mon heure est proche, Nourredine, maiselle nest pas encore venue. Des visiteursseront l demain. Prpare-toi lesaccueillir. Nourredine fit comme luidemandait son matre.

Le lendemain, son oncle Fares arriva

avec une malade et une bonne escorte. Son

14


15/20


16/20

Peu aprs, le cheikh Zaboun demanda voir Nourredine. Mon heure vient.

Jaimerais quon me laisse seul cette nuit. Quil en soit ainsi, matre , rponditNourredine en contemplant le visage panouiet pourtant moribond de son matre. Laconfrrie stait runie pour prier toute lanuit.

Dans les semaines qui suivirent, des

milliers de plerins vinrent se recueillir sur latombe du matre. La confrrie grait commeelle le pouvait ces dfilements silencieuxentrecoups de prires. Certains faquirseurent des rves durant cette priode, toutcomme Nourredine qui vit par deux foisZaboun en rve. La premire fois, Zaboun lui

dit que son chemin tait trac. La seconde,Zaboun lui annona que le choix du nouveaumatre tait dcid et que ctait un bonchoix. Nourredine fut lu successeur ducheikh Zaboun. Tout dabord, il crut uneerreur tant il se sentait imparfait, puis il seconforma au choix de la communaut.

Une fois rtablie, sa sur lui racontaquelle avait pass prs de dix ans dans lesgeles du roi avant quil ne se dcide lafaire sortir. Sa beaut staitconsidrablement amoindrie et sa sant taitdevenue fragile. Une fois sortie des geles,elle avait commenc de dprir, atteinte par

une maladie inconnue des savants qui lavait

16


17/20

affaibli progressivement durant deux longuesannes, la portant larticle de la mort.

Othmane avait fui le royaume de Fares aprsavoir tent de tuer son oncle, suite undiffrent entre eux propos du poste de chefdes armes. Le roi Abbes avait capitul avantde disparatre, et ses terres avaient tdivises entre les rois voisins qui continuaientde faire la guerre au roi Fares, souponn

dabriter Abbes dans ses propres murs. Que de gens tus, que de famillesmeurtries, que de massacres, tout cela dansla plus pure inutilit , se lamentait Nur enpleurant frquemment. Nourredine consolaitsa sur tout en restant silencieux. Il ralisaitque quelque chose avait chang en lui. Son

matre, qui restait prsent dans son cur, luiavait permis de gurir ses plaies, si bien quilse sentait sa place dans la confrrie, mmesil savait quun long chemin le sparait de lasagesse du cheikh Zaboun.

Un jour, Rayan, lancien grand vizir du

roi Abbes, arriva la confrrie. Il requrait laprsence de Sajara auprs de son roi, Fares.Nourredine lui dit : dis au roi de venir mevoir. Je ne frquente pas les courtisans. Le roi Fares a donn asile son frre, le roiAbbes dont le royaume fut dtruit. Il ne peutsortir de sa ville qui est assige. Le peuple

meurt, grand cheikh. Seul un sage comme

17


18/20

toi peut sortir les deux frres de leur pril. Grand vizir Rayan, lui dit Nourredine, le

prix du sang est le sang. La guerre attire laguerre. Dieu punit ceux qui le mcontentent,ici-bas et dans l'au-del. Je vais donc tedonner un conseil que tu leur porteras. Quilscapitulent ; quils donnent leurs biens auxfamilles de ceux quils ont envoy la mort ;quils se dpouillent de tout ce quils

possdent commencer par la royaut, et ilstrouveront refuge ici. Mais, matre Sajara, comment un roi peut-il se dpouiller de saroyaut ? Ils nont jamais eu de la royaut que le titre. Un roi ne tue pas ses sujets, ou ilnest pas roi. Dis-leur que ce march est

juste et que leurs assaillants l'accepteront.

Rayan retourna auprs des rois Abbeset Fares pour leur rapporter le conseil deSajara. Durant de longues heures, les deuxrois argumentrent, avant de se sparer surun violent dsaccord. Abbes abandonna laroyaut, lui qui avait dj dtruit sonroyaume. Il donna des ordres pour que ses

trsors cachs fussent distribus aux famillesquil avait dcimes. Fares, quant lui, neput se dtacher de ses biens et combattit

jusqu la mort dans son palais en flammes.LorsquAbbes et Ryan retournrent

chez le cheikh Sajara, ce dernier les reutcomme de simples faquirs avant de les

diriger vers une autre confrrie, quelque part

18


19/20

dans les montagnes. Avant de partir, Abbesdit Nourredine : Grand cheikh, jai tout

perdu dans cette vie, tout ce que javais deplus cher : ma femme, mes enfants et monroyaume. Je me suis acharn faire laguerre pour me retrouver aujourdhui vieux,seul, et pauvre. Peut-tre comprendras-tu qu'il n'y a de paix dans son royaume quequand la paix est en soi-mme , lui rpondit

Nourredine.

Depuis ce moment, on raconte que lecheikh Sajara est consult par de nombreuxrois ds lors quune affaire dlicate est grer dans leur royaume. Le destin des deuxrois Abbes et Fares est devenue une lgende

au pays de Noun. Le soir, la veille, lesconteurs dtaillent aux adultes et aux enfantsl'pope malheureuse des deux frresbelliqueux ainsi que le destin merveilleux duprince Nourredine qui, bien que tout le vout la guerre, devint le cheikh Sajara, archangede la paix.

19


20/20

http://www.oreditions.comhttp://www.1001nuits.org

20
http://www.oreditions.com/http://www.1001nuits.org/http://www.1001nuits.org/http://www.oreditions.com/

Documents

Al Zeituni - Celui Qui Recherchait La Paix