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En tant qu’ ‘évangéliste’ de la bio-dynamie au Chili, ce viticulteur et consultant a dû faire face à beaucoup de scepticisme quand il a essayé d’introduire cette philosophie au sein de la viticulture chilienne. Mais ce charismatique pionnier a prouvé que quand on croit à quelque chose, le jeu en vaut la chandelle. Domaine de Lisennes - BP11 - 33370 Tresses Tel. 05 57 19 17 52 - Fax. 05 57 19 17 53 Email : contact@transandine.fr - Site : www.transandine.fr SARL au capital de 100 000 € - RC B 342 929 528 - N°TVA FR 00342 929 528 - N° Accises FR 006061 E 0202 La dernière fois que j’ai rencontré Alvaro Espino- za au Chili, il m’avait fait faire un tour dans le vignoble d’Emiliana pour aller voir les préparations bio-dynami- ques. Il était difficile de faire la différence entre la camomille, la valériane et la ‘soupe’ personnelle d’Espinoza. Il attira aussi mon attention sur les vessies replètes de daims qui pendaient à un arbre. Puis nous prîmes la voiture pour aller voir le tas de compost gigantesque où elle s’enlisa. Sortant de la voiture avec du fumier jusqu’aux genoux nous regagnâmes le chai alors que le tracteur sortait la voiture du bourbier. Cette fois-ci j’étais un peu plus circonspect sur la ballade que nous fîmes avec sa femme, Marina, dans le nouveau vignoble de El Escorial un dimanche matin. Cet ancien verger d’amandiers, parcouru par des che- vaux, des vaches, des poulets et des alpacas est aujourd’hui un vignoble de 7 hectares à forte proportion de pierres et joliment bordé par les amandiers restants.. Ce vignoble c’est l’aboutissement du rêve d’Alvaro Espi- noza bien qu’il ne soit pas prêt à abandonner les nom- breux autres projets dans lesquels il est impliqué. Mais en dépit de la haute visibilité que lui confèrent ses autres activités on voit bien que le plaisir de ‘cultiver son jardin’ représente la satisfaction ultime pour ce très charismatique vinificateur chilien. On aperçoit deux récipients en forme d’œuf au fond du chai. Espinoza explique. « On y met le vin après la fermentation et on le conserve un an avant le l’entonner. L’idée de départ était de construire une amphore et puis on s’est retrouvé avec un œuf. C’est la forme parfaite que la nature utilise pour préserver la vie, cela doit donc aussi être une forme adaptée pour préser- ver le vin qui est une matière vivante. » Pour lui, ce genre de décision s’impose d’elle- même. Ce n’est pas surprenant que ce soit Espinoza qui ait apporté à l’Amérique du Sud sa première cuve en forme d’œuf. Espinoza est un pionnier et un preneur de risque dans une industrie qui reste, au demeurant, très conservatrice et qui manque souvent de vision. Quand le merlot connaissait un franc succès sur les marchés d’export et qu’il fut identifié par les ampélographes français, Boursiquot et Balat, comme étant du carmenè- re, il se fit tout de suite le grand défenseur de ce cépage . Il fut aussi le premier à comprendre la viticultu- re biologique et bio-dynamique. Sa croyance sans faille dans la biodiversité et son refus des produits chimiques de synthèse ont fait faire un pas de géant à l’industrie viticole chilienne vers un viticulture durable. Benjamin de la famille, il accompagnait son père, Mario, un courtier et un professeur d’œnologie, lors de ses visites aux domaines. Il a tout de suite été séduit par les odeurs acres des chais, les sols tachés et les tonneaux en bois. A contre courant de la mode de l’époque il poursuivit des étude d’oenologie à Santiago à un moment où le prix du vin était inférieur UN PORTRAIT PAR ANTHONY ROSE DANS LE MAGAZINE

Alvaro Espinoza

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Alvaro Espinoza Chili

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En tant qu’ ‘évangéliste’ de la bio-dynamie au Chili, ce viticulteur et consultant a dû faire face à beaucoup descepticisme quand il a essayé d’introduire cette philosophie au sein de la viticulture chilienne. Mais ce

charismatique pionnier a prouvé que quand on croit à quelque chose, le jeu en vaut la chandelle.

Domaine de Lisennes - BP11 - 33370 TressesTel. 05 57 19 17 52 - Fax. 05 57 19 17 53

Email : [email protected] - Site : www.transandine.frSARL au capital de 100 000 € - RC B 342 929 528 - N°TVA FR 00342 929 528 - N° Accises FR 006061 E 0202

La dernière fois que j’ai rencontré Alvaro Espino-za au Chili, il m’avait fait faire un tour dans le vignobled’Emiliana pour aller voir les préparations bio-dynami-ques. Il était difficile de faire la différence entre lacamomille, la valériane et la ‘soupe’ personnelled’Espinoza. Il attira aussi mon attention sur les vessiesreplètes de daims qui pendaient à un arbre. Puis nousprîmes la voiture pour aller voir le tas de compostgigantesque où elle s’enlisa. Sortant de la voiture avecdu fumier jusqu’aux genoux nous regagnâmes le chaialors que le tracteur sortait la voiture du bourbier. Cette fois-ci j’étais un peu plus circonspect surla ballade que nous fîmes avec sa femme, Marina, dansle nouveau vignoble de El Escorial un dimanche matin.Cet ancien verger d’amandiers, parcouru par des che-vaux, des vaches, des poulets et des alpacas estaujourd’hui un vignoble de 7 hectares à forte proportionde pierres et joliment bordé par les amandiers restants..Ce vignoble c’est l’aboutissement du rêve d’Alvaro Espi-noza bien qu’il ne soit pas prêt à abandonner les nom-breux autres projets dans lesquels il est impliqué. Maisen dépit de la haute visibilité que lui confèrent sesautres activités on voit bien que le plaisir de ‘cultiver sonjardin’ représente la satisfaction ultime pour ce trèscharismatique vinificateur chilien. On aperçoit deux récipients en forme d’œuf aufond du chai. Espinoza explique. « On y met le vin aprèsla fermentation et on le conserve un an avant lel’entonner. L’idée de départ était de construire uneamphore et puis on s’est retrouvé avec un œuf. C’est laforme parfaite que la nature utilise pour préserver la vie,cela doit donc aussi être une forme adaptée pour préser-ver le vin qui est une matière vivante. » Pour lui, ce genre de décision s’impose d’elle-même. Ce n’est pas surprenant que ce soit Espinoza qui

ait apporté à l’Amérique du Sud sa première cuve enforme d’œuf. Espinoza est un pionnier et un preneur derisque dans une industrie qui reste, au demeurant, trèsconservatrice et qui manque souvent de vision. Quand lemerlot connaissait un franc succès sur les marchésd’export et qu’il fut identifié par les ampélographesfrançais, Boursiquot et Balat, comme étant du carmenè-re, il se fit tout de suite le grand défenseur de cecépage . Il fut aussi le premier à comprendre la viticultu-re biologique et bio-dynamique. Sa croyance sans failledans la biodiversité et son refus des produits chimiquesde synthèse ont fait faire un pas de géant à l’industrieviticole chilienne vers un viticulture durable. Benjamin de la famille, il accompagnait sonpère, Mario, un courtier et un professeur d’œnologie,lors de ses visites aux domaines. Il a tout de suite étéséduit par les odeurs acres des chais, les sols tachéset les tonneaux en bois. A contre courant de la modede l’époque il poursuivit des étude d’oenologie àSantiago à un moment où le prix du vin était inférieur

UN PORTRAIT PAR ANTHONY ROSE DANS LE MAGAZINE

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à celui du Coca Cola. Ce n’était pas une bonne époquepour travailler dans le vin et des familles entières deviticulteurs faisaient faillite. On me prenait pour un

‘barge’ avec mes études d’œnologie. Puis il quitta le Chili pour aller étudierl’œnologie à Bordeaux et revint au Chili quandl’industrie commençait doucement à se remettre.Miguel Torres avait trouvé au Chili son paradis viticole,Les Lafite avait démarré le domaine de Los Vascos etIgnacio Recabarren commençait à faire parler de lui àSanta Rita. Espinoza saisit alors l’opportunité que luidonnait son poste au domaine de Carmen pour appliquerdes méthodes de culture alternatives qu’il avait apprislors de ses études en horticulture biologique. La majeurepartie de l’agriculture à cette époque était del’arboriculture et l’usage des pesticides était intense.«  Au collège on apprenait l’agriculture chimique(comment tuer les espèces et avec quoi les tuer). Leschoses ont bien changé ces 20 dernières années. »

A cette époque L’importateur de Carmen au EtatsUnis était le propriétaire de Fetzer, Brown-Forman. Espi-zona visita donc le domaine à Mendocino et devint amide Paul Dolan, Bob Blue et Dennis Martin, les pionniersde la culture biologique. Il fut séduit par leurs idéeset par la beauté des vignobles avec les plantes et lesfleurs entre les rangs. J’ai alors pensé que le Chilipouvait être idéal pour la culture biologique et j’aidécidé de l’appliquer au domaine de Carmen en 1994avec le projet appelé Nativa. Les premiers vins biolo-giques furent mis sur le marché en 1998. Me amis medirent que ‘ je prenais trop de risques et que c’étaittrop aventureux mais je leur ai répondu que je devaisfaire ce que je pensais être le mieux et qu’il ne fallaitpas être étroit d’esprit.

Séduit par la Bio-dynamie Après la première vendange sur ses propres vignesen 1998, Espinoza se mit en disponibilité pendant 10mois et il partit au domaine de Blue’s Bonterra enCalifornie où il passa le plus clair de son temps dans levignoble avec les viticulteurs mexicains. C’est ici qu’ilrencontra le spécialiste de la bio-dynamie, Alan York, quilui fit connaître les théories de l’austro-hongrois RudolfSteiner. C’est à la suite de ce voyage qu’Espinoza décidade mettre cette théorie en pratique à son retour au Chilien 1999. « Nous n’avions pas toutes les préparations maisj’ai commencé à apprendre à travailler avec le compost,

et à mettre les animaux dans les vignes en vase clos.Toutes ces idées, j’ai essayé de les mettre en pratiquepour Antiyal. Ce qui m’a séduit dans la bio-dynamie c’estl’idée holistique d’un vignoble comme un ensemblevivant. Quand on le décompose en ses divers éléments

Alvaro Espinoza

c’est plus difficile à comprendre les mécanismes defonctionnement mais la bio-dynamie essaie de compren-dre les interactions complexes. Quand vous organisez unvignoble comme un ensemble fini et que vous vousoccupez de la nourriture et de la fertilisation avec unminimum d’apports extérieurs, ce qu’il en ressort c’estl’identité de l’endroit où vous êtes. Il ne faut paschanger l’endroit où vous êtes, il vous faut l’adapter auxconditions de production locales en termes de rende-ments, de variétés et de dates de vendanges. Et ce quevous obtenez c’est une spécificité que personne ne peutcopier. La bio-dynamie vous permet d’extraire l’unicitéde votre vignoble. Au Chili, grâce à l’irrigation vouspouvez pratiquer une agriculture hors sol et obtenir unesuperbe tomate qui n’a goût de rien. Ce que j’essaie defaire c’est le contraire. » Mis à part Antiyal, Espinoza est probablementplus connu pour son association avec Viniedos Emilianaoù la viticulture biologique et bio-dynamqiue sont prati-quées depuis 2000. La décision de convertir 595 des 1550hectares de vignes à Casablanca, Maipo et Colchagua enagriculture biologique a été prise par Jose Guilisasti, unmembre de la famille de la société mère, Concha y Toro.C’est Guilisasti qui a embarqué Espinoza dans cettegalère.

Beaucoup de gens se demande comment undomaine d’une telle taille peu faire cela mais c’estgrâce à José car tout le monde croit en ce qu’il fait. Laqualité des vins est meilleure et cela nous a aussi ouvertdes portes sur les marchés. Le résultat aujourd’hui estque le Coyam d’Emilianna est un des vins chiliens quioffre le meilleur rapport qualité prix et le chardonnay-viognier-marsanne de la région de Casablanca est un vinde ‘nouvelle génération’ très excitant.

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Les forces invisibles Espinoza est tout à fait conscient (et aussi un peutriste) par le scepticisme qui entoure la bio-dynamie.« C’est très difficile pour quelqu’un de la ville de com-prendre la bio-dynamie et cela peut être très frustrantparce que les gens vous prennent pour un type bizarre.Mais la plupart des choses avec lesquelles nous tra-vaillons ne sont pas bizarres tout simplement naturel-les.  » Bien qu’il sache que des éléments comme lavitalité et l’énergie sont difficiles à prouver scientifique-ment, il pense que la vie est basée sur la diversité etqu’elle s’appuie aussi sur des forces qui ne sont pastoujours visibles.

-Alvaro Espinoza

Un vignoble sain qui amène une amélioration dela qualité ne peut se faire que par la symbiose desplantes et des animaux. J’ai bien peur que nous soyonsen train de perdre en diversité des espèces. La sélec-tion naturelle des espèces provient de la diversité etsans elle la vie peut être compromise. Je pense quenous avons besoin de cette vitalité. Il cite commepreuve du lien entre la vitalité et la science le travailde l’écrivain japonais Dr Massaru Emoto1, dont lesétudes sur les cristaux d’eau démontrent, à l’analyse,qu’ils répondent aux changements de l’énergie humai-ne. Bien que seulement quelques domaines commeEmiliana et Antiyal soient certifiés bio-dynamiques,Espinoza est heureux qu’un nombre croissant de grandsdomaines au Chili notamment Matetic, Lapostolle, Erra-zuriz et Koyle s’engagent dans cette direction, voire

même cautionnent une viticulture biologique et bio-dynamique. Ils se sont aperçus que les domaines enga-gés dans cette voie s’en sortaient bien et ils s’engagentmaintenant vers des certifications de viticulture dura-ble et un impact carbone neutre sur l’environnement;Un travail important est en cours sur la responsabilitésociale bien qu’Espinoza émette des doutes sur lesvéritables raisons de ce changement et s’interroge si lavraie raison de ce changement n’est pas purementmercantile. Et s’il approuve la tendance chilienne de setourner vers des régions climatiques plus fraîches, il al’impression qu’il n’existe pas assez de solidarité entreles domaines et un nombre insuffisant de petits domai-nes pour concurrencer les grandes marques parce que« l’image du Chili aujourd’hui c’est le rapport qualité-prix et les gens viennent au Chili pour les prix bas plutôtque pour rechercher des vins de terroirs. Nous devonschanger la mentalité des consommateurs étrangers.Nous avons un pays avec une nature magnifique maisnous n’en avons pas encore totalement su en tirerprofit. Les gens ne pensent pas que le Chili soit capablede produire de grands vins. En fait… nous le faisonsdéjà. »

1 Après avoir suivi des études en relations internationales àl'université de Yokohama, il a créé IHM Corporation à Tokyo en 1986. En1992 il fut diplômé comme docteur en  médecine alternative  par l'OpenInternational University for Alternative Medicine d'Inde. Il est aujourd'huiresponsable de l'institut de recherche d'IHM Corporation, dont il est égale-ment le président. Il est également président du "Project of Love andThanks to Water".Il a publié plusieurs ouvrages présentant des clichés decristaux de molécules d'eau. Emoto interprète ces clichés comme despreuves que les cristaux réagissent par des changements de structure àdiverses influences comme celles d'une musique de Jean-Sébastien Bach oude hard rock, ainsi qu'à de simples mots comme « Merci ».Des scientifiquescritiquent les procédures expérimentales pour leur insuffisance et estimentqu'il existe de nombreux  biais cognitifs  dans les expériences d'Emotolorsque par exemple les chercheurs sont invités à parcourir les clichés pourtrouver ceux qui conviennent le mieux à ce qu'ils veulent illustrer. Ceux-cin'ont jamais été soumis à des tests en  double aveugle  qui sont une desprocédures scientifiques de base pour la vérification des expériences.Emoto reconnait qu'il n'est pas un scientifique lui-même. James Randi, le fondateur de la James Randi Educational Founda-tion, a publiquement offert à Emoto la somme d'un million de dollars s'ilpouvait reproduire les résultats de ses expériences selon la procédure endouble aveugle Les travaux d'Emoto n'ont jamais été publiés dans une  revuescientifique à comité de lecture. (Source : Wikipedia)

-Anthony Rose est un collaborateur du magazine mensuelanglais ‘Decanter’ et du quotidien ‘The Independant’

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