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UNIVERSITE LOUIS PASTEURU.F.R. DE GEOGRAPHIE
C.E.R.E.G.STRASBOURG
ORSTOM DAKARLABORATOIRE "EAU ET SANTE"
AMENAGEMENTS HYDRO-AGRICOLES ET EVOLUTION DEQUELQUES ASPECTS DE
L'ENVIRONNEMENT DANS L'AXE GOROM - LAMPSAR(Delta du fleuve Sénégal)
Mémoire de D.E.A. présenté parCarmen PHILIPPE
Sous la direction de Monsieur Michel MIETrONet de Monsieur Pascal HANDSCHUMACHER (Maître de stage)
Membres du jury :
Michel MIETTON, ProfesseurFrançois PESNEAUD, Maître de Conférence
Pascal HANDSCHUMACHER, Chargé de Recherches OR5TOM
Septembre 1993
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AVANT-PROPOS
Ce mémoire de D.E.A. fait suite à un stage de deux mois au sein de l'équipe
"Eau et santé" de l'ORSTOM, à Dakar, dont les travaux sont axés sur les
problèmes de risques sanitaires liés à l'environnement, en l'occurence la
bilharziose, endémique à l'échelle du delta du fleuve Sénégal.
Le sujet a été défini en accord avec Monsieur Michel Mietton, mon directeur de
recherche, et Monsieur Pascal Handschumacher, mon maître de stage, dont
les préoccupations scientifiques convergent vers l'axe du Lampsar.
Dès le début de cette année universitaire, j'avais émis le souhait
d'entreprendre une telle expérience afin de me familiariser avec le travail de
terrain en milieu tropical et celui de chercheur.
Ce dessein ayant été accompli, j'en sors enrichie tant pas l'engouement que
m'a procuré ce travail, que par les personnes, pour la plupart chercheurs, qu'il
m'a été permis de rencontrer.
Cet ouvrage, qui ne vise pas à l'exhaustivité, est plutôt le résultat de
l'application des méthodes de travail de recherche qui m'ont été enseignées au
cours de ma formation universitaire. Il ne constitue pas une fin en soi, mais
représente plutôt un travail préliminaire qui s'inscrit dans un programme plus
vaste de la géographie de la santé.
Je tiens à évoquer ici les difficultés qui ont accompagné ce travail, à
commencer par le temps. Les deux mois passés à l'ORSTOM, consacrés
essentiellement à la collecte des données m'ont paru évidemment trop courts
pour mener à bien ce travail, qui nécessitait une rigueur constante afin d'éviter
l'éparpillement. Il faut y ajouter le problème de la dissémination de la
documentation, souvent inhérente à tout travail de recherche.
Enfin. ce travail n'aurait jamais abouti sans l'encadrement, les conseils et le
soutien de toutes les personnes que j'ai rencontrées durant tout ou partie de
cette année universitaire, envers qui je tiens ici à adresser mes plus vifs
remerciements.
2
Je commencerai par Monsieur le Professeur Michel MIETTON, mon directeur
de recherche, qui a bien voulu encadrer ce travail. Je lui suis reconnaissante
pour ses enseignements et ses conseils avisés. En outre, je lui dois la
possibilité d'avoir pu effectuer un stage avec l'ORSTOM.
A Monsieur Pascal HANDSCHUMACHER, chargé de recherches à l'ORSTOM,
mon maître de stage qui, par ses précieux conseils a su guider mon travail de
terrain. Au delà des considérations scientifiques, je me permets de lui
témoigner ma plus grande sympathie eu égard à son accueil et à sa
disponibilité.
J'en profite pour adresser ma plus grande reconnaissance à l'ensemble des
chercheurs du Laboratoire "Eau et Santé" qui ont bien voulu m'accueillir et qui
ont contribué à rendre ce stage des plus agréables : Messieurs Jean-Pierre
HERVE, Directeur du Laboratoire, Georges HEBRARD, Jean-Marc
DUPLANTIER et Jean-Christophe ERNOUD.
A Monsieur François PESNEAUD, Maître de Conférence, pour avoir accepté
de participer à mon jury et pour ses enseignements qui m'ont été fort utiles
dans mon travail de recherche.
Ma plus grande estime envers Monsieur Jean-Luc PIERMAY, Professeur, pour
la richesse de ses enseignements et ses conseils.
'Messieurs André LERICOLLAIS, Charles BECKER et Jean-Yves GAC, chargés
de recherches à l'ORSTOM, qui par leur bonne connaissance du milieu étudié,
ont su m'informer utilement. Je rends hommage ici à leur disponibilité et les
remercie pour leurs encouragements.
A Oumar SALL, assistant au Laboratoire "Eau et santé", mon interprète et .
guide, pour son efficacité et sa patience.
Abdoulaye FAYE, étudiant en doctorat, et Khalibou BA assistant au
Laboratoire "Eau et Santé" et originaire du village de Lampsar, grâce à leur
pratique du terrain dans le Gorom-Lampsar, ont su m'apporter des
renseignements fort intéressants.
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3
A tous les organismes et instituts pour leur contribution scientifique ou
matérielle:
- L'administration de l'ORSTOM, pour l'allocation de recherche dont j'ai pu
bénéficier.
- La S.AE.D. : Messieurs Massogui GUEYE (hydrologue), Dirk RAISS
(pédologue), Amadou SOW et Madia NDIAYE.
- L'O.M.V.S. : Monsieur Aviron VIOLET, Conseiller technique au Département
des infrastructures régionales.
- L'I.S.R.A : Monsieur Ibrahima DIA, sociologue.
- La S.O.C.AS.: Monsieur FINNOIS, Directeur.
- L'Institut de Géographie de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Messieurs NDIAYE et DIOP.
Les chefs des villages et la population enquêtés dans l'axe Gorom-Lampsar,
pour leur disponibilité sans égale et leur accueil convivial.
Les notables et les techniciens de Ross-Béthio.
A Aminata NIANG et André KONE, mes compères stagiaires au Laboratoire
"Eau et Santé".
A Christiane SAWADOGO et Rivo RAMBOARISON, mes amis et mes
complices de tous les moments, qui m'ont soutE~nu jusqu'à la dernière page de
ce mémoire.
Enfin, à Mylène et Sandra SCHWARTZ et à ma maman, envers qUI Je suis
infiniment reconnaissante pour l'aide qu'elles m'ont apportée et leurs
encouragements.
-1
INTRODUCTION
Problématique et intérêts du sujet
La vallée du ·1:leuve Sénégal est le siège d'importants aménagements hydro
agricoles depuis la période coloniale. Ce processus ancien s'est affirmé par la
suite à l'initiative des Etats indépendants guidés par le souci d'assurer l'auto
suffisance alimentaire des populations de la vallée par le biais de la culture
irriguée.
Le développement étatique de l'irrigation sous l'égide d'une société nationale,
la S.A.E.D. (Société d'Aménagement et d'Exploitation des terres du Delta et
des vallées du fleuve Sénégal et de la Falémé), a conduit à une multiplication
des aménagements hydro-agricoles et à une extension corollaire des
périmètres irrigués à partir de 1965, date de création de cette société. Ce
mouvement s'est amplifié récemment avec la mise en service, d'une part du
barrage de Diama dans le delta (1986) qui empêche l'intrusion d'eau salée en
amont, d'autre part du barrage de Manantali au Mali (1988) destiné à réguler le
débit du fleuve afin d'assurer un approvisionnement en eau toute l'année.
Le delta du fleuve Sénégal, qui s'étend sur 5000 km2 de Saint Louis à
Dagana, concentre à lui seul environ la moitié des superficies aménagées dans
la vallée sous des formes diverses allant des grands périmètres aux petits
périmètres privés. Cette situation témoigne de la volonté d'aménagement de
cette zone.
Avec la mise en fonction des barrages et l'actuel désengagement de l'Etat,
entrahant une responsabilisation des producteurs, certains périmètres sont
réhabilités, d'autres, privés, s'étendent rapidement dans le delta.
Cependant, cette course aux aménagements a .entraÎné de profonds
bouleversements de l'environnement et posé avec acuité le problème des
risques sanitaires sous jacents.
Ce constat a été établi par le Département "Eau et Santé" de l'ORSTOM, à
Dakar, dans le cadre de recherches menées à propos de l'explosion de la
bilharziose intestinale à Richard-TolI, à 160 de latitude nord, au delà de sa
zone habituelle d'endémicité.
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Plusieurs foyers de bilharziose ont été recensés le long de l'axe constitué par
les marigots du Gorom et du Lampsar, au centre du delta, lesquels sont
encadrés sur tout leur cours par des périmètres rizicoles.
Certains de ces foyers sont anciens comme le village de Lampsar, d'autres
sont plus récents comme à Mbodiène où la maladie parasitaire est apparue
après 1986. Ce village, dont les activités sont largement dominées par la
riziculture irriguée, révèle la gravité de la situation, puisque des études menées
dans le cadre du projet ESPOIR ont montré une prévalence de la bilharziose
urinaire chez les habitants d'environ 90 % !Enfin, les enquêtes malacologiques mettent en évidence une augmentation de
la densité des mollusques hôtes-intermédiaires de la bilharziose et une
extension de leur aire de répartition comme en témoigne la carte ci-après (Fig.
1).
REPARTITION ET DENSITE DES MOLLUSQUESDANS L'AXE GOROM - LAMPSAR
Densité
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1Source: P. HANDSCHUMACHEREau & Santé. ORSTOM 1993 Données malacologiques d'après Diaw et al, 11
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La tendance générale traduit une extension des sites abritant les mollusques et
donc un accroissement corollaire des risques liés à la transmission de la
bilharziose.
L'hypothèse de base est la suivante : si la bilharziose gagne du terrain, ou si
elle apparaît dans des sites préservés jusque là; celà signifie que les
conditions du milieu, de l'environnement, ont été modifiées.
En effet, la bilharziose peut être considérée comme un " révélateur 1/ dans la
mesure où cette maladie parasitaire est étroitement liée à l'environnement.
Pour se développer, la bilharziose nécessite la réunion de trois acteurs :
l'agent pathogène, l'hôte intermédiaire (le mollusque) et l'hôte définitif
(l'homme). La présence de ces trois éléments est à son tour conditionnée par
les composantes de l'environnement.
En somme, l'apparition de la bilharziose dans des sites nouveaux témoigne
d'un déséquilibre par rapport aux conditions qui règnaient dans
l'environnement au préalable.
Analyser les maladies liées à l'environnement implique donc en premier lieU
l'étude de l'évolution de la gestion de cet environnement par les hommes. Or,
celle-ci a été guidée en grande partie par la multiplication des aménagements
hydro-agricoles dont la progression actuelle' connaît une accélération sans
précédent dans le delta du Sénégal, et en particulier dans l'axe Gorom
Lampsar.
Aussi avons nous centré notre réflexion sur l'impact des aménagements
hydro-agricoles de l'environnement de l'axe Gorom-Lampsar, dans le
cadre d'une étude diachronique.
Il convient avant tout de préciser le concept d'environnement. On ne saurait le
limiter aux seuls facteurs bioclimatiques souvent invoqués pour expliquer la
répartition zonale des maladies, même si celle-ci justifie le terme de "maladies
tropicâles". Rappelons, à titre d'exemple que le paludisme, maladie tropicale,
s'étendait autrefois jusqu'au nord de l'Europe, ou encore la récente épidémie
de choléra, maladie typique sous des latitudes tropicales, qui s'est déclarée en
août 1993 au sud de la Russie.
Donc, par environnement, nous entendons "interaction entre des facteurs
physiques, chimiques et biologiques d'une part, antt"lropiques d'autre part qui,
en agissant les uns sur les autres dans un espace donné, en font un espace en
perpétuelle évolution.
8
Les rapports de l'homme et de son environnement sont dialectiques. Si
l'homme peut modifier son environnement grâce aux techniques qu'il élabore, il
est aussi influencé par celui-ci. Une fois qu'il l'a modifié, cet environnement lui
impose de nouvelles contraintes, l'oblige à de nouvelles attitudes (J.Tricart,
1976).
Cette réflexion peut être ramenée à l'étude de l'axe Gorom-Lampsar où elle est
illustrée par la volonté de mise en valeur de cette zone, concrétisée par le
foisonnement des aménagements hydro-agricoles ayant entraîné une nouvelle
physionomie des paysages avec notamment l'extension des surfaces en eau.
Ces transformations, à leur tour, ont conduit les populations, à l'image des
peuls par exemple, à adopter de nouveaux comportements.
Il s'agira de cerner ces transformations mais aussi d'identifier les moyens et les
acteurs qui ont permis d'y aboutir.
Il est entendu que les aménagements hydro-agricoles représentent aujourd'hui
une composante majeure de l'évolution de l'environnement du delta et, avec
l'extension de la bilharziose, se pose la question de leur responsabilité dans
l'existence de cette pathologie.
Quelles sont les composantes de l'environnement que nous avons retenues? "
est clair qu'au vu de /a définition que nous en avons donné plus haut, elles
sont multiples.
Evidemment, il ne nous a pas été possible de toutes les aborder. Notre choix a
été guidé par les données dont nous avons pu disposer et qui nous ont amené
à restreindre la notion d'environnement à trois paramètres:
- la dynamique du peuplement
- l'évolution des systèmes agraires et des systèmes d'élevage
- la transformation de la végétation.
Quant à notre zone d'étude, l'axe Gorom-Lampsar, elle fait l'objet actuellement
d'un vaste programme de rechercl'1e mené par le Département "Eau et Santé"
de l'ORSTOM à Dakar.
Comme nous l'avons signalé plus haut, ce secteur est le lieu privilégié où
s'exerce cette volonté d'aménagement qui vise à maîtriser l'eau, afin de
développer la culture irriguée par les aménagements hydra-agricoles, et en
même temps l'aire d'extension de la bilharziose.
Ces constatations suffisent à justifier l'intérêt que présente cette zone dans le
cadre d'une étude de l'évolution de l'environnement.
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Il n'est pas concevable de faire un inventaire statique de l'état de
l'environnement. Celui-ci n'est pas stable, surtout dans le delta.
Ce n'est qu'à travers une étude diachronique de l'environnement, permettant
de dégager son évolution qui, par la suite, devra être corrélée à celle de
l'extension de la bilharziose, que l'on peut escompter dégager les facteurs
responsables de cette pathologie.
Le but est de permettre aux autorités compétentes d'infléchir cette évolution
par la mise au point d'un programme de lutte.
En résumé, l'étude de l'impact des aménagements hydro-agricoles sur
l'évolution de l'environnement dans l'axe Gorom-Lampsar constitue le premier
volet d'un programme plus vaste de géographie de la santé mis en oeuvre à
l'OR8rOM. Le second volet visera à comparer cette évolution à celle de la
bilharziose afin de déterminer la relation, ou l'absence de relation, santé
environnement.
Donc dans notre démarche, l'idée des interactions santé - environnement
constitue en quelque sorte une toile de fond guidant notre réflexion.
Objectifs
Dans le cadre d'une étude diachronique, ils visent à mettre en évidence les
points suivants:
-'l'évaluation des effets des aménagements hydro-agricoles sur l'évolution de
l'environnement dans l'axe Gorom-Lampsar, en développant les trois
paramètres retenus : dynamique du peuplement, évolution du foncier et
transformation du couvert végétal;
- les mécanismes, les acteurs et les stratégies qui contribuent à modifier, à
faire évoluer l'environnement;
- enfin, il s'agira d'estimer si lës aménagements hydro-agricoles ont abouti à
des impacts différentiels, permettant ainsi d'individualiser des zones
géographiques homogènes dans l'axe Gorom-Lampsar.
Cette étude aura pour point de départ le plus souvent le début des années
1960. date à laquelle remonte la plupart de nos données et correspondant
également au début des aménagements.
10
La première partie de ce travail sera consacrée à la présentation des
composantes de l'environnement dans l'axe Gorom-Lampsar. Ceci nous
permettra de replacer notre zone d'étude dans un contexte géographique et
d'en préciser les limites. Cette présentation du milieu et des hommes sera
complètée par la description des aménagements hydro-agricoles autour
desquels s'articule notre reflexion.
La méthodologie mise en oeuvre sera abordée dans une deuxième partie. De
la collecte des données à leur exploitation, elle tentera de mettre l'accent sur
les outils, leurs intérêts, les méthodes utilisées et les difficultés rencontrées,
autrement dit les limites que présentent ces outils.
Enfin, la dernière partie constituera la synthèse des résultats et leur critique,
pour chaque composante de l'environnement retenue. Cette synthèse devra
aboutir à une typologie des milieux rencontrés dans notre zone d'étude.
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Première partie
COMPOSANTES DE L'ENVIRONNEMENT
DANS L'AXE GOROM - LAMPSAR
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1.1. Localisation de "axe Gorom-Lampsar (Fig. 2)'
L'axe Gorom-Lampsar se situe dans le delta du fleuve Sénégal, entre 16°
16°30 de latitude nord et 16° - 16°30 de longitude ouest, en domaine sud
sahélien.
Il est constitué par deux défluents du fleuve, le Gorom et le Lampsar, sur
lesquels nous reviendrons en abordant l'hydrologie de notre zone d'étude.
Cet axe, de direction nord est-sud ouest, s'étire sur environ 70 km. de
Makhana à Kassak nord, villages qui limitent notre terrain. Il couvre une partie
des arrondissements de Ross-Béthio et de Rao, dans le département de
Oagana, au nord est de Saint Louis. Son centre est occupé par Ross-Béthio,
gros bourg et principale communauté rurale du delta.
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1.2. Le delta du fleuve Sénégal: une mise en place récente
Le tracé du fleuve, des principaux cours d'eau et les formations superficielles
du delta résultent d'un processus combinant les alternances de périodes
pluviales et inter-pluviales, de transgression et régression, de creusement et
de sédimentation au cours du quaternaire essentiellement.
Nous rappellerons brièvement les grandes étapes de la construction du delta,
ce qui nous permettra de replacer les principaux éléments morphologiques et
biogéographiques de notre zone d'étude (Fig. 3).
Au cours du quaternaire ancien et moyen, les phases de creusement façonnent
un vaste golfe marin. Mais c'est surtout durant le quaternaire récent que le
delta prend progressivement sa morphologie actuelle.
Sous la phase aride de l'Ogolien (23.000-12.000 B.P), des ergs anciens à
sables rubéfiés, sont modelés en cordons dunaires, orientés nord est - sud
ouest ou nord nord est - sud sud ouest, qui ferment progressivement l'accès à
la mer, soumettant la vallée à un régime endoréïque. Ces dunes rouges
ogoliennes, sont bien visibles dans le paysage actuel en aval de Ross-Béthio,
de part et d'autre de la R.N. 2. Elles présentent un aspect général de "tôle
ondulée" et constituent les points hauts du relief, 10 mètres d'altitude en
moyenne; exceptionnellement, elles peuvent atteindre jusqu'à 20 - 25 maux
~nvirons de Lampsar, Mboltogue, Ndelle Boye et Ndiaye.
A cette phase de sédimentation succède, vers 10.000 B.P., une phase pluviale
qui permet le recreusement du lit du fleuve à travers ces dunes jusqu'à la mer.
Fait suite une intrusion lors de la transgression du Nouakchottien (6.500
4.500 B.P.). Une vaste ria s'installe alors et remonte jusqu'à Bogué. Elle
empreinte le chenal de la Taoué et s'installe dans la dépression du lac de
Guiers.
La formation du delta se poursuit au cours du post-Nouakchottien (4.500
1880 B.P.). En même temps que l'alluvionnement progresse vers l'aval, des
cordons littoraux sableux sont édifiés et barrent partiellement l'accès du fleuve
à la mer. Le lac de Guiers se forme ; les dépôts deltaïques isolant sa
dépression.
L'alluvionnement permet au fleuve d'édifier de grands bourrelets de berge, les
hautes levées fluvio-deltaïques ( sables, limons, argiles ). C'est à cette époque
que la vallée prend sa morphologie définitive de pseudo- delta par colmatage
progressif de l'ancienne lagune. Au cours des périodes sub-actuelle et
15
actuelle, le fleuve sape progressivement ces hautes levées et façonne des
systèmes de levées sub-actuelles, plus basses, qui longent comme des
chapelets le Gorom-Lampsar, en isolant des cuvettes de décantation
argileuses. Les dénivellations entre ces unités sont très faibles : de 1 à 2
mètres. L'irrigation et les types de culture étant déterminés par la topographie
et la texture des sols, les cuvettes de décantation deviendront les lieux
privilégiés pour la riziculture grâce à leurs grandes potentialités agronomiques
(Boundoum, Grande -Digue, Pont-Gendarme, Ndiaye, Ndiol, Lampsar, ... ).
Le cours du Sénégal est dévié vers le sud par un puissant cordon littoral
(Langue de Barbarie) mis en place par une dérive maritime nord-sud.
L'exutoire initial, situé à hauteur de Keur-Massène, se déplace
progressivement de 80 km jusqu'au sud de Saint Louis, au niveau de Gandiole,
où le fleuve se jette dans la mer par une embouchure instable. Dans le même
temps, le delta progresse dans la lagune et les marigots se multiplient dans la
boucle du fleuve: le Diovol, le Kassak, le Gorom. le Lampsar, le Djoudj et le
Djeuss. Ils rejoignent le Sénégal au nord de Saint Louis, à Dakar-Bango.
L'axe Gorom-Lampsar est né de la rupture de la levée au niveau du seuil de
Ronq (à environ 110 km de l'embouchure du fleuve Sénégal).
En résumé, l'axe Gorom-Lampsar s'inscrit dans une zone basse, caractérisée
par une topographie plane, inondable à l'état naturel. Les dépôts fluvio
deltaïques couvrent des superficies importantes, dont la monotonie n'est
interrompue localement que par des dunes, des levées et des cuvettes.
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<----- anciennes émbOuehures
~dérive littorale
D'après P. MICHEL, 1969
17
Sur le plan pédologique, la principale conséquence de cette morphogenèse,
édifiée en milieu originellement marin, est la présence de sels aussi bien dans
les sols que dans les nappes souterraines. La pédogenèse dans le delta est
essentiellement saline, conditionnnée, avant aménagement, par la durée de
l'inondation par les eaux de surface saumâtres, et aujourd'hui par les
mouvements ascendants de la nappe superficielle chargée en sels solubles.
Les températures élevées et l'action du vent renforcent encore ce processus
d'autant que la nappe phréatique n'est située qu'à moins d'un mètre de
profondeur à certains endroits.
Cette salinité n'est pas sans conséquences sur la qualité des sols et le
rendement des cultures. Durant la saison sèche les sols sont très salés,
environ 20 dS/m (*), alors que les plantes ne peuvent supporter que 3 dS/m (*
déci-siemens/mètre).
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Seule une bonne gestion de l'irrigation, qui va de pair avec des aménagements
corrects, permet de pallier cet excès de salinité, voire même d'en faire diminuer
les taux.
Cet excès de sel intervient également dans la faible distribution du peuplement
végétal.
Les diverses accumulations fluvio-deltaïques, lorsqu'elles ne sont pas
occupées par la riziculture comme la plupart des cuvettes, portent une
végétation rare et clairsemée, sous forme d'un semis lâche de broussailles et
d'épineux.
Les dunes quant à elles sont fixées par des arbres ou des arbustes qui forment
tantôt des steppes arborées (Makhana, Mbarigot, Ndialam) ou arbustives vers
le nord (Ndelle Boye, Ross-Béthio). Ce couvert végétal irrégulier est dominé
par l'Acacia raddiana associé à Euphorbia aegyptiaca et Balanites balsamifera.
Le tapis herbeux est quasi-inexistant.
La faiblesse et l'irrégularité des pluies n'entretient qu'une végétation pauvre et
peu diversifiée. Dans le delta, la moyenne annuelle des précipitations pour la
période 1970-1990 est inférieure à 60% de la moyenne annuelle pour la
période 1950-1970' (d'après la Direction de la Météorologie Nationale du
Sénégal). De plus, les variations inter-annuelles des précipitations sont très
importantes, ce qui accroît d'autant la pression exercée sur la végétation.
1.3. la péjoration climatique
Les données utilisées sont celles de la Direction de la Météorologie Nationale
du Sénégal, de l'A.S.E.C.N.A. (Agence pour la Sécurité de la Navigation
aérienne en Afrique et à Madagascar), de l'ORSTOM 1 de la C.S.S.
(Compagnie Sucrière du Sénégal) et de J. LE BORGNE (1988).
Comme toute la basse vallée du fleuve, le climat de la région appartient au
domaine sahélien et plus précisément encore au secteur sahélo-saharien. Il
est marqué par l'alternance de deux saisons très contrastées.
- Une très longue saison sèche pendant 9 à 10 mois : les caractéristiques
climatiques sont alors imposées par les alizés et l'harmattan. Cette saison
sèche comprend une saison sèche froide, de novembre à février, et une saison
sèche chaude, de mars à mai-juin.
1<)
- Une courte saison des pluies, de 2 à 3 mois pendant le régime de mousson,
débutant en juillet, elle se termine en octobre avec la régression du FIT (Front
Intertropical) vers le sud.
Cette saison est caractérisée par des pluies faibles et inférieures à 400 mm,
dont l'isohyète limite la bordure sud du bassin de l'axe Gorom-Lampsar, et de
plus en plus faibles vers l'intérieur. Entre 1970 et 1984, on a enregistré une
pluviométrie faible avec une moyenne annuelle faible de 280 mm.
A la faiblesse des précipitations s'ajoute leur irrégularité inter-annuelle (Doc.
1).
La période actuelle se caractérise par un déficit pluviométrique sévère et
persistant. Depuis 1968, le règle générale est à la péjoration climatique et les
années humides ne sont que des exceptions au sein d'un "train" d'années
sèches.
La température de l'air est élevée, avec un gradient sensible et régulier d'ouest
en est, passant de 25 0 C de moyenne annuelle sur la côte à Saint-Louis, à près
de 300 C vers l'intérieur, cette différence étant liée à la continentalité. De
décembre à mars, la température est inférieure à 25 0 C à la station de Ndiol et
28 0 C à Richard-Toll. Les maxima de température sont enregistrés en octobre,
en fin de saison des pluies avec 29,6 0 C à Ndiol, et au mois de juin, en fin de
saison sèche, avec 30,5°C à Richard-Toll (A. Faye, 1990).
Le régime des vents est important à considérer sous ces climats secs par ses
effets de desséchement, d'arrachement et de transport de matériaux. Dans la
zone du delta, ces vents, à direction préférentielle nord à nord-est, mais
pouvant aussi venir de toutes les directions, soufflent en moyenne à 25 km/ho
Cependant, il n'est pas rare d'enregistrer, surtout avec les alizés continentaux,
des vitesses de l'ordre de 50km/h (M. Mietton et J. Humbert, 1991). Ceci est
suffisant pour provoquer d'importants arrachements et mouvements de
particules (argiles, sables et limonts), avec accumulations diverses, simple
voile éolien, nebkhas~ dunes, sur de grandes surfaces fragilisées en outre par
la faiblesse du couvert végétal. Vers l'intérieur, la caractère désséchant se fait
plus sentir que sur la côte soumise aux alizés maritimes, par l'influence de
l'harmattan dont les effets accentuent encore la sécheresse de la région.
Le déficit hydrique est important pendant toute la saison sèche, avec une
évaporation moyenne de l'ordre de 7 mm par jour mais pouvant atteindre 15
mm par jour. A la station de Ndiol, l'évaporation est faible pendant l'hivernage,
avec 180 mm en septembre et augmente en saison sèche pour atteindre 325
mm en mai.
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Doc. 1VARIATION INTER-ANNUEllE DES PRECIPITATIONS A SAINT lOUIS ET
RICHARD-TOll
SAINT lOUIS
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1992
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RICHARD-TOll
20
350
150
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250
100
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Sources: Direction de la Météorologie Nationale du SénégalA.S E.C.N.A.- O.R.S. T.a.M.J. LE BORGNE, 1988C.S.S.
1000
900
800
700
600
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300 ,
200
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1892 1902 1912 1922
mm 200
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21
Ces trente dernières années ont vu l'aridité s'accroître dans le delta, ceci étant
illustré par la diminution progressive de la saison des pluies dont la durée
passe de 3 à 2 mois par an et la quantité réduite de moitié (d'après la Direction
de la Météorologie Nationale du Sénégal).
1.4. D'un régime hydrologique à un régime hydraulique
L'axe du Lampsar prolonge vers le sud-ouest le Gorom. Celui-ci, marigot étroit
et sinueux, a son origine sur le Sénégal, au niveau de Ronq, à environ 130 km
de l'embouchure. De direction nord-sud d'abord, il prend une orientation est
ouest jusqu'à sa confluence avec le Lampsar.
Le Gorom alimente, d'une part le Kassak amont sur sa rive gauche, d'autre
part le Lampsar avec lequel il forme une solution de continuité grâce une digue
séparant le Gorom en deux biefs indépendants, sa partie avale servant
uniquement de drainage aux cuvettes attenantes. Le Gorom amont s'écoule
donc intégralement dans le Lampsar et forme avec ce dernier le Gorom
Larnpsar.
Le Lampsar se dirige vers le sud jusqu'à Ross-Béthio, puis prend une direction
nord est - sud ouest avant de rejoindre le Djeuss en aval de Makhana. Marigot
très étroit et très sinueux dans sa partie amont jusqu'à Ross-Béthio, son lit
s'élargit vers l'aval, décrivant entre de petites levées alluviales des méandres
plus lâches. Celles-ci découpent une série de cuvettes, alternativement en rive
gauche et rive droite, dites de la vallée du Lampsar (Thilène, Pont-Gendarme,
Polo, Mbodiène, Ngomène, Ndiaye, Savoigne, Ndiol, Ndialam, Biffèche et
Lampsar).
Depuis la construction d'un canal de drainage séparant le Kassak en deux
bassins indépendants, et assurant l'évacuation des eaux vers la cuvette du
Ndiael, le Kassak aval est alimenté par le Lampsar.
Au total; l'axe du Gorom-Lampsar couvre une distance d'environ 90 km, de
Ronq sur le fleuve Sénégal, jusqu'à Dakar-Bango au niveau de l'embouchure. Il
est bordé par une forêt galerie relique à Parkinsonia et son lit est envahi par
une végétation aquatique sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir.
Les principales composantes de l'axe du Lampsar étant replacées dans leur
contexte géographique, nous pouvons dès à présent en décrire le
fonctionnemen~ hydrologique.
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22
L'axe Gorom-Lampsar reçoit presque exclusivement son alimentation du fleuve
Sénégal. Les faibles pluies qui tombent dans le bassin, du fait d'une forte
évaporation, ne représentent pas un complément hydrique suffisant.
Pour enrayer les contraintes liées à cette dépendance vis à vis du fleuve et
dans le but d'aménager la zone en vastes périmètres irrigués, de nombreux
ouvrages tels que barrages, digues et stations de pompages ont été édifiés,
contribuant ainsi à artificialiser le fonctionnement de l'axe.
IA.1. Le régime hydrologique naturel
L'écoulement dans le delta dépendait du régime du fleuve Sénégal. Celui-ci,
qui prend sa source dans le Fouta Djalon, a un régime tropical pur caractérisé
par:
- une période de hautes eaux de juillet à novembre;
- une période de basses eaux régulièrement décroissante de décembre à juin.
A l'arrivée de la crue, l'eau douce envahit progressivement les marigots du
delta, par écoulement gravitaire à partir de Ronq, lorsque la cote I.G.N. du
fleuve est supérieure ou égale à 1,70 m. Les eaux saumâtres qui stagnaient
dans le chenal sont alors évacuées par un effet de "chasse d'eau". Lorsque le
niveau de l'eau est suffisant pour franchir les seuils qui barrent la plupart des
marigots, les cuvettes sont inondées. L'inondation peut se faire par l'amont ou
l'aval des marigots, à partir de Ronq ou de Dakar-Bango lorsque la crue du
fleuve atteint Saint Louis. Enfin, lorsque la décrue s'amorce à partir d'octobre,
les cuvettes et les marigots s'assèchent partiellement ou totalement.
En régime d'étiage, lorsque le débit du fleuve passe en dessous de 300 m3/s,
et à la faveur d'une faible pente de la basse vallée (inférieure à 0,05 %), les
eaux marines envahissent le lit mineur et ses défluents.
On avait donc un écoulement alternatif: eau douce avec la crue, eau salée
en décrue.
Cette langue salée attéignait chaque année la ville de Richard-TolI, et même
Podor situé à 292 km de l'embouchure, une année sur pix (Doc. 2).
Source: J.Y. GAC et al 1986,
STATIONS Saint Louis Dakar-Bango Ronq Gorom Richard-Toll
Km depuis emb. 22 29 130 IH 167
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17 noycmbrc 3.8
30 noycmbre 7..4
13 décembre 11.2
28 décembrc 15A 13.1 0.87 0.65
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27 jan\'Ïcr 21.6 20.4 4.2 3.8 0.55
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26 mai 38.1 20.& 20.1 lU;
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Situation geo!)raphique des stations de conLr61e de saliniLé
Doc. 2EVOLUTION SAISONNIERE DE LA SALINITE (%0)
D'OCTOBRE 1982 A JUIN 1983DANS LE DELTA DU FLEUVE SENEGAL
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On s'aperçoit que pendant une bonne partie de l'année, l'eau du fleuve interdit
toute utilisation agricole.
Afin de protéger le bassin de l'axe Gorom-Lampsar contre les inondations en
période de crues et les remontées salines en période de décrue, les pouvoirs
publics entreprennent de nombreux travaux.
1.4.2. Le réqime hydraulique artificiel (Fig. 4)
Durant la période coloniale
A partir 1884, la mise en service des barrages de Dakar-Bango, Ndiaoudoun,
Makhana et Keur Samba Sow permet la constitution de la reserve d'eau douce
de Saint Louis. Il s'agit d'ouvrages vannés.
L'alimentation de cette réserve pouvait se faire par l'amont, mais aussi par
l'aval, lorsque les eaux de crue du fleuve atteignaient Saint Louis. On fermait
les vannes, au moment du retrait des eaux fluviales, afin d'éviter l'intrusion
d'eau marine.
Progressivement, d'autres barrages, en terre ou en dur, sont construits sur des
défluents: Boundoum, Diambar, Demba Diowar, Keur Samba Sow, etc...
Nous reviendrons sur leur fonction.
Après l'indépendance
En 1964, l'O.AD. (Organisation Autonome du Delta) est à l'origine de
l'édification de la digue périphérique sur la rive gauche du fleuve Sénégal
rejoignant à l'ouest l'ancienne digue-route de Dakar-Bango.
D'une longueur de 84 km, elle a pour but de contrôler l'entrée des eaux de crue
dans toute la partie sénégalaise du delta. La hauteur moyenne de la digue
varie, selon la topographie, entre 2 m et 3,50 m. L'hydrologie naturelle est
bouleversée par la construction d'ouvrages à vannes à des cotes qui
permettent de moduler les écoulements des chenaux naturels et l'alimentation
des cuvettes en fonction des besoins et du stade végétatif du riz.
On adjoint ainsi l'ouvrqge de Ronq qui règle l'admission de l'eau dans le chenal
à partir du fleuve Sénégal. Equipée de 7 passes et de 4 pompes totalisant
8500 Ils, la station de pompage de Ronq permet durant cinq mois (de février à
juin), l'alimentation en eau de l'axe Gorom-Lampsar. Durant le reste de l'année,
de juillet à décembre-janvier, l'écoulement est gravitaire à partir de Ronq.
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FigA. RESEAU HYDROGRAPHIQUEET AMENAGEMENTS HYDRAULIQUESDANS L'AXE GOROM - LAMPSAR
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26
Plusieurs ouvrages vannés contrôlent l'écoulement et le stockage de l'eau le
long de l'axe Gorom-Lampsar, individualisant trois biefs indépendants
(S.C.E.T., 1969) :
- le bief amont, de Ronq à Ross Bethio : il comprend plusieurs barrages dont
les plus importants sont le barrage de Boundoum isolant le Gorom amont du
Gorom aval et créant une solution de continuité entre de Gorom amont et le
Larnpsar ; le barrage Demba Diawar qui contrôle l'entrée des eaux de Lampsar
dans le Kassak aval, celui-ci étant séparé du Kassak amont par un canal qui
évacue les eaux de drainage vers la cuvette du Ndiael. L'alimentation se fait
soit gravitairement, soit par pompage à partir de Ronq.
- le bief médian, entre les barrages de Ross Bethio et de Ndiol : ils assurent
une liaison routière entre les deux rives du Lampsar. Ce tronçon est alimenté
soit à partir de Ronq par gravité ou par pompage, soit par l'aval lorsque la crue
atteint Saint Louis.
Le barrage de Ndiol remplace celui de Makhana, qui n'est plus fonctionnel,
dans la fermeture de la réserve d'eau douce de Saint Louis.
- le bief aval, de Ndiol à Dakar-Bango, est constitué des ouvrages évoqués
précédement, auxquels on a adjoint le barrage de Keur Samba Sow, et
assurant l'alimentation en eau douce de la ville de Saint Louis.
Le fonctionnement hydraulique de l'axe se fait en trois étapes: le lessivage, le
remplissage et le stockage.
Fin juillet, au moment de l'arrivée de la crue, toutes les vannes des barrages
présents sur l'axe sont ouvertes. L'écoulement, renforcé par les eaux de crue,
provoque un effet de "chasse d'eau" qui permet le lessivage des eaux
saumâtres ayant fait un très long séjour dans le chenal (environ 7 à 8 mois).(A.
Faye - 1990).
Après cette phase, on ferme le barrage de Dakar-Bango, le remplissage
s'effectue alors de l'aval vers l'amont. Au fur et à mesure on ferme les autres
barrages afin d'isoler les trois biefs de l'axe, permettant ainsi le stockage de
l'eau. Le remplissage du bief aval peut être complété à partir de Saint Louis,
comme nous l'avons expliqué précédemment.
Toutefois, l'on assiste actuellement à un dysfonctionnement du système
hydraulique tel qu'il vient d'être décrit. En effet, le lessivage du bief amont ne
peut plus se faire en raison d'un étranglement croissant du lit mineur dû à une
végétation aquatique très dense. Celle-ci, par son système racinaire produit un
effet de peigne qui freine les écoulements.
27
Seul le lessivage du bief aval est encore réalisé correctement lorsque la crue
du fleuve atteint Saint Louis. Quant au bief médian, en amont de Ndiol, on ne
peut plus parler de lessivage, les eaux stagnantes étant diluées avec l'arrivée
des eaux de crue à partir du bief aval.
La période actuelle
Elle est marquée par une nouvelle série d'aménagements:
- En 1983, une crue déficitaire à Dagana (226 m3/s) entraîne la remonté du
biseau salé qui menace Ronq.
Précisons que la langue salée reste bloquée en aval de Saint Louis lorsque
l'écoulement du fleuve Sénégal est supérieur à 300 m3/s.
En novembre de la même année on construit le barrage anti-sel en terre de
Kheune, à 114 km de l'embouchure, dont l'objectif est de limiter l'intrusion
saline dans la basse vallée et permettre ainsi l'alimentation en eau douce des
réservoirs du Gorom-Lampsar et du lac de Guiers.
Le barrage de Kheune a été reconstruit deux années consécutives, en 1984 et
1985, après s'être rompu sous les flots de la crue.
Cet ouvrage préfigurait l'actuel anti-sel de Diama.
- Le barrage de Diama, dont la fermeture remonte à novembre 1985, est situé
à une cinquantaine de kilomètres de l'embouchure. Il a pour principale vocation
d'empêcher l'intrusion saline dans la basse vallée au cours de l'étiage.
L'eau salée s'arrête désormais à Diama. En amont, l'eau douce est présente en
permanence. Des mesures de la salinité, après fermeture du barrage, ont
enregistré des taux inférieurs à 0,1 0/00 (J.-Y. Gac, communication orale).
Mais la pleine efficacité du barrage reste tributaire des apports d'eau régulés
ou naturels en provenance de la haute vallée.
- Le barrage de Manantali en fonction depuis 1988, situé sur le Bafing, au
Mali (1200 km de l'embouchure), a ainsi pour rôle de contenir l'onde de crue
pcincipale puis de réguler les écoulements au cours de l'année par des lâchers
réguliers et contrôlés. Pour ce faire, la prise en compte du régime des autres
affluents du fleuve, notamment de la Falémé qui assure 40 % des écoulement
du fleuve Sénégal, est nécessaire au bon fonctionnement de ce barrage
réservoir. Il faut signaler également que la baisse des précipitations sur le
Fouta Djalon limite son efficacité.
L'ensemble du contrôle technique et la gestion de ces grands ouvrages, ainsi
que la réalisation des aménagements qu'ils imposent (édification et/ou
réfection des digues notamment) est placé sous la responsabilité d'un
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organisme international crée en 1972, l'O.M.V.S. ( Office de Mise en Valeur du
fleuve Sénégal) composé des trois états riverains Sénégal, Mauritanie et Mali.
Doc. 3. Variation des niveaux d'eau du fleuve Sénégal à Dagana et Rosso
Ce diagramme met en évidence:
- une élévation du niveau d'étiage du fleuve d'environ 30 cm durant la période
1987-1991, ce qui explique que l'écoulement gravitaire soit possible au niveau
de Ronq à la cote I.G.N. + 1,50 m, contre 1,70 m avant les barrages.
- deux crues artificielles au début des années 1988 et 1990
Pour 1994, l'O.M.v.S. prévoit une cote I.G.N. plus 2 m pour le fleuve Sénégal
au niveau de Ronq, ce qui permettrait un écoulement gravitaire durant toute
l'année sans faire appel au pompage (M. Gueye, hydrologue S.A.E.D.
communication orale).
Comme nous le verrons ultérieurement, le grand nombre de ces ouvrages
hydrauliques ne manque pas de poser certains problèmes aujourd'hui au
niveau de l'écoulement des eaux dans l'axe Gorom-Lampsar, dont les
répercussions se font sentir notamment sur la biogéographie locale.
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Source: tvL DA BOrr. 1993
1967
~ (1) c=ue a:tificielle en début d'ar~ée 1986
Ooc.3 VARIATION DES NIVEAUX D'EAU DU FLEUVE SENEGAL ADAGANA ET ROSSO
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30
I.S. Le peuplement du delta
La région du delta est composite sur le plan ethnique et riche au double plan
de l'histoire et de la civilisation.
Les Wolof, ethnie majoritaire, sont originaires du royaume du Waalo qui
s'étendait sur les deux rives du bas Sénégal, puis ont essaimé vers le sud et
l'est.
A coté des Wolof, dont la date d'occupation n'est pas déterminée, s'intallent
rapidement des minorités de peuplement : Arabo-berbères ou Maures,
Toucouleur, Peul, Serer, ...
L'évolution du royaume du Waalo a été marquée par les luttes nombreuses et
par l'influence du voisin maure, conflit qui s'est perpétué jusqu'à nos jours,
comme en témoignent les récents affrontements de 1989 - 1990.
En 1855, Faidherbe annexe le Waalo à la colonie du Sénégal. C'est la fin du
royaume qui est réduit au cercle de Dagana.
Le delta était une région dépeuplée au temps de la traite et de la conquéte
coloniale. Il y a environ trente ans, au début de l'Indépendance, cette zone ne
comptait que les villages de pécheurs wolofs situés sur les berges du fleuve, et
quelques centaines de pasteurs maures et peuls.
Depuis, les villages ont essaimé dans notre zone d'étude contribuant ainsi à sa
densification (de 30 à 70 hab.lkm2 aujourd'hui) : de part et d'autre de la route
Saint Louis - Dagana et entre le Lampsar et le Djeuss jusqu'à Ross-Bethio ; le
'Iong du Gorom-Lampsar de Ross-Béthio à Boundoum. Les lieux d'habitation
suivent donc une distribution linéaire de part et d'autre des axes naturels et de
communication.
Les villages (hameaux exclus) ont une taille moyenne de 476 habitants, à
l'exception de Ross-Béthio, le gros bourg qui constitue le principal pôle de
peuplement dI,J centre du delta.
Nqus pouvons d'ores et déjà distinguer deux types de villages en fonction de
leur physionomie et de leur site d'implantation:
- au nord est, les villages de Boundoum et de Kassak, gros bourgs situés dans
les zones dépressionnaires, autrefois inondées par la crue du fleuve.
Leur situation relativement enclavée, comparée aux autres villages de la zone,
tient à leur éloignement de la R.N. 2, entre 5 et 14 km.
Implantés au centre des grands périmètres irrigués qui s'étendent à perte de
vue aux alentours, leurs activités sont quasi-exclusivement tournées vers la
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riziculture. Le maraîchage se développe mais il n'y a pas de possibilité de
culture pluviale.
L'élevage est une activité secondaire.
- au sud ouest, la zone de contact cuvettes-diéri concentre un peuplement
dense et plus ou moins continu de part et d'autre de l'axe constitué par le
binôme Lampsar-R.N. 2.
Les communications sont facilitées grâce à la route bitumée Saint Louis
Dagana.
La plupart des villages sont installés sur les dunes, en position d'abri par
rapport aux anciennes crues du fleuve aujourd'hui maîtrisées : il s'agit de
Mbarigot, Lampsar, Ndiol, Savoigne, Mbeurbeuf, Diagambal Il ...
Là encore les activités sont dominées par la culture irriguée qui occupe la
majeure partie des surfaces agricoles. A côté des casiers rizicoles, sur les
berges des marigots appelées Taak, la culture maraîchère intensive vient
compléter la riziculture, permettant parfois de dégager un surplus
commercialisable.
En année pluviométrique "normale", les cultures sous pluies sont possibles
dans le diéri.
Le gros bourg de Ross-Béthio, auquel sont rattachés de petits hameaux
peuls, comptait 3.105 habitants en 1988.
Cette sous-préfecture du département de Dagana est la principale.
communauté rurale du delta tant par sa taille que par ses activités
économiques.
Sa population est en majorité Wolof (66 %), les Peul représentent le quart des
habitants; les autres ethnies recensées sont les Maures, Toucouleur, Serer,
Bambara, Diola et Mandingues.
Si l'agriculture représente l'activité dominante grâce à la riziculture, commerces
et services témoignent d'une certaine diversification: rizerie de la S.A.E.D.,
bureau de poste, stations service, restaurants, ~ .. offrent des activités salariées.
L'élevage subsiste dans cette région même si ce n'est plus l'activité dominante
comme autrefois. Les plus gros troupeaux pratiquent encore la transhumance
qui les mènent jusque dans le Sine Saloum, à 200-300 km. A leur retour dans
le delta, ils utilisent les périmètres irrigués comme zones de pâturage après les
récoltes. De nombreux parcours pour le bétail ont été maintenus, ce qui
n'empèche pas des heurts parfois violents entre cultivateurs et éleveurs. Ces
derniers, essentiellement peuls, subissent l'extension des périmètres irrigués
qui empiètent sur les pâturages naturels, malgré la protection des parcours par
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la Communauté Rurale de Ross-Béthio. C'est pourquoi l'on rencontre de plus
en plus fréquemment des éleveurs qui, pour survivre, s'accommodent de cette
situation en combinant leur activité initiale à l'agriculture. Nous aurons
l'occasion de revenir sur ce phénomène de diversification des activités.
Au total, l'axe Gorom-Lampsar apparaît comme une zone de concentration du
peuplement, où l'agriculture tient la première place grâce à la riziculture.
Celle-ci est omniprésente et repose sur les aménagements hydro-agricoles qui
constituent une des composantes principales de l'environnement.
Notre étude étant articulée autour des impacts des aménagements hydro
agricoles sur l'évolution des paysages, il est indispensable d'en décrire
maintenant les principaux éléments.
1.6. Les aménagements hydro-agricoles
C'est l'ensemble des ouvrages (digues, canaux, stations de pompage, moto
pompes, ... ) permettant toutes les phases de distribution (remplissage, entretien
et vidange) et le contrôle du niveau d'eau dans les cuvettes, afin d'assurer une
croissance régulière du riz. Ils complètent ainsi les ouvrages purement
hydrauliques vus précédemment.
Le delta, en premier lieu, est devenu le champ d'un effort d'aménagement
continu dès le début de la période coloniale.
L'introduction de la culture irriguée dans le delta remonte à 1824 avec la
réalisation d'un jardin d'essai à Richard-Toli. Le problème de la maîtrise de la
crue du fleuve ne tarde pas à se poser mais les projets d'aménagement
n'aboutissent pas.
L'année 1938 ma~que un tournant politique et technique avec la création de la
M.A.S. (Mission d'Aménagement du Sénégal) qui conçoit les premiers
aménagements de la rive sénégalaise, notamment à Richard-Toli où plus de
6.000 hectares sont transformés en casiers rizicoles (ils seront reconvertis en
complexe agro-industriel sucrier par la Compagnie Sucrière du Sénégal en
1971 ).
C'est à partir de 1959 que se développe la submersion contrôlée dans le
delta. Ce système consiste à rendre le plan d'eau des cuvettes d'exploitation
indépendant de celui du fleuve par l'édification de digues de protection et le
contrôle du n.iveau d'entrée de l'eau. Ces premiers aménagements sont
réalisés par l'O.A.V. (Organisation Autonome de la Vallée) et de l'O.A.D.
(Organisation Autonome du Delta).
Mais rapidement se posent les problèmes de redistribution des terres,
d'organisation de la production, de droits fonciers, auxquels il faut rajouter les
tensions socio-politiques à la veille des Indépendances. Le problème de la
maîtrise de l'eau reste entier.
Ainsi, en 1965, la S.A.E.D. (Société d'Aménagement et d'Exploitation des
Terres du Delta) prend-t-elle le relais des divers organismes publics ou semi
publics dans la promotion de la culture irriguée. Elle poursuit un double objectif
: favoriser la production pour assurer l'auto-suffisance alimentaire des
populations de la vallée et réduire le déficit vivrier du Sénégal d'une part,
peupler le delta en accroissant le niveau de vie des paysans d'autre part. Ses
compétences, qui s'étendent sur toute la vallée, couvrent l'ensemble de la
filière : aménagement, exploitation, encadrement, commercialisation et
transformation du paddy. C'est sous son impulsion que les plus grandes
opérations d'aménagement ont été réalisées, conduisant à une emprise
croissante de l'homme sur l'environnement naturel.
Les aménagements hydro-agricoles ont suivi une progression suivant quatre
phases successives ayant conduit la S.A.E.D. 'à aménager surtout des grands
périmètres couvrant plusiers centaines d'hectares, les paysans étant regroupés
dans des unités autonomes de cinquante hectares (M. L. Kane, 1984) :
- 1961 - 1965 : Aménagements primaires (Doc. 4) avec notamment
l'édification de la digue de ceinture, déjà évoquée, reliant Saint Louis à Ross
Béthio et qui rend indépendant le plan d'eau des cuvettes de celui du fleuve en
période de crue. Les ouvrages vannés sont construits à l'entrée des chenaux
naturels assurant l'écoulement des eaux. Ces ouvrages doivent limiter le
niveau atteint par le plan d'eau en aval. Il ne s'agit encore là que
d'équipements très sommaires
Ce système est aussi appelé pluvio-f1uvial (semis avec les premières pluies, la
crue favorise la levée et la floraison).
Plusieurs problèmes se posent, dont:
- l'irrégularité des pluies (elles arrivent trop tôt ou trop tard)
- l'irrégularité des crues
En 1968 - 1969, seulement 8,2 % des surfaces sont récoltées par rapport à
celles ensemencées.
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Source: M.L. KANE. 1984
Ooc.5AMENAGEMENT SECONDAIRE
ET GRAVITAIRE
Source : M.L. KANE. 1984
Ooc.4
AMENAGEMENT PRIMAIRE
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Ooc.6AMENAGEMENT SECONDAIRE AVEC POMPAGE ET DRAINS
Source: M.L. KANE. 1984
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11111111111
35
- 1965 - 1968 . Aménagements secondaires gravitaires (Doc. 5)
construction de diguettes dans la cuvette considérée en vue d'isoler les
différents secteurs les uns des autres, creusement de canaux à fond plat pour
l'irrigation et le drainage desservant les points les plus bas de chaque secteur.
L'irrigation se fait par débordement d'un canal à fond plat.
Principal problème : absence de garantie contre les effets des crues très
faibles. Les mauvais résultats obtenus, 10.000 hectares aménagés sur les
30.000 prévus et un rendement faible (1 à 2 T/ha de paddy) ont conduit les
autorités à engager une nouvelle phase de travaux.
- 1969 -1972. Aménagements secondaires avec pompage (Doc. 6)
Les crues étant insuffisantes pour pratiquer régulièrement la submersion
contrôlée par simple admission gravitaire de l'eau, on adjoint à l'ouvrage de
prise déjà existant une station de pompage. On prélève directement l'eau dans
le fleuve puis on l'achemine par un chenal adducteur à une hauteur telle qu'il y
a une garantie totale de submersion contrôlée des cuvettes.
Ce système permet de pallier l'insuffisance de l'eau en amont et de contrôler le
début de la crue.
Mais l'aménagement secondaire avec pompage offre une place très limitée au
drainage et peut être source' de pollution.
- Depuis 1972. Aménagements tertiaires ( Doc. 7)
On complète les ouvrages précédents par un réseau distinct de drainage et on
effectue un planage des parcelles.
Tous les aménagements gérés actuellement par la S.A.E.D. sont de ce type.
Les aménagements de la première génération concernent les périmètres de
Boundoum, Grande-Digue, Tellel et Kassak : les périmètres sont découpés en
parcelles de 0,5 à 3 hectares regroupées en mailles hydrauliques de 10
hectares ou plus, alimentées par un canal tertiaire. Chaque parcelle peut être
vidangée par un drain tertiaire.
Ces aménagements posent plusieurs problèmes : ils demandent un entretien
continu du réseau, un bon fonctionnement des pompages et la formation
d'encadreurs. Le peu de responsabilisation des paysans appelle un
encadrement sérieux.
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Ooc.7AMENAGEMENT TERTIAIRE AVEC POMPAGE ET DRAINS INDEPENDANTS
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Source . ~1 L K.-'..""E. 198~
37
A partir de 1974, avec les difficultés de gestion de la S.A.E.D. et la recherche
d'une plus grande sécurité contre les aléas climatiques et hydrauliques, on
introduit les périmètres irrigués villageois (P.I.V.) d'une vingtaine d'hectares
en moyenne sur des zones exemptes de tout aménagement. Ce sont les
aménagements de la deuxième génération: Lampsar, Savoigne, ...
Situés à proximité du marigot ils ne comportent que des canaux primaires et
secondaires (sans drainage). Ils sont aménagés manuellement par des
paysans volontaires qui, en acquérant des moto-pompes, assurent eux mêmes
l'exhaure et l'irrigation du périmètre. Ceci dénote une grande simplicité des
équipements. Chaque paysan dispose d'une petite parcelle (de 0,08 à 0,2
hectares) regroupée avec d'autres dans une maille plus petite que celle des
grands aménagements.: 1,5 hectare en moyenne. L'encadrement plus réduit
conduit à plus de responsabilité de la part des paysans.
Les périmètres irrigués privés, dont la conception s'apparente aux périmètres
irrigués villageois, apparaissent avec les Foyers de Jeunes dans les années
1960. Ils développent des initiatives audacieuses d'aménagement et·
d'organisation des paysans en dehors des structures de la S.A.E.D.. Ils
concernent préférentiellement les jeunes et les femmes.
Ce mouvement va prendre une importance grandissante, impliquant la plupart
des paysans du delta et sera relayé par l'explosion des G.I. E. (Groupements
d'Intérêt Economique) à partir de 1988.
Le cadre géographique de notre étude étant fixé, nous pouvons à partir de ce
moment présenter la méthodologie mise au point dans notre recherche.
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38
Deuxième partie
APPROCHE METHODOLOGIQUE
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Cette approche vise à répondre à notre problématique et consiste donc àélaborer des méthodes permettant de mesurer l'impact des aménagements
hydro-agricoles sur l'évolution de l'environnement. Cette partie méthodologique
reprend l'ensemble des outils et méthodes que nous avons mobilisés et qui
nous ont été enseignés au cours de notre formation universitaire.
Nous aborderons les difficultés rencontrées à leur mise en oeuvre et
apporterons un regard critique à cette méthodologie.
Nous nous sommes toujours attachée à collecter un maximum de données
comparables dans le temps, ceci dans le but de répondre à une étude
diachronique de l'évolution de l'environnement.
11.1. La bibliographie
Si de nombreuses publications existent sur la vallée du fleuve Sénégal, en
particulier sur la moyenne vallée, elles sont moins abondantes pour le delta et
très peu traitent de l'axe Gorom-Lampsar.
Cette lacune est à mettre en relation avec l'histoire récente du delta; celui-ci a
été longtemps une zone peu peuplée dont les' activités étaient essentiellement
tournées vers l'élevage. Le delta constituait en somme une vaste zone de
pâturage.
.ce n'est que durant la période récente que différents auteurs ont commencé à
s'interesser à cette région. Ainsi, la majeure partie des publications que nous
avons pu consulter sont postérieures aux années 1960.
Un certain nombre de documents contiennent des informations et des données
intéressantes, voire indispensables sur le delta. Plutôt que de reprendre ici les
interêts des uns et des autres, dont nous avons fourni la liste bibliographique
en annexe, nous avons jugé plus utile de décrire les apports e.t les limites de la
bibliographie disponible et dans quel sens elle a guidé notre réflexion.
La recherche bibliographique a été une des premières étapes de notre travail,
après avoir pris connaissance des cartes récentes de 1989 et après photo
interprétation. C'est un exercice qui nous semble indispensable, pour ne pas
dire incontournable, avant de prendre contact avec le terrain.
Cette recherche bibliographique a été menée en deux temps et suivant deux
objectifs différents.
·Hl
A Strasbourg et à la bibliothèque de l'ORSTOM à Bondy, nous nous
sommes intéressée aux interactions santé-environnement, et plus
particulièrement bilharziose-environnement. Il s'agissait de bien cerner de
quelle manière la gestion de l'environnement par l'~omme pouvait avoir une
incidence sur la situation sanitaire.. Ainsi, dans le cas de la bilharziose, les
paramètres physico-chimiques des eaux de surface, conditionnant la présence
ou l'absence des mollusques-hôtes intermédiaires, de cette maladie
parasitaire, sont aussi importants que les modes de vie des hommes dont
dépend la transmission (pression aux points d'eau, migrations, activités,
hygiène, ... ). Une étude de géographie de la santé devrait s'orienter vers un
examen approfondi de tous ces paramètres.
D'une manière générale, la recherche bibliographique nous a permis de
prendre conscience de l'impact potentiel des aménagements hydro-agricoles
sur la santé et la diffusion de certaines maladies (voir notamment les cahiers
du C.E.G.E.T., n° 48,1983).
Au département "Eau et Santé", à Dakar, il s'agissait de cerner davantage la
question et de l'appliquer à l'échelle du de/ta.
La bibliographie concernant les aspects physiques est relativement
abondante: formation du delta, climat, biogéographie, caractères
hydrologiques de l'axe Gorom-Lampsar, ... quoique pour ce dernier point le
fonctionnement originel de l'axe soit un peu négligé au profit du fonctionnement
actuel, c'est-à-dire après aménagements.
Le peuplement et les activités ont été étudiés surtout après 1960. Il nous fallait
donc compléter l'évolution antérieure en guidant nos entretiens sur le terrain
dans ce sens.
Le sujet ayant rapidement été orienté autour des aménagements hydro
agricoles et de leurs impacts sur l'environnement. il était indispensable d'en
reconstituer l'évolution.
Si cela n'a pas posé de problèmes pour les aménagements hydro-agricoles, il
en fut autrement pour les aménagements hydrauliques. Nous manquons de
renseignements précis quant à /a date de création des plus anciens et le rôle
qu'ils jouèrent à ce moment. Or, certains d'entre eux avaient pour vocation
d'empêcher les remontées salines dans le Lampsar, à ce titre leur efficacité
dans le temps mériterait d'être retracée puisque l'absence de salinité des eaux
peut jouer un rôle déterminant sur la présence des mollusques-hôtes
intermédiaires de la bilharziose. Ces lacunes dans la documentation
concernant l'édification de barrages anciens pourraient être comblées en
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41
consultant les hydrologues spécialistes du Lampsar,' ou à défaut les archives
du Service de l'Hydraulique à Saint Louis.
Enfin, la bibliographie nous a fourni des renseignements fort utiles qua~t aux
impacts des aménagements hydro-agricoles sur l'environnement, notamment
en ce qui concerne les dynamiques de peuplement et le foncier. Cependant, la
place que tient actuellement l'élevage dans le delta n'est que trop rarement
abordée par les différents auteurs.
L'évolution des paysages, articulée autour des aménagements, nous a amené
à orienter notre réflexion et nos recherches vers les acteurs, les logiques et les
moteurs de ces modifications.
A travers la bibliographie, il s'agissait également pour nous de cerner les
interactions entre les différents domaines étudiés: les hommes, leurs activités,
la gestion de leurs espaces agricoles et non-agricoles.
11.2. Les cartes
Les lieux de collecte furent à Dakar, l'I.G.N. (Institut Géographique National) et
l'O.R.S.T.O.M. ; à Strasbourg, l'Institut de Géographie.
Il s'agissait d'abord de rassembler des cartes topographiques couvrant une
longue période afin d'apporter une profondeur historique à l'analyse du milieu.
Ainsi, plusieurs cartes concernent notre zone, de la plus ancienne à la plus
récente:
- SAINT LOUIS, 1/100.000. Feuille E.28.11.2. I.G.N.,Paris. 1923.
- SAINT LOUIS, 1/200.000. Feuille E.28.11. Service géographique de l'AO.F.,
Dakar. 1943.
Une mise à jour a été effectuée en 1957.
- une série de cartes ëtablies par la M.AS. (Mission d'Aménagement du
Sénégal), en 1954 :
SAINT LOUIS, 1/50.000, feuille Il.2a
ROSS, 1/50.000, feuille 11.2d
GUIERS NORD, 1/50.000, feuille 111.1 c
- enfin, trois cartes récentes couvrant l'ensemble de notre secteur, réalisées
par la mission J.I.C.A en 1989:
SAINT LOUIS, 1/50.000. Feuille NE.28.11 - 2a
SAINT LOUIS, 1/50.000. Feuille NE.28.1I- 2b
42
SAINT LOUIS, 1/50.000. Feuille NE.28.11 - 2d
Il faut y ajouter un ensemble de cartes au 1/500.000 publiées par l'U.S.A.I.D. 1
D.A.T., " Cartographie et télédétection des ressources de la République du
Sénégal ", en 1986, sur les thèmes suivants:
couvert végétal, dégradation du couvert végétal, hydrologie, sols, aptitudes
pédologiques, géologie,...
Elles nous procurent une vision plus exhaustive des caractères physiques et
biogéographiques de la région, paramètres qui n'apparaissent pas tous sur les
cartes topographiques.
Il n'est pas utile d'insister sur l'intérêt que présentent ces documents pour le
géographe. Grâce à la période, relativement importante, qu'ils couvrent, ils
nous permettent d'appréhender les transformations survenues relatives à:
- la répartition du peuplement
- l'extension du couvert végétal
- le réseau hydrographique
De plus, ils complètent les photographies aériennes permettant d'identifier les
noms des objets géographiques repérés sur ces dernières.
Cependant, ces outils comportent également des limites. Nous avons ainsi pu
noter certaines discordances entre les indications fournies par les cartes de
1989 et nos observations sur le terrain :
- Les périmètres rizicoles indiqués sur les cartes (Saint Louis, 1/50.000, 1989)
correspondent aux superficies aménagées, alors que les superficies réellement
cultivées n'occupent pas tous les espaces rizicoles mentionnés sur les cartes;
certaines parcelles étant momentanément abandonnées ou en voie de
réhabilitation.
- Les superficies en culture pluviale sont surestimées par rapport à notre
constat de terrain.
- Il en est de même pour les zones marécageuses qui couvrent des surfaces
importantes sur la carte. II s'agit, en fait, de steppes autrefois inondables.
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43
11.3 Les données de population
Avant de présenter les données, il nous faut au préalable discuter la notion devillage.
D'après le Bureau National du Recensement (B.N.R.) (1976), "Est considéré
comme village tout ensemble de carrés ou d'habitations pour lequel un chef de
village a été nommé administrativement".
Il s'agit là d'une notion purement administrative, qui sous-entend que le terme
"vill~ge" puisse regrouper plusieurs entités géographiques distinctes.
Les campements peuls, en l'occurrence, présentent une situation complexe du
fait de leur dispersion et de leur rattachement très lâche à un campement
"centre" ou à un village wolof.
Exemples : le village administratif de Ndialam est constitué en fait d'un
"hameau-centre" auquel sont rattachés six "hameaux-satellites" peuls. Le
village de Lampsar présente la même physionomie.
Diagambal 1 comprend deux gros hameaux: Diagambal 1 et Pont Gendarme,
distants l'un de l'autre d'un peu plus de deux kilomètres.
Sur le terrain, on s'aperçoit que la notion de village inclut les hameaux qui lui
sont rattachés, même si plusieurs kilomètres les séparent.
Au contraire, une seule et unique entité géographique peut en réalité être
composée de plusieurs villages administratifs. Toujours d'après le B.N.R., "un
.village administratif peut ne présenter en fait qu'un quartier ou un hameau du
village géographique, parfois même les carrés sont imbriqués les uns dans les
autres.
Nous avons été confrontés à une telle confusion au cours d'un entretien mené
dans le village de Savoigne-Pionnier. Ce que nous prenions pour un seul et
même village regroupait en fait deux villages, totalement imbriqués en un
même lieu géographique, avec chacun leur chef de village: Savoigne-Pionnier
et Biffèche. Sur le terrain, l'habitat ne permettait pas de faire la distinction'entre
ces deux entités administratives. Pour renforcer encore la confusion, la carte
topographique de 1989 ne mentionne pas l'existence de Biffèche ; seul
Savoigne-Pionnier est représenté!
Ainsi, il n'est pas toujours évident de distinguer les villages des hameaux. D'un
point de vue géographique et d'après nos observations sur le terrain, nous
considérerons comme villages ceux dont l'habitat groupé compte au moins 200
habitants.
Doc.SPOPULATION DES VILLAGES ET HAMEAUX DE L'AXE GOROM-LAMPSAR
Villages Ethnies 1876 1960 1976 1988Amoura Maure 155 107Baridiam Wolof 76 ~6 71 ·BlBiffèche Serer 280 227Bissette 1 Maure 13 103 29Bissette \1 Maure 31 1107 253Boundoum-Barr. Wolof 90 1892 1905Diagamball Wolof 62 619 78~
Diagambal II Wolof 58 161 316Kassak nord Toucouleur 1059 803Kassak sud Toucouleur 810 -l53Larnpsar Peul 397 713 1010Makhana 320 55-t 7-t5Mbarigot -t60 519 665Mbéravc Peul 58 207Mbeurbeuf Peul - 5-t 82 161Mboltognc Wolof 30 393 -t33Mboubéné Peul Peul 27 2-l6 226Ndelle Boye Wolof 57 1090 626Ndialam l-t 38 200Ndiaoudoun HI 515 68-tNdiaye Nguinl Wolof 70 110 32 1295Ndiol Maure Maure 36 79 321Ndiol Peul Peul 238 43-lNdiou~e Mbér. Wolof 17 106 403 612Raynabé 1 Peul 62 356 52-lRavnabé 11 Peul 56 102 188Ross-Béthio Wolof 353 319 2708 3105Savoigne Peul Peul 230 362Savoigne Pionn. Wolof 321 571Taba Treich Maure 65 232 357Thilène Wolof lOI 380 628
Source: BECKER C. et MARTIN V.• 1983.Enquête démographique de 1960.Recensements généraux de 1976 et 1988.
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45
Il.3.1. Les sources et leurs limites
Les documents disponibles comprennent à la fois des données quantitatives,
issues des recensements administratifs et nationaux, des enquêtes
démographiques et des données qualitatives concernant l'ethnie dominante
dans chaque village.
Ces données ont été collectées à la Direction de la Statistique de Dakar, à
l'ORSrOM Bel Air pour les répertoires des villages et les travaux de C. Becker
et V. Martin sur les premiers recensements au Sénégal (1983). Signalons
également le gros travail de collecte réalisé par G. Sangli (1992), qui nous a
été très utile.
- Les recensements anciens et les comptages administratifs
Il s'agit de simples dénombrements effectués dans un but essentiellement
fiscal (collecte de la taxe rurale). Le fait qu'en général les jeunes de moins de
quatorze ans et les personnes âgées soient exonérés constitue une première
cause de sous-estimation. On notera également l'intérêt pour les redevables
d'échapper à "impôt, ce qui conduit les chefs de carrés, qui ont pour tâche
généralement de renseigner les agents recenseurs, à surestimer par exemple
le nombre des enfants et les personnes âgées. Les autorités administratives, à
l'image du sous-préfet de Ross-Béthio (Mamadou Bousso) reconnaissent
d'ailleurs les biais liés à ces types de recensements.
Face aux risques d'erreurs qui seraient inhérents à l'exploitation de ces
données, nous nous sommes contentés d'en fournir les résultats pour 1876,
puisque " le recensement le plus ancien serait le plus complet" (C. Becker,
1983), afin de se faire une idée du peuplement à la fin du XIXème siècle dans
notre secteur.
- L'enquête démographique de 1960-1961
Les enquêtes par-sondages sont des outils démographiques qui contournent le
problème de l'exhaustivité difficile à atteindre et ont l'avantage d'être plus
rapides (G. Sangli, 1992). " n'en demeure pas moins que l'enquête manque de
finesse; il Y a souvent perte d'information et il en résulte des chiffres sous
estimés par rapport à la réalité, d'après C. Becker (communication orale). Les
résultats ne sont fiables qu'à l'échelle de l'ensemble du territoire.
Conscients de la sous-estimation des résultats issus de l'enquête
démographique (réalisée par la Direction de la Statistique de Dakar), nous
exploiterons malgré tout les données de population de 1960-1961 car elles
46
précèdent de quelques années seulement celles du début des grands
aménagements hydro-agricoles (milieu des années 1960). Ces données nous
permettront de considérer l'état du peuplement avant la phase de mise en
valeur du delta.
Signalons que les enquêtes démographiques peuvent également être utilisées
pour mesurer les flux de population. Un exemple de question que l'on pose aux
habitants: quels sont les évènements survenus au cours des douze derniers
mois? Mais, dans ce cas. la délimitation de la période des douze mois peut
poser des problèmes, relevant entre autre de l'omission des évènements. La
question devient encore plus délicate lorsque l'on fait allusion à des faits plus
anciens (au-delà de 20-30 ans).
- Les recensements généraux
Le Sénégal en compte deux datant de 1976 et 1988.
Ils sont nés de la nécessité pour les autorités politiques de disposer d'une
connaissance exhaustive de la population à l'échelle des villages, afin de
mener à bien les plans de développement économique et social. Face à la
déficience des recensements administratifs, au manque de précision des
enquêtes démographiques et à la carence des statistiques de l'état civil, il
devenait indispensable de procéder à un recensement général. Le Bureau
National du Recensement (B.N.R.) fut créé à cette occasion, en avril 1976, le
second recensement intervenant en mai 1988. Grâce à l'utilisation d'outils de .
traitement de données plus perfectionnés, les résultats semblent relativement
fiables, même si l'on peut craindre là encore une sous-estimation des chiffres
de population, les recensements coloniaux à but fiscal n'ayant pas été
totalement effacés des mémoires.
Il nous faut également relever le fait que l'on n'a pas procédé au même
découpage entre les deux recensements. En 1976, il n'y a pas de distinction
entre les différentes entités géographiques ; on a regroupé l'ensemble de la
population au sein d'un seul et même village administratif. En 1988, en
revanche, le découpage a été plus fin, village et .hameaux (qui lui sont
rattachés) ayant fait l'objet de comptages distincts.
Le fait que l'ensemble de ces données ait été collecté avec des moyens , des
méthodes et des objectifs différents rend les comparaisons délicates entre les
recensements utilisés.
Dans l'ensemble, on ne peut pas considérer que les données de population
soient fiables, eu égard à la sous-estimation fréquente qui les caractérise. De
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47
plus, les chiffres de population recueillis présentent de nombreuses
aberrations, à l'image des exemples suivants:
Ndiaye Nguint passe de 32 à 1.295 habitants entre 1976 et 1988 ;
Bissette Il passe de 1.107 à 253 habitants durant la même période.
Nous pensons que certaines de ces inexactitudes résultent d'un changement
dans le rattachement administratif des hameaux à un village-centre.
Ces observations nous amènent à émettre la plus grande réserve vis-à-vis de
ce type de données statistiques.
Il.3.2. L'exploitation des données
A partir des chiffres de population par village, il nous semble intéressant de
cartographier la dynamique du peuplement sur la période 1960-1988. Nous
utiliserons les données des années-clés 1960, 1976 et 1988.
L'année 1960, nous l'avons signalé, correspond au début des aménagements.
Les années 1976 et 1988 nous fourniront les renseignements démographiques
issus des seuls recensements généraux du Sénégal qui, par leur nature, sont
supposés plus conformes à la réalité.
Le but de cette cartographie est de représenter la localisation des villages et
leur importance par un symbole dont la taille varie en fonction de cette
importance, sur les trois années retenues.
Avant d'établir la proportionnalité entre le cercle et le village, il nous a fallu
. discrétiser l'ensemble des villages de notre zone d'étude. Afin de pouvoir les
comparer sur les trois années retenues, 1960, 1976 et 1989, une classification
unique s'imposait pour l'ensemble de la période. Evidemment s'est posé le
problème de la discontinuité dans la taille des villages, le plus petit comptant
14 habitants (Ndialam en 1960) et le plus grand 3.105 (Ross-Béthio en 1988).
Aussi avons nous réalisé la classification à partir d'un diagramme de
fréquences qui nous a permis de découper la distribution à partir de seuils
empiriques. Enfin, la taille des cercles, calculée à partir-de la racine carrée de
la valeur moyenne de chaque classe, est proportionnelle à un ensemble de
villages regroupés par classes.
Les résultats de cette dynamique pourront ensuite être comparés à l'évolution
des aménagements hydro-agricoles sur la même période, afin d'appréhender
les relations entre ces deux éléments.
48
Première difficulté: elle a été évoquée plus haut et réside dans le fait que "on
n'a pas effectué le même découpage entre les différents recensements. En
1976, village et hameaux qui y sont rattachés correspondent à la même entité
(de même pour 1960) alors que pour 1988, ce sont deux éléments distincts
dont on connait le poids démographique. respectif. Par conséquent, nous
effectuerons un regroupement village + "hameaux satellites" pour les données
de 1988 afin de pouvoir les comparer à celles de l'enquête démographique de
1960-1961 et du recensement de 1976.
Deuxième difficulté : ne disposant pas de la surface occupée par chaque
village, ceux-ci n'étant pas délimités administrativement dans l'espace, nous ne
pourrons cartographier l'évolution des densités de population.
Afin solutionner à ce problème, nous pourrions envisager de cartogréphier la
charge démographique, c'est-à-dire le poids de la population par rapport à la
surface agricole.
.Nous disposons pour celà des chiffres de population et des superficies
irriguées par village pour 1991. Le nombre d'habitants en 1991 pourrait être
estimé à partir du taux d'accroissement annuel de la population entre 1976 et
1989.
Il resterait alors à se procurer la carte délimitant les superficies irriguées par
village, auprès de la S.A.E.D. à l'Ile de Saint Louis.
L'intérêt que présenterait une telle carte serait de révéler si le poids de la
population par village est cohérent avec les possibilités qu'offrent le milieu, en
l'occurrence la culture irriguée.
Le suivi de l'évolution récente de ce paramètre dépend évidemment des
données susceptibles d'être collectées à la S.A.E.D.
Exemple: LAMPSAR
Aly Djibril Dioum
Gallo Sow
Iba Dione
Malal Sow
Mamadou Sow
748
2732
53
11
139
1010 habitants à Lampsar en 1988.
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11111l·r 4
1·11
49
Il.4. les données statistiques fournies par la S.A.E.D.
Elles ont été collectées à la S.A.E.D. de Saint Louis et concernent les
superficies irriguées dans le delta:
- Superficies aménagées par village, en 1990-1991, pour la Délégation de
Dagana dans laquelle est inscrite notre zone d'étude.
Pour chaque village, nous disposons de la liste des périmètres irrigués et, pour
chacun d'eux, les organisations paysannes qui les gèrent (Groupements de
producteurs, Foyers de Jeunes, G.I.E., ... ).
- Superficies aménagées par périmètre (périmètres de Boundoum, Tellel
Grande Digue - Kassak et Lampsar) et par type d'aménagements (grands
aménagements S.A.E.D., petits périmètres S.A.E.D., petits périmètres privés),
en 1990-1991 et 1992-1993.
Superficies aménagées par la S.A.E.D. (grands aménagements,
aménagements intermédiaires et périmètres irrigués villageois) et par les
producteurs privés, dans la Délégation de Dagana, de 1984 à 1992.
Ces données sont relatives à trois entités géographiques ou administratives
différentes, correspondant à trois échelles d'analyse:
- La Délégation de Dagana comprend cinq périmètres irrigués dont ceux de
Boundoum, Tellel - Grande Digue - Kassak et Lampsar situés dans notre zone
d'étude et qui couvrent environ les 2/3 de cette délégation. Par conséquent,
même si cette entité géographique déborde le cadre de notre secteur, ses
caractéristiques sont représentatives de la situation qui règne le long de l'axe
Gorom-Lampsar.
- Les périmètres précités qui regroupent en fait un ensemble de parcelles
irriguées situées dans un même lieu géographique.
- Les villages, échelle la plus fine, pour lesquels on a recensé les parcelles
irriguées et les organisations paysannes qui les gèrent.
En reconstituant l'évolution des types d'aménagements à partir de ces
statistiques, nous tenterons d'appréhender les différents acteurs jouant un rôle
dans la gestion de l'environnement. Aux aménagements S.A.E.D. correspond
l'intervention de l'Etat dans la mise en valeur du delta, alors que pour les
aménagements hors S.A.E.D., ce sont les producteurs privés qui y prennent
part.
50
En somme, ces données devraient nous permettre d'identifier les moteurs de la
dynamique de l'utilisation du sol.
Il.5. Les photographies aériennes
Elles ont été obtenues auprès des services de l'Institut Géographique National
à Dakar pour les photographies de 1978 et 1989, à Paris pour celles de 1954.
11.5.1. Présentation
Nous avons utilisé trois séries de photographies aériennes, panchromatiques,
couvrant la totalité du terrain de notre étude:
-la mission AO.F. de janvier 1954, 087, au 1/50.000 (20 exemplaires).
N° 26-27-28-37-38-39-40-54-55-56-57-73-74-75-76-77-85-86-110-111
- la mission I.G.N. d'octobre 1978, NE-28.11 - III. au 1/60.000 (14
exemplaires).
N°48-49-50-89-90-91-92-1 07-108-109-110-172-173-174-175-176-182-183-184
-la mission J.l.e.A de mars 1989, CT-SGN, au 1/60.000 (15 exemplaires).
N° 6-7 (L2), 6-7 (L3), 3-4-5-6 (L4), 3-4-5-6 (L5), 4-5-6 (L6)
La photo-interprétation comme méthode d'analyse est devenue si classique
qu'il nous a paru inutile de revenir sur ses conditions techniques.
1.5.2. Buts et domaine d'investigation
La comparaison e'!tre les trois missions 1954, 1978 et 1989 devrait nous
permettr~ de dresser le bilan des transformations de certains aspects du
paysage pendant la période considérée et d'appréhender les questions que
peuvent soulever de telles transformations.
Il s'agissait notamment de suivre l'évolution des superficies irriguées et des
cultures pluviales d'une part, de la végétation terrestre et aquatique d'autre
part.
Les résultats de la photo-interprétation quant à eux permettent d' orienter les
entretiens de terrain autour de problèmes révélés par cet examen.
La photographie aérienne est l'outil qui mieux que tout autre révèle
l'organisation'spatiale d'ensemble des paysages. Ainsi avons nous pu identifier
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les périmètres irrigués au niveau des cuvettes d'unè part, les parcelles de
culture pluviale dans le diéri d'autre part.
11.5.3. Identification
-Les parcelles rizicoles se distinguent des autres parcelles de culture par leur
forme géométrique et leur dessin régulier. La culture elle-même a peu de relief
et lorsqu'elle est suffisamment couvrante présente un aspect lisse.
L'identification se fait surtout par le mode de culture: parcelles inondées, talus
autour des champs lorsque ceux-ci sont à sec.
-La localisation des cultures pluviales est aisée grâce aux haies d'épineux qui
bordent les champs. Les différents type de culture ne sont identifiables qu'à
très grande échelle (1/10.000)
- Les cultures de Taak qui couvrent de petites superficies disséminées sont
difficilement repérables, l'échelle étant trop petite.
- Les contours de la végétation terrestre et aquatique apparaissent nettement.
-En ce qui concerne les lieux habités, ils se distinguent lorsque l'habitat est
groupé. En revanche, pour les petits hameaux isolés, le repérage est moins
aisé et le recours à la carte topographique au 1/50.000 s'impose souvent.
Nous disposons donc de données qualitatives (type de cultures) et
quantitatives (extension des superficies cultivées, irriguées, du couvert
végétal, ... ).
11.5.4. Limites
- Il faut relever que les trois missions étudiées ont été réalisées à deux
saisons différentes: celle d'octobre 1978 correspond à la fin de l'hivernage et
celles de janvier 1954 et mars 1989 se situent au coeur de la saison sèche.
Dans ces conditions, il est difficile de comparer l'extension spatiale des
cultures pluviales entre les deux saisons. Au cours de la saison sèche, il n'y a
pas de mise en culture alors que le mois d'octobre 1978 succède à un mois
très pluvieux (157,5 mm enregistrés à Saint Louis en septem.bre) 1 ce qui laisse
augurer une mise en culture des terres de diéri.
- Une autre difficulté est apparue concernant les parcelles de culture pluviale.
Celles-ci sont bien souvent délimitées par des haies de branchages et
d'épineux parfaitement visibles sur les photographies. Or, ce phénomène peut
induire en erreur puisque l'existence de parcelles encloses ne signifie pas
52
forcément qu'elles soient cultivées. Ce sont finalement les observations sur le
terrain qui ont corrigé notre jugement à ce sujet, les superficies couvertes par
les cultures pluviales ayant été surestimées d'après la photo-interprétation. Les
parcelles de cultures "reliques" sont nombreuses dans le diéri.
On ne peut donc cartographier les cultures pluviales pour les raisons évoquées
ci-dessus. De plus, leur superficie varie d'une année à l'autre en fonction de la
pluviosité, ce qui rendrait un peu hasardeuse leur cartographie.
- En ce qui concerne les périmètres irrigués, il est très malaisé de distinguer
ceux qui sont cultivés de ceux qui ne le sont pas. Certains sont abandonnés,
d'autres sont en voie de réhabilitation. Il est difficile de les différencier par
rapport à ceux effectivement mis en valeur. De plus, l'exploitation des parcelles
varie d'une année à l'autre. Par conséquent, nous avons choisi d'identifier les
périmètres irrigués cultivables, c'est-à-dire ceux dont les contours sont visibles
dans le paysage grâce aux aménagements.
- Enfin, les échelles des photographies aériennes étant trop petites (1/50.000
et 1/60.000), on ne peut estimer directement sur ces documents la densité du
peuplement végétal par un comptage des espèces.
Il.5.5. Exploitation
Finalement, après photo-interprétation, et compte tenu des difficultés
rencontrées, on a cartographié:
- L'extension des périmètres Irrigués au 1/60.000 en superposant les
résultats de la photo-interprétation de 1978 et ceux de 1989. En 1954, ils
étaient encore absents de notre secteur (Fig. 8. Evolution des superficies
aménagées pour la culture irriguée 1978 - 1989).
- L'évolution de "occupation du sol, à partir des photographies de 1954,
1978 et 1989, avec l'exemple de la cuvette de Baridiam (Fig. 10. Evolution de
l'occupation du sol).
- La progression de la-Végétation aquatique dans le Kassak et le Gorom en
1978 et en 1989, années pour lesquelles celle-ci a été identifiable d'après
photo-interprétation (Fig.9. Progression de la végétation aquatique).
Disposant de ces outils, plusieurs questions répondant à la problématique
essentielle de notre travail, se posent alors:
- Quels sont les moteurs des transformations observées au niveau des
paysages agraires?
Quelles sont les superficies réellement cultivées en pluvial?
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53
Quelles sont les superficies réellement irriguées?
Comment s'expliquent les modifications intervenues dans la densité du couvert
végétal?
La bibliographie, les cartes et les photographies aériennes nous ont permis de
faire un premier découpage de la zone étudiée en deux secteurs homogènes
du point de vue du mode de peuplement, de l'organisation des systèmes
agraires et de la physionomie du réseau hydrographique : le Lampsar amont
et le Lampsar aval.
Les entretiens sur le terrain devaient confirmer ou infirmer ce découpage.
11.6. Les entretiens
La lecture de la bibiographie portant sur le delta a montré que cette zone
n'avait pas fait l'objet d'études aussi nombreuses et poussées que dans la
moyenne vallée. En particulier, il y a peu d'informations sur l'histoire du
peuplement, l'agriculture traditionnelle (souvent considérée comme
négligeable), la situation actuelle de l'élevage et les modifications subies par la
végétation, plus précisément aquatique.
Afin de combler au moins partiellement ces lacunes, les entretiens menés sur
·Ie terrain avec les populations concernées nous semblent être une bonne
méthode d'approche. Par rapport à l'enquête, plus rigoureuse et plus ciblée,
l'entretien est mieux à même de répondre aux objectifs que nous nous sommes
fixés et qui visent à cerner des problèmes très divers, soulevés notamment par
la photo-interprétation.
Les entretiens se sont déroulés durant la deuxième quinzaine du mois de
juillet.
11.6.1. Intérêts
L'entretien constitue une méthode souple, car même si les thèmes et les
questions qui s'y rapportent sont établis à l'avance, il n'en demeure pas moins
qu'au fil de son déroulement il peut appeler d'autres interrogations suivant la
teneur des réponses recueillies. Par là même, l'entretien est susceptible d'être
enrichi par des aspects que l'on avait négligés, voire omis, et qui sont évoqués
spontanément par nos interlocuteurs.
54
" est inutile d'insister sur le fait que les personnes interrogées, en particulier
les personnes âgées, représentent des mines de renseignements,
renseignements parfois absents de la littérature, grâce à une bonne
connaissance du milieu. Amadou Harnpaté Bâ ne disait-il pas "un vieil homme
qui meurt, c'est une bibliothèque qui brûle".
Enfin, il s'agissait également pour moi de me familiariser avec le terrain et
d'avoir une connaissance, plus concrète et directe, du delta.
Il.6.2. Objectifs
L'un des buts de ce travail est en particulier de vérifier si la zonation
géographique (Lampsar amont - Lampsar aval) établie après examen des
cartes et des photographies aériennes se justifie. Peut-on distinguer, le long de
l'axe Gorom Lampsar, deux zones homogènes, notamment du point de vue du
mode de peuplement et de la gestion des systèmes agraires?
Nos principaux objectifs visent à :
- Comprendre la dynamique de peuplement, imperceptible sur les
photographies aériennes.
- Cerner les logiques paysannes en matière de mise en valeur des sols d'une
part, d'élevage d'autre part.
- Identifier les acteurs et les moteurs de la dynamique foncière.
- Evaluer la part des hommes dans la diminution de la densité du couvert
végétal.
11.6.3. Méthode
- Le premier point consistait à sélectionner les villages à enquêter.
Afin de répondre à ce problème, nous sommes partie de la Fig. 1 "Répartition
et densité des mollusques vecteurs de' la bilharziose dans l'axe Gorom
Lampsar". En toute logique, notre choix devait së porter vers l'ensemble de ces
villages infestés.
L'échantillonnage ne semblait pas adapté à notre choix. Premièrement, il n'était
pas évident que le découpage réalisé au préalable isolait deux zones
suffisamment homogènes pour effectuer un échantillonnage. En second lieu,
les villages situés dans notre secteur d'étude n'étaient pas suffisamment
nombreux pour justifier une telle méthode.
Par conséquent, il nous a paru plus judicieux de cibler un maximum de
villages de part et d'autre de l'axe, de manière à réaliser une enquête qui soit
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la plus exhaustive possible. Rappelons que nous ne disposions que de deux
semaines et que les entretiens ne constituaient pas le seul objet de notre
séjour dans le delta.
Finalement, 15 villages ont fait l'objet d'entretiens (Fig. 5) :
MAKHANA
MBARIGOT
LAMPSAR
NDIALAM
NDIOL MAURE
MBOLTOGNE
MBEURBEUF
SAVOIGNE PIONNIER et BIFFECHE
SAVOIGNE PEUL
NDIAYE NGUINT
ROSS BETHIO
RAYNABEI
BOUNDOUM BARRAGE
KASSAK NORD
KASSAK SUD
L'ensemble de ces villages, disséminés le long de l'axe Gorom-Lampsar,
représente environ la moitié de ceux qui couvrent notre secteur. Les autres
n'ont pas été enquêtés, soit parce que le chef de village était absent au
moment de nos passages répétés (Diagambal II-Mbodiène), soit parce que
nous manquions de temps.
- En ce qui concerne le déroulement de l'entretien, nous étions assistés d'un
technicien qui faisait office d'interprète.
Notre principal interlocuteur, que nous informions de la nature et de l'objet de
l'enquête, était lé chef du village, mais ceci n'excluait nullement la participation
d'autres intervenants: notables, présidents de groupements de paysans ou de
foyers de jeunes,... Plusieurs personnes pouvaient être présentes sans
forcément prendre la parole. /1 nous faut noter que l'assistance était
essentiellement masculine.
LOCALISATION DES VILLAGES ENQUETES
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57
- Le questionnaire était nullement directif. Même si nous visions des objectifs
bien précis, des questions spontanées pouvaient survenir en fonction des
réponses obtenues.
- Lors de ces entretiens, la durée impartie aux différents aspects qui nous
intéressaient était assez variable selon la dominante ethnique du village,
l'importance des différentes activités et, surtout, le comportement des paysans
; certains se contentant de répondre aux questions posées, d'autres explicitant
largement leurs réponses et débordant sur de nombreux autres problèmes,
surtout lorsque nous avions plusieurs interlocuteurs en face de nous. La
difficulté pour nous consistait alors à réorienter la discussion selon nos
préoccupations, afin d'éviter la dispersion.
Ces entretiens ont d'ailleurs été l'occasion pour les paysans de discuter de
sujets très variés et en particulier du manque de terres aménagées, de leurs
relations avec la S.A.E.D. et de son rôle actuel, ou encore du manque d'eau
par rapport aux besoins pour l'irrigation.
La durée de l'entretien variait entre 1 h.et 1 h.30.
11.6.4. Contenu
Durant cet entretien, l'accent a été mis sur la gestion passée et présente de
l'environnement, en particulier sur les activités agricoles et sur la capacité des
paysans à s'organiser et les formes de cette organisation, ceci dans l'optique
de cerner les logiques paysannes en matière d'aménagement de l'espace
agricole. Cependant, l'histoire du peuplement, les migrations, l'introduction des
aménagements hydre agricoles, les modifications subies par la végétation, les
disponibilités en eau étaient autant d'aspects qu'il nous fallait clarifier afin
d'appréhender les interactions entre les différentes composantes de
l'environnement.
Le questionnaire était de forme ouverte:
- La première question consistait à savoir quelle était l'ethnie dominante dans
le village et à recenser les autres ethnies représentées..
Puis plusieurs rubriques se succédaient:
- La dynamique de peuplement : date de création du village, origine de la
population, migrations passées et actuelles, ...
- Les activités agricoles étaient plutôt orientées vers les cultures dans les
villages wolofs. plutôt sur l'élevage dans les campements peuls:
58
l'agriculture irriguée: superficie, cultures, calendrier agricole... ;
l'agriculture pluviale: superficie, cultures traditionnelles et actuelles, évolution
de la production, mise en valeur actuelle;
élevage: nature et importance, zones de parcours, zones de pâture, évo"lution
des itinéraires de transhumance...
- Les aménagements hydro-agricoles : types d'aménagements et date de
création, évolution actuelle, entretien...
- L'organisation sociale de la production : évolution des modes d'organisation
paysanne, domaine de compétence, projets d'organisation future...
- L'évolution du couvert végétal : espèces ayant en partie ou en totalité
disparu, date des derniers feux de brousse...
- La végétation aquatique: localisation, évolution récente en superficie et selon
les espèces, mesures de lutte...
1/.6.5. Limites
- 1/ se posait quelquefois des problèmes de datation de certains évènements,
surtout s'ils étaient éloignés. Il nous fallait alors guider nos interlocuteurs en
leur demandant de situer des évènements par rapport à des faits marquants
comme le début de la sècheresse (années 1970), la création du barrage Diama
(1986), etc...
- Certaines questions étaient habilement contournées ou provoquaient un
embarras. Exemples: d'où provient le bois? à quand remontent les dernières
coupes?
- En ce qui concerne la bonne foi et l'objectivité des personnes interrogées,
elles n'ont pas toujours été de règle, mais il s'agit là d'un problème inhérent à
tout entretien et il revient alors à l'enquêteur de juger de la crédibilité des
réponses recueillies.
Cependant, dans ce domaine, nos interlocuteurs nous ont sembté dans
l'ensemble relativement justes dans les renseignements qu'ils nous
fournissaient; leur spontanéïté faisant preuve d'une apparente confiance.
- Il est évident que cette méthode a permis de recueillir des données
essentiellement qualitatives, celles quantitatives étant difficiles à appréhender
dans ce contexte.
- Enfin, signalons que le temps passé sur le terrain était trop court pour
enquêter l'ensemble des villages de la zone étudiée comme nous "avions
souhaité. Néanmoins, l'ensemble des réponses obtenues étant relativement
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59
concordantes dans chacun des secteurs parcourus, cette méthode nous
satisfait grâce à la richesse des renseignements obtenus.
Il.7. Les observations directes
Elles avaient pour but surtout de vérifier certains problèmes soulevés
notamment par la photo-interprétation.
Pour les parcelles de cultures pluviales, nous en avions délimité les contours
sur les photographies aériennes mais ignorions s'ils correspondaient en réalité
avec l'extension maximale de ce type de culture.
Les observations sur le terrain, complétées par les entretiens, allaient apporter
une réponse à ce problème. Finalement, les superficies cultivées en pluvial
avaient été largement surestimées après interprétation des photographies,
surestimation qui apparaît également sur les cartes topographiques de 1989.
Autre observation qui va à l'encontre des renseignements fournis par ces
mêmes cartes: les zones marécageuses de part et d'autre du Lampsar. En fait,
il s'agit pour la plupart, de zones asséchées et occupées par une steppe
composée d'arbustes et de broussailles.
Les observations directes nous ont également permis de mettre en évidence
des phénomènes imperceptibles sur cartes ou photographies et quasiment
absents dans la littérature:
-Les zones de culture occupées par le maraîchage sur le Taak très souvent, ou
en bordure de canal.
-L'importance de la végétation aquatique dans le lit des marigots.
-L'état des aménagements hydro-agricoles (canaux, parcelles, ... ).
-La densité du couvert végétal et les espèces qui le composent.
Mais surtout, nous avons pu constater à quel point la zone du Gorom-"Lampsar
était humanisée. Cette impression s'était déjà dégagée après un survol du
delta en avion, une semaine avant d'en fouler le sol. Parler ici de paysages
naturels serait une gageure: des périmètres irrigués qui s'étendent à perte de
vue. comme de grandes marquetteries, des stations de pompage, des canaux
d'irrigation et de drainage, des tracteurs, des moissonneuses-batteuses. des
moto-pompes, ...
Tous ces aspects témoignent d'une grande appropriation de l'espace et d'une
emprise de l'homme considérable.
60
Le moment est venu maintenant de vérifier la validité de la méthodologie à
travers les résultats qui en ressortent.
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Troisième partie
SYNTHESE DES RESULTATS
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62
Les résultats présentés ici ne visent pas à l'exhaustivité mais apportent plutôt
des éléments de réponses et des pistes aux objectifs que nous nous sommes
fixés et aux questions évoquées dans la partie méthodologique. Ils tentent
d'évaluer l'impact des aménagements hydra-agricoles sur:
- La dynamique de la population,
- L'évolution des systèmes agraires et des systèmes d'élevage,
- La transformation de la végétation.
111.1. Dynamique du peuplement
111.1.1 Un accroissement de la population le long de l'axe Gorom-Larnpsar
(Fig. 6)
La cartographie de l'évolution du peuplement révèle deux phénomènes:
- Une concentration de la population, préférentiellement sur la rive gauche
du Lampsar, le long de la RN2 jusqu'à Ross-Béthio, puis sur les axes naturels
du Lampsar et du Gorom amont jusqu'à Ronq sur le fleuve.
Le fait que ce soit le marigot qui fixe la population, plutôt que la route, est un
phénomène qui apparaît très clairement au-delà de Ross-Béthio.
- Une augmentation de la population qui suit des rythmes contrastés durant
la période considérée:
1960-1976 correspond à une phase de fort accroissement de la population,
phase au cours de laquelle les villages prennent leur physionomie actuelle.
Exernples:
Ross-Béthio passe de 319 à 2.708 habitants, soit 8 fois plus
Mboltogne 30 à 393 13
Ndiougue-Mbéresse 106 à 403 4
Raynabé 1 62 à 356 6
Le taux de croissance moyenne annuel pour l'ensemble du secteur est de 9,2
% par an. C'est également la période pendant laquelle s'installent des villages
neufs : Boudoum est, Kassak nord et Kassak sud.
Il nous faut préciser qu'en 1960 la densité de population au centre du Delta,
entre le fleuve et le lac de Guiers, était inférieure à 1 habitant 1km2 (S.A.E.D.,
1984).
63
passe de 2.708 à 3.105 habitants, plus 13 %
393 à 433 10 %.
1976-1988 : l'augmentation de la taille des villages est bien moindre par
rapport à la période précédente. La croissance est ralentie avec un taux
moyen annuel qui n'est plus que de 1,54 % par an.
Exemples:
Ross-Béthio
Mboltogne
Le peuplement de l'axe Gorom-Lampsar, tel qu'il se présente aujourd'hui,
intervient donc surtout au cours de la période 1960-1976. On y compte
actuellement entre 30 et 60 hab.lkm2.
En ce qui concerne les migrations, le delta n'a pas été le siège de
mouvements de population importants comme dans la moyenne vallée.
Toutefois, il faut se garder d'une généralisation abusive, l'axe Gorom-Larnpsar
présentant une situation particulière à l'intérieur du delta. Il semblerait, en effet,
que les villages situés le long de l'axe ne soient pas concernés, ou à un degré
moindre, par les migrations saisonnières eUou de longue durée qui affectent le
reste du delta.
J.Y. Jamin, J.F. Tourrand et al. (1986) ont remarqué que les taux de migration
"longue durée" sont nettement plus élevés dans les villages n'ayant pas accès
à la riziculture ou éloignés d'un pôle d'emplois.
Dans les villages maures et dans les villages situés sur le diéri, au sud ouest
du delta, le taux est de l'ordre de 5 à 10 % ; dans les villages localisés autour
de Richard-Toll et le long du marigot du Lampsar, il est voisin de 1 %.
On constate, là encore, que l'axe Gorom-Lampsar fait plutôt figure de zone
attractive.
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1960
1976
D'après les recensements de 1960-1976-1988
IOUIUUUIlIll&E
1988
65
111.1.2. Les origines de la population
Deux régions se distinguent de ce point de vue : le Lampsar amont et le
Lampsar aval.
Le Lampsar amont : c'est la zone de colonisation, fruit de la politique du
gouvernement visant à aménager cette partie du delta.
Avant 1965, seul existait le village de Boundoum-Barrage. C'était une zone
vide d'hommes, parcourue seulement par les éleveurs peuls qui exploitaient le
pâturage de décrue pendant la saison sèche pour le gros bétail. Sa mise en
valeur passait par le recours à un peuplement externe.
La politique de colonalisation du delta a été dictée par un souci économique:
aménager les cuvettes et y développer la riziculture sur de grands périmétres
irrigués. Dans le cadre de la loi sur le Domaine national (1964), les zones
pionnières, à vocation agricole, ont été confiées à des sociétés de
développement rural les affectant aux différents usagers en vue de leur mise
en valeur. Cette tâche a été confiée à la S.A.ED., dont l'aire d'intervention,
limitée à l'origine au delta, a été étendue par la suite à l'ensemble de la rive
sénégalaise du fleuve Sénégal et de la Falémé. Des campagnes de
recrutement ont été organisées, la propagande se développant sur le thème de
la riziculture. Entre 1965 et 1969, cinq villages ont été construits dans le delta
pour installer des cultivateurs migrants:
- Boundoum-Barrage (le seul village traditionnel ayant subi un important
mouvement d'immigration), Boundoum est et Boudoum nord peuplés
d'habitants originaires des régions de Saint Louis, Dagana, Louga et de
villages du delta situés le long du fleuve.
- Kassak nord et Kassak sud peuplés de cultivateurs toucouleurs, d'anciens
combattants et d'anciens militaires.
Kassak sud est le village du delta, peut-être même du Sénégal, dont le
peuplement est le plus hétérogène. Aujourd'hui encore, dix groupes ethniques
y sont recensés. venus de toutes les régions du Sénégal. On y compte une
forte proportion d'anciens combattants et d'anciens militaires qui représentent
52.5 % du nombre des chefs de ménage (Doc. 9).
Au terme de ce mouvement de colonisation, à la fin des années 1960, les cinq
villages comptaient un peu plus de 6.200 habitants (G. Sangli, 1992).
1111111111.'1111111
,
1j
11
OOC.9COMPOSITION ETHNIQUE DE QUELQUES VILLAGES
Autres
Autres
Peul
Ethnies
Maures
Ethnies
KA55AKNORD
Maures
KASSAK SUD
BOUNDOUM-BARRAGE
Toucouleur
100
80
60
40
20
0..-----
66
10
5
O+---ToucouleurWolof Peul 8erer Dola Maures Autres
Ethnies
100
80
60%
40
20
0Wolof
%
30
25
20
% 15
Source: ML KANE, 1984
1111111111'1111111-1."'
1,11
67
La S.A.E.O. a attribué des terres à trente coopératives : au total, 3.500
exploitants dont un tiers n'est pas originaire du delta (p. Seyral, 1969). Les
installations collectives les plus urgentes ont accompagné les aménagements:
écoles, dispensaires, forages.
Lampsar aval : la dynamique du peuplement est plus compliquée ici car de
nombreux villages se sont déplacés; d'autres ont éclaté ou essaimé. Il y a
aussi la disparition de certains villages du diéri et le rattachement à des
villages plus importants.
L'ethnie dominante est Wolof. La littérature (en particulier Delaunay O., Kane
M.L., Metge P.) évoque le cas de villages qui se sont déplacés des marges
vers l'axe Gorom-Lampsar. Ceci s'est confirmé durant nos entretiens dans
certains d'entre eux (Mboltogne, Ndelle Boye, Ndiaye, Ndiol Maure, Savoigne
Pionnier. .. par exemple).
La comparaison entre les cartes anciennes et les cartes actuelles nous permet
de retracer l'évolution de certains d'entre eux. D'après la carte de Saint Louis
de 1923 (1/100.000, Feuille E.28.11.2, IGN Paris), les villages de Ndiaye et de
Mbéresse se situaient à environ 8 km de leur emplacement actuel, dans le
diéri, à proximité du marigot du Ngagne qui rejoignait la cuvette du Ndiael,
avant son asséchement.
On retrouve quelques traces de cette histoire sur le terrain,comme le cimetière
qui est resté dans l'ancien village.
Pour illustrer cette dynamique du peuplement, on pourrait cartographier
l'origine des villages en distinguant les villages de colonisation, les villages
déplacés et les villages anciens, à partir des cartes topographiques. des
photographies aériennes et des données recueillies auprès des habitants. Ceci
suppose l'extension des entretiens à tous les villages de notre zone d'étude.
111.1.3. Le.moteur commun: l'extension de la culture irriguée
Il nous faut préciser que l'influence de ce paramètre dans la dynamique du
peuplement n'est pas exclusif. D'autres facteurs expliquent la répartition de la
population le long du Lampsar : si la RN2, goudronnée dans les années 1950
entre Saint Louis et Ross-Béthio, a pu exercer un certain attrait sur la
population, le marigot du Lampsar a certainement mieux rempli ce rôle. Les
dépressions naturelles qu'il isole (Thilène, Ross-Béthio, Baridiam•... ) ont
permis la culture du riz en décrue lorsque ces zones étaient encore inondées
annuellement par la crue du fleuve. Donc, bien avant les aménagements, la
111111111111
,,-
111II1
:.~.
111
68
recherche de l'eau a été un facteur déterminant dans l'installation du
peuplement.
Ce mouvement, qui s'est nettement amplifié à partir du début des années 1960,
a été concordant avec celui de l'aménagement des périmètres irrigués.
Si l'on reprend les deux périodes, 1960-1976 et 1976-1988, auxquelles
correspondent deux rythmes spécifiques d'accroissement de la population (une
période de croissance rapide puis une période de croissance ralentie), ces
derniers peuvent être manifestement corrélés à l'évolution des superficies
aménagées (périmètres S.A.E.D. seuls) :
D'après E. Avice (1960), l'extension de la riziculture dans les cuvettes
naturelles égrénées entre la RN2 et le Gorom-Lampsar a eu, dès 1959, les
conséquences démographiques suivantes:
- diminution de la population des hameaux du diéri ;
- croissance de la population le long de la route (Ross-Béthio, Lampsar, ... ) ;
- déplacement de villages vers l'axe hydrographique (Mbodiène, Mbéresse, ... ) ;
- retour au village de paysans émigrés en ville.
1988
12.937 ha
+ 24,5 %
1976
10.390
+60%
1965
6.500
1960
oDélégation de Dagana
L'évolution de la population a suivi le rythme des aménagements, la
période 1960-1976 correspondant à la mise en place des grands
aménagements.
En 1965, la S.A.E.D. ne prévoyait-elle pas l'aménagement de 30.000 hectares
en riziculture? Même si seulement un tiers de ces aménagements a été réalisé
en 1976, l'extension des superficies Irriguées n'en a pas moins été rapide. A
cette date, l'essentiel des aménagements S.A.E.D. est en place, de même que
la population à proximité des périmètres irrigués.
De 1976 à 1988, à un ralentissement des aménagements S.A.E.D. par rapport
à la période précédente correspond une faible croissance de la population
dans notre secteur d'étude. Cette phase précède celle de la prolifération des
périmètres irrigués privés à partir de 1989 surtout.
-(Source: S.A.E.D., 1990)
1"1111111111111111. ','
10"""
111
69
Malheureusement, aucun recensement n'a été effectué depuis cette date qui
nous aurait permis de comparer la dynamique du peuplement durant une
nouvelle phase de l'aménagement de périmètres irrigués dans le delta.
Ces observations nous amènent à conclure que l'attrait exercé par les
périmètres rizicoles a joué un rôle déterminant dans la dynamique du
peuplement le long de l'axe Gorom-Lampsar, peuplement qui répondait aussi à
des volontés politiques de mise en valeur.
CRITIQUE DES RESULTATS
Les cartes révèlent de profondes modifications du peuplement le long de l'axe
Gorom-Lampsar et les moteurs de cette dynamique sont identifiés.
- Les cartes de distribution de la population par village mettent en évidence un
accroissement de population sur la période 1960-1989 et nous donnent une
image synthétique de l'évolution du peuplement dans notre zone d'étude.
- Cependant, ces cartes ne révèlent pas un paramètre intéressant qui est la
pression humaine. Or, il s'agit là d'un facteur déterminant en géographie de la
santé ; son rôle ayant été analysé par de nombreux auteurs. Dès 1958, le
Docteur J. Gaud insistait sur ce problème épidémiologique selon lequel "la
concentration humaine, corollaire bien souvent de la mise en valeur du pays
peut augmenter considérablement la fréquence locale des bilharzioses".
Sans entrer dans le détail de ces mécanismes, la forte pression de l'homme sur
l'eau multiplie le risque de contamination si des mesures d'hygiène ne sont pas
prises pour éviter la souillure de l'eau.
On voit là l'intérêt que présen~e une cartographie de l'évolution des densités de
population à pro~imité d'un axe comme le Gorom-Lampsar. Mais, en l'état
actuel, cette cartographie s'avère impossible étant dor:mé que la population ne
peut être rapportée à des surfaces administratives. Le seul indice susceptible
de compenser cette lacune est l'évaluation des densités de population par
hectare irrigué, déjà évoquée dans la partie méthodologique.
- Enfin, un recensement récent nous permettrait de faire le point sur l'évolution
de la population depuis 1989, date du dernier recensement, et de la comparer
à la récente extension des périmétres irrigués privés. Ce qui répondra à la
1I-
rI-
I1l'111l'1
.-
1·11II1·1II
1'11'111111'1111111·1·1·1·11
70
question suivante : l'extension récente des périmètres Irrigués dans l'axe
Gorom-Lampsar, depuis 1988-1989, a-t-elle eu un impact sur la dynamique du
peuplement?
Les seuls recensements récents, dont nous pouvons disposer, sont les
recensements administratifs réalisés, en principe, tous les ans. Ils nous
fourniraient tout au moins une estimation de l'évolution de la population durant
ces dernières années, compte tenu des nombreux biais qui les caractérisent, àcommencer par la sous-estimation.
111.2. Evolution des systèmes agraires et des systèmes d'élevage
111.2.1. Rappel des systèmes de production traditionnels avant les
aménagements
Traditionnellement, le delta vivait au rythme des crues du fleuve: eau douce de
juillet-août à novembre, puis remontée de la langue salée durant le reste de
l'année. La culture de décrue, telle qu'on la pratiquait dans la moyenne vallée,
n'était guère possiblë dans le delta. Après la crue, le niveau de l'eau ne
baissait que de 1 à 2 mètres, ne découvrant qu'un terrain étroit sur les pentes
du lit mineur (A Lericollais, 1972).
On pouvait distinguer deux grands systèmes de production dans notre zone
d'étude (J.Y. Jamin et J.F. Tourrand, 1986) (Fig. 7) :
- Le système peul associant l'élevage et quelques cultures pluviales lors des
transhumances dans le diéri.
- Le système wolof basé sur la pêche et l'agriculture, associant le Taak et les
cultures pluviales sur les sols sableux.
cés systèmes traditionnels, à forte spécialisation ethnique, ont été
profondément modifiés par le développement des aménagements.
Deux types de cultures se partageaient l'espace le long de l'axe Gorom
Lampsar:
- la culture de décrue sur le Taak
- la culture pluviale dans le diéri
71
Fig.? REPARTITION DES CULTURES PLUVIALES ETDES CULTURES DE TAAK
11111
• cultures pluviales occasionnelles
.. cultures pluviales jamais pratiquées
o cultures pluviales abandonnées
1111
0L....! K_M__-JIJO 1
j cu1tw"es de Taak
~
111111
D'après 1 Y. J.M.1IN et lF. TOURRAND, 1986. l-
I11
LESENDE
•
72
Les systèmes d'élevage traditionnels
Le delta avait une vocation essentiellement pastorale avant les
aménagements.
Le Taak est cette bande de terre sablo-limoneuse formant la berge des
marigots et que l'on peut apparenter au Falo de la moyenne vallée. Ce sont les
caractéristiques physiques qui déterminent ce type de culture.
diéri
2-3 km
cuvetteinondable
..
marigot
Taak
La disponibilité d'eau douce dans les marigots, protégés par les ouvrages
hydrauliques, a permis le développement d'une agriculture de décrue sur le
Taak, proche du jardinage. Traditionnellement, on y cultivait des espèces très
variées comme le manioc, le niébé, la patate douce, la tomate-cerise, le béref,
le bissap... Dans de nombreux endroits, le manioc, facile à commercialiser,
avait pris une place prépondérante dans ces systèmes de culture. Dans
certains villages ( Mbarigot, Savoigne-Pionnier, Mboltogne, Ndiaye, par
exemple ), on tentait même la culture du riz qui se développait avec les
premières pluies; l'arrivée de la crue assurant ensuite le développement de la
plante. Les paysans bénéficiaient en général d'un encadrement par l'O.A.D.
(Organisation Autonome du Delta).
La culture de Taak était très répandue entre Makhana et Diagambal.
Les cultures pluviales concernaient les paysans qui avaient un accès direct
aux terres du diéri. Il s'agissait du Lampsar aval, de Makhana à Ross-Séthio.
On y cultivait le mil, l'arachide, le niébé, le manioc, ... Comme nous l'avons
expliqué plus haut, les villages Wolof qui en avaient la possibilité se sont peu àpeu tournés vers le Taak et la riziculture lorsque le pluvial est devenu moins
intéressant.
1~I
11111111'111:-.'
1·11·1,11 -,
111
73
Pendant la saison des pluies, les cuvettes étaient inondées par la crue du
fleuve. A l'exondation, ces dépressions fournissaient d'excellents pâturages
pour les troupeaux des éleveurs peuls qui résidaient dans le delta en saison
sèche (les maures étaient concentrés plutôt au nord et à l'ouest du delta).
Au début de la saison des pluies, les éleveurs transhumaient avec leurs
troupeaux vers le sud, dans le diéri, qui les menaient jusque dans le Sine
Saloum. Puis, au début de la saison sèche chaude, les troupeaux exploitaient à
nouveau les cuvettes.
Les mouvements de transhumance, qui déterminaient un type de parcours,
rythmaient ainsi l'année.
Ils s'agissait d'un élevage extensif basé sur l'exploitation des parcours naturels.
Traditionnellement, les Wolofs confiaient leur bétail aux Peuls.
111I-
I1111111
_.
1111·11111
- ... - - - - - - - - - - _. -Fig.a.
EVOLUTION DES SUPERFICIES AMENAGEES
POUR LA CULTURE IRRIGUEE
1978 -1989
(Axe Gorom-L.lmpur)
, ..h
-.. ~,1,,
IBIIDI
1:-:,;,;1 rlllMllIl1 umm Il 1111
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CUII Il 111111 lU : Ullurrl
JUil 1111
75
111.2.2. L'extension des périmètres irrigués avec les aménagements hydro
agricoles (Fig. 8)
A partir de cette carte, nous avons mesuré les superficies aménagées pour la
riziculture et obtenons les résultats suivants:
- En 1978, les grands aménagements S.AE.D. couvrent une superficie
d'environ 3.780 hectares à Boundoum
2.666 " à Te/lei - Grande Digue - Kassak
525 " à Savoigne.
Les périmètres irrigués des agro-industries de la S.a.C.AS. (Société des
Conserveries Alimentaires du Sénégal) et de la S. N.T.1. (Société Nationale des
Tomates Industrielles), à Savoigne, couvrent environ 300 hectares en irrigation
par aspersion. La tomate y occupe une place importante.
Au total, plus de 7.000 hectares de cultures irriguées se répartissent notre
secteur en 1978.
- En 1989, les périmètres irrigués se sont largement étendus de part et d'autre
des marigots, pour atteindre une superficie totale d'environ 21.360 hectares,
soit trois fois plus qu'en 1978.
La vocation agricole du delta, avec la riziculture, s'est vraiment affirmée durant
cette période.
Au niveau du Lampsar amont, ce sont les grands aménagements qui ont été
privïlégiés jusqu'en 1985, alors que le Lampsar aval a plutôt assisté à une
multiplication des P.I.V. (Périmètres Irrigués Villageois). Quant aux périmètres
irrigués privés, ils commencent à s'étendre aux marges des périmètres
S.AE.D. L'extension des périmètres irrigués s'est encore accélérée ces
dernières années grâce à l'intervention des G.1. E. (Groupements d'Intérêt
Economique) et des Communautés Rurales (voir p. 81).
Avant d'approfondir cette question, il nous faut préc::iser l'évolution des autres
systèmes de culture consécutivement à la mise en place des aménagements
hydro-agricoles (cf Fig. 7, p.70).
La culture de Taak a survécu aux aménagements, bien que ceux-ci aient
empiété sur les terres de Taak, et a même connu un nouveau développement
grâce au meilleur contrôle de l'eau qu'ils ont apporté.
Avec le développement de la riziculture, certaines terres de Taak se sont
retrouvées incluses dans les aménagements, d'autres ont été isolées dans des
zones réservées au drainage. La nouvelle maîtrise de l'eau, acquise grâce au
111111111111111111
~~ .
111
1,11'1111111'111111...~ ....
·11r ~'I
11·1
76
pompage, a permis une évolution des cultures de Taak le long du Gorom
Lampsar vers une irrigation manuelle ou à partir de petites pompes (comme
par exemple les pompes à pédales), reliées aux marigots ou aux canaux
S.A.E.D. D'après nos observations, les cultures maraîchères de Taak
occupent tous les terrains propices à leur développement, que ce soit en
bordure de marigot ou dans des parcelles spécialement aménagées. L'esprit
d'initiative et les occasions ne manquent pas, et ils apparaissent parfois là où
on ne les attend pas forcément. Ainsi, à Savoigne-Peul, maraîchage et
jardinage sont habilement gérés, à côté de la riziculture, grâce aux actions
menées par un jeune du village, ayant suivi une formation à l'Ecole
d'horticulture de Saint Louis. Les espaces agricoles sont rentabilisés au
maximum par une ethnie dont la vocation originelle se trouve plutôt dans
l'élevage.
Les opérations de ce type ne manquent pas, surtout entre Makhana et Ndiaye.
J. Y. Jamin et al. (1986) ont constaté que les besoins monétaires et le
développement des associations féminines, dont certaines ont pour activité
principale le maraîchage, ont introduit quelques légumes tempérés, à côté des
légumes tropicaux, qui sont recherchés sur les marchés urbains ou vendus aux
agro-industries : tomate de table, chou, navet, carotte, oignon, ...
La conséquence en a été, pour la S.a.C.A.S., une nette réduction de ses
superficies cultivées, en tomates surtout, passant de 300 hectares à environ 60
hectares. Il ne subsiste actuellement que deux parcelles sur pivot. Ce sont
désormais les paysans, cultivant leurs petites parcelles, qui fournissent
l'essentiel de la production à la S.a.C.AS. ( Communication orale de M.
Finnois, directeur de la S.a.C.AS.).
A l'heure actuelle, il y a très peu de données relatives aux superficies cultivées
en maraîchage, étant donné qu'elles ne sont pas encadrées par la S.A E.D.
Les cultures pluviales, quant à elles, connaissent un déclin marqué depuis le
début des années 1970 d'après la 'plupart des paysans, ce qui correspond avec
la diminution de la pluviosité. Quelques paysans affirment que la baisse des
précipitations s'est fait sentir plutôt dans les années 1955 - 1960, ce qui n'est
pas incompatible avec les données pluviométriques que nous avons pu
recueillir. (Doc.10)
Doc. 10 EVOLUTION DE QUELQUES CULTURES PLUVIALES DANSL'ARRONDISSEMENT DE ROSS-BETHIO
11f1"
11111111111111
f •
111
77
Source: mspecrion Régionale de l'Agriculture
NIEBE ARAOiIDE
2500 2SOO
2000 2000
1500 1500ha ha
1000 1000
500 500
0 01967 1975 1980 1981 1982 1983 19S-4 1985 1967 1975 1980 1981 1982 1983 199..c 1985
années années
MIL8EREF
100001200
8000 10006000 800
ha h... 6004000
2000«lO
2000 0
1967 1975 19S0 1981 1982 198"3 1sa.4 1985 1967 1975 1980 1981 1982 1983 1~ 1985
années années
1,11111111111111111i ~ ...
111
78
L'Inspection Régionale de l'Agriculture effectue des sondages pour le recueil
de ce type de données sur la base de divisions administratives (les
arrondissements) qui ne correspondent pas exactement avec notre zone
d'étude. Cependant, leurs résultats peuvent être utilisés à titre d'indicateur
quant à l'évolution 'des cultures pluviales dans l'axe Gorom-Lampsar ; notre
secteur s'inscrivant en presque totalité dans l'arrondissement de Ross-Séthio.
La dernière année, la plus souvent citée par les paysans, pour laquelle la
production a encore été satisfaisante depuis le début de la sècheresse, est
1987, ce qui est cohérent avec la pluviométrie.
On ne peut pas se fier aux photographies aériennes pour évaluer l'étendue de
ces cultures étant donné que les limites des parcelles, matérialisées par des
haies d'épineux, ne correspondent pas en réalité avec les limites des surfaces
actuellement cultivées. Celles-ci sont très variables d'une année à l'autre et
difficilement quantifiables.
Aujourd'hui, on continue ce type de culture lorsque la pluviosité est favorable.
On préfère le niébé et le béref, plantes très peu exigeantes en eau, et qui
arrivent tant bien que mal à produire un peu si l'année n'est pas trop
catastrophique. Le mil et l'arachide sont de moins en moins tentés.
L'extension des périmètres irrigués, avec les aménagements, ont modifié les
systèmes traditionnels d'élevage.
Les pâturages de décrue dans les cuvettes ont vu leur surface s'amenuiser. Le
, long de l'axe du Lampsar, la carte de l'évolution des périmètres irrigués (1978
1989) montre bien que pratiquement toutes les cuvettes ont été aménagées.
Même pour celles qui ne le sont pas, ou pas encore, l'écoulement des eaux de
crue étant contrôlé par la digue et les ouvrages, l'inondation ne peut plus se
faire, d'où une diminution de la productivité des pâturages de décrue
correspondants.
De plus, les aménagements, surtout avec l'explosion des petits périmètres
privés, ont été conçus sans tenir compte des zones de parcours à réserver
pour le bétail, ce qui contribue encore à réduire la place qu'elles tenaient
autrefois.
Enfin. ces problèmes se sont encore accentués avec la sécheresse, la
productivité des parcours de diéri ayant fortement diminué.
D'après nos observations, les systèmes d'élevage actuels sont de deux types:
- L'élevage transhumant lorsque le cheptel est important et que les sous-
79
produits issus de la riziculture ne suffisent pas à subvenir à ses besoins
alimentaires.
Les troupeaux partent en transhumance durant l'hivernage et la saison sèche
froide en suivant généralement le parcours suivant : lac de Guiers - Keur
Momar Sarr - Sine Saloum. Puis, leur retour dans le delta survient en fin de
saison froide, vers février - mars, pour être conduits sur les casiers rizicoles.
Les peuls sont toujours spécialisés dans cette activité.
Parmi les villages enquêtés, sont concernés par l'élevage transhumant
Raynabé l, Ross-Béthio, Savoigne Peul, Ndiaye et Boundoum - Barrage.
- L'élevage "villageois" est apparu plus récemment.
Soit le bétail reste à proximité des concessions, disposant des sous-produits
rizicoles et maraîchers (paille de riz, son et farine de riz, adventices, fanes
diverses). " s'agit en général du petit bétail (ovin et caprin), en nombre limité.
Soit il est amené sur les parcelles irriguées en fin de récolte et, si possible,
dans le proche diéri en année pluviométrique "normale" (entre 250 et 300 mm)
pour exploiter les parcours naturels.
Nous avons rencontré ce type d'élevage dans la majeure partie des villages
enquêtés : Makhana, Ndialam, Mbarigot, Lampsar, Mboltogne, Mbeurbeuf,
Kassak nord, Kassak sud et Boundoum-Barrage.
Il s'agit d'un élevage parfaitement adapté à l'environnement actuel du delta.
Avec l'extension probable des périmètres irrigués au cours des proch~3Înes
années, ce type d'élevage intégré devrait se développer.
111.2.3. De l'ère des grands aménagements à l'ère des petits périmètres
irrigués, de l'irrigation communautaire à l'irrigation privée
La carte de l'évolution des superficies aménagées pour la culture irriguée
révèle une extension considérable des périmètres irrigués entre 1978 et
1989. En même temps que la riziculture gagnait du terrain, on passait
progressivement des parcelles géantes aux micro-parcelles avec l'intervention
d'acteurs différents sur le foncier.
Le document ci-dessous illustre cette évolution pour la Délégation de Dagana
dont les 2/3 de la superficie se situent dans notre zone d'étude avec les
périmètres de Boundoum, Grande Digue - Tellel - Kassak et Lampsar. (Doc.
11)
1111111111J11111l'
1~~.
1:p .•
111
Source: S.A.E.D.
80
Doc 11
19921991199019891988198719861985
EVOLUTION DES SUPERFICIESIRRIGlIEES PARTYPES D'AMENAGEMENTS DANS LA DELEGATION
DE DAGANA
1984
• Grands 0 Aménagements 0 Périmètres irrigués mPérimètres irriguésaménagements intermédiaires villageois privés
o
5000
10000
30000
35000
25000
20000Ha
15000
1~I
11'111111'1111111,1
Î1·1
81
Nous aborderons ici les questions relatives aux différents types de périmètres
et aux acteurs concernés, l'évolution des aménagements hydro-agricoles
proprement dits ayant été abordée dans la première partie.
- Les grands périmètres classiques sont gérés par la S.A.E.D. qui contrôle à
l'origine toutes les étapes de la production, en plus de l'accès au foncier
(aménagements, prestations mécanisées, fournitures d'intrants, crédit, conseil,
commercialisation ""),
Ils sont de taille importante, de l'ordre de 500 à 1.000 hectares, avec une ou
deux stations de pompage électrifiées. Ces grands périmètres sont dotés
d'aménagements tertiaires. Ils s'étendent surtout en amont de Ross-Béthio.
Exemples: Boundoum, Grande Digue - Tellel - Kassak qui couvrent un peu
plus de 5.000 hectares en 1992.
Leur mise en valeur est communautaire, les paysans étant regroupés dans des
coopératives ou des sections villageoises.
Cependant, les grands périmètres présentent des inconvénients majeurs, à
commencer par le coût élevé et la forte technicité qu'exige leur exploitation.
Ceci explique que leur extension stagne depuis 1985. Actuellement, ils sont
réhabités par la S.A.E.D. en vue de les céder à des producteurs privés. Ainsi, il
s'opère un changem.ent de statut pour les périmètres gèrés par la S.A.E.D.,
ceux-ci étant progressivement privatisés au fur et à mesure du désengagement
de l'Etat (voir ci-dessous).
En aval de Ross-Béthio, on trouve de grands périmètres à parcelles dispersées
groupées en unités autonomes de l'ordre de 200 hectares. Au total, ils couvrent
environ 2.300 hectares dans ce secteur.
- Les périmètres irrigués villageois (P.I.V.) sont créés à partir de 1974 par la
S.A.E.D. afin de répondre à un besoin d'urgence après les sécheresses
prononcées des années 1970.
Rapidement aménageables, ces périmètres ont une superficie réduite, entre
20 et 30 hectares. La S.A.E.D. intervient moins en ne fournissant que les
intrants (engrais, pesticides, ... ). Les paysans disposent d'une réelle autonomie
pour gérer l'eau, la terre et organiser la production.
Dans notre zone, les P.I.V. couvraient en 1992 environ 1.426 hectares. Comme
les grands périmètres, leur superficie semble stagner depuis quelques années.
Ceci est à mettre en relation avec la politique de la S.A. E. D.
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Jusqu'au début des années 1980, la majorité des aménagements est sous
tutelle de la S.A.E.D., organisme public que certains considèrent comme
dirigiste et en contradiction avec la réalité du développement à la base, avec
une participation effective des producteurs réduite.
Cet interventionnisme poussé a entraîné des charges de plus. en plus
importantes pour l'Etat et un déficit chronique de la société. 60 % de ce déficit
provient des subventions (prix protégés pour le riz) et la fonction de crédit (A
Lericollais, 1986).
Face à cette situation, dans le cadre d'une Nouvelle Politique Agricole (N.P.A),
le gouvernement décide de procéder au désengagement de la S.A.E.O. en
1984.
Un ensemble de mesures institutionnelles contribuent alors à bouleverser le
système foncier:
- La S.A.E.D. passe au transfert progressif de certaines de ses fonctions, au
profit des producteurs organisés et du secteur privé.
C'est ainsi que I·es fonctions de fournisseur d'intrants et de prestataire de
services mécanisés (aménagement, travail du sol, récolte, battage) sont
privatisées.
- La loi 84-37, instituant la création des G.I.E. (Groupements' d'Intérêt
Economique), permet aux organisations paysannes sans statut d'avoir une
reconnaissance officielle leur facilitant l'accès au foncier et au crédit.
- Cette dernière fonction est assurée depuis 1987 par la C.N.C.AS. (Caisse
Nationale de Crédit Agricole du Sénégal).
- Enfin, en 1987, s'opère la mutation des zones pionnières du delta sous
l'autorité de la S.A.E.D., en zone des terroirs dépendant dès cet instant des
Conseils ruraux émanant des Communautés Rurales. Depuis 1987 donc, les
producteurs s'adressent à ces dernières pour l'accès au foncier, celui-ci étant
assuré à partir du moment où l'on s'engage à cultiver la terre.
C'est la conjugaison de tous ces facteurs qui explique l'extension des
périmètres privés dans notre secteur, surtout à partir de 1989, extension ayant
largement profité du transfert des grands périmètres S.A.E.D. au secteur privé.
- Les petits périmètres irrigués privés: les premiers apparaissent avec les
années de sècheresse, vers 1972 - 1973, avec les Foyers de Jeunes cultivant
des surfaces réduites, de 1 à 10 hectares. Mais comme le révèle le document
11, la multiplication des périmètres irrigués privés intervient en 1989. Couvrant
.de petites surfaces, de l'ordre de 1 à 2 hectares, ils sont pour la plupart gérés
83
par des G.I.E. On passe de 52 G.I.E. en 1986 à 1.165 en 1989 dans l'ensemble
du delta (P.Y. Le Gal, 1990). Ils sont composés de quelques particuliers, de
familles ou d'associations.
Cette évolution n'a pas profité uniquement au paysans autochtones du delta.
Des néo-ruraux sont venus s'y installer, attirés par les possibilités de gains :
jeunes diplômés, anciens fonctionnaires, commerçants, marabouts, ... Le delta
a alors assisté à une course à la terre, souvent mal contrôlée par les
Communautés Rurales.
On assiste ainsi à un "piratage" des aménagements S.A.E.D., les paysans
reliant les groupes moto-pompes au canaux d'irrigation, voire aux canaux de
drainage, pour l'approvisionnement en eau.
Dans notre zone d'étude, les superficies couvertes par les périmètres irrigués
privés s'élevaient à 16.194 hectares en 1992, ce qui représente 65 % de
l'ensemble des surfaces aménagées, contre seulement 6 % en 1988. (Doc. 12)
Dans l'ensemble, le désengagement de la S.A.E.D., la gestion des zones des
terroirs par les Communautés Rurales et la multiplication des G.I. E. ont
entraîné une privatisation et un morcellement du foncier
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Doc. 12EVOLUTION DES SUPERFICIES AMENAGEES
PAR TYPE D'AMENAGEMENT ET PAR PERIMETRE
Superficies aménagées par type d'aménaoement (Ha) .. ::..... :';:::.,::...,....,.,:.:::,....,.,:
Grands aménaoements Périmètres irrigués privés Périmetres irriout}s pn'vés (hors S.A.E.D.J
Pêrimètffis"(..
1990 1992 1990 1992 1990 1992.. ;:':.:::"
BOUNDOUM 2338,09 2427,09 573,93 660,1 8172,1 8344,71GRANDE DIGUE-TELLEL - KASSAK 2508,45 2648,88 140 140 5062,53 5326,62
LAMPSAR 2308,65 2308,65 606,45 626,45 2336,96 2522,67Total 7155,19 7384,62 1320,38 1426,55 15571,59 16194
Source: S.A.E.D.
85
CRITIQUE DES RESlILTATS
- La photo-interprétation permet d'identifier les périmètres aménagés pour
l'irrigation de manière très satisfaisante. La carte qui en résulte met en
évidence leur extension. De ce point de vue, le recours à cet outil nous parait
donc tout à fait justifié.
Cependant, les casiers réellement exploités par rapport à ceux abandonnés se
distinguent mal. Mais finalement, leur identification est-elle vraiment
nécessaire, compte tenu du caractère irrégulier de leur mise en valeur, d'une
année à l'autre? Ce qui nous importe, c'est j'ensemble des terres aménagées
par rapport à celles qui restent encore à l'état "naturel".
- L'évolution inter-annuelle des superficies irriguées par type d'aménagement,
depuis 1984, a été appréhendée à l'échelle de la Délégation de Dagana
puisque nous ne disposions pas de données équivalentes pour les périmètres
correspondant strictement au cadre de notre zone d'étude. Cependant, les
périmètres qui nous concernent, à savoir Boundoum, Grande Digue - Tellel
Kassak et Lampsar couvrent les 2/3 de la totalité des superficies irriguées de la
Délégation de Dagana, comme il a été dit dans la partie méthodologique. Ainsi,
l'évolution observée pour l'ensemble de la Délégation nous a semblé refléter
celle des périmètres de l'axe Gorom Lampsar, à l'exception des aménagements
intermédiaires absents dans ce secteur.
- La succession des aménagements dans le temps, le passage des grands
aménagements aux petits périmètres, n'ont été étudiés qu'à partir de 1984
faute de données plus anciennes. Cette date peut paraître trop récente,
cependant il faut rappeler que durant la période antérieure, ce sont
essentiellement les grands périmètres qui ont eu la préférence des
aménageurs. Ce n'est qu'au début des années 1980 que l'on envisage des
périmètres de taille plus réduite.
1984 semble donc marquer le début d'une nouvelle période en matière
d'aménagements.
- Dans notre étude, nous avons abordé les superficies irriguées à l'échelle du
périmètre. Or, il serait intéressant d'affiner nos recherches en passant à
l'échelle de la parcelle afin d'évaluer les aménagements dont elle dispose (type
de canaux) et leur entretien ; ceci dans le but de mieux cerner les relations
homme-eau, paramètre déterminant dans la diffusion de la bilharziose.
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Evidemment, ces investigations n'auraient d'intérêt "que si les canaux étaient
infestés de mollusques hôtes-intermédiaires de cette parasitose, ce qui
suppose une enquête malacologique préalable au niveau de ces sites
potentiels de transmission.
111.3. Transformation du couvert végétal
Nous ferons la distinction entre, d'une part la végétation des zones alluviales
et des dunes, d'autre part la végétation aquatique des marigots. Il semble
que les grands changements tant sur le plan quantitatif que qualitatif ne soient
pas intervenus au même moment. Ils se situeraient au début des années 1970
pour le premier type et à partir de 1986 pour le second.
111.3.1. Evolution de la végétation terrestre
Hormis les dépressions dans lesquelles les rizières ont remplacé toute espèce
végétale pré-existante, les superficies occupées par la végétation sur les
reliefs dunaires comme dans les zones alluviales sont semblablement
identiques entre 1978 et 1989.
C'est ce qu'atteste la photo-interprétation qui nous a permis de repérer les
contours du couvert végétal entre les deux dates.
On peut remarquer des différences de densité avec une réduction du
peuplement végétal sur la période 1954 - 1989.
Malheureusement, même en stéréoscopie , il ne nous a pas été possible
d'évaluer la densité du couvert végétal, l'échelle des photographies aériennes
étant trop petite.
Les témoignages recueillis auprès des populations enquêtées confirment tous
une très nette diminution de la densité du couvert végétal avec comme période
de départ celle qui correspond au début de la sécheresse, dans les années
1970. Certains se souviennent d'un Il tapis herbacé dense et continu dont la
hauteur atteignait la taille ".
Sur les dunes stables de la rive gauche du Lampsar occupée par une steppe
arborée et arbustive, la strate ligneuse ne couvrirait que 1 à 3 % du sol (USAID
1 DAT, 1986).
Le corollaire de cette dégradation quantitative a été un appauvrissement des
espèces végétales.
87
Sur les dunes rouges ogoliennes, occupées actuellement par une steppe
arborée à arbustive, l'espèce dominante est Acacia raddiana à laquelle est
associée Euphorbia ba/samifera et Balanites aegyptiaca. De nombreuses
espèces ont disparu ou ne subsistent qu'à l'état de reliques dont : Grévia
bicolor, Commiphora africana, Acacia albida, Guiera senegalensis, Acacia
senegal, ou encore les baobabs.
Les terrains sablo-Iimoneux ou argileux sont plus ou moins salés. Ils ne portent
qu'une maigre steppe à halophytes à peuplement très ouvert.
Dans les cuvettes de décantation du delta, lorsqu'elles n'ont pas encore été
occupées par les cultures agricoles comme c'est le cas pour celles qui bordent
immédiatement le Lampsar, on trouve encore quelques rares Acacia nilotica,
Acacia seyal ou Tamarix sénégalensis... qui se développent en bosquets
dispersés. C'est surtout un semis d'épineux lâches qui se maintient.
Quant à la mangrove, qui subsiste encore dans les zones marécageuses de
Dakar- Bango où le Lampsar rencontre le fleuve Sénégal, elle a totalement
disparu en amont où sa présence a été attestée par plusieurs témoignages
jusqu'à Savoigne.
111.3.2. Evolution de la végétation aquatique (Fig. 9)
Du point de vue de la densité, elle suit une évolution contraire à la végétation
terrestre puisque l'on assiste à un envahissement des marigots par
différentes epèces depuis la mise en service du barrage de Diama en 1986.
Celui-ci, en stoppant définitivement l'intrusion des eaux salées en aval, a
profondément bouleversé les paysages floristiques aquatiques qui ont vu
apparaître des espèces nouvelles comme la prairie flottante à Pistia (" laitue
d'eau "), les Typhaies (grandes herbes d'un vert foncé qui forment par endroits
~e "véritables jungles aquatiques ou marécageuses" de plus de 4 mètres de
haut). les fougères aquatiques (Azola), les graminées aquatiques et les
roseaux.
Ce phénomène, qui provoque un effet d'étouffement par les algues et les
organismes aquatiques, réduit la superficie des plans d'eau en même temps
que les populations de poissons et leur productivité.
Les eaux saumâtres sont beaucoup plus productives que les eaux douces en
Afrique ( S.A.E.D., 1993 ). En revanche, la présence d'eau douce et d'une
végétation aquatique relativement abondante constitue un milieu favorable à
l'installation des mollusques hôtes-intermédiaires de la bilharziose, dans la
mesure où la végétation leur sert à la fois de support et de nourriture. Cet
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envahissement de la végétation est perceptible partout, en particulier en amont
de Ross-Béthio, notamment au niveau du Kassak et du Gorom où ce
phénomène est le plus préoccupant.
A certains endroits, là où le lit se resserre et devient plus sinueux, le couvert
végétal est tellement dense qu'on ne distingue plus la surface de l'eau.
Depuis 1992, à l'initiative de la .S.A.E.D., des curages sont effectués dans le
trançon Boundoum-Ronq, à l'aide de bateaux-faucardeurs. Les paysans eux
mêmes sont mis à contribution en effectuant un désherbage manuel. Ils sont
rémunérés par la S.A.E.D. Mais ces opérations restent le plus souvent
ponctuelles pour le moment et la végétation ne tarde pas à s'imposer lorsque le
suivi des travaux n'est pas assuré. D'après Massogui Gueye (Hydrologue à la
S.A.E.D. Communication orale), la S.A.E.D. prévoit un entretien régulier des
marigots et une extension à d'autres tronçons à partir de 1994.
Bien que préoccupant, ce problème est moins aigu en aval de Ndiol, sans
doute grâce au lessivage et au remplissage à partir de Saint Louis, lorsque
l'eau douce du fleuve atteint ce secteur vers le mois d'août (voir p.26r
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111
• Kassalc nord
• Kassak nord
Source: Phot. aériennes 1978 et 1989
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PROGRESSION DE LA VEGETATION AQUATIQUE1978 - 1989
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111.3.3. Le poids des aménagements...et des autres facteurs
Les aménagements ont eu leur part de responsabilité dans les modifications
subies par la flore du delta:
- La digue de ceinture réalisée en 1964, en provoquant un isolement
hydraulique des crues du fleuve, a privé les zones basses de l'eau et des
limons qui assuraient la régénération de la végétation. La réduction des
pâturages a été accentuée par le fait que les aménagements hydro-agricoles
ont occupé la plupart des cuvettes.
- Les multiples ouvrages qui barrent le lit des marigots ont provoqué un
ralentissement considérable de l'écoulement, favorisant la fixation des racines
et l'envahissement progressif par la végétation aquatique dans des eaux
parfois stagnantes. Les eaux de drainage déversées dans l'axe Gorom
Lampsar sont chargées en phosphates, entraînant ainsi une eutrofication du
milieu et la prolifération des espèces végétales.
Cette évolution s'est encore amplifiée sous l'effet de la mise en service du
barrage de Diama, assurant ulle alimentation en eau douce pendant toute
l'année dans tous les trançons de l'axe.
Ces aménagements ne doivent cependant pas masquer d'autres facteurs, non
moins importants, intervenant dans la dynamique du couvert végétal:
- La végétation terrestre souffre de la sécheresse persistante du climat et ce
depuis plus de 20 ans maintenant. La faiblesse de la pluviosité, certaines
années, ne permet même pas l'installation d'un tapis herbacé sur le diéri.
Comme les ligneux ne sont pas assez nombreux, les effets des vents
desséchants et des tempêtes de sable sont d'autant plus violents et renforcent
encore l'aridité du climat.
Le stress hydrique, la dégénérescence de la couverture herbacée, le passage
.progressif des arbres aux fourrés et aux plantes xérophiles sont autant
d'indicateurs d'une dégradation de la végétation terrestre.
- Les déboisements et les feux de brousse ont largement contribué à
l'appauvrissement du couvert végétal. Ils touchent aussi bien la strate
arbustive et arborée que la strate herbacée. P. Ndiaye, biogéographe, estime
que la surexploitation, peut être davantage que la sécheresse, doit être mise
en cause dans les fortes réductions du peuplement végétal (communication
orale).
Avant la période de sécheresse actuelle, certaines espèces étaient
particulièrement recherchées pour le bois de feu, le charbon de bois ou le bois
91
d'oeuvre : Acacia albida, Acacia seya/, Acacia sénégal, Combretum
glutinosum,... En outre, les branchages d'épineux étaient coupés pour
l'édification d'enclos de parcage du bétail ou de protection des cultures
pluviales.
- Enfin, les dégâts occasionnés par le surpâturage sont considérables. Les
nombreux troupeaux de bovins, de caprins et d'ovins du delta qui, en
convergeant au cours de leur transhumance vers les forages, ont éliminé toute
végétation par leur piétinement. Les chêvres ajoutent encore à la destruction
de la couverture végétale en broutant les jeunes pousses des ligneux.
CRITIQUES DES RESULTATS
- Les photo-aériennes au 1I50.000éme ne sont pas satifaisantes pour
l'évaluation de la densité de la couverture arborée. Toutefois, il est possible de
l'estimer à partir d'agrandissements des photographies de 1954, 1978 et 1989 ;
le 1/10.000ème nous semble être une échelle tout à fait acceptable.
On délimite sur la photographie de 1954 une surface d'un hectare ou plus sur
laquelle on effectuera un comptage des arbres pour en déduire une densité de
peuplement végétal à l'hectare. L'o'pération est ensuite renouvellée sur les
autres photographies aériennes, 1978 et 1989, en prenant soin de repérer
exactement la même surface de référence.
La zone ciblée doit être représentative de l'ensemble d'une formation végétale,
en prenant soin de choisir un secteur en zone alluviale et un autre sur les
dunes.
On aboutira ainsi à une estimation de l'évolution de la densité végétale.
- En ce qui concerne la végétation aquatique, sa progression dans le temps est
difficilement quantifiable, d'é!utant qu'il existe encore peu de données à ce
sujet, la gêne qu'~lIe provoque étant récente.
La cartographie de l'occupation du sol dans le secteur de Baridiam, pour les
années 1954, 1978 et 1989, offre une synthèse de l'évolution de
l'environnement, dans une zone représentative du Lampsar aval. (Fig. 10)
Réalisée à partir de la photo-interprétation, elle met en évidence:
- la densification du peuplement le long du marigot;
- l'extension des périmètres aménagés pour la culture irriguée qui s'installent
dans les zones inondées des cuvettes;
- la diminution du couvert végétal;
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- les parcelles de culture pluviale dans le diéri, quant à elles, sont délimitées
par des traits discontinus, compte tenu du caractère aléatoire de leur mise en
valeur.
Fig.1093
EVOLUTION DE L'OCCUPATION DU SOL1954 ·1978 • 1989
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94
TYPOLOGIE
Pour conclure cette partie, nous proposons une typologie qui reprend
l'essentiel des résultats en replaçant notre thématique dans le cadre d'une
étude régionale•
Deux zones homogènes ont été identifiées en tenant compte du peuplement,
des systèmes agraires et des systèmes d'élevage et de la végétation: le
Lampsar amont et le Lampsar aval.
1. Lampsar amont - Gorom (Kassak nord - Ross Béthio )
- C'est la zone des vastes zones dépressionnaires séparées par des levées
fluvio-deltaïques et couvertes par un semis d'épineux; les terres de diéri sont
absentes.
- Le peuplement est récent, en majorité allochtone et regroupé dans des
villages de colonisation issus de la politique d'aménagement mise en place par
l'Etat sénégalais, dans les années 1960, dans le but de valoriser le delta
(Boundoum, Kassak)
- Ces villages sont tous localisés au centre des grands périmètres classiques
aménagés par la S.A.E.D. et bénéficient souvent d'équipements sophistiqués
(stations de pompage, canaux distincts de drainage, parcelles planées, ... ). Il
s'agit des périmètres de Boundoum et Tel/el - Grande Digue - Kassak. Les
petits périmètres privés se sont multipliés dans cette zone, sur les marges des
précédents.
- Les éleveurs pratiquent la transhumance occasionnellement, en année
pluvieuse ; le plus souvent les troupeaux sont conduits sur les parcelles
irriguées où ils consomment les sous-produits de la riziculture.
- Pour le Gorom amont et le Kassak surtout, le lit des marigots, étroit et
sinueux, avec un écoulement très lent voire inexistant, est largement envahi
par la végétation aquatique.
2..Lampsar aval (Ross Béthio - Makhana)
- C'est la zone de contact cuvettes - diéri, où les dunes sont couvertes par une
steppe arborée ou arbustive.
- Les vil/ages de peuplement ancien sont égrénés le long de la RN 2 qui longe
le marigot du Lampsar jusqu'à Ross-Béthio. Cet axe a attiré de nombreux
villages depuis le diéri jusqu'au bord des cuvettes.
95
- On y trouve plusieurs casiers de 100 à 200 hectares, aménagés par la
S.A.E.D., de taille plus réduite, dans l'ensemble, que les grands
aménagements classiques localisés en amont. Il faut y ajouter les nombreux
périmètres irrigués privés aux équipements sommaires, prélevant quelquefois
l'eau des grands "aménagements S.A.E.D. : Lampsar, Savoigne, Ndiol,
Ndiaye, ...
- L'élevage est plutôt de type "villageois", le petit bétail restant à proximité des
concessions, le reste du cheptel divaguant dans les casiers rizicoles après les
récoltes. Toutefois, les plus gros troupeaux pratiquent encore la transhumance,
notamment ceux de Ross-Béthio et de quelques villages alentours.
- Dans le tronçon Makhana - Ndiol, où le lit du Lampsar est plus large qu'en
amont et les méandres plus lâches, des lâchers d'eau sont effectués une fois
par an d'aval en amont. Ce qui explique sans doute que la végétation
aquatique y soit moins dense qu'en amont.
Le gros bourg de Ross-Béthio marque la transition entre les deux zones.
D'implantation ancienne, son peuplement a été renforcé surtout par la
sédentarisation des peuls et la migration diéri - marigot. Pour le reste, ses
caractères sont communs à ceux évoqués à propos des deux autres secteurs.
Dans le cadre d'une étude de géographie de la santé, il serait intéressant de
vérifier si les deux zones individualisées dans l'axe Gorom-Lampsar
correspondent à des faciès épidémiologiques différenciés.
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96
CONCLUSION
Au terme de cette étude, plusieurs remarques s'imposent quant aux résultats.
D'une manière générale, l'évolution de l'environnement dans l'axe Gorom
Lampsar ne s'apprécie pas uniquement d'un point de vue purement quantitatif.
Même si nous disposons de données chiffrées nous permettant d'évaluer
l'évolution des superficies aménagées pour l'irrigation, ou encore celle de la
population, les transformations qualitatives induites par les aménagements
hydro-agricoles, tels que les bouleversements des équilibres écologiques et
des milieux de vie, n'en restent pas moins significatifs par leur ampleur.
En l'espace d'une trentaine d'années environ, nous sommes passés, dans
le secteur étudié, d'un milieu que l'on pouvait qualifier autrefois de
"naturel", à un milieu artificialisé et c'est ce qui frappe, en premier lieu,
l'observateur extérieur.
Au début des années 1960, le centre du delta était une vaste zone de parcours
fréquentée par les pasteurs peuls surtout. Aujourd'hui, l'élevage transhumant a
dû laisser la place à l'agriculture, essentiellement l'agriculture irriguée. Les
cuvettes autrefois -inondées par la crue du fleuve se sont transformées en
périmètres aménagés pour la riziculture dont on contrôle l'alimentation en
eau, sur près de 25.000 hectares dans notre zone d'étude. L'extension des
surfaces en eau a été considérable.
La vocation initiale du delta a donc été profondément modifiée au niveau
même des activités des populations rurales. La spécialisation ethnique par
activités tend à s'effacer, les peuls se consacrant de plus en plus à l'agriculture
et les wolofs intégrant progressivement le bétail dans leur système de
production grâce aux sous-produits issus de la riziculture.
En plus de l'exploitation des parcelles rizicoles, les habitants de la région
étendent leurs activités agricoles en cultivant les terres de Taak sur les berges
des marigots. L'eau nécessaire à ce maraîchage est puisée dans ces derniers
ou directement dans les canaux d'irrigation, voire de drainage.
L'agriculture, et plus particulièrement l'agriculture irriguée, en prenant la
première place des activités, a drainé une masse importante de population à
proximité des points d'eau. Les besoins en eau s'étant encore accrus avec la
sécheresse. ce processus a eu tendance à s'amplifier.
97
L'axe Gorom-Larnpsar a été le siège d'une densification du peuplement
suivant deux logiques. La première est issue de la volonté des autorités
gouvernementales de valoriser le delta par les aménagements et l'installation
d'un peuplement allochtone ; d'où la création ex-nihilo des villages de
colonisation dans le Lampsar amont. La seconde est liée, d'une part à la
nécessité pour les habitants du diéri de se rapprocher des marigots pour leurs
besoins en eau, d'autre part leurs intérêts ont été guidés par la possibilité
d'accéder à la culture irriguée grâce à l'aménagement des cuvettes.
Les écosystèmes, eux aussi, ont été transformés : envahissement des
marigots par la végétation aquatique, diminution de la densité et de la diversité
des espèces arborées.
Toutes ces transformations sont dues évidemment aux aménagements hydro
agricoles dont le delta a été le lieu privilégié depuis l'époque coloniale et
surtout à partir des années 1960. En assurant la maîtrise des crues du fleuve,
l'arrêt des remontées salines à Diama et l'approvisionnement en eau des
cuvettes grâce aux divers systèmes de pompage et à la multiplication des
canaux, les aménagements ont radicalement transformé les paysages de l'axe
Gorom-Lampsar.
La présence de nombreux équipements lourds (tracteurs et moissonneuses
batteuses), le foisonnement des organisations paysannes et des
aménagements sommaires, dénotent l'existence d'une dynamique de
développement, originale par son intensité, son support social mais également
sa fragilité.
En effet, hier l'Etat, par l'intermédiaire du colonisateur puis des pouvoirs
publics sénégalais, était le seul instigateur et le maître d'oeuvre de l'irrigation
dans le but d'assurer l'autosuffisance alimentaire de la vallée du fleuve
Sénégal. Aujourd'hui, l'Etat se désengage de ce rôle tant les opérations
d'aménagement se sont avérées coûteuses. Même si les populations ne
manquent pas d'initiative pour aménager et exploiter de nouvelles terres, le
recul progressif de l'encadrement par la S.A.E.D. révèle parmi les paysans le
manque de formation, de maîtrise technique et de gestion. Les répercussions
s'en ressentent au niveau du foncier: des parcelles sont aménagées par des
privés, exploitées et souvent abandonnées faute de moyens techniques et
financiers. Plus tard, elles seront réhabilitées par de nouveaux producteurs.
L'avenir de l'agriculture irriguée et, plus généralement celui du delta, repose
sans doute sur la capacité des paysans à faire face au désengagement de
l'Etat.
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98
En ce qui concerne la méthodologie mise au point afin de mesurer l'impact
des aménagements hydro-agricoles sur l'évolution de l'environnement dans
l'axe Gorom-Lampsar, nous proposons de l'élargir à la télédétection.
Celle-ci autorise le suivi d'un phénomène évolutif dans le cadre d'une étude
diachronique en comparant des images satellitaires correspondant à diverses
dates d'enregistrement. En ce qui nous concerne, il s'agirait d'évaluer·
l'extension des périmètres irrigués afin d'établir une mise à jour des cartes
existantes, l'évolution de la végétation terrestre et aquatique....
L'objectif final est de cartographier l'évolution des paramètres évoqués en
superposant des images satellitaires recouvrant plusieurs dates.
Cette étude diachronique est soumise au respect de quelques conditions:
- Les deux images que l'on désire comparer doivent avoir la même géométrie,
ce qui suppose une correction géométrique de manière à ce qu'elles soient
superposables.
- Pour le suivi des surfaces couvertes pa~ la végétation, les cultures pluviales
et les cultures irriguées, seules des images ayant été enregistrées au cours de
la même saison permettent une comparaison inter-annuelle.
- L'évaluation de la densité de la couverture arborée suppose au préalable des
mesures sur le terrain.
Les méthodes les plus courantes et qui donnent de bons résultats en général
sont l'analyse en composantes principales ou la comparaison d'images
classées à partir d'un indice de végétation.
La résolution au sol des images SPOT (panchromatique eUou XS) permet une
bonne approche à l'echelle régionale.
Enfin, en articulant notre problématique autour des aménagements hydro
agricoles, nous nous sommes volontairement limitée à leurs seuls effets sur
l'environnement. Or, tous les bouleversements intervenus dans l'axe Gorom
Lampsar ne peuvent à l'évidence leur être imputés en totalité.
Les aménagements ne sont pas seuls en cause ët il faudrait y adjoindre le rôle
des facteurs bioclimatiques. En l'occurrence, la sécheresse a contribué à
décimer un certain nombre d'espèces végétales et à diminuer le taux de
couverture. Elle porte également sa part de responsabilité dans la
concentration de la population le long des marigots et le déclin de l'élevage.
Les populations ont donc su modifier leur éventail d'activités en fonction des
nouvelles données qui leur ont été proposées (aménagements) ou qui résultent
de l'évolution climatique (sécheresse).
99
Quant aux effets sur l'environnement, centrés autour de la dynamique du
peuplement, l'évolution des systèmes agraires et d'élevage et les
transformations de la végétation, ils mériteraient d'être étendus aux caractères
hydrologiques du Gorom-Lampsar. On connait l'importance que revêtent les
facteurs physico-chimiques de l'eau dans la présence des mollusques hôtes
intermédiaires de la bilharziose. Cependant, l'absence de données anciennes
concernant la température de l'eau, sa salinité, la vitesse du courant ou encore
la variation de hauteur de la lame d'eau, comparables à celles dont nous
disposons, ne nous permettent pas à l'heure actuelle de mener une étude
diachronique de l'évolution de ce paramètre.
Pour conclure, le risque de diffusion de la bilharziose existe bel et bien
aujourd'hui dans l'axe Gorom-Lampsar. L'évolution de l'environnement dans le
sens de l'augmentation des densités de population, donc d'une pression
accrue autour des points d'eau, l'extension des superficies en eau, la pérennité
de l'eau douce dans les marigots et leur envahissement par la végétation
aquatique, ... tout concourt à favoriser le développement de l'endémie
bilharzienne.
Cependant, même si ce risque existe, aucun aménagement n'a été remis en
cause pour des raisons sanitaires, jusqu'à ce jour.
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11
100
LISTE DES DOCUMENTS
Page
Doc.1. Variation inter-annuelle des précipitations à Saint Louiset Richard-Toll 20
Doc.2. Evolution saisonnière de la salinité (%0) d'octobre 1982 à juin1983 dans le delta du fleuve Sénégal 23
Doc.3. Variation des niveaux d'eau du fleuve Sénégal à Dagana etRosso 29
DocA. Aménagement primaire 34
Doc.5. Aménagement secondaire et gravitaire 34
Doc.5. Aménagement secondaire avec pompage et dr.ains 34
Doc.? Aménagement tertiaire avec pompage et drains indépendants 36
Doc.B. Population des villages de l'axe Gorom-Lampsar 44
Doc.9. Composition ethnique de quelques villages 66
Doc.10. Evolution de quelques cultures pluviales dans l'arrondissementde Ross-Béthio 7·7
Doc.11. Evolution des superficies irriguées par types d'aménagementsdans la Délégation de Dagana 80
Doc.12. Evolution des superficies aménagées par typed'aménagement et par périmètre 84
101
LISTE DES FIGURES
Page
Fig.1. Répa~ition et densité des mollusques dans l'axe Gorom-Lampsar 6
Fig.2. L'axe Gorom-Lampsar 13
Fig.3. Croquis géomorphologique du delta 16
Fig.4. Réseau hydrographique et aménagements hydrauliques dansl'axe Gorom-Lampsar 25
Fig.5. Localisation des villages enquêtés 56
Fig.6. Evolution de la population 1960-1976-1988 64
Fig.7. Répartition des cultures pluviales et des cultures de Taak 71
Fig.8. Evolution des superficies aménagées pour la culture irriguée1978 -1989 74
Fig.9. Progression de la végétation aquatique. 1978 -1989 89
Fig.10. Evolution.de l'occupation du sol. 1954 -1978 -1989 93
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108
TABLE DES MAllERES
Avant - propos
Introduction
Première partie: Composantes de l'environnementdans l'axe Gorom-Lampsar
1.1 Localisation de l'axe Gorom-Lampsar
1.2 Le delta du fleuve Sénégal: une mise en place récente
1.3 La péjoration climatique
lA D'un régime hydrologique à un régime hydraulique
104.1 Le régime hydrologique naturel
104.2 Le régime hydraulique artificiel
1.5 Le peuplement du delta
1.6 Les aménagements hydro-agricoles
Deuxième partie: Approche méthodologique
11.1 La bibliographie
11.2 Les cartes
11.3 Les données de population
11.3.1 Les sources et leurs limites
11.3.2 L'exploitation des données
liA Les données statistiques de la S.A.E.D.
11.5 Les photographies aériennes
11.5.1 Présentation
11.5.2 Buts et domaine d'investigation
11.5.3 Identification
11.504 Limites
11.5.5 Exploitation
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11.6 Les entretiens
11.6.1 Intérêts
11.6.2 Objectifs
11.6.3 Méthodes
/1.6.4 Contenu
11.6.5 Limites
II.7 Les observations directes
Troisième partie: Synthèse des résultats
111.1 Dynamique du peuplement
111.1.1 Un accroissement de la population de l'axe Gorom-Lampsar
111.1.2 Les orig ines de la population
111.1.3 Le moteur commun: l'extension de la culture irriguée
Critique des résultats
111.2 Evolution des systèmes agraires et des systèmes d'élevage
111.2.1 Rappel des systèmes de production traditionnels avant les
aménagements
111.2.2 L'extension des périmètres irrigués avec les aménagements hydro
agricoles
111.2.3 De l'ère des grands aménagements à l'ère des petits périmètres
irrigués, de l'irrigation communautaire à l'irrigation privée
Critique des résultats
III.3 Transformation du couvert végétal
111.3.1 Evolution de la végétation terrestre
111.3.2 Evolution de la végétation aquatique
111.,3.3 Le poids des aménagements... et des autres facteursCritiques des résultats
Typologie
Conclusion
Liste des documents
Liste des figures
Bibliographie
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EXTENSION DES PERIMETRES IRRIGUES ENTRE 1978 ET 1989
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LEGENDE
SOURCES: PHOTOGRAPHIES AERIENNES
• MISSION u.r.. OCTOBRE 1978, NE-28.1I-III, 1/60.000
N·48 A50 1 89A 92 , 101 A110 1 172 A 116 1 182 A 184
• MISSION r.t.t.a.. MARS 1989. CT - SGN. 1/ 60.000
N· 6·7 L2 .s- 7L3 , 3AGL4 , 3A , L5 , 4A, L'
C.E.R.E.G. STRASBOURG - ORSTOM DAKAR
CARTE REALISEE PAR C.PHIIjPPEi
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