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ANGE GABRIELLE COMEDIE En deux actes Anny Daprey

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ANGE GABRIELLE

COMEDIE En deux actes

Anny Daprey

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CARACTERISTIQUES : Durée approximative : 90 minutes

Distribution : 3 hommes 4 femmes

Gérard Pancol : Homme de 45-50 ans, marié à Marie Rose Marie Rose Pancol : épouse de Gérard Gabrielle Pancol : mère de Gérard, venant passer le weekend. Caractérielle et particulièrement odieuse avec sa belle fille Jérôme : le fils du couple, Florence la fille du couple David : petit ami de Florence Désirée : la masseuse. Décor : l’intérieur d’une pièce à vivre. Prévoir un coin bar, et coin salon avec deux fauteuils ou un canapé et un fauteuil. Une porte entrée. Une porte chambres + une autre porte Costumes : actuels. Prévoir une blouse pour la masseuse Synopsis : Gabrielle Pancol, femme de caractère, et particulièrement désagréable avec sa belle fille, vient passer le weekend chez ses enfants pour, apparemment, leur annoncer une nouvelle. Tout le monde est donc un peu nerveux. Et en effet, dès son arrivée, il y a de l’électricité dans l’air. Elle s’arrange déjà pour provoquer des dépenses imprévues et superflues. Il va falloir user de stratagèmes pour limiter les dépenses et garder une certaine harmonie familiale en attendant de connaître la raison de sa venue…

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NB : Ce texte étant protégé, aucune modification ne peut y être apportée sans mon autorisation. Merci de votre compréhension.

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ACTE 1

Marie Rose ouvre la porte et apparaît avec un sac provenant de la boucherie.

MARIE ROSE - Me voilà ! Ah la la, pour une fois je suis allée chez le boucher d’en bas, j’avais oublié à quel point il était bavard ! GERARD - Que veux tu, c’est son boulot ! MARIE ROSE – De quoi… GERARD – De tailler des bavettes… MARIE ROSE – Très drôle. En tout cas je lui ai demandé s’il avait des pieds de cochon, mais il n’en avait pas. GERARD – Heureusement pour lui, déjà qu’il a la bouche en cul de poule et des yeux de merlan frit ! Si en plus il avait eu des pieds de cochon ! MARIE ROSE – C’est pas gentil, ça. GERARD – Et encore, je parle pas de ses oreilles de cocker ! MARIE ROSE – Gérard… GERARD – Bon sinon, tout est prêt pour l’arrivée de ma mère ? MARIE ROSE (soupirant) – Ouais…Tout sauf mon humeur. GERARD - Ah ben si tu commences à te mettre en mauvaise condition avant même son arrivée, ça promet ! MARIE ROSE – Je ne me mets pas en mauvaise condition, je me mets en condition tout court. GERARD – T’as pas l’air. MARIE ROSE – J’ai pas l’air quoi ? J’ai pas l’air conditionné ? GERARD – Je te sens plutôt en sur-tension. MARIE ROSE – J’y peux rien, elle me stresse. GERARD – Ecoute, elle vient juste passer le weekend ! MARIE ROSE – Le weekend, ça veut dire 48 heures ! GERARD – Eh ben ?

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MARIE ROSE – Mon niveau de tolérance avec elle étant de dix minutes, il y a 47 heures 50 de trop ! GERARD – Oh écoute, elle n’est pas terrible au point ! MARIE ROSE – En effet, elle n’est pas terrible, elle est épouvantable. GERARD – Mais non…Tu n’as qu’à ignorer ses provocations, tout simplement. MARIE ROSE – Donc je vais l’ignorer tout court, car elle n’est QUE provocation ! C’est même elle qui a inventé le mot ! Son taxi arrive à quelle heure ? GERARD – Il devrait déjà être là. En attendant, j’en profite pour t’offrir ce petit cadeau… MARIE ROSE – Pourquoi un cadeau ? Pour m’amadouer parce que ta mère arrive ? GERARD – Non, parce que j’ai oublié ton anniversaire la semaine dernière, c’est pour me faire pardonner. Et puis si ça peut te détendre quelques minutes, on aura déjà gagné ça. Elle ouvre la boite et découvre un collier de perles.

MARIE ROSE – Mais tu es fou ? Il est magnifique ! Ce sont des vraies ? GERARD (pas convaincant) – Ah ben…oui…enfin…oui… MARIE ROSE – Mais on n’a pas les moyens d’une telle folie ! GERARD – On s’en remettra. MARIE ROSE (émue) – Tu es fou Gérard…Merci… ! (Elle se regarde dans un miroir

avec son collier, puis le range dans le tiroir quand Jérôme arrive par la porte chambres)

JEROME – Salut les vieux, mamie Gabrielle est arrivée ? MARIE ROSE – Mon chéri, tant que mon visage a encore une couleur normale, et que mes yeux sont toujours en place dans leurs orbites, c’est qu’elle n’est pas arrivée. JEROME – Oh, maman, je vois que tu es sur les chardons ardents ! GERARD – Charbons ardents, pas « chardons », Jérôme. MARIE ROSE – Non non, il a raison, je suis bien sur des chardons ardents !! Ça commence même à me piquer de partout. JEROME – Cool maman, cool ! C’est le moment où jamais de pratiquer ta méditation machin, là, tes respirations ventriculaires ou je sais pas quoi… MARIE ROSE – Respiration ventrale, Jérôme.

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JEROME – Voilà. Ben c’est le moment ! MARIE ROSE – Oui. Je vais en avoir besoin. Et ta sœur, qu’est-ce qu’elle fait ? JEROME – Elle est entrain de glousser au téléphone avec son espèce de mec, là…Tu l’entends pas ? Gloulougoulou !!! gououlgloulouglou !!! GERARD – Vous serez gentils avec ma mère, hein. Elle a quand même des problèmes cardiaques ! MARIE ROSE – Ouais, quand ça l’arrange… GERARD – Faut qu’elle évite les grosses contrariétés ! MARIE ROSE – Pratique, ce truc là quand même ! Ca te permet de balancer des roquettes dans le camp adverse, en étant à l’abri des ripostes ! GERARD – Oui je sais ma caille, mais tu es une femme intelligente, donc ça va bien se passer. MARIE ROSE – Bien essayé Gérard, le coup de la flatterie ! JEROME – Ma caille, ma caille…C’est pas souvent que t’appelles maman « ma caille », on dirait un cri de guerre japonais : « MAKAI !! » MARIE ROSE – C’est quand même bizarre qu’il m’appelle « sa caille » quand ça commence justement à chauffer ! GERARD – Oh, mais non ma caille, dis pas ça ! JEROME – La caille c’est le cri de maman qui s’enfuit après avoir supporté mamie deux jours ! Kaï ! Kaï ! Kaï ! GERARD – Non, ça c’est le cri d’une chienne qui s’est fait mal ! MARIE ROSE – C’est moi la chienne ? GERARD – Oh mais non voyons !! C’est une expression, c’est pour répondre à …JérOOMEU, (tu m’as foutu dans la merde toi !!). C’est comme le cri d’une pauvre bête à qui on aurait brisé le..la…ou qui aurait été coincée dans un…dans une… MARIE ROSE – Arrête tu t’enfonces ! Je vais préparer à manger…ça vaut mieux ! Sortie de Marie Rose porte cuisine.

GERARD – Merci hein ! JEROME – De rien ‘pa.

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GERARD – Je sens que le weekend va être sympa, tiens ! JEROME – Comment ça se fait qu’elle vient, en fait, mamie ? GERARD – Elle n’a pas voulu me dire au téléphone, elle a quelque chose à nous annoncer. JEROME – Elle est enceinte. GERARD – J’crois pas, non ! JEROME – Ben quoi, ça te dirait pas, une petite soeur ? GERARD – Ah que tu es drôle mon fils ! Et ça te ferait quoi ? JEROME – Ben ça me ferait… une tante ! Et du coup je serai… à nouveau neveu ! On sonne à la porte. Gérard ouvre. Entrée de Gabrielle.

GABRIELLE – Aahh ! Mon Gégé !!! GERARD – Bonjour maman, t’as fait bon voyage ? GABRIELLE - Non. (Apercevant Jérôme). Ah mon Jéjé !! JEROME – Bonjour mamie, ça va ? T’as fait bon voyage ? GABRIELLE – Très bien mon chéri, très bien. T’as encore grandi toi non ? JEROME – Euh, non, je crois pas, mamie. GABRIELLE – Ah ben c’est moi qui me tasse alors. GERARD – Entre, maman, entre. Marie Rose va arriver. GABRIELLE – Qui ça ? GERARD – Marie Rose, maman ! GABRIELLE – Ah t’as toujours pas divorcé ? GERARD – Maman… GABRIELLE – J’espère que tu y penses sérieusement. GERARD – Tu n’as pas de bagages ? GABRIELLE – Si. Juste deux bricoles. Dans le taxi. Tu vas me les chercher ? GERARD – Euh…oui. Tiens, viens avec moi, Jérôme. Sortie de Gérard et Jérôme. Entrée de Marie Rose porte cuisine.

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MARIE ROSE – Ah vous êtes arrivée, belle-maman ! Bienvenue ! GABRIELLE – Aah ! Marie Rose ! Mon anti poux préféré !! Bonjour ! MARIE ROSE – Bonjour Gabrielle. Vous avez fait bon voyage ? GABRIELLE – Toujours des questions aussi stupides, vous, hein ? MARIE ROSE – Euh… hum…vous avez l’air en pleine forme, dites moi ! GABRIELLE – Ben pas vous ! Vous avez une sale tête ! MARIE ROSE – Merci…. GABRIELLE – C’est la ménopause ? MARIE ROSE – Euh…non. GABRIELLE – Vous avez largement atteint l’âge pourtant non ? MARIE ROSE – Ecoutez Gabrielle…je…j’espère vraiment que vous allez passer un weekend agréable en notre compagnie. GABRIELLE – Ah quand je vois mes deux Gégés, je ne peux qu’aller bien ! Et votre fille, elle n’est pas là ? MARIE ROSE – Votre petite fille va arriver. Elle est au téléphone. GABRIELLE – Une pipelette !! Comme sa mère ! C’est normal pour l’équilibre de la basse cour…un beau coq, un joli poulet…et deux pintades ! MARIE ROSE – Ecoutez Gabrielle je… Entrée des hommes de l’extérieur.

GERARD – Mais maman, qu’est-ce que c’est que tous ces bagages pour deux jours ?? GABRIELLE – Des bagages pour deux jours. Vous avez payé le taxi ? GERARD – Ben non maman... GABRIELLE (à Marie Rose) – Ben qu’est-ce que vous attendez vous ? Allez payer le taxi !! MARIE ROSE – Mais… GABRIELLE – Vous avez le porte monnaie en peau de hérisson ou quoi ? Marie Rose prend de l’argent dans un tiroir et se dirige vers la sortie. En passant elle glisse à son mari :

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MARIE ROSE – Tu te rappelles des dix minutes de tolérance dont je t’avais parlé ? Je me suis trompée, en fait c’est trois !! Et elles sont écoulées ! (Sortie de Marie Rose.) GABRIELLE – Ah que je suis contente de vous voir mes zamours ! Viens là toi ! (Elle attrape Jérôme pour un câlin démonstratif). T’es toujours mon chouchou toi hein ! Le petit chouchou à sa mamie !! JEROME – Mamie… GABRIELLE – Je t’adore, je t’adore toi ! Autant j’aime pas du tout ta sœur, mais toi, qu’est-ce que je t’aime toi !! T’es beau, t’es grand, t’es beau, t’es grand, t’es…ah, comme ton père, et même ton grand père, mais lui, il était grand, et beau ! GERARD – Maman, j’en profite pour te dire, pendant que Marie Rose n’est pas là… GABRIELLE – Qui ? GERARD – Marie Rose… GABRIELLE – Connais pas. GERARD – Maman, si tu ne veux pas que ce week-end devienne un enfer, il ne faut pas que tu pousses trop, d’accord ? GABRIELLE – Le médecin m’a dit la même chose, tiens, pour mes hémorroïdes. GERARD – Il faut que tu laisses aller les choses… tout simplement, sans forcer ! GABRIELLE – Il m’a dit ça aussi. GERARD – C’est pas une mission impossible, si ? Ce n’est pas comme si je te demandais de lui passer de la pommade ! GABRIELLE – Encore heureux ! La pommade, je me la garde, au prix où je l’ai payée ! GERARD – Il faut que tu lâches un peu de lest… GABRIELLE – Je lâche, je lâche… JEROME – Je suis sûre que mamie va être cool avec maman, hein mamie ? GABRIELLE – Ah mon chéri à sa mamie, qu’il est mignon à défendre sa mamounette ! Mais va falloir qu’elle soit gentille avec moi, ta mère, parce qu’avec mes problèmes cardiaques, je ne peux pas me permettre d’avoir des contrariétés. JEROME – Mais non mamie. Ca va être cool. GABRIELLE – Coule ! coule !

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JEROME – Avec ton humour en plus, ça peut être le top ! GABRIELLE – Ouais le top ! Coule ! JEROME – En plus, entre toi et moi, ça le fait grave ! GABRIELLE – Grave. GERARD – Avec Jérôme tu vas encore apprendre des mots nouveaux, maman. JEROME – Je t’en apprendrai d’autres, mamie ! GABRIELLE – Top. Grave. Coule. Entrée de Marie Rose

MARIE ROSE – Mais belle-maman, 130 euros de taxi !! Il n’y a même pas deux kilomètres depuis la gare ! Qu’est-ce qui s’est passé ? GABRIELLE – J’avais envie de faire un peu le tour de la ville avant d’arriver. MARIE ROSE – A 130 euros vous avez fait plusieurs fois le tour !! GABRIELLE – Six fois. GERARD – Pourquoi t’as fait six fois le tour de la ville ? GABRIELLE – Parce que je savais que c’était pas moi qui allais payer la course. MARIE ROSE – 130 euros ! Vous vous rendez compte ? C’est mon budget nourriture pour cinq jours ! GABRIELLE – Ben vous mangerez moins la semaine prochaine, ça vous fera pas de mal ! GERARD – On aurait dû aller te chercher nous mêmes, tu vois ! GABRIELLE – Ah non non non, ça, il n’en était pas question. JEROME – Et pourquoi ? GABRIELLE – J’aime pas déranger. GERARD – On s’en remettra. Je vais aller poser tes valises dans ta chambre. JEROME – Attends, je vais t’aider. Sortie des hommes porte chambres. Ils croisent Florence qui entre.

GABRIELLE – Ah Florence ! La fille à sa mère !

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FLORENCE – Bonjour Mamie, tu as.. GABRIELLE – Fait bon voyage ? Voui, n’a fait bon voyage, voilà, c’est bien. Alors, comme ça tu passes tes heures au téléphone ? FLORENCE – Non, pas des heures. MARIE ROSE – Des nuits entières. Florence est amoureuse. GABRIELLE – Ah ! Ben ça lui passera. Et il est comment ? FLORENCE – Beau, drôle, intelligent … GABRIELLE – T’avais dit ça pour le précédent aussi, je te rappelle. FLORENCE – Tu as l’air d’aller bien, mamie, et ton cœur, ça va ? GABRIELLE - Il a des ratés, mais le tien aussi apparemment ! MARIE ROSE – Vous voulez vous reposer un peu, Gabrielle, en attendant le repas ? GABRIELLE – C’est pas comme si j’avais voyagé debout ! On peut s’asseoir dans les trains, vous savez ! Mais comme je vois que vous avez déjà envie de vous débarrasser de moi, je vais me retirer dans la salle de bains, parce que j’ai pas réussi à faire pipi dans les toilettes du train ! J’avais l’impression de faire du surf sur une machine à laver en mode essorage ! (Mimer la position.) Sortie de Gabrielle en « mode essorage » porte chambres..

FLORENCE – Ca commence fort. MARIE ROSE – Je ne vais jamais tenir un week-end. Six mois se sont écoulés depuis qu’on l’a vue, et j’ai l’impression que c’était hier ! FLORENCE – Je devrais peut-être dire à David de ne pas venir, finalement. MARIE ROSE – Mais si ma chérie, n’annule rien. C’est à elle de s’adapter à nous, pas l’inverse ! FLORENCE – De toute façon, en général, c’est aux femmes qu’elle s’en prend ! MARIE ROSE – Oui, ça me parait clair ! FLORENCE – Quand on voit la différence qu’elle montre entre Jérôme et moi… MARIE ROSE – Tu en souffres ? FLORENCE – Bof, je suis habituée. J’en ai pris mon parti. Et puis ce n’est pas sur moi qu’elle s’acharne le plus. J’espère que tu es équipée, maman !

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MARIE ROSE – J’ai loué : scaphandre, bouclier, masque à oxygène. Chaussures de ski. FLORENCE – Chaussures de ski ? MARIE ROSE – Pour pas qu’elle me casse les pieds ! FLORENCE – Et le scaphandre, pour pas qu’elle te prenne la tête, je suppose ? MARIE ROSE – Exact. FLORENCE – Ma pauvre tite mère. Tu mérites pas ça. MARIE ROSE – Heureusement qu’elle ne vient pas toutes les semaines ! FLORENCE – Tu ne supporterais pas, hein ? MARIE ROSE – C’est surtout que ça me reviendrait à cher pour la location du matériel de survie… On sonne à la porte.

FLORENCE – Ca doit être David (elle se dirige vers la porte, sautant comme une

gazelle). Ooh…(déçue). Vous n’êtes pas David !

DESIREE – Non, mais je suis Désirée. MARIE ROSE – Ah vous croyez ? DESIREE – J’en suis même sûre. Je sais comment je m’appelle ! FLORENCE – Et vous êtes ? DESIREE – Désirée. Marie Rose et Florence se regardent sans comprendre, et Marie Rose referme la porte au nez de la visiteuse.

MARIE ROSE – J’ai pas tout compris, là. Attends, on va recommencer. (On sonne à

nouveau ; Marie Rose ouvre.). Hum…Bonjour ? DESIREE – Bonjour, je suis Désirée. MARIE ROSE – Oui, c’est vrai qu’on en était restées là…Et donc ? DESIREE – J’ai rendez vous pour un massage. FLORENCE – Désolée, on ne fait pas les massages. DESIREE – Et non…parce que c’est moi. FLORENCE – Non, c’est pas forcément parce que c’est vous…On ne masse personne d’autre non plus.

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DESIREE – Non, je sais, puisque c’est moi, je suis masseur. MARIE ROSE (à Florence) – C’est qui sa sœur…tu comprends kek chose toi ? FLORENCE – Euh… DESIREE – Masseur, je veux dire…masseuse, plus exactement !!! D’accord ? MARIE ROSE – Ah bon, oui, d’accord, si vous voulez. Et quel est le rapport avec la choucroute ? DESIREE – Je ne suis pas au 36 rue de la licorne ? FLORENCE – Si. DESIREE – Eh bien j’ai rendez vous ici. Laquelle de vous deux m’a téléphoné hier pour me commander un massage ? MARIE ROSE – Non mais il y a une erreur madame, il y a forcément une erreur. DESIREE – Ah bon ? Ecoutez, vous permettez que je rentre juste deux minutes pour téléphoner ? Qu’on éclaircisse cette affaire ? La personne qui m’a fixé un rendez vous m’a laissé un numéro de téléphone où la joindre, j’ai dû me tromper de maison, ou…je ne comprends pas… MARIE ROSE – Allez-y, je vous en prie. DESIREE – Merci. Voilà, j’appelle (elle compose un numéro sur son portable, le

téléphone sonne dans la pièce)

MARIE ROSE – Ah excusez moi, mon téléphone sonne. (Elle décroche) Allo ? (La

conversation se fait en direct, elles sont à deux mètres l’une de l’autre).

DESIREE – Bonjour Madame, c’est bien vous qui m’avez commandé un massage pour aujourd’hui ? MARIE ROSE – Mais pas du tout ! Qu’est-ce que c’est que tous ces gens qui s’immiscent et s’amassent pour me masser, mince ! J’ai déjà quelqu’un dans ma maison qui me demande la même chose ! DESIREE – Mais vous êtes où Madame ? MARIE ROSE – Ben chez moi ! Et vous ? DESIREE – Ben chez vous ! MARIE ROSE – Quoi ?? FLORENCE (à Désirée) – Je crois que vous vous parlez, là.

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DESIREE (à Florence) – Oui-oui. MARIE ROSE – Quoi « oui-oui » ? DESIREE (au téléphone) – Euh…non-non. MARIE ROSE – Quoi « non-non » ? DESIREE – Pardon mais…je ne suis pas chez Mme Pancol ? MARIE ROSE – Si-si DESIREE – Comment ça « si si » ? FLORENCE – Maman, en fait tu es entrain de parler à la dame qui est là… DESIREE – Madame Pancol Gabrielle ? MARIE ROSE – Oh la la, attendez… (Elle bouche le téléphone et s’adresse directement à

Désirée) .Dites voir, vous avez rendez vous avec qui, vous ? DESIREE – Madame Gabrielle Pancol. MARIE ROSE – Vous aussi ? FLORENCE (désignant le téléphone de sa mère, puis Désirée) – Maman…c’est la même ! MARIE ROSE – Encore heureux que ce soit la même ! Manquerait plus qu’il y ait deux Gabrielle Pancol !! On en a bien assez d’une !! DESIREE (s’approchant de Marie Rose) - Ah mais c’est vous que j’ai au téléphone, là ? MARIE ROSE (face à Désirée) – Allo ? Qui me parle ? FLORENCE – Maman, c’est la dame ! DESIREE – C’est moi, vous me voyez ?! MARIE ROSE – Oui, ça je vois bien que je vous entends ! DESIREE – Donc on peut raccrocher je crois ! MARIE ROSE – Oui, euh… (Dans le téléphone) au revoir… Mais qu’est-ce qui se passe, bon sang de bonsoir ? FLORENCE – J’ai compris, moi ! C’est mamie qui a pris un rendez vous ! MARIE ROSE – Non mais je rêve ou quoi…C’est ma belle mère !?

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DESIREE – Si c’est elle qui se nomme Gabrielle Pancol, oui. MARIE ROSE – Va la chercher, Flo. (Sortie de Florence porte chambres). Excusez moi, Je comprends vite mais faut m’expliquer longtemps, desfois. DESIREE – Ca ne fait rien. Pas de souci. MARIE ROSE – Quand je pense qu’elle a commandé un massage !? DESIREE – Des pieds. Elle a demandé des pieds. MARIE ROSE – Pourquoi faire ? Elle en a déjà deux. Entrée de Flo et Gabrielle porte chambres.

GABRIELLE – Aaah, c’est ma p’tite masseuse d’orteils ? DESIREE – Bonjour Madame. FLORENCE – Tu vas te faire masser les orteils mamie ? GABRIELLE – Oui, j’ai pris rendez vous parce que je savais qu’après ce voyage, je souffrirais des pieds. FLORENCE – Pourquoi ? T’as suivi le train en courant ? GABRIELLE – Ne sois pas insolente avec ta grand-mère toi ! On verra quand t’auras mon âge !! MARIE ROSE – Bien, on vous laisse. Vous voulez que j’ouvre la fenêtre ? DESIREE – Non pourquoi ? MARIE ROSE – Pour euh… (Dans le dos de Gabrielle elle se pince le nez pour faire

allusion à l’odeur)

DESIREE – Comme vous voulez, moi j’ai l’habitude, vous savez. Marie Rose fait signe à Florence d’ouvrir la fenêtre, qui s’éxécute.

GABRIELLE – Vous avez l’intention de sauter par la fenêtre, Marie Rooose ? MARIE ROSE – Non… GABRIELLE – Alors FERMEZ LA !! Marie Rose ferme la fenêtre et pousse un soupir exagéré. Dans le dos de sa belle mère elle prend deux ou trois profondes inspirations en fermant les yeux. Florence ventile sa mère avec ce qui lui passe sous la main pendant que Désirée enlève les chaussures de Gabrielle.

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GABRIELLE (sans se retourner) – Arrêtez de me faire de l’air ! (Marie Rose retient sa

respiration) Et faites moi de l’air, toutes les deux ! (Marie Rose lâche bruyamment son

soupir retenu)

FLORENCE – Tu sais pas ce que tu veux mamie ! Flo et Marie Rose sortent porte cuisine. Gabrielle tend ses pieds et Désirée commence le massage.

GABRIELLE – Arrrh que ça fait du bien, rrrro la la que c’est bon.

DESIREE – C’est vrai que ça détend, hein…

GABRIELLE – Oh c’est vrai que ça détend, oh puis le gros, là…Oh le gros qu’il est content, oui celui là, ohhh qu’il est content le gros…et ses frères…ah oui ses frères…oh le petit dernier qu’il est tout timide celui là ! Vous avez vu comment il se ratatine dans son coin ? Aie, ouh ça fait mal ! Que ça fait du bien quand ça fait mal !

DESIREE – Vous n’avez pas d’ongles incarnés ? GABRIELLE – Pourquoi vous me demandez ça ? Non, mon oncle est mort depuis longtemps. Un accident de voiture, il est allé dans le fossé. DESIREE – Des cors peut-être ? GABRIELLE – Dans le décor, oui, si vous préférez. DESIREE – C’est un peu trop gonflé, là. GABRIELLE – Ah ça je sais pas si c’était un pneu trop gonflé… DESIREE – C’est certainement de l’oedème. GABRIELLE – Peux pas vous dire, j’y connais rien en mécanique auto, moi. Entrée de Jérôme porte chambres

JEROME – Mamie ? Alors ! Tu te la coules douce ? GABRIELLE – Regarde donc ! J’me la coule cool !! Où est ton père mon chéri ? JEROME – En train de réparer l’applique au dessus de ton lit, comme tu lui as demandé ! GABRIELLE – L’applique…. Très bien ! Qu’il s’applique ! Ha ha ha… JEROME – Bonjour, alors comme ça vous êtes masseuse à domicile ? DESIREE – Domicile … ou cabinet. GABRIELLE – Y’a pas tellement de place dans les cabinets !! JEROME – Et vous massez autre chose que les pieds ?

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GABRIELLE – Dans les « vécés » qu’est-ce que tu veux que ce soit, gros malin ?

DESIREE (souriante) – Oui je pratique toutes sortes de massages. Intégral aussi.

JEROME – Houou hououhou… Et…ça va chercher dans les combien ?

GABRIELLE (désignant ses talons) – Eh, vous avez vu les talons ? (Jérôme bombe le torse et fait le beau devant le public.)

DESIREE (regardant Jérôme avec attention) – Ah…oui bien sûr, mais… je vous précise tout de suite : mes massages ne sont pas érotiques. Désolée.

JEROME – Dommage. Merci quand même, mamie, pour l’étalon !! GABRIELLE – De quoi…j’ai dit « vous avez vu les talons », pas « vous avez vu l’étalon »!! DESIREE – Oh pardon. GABRIELLE – Vous avez des problèmes d’ouie, non ? DESIREE – Non. GABRIELLE – Ben quand même, vous avez compris de travers… DESIREE – Désolée…Ca ne vous arrive jamais ? GABRIELLE – Jamais. JEROME – Ma grand-mère est bien connectée. Et elle a du réseau…Une vraie wi-fi ! GABRIELLE – C’est ça. J’ai la ouie-fine, moi. DESIREE – En tout cas c’est bien de prendre soin de soi. JEROME – J’essaierai bien de prendre soin de soi avec vous, moi. DESIREE – Je vais vous laisser mon dépliant. Vous verrez si quelque chose vous convient. JEROME – Je crois que tout pourrait me convenir. Des pieds à… la tête. DESIREE – Le massage du cuir chevelu est très prisé aussi, en effet. JEROME (rêveur) – Ah le cuir chevelu… GABRIELLE – Oh c’est bon ça, la voûte de la plante des pieds…

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DESIREE (toujours à Jérôme) – En général les messieurs affectionnent les massages du dos. Ce sont les plus relaxants. JEROME – Ouais ouais ouais…. GABRIELLE – Calme toi, mon grand, calme toi. JEROME – Et on peut pas avoir un échantillon à l’essai ? DESIREE (aimable mais professionnelle) – Ah non, en général je ne propose pas d’échantillons gratuits. JEROME – C’est dommage…ça donnerait une idée. GABRIELLE – J’crois t’en as déjà une derrière la tête, d’idée, toi ! Non ? JEROME – Pas du tout, mais c’est vrai que…regarder vos mains me laisse rêveur. DESIREE – Mon frère est masseur aussi. GABRIELLE – Elle est originale celle là : « mon frère est masseur » JEROME – Oui mais là, ça doit pas être la même chose… DESIREE (toujours très professionnelle) – Ca dépend ce que vous recherchez, quelquefois les gens préfèrent un toucher plus vigoureux, plus masculin, plus appuyé, tout simplement. JEROME – Oui mais là… non. DESIREE – Enfin moi je vous donne juste les infos, c’est vous qui décidez. JEROME (sous le charme) – Ouais ouais ouais… DESIREE – Voilà ma petite dame. GABRIELLE – C’est déjà fini ? DESIREE – Ah je sais, ça passe vite quand on aime ça. GABRIELLE – J’en prendrai bien un autre ! JEROME – Attention, mamie, je pense que c’est le genre de truc qui enivre ! Entrée de Marie Rose porte cuisine.

MARIE ROSE – Ca y est belle maman ? C’est terminé ? GABRIELLE (répondant à Jérôme) – Y ‘a des choses qui enivrent et d’autres qui vous saoulent !

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DESIREE – Pour le règlement… ? GABRIELLE – Voyez avec la dame, là, celle qui me surveille. MARIE ROSE – Qui ? Moi ? DESIREE – Ca fait cinquante euros, s’il vous plait. MARIE ROSE – Cinquante euros ? Pour deux malheureux pieds ? GABRIELLE – Y’avait quand même dix orteils, hein. MARIE ROSE – Et c’est moi qui paie ? GABRIELLE – On dira que c’est le cadeau de Noël que vous avez oublié de m’offrir ! Vous, vous revenez demain, d’accord ? (Marie Rose paie la masseuse à contre cœur.)

DESIREE – A quelle heure vous voudriez ?? GABRIELLE – Comme ça vous arrange. JEROME – Pour les pieds, encore ? GABRIELLE – Nan, on changera. Qu’est-ce que vous avez en magasin, pour se détendre ? DESIREE – Ah le massage des épaules reste un grand classique, idéal pour dénouer les tensions ! GABRIELLE – C’est parfait, ma belle fille m’offre ça ! Pour mon cadeau d’anniversaire ! (Marie Rose fulmine)

MARIE ROSE – C’est quand ? GABRIELLE – Je sais plus mais… c’est passé. DESIREE – Demain matin ça vous va ? Vers les neuf heures ? GABRIELLE – C’est parfait ! DESIREE – Alors au revoir à demain ! (À Jérôme) Je vous laisse ma plaquette. (Elle

sort.) Gabrielle se dirige vers la sortie chambres.

GABRIELLE – Eh ben ! Faites pas cette tête là vous ! Vous n’êtes pas à un enterrement ! (Elle sort.)

MARIE ROSE – Non, malheureusement !…Jérôme, nous allons avoir un problème de trésorerie.

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JEROME – Elle sait s’y prendre… MARIE ROSE – Elle va faire le maximum pour me mener la vie impossible. On n’a pas les moyens de payer la masseuse demain. J’en suis déjà à 180 euros en moins de deux heures ! Tu te rends compte ? JEROME – Et qu’est ce que tu peux y changer ? Maintenant qu’elle a fixé le rendez vous ! MARIE ROSE – Tu vas la remplacer. JEROME – Quoi ? MARIE ROSE – Je téléphonerai un peu plus tard pour annuler le rendez vous, toi tu te feras passer pour sa collègue et tu lui donneras son massage, demain matin. JEROME – Oh ben nooon !! MARIE ROSE – Estime toi heureux, demain c’est les épaules ! T’as échappé aux pieds ! JEROME – Ah ben là c’est clair que j’pourrais carrément pas ! Toucher les pieds de ma grand-mère, beerrk, c’est dégueulasse !! MARIE ROSE – Alors c’est oui ? JEROME – Mamaan…Noon… MARIE ROSE – Jérôme, je te le demande et ça restera secret entre toi et moi ! Tu te déguiseras en femme, elle n’y verra que du feu ! JEROME – Tu rigoles ? Avec le flair qu’elle a ? MARIE ROSE – Il n’y a pas d’autre solution. On ne va quand même pas se laisser plumer ! Il faut être plus rusée qu’elle. En tout cas je ne sais pas ce qu’elle a à nous annoncer, mais elle a intérêt que ça tienne la route ! (Elle sort porte cuisine.) JEROME – Oh non…la galère ! On sonne. Jérôme ouvre. Entrée du petit ami de Florence.

DAVID – Salut mec. JEROME (ironique) – Tiens vlà le plus beau. DAVID – Ou ça ? JEROME – Pff…eh ben ça s’arrange pas… DAVID – Flo est là ?

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JEROME (mollement) – Ouais … Mamie !! DAVID – C’est comme ça que t’appelles ta sœur ? JEROME – Nan, c’est comme ça que j’appelle ma grand-mère. DAVID – C’est pas ta grand mère que je viens voir. JEROME – C’est important que tu connaisses toute la famille. Comme elle est de passage, je vais te la présenter. DAVID – Ah bon, d’accord… Entrée de Gabrielle porte chambres.

GABRIELLE – Qui-qui m’appelle ? JEROME – C’est moi mamie, je voulais te présenter en exclusivité, le petit ami de Florence. GABRIELLE – C’est vous le nouveau millésime alors ? DAVID – Comment ça « le nouveau millésime » ? GABRIELLE – Vous êtes affreux. Mais vous allez bien avec ma petite fille, du coup. JEROME (moqueur) – Ouais grave. DAVID – Ah c’est gentil madame. Alors vous êtes de passage ? GABRIELLE – Ouais … Grave….C’est cool ! DAVID – Ah d’accord…Bon ben c’est bien….Voilà voilà… GABRIELLE (à Jérôme) – La prochaine fois tu me déranges si ça vaut vraiment la peine mon chéri ! (Elle sort porte chambres)

DAVID – Sympa ta grand-mère… JEROME – Ok, je vais avertir Florence que sa tronche de cake est arrivée (Il sort

porte cuisine )

DAVID – Oh ! Eh ! ‘ttention hein ? J’ai de l’humour mais là, je pourrai le prendre mal ! Pendant qu’il est seul sur scène, David ouvre deux ou trois tiroirs, vole de l’argent et le collier de perles de Marie Rose. Entrée de Gérard porte chambres.

GERARD – Ah salut David, ça va ?

DAVID – Bonjour monsieur. Bien, bien, merci. GERARD – Ils annoncent un beau weekend. Vous avez prévu quoi avec Flo ?

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DAVID – Euh…je sais pas trop encore, faut qu’on en discute. GERARD – Ce serait bien qu’elle ne soit pas trop absente, sa grand-mère est là, elle ne la voit pas souvent, tu comprends ? DAVID – Oui, bien sûr. GERARD – C’est important de profiter de sa famille, surtout quand les visites sont rares…En même temps je suis bien content de la voir heureuse…T’es un garçon bien. Elle aurait pu s’enticher d’un voyou… ! DAVID – Oh ben non, c’est pas mon genre. GERARD – Oui je sais. De toute façon ça se voit. DAVID – Ah bon ? A quoi vous voyez ça ? GERARD – A tout : à ton allure, ton visage, à ta démarche on voit que t’es quelqu’un de bien. DAVID – A ma démarche ? GERARD – Oui, tu sais, je suis sensible à tous les petits signes, moi. Même ta voix, c’est la voix d’un garçon honnête. DAVID – Ah bon ? GERARD – Ouais. Tu sais, tu t’en rendras compte en vieillissant, avec l’expérience. Tu verras que les gens, quand on les regarde bien, eh ben…on les voit. DAVID – Ca, forcément… Si on les regarde, on les voit. GERARD – Non mais je veux dire, on les voit vraiment au fond ! Tu comprends ? C’est la sensibilité, ça mon gars. Avec l’expérience, on affine son intuition ! Desfois moi je suis tellement intuitif que je pourrai lire dans la tête des gens. DAVID - Ah bon ? GERARD – Et deviner leurs pensées, comme ça, rien qu’en les scrutant (il

s’approche de lui très près. David tente de cacher son embarras). C’est dingue hein ? DAVID – Ah oui, c’est dingue dites donc. GERARD – Et je peux te dire que forcément, quand je devine tout, ben celui qui est en face de moi, il a les fouettes ! Surtout quand il a quelque chose à se reprocher ! DAVID – Surtout, oui.

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GERARD (lui donnant une bonne claque dans le dos) – Mais avec toi, je suis tranquille ! T’as le laisser-passer ! Je t’ai bien regardé, et donc…. (En se tapotant le nez.) je t’ai bien vu ! DAVID – Ah ben ça me fait plaisir. GERARD – Avec un don pareil j’aurais pu être flic moi, finalement. DAVID – Vous l’avez échappé belle. Entrée de Florence porte cuisine, tout sourire, elle se jette dans les bras de David.

FLORENCE – Ah tu m’as manquéééé !! (Du côté chambres on entend crier

« Géraaaaard !!! »). C’est mamie qui t’appelle. GERARD – Oui, je l’avais reconnue. Qu’est-ce qu’elle a encore ? FLORENCE – Je crois qu’elle peste après la porte de l’armoire. GERARD – Oh la barbe… (Il sort porte chambres)

FLORENCE – Tu m’as trop manqué, bisou-bisou-bisou .Tu veux pas m’emmener loin d’ici ? Ma grand-mère est là pour deux jours, si je pouvais l’éviter un maximum ! DAVID – Ton père vient de me demander le contraire. Il voudrait que tu ne sortes pas trop pour profiter de sa visite ! FLORENCE – Et tu as l’intention d’obéir à qui ? DAVID – A toi bien sûr, tu sais à quel point je suis soumis ! Mais je suis aussi super compréhensif, donc si tu veux vraiment faire plaisir à ton père… FLORENCE – Tu es vraiment exceptionnel. Jamais je n’ai rencontré quelqu’un d’aussi droit, intègre, respectueux et tolérant ! DAVID – Oh, c’est naturel… FLORENCE – Et modeste par-dessus le marché ! DAVID – Euh…Oui…Dis, il fait un peu chaud chez toi…On va prendre un peu l’air ? FLORENCE – Ouiii, bisou bisou bisou bisou… (Ils sortent) Entrée de Marie Rose porte cuisine.

MARIE ROSE – Alors, j’ai deux minutes de tranquillité ?...(Elle se recoiffe devant le

miroir, réajuste un peu ses vêtements, et pense soudain à son collier. En ouvrant le tiroir elle

s’aperçoit qu’il a disparu). Où est-ce qu’il est passé ce collier ?... Non mais c’est pas vrai…qu’est-ce que j’en ai fait ??... (Tombant sur la carte de la masseuse) Ah oui au fait. (Elle prend le téléphone et compose un numéro). Allo ? Oui bonjour madame, je suis madame Pancol, vous êtes venue tout à l’heure…Non, je suis madame Pancol fille.

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Enfin belle-fille….Oui….Voilà, je vous appelle pour annuler le rendez vous que ma belle mère avait pris pour demain matin avec vous….Je suis désolée, mais elle vient de…de…tomber malade. Une gastro-entérite, soudaine, avec un début de grippe, des nausées…avec des vertiges. On ne sait pas encore ce que c’est, mais elle a une forte fièvre et elle vomit partout depuis quelques minutes….Juste après votre départ, ça a commencé…Y’a peut-être un rapport ?... Vous lui avez peut-être réveillé un virus endormi dans un orteil, qui s’est propagé ailleurs ?...Non ?...Bon enfin vous comprenez bien qu’on est obligés d’annuler….Merci. Oui. Au revoir… Entrée de Gérard porte chambres.

GERARD – Ca va ma caille ? MARIE ROSE (suspicieuse) – Oooh…qu’est-ce qu’il y a Gérard ? GERARD – Rien, rien…Alors, qu’est-ce que tu fais ? MARIE ROSE – Je…rien. Je vais aller préparer le repas. GERARD – Et ton collier ? Il te plait ? Tu ne l’as même pas essayé ! MARIE ROSE – Ah je l’adore ! Mais…je ne veux pas l’abîmer. Et puis je le garde pour les grandes occasions. A propos de grande occasion, où est ta mère ? GERARD – Euh… Elle inspecte son lit. MARIE ROSE – Non mais je rêve ! Il n’y a rien à inspecter ! GERARD – Ses petites habitudes, c’est pas bien méchant. MARIE ROSE – Inspecter le lit ! Et elle va interroger les oreillers ? (On peut

éventuellement jouer avec les lumières pendant cette scène. Marie Rose attrape un

imperméable et se la joue « inspecteur Colombo ») « Bonjour, inspecteur Pancol-ombo. C’est pour un interrogatoire, avez-vous vu passer des acariens ou de la poussière pendant les dernières vingt quatre heures ? Répondez, les oreillers !! Et n’essayez pas d’étouffer l’affaire ! » GERARD – Ma caille… MARIE ROSE (pointant un revolver imaginaire) – « Vous le drap housse, si vous continuez à sourire en coin, je vous étire dessus, ça ne fera pas un pli ! » GERARD – Ma cacaille… MARIE ROSE (se prenant au jeu et exagérant l’attitude policière) – Et vous l’édredon, rien à déclarer ? Pourtant on nous a signalé la disparition de dix kilos de plumes la nuit dernière ! Ecoutez moi édredon : j’ai de bonnes raisons de croire que vous les avez toutes BOUFFEES !! …Comment ça, c’est pas vous ? Ah, vous êtes GONFLE, l’édredon !!... Je vous préviens, je ne laisserai pas l’affaire en sommeil !…Hop-hop, et où vous courez, vous ? Oui, vous, avec les couettes ! N’essayez pas de traversin le lit en courant !!...Alors, personne n’a rien fait ? Rien vu ? mhmmh…et vous le drap de

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dessus, vous couvrez tout ce p’tit monde, bien entendu ?... Comment ?...Aah vous n’avez rien vu parce que vous étiez débordé ?!...Vous le prenez comme ça, je vous préviens tout de suite : la nuit sera longue… ! Moi je dis : quand il y a un lit, il y a délit ! (Revenir aux lumières normales. Marie Rose enlève son imperméable et le jette sèchement)

GERARD – Ma caillounette…ne le prends pas comme ça. Ca la rassure, c’est tout. MARIE ROSE – Ca me hérisse ! Tu es au courant qu’elle m’a fait payer son massage des pieds ? GERARD – Elle en est très contente. MARIE ROSE – Elle peut !! GERARD – Par contre je ne sais pas ce qu’elle a à nous annoncer. Ca m’inquiète un peu. Entrée de Gabrielle porte chambres.

GABRIELLE – C’est quand qu’on mange ? GERARD – Tu as faim maman ? Attends, on va boire un petit apéritif. GABRIELLE – Ah parce que toi, quand tu as faim, tu bois ?? GERARD – Non mais déjà, avec quelques petites bricoles à l’apéro… GABRIELLE – Tu vas pas caler ta mère avec trois cacahuètes ! MARIE ROSE – Sauf si elles passent par le mauvais trou. GABRIELLE – Qu’est-ce qu’elle dit, elle ? MARIE ROSE – Elle, elle a un prénom, elle ! Sauf votre respect, ELLE s’appelle Marie Rose ! GABRIELLE – C’est vrai que sur ce coup là, vous n’avez pas eu de bol. GERARD – Allez, allez, on va boire un verre, et puis tu vas pouvoir nous dire ce que tu avais de si important à nous annoncer. GABRIELLE – Eh oui… GERARD – Assieds toi maman… Tu veux quoi ? Un vin cuit ? Un verre de blanc ou un petit whisky ? GABRIELLE – De la suze. MARIE ROSE – Evidemment c’est la seule chose qu’on n’a pas !

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GABRIELLE – Evidemment c’est la seule chose que je bois ! GERARD – Bon, bon, je vais mettre tout le monde d’accord, j’ouvre une bouteille de champagne. J’en ai justement une au frais. Tiens, regarde. MARIE ROSE – Qu’est-ce qu’on arrose ? GERARD – La nouvelle que maman va nous annoncer. Alors dis nous tout, maman. En espérant que ce soit une bonne nouvelle, bien entendu. GABRIELLE – J’attends d’avoir bu une coupe pour vous dire.(Gérard fait le service,

pendant que Marie Rose apporte des petits gâteaux). Jérôme m’a présenté votre futur gendre tout à l’heure, eh ben c’est pas folichon ! GERARD – Il est pourtant bien gentil. GABRIELLE – Qu’est-ce qu’il est moche ! MARIE ROSE – Florence est heureuse. Pour nous c’est tout ce qui importe ! A votre santé, belle maman… GERARD – Alors, qu’est ce que tu avais de si important à nous dire ? GABRIELLE – Attends je bois (elle vide la coupe d’un trait). Bien ! Alors, la grande nouvelle c’est que…je vais avoir une opération de chirurgie esthétique.(Gérard et

Marie Rose recrachent leur gorgée en même temps)

GERARD – Pardon ?? GABRIELLE – Je passe à la chirurgie esthétique ! GERARD – Non mais tu plaisantes ? A ton âge ? GABRIELLE – Parce que tu trouves qu’il y a un âge ? A plus de 70 ans on est bons à jeter à la poubelle, c’est ça ? On n’a plus qu’à crever, et à crever moche en plus ? GERARD – Mais non mais c’est pas ça mais… MARIE ROSE – Et puis honnêtement, tout le monde s’habitue à votre nez. Au début, c’est vrai que ça choque, mais au bout d’un moment… GERARD – On s’y habitue. Ca oui. Et puis il en faut bien, des nez…avec cette forme là ! GABRIELLE – Non mais ça va oui ? Qu’est-ce que vous avez à y redire, à mon nez ? Il est très bien !! C’est pas le nez qui va passer à la casserole ! MARIE ROSE – Ah bon ? Ben quoi d’autre alors ? GABRIELLE – Je me fais refaire les seins.

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Gérard et Marie Rose recrachent leur gorgée en même temps.

GERARD – Quoi ??? GABRIELLE – Une augmentation mammaire. GERARD - Mais pourquoi faire ?? GABRIELLE – Comment ça pourquoi faire ? Tu veux un dessin ? GERARD – Non. Aucun des deux. Merci. MARIE ROSE – Mais Gabrielle, enfin, ce n’est pas raisonnable ! GABRIELLE – Je ne vous demande pas votre avis, il me semble !! GERARD – Alors justement, puisque tu ne nous demandes pas notre avis, justement, alors justement, pourquoi tu nous annonces ça ? Parce qu’après tout, excuse nous maman, mais c’est ton corps, et finalement, hein ma caille, ben…c’est pas notre problème ! MARIE ROSE – Oui, c’est pas notre problème, après tout. C’est votre corps. GABRIELLE – Ma décision est prise. Le rendez vous aussi. Il me manque juste un détail. GERARD – Quel détail ? GABRIELLE – Les 4000 euros nécessaires. (Gérard et Marie Rose recrachent leur

gorgée.) A ce train là vous n’allez jamais le boire, votre champagne !! Quel gâchis ! GERARD – Attends, qu’est-ce que tu veux dire maman ? GABRIELLE – Ben que j’ai besoin de 4000 euros ! MARIE ROSE – Alors là, sauf votre respect, Gabrielle, on n’a pas les moyens ! Déjà qu’on a du mal à partir en vacances à la mer ! C’est pas pour vous payer de nouvelles bouées ! GABRIELLE – Vous êtes gentille mais c’est une affaire entre mon fils et moi ! GERARD – Non mais ça va pas maman ? Je ne peux pas te prêter 4000 euros, m’enfin !!! GABRIELLE – Non mais dis donc, mon garçon ! Je t’ai allaité jusqu’à tes huit ans, t’as participé largement à la destruction de mes lolos, tu peux peut-être participer à leur reconstruction non ? Entrée de Florence de l’extérieur.

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FLORENCE – La reconstruction de quoi ? GERARD (se levant vers elle) – Ma mère veut une augmentation mammaire ! FLORENCE – Comment ça, elle veut une augmentation, ta mère ? GERARD – Une augmentation mammaire, mammaire !! (Il explique avec des gestes) FLORENCE – Quelle drôle d’idée mamie. MARIE ROSE – Je ne vois qu’une solution. GABRIELLE – Laquelle ? MARIE ROSE – Prenez une cacahuète. (Au public, en aparté…) Avec un peu de chance… GABRIELLE – Quelle ingratitude ! Je suis encore une femme, figurez vous ! J’ai encore le droit d’avoir de beaux seins, d’en être digne, fière, de réaliser un vieux rêve ! Et puis j’ai toujours voulu avoir des grosses pastèques ! Marie Rose se rue sur les cacahuètes.

GERARD (choqué) – Mon Dieu, maman… FLORENCE – Jérôme est au courant ? GABRIELLE – Pourquoi ? C’est pas lui qui va payer, que je sache ! MARIE ROSE – Ben c’est pas nous non plus ! GERARD – Ecoute maman, on ne peut pas te prêter cet argent, c’est simple. GABRIELLE – Je ne vous demande pas de me le prêter. GERARD – Ah non ? GABRIELLE – Non : de me l’offrir. Vous vous rembourserez sur l’héritage. GERARD – Non mais ça va pas ? Il n’en est pas question ! FLORENCE – Mais pourquoi tu veux t’imposer ça, mamie ? GABRIELLE (solennelle) – Toute femme a droit d’avoir une sublime poitrine. FLORENCE (innocemment) – Oui mais c’est mieux quand ça va avec le reste ! GABRIELLE – Non mais écoutez là, celle là ! C’est vrai que toi tu vas avec le reste ! Vu la gueule de ton chéri !

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FLORENCE – Eh bien mon chéri, il viendra me chercher demain matin, comme ça tu ne nous verra ni l’un ni l’autre de la journée, voilà, ça te va ? Fâchée, Florence sort côté chambres.

GERARD – Maman tu es trop dure. GABRIELLE – Et vous hein ? Vous n’êtes pas durs ? Ne pas vouloir m’offrir le plus beau des cadeaux, après tout ce que j’ai sacrifié pour vous, pour toi mon fils ? Avec le peu de temps qui me reste ici bas, j’ai quand même le droit de savourer tant que je peux, la beauté et le plaisir de la chair ! GERARD – Disons que là, c’est de la chair chère !! GABRIELLE – Si je meurs cette année, toute ta vie tu t’en voudras de ne pas m’avoir accordé cette faveur ! Je tiens à me rendre au paradis avec des atouts présentables. Pas des gants de toilette flétris. MARIE ROSE – Encore faudrait–il que vous y arriviez, au paradis ! GABRIELLE – J’ai le droit ! Le droit ! Ce n’est même pas un droit. C’est un devoir que tu as envers ta mère. Ta mère nourricière ! Moi avec ma petite retraite je ne peux pas me le permettre. Mais toi tu le peux ! Tu me dois bien ça ! C’est pas possible ce que vous pouvez être radins ! Avec les économies que vous réalisez sur mon dos parce que je ne suis pas dans une maison de retraite !! Ha !!(Elle se lève et

part côté chambres). Je vais chercher mon mohair ! (Théâtrale et dramatique.)Tout d’un coup le froid s’est abattu dans cette maison ! (Elle sort porte chambres)

GERARD – Attends, maman…maman ! (Il la suit)

Entrée de Jérôme porte cuisine.

JEROME – Qu’est-ce qui se passe avec mamie ? MARIE ROSE – Oh, rien de spécial, elle se met juste à la chirurgie esthétique ! JEROME – Ooh, depuis le temps, on l’a adopté, son pif ! MARIE ROSE – Et paf ! C’est pas le pif ! C’est plus bas ! JEROME – Oh ben même le menton, on s’y est habitué aussi. MARIE ROSE – Non c’est beaucoup plus bas ! Pif (désignant son nez), paf (son

menton) pouf ! (Sa poitrine).Tu piges ? JEROME – Non. MARIE ROSE – Et si je te dis : pouf…(désignant des seins qui s’effondrent) …patapouf ! C’est plus clair ? JEROME – Non plus.

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MARIE ROSE – Elle se fait refaire les seins. JEROME – Tu rigoles ? MARIE ROSE – Même pas. JEROME – Je me disais bien aussi, qu’elle avait passé l’âge d’avoir un nouveau nez. MARIE ROSE – Très drôle. Et elle nous demande de payer ! 4000 euros ! Elle est en pleine crise d’adolescence. JEROME – Ca lui passera. MARIE ROSE – C’est ce que je me répète en vain depuis trente ans…Bon, et toi, tu es prêt pour demain ? JEROME – Oooh…mais on peut pas l’annuler cette histoire de massage ? MARIE ROSE – Non Jérôme, on annule rien. Tu t’en sortiras parfaitement. Sois prêt un peu avant neuf heures, d’accord ? JEROME – Pff…Et si papa me croise ? MARIE ROSE – Non, à cette heure là il sera parti. JEROME – T’as l’air vraiment contrariée, maman. Il y a autre chose ? MARIE ROSE – Oui… ton père vient de m’offrir un collier de perles, et je l’ai perdu, ou on me l’a volé, je ne sais pas. Je suis sûre qu’il l’a payé une fortune, impossible de le retrouver. Je me demande si ce n’est pas un coup de ta grand-mère encore… JEROME – Tu crois qu’elle serait capable de ça ? MARIE ROSE – Elle est capable de tout pour m’empoisonner la vie. JEROME – Il ne doit pas être loin s’il n’a pas quitté la maison…T’as fouillé partout ? MARIE ROSE – Je ne l’ai pas sorti du tiroir, je ne comprends pas…Quel weekend pourri ! (Elle sort)

JEROME – Et on mange quoi ? On mange pas ? Maman… ! On mange pas ? (Dépité, il se résigne aux cacahuètes.)

RIDEAU

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ACTE 2

Le lendemain matin, Jérôme est déguisé en femme, caché dans le couloir, sa mère en robe de chambre, lui parle par la porte mais le public ne le voit pas.

MARIE ROSE – Jérôme !! C’est superbe, on ne te reconnaît même pas ! Elle va y voir que du feu ! JEROME (off) – Et si elle me reconnaît quand même, je fais quoi ? MARIE ROSE – Mais non, mais non, j’en mettrai ma main à couper au feu ! Bonne chance mon chéri… JEROME (off) – Eh c’est bien parce que c’est toi hein ! MARIE ROSE – Merci mon grand. Elle referme la porte d’entrée. Florence arrive en robe de chambre, porte chambres.

FLORENCE – T’es déjà debout maman ? MARIE ROSE – Je pourrai te dire la même chose, ma fille ! FLORENCE – David ne va pas tarder à arriver. MARIE ROSE – Il est bien matinal ! FLORENCE – J’espère que tu ne m’en voudras pas, mais j’ai vraiment pas envie de rester à la maison… MARIE ROSE – Oui, je te comprends ! FLORENCE – De toute façon je ne pense pas que mamie en soit offusquée ! Elle s’en fout pas mal que je sois là ou pas. On sonne. Elle ouvre à David.

DAVID – Bonjour tout le monde MARIE ROSE – Bonjour David. Ca va ? DAVID – Oui. Bonjour ma roudoudoute, mon petit sucre d’orge, ma belette… FLORENCE – Je vais aller me préparer, tu m’attends ? DAVID – Ouaich. FLORENCE – Tu veux un café en attendant ? DAVID – Ouaich.

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FLORENCE – Ca va maman ? T’as l’air songeuse. MARIE ROSE – Je vais te dire franchement : ton père m’a offert un collier hier, et il a disparu. Je l’avais rangé dans le tiroir, je suis sûre que c’est ta grand-mère qui l’a pris. De plus, il y avait soixante euros et ils ont disparu aussi. Je ne sais pas comment m’y prendre sans qu’elle déclenche un nouveau scandale et retourne la situation en sa faveur ! Elle est tellement sans gêne qu’elle serait capable de le porter devant mon nez rien que pour me narguer ! David, mal à l’aise, se tortille sur sa chaise.

FLORENCE – Quelle poisse. On pourrait peut-être fouiller dans ses affaires quand elle aura le dos tourné ? MARIE ROSE – J’en sais rien, je suis un peu paniquée. En plus si ton père apprend que je l’ai perdu, il est capable de péter un plomb pour de bon ! Il a l’air de rien comme ça, mais quand il s’énerve… FLORENCE – Je sais, je me rappelle quand il a couru derrière le gars qui lui avait volé son portefeuille dans la rue ! La raclée qu’il lui avait mise ! J’étais épatée. David se tortille de plus en plus.

DAVID – Pourtant il n’a pas l’air bien nerveux ton père ! FLORENCE – Détrompe toi, les petits (ou grands, selon la taille du comédien) calmes, c’est les pires ! Souvent on a peur des gros costauds, alors que c’est les mous les plus dangereux ! DAVID – Ah b…ah bon… FLORENCE – Bon je vais me préparer vite fait. Bisou bisou bisou MARIE ROSE – Oui moi aussi. Elles sortent porte chambres, David sort le collier de sa poche, cherchant quoi en faire. Entrée de Gabrielle porte chambre.

GABRIELLE – Ha. DAVID – Ha. GABRIELLE – Et qu’est-ce qu’il fait tout penaud, celui là ? DAVID – Qui ça ? GABRIELLE – Le pape !! DAVID – J’sais pas. Il avait pas démissionné ? GABRIELLE – Vous êtes vraiment un abruti vous. DAVID – Ah oui pardon : vous avez raison, y’en a un nouveau depuis !

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GABRIELLE – Ben évidemment ! « Habemus papam » ! Y’a un bout de temps même. Bon vous en venez au fait ou quoi ? DAVID – Je vois bien que vous ne m’appréciez pas, mais moi j’ai beaucoup de respect pour vous. Hier soir, j’y ai beaucoup pensé. Vous êtes quand même la mère de l’homme qui a engendré la femme de mes rêves ! C’est pas rien quand même ! GABRIELLE – La mère de l’homme qu… (Elle réfléchit). C’est un compliment ou c’est une vacherie, ça ? DAVID – Un compliment madame. Je voulais vous témoigner mon respect en vous apportant des fleurs, mais j’ai trouvé plus approprié pour vous. GABRIELLE – Mais qu’est-ce qu’il me fait lui ? DAVID – Je vous offre ce collier. La grand-mère de Florence mérite bien ça. S’il vous plait madame. Je vous en prie. GABRIELLE – Pourquoi ça sent l’arnaque ton truc ? DAVID – Pas du tout. Je suis comme ça. Apprenez à me connaître et vous verrez. GABRIELLE – Mais t’es un gentil toi, finalement ! DAVID – Ouais. Grave. GABRIELLE – Grave. Cool. T’es top de coule ! DAVID – Le montrez pas à Florence tout de suite, parce qu’elle pourrait être jalouse… GABRIELLE – Rrrro…. C’est des vraies ? (Elle croque dedans et recrache un petit

morceau). Ca… je sais pas si c’était un morceau de collier ou un morceau de dent. Ooh, je vais aller l’essayer. Mais je vais le cacher. DAVID – Allez-y, cachez cachez ma p’tite dame. GABRIELLE – Je retire ce que j’ai dit de désagréable sur toi. T’es un brave garçon, même si t’as l’air un peu con comme ça… DAVID – Merci. C’est gentil. Gabrielle sort côté chambres. On sonne ; David ouvre à Jérôme déguisé. Celui-ci prend une

voix de femme. JEROME – Bonjour, je viens pour le massage de Madame Pancol. DAVID – Bonjour…(sifflement admiratif)…Waou….Vous êtes drôlement mignonne. JEROME – Merci

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DAVID – Vous massez ? Vous massez quoi ? JEROME – Des gens. Qu’est-ce que vous voulez que je masse d’autre ? Pas des lampadaires ! DAVID – Je savais pas. Waou…ça doit être quelque chose !! JEROME – Oui, bon… DAVID – Vous vous appelez comment ? JEROME – Jér…Géraldine. DAVID – Vous êtes ..euh…vous êtes mariée Géraldine ? JEROME – Je rêve ou vous me draguez là ? DAVID – Ah…désolé hein, je suis un peu maladroit, vous m’avez cerné…Mais faut dire que vous êtes tellement belle ! (Il louche sur le faux décolleté proéminent de Jérôme) JEROME – Et vous, vous avez quelqu’un ? DAVID – Non, non non…j’ai personne moi. JEROME – Ah je croyais que vous étiez avec la fille de la maison ! Il parait qu’elle est charmante ! DAVID – Ah non, pas du tout, c’est juste une amie. JEROME – On m’a dit qu’elle a un frère vraiment sympa. DAVID – Bof, un abruti de première qui se prend pour un cador. (Jérôme se retient) Mais pour en revenir à nos moutons, vous me faites un de ces effets…Je vous assure que là, je ne sais pas si j’ai un coup de chaud, un coup de massue, un coup de cafard ou un coup de bambou mais j’en prends un sacré coup…

JEROME – Oh tous les coups sont permis…même les coups de foudre… DAVID – Tous les coups ? Ouh la…. Et…En tout bien tout honneur, est ce qu’on pourrait pas se voir un de ces soirs, dans la semaine ? JEROME (il s’approche très près de David en reprenant une voix d’homme, la plus grave

possible) – Mais quand tu veux mon chou. Je peux même te proposer un p’tit coup… de main ! David prend la porte en courant. On l’entend encore crier une fois la porte franchie. Entrée de Florence porte chambres.

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FLORENCE – Bonjour, ah vous venez pour ma grand-mère ? Qu’est-ce qui se passe, j’ai entendu crier ! JEROME – Oui, c’est votre ami, je sais pas ce qu’il a. FLORENCE – Il est où ? JEROME – Il vous attend dehors. Entre femmes, si je peux vous dire un truc…. FLORENCE – Bien sûr. JEROME – Vous devriez le surveiller de près, il m’a draguée un max ! FLORENCE – Je ne vous crois pas. Vous mentez. JEROME – Il a voulu me fixer un rendez vous. Il n’est pas fidèle, votre fiancé !! Florence sort en claquant la porte. Entrée de Gabrielle porte chambres.(elle porte le collier mais on ne le voit pas)

GABRIELLE – Y’en a du barouf là dedans ! Ah, ben c’est la masseuse ? JEROME – Bonjour Madame ! GABRIELLE – Mais c’est pas la même qu’hier ! JEROME – Ah non, je suis sa collègue. Elle a eu un empêchement aujourd’hui. GABRIELLE – Quel genre ? JEROME – Euh…son chat, a…euh…essayé de se suicider. Faut dire qu’il est dépressif depuis des mois. GABRIELLE – C’est pas banal, ça. JEROME – Eh non, mais ne vous inquiétez pas, je peux la remplacer, je suis diplômée, vous savez. GABRIELLE – J’espère bien !! Alors allons y. JEROME – Alors ma collègue m’a transmis les consignes, vous avez demandé un massage des épaules aujourd’hui, c’est ça ? GABRIELLE – Oui, c’est ce que j’avais prévu, mais j’ai changé d’avis. JEROME (inquiet) – Euh… c’est-à-dire ? GABRIELLE – J’ai tellement aimé le massage des pieds que je vais m’en reprendre un. JEROME (catastrophé) – Ah noooon, non non ça, c’est pas possible ça.

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GABRIELLE – Et pourquoi ? JEROME – Parce que il faut évoluer, découvrir autre chose !! Non, les pieds c’est bien, mais franchement à côté des épaules, c’est de la gnognotte ! Vous allez voir, allez, hop, c’est parti pour un massage des épaules. GABRIELLE – Naan, je veux les pieds, je vous dis !! J’insiste !! Jérôme se tourne vers le public pour grimacer en pleurant. Déconfit, il est dégoûté par les pieds de sa grand-mère et ose à peine y toucher. Au bout d’un cinéma pas possible, il finit par effleurer chaque orteil en tapotant légèrement dessus, comme un pianiste.

GABRIELLE – Ben dites donc, c’est pas du tout la même méthode que votre collègue d’hier ! JEROME – Ah euh… oui. Nous travaillons de façon différente. GABRIELLE – C’est peu dire ! Pourquoi vous jouez du piano avec mes orteils, vous ? C’est une méthode musicale ou quoi ? JEROME – Oui oui. C’est ça. Exactement. GABRIELLE – Intéressant. Et vous espérez en sortir un son ? JEROME – Faut voir. GABRIELLE – Non parce que si vous voulez du musical, moi je peux vous jouer de la trompette, mais je vous préviens tout de suite, c’est pas par les pieds que le son va sortir !! JEROME – Euh…ça va aller, je vous remercie… GABRIELLE – Ah ben flûte alors ! Héhéhé….Non mais dites donc, elle est bizarre votre façon de procéder, là.

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