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Améliorer l’efficacité de l’innovation pour accélérer la croissance par Luc Bretones, Vice-Président de l’Institut G9+ et administrateur de Renaissance Numérique 75% de l’ensemble des start-ups échouent ! C’est le résultat de la dernière étude de Shikhar Ghosh, chercheur à la Harvard Business School. Cette métrique semble également se vérifier pour les innovations au sens large, qu’elles émanent de start- up ou pas. En effet, entre 70% et 90% des innovations ne rencontrent pas le marché selon John T. Gourville 1 . Pourtant, le consensus s’accorde à dire que l’innovation est la seule issue au problème des croissances atones de nos pays développés et donc globalement de la faiblesse actuelle de l’activité économique. Louis Gallois et son rapport devenu célèbre n’y vont pas par quatre chemins : « En France, les entreprises industrielles ont vu leurs marges baisser de 30% à 21% en 10 ans. La seule issue, c’est l’innovation ». La question fondamentale de l’efficacité des processus d’innovation se pose donc de façon cruciale. Pour tenter d’y répondre, la fondation Kauffman 2 , qui soutient le développement de l’entrepreneuriat et en particulier le mouvement associatif Startup Weekend, a étudié les résultats des accélérateurs et des investissements des venture capitalists. Les résultats vont à contre-courant de la croyance populaire. Mis à part l’accélérateur Y-combinator 3 , qui a réussi à générer des plus- values en bourse lors de ses désinvestissements, la masse des accélérateurs ne semblent pas s’appuyer sur une rentabilité 1 Article de la Harvard Business Review : “Eager Sellers and Stony Buyers: Understanding the Psychology of New-Product Adoption”. 2 la plus importante fondation au monde consacrée à l'entrepreneuriat. 3 Y Combinator fournit du capital d’amorçage, des conseils et l’accès à son réseau à des start-ups lors de deux programmes de 3 mois chaque année. En échange, ils prennent une moyenne d'environ 6% au capital des sociétés « accélérées ».

Améliorer l’efficacité de l’innovation pour accélérer la croissance

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Article du 15 juin 2013 - par Luc Bretones, Vice-Président de l’Institut G9+ et administrateur de Renaissance Numérique75% de l’ensemble des start-ups échouent ! C’est le résultat de la dernière étude de Shikhar Ghosh, chercheur à la Harvard Business School. Cette métrique semble également se vérifier pour les innovations au sens large, qu’elles émanent de start-up ou pas. En effet, entre 70% et 90% des innovations ne rencontrent pas le marché selon John T. Gourville .Pourtant, le consensus s’accorde à dire que l’innovation est la seule issue au problème des croissances atones de nos pays développés et donc globalement de la faiblesse actuelle de l’activité économique. Louis Gallois et son rapport devenu célèbre n’y vont pas par quatre chemins : « En France, les entreprises industrielles ont vu leurs marges baisser de 30% à 21% en 10 ans. La seule issue, c’est l’innovation ».

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Améliorer l’efficacité de l’innovation pour accélérer la croissance

par Luc Bretones, Vice-Président de l’Institut G9+ et administrateur de Renaissance Numérique

75% de l’ensemble des start-ups échouent ! C’est le résultat de la dernière étude de Shikhar Ghosh, chercheur à la Harvard Business School. Cette métrique semble également se vérifier pour les innovations au sens large, qu’elles émanent de start-up ou pas. En effet, entre 70% et 90% des innovations ne rencontrent pas le marché selon John T. Gourville1.Pourtant, le consensus s’accorde à dire que l’innovation est la seule issue au problème des croissances atones de nos pays développés et donc globalement de la faiblesse actuelle de l’activité économique. Louis Gallois et son rapport devenu célèbre n’y vont pas par quatre chemins : « En France, les entreprises industrielles ont vu leurs marges baisser de 30% à 21% en 10 ans. La seule issue, c’est l’innovation ».

La question fondamentale de l’efficacité des processus d’innovation se pose donc de façon cruciale. Pour tenter d’y répondre, la fondation Kauffman2, qui soutient le développement de l’entrepreneuriat et en particulier le mouvement associatif Startup Weekend, a étudié les résultats des accélérateurs et des investissements des venture capitalists. Les résultats vont à contre-courant de la croyance populaire. Mis à part l’accélérateur Y-combinator3, qui a réussi à générer des plus-values en bourse lors de ses désinvestissements, la masse des accélérateurs ne semblent pas s’appuyer sur une rentabilité très robuste. De même, les Venture Capitalists dans leur écrasante majorité ne présentent pas des rendements positifs, ce qui, au passage ne les empêchent pas de très bien gagner leur vie par le prélèvement d’un pourcentage annuel sur les sommes gérées.Or, comme le rappelle Guillaume Villon de Benveniste, spécialiste franco-américain des processus d’innovation, « l’échec est onéreux ! ». « Les échecs d’innovation coutent 100 milliards de dollars par an aux entreprises américaines du Fortune 500 » affirme Anthony Ulwick, PdG de Stratégyn4.

Un enjeu clef de l’économie moderne semble être donc d’optimiser le rendement de l’innovation. Une innovation, ou plutôt des grappes d’innovation, produites aujourd’hui essentiellement autour de la troisième révolution industrielle, celle de l’informatique et

1 Article de la Harvard Business Review : “Eager Sellers and Stony Buyers: Understanding the Psychology of New-Product Adoption”.

2 la plus importante fondation au monde consacrée à l'entrepreneuriat.

3 Y Combinator fournit du capital d’amorçage, des conseils et l’accès à son réseau à des start-ups lors de deux programmes de 3 mois chaque année. En échange, ils prennent une moyenne d'environ 6% au capital des sociétés « accélérées ».

4 Cabinet de conseil en innovation réputé à San Francisco.

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d’Internet qui s’immiscent dans tous les secteurs et en particulier dans l’industrie. Car ce qui caractérise notre ère, c’est bien l’accélération sans précédent des capacités de disruption et d’action à grande échelle, ce que l’on peut désigner par les termes de « surabondance d’opportunités », qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler la surabondance d’informations produites par notre monde connecté et sa génération d’entropie. Nous disposons de la plus grande infrastructure d’innovation que l’humanité ait jamais connu. En effet, aujourd’hui, les individus disposent de capacités de calcul et d’action en réseau jusque-là réservées aux grands groupes ou aux institutions publiques. Il suffit de constater qu’en 200 ans la vitesse de transmission de l’information a été multipliée par 100 milliards et que la loi de Moore a amené plus de puissance informatique dans la puce d’un jouet qu’il n’en existait dans le monde entier en 1960. Richard Buckminster Fuller5 a décrit dès 1969 le phénomène d’ « éphémérisation », process consistant à réaliser toujours plus avec moins. Plus récemment, Francis Heylighen6 a montré l’influence des nouvelles technologies sur le renforcement de l’éphémérisation et sa capacité à générer de meilleurs biens et services mais aussi une innovation plus rapide : « plutôt que de compter sur une chance de découverte et de l’attendre, les nouvelles méthodes d’innovation développent des techniques de façon systématique en utilisant la modélisation et le test qui caractérisent la science. » Ainsi, les nouvelles idées sont exprimées, formalisées et testées à un rythme sans cesse plus rapide.

Steve Blank, serial-entrepreneur et académicien américain, revient aux basiques et prétend pouvoir améliorer significativement le ratio de succès en s’appuyant sur son approche « get out of the building7 ». Le principe est simple : un contact client permanent initié très tôt dans le développement de l’innovation. Pas de honte à « pivoter » si le concept de départ s’avère stérile. Sur la base de retours réguliers des clients que l’on fait réagir à un prototype du produit ou du service, le fameux MVP pour « Minimum Viable Product », l’innovation devient agile, itérative et incrémentale. Dans ces conditions, le bon vieux business plan devient daté, ‘’has been’’..

Cette méthode dite du « lean start-up » engage les clients très tôt dans la qualification et en fait de potentiels premiers acheteurs ou mieux, promoteurs. Comme le rappelle Guillaume Villon de Benveniste, il est plus aisé de créer des produits qui s’achètent que de s’épuiser à vendre des produits qui ne répondent pas aux besoins des clients.Mais ne nous méprenons pas, le client n’est pas sollicité pour imaginer son besoin futur – il est souvent incapable de le formuler ou de l’imaginer - ou répondre à une étude de marché.

5 Richard Buckminster "Bucky" Fuller était un architecte américain, théoricien des systèmes, auteur, concepteur, inventeur et futuriste.

6 Francis Paul Heylighen est un cybernéticien belge dont les recherches se focalisent sur l'émergence et l'évolution des organisations intelligentes.

7 ? sortez de vos bureaux

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Le client est confronté à une solution optimisant une tâche à accomplir, par exemple une des tâches de son quotidien. En résulte une amélioration de l’offre produit, la possible génération d’innovations de rupture ou encore l’optimisation de process d’innovation.

Ces nouvelles méthodes, pragmatiques et efficaces, remettent l’action au cœur du processus de création et positionnent le client comme un partenaire de l’innovation. Elles sont encore trop peu enseignées dans les grandes écoles et universités françaises. Le mouvement associatif Startup Weekend, à l’instar des grandes universités américaines, les porte et les diffuse avec force et conviction. Leur adoption sur le terrain en est la meilleure preuve de succès.

A bon entendeur !