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Dialogue http://journals.cambridge.org/DIA Additional services for Dialogue: Email alerts: Click here Subscriptions: Click here Commercial reprints: Click here Terms of use : Click here Amour et Violence dans la dialectique platonicienne Yvon Lafrance Dialogue / Volume 12 / Issue 02 / June 1973, pp 288 - 308 DOI: 10.1017/S0012217300036477, Published online: 09 June 2010 Link to this article: http://journals.cambridge.org/ abstract_S0012217300036477 How to cite this article: Yvon Lafrance (1973). Amour et Violence dans la dialectique platonicienne. Dialogue, 12, pp 288-308 doi:10.1017/ S0012217300036477 Request Permissions : Click here Downloaded from http://journals.cambridge.org/DIA, IP address: 195.19.233.81 on 27 Nov 2013

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Amour et Violence dans la dialectiqueplatonicienne

Yvon Lafrance

Dialogue / Volume 12 / Issue 02 / June 1973, pp 288 - 308DOI: 10.1017/S0012217300036477, Published online: 09 June 2010

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AMOUR ET VIOLENCEDANS LA DIALEGTIQUE PLATONIGIENNE

NOUS partirons du theme cent fois rebattu de l'alle'gorie dela Caverne1. Les interpretations classiques du cdlebre

passage de la RSpublique sont connues de tous. II ne s'agit paspour nous de les rdpdter, mais de proposer une nouvelle lecturede l'alldgorie qui nous sortirait des sentiers battus2.

Les interpretations contemporaines de Pallegorie de la cavernes'inspirent dans la plupart des cas de celles de deux e"minentsplatonisants du debut du siecle: ADAM et CAMPBELL3.Ces interpretations se ramenent toutes, dans leur diversite, k unememe methode d'analyse et un meme type de questionnement.La methode consiste a lire Paliegorie de la Caverne a la lumieredes themes du Soleil et de Panalogie de la Ligne qui la precedentet du passage sur la classification des sciences qui la suit4.Cette methode d'analyse aboutit dans tous les cas a un question-nement de type purement epistemologique au cours duquell'aliegorie apparait comme la mise en image de la dialectiquenoetique. Ainsi, dans son ceiebre commentaire de la RSpublique,ADAM soutenait, en s'appuyant sur le TOTS einrpoadev Xeyofxevoisde 517bi-2, que l'aliegorie de la Caverne devait etre reliee aPanalogie de la Ligne6. Or, comme Panalogie de la Ligneessaie de decrire les quatre facons dont P esprit humain se trouve

1 Ripublique, VII, 5 ^ - 5 1 8 b .2 Nous laissons ici de cote toute la discussion issue de Stewart {The Myths

of Plato, 1904) et de Frutiger {Les Mythes de Platon, 1930) pour savoir s'il fautdire mythe, allegorie, symbole, image, proportion pour designer ce passagede Platon sur la Caverne. Voir une excellente mise au point du vocabulairepar Robin, L., Les Rapports de I'litre et de la Connaissance d'apris Platon, Paris,P.U.F., ed. Schuhl, 1957, pp. 9-11. La denomination la plus proche du texteserait celle d'image de la Caverne {aTreUaoov, 514 al.).

3 Adam, J., The Republic of Plato, 2e ed. Cambridge, Un. Press, 1963 (1902),vol. II, pp. 88 ss. et pp. 156-163. Jowett & Campbell, Plato's Republic, Oxford,Clarendon Press, 1894, vol. I l l , pp. 312-326 et vol. II, pp. 12-20.

1 Pour le theme du Soleil : 5o6e-509d; pour Panalogie de la Ligne : 5oge-51 ie; pour la classification des sciences : 52ic-535a.

6 Adam, J., The Republic of Plato, p. 95, a la note 5i7a-5i8b ou l'auteurecrit : "The simile of the Cave should be connected with the Line."

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affectd (Tra^/xara, 5iid8) par les objets de connaissance, lerapprochement de l'alle'gorie de la Caverne et de l'analogie dela Ligne amenait fatalement les interpretes a mettre en reliefle caractere epistemologique de l'alle'gorie au detriment de soncaractere ethique. Ce probleme du parallelisme entre la Caverneet la Ligne est demeure" au coeur des interpretations d'eminentsplatonisants contemporains tels que ROBINSON et ROSS. Dansson ouvrage sur la dialectique platonicienne, ROBINSON analysele passage 5i7a-c dans lequel Platon interprete lui-me"mel'alldgorie pour en conclure que, prise litte'ralement, cetteinterpretation ne se reTere pas a la Ligne, mais a la Caverneelle-m6me ou encore au theme du Soleil6. Par consequent,toujours selon le me"me auteur, il n'existe aucun parallele entrela Caverne et la Ligne de sorte que le rols en^poaOev Xeyopivoisde 517b 1-2 ne renvoie pas a la Ligne mais aux six livres pre-cedents de la Ripublique*'. ROSS, pour sa part, dans son ouvrageclassique sur la theorie des Idees, arrive a une conclusion plusnuancee a partir d'une analyse du m6me passage 5i7a-c et dupassage 532a-d8. ROSS soutient que Paliegorie de la Cavernerenvoie explicitement au theme du Soleil et implicitement al'analogie de la Ligne de sorte que le rols epirpooOev Xeyo/ievoisde 5i7bi-2 se refere aux deux themes precedents9. Cependant,par suite de la complication du symbolisme dont se sert Platondans ces quatre themes continus, ROSS refuse d'interpreter le

6 Robinson, R., Plato's Earlier Dialectic, 2e ed. Oxford, Clarendon Press,>953. PP- 180-190.

' L'auteur conclut son analyse par ces mots : "Having arrived at thisinterpretation of 5i7b-c, we are able to say finally that neither is the Gaveparallel to the Line nor does Plato anywhere say that it is" (Plato's EarlierDialectic, pp. 189-190).

8 Ross, D., Plato's Theory of Ideas, Oxford, Clarendon Press, 1963 (1951),pp. 69-80.

9 Ross ecrit (p. 71) : "That the passage of summary on the whole refersback to the Sun passage and not to the Line passage is confirmed by whatPlato goes on to say in the fifth and sixth sentences (5i7b8-e4)... Although inthis passage of summary there is no distinct reference to the Line, yet ofcourse in identifying the cave with the visible world, and the upper air withthe intelligible, Plato is indirectly identifying the cave with the lower mainsection of the Line, and the upper air with the higher, for the lower and thehigher section are expressly said to stand for the visible and the intelligible(5o9d8)".

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de 517b i dans le sens d'une correspondance exacte etlittdrale entre la Caverne et la Ligne10. Dans le cadre de cetteprobldmatique dpistdmologique du paralldlisme, on fut amend asoulever la fameuse question du nombre des degrds du savoirreprdsentds dans l'analogie de la Ligne et l'alldgorie de la Caverne.Ainsi sont ndes les interpretations bipartites (JACKSON,FERGUSON), tripartites (MURPHY, SIDGWICK) et quadri-partites (GOLDSCHMIDT, MALCOLM), cette derniere dtantconsiddrde comme l'interprdtation traditionnelle (ADAM,CAMPBELL, BOSANQUET, CORNFORD)11. C'est enrestant fidele a cette probldmatique dpistdmologique que ROBINanalysera l'alldgorie de la Caverne dans la perspective des rapportsentre l'etre et la connaissance et que GOLDSCHMIDT, plusrdcemment, montrera dans une excellente dtude l'unitd profondequi relie entre eux les themes du Soleil, de l'analogie de la Ligne,de l'alldgorie de la Caverne et de la classification des sciences12.

On comprend, des lors, que dans ce cadre gdndral de mdthoded'analyse et de questionnement le theme de la violence qui setrouve dans le texte m6me de l'alldgorie de la Caverne, commenous aurons l'occasion de le montrer plus loin, n'ait pas retenul'attention des interpretes platonisants contemporains13. Enreliant le symbolisme de la Caverne a la probldmatique dpistd-mologique des livres VI-VII de la RSpublique, on dtait amend ane considdrer que l'aspect nodtique de la dialectique platoni-

10 Ross, p. 72.11 Sur tout ce debat voir Pimportante note de Goldschmidt au delmt de

son article : « La Ligne de la Republique et la classification des sciences »,ds Rev. Int. de Philos. 9 (1955), 238-255. Cet article a ete reimprim6 dansun recent ouvrage de l'auteur : Questions Platoniciennes, Paris, Vrin, 1970,pp. 203-219. Pour Malcolm, on se referera a son article : "The Line and theCave", ds. Phronesis, VII, (1962) 38-45.

12 Robin, L., Les Rapports de I'Etre et de la Connaissance d'apris Platon, pp. 9-27.Goldschmidt, V., article cite a la note precedente. La these de Punite desthemes a €t€ deja defendue par Grenet, P., Les origines de l'analogie philosophiquedans les dialogues de Platon, Paris, Ed. Contemporaines, 1948, pp. 119-122, etplus r^cemment par Raven, J. E., Plato's Thought in the Making, Cambridge,Un. Press, 1965, pp, 131-187.

13 Nous devons souligner ici que dans sa paraphrase de Pallegorie, Robinne manque pas de souligner les termes violents utilises par Platon (cf. LesRapports de I'Etre et de la Connaissance d'apris Platon, pp. 23-25). Cependant,l'auteur n'y accorde aucune importance.

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cienne14. Cette orientation purement noe"tique et beaucoup tropde'tache'e, a notre avis, de ses racines proprement e'thiques,s'accompagnait d'une valorisation du theme de l'amour dans ladialectique platonicienne. Le Discours de Diotime, dans leBanquet, qui ddcrit les diverses dtapes de l'ascension dialectique,servait de point de re'fe'rence fondamental pour une telle valori-sation15. Le sort de la dialectique platonicienne a toujours 6t6,pour ainsi dire, U6 au theme classique de l'amour-philosophe16.

Or, et ceci nous tenons a le noter en passant, la conceptionde la dialectique platonicienne joue un role important lorsqu'ils'agit d'interprdter la pense"e sociale et politique de Platon. Oncomprend facilement que les interpretes de l'amour-philosophefurent des plus surpris, sinon tout simplement scandalises, lorsqueKARL POPPER leur prdsenta, dans un ouvrage vivementcontroversy, un Platon inspirateur des totalitarismes politiquescontemporains17. Pourtant, cette these de POPPER, de"-barrassde d'une certaine animosite" due aux circonstances danslesquelles le livre fut e'crit, demeurait fondamentalement perti-nente. Loin d'etre le fruit de la pure imagination, la these dePOPPER e"tait fondle sur un ensemble de textes platoniciensassez impressionnant. Mais les amis de Platon, qui se trouverentun ardent deTenseur dans la personne de LEVINSON, semontraient incapables de concilier la violence implique"e dans letotalitarisme social et politique avec leur conception ge"ne"rale de

14 Les interpretes contemporains ne laissent pas de noter le caractere ethiquede l'allegorie de la Caverne. Mais leur interpretation n'en demeure pas moinsessentiellement epistemologique. A titre d'exemple, on pourra se referer a cepassage de Ross : "The whole tone of the Cave is different from that of theLine. The distinctions for which the Line stands are epistemological distinc-tions, and ethical considerations do not come in at all. While the Line ismeant to foreshadow the account given in Book VII of science and philosophyas intellectual pursuits, the Cave is meant to bring out their ethical signif-icance, as leading men not only from the life of acquiescence in half-truthsand human conventions to the direct apprehension of moral truth (517d4-e2,52oci-d4)." (Plato's Theory of Ideas, p. 76).

15 Banquet, 2Oid-2i2C.16 A titre d'exemple, voir Robin, L., La ThSorie Platonicienne de I'Amour,

nouv. ed. Paris, P.U.F., 1964 (1933), pp. 152-157. Plus recemment encore,Pouvrage de Buchner, H., Eros und Sein, Bonn, H. Bouvier, 1965, pp. 133-161.

17 Popper, K., The Open Society and its Enemies, 5e ed. revue, London, Rout-ledge & Paul, 1966 (1945), t. I, The Spell of Plato, 361 pp.

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la dialectique platonicienne fonde'e sur l'amour-philosophe18.Dans ce long ddbat dont POPPER et LEVINSON se sont faitsles ardents protagonistes, il nous a toujours semble" que Penjeurdsidait fondamentalement dans une conception renouvele"e de ladialectique platonicienne. Et c'est le but que nous poursuivronsdans cette e"tude.

Notre these est done la suivante. La dialectique platoni-cienne, en tant que processus de deVeloppement de tout 1'etrehumain19, comprend un aspect intellectuel et un aspect moral. Cesdeux aspects sont indissolublement lids dans la pense'e de Platonau sens ou le processus de deVeloppement intellectuel ou scienti-fique presuppose anteYieurement et simultandment le processusde deVeloppement e'thique de l'homme. L'amour et la violenceconstituent les deux elements moteurs de la dialectique e'thique et,par voie de consequence, de la dialectique nodtique. Pour prouvercette these, nous partirons de Falldgorie de la Caverne danslaquelle le processus dialectique se trouve animd par la violence.Nous essaierons de montrer la presence de l'amour et de laviolence dans la dialectique e'thique par une analyse de ralldgoriefaite non pas a la lumiere de la thdorie gdndrale de la connaissancedes livres VI-VII de la Republique, mais a la lumiere de la thdoriede la paideia des livres II-III et de la thdorie de 1'a.me des livresIV et X. Au terme de cette analyse nous espdrons pouvoir tirerquelques conclusions sur les tendances fondamentales de la pense'esociale et politique de Platon. D'ou les trois questions premisesauxquelles nous devons rdpondre: i. L'alldgorie de la Cavernesymbolise-t-elle d'abord le mouvement de la dialectique e'thique?2. Quelle est la place de la violence dans cette dialectiquee'thique? 3. Quelle est la place de l'amour?

18 Levinson, R. B., In Defense of Plato, Harvard, Un. Press, 1953, 645 pp.Cet ouvrage contient une bibliographie complete sur la controverse jusqu'aPanne'e de sa publication. M. R. Bambrough a ressemble' dans un seul ouvrageles principales contributions a cette longue controverse sous le titre : Plato,Popper and Politics, Some Contributions to a Modern Controversy, Cambridge, Hefferet New York, Barnes & Noble, 1967, 219 pp. En lisant Popper et Levinsonainsi que ce dernier ouvrage on aura une bonne idee de tout ce debat contem-porain sur la pensee politique de Platon.

18 Rip. VII, 518C8-9.

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- I -

LA DIALECTIQUE ETHIQUE

Le passage que nous analyserons ici va de 514a! a 52 ibn .II comprend: a) l'allegorie proprement dite de la Caverne(51431-51738) b) une interpretation de l'alldgorie (5i7ag-5i8b6)c) une application de Pall^gorie a l'dducation (5i8b7-5igb7) eta la politique (51 gb8-521 b 11). Or, chacune de ces parties renfermedes indices tres certains du caractere proprement dthique del'allegorie de sorte que l'ensemble du passage peut etre considdre"comme une symbolisation du mouvement dialectique dthique dela paideia intercal^e entre deux passages — l'analogie de la Ligne5ogd7"5i ie6) et la classification des sciences (52ici-535a2) — qui,eux, renvoient au mouvement dialectique noe'tique de Yepisteme.

Arretons-nous d'abord a la premiere phrase de l'alldgorie20.Platon nous invite a nous faire une image de notre nature selonqu'elle est ou n'est pas affectde par l'&iucation21. Ainsi l'imageque Platon se propose d'elaborer dans les lignes suivantes secaracterise surtout par le point de vue global qu'elle adopte.II ne s'agit pas seulement des quatre affectations de 1'esprit dontil etait question dans l'analogie de la Ligne (5iid8), mais del'ensemble de la nature ou de la condition humaine prise danssa totality. Le couple paideia-apaideusia qui represente les deuxp61es du mouvement dialectique dans l'alldgorie remplace lecouple doxa-tpisteme qui repre'sentait le mouvement dialectiquedans l'analogie de la Ligne22. Par consequent, il ne s'agit pas,comme le pensent de nombreux interpretes, d'une simple

20 51431-2.21 Le mot « paideia » est utilise par Platon en deux sens principaux, celui

d'education generale de l'homme et celui de culture intellectuelle. Parexemple, pour le premier sens, voir : Rip. 42902, 498134-5, 6o6a3; pour lesecond sens, voir : Protag., 312)33, Gorg., 4 8 5 ^ . L'usage le plus frequent estle premier et celui-ci renferme toujours une connotation ethique.

22 510a 10 et 511C5 : L e couple doxa-e'pisteme est fermement e tabl i dans lepassage 47602-480313. P la ton analyse dans ce passage l 'opposit ion i r reduct ibleentre l 'opinion et la science. L 'analogie utilise u n vocabula i re u n peu differentpour signifier les mSmes choses. Ainsi a la place de « episteme » P la tonemploie le mot « noesis » (5iiei).

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illustration de l'analogie de la Ligne que Platon nous livre dansPalle"gorie, mais d'un changement de point de vue ou pluspre'cise'ment de l'dlargissement du point de vue de l'analogie dela Ligne. La dialectique de l'analogie ddcrivait le mouvement deP esprit qui passe par degrds successifs de la connaissance opinativea la connaissance scientifique selon la plus ou moins grande clartddes objets de connaissance (sogdio), la dialectique de l'allegorieddcrit non plus seulement le mouvement de l'esprit, mais celui dela nature humaine (5i4a2), de l'ame toute entiere, ^crira plusloin Platon (518C8), mouvement qui part de l'absence d'e"ducationet qui se termine dans P Education parfaite (5i4a2). Certes, nousserions d'accord avec MALCOLM23 pour dire que l'dtatinitial d'absence d'^ducation implique dans Palldgorie un dtatintellectuel correspondant aux degr6s de Popinion dans l'analogiede la Ligne tandis que 1'dtat d'eclucation parfaite implique l'e'tatintellectuel correspondant a la science. L'incidence proprementintellectuelle n'est jamais absente de la conception platoniciennede la paideia et meme elle y joue un role tres important. Cepen-dant, le processus de deVeloppement intellectuel s'inscrit toujourschez Platon a Pintdrieur d'un cadre plus large qui comprend lesprocessus de ddveloppement affectif, voire meme physique24.Nous appelons dialectique noe"tique le mouvement de l'espritqui passe de Popinion a la science et dialectique dthique lemouvement par lequel la nature humaine passe de l'absenced'education a P Education parfaite. Tandis que la dialectiquenodtique fait appel aux sciences mentionne'es en 521c ss., ladialectique dthique fait appel a la musique et a la gymnastiquedont il est question aux livres II-III.

La distinction entre la dialectique no&ique de l'analogie et ladialectique e"thique de Palldgorie nous apparait plus claire lorsquenous passons a Pinterpretation et a l'application que Platon faitlui-meme de son alldgorie. Lorsque notre prisonnier revient dans

23 L'interpretation de Malcolm nous semble tres valable dans la mesureou elle explicite le caractere ethique de l'allegorie. Voir son tableau paralleleentre l'analogie et l'allegorie ds "The Line and the Cave'" Phronesis, VII(1962), 38.

24 Pour Platon l'education par la gymnastique vise a developper d'abordla force morale plutot que la force physique. {R4p. 4iob5-7).

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la Caverne apres avoir contemple" le Soleil, il se produit en lui,nous dit Platon, un changement dont il est le premier a se Miciter(516C5). Quelle est la nature exacte de ce changement? Lorsquenotre prisonnier e"tait encore enchaine" dans la Caverne il estimaita un haut prix les honneurs et les louanges que ses compagnonspouvaient lui ddcerner, il se laissait impressionner pour ainsi direpar l'habiletd que manifestaient ceux-ci a discerner de l'oeil l'ordredes ombres qui apparaissaient au fond de la caverne (5ibc7-d8).Voila que notre homme maintenant manifeste le plus profondme'pris envers ces honneurs et ces louanges fonde"s sur l'illusion,il preTere descendre au plus bas degre" social et meme supportertous les maux possibles plutot que vivre comme il vivait au-paravant (5i6d8-e2). Bref, le changement subi par ce prisonnierlibe're' est littdralement un changement de vie, c'est-a-dire unchangement d'ordre e'thique. Ce changement est si profond queses anciens compagnons le trouvent maintenant tout a faitridicule (51732-3), et meme plus que ridicule, disons encombrant,puisque leur premier geste sera de s'en de"barrasser (5iya7-8).Pourtant, nous dit Platon, cette monte"e de Tame dans le mondeintelligible (5i7b4-5) a donne" a notre prisonnier libdre" la sagessene"cessaire pour se conduire dans la vie prive"e aussi bien que dansla vie publique (517C5). Certes, il peut paraitre d'abord ridiculeet malhabile puisqu'il n'est pas encore habitue" aux te"nebres de lacaverne, mais il demeure le seul capable d'interprdter les ombreset les images de la justice a partir de 1'Idde de Justice (5i7d5-e2).Ainsi l'on voit comment l'interpre'tation que Platon fait de sonalldgorie met en relief presqu'exclusivement l'aspect propremente'thique de l'alle'gorie. Les transformations subies par le prisonnierlibe're' n'affectent pas seulement son esprit, celui-ci ne devient passeulement plus savant, mais il devient plus sage (517C5). Cechangement e"quivaut a une veritable conversion au cours delaquelle les anciennes valeurs lui sont apparues purement il-lusoires. Si ses anciens compagnons veulent le tuer n'est-ce pas duau fait que ce converti, est en train de saper, a l'exemple deSocrate, tout l'ordre e'thique et politique de la vie individuelleet sociale?

Avant de passer a l'expose" des sciences propres a la dialectiquenoe"tique, Platon donne de son alldgorie une double conclusion.

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La premiere est relative a 1'Education de l'homme et la secondea la Citd (5i8b7-8).

L'alle"gorie montrerait, au dire de Platon, que l'dducation neconsiste pas a mettre la science dans Fame comme on mettraitla vue dans les yeux d'un aveugle (518c 1-2). Tout homme possede,antdrieurement a toute Education, une puissance ou encore unorgane qui lui permet d'apprendre (51804.-6). L'e"ducation estPart de tourner cet organe vers la lumiere et de le rendre capablede supporter la vue de cette partie de Fetre la plus brillante,c'est-a-dire le Bien (518C9-10). On pourrait croire que cetteoperation de retournement (5i8d3-4) affecte uniquement lesfacultes intellectuelles de l'homme, mais, s'il en e"tait ainsi, ceserait pour Platon un dchec vdritable. En effet, la science atteinteau terme du processus de la paideia ou de la dialectique dthiquen'est pas purement cognitive, mais e'thique. On ne sauraitconside"rer comme science veritable celle des fripons et des malinsqui, meme s'ils ont la vue percante, font servir leur science a desfins malhonnetes (519a 1-6). L'opeYation de retournement im-plique un aspect e'thique qui lui est essentiel. De meme qu'on nepeut tourner l'ceil de Fobscuritd a la lumiere sans tourner toutle corps, ainsi on ne saurait tourner une partie de Fame, c'est-a-dire la partie intellectuelle, sans tourner l'ame toute entiere(518C8-9). II s'agit done d'une operation globale qui commencedes l'enfance alors que les facultds proprement intellectuelles nesont pas encore e'veille'es et qui consiste a couper les masses deplomb qui attachent l'ame au monde sensible pour la tournervers la veYite" (5iga8-b6). Ainsi la dialectique e'thique precededans le processus de paideia la dialectique noe"tique, elle rendl'homme capable de percevoir les valeurs sous leur forme sensibleavant de les connaitre sous leur forme intelligible.

C'est dans la meme perspective e'thique que Platon donne uneapplication de son all^gorie au gouvernement de la Cite\ Leprisonnier qui a fait la rude montde de la caverne a la lumiere dujour est ddclard le seul competent pour gouverner la Cite". Eneffet, F Education que lui a fourni FEtat lui permet d'allier laphilosophic et la politique (520c 1-2). Une fois habitu£ a Pobscurite"de la caverne il pourra mieux que tout autre reconnaltre dansles ombres les ve'ritables modeles du beau, du juste et du bien

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(52006-7). Notre prisonnier libdrd c'est le philosophe qui ne se batplus pour des ombres, a Pexemple des autres prisonniers, maispour la realite" et qui travaille a construire la cite" humaine re"elle,c'est-a-dire a modeler la constitution sur l'ldde de Bien25.Cependant, une difficulte se prdsente ici. Cet homme qui acontempt l'Ide"e de Bien, dont l'esprit s'est mu dans ces regionssupeYieures d'ou lui est apparue la mesquinerie de la vie quoti-dienne de ses compagnons (5igc8-dio), acceptera-t-il de prendreen mains la direction de 1' Etat ? II le faudra bien, rdpond Platon.Puisqu'il s'agit du bonheur de toute la Cite", on devra persuadernotre philosophe a gouverner, et si la persuasion ne suffit pas,on devra meme l'y forcer (51964, 52oa8-bi). II est bon qu'il ensoit ainsi. Car, un Etat ou le gouvernement est confid a ceux quisont les moins empresses a utiliser le pouvoir sera meilleur quecelui dans lequel on se dispute le pouvoir (52od2-6). Ainsi leprisonnier libe're' est-il l'image du gouvernant-philosophe.

L'analyse du passage 5i4a-52ib nous permet done d'affirmerle caractere foncierement e"thique de l'alldgorie de la Caverne.A titre de confirmation de cette analyse nous aimerions pourtantajouter ceci. Lorsque nous comparons Panalogie de la Ligne etPalldgorie de la Caverne il apparait clairement que Platon ddcritla demarche dialectique d'une facon fort diffe'rente. Selonl'analogie, la demarche dialectique consiste a partir d'hypothesesdes sciences mathdmatiques pour remonter jusqu'au principeanhypothe"tique. Une fois le principe atteint, la raison dialectiquedescend jusqu'a sa conclusion derniere, et cela, en passant d'uneide"e a l'autre sans jamais faire usage d'une donnee sensible(5iib-c2). Ainsi ddcrite, on peut dire que le mouvement dia-lectique se realise exclusivement dans le monde intelligible. Parcontre, selon l'all^gorie, la demarche dialectique consiste dans lamonte"e de 1'a.me vers le monde intelligible, c'est-a-dire dans lepassage de 1'a.me du monde sensible au monde intelligible(517b-c). Or, cette difference dans la presentation de la demarchedialectique est importante pour notre propos. En tant quedemarche purement noe"tique la dialectique ne saurait impliquerune forme explicite de violence. En effet, la raison dialectique,

25 52OC7-da : Pour l'opposition entre le reve et la realite, voir aussi Rip. V,476c.

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conside're'e sous son aspect nodtique, n'obdit qu'a des normesintrinseques qui lui sont propres et ne se plie qu'a 1'evidence dela demonstration. Parler de violence dans une demarche mathd-matique, par exemple, serait un abus de langage. Cependant,la raison dialectique conside're'e sous son aspect e'thique, en tantque raison pratique et non plus seulement comme raison spe-culative, se trouve relie"e par Platon a l'education de l'homme et ala constitution de la Cite". Dans ce role pratique qu'elle estamende a exercer la raison dialectique rencontre des obstacles quilui viennent soit de la nature humaine soit de la rdalite* politiquede la Cite. Dans la mesure ou ces obstacles devront etre franchisla raison dialectique pourra etre mue par la violence. C'est doneproprement au niveau de la dialectique e'thique que nous pouvonsrencontrer des traces de violence dans la dialectique platonicienne.Et ceci nous introduit a notre seconde question: quelle est la placede la violence dans cette dialectique e'thique?

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Le contexte e'thique de l'aliegorie de la Caverne e"tant etabli,nous en arrivons maintenant a l'alldgorie elle-meme. Nousmontrerons d'abord que la dialectique e'thique de I'all6gorie estanimde par la violence et nous essaierons de situer cette violencedans l'ensemble de la RSpublique.

Reprenons ce texte si bien connu de 1'allegoric Celle-ci nousprdsente des hommes assis a l'inte'rieur d'une caverne le dostourne a l'ouverture. Us ne peuvent ni se lever, ni changer deplace, ni regarder ailleurs que devant eux, car, depuis leurenfance, ils ont les jambes et le cou pris dans des chaines (5i4a5-6).Us doivent done garder la t6te immobile a cause de ces liens(514bi-2). Derriere eux, sur une hauteur, il y a un feu et entrele feu et l'ouverture de la caverne serpente une route e'leve'e le longde laquelle se trouve un mur. Sur cette route circulent des hommesqui portent toutes sortes de choses qui ddpassent la hauteur dumur. Parmi ces hommes, les uns parlent et les autres se taisent.Les prisonniers, immobiles dans leurs chaines, n'aperc,oivent au

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fond de la caverne que les ombres des objets reels qui circulentderriere eux. Mais leur situation violente d'hommes enchaine'sles empechera toujours de distinguer les ombres des objets re"elsde sorte qu'ils prendront les ombres pour la rdalite" a moins qu'unprocessus violent ne vienne les arracher a leur situation initiale.Ce processus violent s'identifie avec la paideia que l'all^gorierepre"sente en trois dtapes26. Dans une premiere e"tape onde'tache le prisonnier de ses chaines (515C4-5), on le force a sedresser soudainement (515C6-7) et a tourner les yeux vers l'ouver-ture de la caverne. Tous ces mouvements le font souffrir (515C8-9).L'dblouissement l'empeche de voir les objets re"els qui passentdevant l'ouverture de la caverne et dont il voyait du moins lesombres auparavant. Malgre" l'e'blouissement qu'il e'prouve onl'oblige, a force de questions (5i5d5-6), a dire ce que sont lesobjets qui passent devant lui. Au terme de cette premiere e"tapenotre prisonnier tombe dans l'aporie (5i5d6). Les ombres qu'ilvoyait auparavant au fond de la caverne lui paraissent plusrdelles que les objets qui se dissimulent devant ses yeux eblouispar la lumiere du feu. Notre prisonnier qui regardait en toutequietude les ombres des re'alite's n'est pourtant pas au bout de sapeine. Dans la seconde e"tape on devra intensifier la violencefaite sur lui. Le prisonnier reste sur place, mais on l'oblige aregarder le feu en face (51561). Une veritable lutte s'engage.Le prisonnier souffre des yeux (51562), il s'e"chappe des mains deson guide et retourne tout bonnement a ses ombres qu'il peutregarder sans souffrance (51563). Devant une telle resistance leguide anonyme doit se re"signer a prendre les grands moyens.La troisieme dtape commence, au cours de laquelle la violenceatteindra son paroxysme. On tire alors le prisonnier par la forcede l'endroit ou il se trouve, on l'oblige a gravir la montde rudeet escarpde qui ddbouche sur l'ouverture de la caverne (51566-7),on ne le lache pas avant d'avoir rdussi a le trainer dehors a lalumiere du soleil (51567-8). Le pauvre prisonnier souffre et sereVolte (51568-9), il ne peut rien voir. Pourtant il finit pars'habituer a sa nouvelle situation. Lorsqu'il voudra revenir dansla caverne il apparaitra ridicule a ses anciens compagnons qui

26 Rip. VII, 5i4a2. Les trois etapes ou trois mouvements du prisonniersont donnes en : 1. 51504^8; 2. 51561-5; 3. 5i5e6-5i6a2.

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s'empresseront de le tuer a la premiere occasion ( 5 ^ 7 )Etrange destin que celui de ce prisonnier! C'est le notre, T6-pondrait Platon (5i5a4-5).

Comment comprendre toutes ces images de la violence dansl'alldgorie de la Caverne ? Quelle est la place exacte et la fonctionque joue la violence dans la dialectique e'thique? L'alle'gorie nouspermet de distinguer deux types de violence qui s'exercent sur leprisonnier. II y a d'abord cette violence inhdrente a la situationinitiale de l'homme enchaine" au fond de la caverne (5i4a3-3i5C2)et ensuite la violence qui accompagne tout le processus de paideia(5i5C4-5i6a3). La premiere peut etre comprise a l'intdrieur dela the'orie platonicienne de l'ame humaine tandis que la secondedoit etre relive a la the'orie de l'dducation. Commen5ons parcette derniere.

Les livres II-III de la Ripublique traitent de l'dducation desgardiens de l'Etat (376C-412D). Platon trace dans ces livres leplan gdndral d'education qui est fondle sur la musique pourl'ame et la gymnastique pour le corps (412D2-3). Cette premiereEducation est essentiellement e'thique et devra etre comple'tdepour les gardiens qui en manifesteront le talent par une Educationnodtique fondde sur les sciences et la dialectique. Or, le processusde paideia, tel que ddcrit dans l'alle'gorie de la Caverne, serapporte autant aux livres II-III qui traitent de l'dducationdthique qu'aux livres VI-VII qui traitent de l'dducation nodtique.II suffit de rapprocher les passages 402D5-8 du livre III et 5i6a5-7du livre VII pour s'en convaincre. Dans le premier passagePlaton ddcrit les effets de 1'Education par la musique. L'dducatione'thique ne peut etre considdrde comme terminde avant que lesgardiens ne soient capables de distinguer les formes27 desvertus et des vices ainsi que leurs combinaisons diverses soit dansles images qu'en tracent les poetes et les artistes soit dans lardalitd du comportement humain (4O2bio-cg). Utilisant un

27 Le mot « e'Sij » utilise ici par Platon ne me semble pas devoir etre inter-prete dans le sens d' « Idees ». En effet, la dialectique 6thique qui dirige leprocessus de paideia des gardiens ne les eleve pas jusqu'a la connaissance desIdees, ce qui serait le role de la dialectique no^tique. Au niveau de la dialec-tique ethique les formes sont saisies au sein de la realite sensible et non pasencore comme separees de celle-ci. II s'agit ici plutot des types ou des diversesespeces de vertus et de vices.

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langage m^taphorique, Platon compare la connaissance desvertus chez le gardien a celle des lettres de l'alphabet. Celui quiconnait les lettres elles-memes est capable de reconnaitre celles-cilorsqu'elles sont reprdsent^es dans l'eau ou dans un miroir(4O2b5-7). La comparaison est une anticipation evidente de1'allegoric Dans le resume' que Platon fait du processus completauquel est soumis le prisonnier de la Caverne, il est dgalementquestion de cette capacity qu'acquiert le prisonnier de distinguerles ombres et les images des objets represented dans les eaux etles objets eux-memes (51^5-7). Par consequent, le processus depaideia symbolisd dans l'alldgorie de la Caverne peut etrele"gitimement identified du moins dans ses premieres Stapes, auprocessus d'eclucation des gardiens de l'fitat des livres II-III.Or, il serait inte"ressant ici de se demander comment Platonconc,oit cette Education e"thique? Disons-le tout de suite, laconception platonicienne de 1'Education implique de nombreuxelements de violence de la part de l'e"ducateur sur l'e"duqud28.II suffit a notre propos d'en souligner quelques-uns.

Tout le plan d'e'ducation des livres II et III de la Ripubliqueobdit a une conception ge'ne'rale de 1' Education comme initiativeunilate'rale de l'fitat ou de l'individu £ducateur et poursuit unprojet d'instauration de la vertu dans le citoyen et de la justicedans la Citd (392b 1-7 et 397d4-5). Le processus gdndral de paideian'est pas abandonnd a une spontaneity aveugle et arbitraire,mais est soumis a des modeles rationnellement ddfinis parl'e'ducateur lui-meme (37gai-3). Dans le passage qui precede1'expose" de son plan d'e"ducation, Platon compare l'dduque" a unchien de bonne race dont le naturel concilie deux qualitesopposdes: 1'irascibilitd et la douceur (375C-e). D'ou la ne"cessite"de soumettre ce chien de bonne race qu'est le gardien au dressagetempe're" de la gymnastique et de la musique. En effet, la cultureexclusive de la musique pourrait mener notre gardien a une

28 Nettleship a deja fait un excellent expose de la conception platoniciennede l'education. Pourtant son expose reflete tres bien la mentalite g^neraledes interpretes de Platon qui ne soulignent pas l'aspect violent de la paideiaplatonicienne. Voir, a titre de modele, l'essai de Nettleship, R. L., The Theoryof Education in Plato's Republic, Oxford, Un. Press, 1966 (1935), 155 pp. Cetexte a £te publie, pour la premiere fois, dans Hellenica en 1880.

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mollesse excessive tandis que la culture exclusive de la gymnas-tique deVelopperait en lui un exces de brutalite" (4ioc-4i2b).L'image du dressage d'un chien de bonne race est remplacde plusloin par celle aussi violente de la frappe de la monnaie (377bi-3).L'important dans l'oeuvre d'e"ducation, nous dit Platon, c'est lecommencement. En effet, le jeune age est plus malldable afacjonner et se prete plus facilement a cette operation violente quiconsiste a le frapper de l'empreinte dont l'dducateur veut bien lemarquer (377b-c). Ces empreintes recjues dans l'enfance de-meurent ineffacables et indbranlables (378d-e). II appartient al'dducateur de discerner les modeles vrais et les modeles faux armque les empreintes dont sera marque'e Fame de l'dduque" soientconformes aux modeles vrais (377CI-2). Ainsi est introduit dansle processus de paideia Faction e"nergique de la censure. L'e"duca-teur ne permettra pas au premier venu de faire entendre al'e'duque' des fables qui pourraient susciter en lui des empreintescontraires a celles qu'il a pour mission d'imprimer en lui (377b5~9). L'e'ducateur est le seul juge competent pour decider des fablesqui sont conformes a son modele et de celles qui ne le sont pas(379a). Ces empreintes dont l'e"ducateur doit marquer l'ame del'e"duque" sont celles des vertus telles que la pie'te' dclairde (379b-383c), le courage (386a-389b), la temperance (38gd-39ic), etsurtout la justice (3g2a-b). L'Etat dducateur exercera une censuresevere sur tous ces poetes et conteurs dont l'oeuvre ne concour-raient pas a la realisation de ce projet d'dducation. Non seulementon les empexhera de se produire en public, mais on les chasserade la citd apres leur avoir rdpandu du parfum sur la tete et lesavoir couronne"s. Leur oeuvre, agre"able sans doute, demeureinutile et PEtat dducateur doit leur preTe"rer des oeuvres moinsagr^ables mais plus utiles par rapport au dessein qu'il poursuit(3g8a-b). Pour rdaliser ce dessein l'fitat dducateur pourra meraealler jusqu'a l'usage du mensonge (38gb-c).

Cette conception violente de l'dducation dthique des gardienset du prisonnier de la caverne repose, en derniere analyse, surune conception plus ge"ne"rale de la condition humaine. DejaI'all6gorie nous prdsentait sous forme symbolique la situationviolente de l'homme enchaine" au fond de la caverne. A la fin,Platon finit par dire que l'ame humaine se trouve enchainde par

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des « masses de plomb» au monde du devenir (519^1-3). Si lapaideia doit faire constamment appel a la force, a la contrainte eta la violence c'est parce que celle-ci est inscrite au coeur raeme dela condition humaine de sorte que toute la sphere de l'dthique etdu politique se meut dans le cercle de la violence.

Lorsqu'on examine de pres le passage du livre IV de laRSpublique ou il est question de Fame humaine, il est faciled'observer le caractere conflictuel de tout le dynamisme humain(436a-44ic). A cet endroit, Platon distingue dans l'ame humainetrois principes: la raison, la colere et le de"sir (436ag-n). Ladistinction entre ces trois principes repose sur le fait qu'ils sontconstamment en guerre l'un contre l'autre. Le d&ir est en luttecontre la raison et pousse Fame a devenir la proie de ses passions(43gd6-8). La raison s'oppose a cette tendance et refuse de laisserl'ame agir comme une brute (43905-6). Dans cette lutte continu-elle que se livrent le de*sir et la raison, la colere, lorsqu'elle n'a pas6t6 gate"e par une mauvaise Education, se range ordinairement ducote" de la raison (44133-4). Mais elle peut dgalement etre vaincuepar le d&ir, comme il est arrive" a un certain Le'ontios. Celui-ciremontait du Pire"e lorsqu'il apergut un amas de cadavres sur lelieu d'un supplice. Pris entre le ddsir de voir ces cadavres et unerepugnance naturelle, il se fache contre lui-meme pour finalementacquiescer a son ddsir (43966-44039). Cette conception conflictu-elle n'est pourtant pas le dernier mot de Platon sur l'ame humaine.Au livre X de la Republigue, Platon nous dira que cette situationviolente de l'ame humaine est due a son union au corps et qu'ellene correspond pas a la vraie nature de l'ame humaine (61 ia-6i2a).La vraie nature de l'ame ne consiste pas dans cet assemblageconflictuel de plusieurs parties disparates, mais dans un assem-blage harmonieux et parfait (6nbi-8). En effet, l'ame humainedans sa nature primitive a une parente" avec le divin, l'immortelet l'dternel (6nei-2). Son union au corps est la source de toutesnos miseres et de tous nos maux (6ndy). Dans sa conditionpre*sente l'ame humaine ressemble a Glaucos le marin. Elle aamasse* autour d'elle des coquillages, des algues et des caillouxqui l'apparentent davantage a une b£te qu'a ce qu'elle ^taitnaturellement (6ud5-6). La fonction principale de la paideiaconsistera done, pour Platon, a de*gager l'ame de ces cailloux et

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de ces coquillages pour lui restituer sa nature primitive (611 d i).Notre prisonnier de la caverne est done victime d'un e"tat dedegradation du a son attachement au monde sensible, il vit pourainsi dire dans un monde artificiel et ce n'est que par une actionenergique de la paideia qu'on pourra lui restituer sa natureveritable. Laissd a lui-meme le prisonnier de la caverne nepourrait jamais prendre conscience de sa situation veritable desorte qu'il passerait toute sa vie a regarder les ombres au fond dela caverne et n'arriverait jamais a connaitre la vraie nature deschoses, e'est-a-dire la rdalite".

Nous nous demandions quelle dtait la place de la violence dansla dialectique ethique. La thdorie de l'ame nous fournit uner^ponse a cette question. La violence est un element essentiel dela dialectique dthique dans la mesure ou la condition humainerepose sur un dynamisme purement conflictuel et est conc,ue parPlaton comme une veritable degradation ou corruption d'une"tat primitif parfait et harmonieux. Le retour k cet dtat primitifest l'ceuvre de la paideia qui ne peut se rdaliser qu'en faisantappel a la force et a la contrainte. Le passage du sensible al'intelligible, de l'illusion a la rdalitd, du conflit a l'harmonien'est pas quelque chose qui va de soi pour Platon. Et ceci expliquepourquoi la demarche ethique symbolised dans l'alldgorie de laCaverne ne craint pas d'utiliser des images de la violence.Cependant, cette violence qui anime la dialectique dthiquen'exclut pas l'amour. Et e'est ce qu'il nous reste a ddmontrer.

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II y a dans Falldgorie de la Caverne un personnage importantque nous avons laissd dans l'ombre jusqu'ici. II s'agit de ce guideanonyme que Platon d&igne par le pronom inddfini: « tis ».29

Ce guide anonyme, nous le devinons sans effort, est le philosopheauquel Platon fait une symbolique allusion a la derniere lignede l'alle'gorie en rappelant le souvenir de la mort de Socrate

29 Rip. VII, 51505, 5 i 5 d2 , 5i5e6

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(5i7a6-7). Or, au livre V de la Republique, on trouve un tres longpassage dans lequel Platon nous livre sa conception du philosopheainsi que de son role social et politique30. Platon vient d'e"crirequ'il n'y aura pas de relache aux maux qui de"solent les Etatsaussi longtemps que les rois ne deviendront de vrais philosophesou que les vrais philosophes ne deviendront rois31. Cettesolennelle declaration demande une explication et Platon croitle moment venu de nous donner sa conception du philosophe-gouvernant. Ce passage est capital a notre propos puisqu'il nouspermet de comprendre la place de l'amour dans la dialectiquee"thique.

Platon compare le philosophe a un amoureux. Or, lorsqu'ondit d'un homme qu'il aime telle ou telle chose on entend par laque son amour porte sur la to tali td de son objet et non seulementsur une partie32. Par exemple, un amateur de vin se sentnaturellement porte" vers toutes les sortes de vins de meme qu'unambitieux qui aime le pouvoir preTere dominer sur la totality dutiers d'un groupe social s'il lui est impossible de regner sur legroupe entier (475a5-b4). Le veritable philosophe est un amou-reux et comme tel un homme qui ddsire la totalite" de l'objet deson amour et non seulement une partie. Quel est done cet objetque desire ardemment le philosophe? C'est la sagesse (475bc)-io),la science (475C3) et la ve"rit6 (47565). L'amour de la vdritd, voilace qui ddfinit le trait essentiel de ce guide anonyme de la Caverneque nous avons identifie" au philosophe. Le rapport entre le guideet le prisonnier est analogue au rapport entre le philosophe etle philodoxe. Le philodoxe est aussi un amoureux, mais l'objet deson amour est bien different de celui du philosophe. En effet, lephilodoxe est un amoureux de belles voix, de belles couleurs et debelles formes, mais il s'avere tout a fait incapable d'aimer la naturedu beau en soi (476b4-8). Le philosophe, au contraire, est unhomme capable de s'elever jusqu'aux ide"es et de les contempler en

30 Rep. V, 474^5020. On pourrait mettre le portrait du philosophe dans laRipubliqtie en parallele avec d'autres portraits que Platon trace de main demaitre dans Gorgias, 484c-486d (du point de vue sophistique), ThietUe, 172c-177c et Banquet, 2i5a-223a (du point de vue philosophique).

31 Rep. V, 473cu-e2. La Lettre VII, 326a-b reprend cette declaration.3iRip.V, 474C8-11.

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elles-memes et non seulement me'lange'es aux actions et aux corps(476a5-9). La vie du philodoxe se passe entierement dans unmonde de reve, celle du philosophe est ancrde dans la rdalite"(476c3-d4). Qu'est-ce, en effet, que r£ver? C'est prendre l'imaged'un objet pour l'objet lui-meme (476C6-8), et c'est justement ceque fait le prisonnier de la Caverne lorsqu'il est rive" a ses ombres.C'est done par amour de la ve'rite' que notre guide anonyme feraviolence au prisonnier pour l'arracher a ses reves et a ses illusionset le tourner vers la ve'rite' et la rdalite". Tout le processus depaideia se trouve finalement fonde" sur l'amour de la ve'rite' et sicet amour s'exprime sous forme de violence c'est parce que lacondition propre du prisonnier ne lui donne pas le choix.

La question qui Emerge naturellement a l'esprit est celle desavoir si cette violence de la paideia ainsi motive'e par l'amour dela ve'rite' demeure re"ellement de la violence. Est-ce que dans leprocessus de paideia l'amour ne finit pas par absorber la violence ?

Pour re"pondre a cette question, nous devons nous reTe"rer al'unique passage de la Ripublique dans lequel Platon nous laisseentrevoir sa propre conception de la violence (4126-413^. IIs'agit alors de la fascination et de la violence que l'on peutexercer sur l'esprit des gardiens de l'£tat pour leur faire changerd'opinion (41266-7). Platon se demande quand il est permis dedire qu'une personne est violentde et qu'elle ne Test pas. Unepersonne est violentee lorsqu'elle est force'e de changer d'opinioncontre son gre", elle ne l'est pas lorsqu'elle change d'opinionvolontairement (4i3ai-2). Or, passer d'une opinion fausse a uneopinion vraie, c'est changer d'opinion volontairement tandis quepasser d'une opinion vraie a une opinion fausse c'est changerd'opinion involontairement. En effet, une opinion fausse est unmal et on ne peut pas vouloir le mal volontairement tandis quel'opinion vraie est un bien et l'on veut toujours volontairement lebien. La ve'rite' e'tant un bien et la faussete" un mal, il s'ensuit quetout homme desire volontairement la ve'rite' et que c'est malgre"soi qu'il s'oriente vers le faux.

II nous reste a appliquer ce raisonnement au cas du prisonnierdans la Caverne. II n'y a pas de doute qu'au cours du processusde paideia notre prisonnier a change" d'opinion. Est-ce volontaire-ment? Les deux re"ponses sont possibles. II est clair, selon l'image-

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rie de la Caverne, que notre prisonnier n'dtait pas du tout d'accordpour abandonner ses ombres et que son inconscience de la rdalite"ne provoquait en lui aucune douleur, aucun probleme. II sere"volte meme contre ce guide trop zdle" qui l'arrache a ses imageset le traine en dehors de la Caverne (51568-9). II subit uneveritable violence et son changement d'opinion se fait malgre' lui.D'un autre cote", du point de vue de Platon, il s'agit pour leprisonnier de passer d'une opinion fausse a une opinion vraie et,en vertu du raisonnement donne" plus haut, il ne saurait s'agir deviolence puisque le prisonnier ne peut vouloir que son bien etque l'opinion vraie est un bien. Par consequent, pour autant quela violence exerce"e sur le prisonnier rejoint son vouloir fondamen-tal non encore explicitement reconnu par lui-meme, on ne sauraitparler d'une violence exerce'e sur le prisonnier. Du moins, cetteviolence est plus apparente que re"elle. En effet, le processus depaideia qui commence avant l'eveil de la raison et qui permet auprisonnier de se familiariser avec les images de la vertu (4O2ai-4 et402c) ne vise qu'a faire dmerger dans Fame du prisonnier lesaffinites naturelles que la raison entretient avec ce qui est beau,juste et bon (403C6-7). Avec 1'eVeil de la raison, la violenceinitiale se transformera en consentement ple"nier (4O2a2-3).Finalement, la violence dans la dialectique e'thique ne seraitqu'un sous-produit de l'amour de la verite, du bien et du juste.Elle disparaitrait au terme de la dialectique, mais jamais com-pletement puisque la condition humaine ne saurait se libdrertotalement du monde sensible.

Cette conception renouvelde de la dialectique platonicienne,en donnant une place a la violence au stade de la dialectiquee'thique, permet, a notre avis, de mieux comprendre Finter-prdtation par K. POPPER de la pensde sociale et politique dePlaton. Le totalitarisme politique que POPPER de"cele chezPlaton pourrait bien etre une consequence pratique du rolethe"orique que joue la violence dans la dialectique e'thique. Eneffet, justifier la violence dans le processus de paideia individuelleou collective par l'amour de la ve"rite", n'est-ce pas ouvrir la porte ala violence sociale et politique? II suffit a un individu ou a ungroupe d'individus de se declarer de"tenteurs de la v^rite" pourque soient imme'diatement justifies toutes les formes de violence,

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voire meme la violence physique. Platon n'en donne-t-il paslui-meme Pexemple lorsqu'il declare, dans les Lois, que l'Etatdevra mettre a mort tous les citoyens qui remettraient en questionle fondement religieux de la Citd dans le cas ou une cure depersuasion se serait ave"re"e inefficace? [Lois, X, goyd-gogd). Leprobleme insoluble que pose la justification de la violence par1'amour de la ve'rit£, n'est-ce pas celui de pouvoir identifier, entoute certitude, ce de"tenteur de la verite", c'est-a-dire le philo-sophe ? Tout homme aussi bien que tout groupe d'individus peutse donner au sein de la Citd la tache violente de notre guideanonyme de la Caverne sous prdtexte que les pauvres citoyensprisonniers ne vivent que d'images et d'illusions et qu'il leurrevient de les mener dans les verts paturages de la plaine de ve"rite\Ce que POPPER a tres bien montr6 dans son interpretation dePlaton c'est que toute forme d'iddalisme politique renferme desgermes de violence33. Quoi qu'en pensent les partisans de l'erosplatonicien, et aussi Platon lui-meme, ces germes de violence sontpresents dans la dialectique e"thique. Est-ce a dire que Pempirismepolitique, comme le croit POPPER, permettrait de vaincre laviolence au sein de la soci^td?34 Nous ne le croyons pas pourautant. Si Pid^alisme politique favorise les luttes autour du sensde la vie sociale et politique, l'empirisme politique engendreautant de luttes autour de l'absence de sens de la vie sociale etpolitique. Ballottde entre Piddalisme et l'empirisme il ne resteplus a la raison humaine qu'a souscrire a cette haute lecon de viepolitique que nous donne Platon dans son all^gorie de la Caverne,a savoir que la violence est partie inte"grante de son destin et quetoute l'histoire e^hique et politique de l'homme n'est qu'unimmense effort de Sisyphe pour vaincre le cercle invincible dela violence.

YVON LAFRANCE

University d'Ottawa

33 P o p p e r , K . , The Open Society and its Enemies, p p . 157-168.34 Voir a ce sujet Particle beaucoup plus explicite de Russell, B., Philosophy

and Politics, re'imprime dans Plato, Popper and Politics, pp. log-134. Dans cetarticle l'auteur soutient que I'ide'alisme philosophique engendre en politiqueles systemes totalitaires tandis que l'empirisme philosophique engendre lessystemes democratiques.

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