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Document d’Information Département Scientifique et Technique Aliments sauvageset leurs capacités à prévenir la malnutrition , Adrienne Daudet Juin 2012 _________________________________________________________________________________

³Aliments sauvages et leurs capacités à prévenir la ... · Sisan Yuyu – Fleurs Comestibles – ACH Pérou, 2011 . 3 REMERCIEMENTS ... comme comestible par une communauté humaine,

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Document d’Information Département Scientifique et

Technique

“Aliments sauvages” et leurs capacités à

prévenir la malnutrition

,

Adrienne Daudet Juin 2012

_________________________________________________________________________________

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DISPOSITIONS LÉGALES

Déclaration concernant les Droits d’auteur © Action contre la Faim – International Sauf indication contraire, la reproduction est autorisée à condition que la source soit citée.

Toutefois, si la reproduction ou l‟utilisation de tout texte ou support multimédia (sons,

images, programmes, etc.) fait l‟objet d‟une autorisation préalable, cette autorisation rendra

nul et non avenu l‟autorisation générale susmentionnée et indiquera clairement les

éventuelles restrictions d‟utilisation.

Avis légal Le présent document a pour but de favoriser l‟accès du public à l‟information concernant les initiatives et les politiques d‟Action contre la Faim. Notre objectif est de diffuser des informations exactes et à jour à la date de leur création. Nous nous efforcerons de corriger toute erreur qui nous serait signalée. Toutefois, la responsabilité d‟ACF n‟est en aucune manière engagée quant aux informations contenues dans le présent document. Ces informations :

revêtent un caractère général uniquement et ne visent pas à aborder les circonstances spécifiques propres à une quelconque personne physique ou morale

ne sont pas nécessairement complètes, exhaustives, exactes ou à jour

renvoient parfois à des documents ou sites externes sur lesquels ACF n‟exerce aucun contrôle et pour lesquels ACF décline toute responsabilité

n‟ont en aucun cas valeur d‟avis professionnel ou juridique La présente clause de non responsabilité n‟a pas pour but de contourner les exigences posées par les législations nationales en vigueur ou d‟exclure la responsabilité d‟ACF dans le cas où elle ne peut l‟être en vertu desdites législations. Photographie de couverture:

Sisan Yuyu – Fleurs Comestibles – ACH Pérou, 2011

3

REMERCIEMENTS

Ce document d‟information est le résultat de trois mois de travail sur le sujet: il ne permettra

certainement pas de se faire une idée précise et exhaustive sur le sujet, lequel a fait l‟objet de

recherches approfondies au cours des deux dernières décennies grâce aux travaux de divers

spécialistes provenant de différents domaines (nutrition humaine, sociologie, anthropologie,

botanique…). L‟objectif de ce document est de fournir au lecteur un premier aperçu des discussions

sur le sujet et de l‟informer de la façon dont une ONG comme ACF pourrait inclure les « aliments

sauvages » dans ses actions.

Ce document recommande que les « aliments sauvages » ne soient pas considérés comme tels mais

plutôt comme faisant partie de l‟agro-biodiversité, du système alimentaire local et des connaissances

locales associées à cette agro-biodiversité. Il souligne que « les aliments sauvages » ont un rôle – par

ailleurs bien documenté – à jouer dans la lutte contre la faim et dans la prévention et de la réduction

de la malnutrition. Le document présente quelques définitions et concepts clés ainsi que les

principaux acteurs et actions internationales menées dans ce domaine. La première partie présente

une synthèse des rôles que pourraient jouer les « aliments sauvages » contre la malnutrition et la

prévention de la faim. Le document se concentre ensuite sur ACF : son expérience et comment ACF

pourrait intégrer les « aliments sauvages » dans ses évaluations et ses projets sur le terrain. Enfin,

des axes concrets de recherche sont recommandés et des conclusions en sont tirées. A la fin du

document, on trouvera un glossaire des termes clés ainsi qu‟une bibliographie regroupant les

principales sources.

L‟auteur souhaite remercier ici :

L‟équipe du siège d‟ACF France et tout spécialement Hélène Deret, Myriam Aït Aissa pour leur patience

et leur soutien, ainsi que toute l‟équipe de nutritionnistes (Cécile Salpeteur, Benjamin Guesdon…),

ACF Espagne et particulièrement Bronwen Gillespie de ACH Pérou, Joaquin Cadario, Elisa Dominguez

et Amador Gomez,

L‟équipe de Bioversity et spécialement Jessica Fanzo (à présent à REACH-WFP) et Federico Mattei,

L‟équipe FAO AGND et tout particulièrement Ruth Charrondière, Charlotte Dufour et Florence Egal;

Caroline Wilkinson (UNHCR), Carlos Navarro-Colorado (CDC), Philippe Crahay (WFP), Odile Oberlin,

Mélanie Broin et Armelle de Saint Sauveur (Moringanews), Michel Chauvet (CIRAD), Steve Davis (Kew

Gardens), Jody Harris (IFPRI), Marie Claude Dop (FAO), Edmond Dounias (IRD), Rosalie Remans &

Frederic de Clerck (Earth Institute at Colombia University) pour l‟information précieuse recueillie tout

autant que leur contribution à son analyse,

Et à Rory Mc Burney: merci Rory pour vos contributions inattendues !

4

ACRONYMES

ACF Action contre la Faim

CDB Convention sur la Diversité Biologique

CINE Centre pour la Nutrition et l'Environnement des Populations Autochtones

CRDI Centre de Recherches pour le Développement International

EMSU Espèces Méconnues et Sous-utilisées

FIDA Fonds International de Développement Agricole

GCRAI Groupe Consultatif pour la Recherche Agricole Internationale

IFPRI Institut International de Recherche sur les Politiques Alimentaires

IRD Institut de Recherche pour le Développement

LTF Local and Traditional Foods

OMS Organisation Mondiale de la Santé

ONUAA Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO)

PAC Plantes Alimentaires Cueillies

PAM Programme Alimentaire Mondial

PFNL Produits Forestiers autres que le Bois ou Produits Forestiers Non Ligneux

PNUE Programme des Nations Unies pour l'Environnement

PPILDA Projet de Promotion de l‟Initiative Locale pour le Développement à Aguié

PSC Plantes Sauvages Comestibles

SCN Standing Committee for Nutrition

UNICEF Fonds des Nations Unies pour l'Enfance

UNU Université des Nations Unies (United Nations University)

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Table des matières

Contenu

REMERCIEMENTS .................................................................................................... 3

ACRONYMES ............................................................................................................ 4

1 CONCEPTS & DEFINITIONS DES « ALIMENTS SAUVAGES » ....................... 7

2 QUE FAIT LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE QUANT AUX ALIMENTS

SAUVAGES ? ............................................................................................................. 8

3 QUELLE EXPERIENCE A ACF SUR LES PLANTES ALIMENTAIRES

CUEILLIES (PAC) POUR LA PREVENTION DE LA MALNUTRITION?................. 10

4 COMMENT LES ALIMENTS SAUVAGES POURRAIENT-ILS CONTRIBUER A

LA PREVENTION DE LA MALNUTRITION DES ENFANTS DE MOINS DE CINQ

ANS ? QUEL EST LE LIEN ENTRE LES ALIMENTS SAUVAGE ET LA

NUTRITION? ............................................................................................................ 11

4.1 Les plantes alimentaires cueillies et la résilience des systèmes alimentaires ................. 11

4.2 Les plantes alimentaires cueillies et l’amélioration de la qualité alimentaire ................... 12

4.2.1 Science des aliments, quailité alimentaire et diversité alimentaire ....................................... 13

4.2.2 Carences en micronutriments, faim invisible et contenu en micronutriments des PAC ....... 13

4.2.3 Les PAC, partie intégrante de l‟agrobiodiversité, des systèmes alimentaires et des

connaissances locales .................................................................................................................................. 15

4.2.4 PAC, changement climatique et enjeux futurs de la production alimentaire ......................... 17

4.2.5 Les PAC ont-elles un impact sur le statut nutritionnel? ......................................................... 17

5 COMMENT ACF POURRAIT-ELLE INTEGRER LES PAC DANS SON

SYSTEME D’EVALUATION DES BESOINS? ......................................................... 18

5.1 Quand intégrer les PAC dans les évaluations relatives à la sécurité alimentaire &

nutritionnelle? ...................................................................................................................................... 18

5.2 Quelle méthodologie appliquer? ........................................................................................... 19

5.2.1 Ne réinventez pas la roue: consultez une bibliographie. ....................................................... 19

5.2.2 Définissez les objectifs de votre évaluation: .......................................................................... 19

5.2.3 Définissez votre méthodologie. ............................................................................................. 19

5.2.4 Collecter vos informations sur le terrain ................................................................................ 20

6

5.3 Besoins urgents d’outils d’évaluation ACF .......................................................................... 21

6 COMMENT ACF POURRAIT-ELLE INTEGRER LES ALIMENTS SAUVAGES

DANS SES PROGRAMMES ? ................................................................................. 21

6.1 Contraintes pour augmenter la consommation des Plantes Alimentaires Cueillies:

adapter la réponse programmatique ................................................................................................. 21

6.2 Intégration des PAC dans les approches « traditionnelles » d'ACF .................................. 23

6.3 Plaidoyer pour une approche holistique ............................................................................... 24

7 UN MOT SUR LES INSECTES COMESTIBLES ............................................... 24

8 QUELLES RECHERCHES CONCRETES DEVRAIENT ETRE ENTREPRISES

DANS LE RESEAU ACF AU SUJET DES PAC ? ................................................... 25

CONCLUSION : LES ALIMENTS SAUVAGES SONT-ILS UNE SOLUTION A LA

FAIM ET A LA MALNUTRITION ? .......................................................................... 27

GLOSSAIRE ............................................................................................................ 28

QUELQUES ACTEURS CLES ................................................................................. 31

BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 32

7

1 Concepts & définitions des « aliments sauvages » Les « aliments sauvages » n‟existent pas en tant que tels : si une plante ou un animal est considéré comme comestible par une communauté humaine, dans la majorité des cas cette communauté aura un ensemble de coutumes pour assurer la durabilité de cette ressource. Il existe une grande variété de situations entre des fruits sauvages cueillis dans une forêt primaire, par exemple, et des plantes cultivées. Par conséquent, la communauté scientifique et/ou du développement fait usage de termes variés tels que :

- Aliments Locaux et Traditionnels (ALT).

Le terme Aliments locaux et traditionnels fait référence aux végétaux ou animaux (insectes inclus) identifiés comme comestibles au sein d‟une culture donnée, disponibles parmi les ressources locales et culturellement acceptés. Le concept inclut des considérations socio-culturelles et les techniques et connaissances locales pour l‟acquisition, la transformation et la consommation de ces produits alimentaires (adapté de CINE 2006).

1

- Espèces Méconnues et Sous-Utilisées (EMS)

Espèces au potentiel sous-exploité en ce qui concerne leur contribution à la sécurité alimentaire, à la santé (sur le plan nutritionnel/médical), à la génération de revenus et à leur apport environnemental. Les espèces méconnues et sous-utilisées comprennent les espèces sauvages, exploitées et cultivées (Bioversity 2006).

Les EMS sont souvent qualifiées de „mineures‟ du fait de leur faible valeur économique globale en termes de production commerciale face aux cultures vivrières et autres matières premières agricoles. Tout un éventail de termes est employé pour qualifier les plantes sous-utilisées dont „mineures‟, „négligées‟, „locales‟, „traditionnelles‟ „sous-exploitées‟, „sous-développées‟, „orphelines‟, „perdues‟, „nouvelles‟, „niches‟, „prometteuses‟ et „alternatives‟ (Padulosi et al. 2002).

On trouve régulièrement deux autres acronymes : WEP, pour Wild Edible Plants ou « Plantes Sauvages Comestibles » et GFP, pour Gathered Food Plants ou Plantes Alimentaires Cueillies (PAC), les deux termes faisant référence aux produits alimentaires d‟origine végétale. Un dernier acronyme très répandu est celui de Non Timber Forest Product (NTFP) ou Produits Forestiers Non Ligneux, qui regroupe tous les produits forestiers (comestibles et non comestibles) hors production de bois : dans la littérature, de nombreux « aliments sauvages » peuvent être classés comme étant des NTFP. Au sein d‟ACF, la définition suivante a été une fois utilisée: « Les aliments sauvages regroupent tout ce qui est comestible et qui ne nécessitent pas d‟interventions humaines pour augmenter la production » (ACF USA 2008). Cependant, cette définition peut s‟avérer limitée. Par exemple, peut-on parler d‟intervention humaine lorsque des aliments provenant d‟une PAC sont protégés par une communauté? Dans ce document, nous mettrons l’accent sur les produits alimentaires d’origine végétale et nous utiliserons le terme Plantes Alimentaires Cueillies (PAC). Le concept a été étudié au sein de différentes disciplines ou écoles, provenant en premier lieu de divers domaines de l‟ethnologie. L’ethnobiologie est l‟étude scientifique des relations dynamiques entre les gens, le biote et l‟environnement (International Society of Ethnobiology).

Ethnobiologie couvre différents domaines connexes, tels que: - L’Ethno-nutrition, qui décrit les pratiques selon lesquelles les populations locales évaluent la

1 Les définitions de CINE et de Bioversity sont fournies dans le Glossaire à la fin de ce document.

8

nourriture, les régimes et les habitudes alimentaires utilisés pour prévenir ou traiter une maladie (E. Messer

2, 1996).

- Ethnobotanique, qui est l‟étude systématique des connaissances botaniques d‟un groupe social et l‟utilisation que ce dernier fait des plantes localement disponibles dans l‟alimentation, la pharmacopée, l‟habillement ou les rites religieux (Encyclopaedia Britannica)

Une autre recherche a été menée sur la nutrition comme ayant une fonction écosystémique. Ce domaine a donné naissance au concept d‟éconutrition. L‟Econutrition intègre l‟équilibre environnemental et la santé humaine tout en portant un intérêt particulier aux interactions entre agriculture, écologie et alimentation humaine (Deckelbaum & al.

3, 2006)

Enfin, la diversité nutritionnelle trouve ses bases dans le domaine général de la biodiversité. Le concept de diversité agricole ou agrobiodiversité a été défini dans le cadre de ce domaine. La diversité agricole englobe les écosystèmes, les animaux, les plantes et les micro-organismes ayant un lien avec l‟alimentation et l‟agriculture. Aujourd‟hui, la plupart des espèces cultivées et des animaux d‟élevage sont le résultat de milliers d‟années d‟intervention humaine incluant la sélection et les autres pratiques agricoles. La biodiversité agricole fournit de la nourriture et des matières premières. En outre, chaque plante, animal ou micro-organisme joue un rôle dans la régulation de services écosystémiques essentiels, comme la conservation de l‟eau, la décomposition des déchets, le cycle des nutriments, la pollinisation, la lutte contre les ravageurs et les maladies, la régulation climatique, le contrôle de l‟érosion, la prévention des inondations, la séquestration du carbone et beaucoup d‟autres facteurs axés sur l‟écosystème (CBD 2010). Ce concept est lié à la variété et la variabilité des animaux, des plantes et des micro-organismes utilisés directement ou indirectement pour l‟alimentation et l‟agriculture ; ceci incluant les plantes cultivées, le cheptel, la sylviculture et la pêche. Il regroupe la diversité des ressources et espèces génétiques (variétés, races) utilisées pour l‟alimentation, le fourrage, les fibres, le fuel et la pharmacie. Il inclut aussi un grand nombre d‟espèces non exploitées qui accompagnent la production (micro-organismes du sol, prédateurs, pollinisateurs) et celles qui vivent dans un environnement plus large et qui composent l‟agro-écosystème (agricole, pastoral, forestier et aquatique) ainsi que la diversité de cet agro-écosystème (FAO 1999).

Les Plantes Alimentaires Cueillies font partie de l‟agrobiodiversité et pourraient faire l‟objet d‟études en tant que telles.

2 Que fait la communauté internationale quant aux aliments sauvages ? Le premier paragraphe présente les différents termes et acronymes qui reflètent les diverses disciplines qui les ont forgés. Certains d‟entre eux sont présentés ici du fait de leur intérêt par rapport à la mission et à l‟approche d‟ACF. D‟une manière générale, les « aliments sauvages » ont été documentés sous différents angles :

- (1) Services écosystémiques, la nutrition étant l‟un des exemples. Dans ce champ apparaît le mot „éconutrition‟, et les acteurs comme Earth Institute (Colombia University) sont particulièrement actifs dans ce domaine.

- (2) Anthropologie de l'alimentation, ethnonutrition, transition nutritionnelle : Mc Gill University (CINE), la FAO & Bioversity International sont particulièrement actifs dans ce domaine; les Ecoles françaises ont aussi développé leurs propres approches de recherches (IRD, Museum d‟Histoire Naturelle…). L‟ethnobiologie traite en général des PAC.

- (3) Biodiversité, agrobiodiversité: Bioversity International (et d‟autres centres de recherches CGIAR comme IFPRI) en particulier, avec la FAO et d‟autres agences de l‟ONU.

2 In “Food Habits in Later Life”, p. 801

3 Deckelbaum R, Palm C, Mutuo P, DeClerck F. Econutrition: implementation models from the Millennium Villages

Project in Africa. Food Nutr Bull 2006;27:335–42.

9

- (4) Diversité nutritionnelle: la FAO en particulier, avec le soutien de plusieurs acteurs (l‟IRD en France, des ONG comme Save the Children)

Les ‘Aliments sauvages’ en tant qu’éléments nutritifs requièrent une approche interdisciplinaire! En ce qui concerne les politiques et les actions concrètes, quelques modèles intéressants pour ACF peuvent être soulignés.

- Les résultats de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB)4

La Convention sur la Diversité Biologique (CDB) est entrée en vigueur le 29 décembre 1993. Elle a 3 objectifs principaux:

o La conservation de la diversité biologique o L‟utilisation durable des éléments de cette diversité biologique o Le partage juste et équitable des avantages issus de l'exploitation des ressources

génétiques.

La CBD a apporté un cadre juridique à la biodiversité, les PAC faisant partie de cette biodiversité globale. La CBD a permis le lancement en 2006 de l‟Initiative intersectorielle sur la diversité biologique pour l'alimentation et la nutrition, initiative qui réunit plusieurs agences des Nations Unies (FAO, OMS, PNUE, PAM, UNICEF et FIDA), des Universités et des centres de recherches (Bioversity International & autres membres CGIAR, UNU) et le Comité permanent de la nutrition de l'ONU (CPN). Elle reconnaît l‟importance et la valeur des systèmes alimentaires traditionnels et le besoin d‟approches interdisciplinaires afin de rassembler des données sur la biodiversité pour l‟alimentation et la nutrition et propose un cadre d‟action : 1) développer et rassembler les connaissances 2) Intégrer la biodiversité, les problèmes alimentaires et la nutrition dans les instruments de recherche et d‟actions, 3) conserver et promouvoir une utilisation plus vaste de la biodiversité alimentaire et nutritionnelle, et 4) sensibiliser le public.

Dans le cadre de cette initiative, des documents essentiels tels que Indicateurs Nutritionnels pour la Biodiversité (FAO 2008 & FAO 2010) ont été publiés sur la composition et la consommation de la nourriture. Ce document indique que l‟«on espère que ces indicateurs deviennent des outils de plaidoyer et de sensibilisation en faveur de l‟importance de la biodiversité alimentaire, incluant les aliments sauvages, indigènes et traditionnels, tout en contribuant à la sécurité nutritionnelle ainsi qu‟à la conservation et à l‟utilisation durable de cette biodiversité» (FAO 2010).

Cette initiative a mis l‟accent non seulement sur la biodiversité en tant que vaste domaine de recherche mais aussi sur des solutions concrètes. Elle est aujourd‟hui largement intégrée au sein du système des Nations Unies, avec la FAO comme fer de lance. Elle se trouve également dans l‟initiative REACH, dans les documents PAM, etc. Les agences des Nations Unies et les ONG internationales commencent à prendre en compte les aliments locaux et les systèmes alimentaires traditionnels dans la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

La Convention sur la Diversité Biologique (CDB) a proposé un cadre général d’action autour duquel s’organisent les agences des Nations Unies, les centres de recherche ainsi que les ONG.

- Exemples d'actions et d'outils concrets

En lieu et place d‟une liste exhaustive des intervenants et des actions de terrain, vous trouverez ci-après, des exemples concrets et des outils potentiels. - La FAO travaille sur la collecte de la composition nutritionnelle de tous les produits

alimentaires : tous les détails sont disponibles sur le site Web INFOODS. Ils offrent divers outils pour la détermination de la composition alimentaire, incluant des outils d'auto-formation, des outils de calcul et des bases de données Excel sur les produits alimentaires, les

4 Se référer à la page internet de la CBD pour plus d’informations : http://www.cbd.int/

10

« aliments sauvages» (plantes et insectes), y compris. Les bases de données sont encore assez incomplètes, mais présentent une opportunité de capitalisation internationale.

- Le CINE (au sein de l'Université Mc Gill) a mis au point des approches pour documenter les systèmes alimentaires traditionnels, incluant les « aliments sauvages » en y mettant un accent particulier sur les connaissances locales et sur les propriétés nutritionnelles et sanitaires des produits alimentaires locaux. Ils fondent leurs interventions nutritionnelles sur cette connaissance locale et sur les systèmes alimentaires locaux qui ont eu divers succès à travers le monde : voir par exemple CINE, FAO (2009). Ils se concentrent principalement sur la transition nutritionnelle et ses impacts sur le surpoids et les maladies chroniques y associés (par exemple. le diabète).

- Bioversity International (anciennement IPGRI) a une expérience de terrain dans la documentation des systèmes alimentaires et dans la préservation de la biodiversité (soit par l'intermédiaire des banques de semences ou par la conservation des champs). En outre, ils ont de l‟expérience dans la domestication des PAC (par exemple en Amérique Latine). Ils prévoient de développer leurs recherches de terrain sur le lien entre la nutrition et la biodiversité (voir leur document „Nutrition Strategy 2011 – 2021: Resilient food and nutrition systems: Analyzing the role of agricultural biodiversity in enhancing human nutrition and health”).

- Save the Children intègrent les PAC dans leur outil bien connu « Coût de l'alimentation »: ils travaillent en partenariat avec Bioversity International à cette fin.

- De multiples ethnobotanistes et spécialistes de systèmes alimentaires, chacun travaillant dans des endroits spécifiques documentent les relations entre un groupe humain et son environnement naturel de collecte d‟aliments et de plantes médicinales et leur impact sur l'état sanitaire et nutritionnel. Un exemple à citer ici est celui du Liban où le CRDI a appuyé un projet visant à promouvoir la diversité du régime alimentaire avec des plantes sauvages comestibles

5 : se basant sur une première vaste recherche de terrain sur les connaissances

locales sur les PSC et sur une évaluation de l‟état nutritionnel et sanitaire des communautés cibles, le projet a développé un réseau de communauté « Cuisine Saine » pour promouvoir la diversité du régime alimentaire en se basant sur les ressources et les connaissances locales. Le projet a édité un livre de cuisine qui a capitalisé les pratiques et les connaissances locales.

3 Quelle expérience a ACF sur les plantes alimentaires cueillies (PAC) pour la prévention de la malnutrition?

Une des premières expériences d‟ACF dans le domaine des PAC est venue d'Afghanistan en 2002, alors que sévissait une grave épidémie de scorbut qui exigeait une réponse immédiate au danger de mort. Après une distribution d'urgence de comprimés de vitamine C, ACF a envoyé un ethnobotaniste sur le terrain. La recherche sur le terrain, en collaboration avec le jardin botanique Kew Gardens (Royaume-Uni) a permis d'identifier des plantes sauvages locales déjà utilisées localement sous forme de tisane, et qui se sont avérées être extrêmement riches en vitamine C. L'approche ethnobotanique a proposé la mise en place d‟une stratégie à moyen- et à long terme Une approche similaire est actuellement développée par ACF au Pérou, au sein d‟une population souffrant d‟un niveau extrêmement élevé d'anémie infantile. Comme la supplémentation alimentaire «classique» n'est pas acceptable sur le plan culturel, ACF a lancé une recherche de terrain, comprenant des anthropologues, des nutritionnistes et des agronomes afin de déterminer les aliments riches en fer, et qui pourraient être culturellement acceptables pour l'alimentation des enfants. La recherche sur le terrain est actuellement en cours, et les premiers résultats seront disponibles en 2012 ou 2013. D‟autres approches prometteuses ont été développées avec les « jardins à faible niveau d‟intrants». Au Malawi et au Zimbabwe, ACF a développé des «jardins à faible niveau d‟intrants » pour la diversification alimentaire et la promotion d‟une meilleure qualité alimentaire. L'approche encourage et

5 Batal & al., 2007, “Wild Edible Plants: Promoting Dietary Diversity in Poor Communities of Lebanon”. Final Technical

Report

11

diffuse des légumes et des espèces « négligées » et « sous-utilisées » localement. Etant culturellement acceptables et adaptées à l'environnement naturel, ces espèces ont eu du succès. Enfin, ACF-NY a récemment publié un rapport sur la consommation d'aliments sauvages en

Ouganda6. Le but de ce rapport est de comprendre le nombre et les types d'aliments sauvages

consommés dans la région de Karamoja (légumes, fruits, animaux). L‟analyse alimentaire est actuellement en cours pour appuyer les recommandations de ce travail préliminaire. Cependant et de façon générale, ACF ne prend pas suffisamment en compte ces produits alimentaires. Dans de nombreux contextes, l'utilisation de plantes alimentaires cueillies est surtout analysée comme un mécanisme d'adaptation à une crise et non comme une opportunité de diversification de l'alimentation.

4 Comment les aliments sauvages pourraient-ils contribuer à la prévention de la malnutrition des enfants de moins de cinq ans ? Quel est le lien entre les aliments sauvage et la nutrition?

Aujourd‟hui, les êtres humains dépendent principalement de la production agricole et des espèces domestiquées pour leurs besoins alimentaires, avec 80 % de leur apport énergétique total obtenu de 12 espèces domestiquées : huit céréales (orge, maïs, millet, riz, seigle, sorgho, canne à sucre et blé) et quatre tubercules (manioc, pomme de terre, de patates douces et igname). Hormis le cas de certaines sociétés humaines (chez les peuples forestiers par exemple.), les plantes alimentaires cueillies représentent une petite partie de l‟alimentation humaine. Cependant, les plantes alimentaires cueillies (et d‟autres « aliments sauvages » comme les animaux chassés ou insectes ramassés) jouent un rôle crucial dans de nombreux systèmes alimentaires que l‟on peut résumer en deux points: (1) ils améliorent la résilience du système alimentaire et (2) ils améliorent la diversité et la qualité de l'alimentation.

4.1 Les plantes alimentaires cueillies et la résilience des systèmes

alimentaires Les populations rurales ont le plus souvent accès aux ressources alimentaires issues de l'environnement, en plus de celles issues des ressources agricoles et du marché : par exemple, les communes, les forêts et les zones « sauvages » offrent une biodiversité qui peut être accessible selon les règles et usages locaux. Par exemple, en Sierra Leone, dans la région de Makeni, district de Bombali, les palmiers plantés sont privés, tandis que les palmiers qui poussent naturellement appartiennent à tous les membres de la communauté. L‟accès aux PAC dépendra du statut de propriété sur la terre et du statut de la plante. Plus souvent les PAC seront saisonnières et compléteront les ressources alimentaires issues de l‟agriculture et du marché. Pendant une période de pénurie (période de soudure intra-annuelle, année difficile, crise alimentaire), les PAC fourniront des ressources alimentaires supplémentaires à la population et renforceront leur résilience face à l'insécurité alimentaire. Localement, les PAC seront classées selon leur utilisation : certains sont régulièrement consommés (et leur consommation peut être augmentée en période de pénurie), alors que d'autres sont consommés uniquement en cas d‟insécurité alimentaire aiguë (par exemple, c‟est le cas des PAC dont les goûts ne sont pas appréciés ou dont l‟utilisation peut même avoir des impacts négatifs sur la santé – risque de diarrhée ou de douleurs gastriques par exemple). Selon le système alimentaire local et la typologie de la PAC, la consommation des PAC peut être « normale » ou analysée comme un mécanisme d'adaptation à l'insécurité alimentaire.

6 MacLeod, 2012

12

4.2 Les plantes alimentaires cueillies et l’amélioration de la qualité

alimentaire 4.2.1 Science des aliments, qualité alimentaire et diversité alimentaire

Nous voyons un exemple très clair de telles interactions avec la vitamine A. La vitamine A est connue pour ses effets positifs sur le système immunitaire. Et une carence en vitamine A conduit à une augmentation des infections (et à d'autres maladies telles que la cécité nocturne). Le corps humain ne peut synthétiser la vitamine A et doit l‟acquérir de son régime alimentaire. Les caroténoïdes de la provitamine A se trouvent dans divers aliments, tels que dans les feuilles vert-foncées (épinards, amarantes, feuilles de manioc...). Si ces feuilles sont bouillies, la vitamine A est conservée (et non détruite par la chaleur à 100°C), alors qu'elle sera détruite si ces feuilles sont frites. En outre, la vitamine A étant liposoluble, elle doit être ingérée avec les feuilles pour qu'elle soit bio-disponible

(absorbable par le métabolisme)8

Un exemple d‟interactions anti-nutriments est l'impact bien décrit du thé noir sur l'anémie. Dans les sociétés où les femmes sont à risque d'anémie (apport de fer faible), ce risque est augmenté avec une consommation importante de thé noir. Il semble que les tanins du thé noir (polyphénols) chélatent le

fer et réduisent son absorption9. Une consommation trop élevée de thé noir réduit la

7 Voir CINE, FAO, 2009. Pour la publication en français, vous pouvez consultez en particulier les travaux d’Edmond

DOUNIAS (IRD) ou de Hélène PAGEZY (CNRS) 8 En autres termes, “les épinards à la crème” sont bons en ce qui concerne la vitamine A alors que “les épinards

sans-gras” ne permettront pas à votre métabolisme d’utiliser la vitamine A. 9 Les tanins dans le thé noir empêchent l’absorption du fer hémique (le fer en provenance de plantes). Ils forment

un lien insoluble avec quelques-uns des molécules de fer, le rendant pas absorbable.

Les plantes alimentaires cueillies sont bien perçues dans divers systèmes alimentaires du fait de leurs supposées propriétés sur l‟état nutritionnel et sanitaire de la communauté locale. Ce qui se vérifie dans presque tous les systèmes alimentaires (du Nord comme du Sud), tous comprenant une variété de PAC connues et utilisées pour leurs propriétés nutritives. L‟importance des PAC a été

largement étudiée dans le monde entier7, pour

le rôle qu‟elles jouent, comme une composante importante du système alimentaire et en tant que pourvoyeur de produits nutritionnels et sanitaires. Quoique la qualité d'un régime soit tout simplement difficile à estimer (la recherche dans le domaine des sciences alimentaires étant en grande partie à ses débuts), des découvertes ont étés récemment faites et documentées sur le rôle des substances nutritives qui n'étaient naguère pas considérées comme importantes. Ces découvertes portent aussi sur les interactions (positifs comme négatifs) entre les substances nutritives (par exemple les anti-nutriments ou cofacteurs) ayant un impact sur la biodisponibilité d‟éléments nutritifs essentiels (la biodisponibilité des éléments nutritifs est définie comme la fraction d'une substance nutritive dans un aliment qui est absorbée et assimilée).

13

biodisponibilité du fer. Dernier point mais non le moindre, les autres propriétés des nutriments, comme antioxydants, anti-radicalaires, anti-proliférants ou anti-œstrogènes sont de plus en plus documentées. Toutes ces propriétés peuvent avoir des impacts négatifs ou positifs sur l'état sanitaire et nutritionnel de l‟homme. Tel que mentionné dans l'introduction, beaucoup d'informations reste encore à découvrir dans le domaine. Par conséquent, le meilleur conseil nutritionnel qui peut être donné est « ayez un régime alimentaire diversifié! ». La qualité de l’alimentation à tendance à être évaluée par la diversité de

l'alimentation10

.

En ce qui concerne la diversité du régime alimentaire, dans de nombreuses régions rurales, les PAC pourraient être des éléments clés pour l‟amélioration de la qualité de l'alimentation et devraient de ce fait être considérées comme essentielles. Il est important de noter que les PAC sont souvent sous-estimées dans l'évaluation de la sécurité alimentaire, qui se focalise plus sur les aliments de base et non sur les PAC, qui sont le plus souvent utilisées dans les sauces, les épices et les collations. Des outils appropriés pour l'intégration des PAC dans les évaluations de la diversité alimentaire globale restent encore à développer.

4.2.2 Carence en micronutriments, faim invisible et contenu en micronutriments des

PAC Durant les dernières décennies, la recherche s'est focalisée sur les carences en micronutriments. Les principales carences en micronutriments (en vitamine A, fer, iode, ou zinc par exemple) ont été identifiées comme ayant un effet dangereux. Des solutions possibles à ces carences font l'objet de recherches, et certaines sont très étendues. Dans la littérature, les carences en micronutriments sont aussi appelées « faim invisible » et leurs énormes répercussions sur la santé publique ont été démontrées : syndromes de déficience (par exemple, le scorbut pour la carence en vitamine C), incidence sur les principales fonctions métaboliques (y compris immunitaires, reproductives ou

digestives) et malnutrition chronique ou aiguë11

. De façon générale, trois options principales, ou voies d‟intervention, sont disponibles pour une réponse programmatique :

1. La supplémentation, où le micronutriment est considéré comme supplément par la population cible (les comprimés de fer par exemple)

2. La fortification ou la biofortification : lorsque le supplément est ajouté à un « aliment- véhicule ». Par exemple le sel iodé qui est largement utilisé dans le monde a un grand impact sur la prévention de crétinisme, et l‟huile végétale qui est distribuée par le PAM est régulièrement enrichie de vitamine A. La biofortification est une stratégie agricole consistant à choisir des

10

Ref. Développement récent de nouveaux indicateurs basés sur la diversité du régime alimentaire (par exemple IDDS): lignes directrices FAO 2011 11

Voir l’initiative micronutriment pour plus d’informations à micronutrient.org

14

variétés de cultures particulièrement riches en nutriments cible. Un exemple est le blé cultivé aujourd'hui en Europe. Ce blé a une teneur en protéines plus élevée que le blé cultivé il y a deux siècles ; un autre exemple est celui des patates douces à chair orange biofortifiées qui sont prônées dans la prévention de la carence en vitamine A dans divers pays africains (par exemple, au Burundi ou au Mozambique).

3. Les ressources locales : où l‟on cherche les micronutriments cibles dans les sources alimentaires. L‟éducation nutritionnelle pour le changement de comportement devrait alors se focaliser sur les sources alimentaires locales, les systèmes alimentaires locaux et les connaissances locales. Un long travail préliminaire est nécessaire afin d'identifier les aliments riches en micronutriments cible et de documenter le système alimentaire local. Une approche multidisciplinaire est généralement nécessaire (nutrition, ethnobotanique et/ou ethnico-écologie, agronomie, sciences alimentaire, anthropologie alimentaire).

Les 3 voies d’intervention ne sont pas exclusives, et seront complémentaires dans plusieurs contextes. Les PAC font partie des solutions basées sur les ressources locales. Les PAC représentent une ressource locale essentielle pour les micronutriments: en effet, leur teneur en divers micronutriments ou facteurs nutritifs semble être plus élevée que le contenu nutritionnel des produits agricoles. Cette caractéristique pourrait être due à leur métabolisme secondaire:

12

Ref. “Universal Salt Iodization”, 2007, SCN News N°35,

http://www.micronutrient.org/CMFiles/What%20we%20do/Iodine/scnnews35.pdf

Supplémentation

Supplémentation de la

vitamine A chez les enfants

préscolaires en Afrique

Réponse rapide et efficace, par

exemple les suppléments de

vitamine C dans le cas de

l‟épidémie de scorbut

- considère seulement un nombre

limité de micronutriments

-ne prend pas en compte les

carences de micronutriments

multiples (approche de nutriment

unique)

-manque d‟impact de la

supplémentation de la vitamine A

chez les enfants, gaspillage et

mortalité

-aucun impact au niveau de la

qualité générale du régime

alimentaire

Fortification ou

biofortification

Fortification du sel iodé

Patates douces biofortifiées

en vitamine A (chair orange)

Efficace quand le micronutriment

cible n‟est pas présent dans les

aliments locaux (par exemple la

prévention d‟une carence en

iode)12

- quand le micronutriment cible qui

peut être trouvé dans la nourriture

locale, n‟est pas rentable

-aucun ou peu d‟impact au niveau

de la qualité générale du régime

alimentaire

Ressources

Stratégie à long terme

d‟ACF en Afghanistan pour

la prévention du scorbut, axé

sur les PAC riches en

vitamine C

Approche à long terme, durabilité,

adéquate au système alimentaire

local, acceptabilité, valorisation

des ressources locaux et les

connaissances locales

- exige une longue évaluation et

une étude préliminaire

(anthropologie alimentaire,

contenu nutritionnel, sciences

alimentaires…)

-plus complexe: choix

alimentaires, habitudes de

consommation…

15

«Le métabolisme secondaire contient des composés qui favorisent la croissance et le développement des plantes sans être pour autant essentiels à leur survie. Le métabolisme secondaire facilite le métabolisme primaire des plantes. Il consiste en des réactions chimiques permettant à la plante de vivre. Mais afin que les plantes puissent rester en bonne santé, le métabolisme secondaire joue un rôle essentiel dans le bon fonctionnement de l‟ensemble du système végétal.. Les métabolites secondaires ont en commun de faire office de mécanismes de défense contre les herbivores, les nuisibles et les agents pathogènes. Bien que les chercheurs sachent que de nombreuses plantes partagent cette caractéristique, il reste difficile de déterminer la fonction précise de chaque métabolite secondaire. Certains métabolites secondaires ont un effet répulsif/anti-appétant, toxique ou font office de précurseurs dans des systèmes de défense physique. Les métabolites secondaires comprennent notamment les tocophérols, les stérols, la vitamine C et les polyphénols tels que les acides phénoliques et leurs esters ou encore les flavonoïdes. Ces métabolites secondaires présentent des propriétés antioxydantes, anti-radicalaires et même anti-proliférantes ou anti-œstrogènes et sont des précurseurs métaboliques pour plusieurs vitamines essentielles (Vit A, Vit P…).

13

Dans la mesure où les «plantes sauvages» ne bénéficient pas de l‟assistance des agriculteurs pour se défendre et que les espèces cultivées ont été sélectionnées par l‟homme pour les qualités de leur métabolisme primaire (par exemple leur capacité de produire des réserves riches en féculents ou graisses) et non pour leur métabolisme secondaire, il est possible que le métabolisme secondaire soit plus actif chez les plantes sauvages. En outre, il est prouvé que le métabolisme secondaire est directement dépendant des paramètres environnementaux de la plante tels que le niveau et la qualité du spectre lumineux, la température, la nutrition azotée ou les propriétés du sol. La teneur en micronutriments des plantes dépend de :

- la caractéristique génétique de la plante: la teneur en fer de la pomme de terre irlandaise peut

varier de 10 mg à 100 g lorsqu‟elle est mesurée sur l‟ensemble du tubercule14

.

- la composition du sol en micronutriments: les noix du Brésil sont considérées comme les plus importantes sources alimentaires de sélénium, mais sont dépendantes du sol.

- le stress environnemental de la plante (lumière, nutriments du sol, température, nuisibles et plantes concurrentes, etc.), qui agit sur l‟expression du métabolisme secondaire.

En conséquence,

- La domestication d’une PAC pour sa teneur en micronutriments doit être réalisée avec précaution: la teneur en micronutriments de la PAC cultivée peut varier sensiblement de celle de la PAC sauvage.

- La teneur en micronutriments de toute plante (cueillie ou cultivée) variera sensiblement en fonction de l’environnement, de la variété, de la partie de la plante, etc.

Ce dernier point explique la très forte variabilité observée dans les bases de données alimentaires: si la teneur en micronutriments varie selon les plantes (en fonction de la variété, de la maturité, etc.), la valeur micronutritionnelle d‟une plante donnée est encore plus variable et devra faire l‟objet d‟une contre-vérification au niveau locale avant que toute intervention puisse être développée et mise en œuvre sur le plan alimentaire. La production de micronutriments au sein de l‟agrobiodiversité (incluant la diversité des cultures et des PAC) doit continuer à être l‟objet de recherches et être documentées.

4.2.3 Les PAC, partie intégrante de l’agrobiodiversité, des systèmes alimentaires et des

connaissances locales

Les Plantes Alimentaires Cueillies ne peuvent être considérées isolément de l‟écosystème agricole

13

Traduction française de la définition citée sur http://en.wikipedia.org/wiki/Plant_secondary_metabolism 14

http://www.fao.org/infoods/biodiversity/Poster%20potato%20nutrient%20comp.pdf

16

car elles font partie de l‟agrobiodiversité et doivent être considérées comme telles par les communautés locales. En outre, la vaste majorité des communautés humaines dépend des marchés alimentaires pour se nourrir, ce qui ajoute une diversification potentielle à leur régime alimentaire. Un ménage considère la disponibilité générale des aliments avant de déterminer son régime alimentaire. Le choix de nourriture sera effectué en fonction de différents facteurs, dont:

- Les préférences alimentaires: chaque groupe humain fait son choix en fonction de son système culturel qui détermine les aliments appropriés à chaque membre de la population en fonction de son sexe, de son âge, de son statut social, de sa caste, de sa religion ou de son état sanitaire.

- Les connaissances locales sur la nourriture: quelles sont les propriétés des produits alimentaires (pour la santé et l‟alimentation), comment et où les récolter et comment les préparer (notamment dans le cas des PSC).

- L’accès aux produits alimentaires: accès économique (notamment pour les marchés alimentaires) et physique.

La plupart des produits alimentaires crus doivent être transformés (stockage, préparation) et associés à d‟autres produits dans l‟alimentation. La préparation et l‟association de ces aliments auront un impact – positif ou négatif - sur la teneur nutritive finale et sur la biodisponibilité de la nourriture consommée. Les connaissances locales sont considérées comme une «clé culturelle»: les connaissances sur les PAC, y compris sur comment les cueillir, comment protéger leur durabilité ou les transformer, sont cruciales. En particulier, certains aliments doivent être désintoxiqués avant d‟être comestibles (par exemple le manioc) ou transformés pour éviter des maladies dues aux carences en micronutriments. Par exemple, le maïs originaire d‟Amérique Latine s‟est exporté dans le reste du monde au 16

ème

siècle et a été associé à la pellagre (dermatite, diarrhées et démence entraînant la mort dans les 4-5 années suivantes) en raison d‟une carence en niacine. La pellagre n‟était pas connue au Mexique alors que le maïs y était l‟aliment de base: dans les communautés mexicaines ; le maïs était adouci

avec de l‟eau de chaux avant d‟être consommé, ce qui rendait la niacine biodisponible15

.

L‟ensemble de ce processus donne le statut nutritionnel final de chaque membre de la communauté, mais également sa sécurité alimentaire & ses moyens d‟existence ainsi que la durabilité de l‟environnement. Il peut être représenté par le schéma ci-dessous, avec pour objectif une alimentation durable:

Schéma 1 : Cadre des régimes alimentaires durables

15

La biodiversité des nutriments est la fraction d’un nutriment présent dans un aliment qui est absorbée et utilisée.

17

Une alimentation durable présente un impact environnemental faible et contribue à la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi qu’à une vie saine pour les générations actuelles et futures. Une alimentation durable protège et respecte la biodiversité et les écosystèmes, et est culturellement, acceptable, économiquement équitable et accessible, et adéquate, sûre et saine sur le plan nutritionnel, et optimise en même temps l‟usage des ressources naturelles et humaines (Bioversity

201116

) Les PAC doivent être incluses dans l’éventail des régimes alimentaires durables en cours d’évaluation mais aussi dans les réponses programmatiques.

4.2.4 PAC, changement climatique et enjeux futurs de la production alimentaire

Les PAC représentent un vaste bassin génétique où se trouvent les clés de la production alimentaire de demain. Elles sont notamment étudiées dans le contexte du changement climatique en vue de découvrir des cultures résistantes à l‟impact prévu (y compris l‟augmentation de CO2 dans l‟atmosphère) Les PAC peuvent également être des variétés sauvages des plantes cultivées. Leur génome peut offrir des solutions aux problèmes rencontrés par ces cultures: les forêts sauvages de Malus

sieversii17

(unique ancêtre de la plupart des cultivars de la pomme cultivée) au Kazakhstan sont actuellement considérées comme une solution prometteuse pour renforcer la résistance aux maladies de leurs cousins cultivés: les pommiers.

4.2.5 Les PAC ont-elles un impact sur le statut nutritionnel? Depuis les années 80, les ethno-nutritionnistes ainsi que d‟autres chercheurs étudient le rôle et l‟importance des aliments sauvages dans le régime alimentaire de nombreuses populations ainsi que le rôle qu'ils peuvent jouer dans l'amélioration des résultats nutritionnels. Selon certaines études (O‟dea et al., 1998; Shrimpton, 1989), les impacts nutritionnels peuvent être significatifs. Par exemple,

les populations du Brésil18

et du Bangladesh qui complétaient régulièrement leur alimentation avec des légumes à feuilles vert-foncées et avec des fruits sauvages présentaient des taux de carences en vitamine A les plus faibles, une carence en micronutriment fréquemment observée dans des contextes

d‟insécurité alimentaire19

. Dernier exemple: les travaux récents menés dans l‟ouest du Kenya par De Clerck et al. (2011) démontrent un lien entre agrobiodiversité fonctionnelle et réduction de l‟anémie. Cependant, l‟impact des PAC sur le statut nutritionnel d‟une personne peut ne pas être significatif. Dans une récente étude sur le rôle des plantes sauvages comestibles (PSC) en RDC, Termote & al.

(2012)20

ont démontré que malgré une situation nutritionnelle précaire, malgré des connaissances

existantes de la population sur les PSC et malgré un environnement extrêmement biodivers, la

16

Traduction française de la citation disponible sur http://biodiversity-l.iisd.org/news/fao-symposium-develops-definition-of-sustainable-diets-in-context-of-biodiversity-and-rural-development/ 17

« L'origine de la pomme ou le jardin d'Eden retrouvé », documentaire vidéo, Catherine PEIX 18

Shrimpton, R. 1989, Vitamin A deficiency in Brazil: perspectives for food production oriented interventions, Ecology of Food and Nutrition (Carence en vitamine A au Brésil: perspectives pour les interventions orientées sur la production alimentaire, écologie de l’alimentation et nutrition) 19

O’Dea, K., White, N.G., and Sinclair, A.J., 1998, An Investigation of Nutrition related factors in an isolated Aboriginal community in Northern Australia: Advantages of a Traditionally Oriented Lifestyle Med Journ Australia 148 (Etude des facteurs liés à l’alimentation dans une communauté aborigène isolée dans le nord de l’Australie: avantages d’un style de vie traditionnel) 20

Termote C, Bwama Meyi M, Dhed'a Djailo B, Huybregts L, Lachat C, et al. (2012) A Biodiverse Rich Environment Does Not Contribute to a Better Diet: A Case Study from DR Congo. PLoS ONE 7(1): e30533. doi:10.1371/journal.pone.0030533Les régime (un environnement biodivers ne contribue pas à une meilleure alimentation: étude de cas en RDC)

18

population ne consommait pas un volume significatif de PSC (moins de 4,8% de la contribution énergétique). Les limites à la consommation de PSC pourraient être dues :

- A la distance à parcourir à pied pour cueillir des PSC dans la forêt - A la charge de travail nécessitée par la préparation des PSC (p. ex. ouvrir les noix) - A la méconnaissance de la valeur nutritionnelle des PSC par plusieurs femmes.

Dans d‟autres contextes, d‟autres limites ont été documentées, telles que :

- La faible valeur sociale des PAC («les gens modernes mangent de la nourriture moderne») - Le manque de connaissances sur les PAC - La dégradation de l‟environnement et la faible disponibilité des PAC - L‟exploitation des sols, droits fonciers et accès limité aux PAC - Les PAC ne sont pas consommées par le groupe cible (par exemple les femmes enceintes,

les enfants de moins de cinq ans) En outre, comme expliqué précédemment, la teneur en micronutriments des PAC dans la consommation finale peut varier significativement en fonction des processus de stockage et de transformation des aliments. Les approches basées sur l’alimentation doivent identifier les contraintes locales liées à la consommation des PAC et identifier les réponses opérationnelles correspondantes. Les évaluations doivent tenir compte des éléments suivants dans le cadre de la documentation de la consommation des PAC: la connaissance des PAC ou leur disponibilité ne sont pas synonymes de consommation significative. Le lien entre la consommation de PAC et la prévention de la malnutrition aiguë ou chronique sera probablement difficile à documenter compte tenu de la complexité des causes (y compris l‟environnement de santé & les pratiques de soins). Il convient de poursuivre les études de terrain sur le lien entre consommation des PAC et résultats nutritionnels.

5 Comment ACF pourrait-elle intégrer les PAC dans son système d’évaluation des besoins?

5.1 Quand intégrer les PAC dans les évaluations relatives à la sécurité

alimentaire & nutritionnelle?

Les plantes alimentaires cueillies ne sont presque jamais prises en compte dans les évaluations de sécurité alimentaire et nutritionnelle. Dans un contexte d‟urgence, elles ne seront pas prioritaires. Cependant, elles devraient être prises en compte:

- Dans une évaluation relative de la sécurité alimentaire (par exemple dans un contexte de crise alimentaire) où les PAC devraient être analysées comme partie intégrante du système alimentaire. Comme vu précédemment, elles représentent plus qu‟un simple mécanisme de résolution de crise et peuvent améliorer la résilience d‟un système alimentaire.

- Dans une évaluation visant la prévention de la malnutrition, notamment dans le cas des carences en micronutriments, les PAC font partie des solutions basées sur les aliments locaux en lien avec d‟autres options potentielles (supplémentation et enrichissement alimentaire, comme mentionné ci-dessus).

19

5.2 Quelle méthodologie appliquer?

ACF ne dispose pas de l’expérience suffisante pour définir des outils méthodologiques adaptés à son mandat et à ses actions spécifiques en vue d‟évaluer les PAC. Dans ce chapitre, des suggestions et références externes sont fournies en vue de vous aider à définir votre méthodologie de terrain. Ce qui n‟empêche pas ACF d‟améliorer ses compétences dans ce domaine au cours des prochaines années, bien au contraire. C‟est également à partir des expériences sur le terrain que nous pouvons améliorer nos compétences.

5.2.1 Ne réinventez pas la roue: consultez une bibliographie

- Sur Internet, avec les mots clés suivants a. Groupe ethnique b. Zone géographique c. PAC, PSC, EMSU, PFNL d. Eventuellement: ethno-nutrition, ethno-botanique, éconutrition, agrobiodiversité…

- Rencontrez des chercheurs dans les universités locales & centres de recherches: agronomie, sylviculture, géographique, sciences sociales en particulier. Au Kenya ou en Ethiopie, vous trouverez de nombreux experts pour vous aider.

5.2.2 Définissez les objectifs de votre évaluation:

Que recherchez-vous spécifiquement? Quels sont les résultats attendus de cette évaluation?

5.2.3 Définissez votre méthodologie

Il n’y a pas de méthodologie appropriée pour décrire les PAC, qui soit adaptée à la mission d’ACF et à ses activités. Vous pouvez baser votre méthodologie sur les lignes directrices existantes suivantes:

Cadre 1: Quelques lignes directrices et manuels de référence ● Kuhlein & al., 2006, “Documenting Traditional Food Systems of Indigenous People: International Case Studies. Guidelines for Procedures”. CINE, IDRC, FAO ● Fanzo & al., 2011, “Improving Nutrition with agricultural diversity. A Manual on implementing food systems field projects to assess and improve dietary diversity, and nutrition and health outcomes”. Bioversity International, Rome, 78 p. ● Suminguit V.J., 2006, “Ethnobotanical Documentation: a User‟s Guide”. ICH, 92 p.

Quelques questions clés devraient être proposées dans les évaluations d‟ACF:

- QUI consomme les PAC ? Quel groupe de population (âge, sexe, groupe social, groupe ethnique…) consomme cette nourriture ?

- QUAND cette nourriture est-elle consommée: a. Quand la situation de sécurité alimentaire est normale ? Pour des occasions spéciales

(consommation de “luxe”) ? Pour des situations de crise/ d‟insécurité alimentaire? b. Caractère saisonnier des PAC ?

- Aspects quantitatifs: quel est l‟apport énergétique des PAC ? Leur consommation est-elle fréquente ? Quelle proportion de la communauté les consomme effectivement ?

- Connaissances: qui connaît les PAC, leurs propriétés, comment les cueillir, comment les préparer ? Est-ce que ce savoir est en train de disparaître au sein de la communauté ?

- Que considère-t-on localement comme “aliments sauvages”? - De quel œil voit-on la consommation des PAC sur le plan social ? - De quelle manière cette ressource est-elle protégée/ encouragée ?

20

- Quelle est la disponibilité de la ressource au niveau local? Les PAC sont-elles en danger ? Quelles sont les normes locales et les habitudes en faveur d‟une utilisation durable des PAC ?

- L’accès aux PAC est-il aisé ? Garanti dans le futur ? - Comment les PAC sont-elles cueillies ? Par quels membres de la communauté? Temps

nécessaire? Est-ce que le processus est laborieux ou difficile ? - Comment sont préparées les PAC ? Par quels membres de la communauté? Temps

nécessaire? Est-ce que le processus est laborieux ou difficile ? - Les PAC sont-elles vendues? Constituent-elles une source importante de revenus? - Préférence et pourquoi (goût, temps pour les cueillir et les préparer…) - Quelles sont les propriétés des PAC (effets sur la santé et la nutrition d‟après la

communauté) Assurez-vous d‟avoir une vision holistique: veuillez-vous référer au cadre des régimes alimentaires durables (Figure 1, page 16 de ce document).

5.2.4 Collecter vos informations sur le terrain

Comme pour toute évaluation d‟ACF, n‟oubliez pas les règles de base21

(c‟est-à-dire recouper les informations; ne pas passer au questionnaire quantitatif avant d‟avoir obtenu des informations qualitatives fiables).

- Information socio-anthropologique : informateurs clés, groupes de discussion… - Information sur une PAC spécifique: quelques conseils dans le cadre suivant.

Cadre 2: s’informer sur les PAC Je veux identifier une PAC Pour identifier une PAC, vous aurez besoin de: Prendre une photographie de la PAC dans son environnement, de préférence avec une échelle graduée de façon à montrer ses dimensions. N‟hésitez pas à prendre plusieurs photographies des différentes parties de la plantes (fleur, fruit, racines, tubercule, aux différents stades de croissance…) Demander le nom vernaculaire (local) de la plante dans les différentes langues locales. Localiser une structure ad hoc ou un botaniste capable de vous aider: soit à l‟université la plus proche ou dans les pays septentrionaux (Europe, USA, ...). Dans ce cas, adressez-vous au siège d‟ACF. NB: il peut être utile de vérifier cette identification avec un autre botaniste! Ne prenez pas d‟échantillons sans au préalable demander conseil auprès d‟un/e botaniste: s‟il ou elle a besoin d‟un échantillon en sus des photographies que vous pouvez fournir, il/elle vous indiquera clairement ses exigences particulières (quelle partie de la plante sélectionner, comment la tenir…). J‟ai identifié une PAC. Je souhaite en savoir plus sur elle. Internet vous fournira beaucoup d‟information, de qualité inégale. Plusieurs sites offrent des informations vérifiées: PROTA (Plant Resources Of Tropical Africa) dispose d‟une base de données pour l‟utilisation des végétaux: http://www.prota4u.org/ PROSEA est le même réseau, mais pour les plantes sud-asiatique http://proseanet.org/prosea/. PROSEA met à disposition e-Prose avec beaucoup d‟informations sur les plantes sud-asiatiques une fois que l‟on s‟est inscrit sur le site (inscription gratuite). Le réseau Plantnet a également développé un wiki spécifique sur l‟utilisation des plantes (y compris les plantes comestibles). http://www.plantnet-project.org (en anglais et en français) Je souhaite obtenir des informations spécifiquement nutritionnelles sur une PAC Chercher la documentation dans une bibliographie: comme indiqué précédemment, la teneur en éléments nutritifs d‟une plante peut varier drastiquement selon la variété, le cultivar et l‟environnement, et cela est particulièrement vrai pour les micronutriments et pour les PAC. Si vous trouvez la teneur en nutriments d‟une PAC dans de la documentation, rappelez-vous que cela n‟est qu‟indicatif! Vous pouvez obtenir des tables de composition provenant de multiples parties prenantes, mais malheureusement avec des qualités variables et une adhésion fluctuante aux standards internationaux et la plupart non publiés. INFOODS est un projet de la FAO concernant la finalisation des tables de composition alimentaire et leur partage; ces tables sont accessibles sur: http://www.fao.org/infoods/. Je veux faire des analyses de laboratoire pour déterminer la teneur en nutriments d‟une PAC N‟hésitez pas à consulter le site web d‟INFOODS pour vous assurer que vous respectez bien les standards internationaux pour ces analyses. Vous pouvez contacter l‟équipe INFOODS pour vous assurer que votre planification d‟analyses est correcte. Quand vous avez les résultats, envoyez une copie à INFOODS pour une capitalisation adéquate.

21

Ref. to the ACF Guidelines: “Food Security & Livelihoods Assessment Guideline”, 2009

21

5.3 Besoins urgents d’outils d’évaluation ACF

ACF manque cruellement d‟outils d‟évaluation qui lui permettent d‟intégrer les PAC et plus généralement l‟agrobiodiversité dans ses actions pour la prévention de la malnutrition.

Pour définir ces outils, la façon la plus appropriée serait d‟initier un partenariat avec Bioversity International et travailler avec leur soutien pour arriver à des résultats axés sur le terrain (projet pilote): Bioversity International est l‟institution la plus avancée en la matière (et le restera pour la décennie à venir) et bénéficie d‟un meilleur réseau (par exemple FAO, Mc Gill…).

6 Comment ACF pourrait-elle intégrer les aliments sauvages dans ses programmes ?

6.1 Contraintes pour augmenter la consommation des Plantes

Alimentaires Cueillies: adapter la réponse programmatique

Les approches dépendront de la situation locale et des contraintes spécifiques à la consommation des PAC. Ci-dessous sont les quelques contraintes habituellement décrites dans la littérature.

1) Les connaissances sur les PAC sont perdues Les connaissances sur les PAC (leurs propriétés nutritionnelles et/ou médicinales, quand et où les trouver, comment les cueillir tout en sauvegardant la durabilité de la ressource, comment les préparer, comment les stocker, comment les consommer…) peut disparaître au sein d‟un groupe humain. Cette perte survient notamment lorsque la population a été déplacée durant une longue période ou quand les membres d‟une famille ont été séparés (dans le cas d‟une guerre civile par exemple). Dans ce cas, la seule approche possible est de trouver des informateurs clés ayant conservé ce savoir et capables de le partager avec leur communauté.

2) Les ressources sont rares. La disponibilité des PAC peut être limitée; par exemple, lorsqu‟un écosystème a souffert d‟une désertification, d‟une déforestation, d‟une érosion brutale… Dans de nombreux contextes (Cambodge, Amérique Latine), la survie de l‟écosystème d‟une PAC est en jeu, car l‟utilisation qui en est faite a changé ou est en train de changer (par exemple, les droits d‟utilisation d‟un écosystème forestier ont été vendus à une compagnie privée pour l‟exploitation du bois ou la production intensive de bois/agricole).

22

En fonction des particularités de la situation, plusieurs options peuvent être considérées :

- Pour promouvoir une gestion durable de la terre: vous aurez besoin d‟une analyse complète de l‟écosystème par des spécialistes et ce afin de planifier la gestion de l‟agrobiodiversité sur le long terme. La contrainte principale sera de garantir les droits fonciers: si la forêt locale est vendue en faveur de l‟exploitation du bois, la promotion de PFNL sera illusoire.

- Pour promouvoir la domestication des plantes sauvages: vous aurez besoin d‟une analyse

complète des spécificités agronomiques de la plante, c‟est-à-dire la meilleure densité pour l‟ensemencement, les besoins en eau, en fertilisants, les nuisibles et les maladies ; le processus de collecte de l‟information nécessaire à la promotion de la plante domestiquée prendra plusieurs années.

Avant toute promotion de PAC, une évaluation de la disponibilité des ressources et de leur durabilité doit être menée systématiquement!

3) Les PAC sont sous-estimées Les PAC ont tendance à être mal perçues dans beaucoup de systèmes alimentaires; autrement dit, les « nourritures modernes » ont socialement plus de préférence que les PAC qui sont pour les « sauvages » ou les « anciens ». En outre, la nourriture occidentale est souvent plus facile à préparer et à consommer (préparations alimentaires toutes prêtes) et peut s‟avérer bon marché et facile d‟accès. Par conséquent, les systèmes alimentaires traditionnels et les PAC qui leur sont associées tendent à évoluer et incorporer de plus en plus d‟aliments industriels lesquels peuvent être de qualité médiocre. Ce processus est appelé « transition nutritionnelle » dans un grand nombre de publications: Transition Nutritionnelle La consommation accrue de produits alimentaires non sains aggravée par l‟augmentation de la prévalence de la surcharge pondérale dans les pays à revenu faible et intermédiaire est généralement désignée par le terme de Transition Nutritionnelle. Cela survient conjointement avec la Transition Epidémiologique et entraîne de graves conséquences en termes de santé publique, de facteurs de risque, de croissance économique et de politique nutritionnelle internationale. La transition nutritionnelle peut donner lieu à la malnutrition non seulement par manque de nourriture, mais du fait d‟un besoin d‟aliments de haute qualité. Des aliments riches en vitamines et en minéraux tels que les fruits, les légumes et les céréales complètes ont été substitués par des aliments à forte teneur en sucre ajouté, en graisses saturées et en sodium. Cette tendance qui a commencé dans les pays industrialisés s‟est répandue dans les pays en voie de développement. Ces derniers se trouvent à présent écrasés sous le double fardeau de la malnutrition – la famine en parallèle avec les problèmes sanitaires découlant de la malnutrition, tels que l‟obésité, le diabète et les AVC. (CINE).

23

La Transition nutritionnelle n’est pas « mauvaise » en soi:

- Les gens ont le droit de choisir et de décider par eux-mêmes leurs préférences alimentaires. Les systèmes alimentaires n‟ont jamais été statiques; ils ont évolué depuis le début des temps.

- La Transition nutritionnelle peut être à l‟origine de résultats positifs sur le statut nutritionnel. Au Sierra Leone, par exemple, la malnutrition chronique des enfants de moins de 5 ans tourne autour de 50 % dans les zones rurales, et autour de 30 % dans les villes où leurs parents ont récemment migré. L‟hypothèse qui pourrait expliquer cette tendance alimentaire est 1) l‟accès aux soins de santé primaires en ville et 2) l'accès à un régime alimentaire plus varié dans un contexte urbain.

Divers programmes et approches tendent à valoriser les aliments « traditionnels » avec de succès variés. Si quelques projets ont changé la façon dont les PAC sont perçues localement, en valorisant leur consommation et encourageant même des chaînes d‟échange et de transformation, d‟autres projets ont eu un impact limité. Une des contraintes principales est le temps et l‟énergie nécessaires pour réunir et préparer les PAC. Ces contraintes de temps ne sont pas toujours compatibles avec les évolutions des sociétés locales (par exemple, les femmes ayant un emploi monétisé).

6.2 Intégration des PAC dans les approches « traditionnelles » d'ACF

1) PAC et diversification de la production alimentaire

Un projet classique d‟ACF en sécurité alimentaire est celui de la diversification des cultures. Les

hypothèses sont :

- Le régime alimentaire n'est pas suffisamment diversifié (ce qui doit être prouvé)

- La meilleure façon de diversifier la ration alimentaire est de diversifier la production

alimentaire (ceci doit aussi être prouvé car une approche fondée sur le marché pourrait être

plus pertinente)

- La nourriture diversifiée qui va être produite sera consommée par la population cible (ce qui

doit aussi être évalué : elle pourrait être vendue sur le marché, elle pourrait être consommée

par un autre groupe, par exemple les hommes, elle pourrait être mal considérée socialement,

etc.)

- Le nouvel aliment introduit aura une valeur nutritionnelle ajoutée (là encore, ce n'est pas

toujours le cas : un récent projet ACF de diversification des cultures a introduit une seule

culture - la pomme de terre - qui n'est pas un aliment de haute qualité en ce qui concerne son

contenu nutritionnel)

Les PAC peuvent être une excellente base pour la diversification des cultures :

- Au Malawi et au Zimbabwe, des jardins à faible niveau d‟intrants ont inclus des « aliments

locaux et traditionnels » (ALT), tels que les fruits de baobab, avec succès.

- Le projet PPILDA (Projet de Promotion de l'Initiative Locale pour le Développement à Aguié)

financé par le FIDA au Niger, dans la région de Maradi) a introduit divers ALT en tant que

nouvelles cultures, dont la Moringa oleifera et la Cassia tora, connues dans les communautés

avoisinantes. Ces ALT ont été introduits avec succès, et ils ont augmenté la consommation de

feuilles vertes et les revenus (provenant des ventes) de la plupart des ménages concernés.

24

2) PAC et éducation à la nutrition et à la santé

L'éducation à la nutrition et à la santé consiste à envoyer des messages clés pour améliorer les

connaissances, les attitudes et les pratiques en matière de nutrition et d'habitudes alimentaires.

Aujourd'hui, ces approches soulèvent beaucoup de critiques :

- Contenu des messages : le contenu des messages n'est pas toujours suffisamment vérifié et

des messages erronés voire dangereux peuvent être diffusés, par exemple des recettes

déséquilibrées en démonstration de cuisine, des recettes de mauvaise qualité pour la

supplémentation des nourrissons, etc.

- Adéquation au contexte local : les outils de communication ne sont pas adaptés aux

spécificités du contexte, y compris au contexte agro-écologique (par exemple les oranges ne

sont pas cultivées au Sahel et elles ne sont pas disponibles localement, alors qu'elles sont

dessinées sur la boîte à images pour la promotion des vitamines au Niger) et au contexte

économique (par exemple les tomates sont souvent extrêmement coûteuses au Niger et ne

devraient pas être incluses dans la démonstration de cuisine locale).

- Ethnocentrisme et approche paternaliste : l'éducation à la nutrition et à la santé met

généralement en valeur des connaissances « du nord », alors que le savoir local et les

systèmes alimentaires locaux sont sous-évalués, voire ignorés. Une telle attitude est

éthiquement discutable, et s'est avérée peu efficace : l'éducation à la nutrition et à la santé

fondée sur les connaissances locales et le système alimentaire local s'est montrée plus

efficace et plus durable.

Les PAC et leur valeur nutritive devraient, de concert avec les connaissances locales

associées, être valorisées en matière d'éducation à la nutrition et à la santé, si elles font partie

du système alimentaire local.

6.3 Plaidoyer pour une approche holistique

Ce qui est développé par ACF devrait l'être dans une approche holistique : le cadre de l'alimentation durable proposé dans le présent document (page 16) pourrait orienter les programmes. Les PAC peuvent participer à la prévention de la malnutrition dans le cadre d'une solution « aliments locaux », valorisant les ressources et connaissances locales en matière de production/récolte, de transformation et de consommation des aliments, pour une diversité alimentaire à long terme et des résultats nutritionnels positifs.

Les PAC ne doivent pas être considérées comme une solution magique à la faim et à la malnutrition : tout produit alimentaire, pris isolément, est par définition déséquilibré et insuffisant pour assurer une bonne nutrition, et la domestication de PAC de fantaisie telles que la Moringa oleifera ou la Spirulina est un échec programmé.

7 Un mot sur les insectes comestibles Pour environ 2,5 milliards de personnes, principalement en Afrique, en Asie et en Amérique latine, manger des insectes fait partie de l'alimentation courante, d'une manière similaire à celle de manger

de la viande ou du poisson. Il y a environ 1800 espèces d'insectes comestibles22

. Les insectes comestibles sont traditionnellement récoltés dans la nature, mais la communauté internationale

22

Liste compilée sur le site Web de l'Université de Wageningen par M. Yde Jongema, http://www.ent.wur.nl/UK/Edible+insects/Worldwide+species+list/

25

manifeste un intérêt croissant à leur domestication :

- Ils constituent un aliment nutritionnellement intéressant pour l'homme : ils sont une excellente source de protéines, de matières grasses et de micronutriments

- Ils constituent aussi un aliment intéressant pour le bétail

- Les insectes ont un taux de conversion élevé23

, c.-à-d. qu'ils produisent des protéines moins

chères que le bétail traditionnel. Par exemple, le grillon a besoin de six fois moins de nourriture que le bétail, quatre fois moins que le mouton, et deux fois moins que le porc et le poulet pour produire la même quantité de protéines (FAO).

- Une étude récente (Ooninck & al. 201024

) a montré que les émissions de gaz à effet de serre

et d'ammoniac liées à la production d'insectes sont plus faibles comparativement à la production de porcs et de bovins (pour la même production de protéines).

La production d'insectes (au niveau des fermes ou de l'industrie) sort du cadre de ce document qui est la documentation sur les aliments sauvages, mais n'en est pas moins un sujet important et abondamment discuté au sein de la communauté internationale. Une consultation d'experts a été organisée en janvier 2012 sur le sujet, par l'Université de Wageningen et la FAO. Pour en savoir plus sur les insectes comestibles, les conclusions de cette consultation sont disponibles sur internet : http://foris.fao.org/preview/31654-08b9c12f60eda84d122b1ad454c381bb4.pdf Vous pouvez également trouver de nombreuses ressources (y compris des bibliographies, la liste des insectes comestibles) sur le site de l'Université de Wageningen (laboratoire d'entomologie) : http://www.ent.wur.nl/UK/Edible+insects/

8 Quelles recherches concrètes devraient être entreprises dans le réseau ACF au sujet des PAC ?

Ce document a démontré l'importance potentielle des PAC dans le cadre des systèmes alimentaires locaux et de la biodiversité agricole pour assurer une alimentation durable. Il a également mis en avant certaines limites existantes au développement de programmes de terrain par ACF : si ACF a une bonne connaissance de la malnutrition aiguë et chronique (définition, symptômes, traitement) et une excellente expérience de terrain de la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance (y compris les évaluations de la sécurité alimentaire, les approches fondées sur le marché), ACF souffre d'un manque crucial d'outils supplémentaires dans les domaines de la science des aliments et de la nutrition humaine, d'une part, et de l'ethno-nutrition, de l'anthropologie alimentaire et de l'ethno-biologie, d'autre part. Enfin, la compétence d'ACF est faible en écologie et écosystème durable. On pourrait illustrer cela en utilisant le cadre du régime alimentaire durable :

23

En élevage, le taux de conversion alimentaire (FCR) ou l'efficacité de conversion des aliments (FCE), est une mesure de l'efficacité d'un animal dans la conversion de la masse alimentaire en élévation de la masse corporelle. 24

http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0014445

26

Figure 2 : Cadre du régime alimentaire durable - champs de compétences d'ACF (en vert)

ACF n'a pas la compétence en interne pour les domaines manquants, et devrait rechercher un partenariat avec les centres de recherche adéquats. Le choix évident devrait être Bioversity International : ils ont le réseau approprié (avec la FAO, l'Université Mc Gill), et ils envisagent de travailler sur le sujet au cours des dix prochaines années. En outre, leurs domaines de compétence semblent être clairement complémentaires de ceux d'ACF :

Figure 3 : Cadre du régime alimentaire durable - domaines de compétence de Bioversity International (en vert)

Cette schématisation est basée sur le manuel de terrain Bioversity et doit être discutée avec eux !

En plus de ces compétences complémentaires, ACF a des programmes et des équipes sur le terrain, alors que Bioversity International dispose de l'expertise en recherche sur le terrain et un réseau approprié (Mc Gill et FAO en particulier). Ce partenariat devrait permettre de lancer des programmes pilotes sur le terrain, soutenus et nourris par la recherche formelle dans des domaines aussi vastes que les sciences sociales ou les sciences alimentaires. Les résultats les plus urgents devraient être :

- des méthodologies d'évaluation adaptées à ACF et, plus largement, des méthodologies de

27

terrain, permettant d'évaluer la biodiversité agricole adaptée aux acteurs humanitaires et à la prévention de la malnutrition

- une programmation adaptée aux ressources et aux connaissances locales comme outil de prévention de la malnutrition et de promotion de l'alimentation durable.

Il faut noter qu'une première collaboration a été lancée : ACF-Pérou et Bioversity International ont soumis une proposition conjointe au début de 2012. En outre, ACF doit participer à la recherche en sciences alimentaires actuellement en cours, avec des possibilités de partenariats avec l'IRD par exemple. Il apparaît clairement que beaucoup reste encore à apprendre sur le terrain et ACF devrait revoir l'ensemble de ses messages nutritionnels à cet égard (y compris les recettes de cuisine de démonstration, les recettes de bouillies complémentaires pour les enfants âgés de 6 mois - 3 ans, etc.). Outre le fait que ces actions sont susceptibles d'avoir un impact minime, car non basées sur les systèmes alimentaires et les connaissances locales, les messages délivrés peuvent se révéler contre-productifs, voire dangereux.

Conclusion : les aliments sauvages sont-ils une solution à la faim et à la malnutrition ?

À ce stade, le lecteur doit clairement conclure « certainement pas ». Aucun aliment sauvage, surtout à lui seul, ne sera une solution magique à la malnutrition car aucun produit alimentaire ne couvrira tous les besoins en nutriments, sans parler des besoins sociaux couverts par les aliments dans une société humaine. Cependant, les aliments sauvages ont certainement un rôle à jouer, dans le cadre de la biodiversité agricole en général, et parce qu'ils offrent un aliment « tampon » dans les moments difficiles, ce qui renforce la résilience des systèmes alimentaires. « Bien que les aliments sauvages ne puissent pas entièrement combler l‟écart qui existe entre l'offre

et la demande, ils peuvent contribuer à réduire cet écart » 25

ACF est aujourd'hui mal équipée pour intégrer l'alimentation sauvage dans ses évaluations et actions pour la prévention et l'atténuation de la faim et de la malnutrition. Cela pourrait être grandement amélioré grâce à des partenariats appropriés, à la recherche appliquée et à des approches pilotes. De plus, ACF a besoin de forcer sa propre « culture » à évoluer, afin d'entrer dans le monde des « systèmes alimentaires locaux pour des régimes durables » : « Une approche réductionniste (par ailleurs nécessaire) fonctionne parfaitement pour le traitement de la malnutrition sévère, pour les enquêtes sur la nutrition et les interventions de distribution de nourriture, mais pas pour l‟agro-biodiversité agricole à des fins d‟alimentation et de nutrition. Chaque système alimentaire traditionnel possède son propre domaine spatio-temporel, culturel et agro-écologique, et il n'y en a pas deux

pareils »26

. Si des méthodologies et des outils plus ou moins standardisés peuvent et doivent être développés dans ce domaine, le résultat final devra toujours être localement adapté aux spécificités des ressources locales (y compris la biodiversité agricole et les savoirs locaux). Aujourd'hui, il existe toujours un écart entre la sous-alimentation (par exemple malnutrition aiguë et chronique, carences en micronutriments et faim cachée) et la biodiversité agricole, et la documentation sur les approches et les systèmes alimentaires. ACF est bien placée pour combler le fossé. Son approche intégrée de la prévention de la malnutrition donne à l'organisation une vision sous l‟angle des sciences sociales (les équipes de sécurité alimentaire et des moyens de subsistance sont sensibilisées, sinon entièrement formées, aux sciences sociales) ainsi que des connaissances sur les données nutritionnelles: si très peu de gens dans le monde sont formés en micronutriments et en anthropologie alimentaire, ACF a au moins des experts internes dans ces deux domaines.

25

Bharucha & Pretty 2010 26

Rory Mc Burney, pers. Com.

28

Glossaire Biodiversité agricole ou Agrobiodiversité La biodiversité agricole englobe les écosystèmes, les animaux, les plantes et les micro-organismes ayant un lien avec l‟alimentation et l‟agriculture. Aujourd‟hui, la plupart des espèces cultivées et des animaux d‟élevage sont le résultat de milliers d‟années d‟intervention humaine, y compris pour la sélection, l‟amélioration du cheptel et autres pratiques agricoles. La biodiversité agricole fournit de la nourriture et des matières premières. En outre, chaque plante, animal ou micro-organisme joue un rôle dans la régulation de services écosystémiques essentiels, comme la conservation de l‟eau, la décomposition des déchets, le cycle des nutriments, la pollinisation, la lutte contre les ravageurs et les maladies, la régulation climatique, le contrôle de l‟érosion, la prévention des inondations, la séquestration du carbone et beaucoup d‟autres facteurs axés sur l‟écosystème (CBD 2010). Agroécosystèmes L‟agroécosystème représente un modèle conceptuel d‟un système agricole (cultures, ferme ou économie dans sa globalité), dont les fonctions sont liées aux intrants et extrants. Un agroécosystème comprend la terre utilisée pour les cultures, les pâturages et le bétail, le terrain adjacent non cultivé où se trouve un autre type de végétation, de la faune, l‟atmosphère qui lui est associé, les sols sous-jacents et les réseaux de drainage. Les services écosystémiques sont aussi bien des processus que des fonctions écologiques qui soutiennent le bien-être humain (Daily 1997). Biodisponibilité La biodisponibilité des nutriments se définit comme la fraction d‟un nutriment dans une nourriture qui est absorbée et utilisée. Econutrition L‟éconutrition englobe la santé environnementale et la santé humaine, avec une attention toute particulière sur les interactions entre les domaines agricoles, écologiques et l‟alimentation humaine. (Deckelbaum & al.

27, 2006).

Ethnobiologie L‟ethnobiologie est l‟étude scientifique des relations dynamiques entre les peuples, le biote et les environnements (International Society of Ethnobiology). Ethnonutrition L‟ethnonutrition décrit les manières dont les indigènes évaluent la nourriture et l‟alimentation, comment l‟alimentation est utilisée pour éviter ou traiter les maladies (E. Messer

28, 1996)

Ethnobotanique L‟étude systématique des connaissances botaniques d‟un groupe social et l‟utilisation qu‟il fait des plantes disponibles localement dans son alimentation, pour sa pharmacopée, ses vêtements ou les rites religieux (Encyclopaedia Britannica). Aliments Locaux et Traditionnels Il n‟y a pas de définition universellement acceptée des aliments locaux ou traditionnels. Les aliments traditionnels font généralement partie d‟une culture particulière, disponible dans les ressources locales et sont culturellement acceptée. D‟autres aspects à prendre en considération sont les significations socioculturelles, les techniques utilisées pour l‟acquisition et la transformation, l‟utilisation, la composition et les conséquences nutritionnelles (CINE 2006). Les termes „local‟ et „nourriture

27

Deckelbaum R, Palm C, Mutuo P, DeClerck F. Econutrition: implementation models from the Millennium Villages Project in Africa. Food Nutr Bull 2006; 27:335–42. 28

In “Food Habits in Later Life”, p. 801

29

traditionnelle‟ se réfèrent aux plantes et cultures, fruits, produits forestiers non ligneux, bétail, poissons, gibier, espèces des zones humides, les plantes sauvages ou issues de la cueillette et les insectes (Bioversity 2011). Espèces Méconnues et Sous-Utilisées (EMS) Espèces au potentiel sous-exploité en ce qui concerne leur contribution à la sécurité alimentaire, à la santé (sur le plan nutritionnel/médical), à la génération de revenus et à l‟environnement (Bioversity 2006).

Les EMS sont souvent qualifiées de „mineures‟ du fait de leur faible valeur économique globale en termes de production commerciale face aux cultures vivrières et autres matières premières agricoles. Tout un éventail de termes est employé pour qualifier les plantes sous-utilisées dont „mineures‟, „négligées‟, „locales‟, „traditionnelles‟ „sous-exploitées‟, „sous-développées‟, „orphelines‟, „perdues‟, „nouvelles‟, „niches‟, „prometteuses‟ et „alternatives‟ (Padulosi et al. 2002). Bioversity International (anciennement IPGRI) définit ces espèces comme étant méconnues et sous-exploitées, et non pas des cultures puisque les espèces prises en compte sont sauvages, gérées et cultivées. Ces plantes peuvent appartenir à n‟importe quelle catégorie : des arbres à fruits et à noix aux légumes feuilles, des herbes fonctionnelles (ou plantes médicinales et aromatiques [MAPs]) aux céréales, des légumes aux arbres forestiers, des plantes fourragères aux racines et tubercules. Bioversity classifie ces espèces comme des espèces sous-exploitées puisque dans le passé, elles étaient cultivées à plus grande échelle ou de façon plus intensive, et qu‟à présent ces espèces tombent en désuétude, et ce, pour diverses raisons : agronomiques, génétiques, économiques et culturelles. Certaines espèces peuvent être largement répandues à travers le monde, tendant à occuper des niches spéciales dans l‟écologie locale et dans les systèmes locaux de production et de consommation Transition Nutritionnelle La consommation accrue de produits alimentaires non sains aggravée par l‟augmentation de la prévalence de la surcharge pondérale dans les pays à revenu faible et intermédiaire est généralement désignée par le terme de Transition Nutritionnelle. Cela survient conjointement avec la Transition Epidémiologique et entraîne de graves conséquences en termes de santé publique, de facteurs de risque, de croissance économique et de politique nutritionnelle internationale. La transition nutritionnelle peut donner lieu à la malnutrition non seulement par manque de nourriture, mais du fait d‟un besoin d‟aliments de haute qualité. Des aliments riches en vitamines et en minéraux tels que les fruits, les légumes et les céréales complètes ont été substitués par des aliments à forte teneur en sucre ajouté, en graisses saturées et en sodium. Cette tendance qui a commencé dans les pays industrialisés s‟est répandue dans les pays en voie de développement. Ces derniers se trouvent à présent écrasés sous le double fardeau de la malnutrition – la famine en parallèle avec les problèmes sanitaires découlant de la malnutrition, tels que l‟obésité, le diabète et les AVC. Métabolisme Secondaire Une plante à métabolisme secondaire contient des composants qui aident à la croissance et au développement des plantes ; toutefois, ils ne sont pas nécessaires à la survie de la plante. Le métabolisme secondaire facilite le métabolisme primaire dans les plantes. Ce métabolisme primaire consiste en réactions chimiques qui permettent à la plante de vivre. Néanmoins, pour que la plante reste saine, le métabolisme secondaire joue un rôle fondamental puisqu‟il assure le bon fonctionnement de tous les systèmes de la plante. Un rôle habituel des métabolites secondaires des plantes réside dans les mécanismes de défense. Ils combattent les herbivores, les ravageurs et les agents pathogènes. Bien que les chercheurs sachent que cette caractéristique est commune à beaucoup de plantes, il reste encore difficile de déterminer le rôle précis de chaque métabolite secondaire. Certains de ces métabolites secondaires développent une activité d‟anti-appétence, de toxicité ou encore de précurseurs de défense physique. Les métabolites secondaires comprennent, par exemple, les tocophérols, les stérols, la vitamine C et les polyphénols tels que acides phénoliques et leurs esters ou flavonoïdes. Ces métabolites secondaires présentent des propriétés antioxydantes, antiradicalaires, et même antiprolifératives ou antiœstrogènes et sont des précurseurs métaboliques pour plusieurs vitamines essentielles (Vit A, Vit P…). Alimentations durables Une alimentation durable présente un impact environnemental faible et contribue à la sécurité

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alimentaire et nutritionnelle ainsi qu‟à une vie saine pour les générations actuelles et futures. Une alimentation durable protège et respecte la biodiversité et les écosystèmes, et est culturellement, acceptable et économiquement équitable et accessible, adéquate, sure et saine sur le plan nutritionnel, et optimise en même temps l‟usage des ressources naturelles et humaines (Bioversity

201129

)

29

Traduction française de la citation disponible sur http://biodiversity-l.iisd.org/news/fao-symposium-develops-definition-of-sustainable-diets-in-context-of-biodiversity-and-rural-development/

31

Quelques acteurs clés Bioversity International Via dei Tre Denari 472/a 00057 Maccarese (Fiumicino) Rome, Italy Personnes clés: Pablo EYZAGUIRRE, Federico MATTEI CINE Centre for Indigenous People‟s Nutrition and Environment Mc Gill University 21, 111 Lakeshore Road Sainte-Anne-de-Bellevue, Québec H9X 3V9 Canada Personne clé: Harriet V. Kuhnlein The Earth Institute at Columbia University 2E Lamont Hall, 61 Route 9W Palisades, New York, USA Personnes clé: Roseline Remans, Frederic de Clerck IDRC/ CRDI International Development Research Centre 250 Albert Street Ottawa, Ontario K1G 3H9 Canada FAO Food and Agriculture Organization of the United Nations Vialle delle Terme Caracalla 00100 Rome Italie Personnes clés : Barbara Burlingame, Ute Ruth Charrondière (INFOODS)

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Bibliographie Documents généraux sur les aliments sauvages & la nutrition Bioversity International, 2011, « Nutrition Strategy 2011 – 2021. Resilient food and nutrition systems: Analyzing the role of agricultural biodiversity in enhancing human nutrition and health » Burchi F., Fanzo J., Frison E., 2011, “The role of Food and Nutrition System Approaches in Takling Hidden Hunger”. Int. J. Environ. Res. Public Health 2011, 8, 358-373; doi:10.3390/ijerph8020358 CINE, IDRC, FAO, 2006, “Documenting traditional food systems of indigenous peoples: International case studies – Guidelines for Procedures” Bharucha Z., Pretty J., 2010, “The roles and values of wild foods in agricultural systems”. Phil. Trans. R. Soc. B (2010) 365, 2913–2926 FAO, 2008, “Expert consultation on Nutrition Indicators for Biodiversity: 1. Food Composition”. Infoods, Bioversity International, FAO FAO, 2010, “Expert consultation on Nutrition Indicators for Biodiversity: 2. Food Consumption”. Infoods, Bioversity International, FAO Wahlqvist M.L, Specht R.L, 1998, “Food variety and biodiversity: Econutrition”. Asia Pacific J Clin Nutr (1998) 7(3/4):314-319 Quelques expériences documentées sur le lien entre aliments sauvages & nutrition Batal & al., 2007, “Wild Edible Plants: Promoting Dietary Diversity in Poor Communities of Lebanon”. Final Technical Report CINE, FAO, 2009, “Indigenous People‟s food systems: the many dimensions of culture, diversity and environment for nutrition and health”. FAO 2009, 339 p. Debela Hunde Feyssa, Jesse .T. Njoka, Zemede Asfaw, M. M. Nyangito, 2011, “Seasonal availability and consumption of wild edible plants in semiarid Ethiopia: Implications to food security and climate change adaptation”. Journal of Horticulture and Forestry Vol. 3(5), pp. 138-149, May 2011 DeClerck F., Fanzo J., Palm C., Remans R., 2011,”Ecological approaches to human nutrition”, Food and Nutrition Bulletin, vol. 32, no. 1 (supplement) © 2011, The United Nations University. Termote C, Bwama Meyi M, Dhed‟a Djailo B, Huybregts L, Lachat C, et al. (2012) A Biodiverse Rich Environment Does Not Contribute to a Better Diet: A Case Study from DR Congo. PLoS ONE 7(1): e30533. doi:10.1371/journal.pone.0030533 Econutrition & GFP Deckelbaum R.J., Palm C., Mutuo P, DeClerck F., 2006, “Econutrition: Implementation models from the Millennium Villages Project in Africa”. Food and Nutrition Bulletin, vol. 27, no. 4 © 2006, The United Nations University. DeClerck F., Fanzo J., Palm C., Remans R., 2011,”Ecological approaches to human nutrition”, Food and Nutrition Bulletin, vol. 32, no. 1 (supplement) © 2011, The United Nations University. Remans R., Flynn D.F.B., DeClerck F., Diru W., Fanzo J., and al., 2011, “Assessing Nutritional Diversity of Cropping Systems in African Villages”, PLoS ONE 6(6):e21235. doi:10.1371/journal.pone.0021235

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