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UNIVERSITE DE COCODY
U.F.R DES SCIENCES MEDICALES
Année 2002 Thèse n°
0(,11#/flL Thèse pour le
DIPLOME D'ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE
Présentée et soutenue publiquement
Le 04 juillet 2002
à
l'université « Victor Segalen» Bordeaux 2
par Isabelle Gnassounou épouse Brault
née le 24 mai 1969
STATINES ET EFFETS INDESIRABLES NEUROPSYCHIATRIQUES
M Jacques DANGOUMAU Professeur Président
M Nicholas MOORE Professeur Directeur
Mme Catherine REMBLIER Docteur Co-Directrice
M Bernard BEGA UD Professeur Juge
Mme Maïté LONGY-BOURSIER Professeur Juge
M Jean-Paul EMERIAU Professeur Juge
A mon Président de thèse
Monsieur le Professeur Jacques Dangoumau Docteur en médecine Docteur en Physique Professeur des Universités, praticien hospitalier en pharmacologie
Vous me faites l'honneur d'accepter de présider cette thèse. Je vous remercie d'avoir été disponible et de m'avoir écouté. Soyez assuré de ma reconnaissance et de mon profond respect.
A mes juges
Madame le Professeur Maüé Longy-Boursier Docteur en médecine Professeur des Universités, praticien hospitalier en médecine interne
Je vous remercie de votre enseignement en cours magistral comme en stage. J'ai beaucoup appris lors de mon passage dans votre service en tant qu 'externe.
Monsieur le Professeur Bernard Bégaud Docteur en médecine Professeur des Universités, praticien hospitalier en pharmacologie Chef du service de Pharmacologie clinique
Je vous remercie de m'avoir permis d'accomplir ce travail en me recommandant à monsieur Vandel, ancien chef du service de pharmacologie clinique de Poitiers. Soyez assuré de ma gratitude et de mon profond respect.
Monsieur le Professeur Jean-Paul Emeriau Docteur en médecine Professeur des Universités, praticien hospitalier en médecine interne.gériatrie Chef du service de Gériatrie
Je vous remercie de me/aire l'honneur de juger ma thèse.
Monsieur le Professeur Nicholas Moore - Directeur de thèse Docteur en médecine Professeur des Universités, praticien hospitalier en pharmacologie clinique
Je vous suis reconnaissante de vous être intéressé à mon travail et de m'avoir guidé. Je vous remercie de votre accueil et de votre disponibilité.
A Madame N'Dri Yoman Docteur en médecine Professeur des Universités Doyen de lafaculté de médecine d'Abidjan
Je vous suis très reconnaissante d'avoir accepté que je présente ma thèse à la/acuité de Bordeaux 2 etje vous remercie de votre disponibilité.
A Madame Pérault Docteur en médecine Docteur en pharmacie Professeur des Universités, praticien hospitalier en pharmacologie clinique Chef du service de pharmacologie clinique de Poitiers
Je vous remercie de votre gentillesse et de m'avoir soutenue dans une situation délicate.
A Madame Catherine Remblier Docteur en pharmacie Praticien hospitalo-universitaire en pharmacologie clinique
Je vous remercie de m'avoir aidé et guidé dans mon travail. Merci pour vos conseils et votre disponibilité.
2
A Thierry mon mari
Merci de m'avoir soutenu toutes ces années. Une page se tourne, puissions nous parvenir à la fin du livre ensemble.
A Sara, Mafille
Qui j'espère sera fière de ses parents.
A mafamille
Loin en ce jour, mais bien présente dans mon cœur
A ma belle famille
Merci pour votre affection
3
I LES EFFETS SECONDAIRES NEUROPSYCHIATRIQUES DES STATINES
1-1 Observations du Centre de Pharmacovigilance de Poitiers 7
1-2 Données de la littérature 11
GP Les neuropathies périphériques 11
G? Les troubles de l'humeur 13
GP Les troubles du sommeil 14
GP Les atteintes cognitives 16
G? Les troubles de l'érection 17
1-3 Données de la banque nationale d'observation de pharmacovigilance
A - La pharmacovigilance
- Rôle et fonctionnement
GP Organisation
GP Méthode d'imputabilité
B - Les données de la banque nationale
pages
18
18
18
20
21
25
II LES ST A TINES
II-1 Métabolisme du cholestérol 30
A - Les lipoprotéines 31
B - La régulation 36
C - Les aspects physiopathologiques 37
11-2 Les statines 39
A - Les différentes statines 39
B - Structure 40
C - Mécanisme d'action. 42
GP Structure de l 'HMG-coA réductase 42
E"r Rôle de l'HMG-coA réductase 42
GP Régulation 45
G? Action des statines 47
4
III DISCUSSION
III-1 Récapitulatif des effets secondaires 49
III-2 Controverse sur le lien de causalité entre statines et effets secondaires 50
a) Les biais méthodologiques 50
b) les facteurs de confusion 51
III-3 Hypothèses de mécanisme 53
A - Action indirecte: Théorie du cholestérol 53
.,.. statine et sérotonine 54
GPstatine et trouble de l'humeur 54
B - Action directe 55
IIl-4 Controverse sur les hypothèses de mécanisme 59
III-5 Comparaison des données de la littérature avec celles de la pharmacovigilance 63
IV CONCLUSION 70
5
INTRODUCTION
L'hypercholestérolémie en tant que facteur de risque d'athéromatose est maintenant bien connue.
Un grand nombre d'études a démontré l'existence d'une forte relation entre l'hypercholestérolémie et le
risque de maladie cardiovasculaire ischémique.
Les médicaments hypocholestérolémiants constituent un outil indispensable et efficace dans la
lutte contre la maladie athéromateuse, ils sont ainsi largement prescrits à travers le monde. Les statines
sont les hypocholestérolémiants les plus récents et actuellement les plus efficaces. Il en existe six dont
cinq sont commercialisées en France.
A l'occasion de nombreux essais cliniques sur les inhibiteurs de l'HMG-coA réductase (hydroxy
méthyl-glutaryl coenzyme A réductase) réalisés en France comme aux Etats-Unis, l'observation de la
survenue de certains effets indésirables inconnus jusque là a éveillé l'intérêt de certains investigateurs.
Ces résultats troublants ont conduit à s'intéresser aux relations possibles entre l'influence des
hypocholestérolémiants et leurs possibles effets secondaires sur l'humeur, ou encore plus globalement sur
le système nerveux central.
Plusieurs questions se posaient:
Les statines ont elles un rôle à jouer dans la genèse de ces effets indésirables ? si oui, de quelle nature est
il ?
Existait-il un lien entre cholestérolémie et trouble de l'humeur? La cholestérolémie pourrait-elle alors
servir de marqueur biologique pour évaluer le risque de dépression ou de trouble du comportement?
Il apparaît intéressant d'élargir la recherche à d'autres effets secondaires, qui sont moins bien référencés
dans la monographie des inhibiteurs de l'HMG-coA réductase. En effet, en plus des troubles de l'humeur
et du comportement; des cas d'impuissance, de baisse de la libido, de troubles du sommeil, ou encore de
neuropathies périphériques, ont été rapportés en médecine praticienne ou lors d'essais cliniques.
C'est à l'occasion de deux observations marquantes de troubles neurologiques déclarées au CRPV
(Centre Régional de Pharmacovigilance) de Poitiers, que nous avons voulu refaire le point sur l'ensemble
des effets secondaires neuropsychiatriques des statines, tant dans la banque française de cas en
pharmacovigilance, que dans la littérature avant d'aborder les mécanismes d'action possibles.
6
I LES EFFETS SECONDAIRES NEUROPSYCHIATRIOUES DES ST A TINES
1-1 OSERVATJONS DU CENTRE DE PHARMACOVIGILANCE DE POITIERS
Si les effets secondaires des statines les plus fréquents sont digestifs ( 10%), ! 'hépatite, la réaction
allergique cutanée, ! 'asthénie sont rares. Par contre, les effets les mieux connus depuis le retrait de la
cérivastatine sont les atteintes musculaires (<5%), qu'elles soient biologiques (élévation des CPK, des
LDH, des transaminases) ou cliniques (myalgies voire rhabdomyolyse).
Ceux-ci ont éclipsé l'existence d'autres effets d'ordre neuropsychiatriques, en particulier les troubles de
l'humeur, les troubles du sommeil, les troubles de l'érection, les neuropathies périphériques.
Deux notifications de neuropathies périphériques sous statines déclarées au CRPV de Poitiers sont
illustratives.
Observation N ° l (PO O 100006)
La notification concerne Monsieur C, âgé de 57 ans.
Antécédents
Nous pouvons noter dans ses antécédents une prostatectomie totale pour un cancer prostatique en
2000, une appendicectomie, un syndrome du canal carpien opéré, un urticaire géant rapporté à
Clamoxyl® en 1995, un syndrome dépressif récent.
Signes cliniques
Monsieur C était traité par ZOCOR® (simvastatine) pour une hypercholestérolémie, mais il a
arrêté spontanément son traitement depuis plusieurs mois. Un bilan biologique systématique a révélé la
persistance d'une hypercholestérolémie, donc son médecin traitant a introduit T AHOR® (atorvastatine) le
16 juin 1999 à I cp/jour. Quinze jours après, le patient a commencé à ressentir des picotements "comme
des aiguilles" et des démangeaisons au niveau du bras droit survenant par crise. Les signes fonctionnels
existaient au niveau des faces ventrale, interne et externe de l'avant bras, au niveau de la face postérieure
du coude, au niveau des faces antérieure et interne du bras, correspondant au dermatome C6. Le deux
septembre, le patient a consulté son médecin. L'examen clinique ne retrouvait pas d'atteinte motrice.
Un traitement symptomatique par YIRLIX® pendant une quinzaine de jours n'a pas amélioré le prurit.
7
Monsieur Ca ensuite consulté un dermatologue qui a d'emblée arrêté TABOR®. Dans les 24 heures, les
fourmillements se sont amendés sans séquelles.
Il est à noter que monsieur C a ressenti des symptômes similaires en novembre 1998 alors qu'il était traité
par VASTEN® (pravastatine) 1 cp/jour depuis le mois d'octobre 1998. VASTEN® a été débuté le 17
octobre 1998 et arrêté en décembre 1998.
Le patient est maintenant sous LIP ANTHYL® depuis avril 200 l; il n'a plus signalé de paresthésie.
Critères d'imputabilité de l'effet "paresthésie": concernant TABOR®
./ Imputabilité extrinsèque: B2 : effet non notoire du médicament à l'époque (B3 actuellement).
./ Imputabilité intrinsèque:
Score chronologique: C2 : Chronologie plausible.
- délai d'apparition compatible .
- évolution suggestive: régression des signes 24 heures après l'arrêt du médicament.
- réadministration R(O): non faite.
Score sémiologique: S 1: Sémiologie douteuse.
- sémiologie non évocatrice des propriétés de l 'hypolipémiant.
- autre explication non médicamenteuse possible car non recherchée.
- test spécifique: L(O).
L'imputabilité intrinsèque est donc douteuse: Il, Pour ce qui concerne TAHORS® seul. Par contre
l'existence de paresthésies similaires un an auparavant avec un produit très proche (VASTEN®) rend
!'imputabilité de l'effet à la famille des statines probable, puisque la réintroduction a été positive.
Observation N°2 (PO l 00034)
La notification concerne monsieur S, âgé de 62 ans.
Antécédents:
Insuffisance cardiaque, pontage de l'aorte abdominale, troubles du rythme, diabète non insulino
dépendant, artériopathie des membres inférieurs, cancer ORL.
Signes cliniques:
Une antibiothérapie par TIBERAL® 2 cp/jour et AUGMENTIN® 3 g/jour à été commencée le 31
janvier 2001 pour le traitement d'un abcès cérébral.
8
Un bilan biologique a révélé une hyperlipémie mixte et TAHOR® 10 mg a été introduit le 8 février à 1
cp/jour. Un mois après, le 9 mars, monsieur S s'est plaint de paresthésies à type de fourmillements dans
les jambes et les bras de topographie distale, de sensation de pieds froids, de sensation d'impatience. Les
symptômes prédominaient aux membres inférieurs.
Il présentait à l'examen une hyperesthésie cutanée avec une perception d'électricité au toucher.
La sensibilité profonde et superficielle était normale.
Le 19 mars, un électromyogramme a mis en évidence au niveau du membre supérieur, un ralentissement
des vitesses de conduction motrice dans le territoire du nerf cubital à gauche évoquant une souffrance de
la racine C8 gauche. Au niveau du membre inférieur, l'électromyogramme était en faveur d'une
neuropathie périphérique de type diabétique devant un ralentissement des vitesses de conduction et une
diminution de l'amplitude des potentiels de manière bilatérale.
Evolution:
A deux mois d'évolution, les paresthésies persistaient et le traitement par T AHOR® et
TIBERAL® était poursuivi.
Son traitement global comprenait:
LOPRIL® 25 3/jour débuté le 03 janvier.
MOPRAL® 20 1/jour débuté le 03 janvier.
JOSIR®LP 40 mg 1 /jour débuté le 09 janvier.
IMOV ANE® 1/jour débuté le 09 janvier.
IDARAC® débuté le 09 janvier.
AUGMENTIN® 3 g/jour débuté le 31 janvier.
DIGOXINE® 1/jour débuté le 31 janvier.
GA VISCON® 3/jour débuté le 31 janvier.
TIBERAL® 2/jour débuté le 31 janvier.
LOXEN® LP 50 2/jour débuté le 07 février.
T AHOR® 1/jour (10 mg) débuté le 08 février.
VIBRAMICINE® 200 débutée le 12 février, arrêtée le 23 février.
Critères d 'imputabilité de l'effet: Neuropathie périphérique I
TIBERAL® et T AHOR® sont les deux médicaments les plus susceptibles de provoquer des neuropathies
périphériques.
9
CDTAHOR®
./ Imputabilité extrinsèque: B3: Effet notoire du médicament.
./ Imputabilité intrinsèque
j,, Score chronologique: Cl: Chronologie douteuse.
- délai d'apparition: compatible: 4 semaines après l'introduction de TAHOR® (le 08
février).
- évolution non concluante car TAHOR® n'a pas été arrêté.
- réadministration R (0).
Score sémiologique: Sl: Sémiologie douteuse .
- sémiologie non évocatrice des propriétés thérapeutiques de T AHOR® .
- autres explications non médicamenteuses possibles.
- test spécifique L (0).
L'imputabilité intrinsèque est donc douteuse: Il.
®TIBERAL®
./ Imputabilité extrinsèque: B2: Effet non notoire du médicament.
./ Imputabilité intrinsèque:
Score chronologique: Cl: Chronologie douteuse.
- délai d'apparition compatible: cinq semaines après l'introduction du FLAGYL® (31
janvier).
- évolution non concluante car le médicament a été poursuivi.
- réadministration R (0).
Score sémiologique: S 1: Sémiologie douteuse .
- sémiologie non évocatrice des propriétés thérapeutiques de TIBERAL® .
- autres explications non médicamenteuses possibles car non recherchées.
- test spécifique: L (0).
L'imputabilité intrinsèque est donc douteuse:11
A partir de ces deux cas observés, il nous a paru intéressant de rechercher dans la banque
d'observations de pharmacovigilance et dans la littérature si de tels effets secondaires étaient retrouvés
sous statines. Nous avons ainsi trouvé des cas de neuropathies périphériques mais également des cas de
trouble du sommeil, de syndrome dépressif et d'impuissance. La pathologie neurologique périphérique
n'est elle alors qu'un versant d'une atteinte neurologique plus globale touchant également le système
nerveux central ?
En nous référant aux différentes publications, nous allons maintenant décrire ces effets secondaires
d'ordre neuropsychiatrique rapportés sous statines.
10
I-2 LES DONNEES DE LA LITTERATURE
Nous avons fait nos recherches dans la littérature dans les bases de données Medline,
Micromedex, en utilisant comme mots-clés les noms des statines et de leurs produits individuels et les
termes des pathologies recherchées. Par ailleurs, la liste des références des articles ainsi trouvés a été
examiné à la recherche d'autres références non encore identifiées. Seules les publications faisant état de
cas cliniques princeps et d'essais cliniques ont été retenus.
Nous nous sommes intéressé dans un premier temps aux neuropathies périphériques, puis nous avons
étendu nos recherches aux troubles psychiques notamment les troubles de l'humeur, du sommeil, les
atteintes cognitives et enfin les dysérections.
les neuropathies périphériques
Phan et coll. (1995) de l'institut clinique de neurosciences (Australie) ont publié les cas de quatre
patients qui ont développé une neuropathie périphérique sensitivo-motrice sous simvastatine.
Un premier cas est survenu en début de traitement chez un homme de 52 ans qui commençait la
simvastatine à 10 mg/jour. Il s'est rapidement plaint d'une faiblesse musculaire, devenant
progressivement invalidante, puis de fasciculations au niveau de l'épaule et de la cuisse. Au bout de six
mois, le membre inférieur droit puis le gauche sont devenus parétiques. L'examen clinique a retrouvé une
hypoesthésie superficielle, vibratoire, une diminution des réflexes et une baisse de la force musculaire.
Le bilan 'infectieux était négatif, le bilan biologique a mis en évidence une élévation de la créatine kinase
à 900 UV!.
La simvastatine a été arrêtée et le patient a été revu six semaines après. Les symptômes se sont améliorés
mais ont persisté; le taux de créatine kinase était de 629 UVL Les signes ont donc été partiellement
résolutifs puisqu'à 18 mois, le patient présentait toujours une hypoesthésie distale sans atteinte motrice.
Dans deux autres cas, les signes se sont développés après deux ans de traitement.
Dans tous les cas, les caractéristiques électrophysiologiques mettaient en évidence un trouble de la
conduction sensitive et une dégénérescence axonale. La symptomatologie suggère selon l'auteur, la
possibilité d'une lésion toxique au niveau des cellules de la corne antérieure et des ganglions rachidiens
dorsaux.
Jeppesen et coll. ( 1999) ont rapporté sept cas de neuropathie périphérique survenus au décours
d'un traitement par statine. Le recueil de l'anamnèse, les examens cliniques et paracliniques ont permis
d'éliminer toutes autres causes.
Dans trois cas, les patients ont pris 20 mg/jour de lovastatine, trois autres ont pris de la simvastatine à 20
mg/jour et 10 mg/jour, un patient a pris de la pravastatine à 40 mg/jour.
11
La neuropathie est survenue entre 30 mois et 7 ans après le début du traitement hypolipémiant.
Ces neuropathies étaient de type axonal avec une atteinte à la fois des zones épaisses et des zones minces
des fibres myéliniques. A l'arrêt du traitement, la symptomatologie a persisté pendant une période allant
de dix semaines à un an dans cinq cas.
Enfin, Ziajka P E et Wehmeier R N (1998) ont décrit une neuropathie périphérique chez un
patient hypercholestérolémique qui souffrait d'une coronaropathie, d'un anévrisme de l'aorte abdominale
et d'une artériopathie périphérique.
En juillet 1989, un traitement par lovastatine 20 mg/jour a été instauré. Le traitement a été efficace et bien
toléré jusqu'en 1993. Là, le patient a commencé à se plaindre de douleurs aux deux pieds à type de
brûlure, qui devenaient progressivement invalidantes. Trois mois après le début de la symptomatologie
un examen clinique a retrouvé une hypoesthésie distale bilatérale superficielle et profonde avec une
diminution des réflexes ostéotendineux.
L'électromyogramme a évoqué une polyneuropathie bilatérale sensitive axonale. La symptomatologie ne
s'est pas améliorée sous amitriptyline et carbamazépine. Un an après, bien que la lovastatine est été
arrêtée, les symptômes se sont améliorés sans toutefois disparaître.
En 1996, le patient a pris de la pravastatine 20 mg/jour. Après deux semaines, les paresthésies se sont
aggravées. La pravastatine a alors été remplacée par de la simvastatine 10 mg/jour, mais les signes
neurologiques ont persisté. La simvastatine a été arrêtée à son tour et les paresthésies se sont améliorées
en deux semaines.
En février 1997 ses médecins ont essayé une statine d'une nouvelle génération, l'atorvastatine à 10
mg/jour. Les paresthésies se sont à nouveau aggravées pour s'améliorer à l'arrêt de l'atorvastatine. Le
patient a finalement été traité avec du colestipol à 3 g/jour, associé à un régime hypolipidique strict. La
neuropathie est restée modérée mais a persisté.
Cette observation suggère qu'une fois que la statine provoque une neuropathie périphérique,
l'introduction d'une autre statine entraîne des récurrences, ce serait donc un "effet de classe"et ce caractère
va en faveur d'un mécanisme d'action commun.
Le délai d'apparition de la neuropathie était variable allant, rarement de quelques jours après le début du
traitement, à 3 ou 4 ans. La majorité des cas sont devenus patents entre 6 mois et deux ans après le début
du traitement. Par contre, lors de la réintroduction de la statine, le délai de survenue de la récurrence a été
plus court, allant de deux à trois semaines.
Il est a noter que chez deux tiers des patients décrits, les symptômes ont disparu à l'arrêt du traitement, par
contre, ils ont persisté partiellement chez un tiers d'entre eux.
12
Les troubles de l'humeur et les svmptômes dépressifs
Lechleitner et coll. ( 1992) ont publié les cas de quatre patientes, âgées de 44 à 66 ans, atteintes
d'hypercholestérolémie primaire. Elles ont développé d'importants symptômes dépressifs au décours d'un
traitement par pravastatine à 10 mg/jour pendant 12 semaines.
Trois d'entre elles ont présenté un syndrome modéré qui s'est amendé à l'arrêt du traitement, la
pravastatine ayant été remplacée par de la cholestyramine.
Une patiente, âgée de 66 ans, a présenté des signes psychiatriques plus sévères avec des idées suicidaires
(elle prenait également de l'énalapril en traitement antihypertenseur). La pravastatine a été arrêtée au bout
de huit semaines de traitement et la symptomatologie s'est alors améliorée spontanément en deux
semaines. La dyslipidémie a persisté malgré la cholestyramine et un régime hypolipémiant srtict. Aussi,
un traitement par lovastatine à 20 mg/jour a été introduit. Les taux lipidiques se sont améliorés, et 3 mois
après, la patiente ne présentait aucun signe de dépression.
Un an plus tard, Duits N et Bos FM (1993) ont incriminé la simvastatine. Ils ont rapporté le cas
d'une femme âgée de 44 ans, sans antécédent ni traitement psychiatrique, qui a été mise sous simvastatine
pour une hypercholestérolémie familiale. Au quatrième jour de traitement, elle a développé un état
dépressif associé à des idées paranoïaques, des idées suicidaires et une agitation qui ont nécessité son
hospitalisation en psychiatrie et l'arrêt de la simvastatine. Dix jours plus tard, la symptomatologie s'est
amendée permettant à la patiente de regagner son domicile.
Une deuxième femme de 55 ans a été traitée par de la simvastatine, elle avait par ailleurs perdu
volontairement 21 kilos en deux ans. Au bout de 3 mois, la simvastatine a dû être arrêtée car un état
dépressif est apparu, associé à des pensées négatives de désillusion, des obsessions agressives effrayantes
et des idées suicidaires. Nous pouvons noter dans les antécédents de cette patiente un accès compulsif
résolutif 24 ans auparavant, sans rechute depuis.
Après une courte hospitalisation en psychiatrie, la patiente a reçu un traitement antidépresseur
(clomipramine) associé à une psychothérapie. Elle a retrouvé son état psychologique antérieur.
Duits et Bos ont alors émis l'hypothèse d'une probable relation entre la simvastatine et les troubles
psychiatriques.
Davidson et coll. ( 1996) ont mené une étude afin d'approfondir cette question. A l'aide d'une
méthode standard basée sur une échelle d'autoévaluation de la dépression (CES-DC, cf annexe), ils ont
mesuré le syndrome dépressif chez six hommes d'une moyenne d'âge de 52 ans, traités par
hypocholestérolémiant (un sous fibrate, cinq sous statine). La mesure a été faite avant le début du
traitement et six semaines après.
13
Presque tous les patients ont eu une cholestérolémie significativement abaissée, en moyenne de 6.6
mmol/1 à 5.9 mmol/1, après six semaines de traitement.
La mesure de la dépression a montré chez tous les hommes une augmentation significative de la
symptomatologie dépressive associant des sautes d'humeur, une tristesse, une anxiété. Deux d'entre eux
ont atteint les critères diagnostics d'une dépression. Il n'était pas noté de trouble du sommeil, ni de
l'appétit. Il n'y avait pas de différence entre les statines et le fibrate.
Les auteurs suggérèrent alors l'intérêt d'associer un traitement antidépresseur chez les patients sous
hypocholestérolémiant qui signaleraient des troubles de l'humeur.
Les troubles du sommeil
V gontzas et coll. ( 1991) ont étudié les effets de deux statines sur le sommeil, administrée chacune
à 40 mg/jour pendant 22 jours. Douze personnes, âgées de 18 à 40 ans, en bonne santé, ont participé à
l'étude en double aveugle versus placebo.
L'étude a suivi plus particulièrement le temps de latence du sommeil, le laps de temps au bout duquel
survient un réveil après l'endormissement, la durée totale d'éveil, le nombre de réveils et la perception
subjective de la qualité du sommeil.
Alors que la pravastatine n'affectait en rien la qualité du sommeil, la lovastatine a entraîné une
augmentation significative du temps d'éveil nocturne. La perturbation du sommeil est survenue après 15
jours de traitement, temps compatible avec le délai de réponse thérapeutique du médicament, sans
différence dans le délai d'endormissement ni dans la phase de sommeil léger. Il n'y avait pas de
différence ni de modification de la perception subjective de la qualité du sommeil.
Là encore, les auteurs ont évoqué un possible rôle de la liposolubilité des molécules. Nous développerons
cette théorie un peu plus loin.
Traitement Différence par Etat de base Traitement
Lovastatine nuit 16 à 18 rapport à l'état de placebo nuit 5 à 7
base
Temps d'éveil après 25.4 mn S endormissement 20.1 mn 29.2 mn 45.5 mn
(p<0.05)
Temps total d'éveil 61.7 rnn 67 rnn 82.4 rnn 20.7 NS
Nombre de réveils 4.3 4.5 7.7 S (p<0.01)
14
Etat de base Traitement Traitement Différence par
Pravastatine rapport à l'état de placebo nuit 5 à 7 nuit 16 à 18
base
Temps d'éveil
après 17.1 mn 18.3 mn 19.8 mn 2.7 mn NS
' endormissement
Temps total d'éveil 41.6 mn 44.8 mn 49.4 mn 7.8 mn NS
Nombre de réveils 4.3 4.6 4.7 NS
S ~ significatif NS : non significatif
Fig: 1 .Différence d'effet sur le sommeil de la lovastatine et de la pravastatine par rapport à l'état de base
D'après Vgontzas et coll. (1991)
Rosenson R S et Goranson N L (1993) ont décrit deux cas de perturbation du sommeil sous
statines.
Un homme de 51 ans a été traité par de la lovastatine, 20 mg/jour le soir, pour une hypercholestérolémie.
Quelques jours après le début du traitement, il l'a arrêté car son sommeil était perturbé par des réveils
fréquents. L'amélioration s'est effectuée en deux jours et quelques semaines plus tard, le traitement a été
repris à la même posologie mais le matin.
Au bout de deux mois, les troubles du sommeil ont réapparu, associés par la suite à une irritabilité et une
anxiété. La lovastatine a été une nouvelle fois arrêtée, permettant une totale amélioration du
comportement et du sommeil, en 2 jours.
Trois mois après, la lovastatine a été remplacée par la pravastatine à 20 mg/jour le soif avec une
excellente tolérance à plus d'un an de traitement.
Dans le deuxième cas il s'agit d'un homme de 53 ans hypercholestérolémique qui a été traité avec de la
lovastatine 20 mg le soir. Comme sa cholestérolémie restait trop élevée, la posologie a été augmentée à 40
mg/jour (20 mg le matin, 20 mg le soir) puis à 60 mg/jour (20 mg le matin, 40 mg le soir). Quelques
semaines après, le patient étant à la dose la plus élevée, il s'est plaint d'insomnie matinale. Les troubles
ont persisté, le patient a commencé à être irritable, anxieux et à avoir des difficultés de concentration.
Cela finissait par retentir sur son activité et son comportement. Le traitement a alors été remplacé par de
la pravastatine à 40 mg/jour. Les signes ont disparu en 48 heures sans récurrence 13 mois après. 15
Cette notification renforce l'hypothèse d'une action des statines sur le système nerveux central, avec un
probable effet dose-dépendant.
Enfin, Sinzinger et coll. (1994) ont rapporté l'existence de tels troubles chez des enfants.
Une petite fille de dix ans atteinte d'une hypercholestérolémie sévère ( cholestérol total: 13.3 mmol/1,
xanthome palpébral) a été traitée par de la lovastatine à 60mg/jour. Elle a présenté d'importants troubles
du sommeil, associé à une perte d'appétit à l'origine d'un amaigrissement de 7 kilos. La lovastatine a été
interrompue.
Les auteurs ont ensuite instauré une bithérapie par pravastatine l O mg/jour, cholestyramine 4 g/jour. La
cholestérolémie a chuté à 5,2 mmol/1 et le traitement a été bien toléré.
Ils ont essayé successivement la simvastatine et la pravastatine afin de trouver le meilleur compromis
entre l'efficacité thérapeutique et la tolérance enzymatique au niveau hépatique. Finalement la jeune
patiente est restée sous simvastatine sans survenue de nouveaux effets indésirables sur son sommeil ou
sur son appétit.
Un deuxième cas concerne un adolescent de 14 ans qui reçoit de la lovastatine 40 mg/jour pour traiter une
sévère hypercholesterolémie ( cholestérol total: 10.5 mmol/1). Au bout de 3 mois sont apparus des troubles
du sommeil. Le traitement a été remplacé par la pravastatine à 20 mg/jour pendant 3 mois sans effet
secondaire. La pravastatine a ensuite été remplacée par la simvastatine à 20 mg/jour avec la même
tolérance.
Les atteintes cognitives
Pour Roth et coll. (1992), les statines peuvent retentir sur les capacités cognitives. Pour mettre
cela en évidence, ils ont mesuré dans une étude en double aveugle versus placebo, les effets de la
lovastatine et de la pravastatine sur le sommeil et les performances diurnes.
L'étude a porté sur un échantillon de 59 hommes âgés de 18 à 38 ans, en bonne santé.
L'analyse du sommeil a consisté en différents enregistrements (polysomnographie
électroencéphalogramme, électromyograrnrne), un test nocturne de latence multiple du sommeil (cf.
annexe), la mesure de la durée du sommeil, du délai à l'endormissement, de la qualité subjective du
sommeil, du temps et du nombre d'éveil.
Les performances diurnes ont été analysées par un test diurne de latence multiple du sommeil, par la
mesure de la vigilance, de l'attention segmentaire (cf. annexe) et du temps de réaction.
Ces tests ont été faits pendant deux jours et deux nuits consécutifs, avant le traitement et à la fin
de la période d'intervention de trois semaines (placebo ou statines).
16
Aucune des mesures du sommeil n'a varié par rapport à l'état de base, pour tous les groupes.
Dans le groupe sous pravastatine ou sous placebo, les performances diurnes n'ont pas varié par rapport à
l'état de base. Dans le groupe traité par la lovastatine, il y a eu une dégradation significative de la qualité
du sommeil (p < 0.01) et une augmentation significative du nombre d'éveil (p < 0.05).
L'effet du traitement sur l'attention segmentaire, sur la vigilance et sur les performances globales a été
statistiquement significatif (respectivement, p < 0.05; p < 0.01; p < 0.01).
Les résultats ont donc montré que ni la pravastatine ni la lovastatine ne retentissaient sur le sommeil. Par
contre, la lovastatine retentissait significativement sur les performances diurnes en terme de diminution
de l'attention et de la vigilance.
L'auteur a suggéré qu'une différence de liposolubilité pouvait expliquer cette différence d'effet entre les
deux statines. En effet, nous savons que la structure chimique de la pravastatine lui confère un caractère
hydrophile, tandis que toutes les autres statines sont lipophiles.
Les troubles de l'érection
Halkin A et Lossos I S. (1996) ont publié un cas d'impuissance survenu sous lovastatine chez un
homme de 57 ans. Ce patient atteint d'une coronaropathie sévère prenait au long cours du métoprolol, de
la nifédipine et de l'aspirine. Un traitement par lovastatine 40 mg/jour a été débuté devant une
hyperlipidémie de type II.
A la quatrième semaine de traitement une impuissance est apparue. Au bout de 8 semaines, le patient a
arrêté spontanément la lovastatine et son impuissance s'est amendée en quinze jours. Par ailleurs, le
patient poursuivait ses autres thérapeutiques cardio-vasculaires. Un an plus tard, devant une
hyperlipidémie persistante, son médecin traitant a réintroduit la lovastatine à 20 mg/jour. A la troisième
semaine de traitement, les signes d'impuissance sont réapparus, puis ont disparu en deux semaines à l'arrêt
de la lovastatine. Les autres traitements ont été poursuivis.
La chronologie de l'histoire suggère fortement une relation de causalité. Toutefois, dans cette observation,
une interaction médicamenteuse entre le bétabloquant, connu pour retentir sur la fonction érectile, et la
statine ne peut pas être exclue; la statine potentialiserait la toxicité du bétabloquant.
Jackson G (1997) a publié les cas de cinq hommes chez lesquels la simvastatine a été impliquée
dans la survenue d'une impuissance. Ces patients atteints de maladie vasculaire et coronarienne prenaient
de l'aspirine. La simvastatine a été débutée à 10 mg /jour et pour trois d'entre eux qui en prenaient déjà,
elle a été augmentée à 20 mg/jour.
17
En une semaine ils ont développé une impuissance, associée à une léthargie. La fonction sexuelle s'est
normalisée en une semaine à l'arrêt du traitement.
Deux patients ont repris de la simvastatine et ont eu à nouveau les même effets. Chez quatre patients le
traitement hypolipémiant a été poursuivi avec de la fluvastatine et avec un fénofibrate pour le dernier.
Alors que l'efficacité thérapeutique a été similaire, aucun effet secondaire sur la fonction sexuelle n'est
survenu pendant les un à trois ans de suivi.
En 1996, le Comité Australien de Surveillance des Effets Secondaires a recensé 42 cas
d'impuissance rapportés à la simvastatine chez des hommes âgés de 43 ans à 72 ans. Le délai de survenue
variait entre 48 heures et 27 mois après le début du traitement. Dans 35 cas, seule la simvastatine a été
impliquée.
Boyd I W ( 1996), à l'époque membre du comité, a estimé que les statines devaient être considérées
comme une cause possible d'impuissance.
Bruckert et coll. (1996) s'est intéressé à cette question et pour préciser l'existence d'une relation
entre les hypocholestérolémiants et la survenue d'une impuissance, l'auteur a mené une étude auprès de
678 patients hypercholestérolémies d'une moyenne d'âge de 48 ans. L'échantillon a été divisé en deux
groupes, un groupe témoin non traité et un groupe traité par statine (106 soit 61 %), cholestyramine (84
soit 25%), fibrate (221 soit 65%).
Les résultats ont montré l'existence d'un nombre plus important de troubles de la fonction érectile dans le
groupe traité par les hypocholestérolémiants (41 patients) 12% versus 5.6% p = 0.0029 avec une majorité
d'atteinte chez les patients traités par statines et fibrates (odds ratio respectivement de 1.51 et 1.46).
18
1-3 DONNEES DE LA BANQUE FRANCAISE D'OBSERVATION DE PHARMACOVIGILANCE
Après la revue de la littérature, nous avons cherché dans la banque française de cas quel était le profil de
déclaration de ce type d'effet indésirable en France. Pour en faciliter la compréhension nous décrivons
d'abord le système français de pharmacovigilance et la méthode d'imputabilité qui lui est associée avant
d'analyser les cas retrouvés.
A - La pharmacovigilance
,,,. Rôle et fonctionnement
Lorsqu'un médicament est mis sur le marché, il a passé avec succès l'examen de la commission de
transparence. li a ainsi fait preuve de son utilité et de sa tolérance. Il est alors utilisé à grande échelle et à
cette occasion peut survenir un ou plusieurs effets secondaires, passés inaperçus lors des essais
thérapeutiques, en raison de leur utilisation à échelle très réduite.
La pharmacovigilance est un système de surveillance du médicament commercialisé. Elle est consacrée à
l'étude et à la prévention des effets indésirables.
Elle a pour mission :
./ De détecter:
Elle recueille et regroupe les informations sur la clinique de l'effet indésirable rapporté concernant le
médicament.
./ D'alerter:
Elle évalue la fréquence des effets indésirables similaires concernant un même médicament et informe les
responsables de la santé publique .
./ D'étudier:
Elle a une fonction de recherche et d'étude afin d'améliorer les méthodes d'imputabilité .
./ D'informer:
Elle communique rapidement aux professionnels de la santé les connaissances acquises sur le produit en
cause et l'effet indésirable concerné, dans un souci permanent d'améliorer la qualité de soin et la santé
publique.
19
- Organisation
Laboratoires Pharmaceutiques CRPV Correspondants Internationaux
l Alerte
j Comité Technique
Responsables des centres régionaux
j Enquête officielle auprès de toutes les institutions et les laboratoires concernés
notifiant les effets indésirables, et rapport à la:
1 Commission Nationale
Pharmacologues, Toxicologues, Responsables industriels
Ministre de la Santé
Décision finale
Fig : 2 Organigramme de la Pharmacovigilance D'après Moore N (1985)
20
~ Méthode d'imputabilité du médicament
Les recueils des observations passent par les déclarations spontanées des professionnels de la santé. Ces
observations sont ensuite étudiées par le Centre de Pharmacovigilance pour déterminer !'imputabilité du
traitement. Bégaud et coll. (1985) ont mis au point la méthode officielle française d'imputation.
Chaque médicament pris par le malade doit être imputé successivement et de manière indépendante.
a) Imputabilité extrinsèque
Elle repose sur la recherche dans la littérature des cas similaires à l'effet indésirable étudié. Elle donne
une cotation systématisée des données bibliographiques concernant l'effet étudié.
E1le permet d'établir des scores bibliographiques cotés de BO à B3.
BO effet non décrit, jamais relaté dans l'ensemble de la littérature.
B 1 effet non décrit dans la littérature usuelle.
B2 effet non notoire du médicament, relaté dans quelques articles.
B3 effet notoire du médicament, bien décrits dans la littérature.
b) Imputabilité intrinsèque
Elle évalue la possibilité d'une relation de cause à effet entre Je médicament et l'effet observé. Elle est
établie pour chaque médicament pris par le patient.
CD critères chronologiques
Ils concernent le délai d'apparition, ! 'évolution et la réintroduction du médicament.
Administration. Selon le délai d'apparition de l'effet indésirable, le critère est dit:
- très suggestif ( choc anaphylactique survenant immédiatement après une injection parentérale par
exemple, ou effet survenant moins de trente minutes après une prise orale).
- incompatible (prise du médicament après l'apparition de l'effet indésirable).
- compatible (autres cas).
Evolution à l'Arrêt. Selon l'évolution de l'effet indésirable à l'arrêt du médicament, elle est:
- suggestive: régression de! 'événement coïncidant bien avec cet arrêt.
21
- non concluante: si la régression semble spontanée ou secondaire à un traitement symptomatique ou
qu'il n'y a pas d'information.
- non suggestive: (absence de régression à l'arrêt du médicament).
Réintroduction du médicament. Elle est:
- R(+):positive: l'événement récidive à la réadministration du produit.
- R(-):Négative: l'événement ne récidive pas à la réadministration du médicament.
- R(O): pas de réadministration du médicament.
L'analyse de ces différents éléments permet de définir des scores chronologiques à l'aide d'un tableau à
double entrée:
- C3 : chronologie vraisemblable.
- C2 : chronologie plausible.
- Cl : chronologie douteuse.
- CO : chronologie incompatible.
En pratique, dans le cas qui nous concerne ( observation n° l ), une chronologie C2 correspond à un effet
régressant après l'arrêt du médicament et C3 à une réintroduction positive.
Administration du Médicament Délai d'apparition de l'événement Très suggestif Compatible Incompatible
Arrêt du médicament Réadministration du médicament R(+) R(O) R(-) R(+) R(O) R(-)
Evolution Suggestive C3 C3 Cl C3 C2 Cl CO Evolution non concluante C3 C2 Cl C3 Cl Cl CO Evolution non suggestive Cl Cl Cl Cl Cl Cl CO
Fig: 3 Tableau de décision combinant les critères chronologiques
D'après Bégaud et coll. (1985)
22
® critères sémiologiques
Sémiologie. Elle peut être évocatrice du rôle thérapeutique du médicament ou non évocatrice.
Facteur favorisant. Un facteur favorisant, validé, peut augmenter ! 'imputabilité du médicament dont
! 'activité ou la toxicité est majorée.
Autres explications non médicamenteuses.
Absente: après recherche appropriée.
Possible: présente ou non recherchée.
Examens complémentaires spécifiques
L (+): positif. L (-) : négatif.
L (0) : non disponible; test non effectué ou inexistant.
Ces quatre critères permettent de définir les scores sémiologiques:
S3: sémiologie vraisemblable.
S2 : sémiologie plausible.
S 1: sémiologie douteuse.
En pratique, la sémiologie Sl correspond à l'existence d'une autre cause possible (ici, en particulier le
diabète ou les pathologies vasculaires fréquentes) ou à 1' absence de sa recherche, surtout quand l'effet est
notoire et qu'il régresse à l'arrêt du traitement.
Evocatrice du rôle du médicament SEMIOLOGIE (clinique ou paraclinique) et/ou facteur très favorisant bien Autres éventualités sémiologiques
validé
Autre explication non médicamenteuse Examen complémentaire spécifique fiable (L) L(+) L(O) L(-) L(+) L(O) L(-)
Absente (après bilan approprié) S3 S3 Sl S3 S2 SI Possible (non recherchée ou présente) S3 S2 SI S3 SI SI
Fig : 4 Tableau de décision combinant les critères sémiologiques
D'après Bégaud et coll. (1985)
23
Score d 'imputabilité intrinsèque
Les résultats des deux analyses précédentes sont combinés dans un tableau final qui donne !'imputabilité
intrinsèque avec 5 scores possibles
SEMIOLOGIE
CHRONOLOGIE Sl S2 S3
CO ro ro ro Cl Il Il 12
C2 Il 12 I3
C3 I3 I3 14
Fig: 5 Tableau de décision de !'imputabilité intrinsèque
D'après Bégaud et coll. (1985)
I4 : Imputabilité intrinsèque très vraisemblable.
I3 : Imputabilité intrinsèque vraisemblable.
12 : Imputabilité intrinsèque plausible.
Il : Imputabilité intrinsèque douteuse.
I0 : Imputabilité intrinsèque paraissant exclue.
24
B - Données de la banque française
Notifications de la Pharmacovigilance de 1989 à 2001 concernant les effets neuropsychiatriques des
statines:
148 observations d'effets indésirables ont été répertoriées, dont 55% sont survenues sous statine seule et
45% sous association de plusieurs principes actifs.
Efr" Caractéristiques des patients
./ sexe
105 hommes soit 71 % et 43 femmes soit 29% .
Cette prédominance masculine peut être en partie liée à l'existence d'un effet indésirable bien spécifique
aux hommes qui augmente le nombre de cas masculins: l'impuissance.
./ âge
Moyenne d'âge des hommes: 54.7 ans ( de 32 ans à 77 ans)
Moyenne d'âge des femmes: 61.7 ans ( de 14 à 84 ans)
./ Etat de santé global des patients
Lorsque nous avons relevé le passé médical des sujets, nous avons remarqué la prépondérance de certains
antécédents médicaux, dont la pathologie cardio-vasculaire est la plus représentée, en accord avec les
indications des statines .
Parmi les 68 antécédents répertoriés, 41 concernaient la pathologie cardio-vasculaire (22 cas d 'HTA, 4
cas d'athérosclérose, 15 cas de cardiopathie ischémique); soit 60% de la totalité des antécédents.
Il existait 5 cas de diabète, 2 cas de tabagisme chronique et enfin des cas isolés d'impuissance, de
neuropathie idiopathique, de syndrome de Raynaud, d'obésité, de trouble du sommeil, de maladie de
Parkinson, d'insuffisance rénale chronique, de cancer du sein, d'hépatite virale, d'hypothyroïdie, de
périartérite noueuse, de syndrome sec.
Efr" Caractéristiques des observations
./ Gravité
Selon la définition de !'OMS, un effet indésirable est dit grave s'il est susceptible de mettre la vie en
danger, d'entraîner une invalidité, une hospitalisation ou de prolonger une hospitalisation.
Parmi nos 148 observations, 53% étaient non graves; 15% étaient graves (12% ayant entraîné une
hospitalisation prolongée et 3% ayant entraîné une incapacité permanente).
La gravité était inconnue pour 32% des cas .
25
/ Evolution
56% des cas ont guéri sans séquelle.
2% des cas ont guéri avec séquelle.
Dans 28.3% des cas, les sujets n'étaient pas rétablis au moment de la notification.
Dans 0.6% des cas, l'effet indésirable a pu entraîner le décès.
Dans 13% des cas l'évolution était inconnue.
Nous détaillerons ces données en fonction de chaque type d'effet secondaire observé afin de permettre
une meilleure comparaison avec les données de la littérature.
/ Imputabilité
Imputabilité extrinsèque
49% de B3 : effet notoire du médicament
25% de B2 : effet non notoire mais relaté dans quelques articles
19,7% de Bl : effet non décrit dans la littérature usuelle
4.7% de BO : effet non décrit, jamais relaté
Imputabilité intrinsèque
Critères chronologiques
47.7% de Cl : Chronologie douteuse
42% de C2 : chronologie plausible
10 .2% de C3 : chronologie vraisemblable
0% de CO : chronologie incompatible
J, Critères sémiologiques
79% de S 1 : sémiologie douteuse
21 % de S2 : sémiologie plausible
0% de S3 : sémiologie vraisemblable
* Imputabilité
79.5% de Il : imputabilité douteuse
10.2% de 12: imputabilité plausible
10.2% de I3 : imputabilité vraisemblable
Nous remarquons le décalage entre les scores bibliographiques et les scores de! 'imputabilité intrinsèque.
Bien que souvent décrites dans la littérature, d'un point de vue clinique, ces manifestations semblent en
majorité assez difficilement imputables aux statines.
26
rF Nous allons dans un premiers temps exploiter les données de la banque française de
pharmacovigilance.
Fig : 6 Pourcentage des différents effets indésirables neuropsychiatriques
. 0.5%1 4.5%1
7.0%
15%
55.0%
D neuropathie périphérique
D impuissance
• dépression
D trouble du sommeil
D anxiété nervosité
D trouble des fonctions supérieures
Fig : 7 Trouble du sommeil
D statine uniquement D association médicamenteuse
85%
Parmi les cas de troubles du sommeil, une majorité de patient (85 %) était traitée en monothérapie par une
statine. Ceci se retrouve aussi bien dans les données de la pharmacovigilance que dans celles de la
littérature. La responsabilité de la statine en apparaît spécifique.
27
Fig : 8 Pourcentage des effets indésirables survenus :
45% D Lors de traitement par statine uniquement
D Lors de traitement 55% 1 plurimédicamenteux
Parmi les associations médicamenteuses, les traitements antihypertenseurs sont majoritaires. Nous les
retrouvons dans 63% des cas d'association médicamenteuse.
Fig : 9 Pourcentage des différents antihypertenseurs associés
2% 2%
12%
D bétabloquant
D inhibiteur calcique
1
D inhibiteu_r de l'enzyme de conversion
D dérivé nitré
I a diurétique
1 D antagoniste de l'angiotansin Il
D alpha bloquant
D antihypertenseur central pur
28
ous confirmons la constance avec laquelle nous observons une association entre les
thérapeutiques de la pathologie cardio-vasculaire et les statines qui sont un traitement du facteur du risque
cardio-vasculaire : hypercholestérolémie.
Nous nous posons cependant deux questions:
Les troubles vasculaires liés à l'athérosclérose (en partie due à une hypercholestérolémie) sont-ils
entièrement responsables des anomalies rencontrées tel que l'impuissance (ou les neuropathies
périphériques), sans que les statines aient une quelconque implication ?
En ce qui concerne ! 'impuissance, certains auteurs le pensent. C'est le cas de Raymond et coll. ( 1997).
Des difficultés sexuelles se voient chez des hommes ayant d'une manière générale une pathologie cardio
vasculaire, en particulier avec l'hypertension artérielle et l'athérosclérose des troncs vasculaires aorto
fémoraux. L'auteur va plus loin, constatant que les statines entraînent une légère augmentation de
l'érection nocturne, écartant ainsi toute responsabilité des statines dans les troubles de l'érection.
Néanmoins, ! 'analyse de la littérature suggère un effet potentialisateur des statines sur les effets
indésirables provoqués par les antihypertenseurs, notamment avec les bêtabloquants et les diurétiques.
Selon nos données, nous pouvons également souligner le rôle des inhibiteurs calciques (24%).
Contrairement aux conclusions de Raymond et coll, Cette potentialisation semble être prépondérante dans
les troubles de ! 'érection.
Globalement, nous remarquons une notification peu importante de la part des médecins. Une
enquête téléphonique auprès des médecins généralistes de la Vienne, ainsi que des psychiatres et des
sexologues, nous montre que ce sujet était très peu connu des professionnels de la santé en pratique
courante. Nous n'avons pu recueillir aucune observation de leur part. La plupart ne soupçonnaient pas
! 'existence de tels effets indésirables des statines.
Quand les sexologues interrogeaient leurs patients à la recherche de cause d'impuissance d'origine
iatrogène, les statines ne figuraient pas aux premier plan ou étaient carrément absentes dans la majorité
des cas.
Ainsi, nous notons une franche méconnaissance des ces effets indésirables potentiels des statines.
La majorité des effets secondaires n'étant pas grave, il se peut que les patients ne s'en plaignent pas
systématiquement auprès de leur médecin, mais surtout que ces derniers ne les déclarent pas. Cela
constitue un facteur de sous notification des effets indésirables neuropsychiatriques des statines; à
l'inverse par exemple, des myalgies et des rhabdomyolyses qui ont un potentiel de gravité suffisant pour
être diagnostiquées et notifiées. Ceci est probablement une des raisons de notre difficulté à trouver des
observations, tant à l'hôpital qu'en médecine de ville.
29
II LES STATINES
Avant de discuter les cas recensés dans la littérature ou dans le système français de
pharmacovigilance, nous résumons rapidement le métabolisme du cholestérol et l'effet des statines, afin
de soulever des hypothèses pathogéniques pouvant rendre compte du rôle des statines dans la survenue de
ces manifestations.
/1-1 LE METABOLISME DU CHOLESTEROL
Le métabolisme lipidique est très complexe et une revue détaillée de ses principes dépasse lecadre
de notre travail. Nous avons toutefois estimé important de rappeler celui du cholestérol dans ses grandes
lignes.
Bereziat G et Benlian P (1999).
Le cholestérol est indispensable à la vie. C'est un constituant essentiel des membranes cellulaires.
Il permet le maintien et la fluidité des structures membranaires ainsi que ceux de leurs propriétés
physiologiques.
C'est le précurseur des hormones stéroïdes ( hormones sexuelles, cortisol ), et de la vitamine D.
ri permet la synthèse des acides biliaires qui ont un rôle fondamental dans la digestion.
Il intervient encore dans la formation du système nerveux central (formation de myéline).
Le cholestérol est donc une molécule vitale. Mais son excès nuit car, d'une part, il peut être toxique pour
la cellule, d'autre part, il participe au développement de la plaque d'athérome dans le secteur
intramusculaire.
Le cholestérol provient de deux voies: l'apport alimentaire et la synthèse endogène.
./ L'apport alimentaire:
La fraction absorbée de cholestérol varie selon le régime alimentaire et selon les individus de 300 à 500
mg par Jour.
30
../ La synthèse endogène:
Elle représente plus des 2/3 de la quantité de cholestérol dans l'organisme, soit 700 à 900 mg par jour.
Bien que tous les tissus soient capables de produire du cholestérol, les sites principaux de sa biosynthèse
sont le foie ( 80 % de la synthèse du cholestérol ), l'intestin et la peau .
Dans la lumière intestinale, le cholestérol provient de l'alimentation, de la sécrétion biliaire et de la
dégradation des cellules épithéliales. Il est absorbé sous forme libre par les cellules épithéliales
intestinales. Aussi, le cholestérol estérifié de l'alimentation est hydrolysé par une estérase pancréatique.
20 à 50 % du cholestérol alimentaire est absorbé.
Les lipides absorbés par l'entérocyte sont sécrétés du côté lymphatique de la cellule, constituant le chyle,
qui est ensuite transporté dans la circulation sanguine.
Le cholestérol absorbé est libre et insoluble dans l'eau. Il est donc estérifié par des acides gras et véhiculé
dans la circulation sanguine à l'intérieur de grosses particules plurimoléculaires, les lipoprotéines.
Si les voies de la biosynthèse existent dans toutes les cellules, seuls les hépatocytes sont capables
de dégrader la structure tétracyclique du cholestérol. Pour être catabolisé, le cholestérol doit donc
retourner au foie, seul organe capable de le solubiliser et de l'éliminer. Le cholestérol est éliminé de
l'organisme principalement par voie biliaire, sous forme de cholestérol, ou sous forme d'acides biliaires
dans les fèces après avoir participé à plusieurs cycles entéro-hépathiques.
Lorsque les cellules ont besoin de cholestérol, pour la biosynthèse, elles mettent en jeu un premier
mécanisme de captation des lipoprotéines plasmatiques, les LDL (low density lipoprotéine) et les HDL
(high density lipoprotéine), en augmentant le nombre de récepteurs spécifiques et en stimulant leur
pénétration dans la cellule.
C'est seulement lorsque la quantité de cholestérol ainsi apportée est insuffisante que les processus de
biosynthèse intracellulaires se déclenchent.
Le système de régulation de la synthèse de cholestérol dépend en effet de la quantité de cholestérol libre
intracellulaire.
A--Les lipoprotéines
Dans le plasma, il faut un système spécialisé pour le transport du cholestérol ainsi que des autres
lipides qui sont insolubles en milieu aqueux.
31
Les lipoprotéines représentent le mode de transport des lipides circulants. Elles sont synthétisées dans le
foie, l'intestin, ou formées dans le plasma par la transformation d'autres lipoprotéines.
Elles sont constituées d'un noyau lipidique central hydrophobe comportant des triglycérides, du
cholestérol estérifié, et d'une enveloppe formée d'apoprotéines et de lipides polaires amphipathiques
( cholestérol libre et phospholipides).
Leur classification correspond à leur contenu spécifique en lipides et en apolipoprotéines.
Les lipoprotéines peuvent charger ou décharger rapidement des lipides en modifiant leur volume et leur
contenu, sans perdre leur affinité pour les lipides. Ces fonctions sont assurées par le type et le nombre des
apolipoprotéines qui les composent.
On distingue:
l&r' Les chylomicrons
Les chylomicrons sont de volumineuses lipoprotéines faisant partie de la voie exogène du système
de transport des graisses. Ils portent l'apolipoprotéine B (apo B).
Ils sont synthétisés au niveau de l'intestin à partir des lipides alimentaires. Ils assurent dans la lymphe et
le plasma, le transport du cholestérol exogène, mais surtout des triglycérides exogènes. Sous l'action de la
lipoprotéine lipase, les chylomicrons sont délipidés. Il reste alors une petite particule appelée "remnant"
de chylomicrons qui sera dégradée par le foie.
l&r' Les VLD L
Ces lipoprotéines font partie de la voie endogène du métabolisme des lipoprotéines, elles sont
riches en apo B. Cette voie assure l'apport permanent de triglycérides et de cholestérol aux tissus. Elle
débute dans le foie par la formation des VLDL (very low density lipoprotéine).
Synthétisées au niveau du foie et de l'intestin, elles véhiculent les triglycérides endogènes provenant des
acides gras de réserve du tissus adipeux. Les triglycérides sont hydrolysés par la lipoprotéine lipase extra
hépatique donnant des particules résiduelles plus petites, les IDL (intermediate density lipoprotéine). Les
IDL sont captées par le foie pour être transformées en LDL (low density lipoprotéine). Les IDL jouent un
certain rôle dans l 'athérogénèse.
32
~ Les LDL
Ces lipoprotéines sont le principal transporteur du cholestérol, 65 à 70% du cholestérol
plasmatique est transporté par les LDL. Ce cholestérol provient des remnants, du cycle hépatique et du
HDL-cholestérol. Leur fraction protéique est constituée par l'apo B principalement, et par l'apoE.
Elles sont synthétisées au niveau des tissus périphériques et font partie de la voie endogène.
Elles fournissent aux cellules le cholestérol nécessaire à leur métabolisme. Les LDL se fixent sur un
récepteur cellulaire et sont intemalisées. Le complexe récepteur-LDL pénètre dans la cellule par
endocytose.
Dans la cellule, le cholestérol est libéré par une cholestérol estérase. Une partie du cholestérol est utilisée
par la biosynthèse, une autre partie est stockée sous forme estérifiée. Le cholestérol excédentaire est repris
par les HDL.
Il existe en quantité variable une LDL particulière, la lipoprotéine a (Lp (a) ). La Lp (a) est un
complexe lipoprotéique formé dans le plasma par l'assemblage d'une particule de LDL avec une protéine
appelée apo (a). Cette Lp (a) contribuerait au processus de l'athéromatose en ciblant des particules LDL
vers les zones lésées de l'endothélium vasculaire.
Revenons quelques instants sur le récepteur membranaire des LDL.
Muray R K (1995).
Ce récepteur est ubiquitaire mais il est prédominant au niveau des tissus fortement demandeurs en
cholestérol et surtout au niveau du foie.
Le foie est le principal organe qui débarrasse l'organisme du cholestérol excédentaire, c'est également
l'organe qui capte la majeure partie des LDL circulantes (70%). Ainsi, le récepteur des LDL représente un
point clé dans le métabolisme du cholestérol et joue un rôle important dans la physiopathologie des
hypercholestérolémies.
C'est une glycoprotéine transmembranaire appelée B-100-E, produite par le réticulum endoplasmique et
l'appareil de Golgi. Elle est spécifique de l'apo B et des LDL. La LDL vient donc se fixer sur son
récepteur membranaire et forme un complexe récepteur-LDL. Le complexe pénètre à l'intérieur de la
cellule par endocytose. Une fois libéré de son ligand, le récepteur regagne la surface cellulaire pour se lier
à d'autres LDL.
Il semble que le taux de cholestérol intracellulaire exerce un contrôle en diminuant le nombre de
récepteurs des LDL.
Nous savons que dans l 'hypercholestérolémie familiale, les LDL font défaut en proportion variable.
33
/~ / \ f \
LDL
\ Apo B-100
Glucides NH.
Memorane plasmique
\ \
1
! 1
!
Fig: 10 Le récepteur membranaire des LDL
D'après Delaunay J (1988)
11:ir" LesHDL
Elles sont synthétisées au niveau du foie et de l'intestin. Ces lipoprotéines assurent le retour du
cholestérol des cellules périphériques vers le foie, elles représentent ainsi le potentiel d'épuration du
cholestérol tissulaire de l'organisme. Leur fraction protéique est constituée par l'apo A et l 'apo C.
Les particules de 'HDL se chargent en cholestérol au contact des autres lipoprotéines et des cellules des
tissus périphériques. Sous l'action de la lécithine-cholestérol-acyl-transférase (LACT), le cholestérol est
estérifié par ajout d'un acide gras, puis il gagne le cœur de la particule.
34
CIRCULATION ENTÉRO-HÉPATIQUE
VEINE PORTE Alimentation (O,Sg/jourl C
. _ ,., ~Récepteur de LOL :çr _ .. · (apo-B-100. El .. ".·',';~.--., ..
C·'----_ 1 TISSUS (C)
EXTRAHÉPATIQUES _·
"-cE
Acides 0.5 gtjour biliaires
(O,Sg/jour) Fèces
Synthèse
Fig : 11 Transport du cholestérol entre les tissus chez les humains.
D'après Mayes PA (1995)
C: cholestérol libre
CE: cholestérol estérifié TG: triglycéride
LPL: lipoproptéinelipase
LCA T: lécithine-cholestérol-acyl-transférase
ACAT: acyl-cholestérol-acyl-transférase
35
I 3--La régulation
Le métabolisme cellulaire du cholestérol se fait à l'intérieur même de la cellule, par des gènes
ayant un rôle fondamental dans l'équilibre du métabolisme lipidique.
Ces gènes orchestrent la régulation cellulaire des taux de production, de stockage et de catabolisme du
cholestérol.
L'accumulation de cholestérol dans la cellule déclenche:
./ -Une activation de l'acyl-cholestérol-acyl-transférase (ACAT) qui estérifie le cholestérol, il est ensuite
stocké dans des gouttelettes de réserve.
./ -Une inhibition de l'activité de l'HMG-coA réductase réduisant la capacité de la cellule à fabriquer du
cholestérol. Cette enzyme catalyse une réaction clef dans la chaîne métabolique de synthèse du
cholestérol. Ainsi, le cholestérol, produit final de la chaîne métabolique régule sa propre synthèse par
rétrocontrôle.
./ -Une diminution de synthèse de nouveaux récepteurs aux LDL afin de freiner l'entrée de cholestérol
dans la cellule.
Les tissus qui ont un important besoin en cholestérol, notamment les glandes surrénales, le cerveau, le
foie, les gonades, sont riches en récepteurs des LDL.
Inversement, si le milieu extérieur est pauvre en LDL, la cellule régule en sens inverse ces mécanismes .
Elle active l'HMG-coA réductase, elle inhibe l'ACAT, elle augmente la synthèse des récepteurs des LDL.
La biosynthèse de cholestérol est également sensible à l'alimentation.
Une alimentation trop riche en lipides augmente la lipidémie. L'apport en acides gras saturés notamment,
est particulièrement hypercholestérolémiant. Au contraire, une sous alimentation peut entraîner une
h ypocho 1 estéro !émie.
L'apport excessif de glucides stimule la synthèse des triglycérides et des VLDL par le foie.
Les besoins des tissus vont également déterminer les niveaux de lipoprotéines circulantes.
Les hormones interviennent aussi dans la régulation pour ajuster le métabolisme lipidique selon les
besoins de la synthèse hormonale.
Enfin, il existe des capteurs du taux de cholestérol intracellulaire. la SREBP (sterol regulatory element
binding protéine) est une protéine qui en fait partie. Elle régule le métabolisme du cholestérol au niveau
transcriptionnel.
36
Les seuls moyens de prévenir les effets toxiques d'un excès de cholestérol intracellulaire sont: sa
neutralisation sous forme estérifiée, l'arrêt de sa pénétration dans la cellule par l'intermédiaire des
récepteurs des LDL, son élimination biliaire après évacuation vers le foie sous forme de HDL cholestérol.
Il existe donc dans la cellule un système très puissant d'adaptation de l'activité de la chaîne de synthèse du
cholestérol. La mise en jeu de ces différents processus de régulation permet de maintenir dans un
intervalle étroit la teneur en cholestérol libre de la cellule, en fonction des besoins et des apports
extérieurs.
I 4-Les aspects physiopathologiques
Il existe une forte corrélation entre le niveau de la cholestérolémie et le risque de maladie
athéromateuse.
Bien qu'il ne soit pas le seul impliqué, le cholestérol est le lipide le plus important intervenant dans cette
relation. Les malades atteints d'athérosclérose présentent de façon isolée ou associée une concentration
élevée des LDL, une concentration élevée des VLDL, une anomalie du rapport LDL/HDL.
Bien que le mécanisme physiopathologique des LDL ne soit pas encore bien connu, des arguments
suggèrent que la modification oxydative des LDL au sein de l'artère est une étape importante.
Les LDL modifiées par oxydation ne seraient plus reconnues par les récepteurs des LDL et seraient alors
captées par les récepteurs piégeurs "scavenger" des macrophages. Les esters de cholestérol
s'accumuleraient dans le cytoplasme des macrophages, donnant des cellules spumeuses à l'origine de la
lésion d'athérome.
De plus, le dépôt des LDL au niveau extracellulaire serait favorisé par la Lp (a) qui a une forte affinité
pour la paroi vasculaire.
37
Jl,.dvffltlce
Chape fibreuse
Lumière artérielle mid~ile
Centre athlromateux
Cellule spumeuse
Macropha~
p l. A Q u E
.\ T H E R {) s C L ~ R E C s E
Fig: 12 Plaque d'athérome
D'après Cohen A (1997)
38
J/-2 LES STATINES
A - Les différentes statines
Les statines disponibles en France sont actuellement au nombre de cinq: la pravastatine, la
simvastatine, la fluvastatine, l'atorvastatine, et la dernière née, la cérivastatine. Une sixième, la
lovastatine, est commercialisée aux Etats-Unis.
Cette classe médicamenteuse utilisée depuis une quinzaine d'années est la plus efficace actuellement
contre l'hypercholestérolémie. C'est au Japon en 1976 que la première statine a été découverte, c'était la
Mévastatine, sécrétée par Penicillum citrinum.
La Lovastatine est également naturelle, elle a été mise sur le marché aux Etats-Unis en 1989, sous le nom
commercial de MEY ACOR®.
Les autres statines sont synthétiques ou semi-synthétiques:
-La Pravastatine, commercialisée sous le nom de ELISOR® et VASTEN® en 1989.
-La Simvastatine, dérivée de la lovastatine, est commercialisée sous le nom de LODALES® et ZOCOR®
en 1992.
-La Fluvastatine, commercialisée sous le nom de FRACTAL® et LESCOL® en 1995.
-L'Atorvastatine, commercialisée sous le nom de T AHOR® en 1997.
-La Cérivastatine, commercialisée sous le nom de CHOLSTAT® et STALTOR® en 1999 et maintenant
retirée du marché.
Leur mécanisme d'action est maintenant bien connu; il découle de deux notions:
d'une part, la connaissance précise de la synthèse du cholestérol et d'autre part la découverte du rôle des
LDL dans le métabolisme du cholestérol.
Indication des statines:
Les statines sont indiquées pour le traitement des hypercholestérolémies (type Ila) et des hyperlipidémies
mixtes (type 1Tb), en prévention primaire de l'athérosclérose et en prévention secondaire des cardiopathies
ischémiques.
39
B - Structure
Fruchart J-C (2000).
Les statines naturelles ont toutes un cycle hexahydronaphtalène. Elles présentent deux chaînes latérales
principales dont l'une est une chaîne majeure qui porte un acide hydroxylé.
La simvastatine et la lovastatine sont des prodrogues naturelles inactives sous forme fermée, lactonique.
Au niveau hépatique, elles sont transformées en métabolites actifs après ouverture de leur noyau lactone
et elles donnent une structure béta hydroxyacide.
Ce motif bétahydroxyacide présente une importante analogie structurale avec l'extrémité hydroxylée de
l'HMG-coA. Il est retrouvé dans toutes les satines.
40
HO COOH .OH
F
Lovastatine
Cérivastatine
CH H~H
0 OH 0 3-hydroxy-3-méthyl glutarate
Simvastatine
Atorvastatine
F
0
ONa
Fluvastatine Pravastatine
CH3
HOTcoo-
-> SCoA
HMG CoA
NADPH + H+
intermédiaire
NADPH + H+
[Réaction catalysée par l'HMG CoA réductase]
CH3
HO~coo- ~OH
MÉVALONATE
Fig : 13 Analogie de structure entre l 'HMG-coA et les statines D'après Witztun J.L (1998)
41
C - Mécanisme d'action
Hardman J G, Elimbird L. (1998).
~ Structure de l'HMG-coA réductase
L'HMG-coA réductase est une enzyme glycoprotéique. Elle est synthétisée par des polysomes situés dans
le réticulum endoplasmique. Elle est intégrée au fur et à mesure de sa traduction à la membrane du
réticulum endoplasmique.
Elle comporte trois domaines, un domaine transmembranaire, un domaine intermédiaire et un domaine
cytosolique COOH terminal.
Elle est ubiquitaire dans notre organisme, mais elle agit surtout au niveau du foie, des gonades, et des
surrénales.
~ rôle de l'HMGco-A réductase
Fruchart J-C. (2000).
Cette enzyme catalyse une des étapes de la synthèse du cholestérol.
La cascade enzymatique de la synthèse du cholestérol peut se diviser en cinq grandes étapes.
La première débute par la condensation de trois molécules d'acétyl-coA qui donne l'hydroxy-méthyl-coA.
Cette réaction est catalysée par l 'HMG-coA synthétase.
Ensuite est synthétisé l'acide mévalonique. sous l'action de l'HMG-coA réductase, enzyme qui régule la
conversion de l'HMG-coA en mévalonate, de façon irréversible. En effet, une fois que la synthèse est
arrivée au stade mévalonate, elle se poursuit obligatoirement jusqu'à son terme.
Cette réaction constitue l'étape limitante de la synthèse du cholestérol.
A la deuxième étape, le mévalonate subit plusieurs réactions pour donner les dérivés isopréniques,
unités élémentaires du squalène, produit de la troisième étape. Le farnésyl pyrophosphate, précurseur du
squalène donne naissance à deux composés isopréniques importants: le dolichol et l'ubiquinone.
L'ubiquinone, ou coenzyme Q 10, joue un rôle dans la respiration cellulaire et le transfert des électrons
dans les mitochondries.
A la quatrième étape, le squalène est cyclisé et donne un stéroïde, le lanostérol. Enfin, la cinquième et
dernière étape synthétise le cholestérol.
La voie métabolique du mévalonate comprend une partie commune, de l'acétyl-coA au farnésyl
pyrophosphate.
A partir du famésyl-pyrophosphate 2 voies sont possibles:
42
La voie de la synthèse du cholestérol.
La voie de la synthèse des isopréniques non stéroïdiques, l'ubiquinone et le dolichol.
Notons que le farnésyl-pyrophosphate sert à la maturation de certaines protéines en leur
transférant des groupements isoprényles. l'isoprénylation est indispensable aux fonctionnement de ces
protéines, elles participent à leurs interactions avec les phospholipides membranaires. La synthèse du
cholestérol a lieu essentiellement dans le réticulum endoplasmique, celle des ubiquinones, dans les
mitochondries.
43
Acétyl CoA 1
l 1 HMG-CoA l+-1 HMG-CoA Réductase 1
1
Acide Mévalonique - l Mévalonate
Pyrophosphate - l Isopentényl I+- Isopentényl
pyrophosphate ARNt
l Géranyl
pyrophosphate - l Famésyl
pyrophosphate - l Squalène 1 t
Ubiquinone r-1 Cholestérol 1--+
Fig 14 Biosynthèse du cholestérol et rôle de l'HMG-coA réductase
D'après Fruchart J C (2000)
44
Gr' --régulation
Comme nous l'avons vu, le cholestérol libre intervient dans l'inhibition de l'HMG-coA réductase,
la stimulation de l'ACAT qui estérifie le cholestérol libre et dans la suppression de la synthèse des
récepteurs membranaires des LDL.
La régulation de la biosynthèse du cholestérol se fait à plusieurs niveaux mais c'est l'HMG-coA réductase
qui est la principale cible de la régulation, et elle constitue le site d'action des statines.
La régulation de l'HMG-coA réductase repose sur un système de rétrocontrôle. Ce sont les produits
finaux de la voie de synthèse qui constituent les molécules régulatrices.
Le mécanisme intime de la régulation se situe au niveau génétique.
Le gène de l'HMG-coA réductase est soumis à une régulation transcriptionnelle, assurée en particulier par
les stérols. 11 existe des facteurs de transcription attachés à la membrane du réticulum endoplasmique: les
SREBP ( sterol regulatory element binding protein ). Les extrémités terminales des SREBP ( NH2 et
COOH) sont situées dans le cytoplasme du réticulum endoplasmique.
L'HMG-coA produit des quantités importantes de cholestérol. En concentration élevée, le cholestérol
intracellulaire agit sur une autre protéine, inclue dans la membrane du réticulum endoplasmique: la SCAP
(protéine activatrice du clivage de la SREBP).
Le rôle de cette protéine est, entre autre, d'inhiber le clivage protéolytique de la SREBP qui reste
totalement ancrée dans la membrane du réticulum endoplasmique. Ceci est à l'origine d'une faible
expression du gène du récepteur des LDL, le nombre de récepteurs à la surface cellulaire est ainsi réduit.
C'est ce qui se passe chez le patient hypercholestérolémique.
La SREBP était déjà connue pour stimuler la transcription du gène de l'HMG-coA synthétase et du
récepteur des LDL, dans un environnement déficitaire en stérol.
45
1 .
• •
:=J:\ • ADN
•. Ch~téml libre ~------
Fig. 15 Régulation transcriptionnelle par le cholestérol des gènes impliqués dans l'homéostasie du
cholestérol
D'après Fruchart J C, (2000)
LDL-R: recepteur des LDL
VLDL: very low density lipoprotéine
CH-EST : cholestérol estérifié
ACAT : acyl-cholesterol-acyl-transferase
SREBP :sterol regulatory element binding
protein
SCAP : protéine activatrice du clivage de la
SREBP
46
Œ" --action des statines
Cette classe médicamenteuse agit d'une part, en inhibant de façon compétitive l 'HMG-coA
réductase, enzyme clef de la régulation de la synthèse du cholestérol. Cette inhibition existe dans toutes
les cellules, mais particulièrement dans les hépatocytes.
L'analogie structurale avec l'HMG-coA leur permet de se substituer au substrat de l'HMG-coA réductase
et ainsi de l'inhiber de manière compétitive et réversible.
La molécule d'HMG-coA est respectée, elle est facilement retransformée en acétyl-coA.
Les statines ont une très forte affinité pour la glycoprotéine enzymatique. Par exemple, la Simvastatine a
une affinité 13000 fois plus grande pour l'enzyme que son substrat naturel.
Elle agit d'autre part, en induisant une surexpression des récepteurs des LDL à la surface
membranaire des cellules.
Les récepteurs se situent à 70 % sur la membrane des hépatocytes.
En appauvrissant le stock intrahépatocytaire de cholestérol, les statines incitent la cellule à produire et à
exprimer de nombreux récepteurs. Ces récepteurs vont alors capter les LDL circulantes riches en
cholestérol "athérogène" et permettre leur internalisation dans les cellules et leur dégradation. Dans la
cellule, le cholestérol est catabolisé en acides aminés, en cholestérol estérifié puis en cholestérol libre.
Par ce biais, les statines contribuent à abaisser le taux du cholestérol sanguin en augmentant l'épuration
hépatique des LDL plasmatiques.
Quel est le mécanisme moléculaire ?
Les statines réduisent la production de cholestérol par inhibition de l'HMG-coA réductase. La diminution
de la quantité de cholestérol au contact de la SCAP entraîne un changement de conformation sur la
protéine dont l'extrémité COOH vient former un complexe avec l'extrémité COOH de la SREBP. Ce
complexe déclenche une activité protéolytique et le clivage de la SREBP. Il existe deux sites de clivage.
Il y a alors libération des deux extrémités NH2 de la protéine qui vont pénétrer dans le noyau cellulaire et
se lier aux éléments de régulation de la quantité de cholestérol intracellulaire. Ces régulateurs se situent
au niveau des promoteurs du gène codant pour l'HMG-coA réductase et du gène codant pour le récepteur
des LDL.
Cette liaison augmente la transcription, puis la synthèse, de l'HMG-coA réductase et des récepteurs des
LDL. Le nombre de récepteurs des LDL augmente ainsi à la surface de la membrane cellulaire, accélérant
l'épuration plasmatique du LDL cholestérol circulant.
L'augmentation de la synthèse de l'HMG-coA réductase n'entraîne pas obligatoirement, comme on
pourrait s'y attendre, l'accroissement de la synthèse du cholestérol puisque les statines bloquent l'activité
de l'enzyme.
47
, ..
.HMG,C<>A\ .. -~-· ~
$tatin~
·scAP
•• t., •
----/ .I ,. l . HMG-O>A LDL-R .réductasè
V '1hMldon
te • • •
Fig 16 Action des statines sur la régulation transcriptionnelle, par le cholestérol, des gènes impliqués
dans l'homéostasie du cholestérol et
D'après Fruchart J C, (2000)
LDL-R : recepteur des LDL
VLDL : very low density lipoprotéine
CH-EST : cholestérol estérifié
ACAT : acyl-cholesterol-acyl-transferase
SREBP :sterol regulatory element binding
protein
SCAP : protéine activatrice du clivage de la
SREBP
Biologiquement, l'action des statines se traduit par une diminution du cholestérol total sérique d'environ
30%, une diminution du LDL cholestérol de 20 à 40 %, une élévation modérée du HDL cholestérol.
48
III DISCUSSION
Si des effets indésirables neuropsychiatriques sont observés au cours d'un traitement par statine, le
lien de causalité ainsi que Je mécanisme physiopathogénique impliqués restent controversés et remis en
cause par plusieurs auteurs. Après une revue des différentes critiques pubiées dans la littérature, nous
allons comparer les données de la banque nationale de pharmacovigilance et celles de la littérature, puis
tenter de préciser la part de responsabilité des statines dans ces effets secondaires par rapport à d'autres
facteurs.
III-1 RECAPITULATIF DES EFFETS SECONDAIRES RETROUVES DANS LA LITTERATURE
Les effets secondaires les plus fréquemment retrouvés (55%), aussi bien dans la littérature que
dans les banques de données des CRPV, sont les neuropathies périphériques sensitivomotrices de type
axonal. Elles prédominent au niveau des membres inférieurs, sont d'installation progressive et
s'améliorent partiellement à l'arrêt du traitement. Toutes les statines sont concernées.
Vient en deuxième ordre de fréquence les troubles de l'érection (20%), allant de la baisse de la libido à
l'impuissance. Dans six observations, les signes se sont amendés à l'arrêt du traitement. Nous remarquons
que chez quatre sujets, la poursuite du traitement par une fluvastatine n'a entraîné aucune anomalie de
l'érection.
Quant aux troubles du sommeil, ils sont à type d'insomnie et ne surviennent que dans 13% des cas. Ils
comportent aussi bien des réveils nocturnes que des difficultés d'endormissement et des insomnies
matinales. Les troubles sont également observés chez les enfants. Il est à noté ces 2 observations où il
existe des perturbations sous lovastatine et pas sous pravastatine.
Enfin, les syndromes dépressifs sont rares (7%), allant d'une symptomatologie modéré à des idées
suicidaires. Sur les douze cas relatés, six ont vu leur trouble disparaître à l'arrêt du traitement dont à
l'aide d'un antidépresseur.
49
III-2 CONTROVERSE SUR LE LIEN DE CAUSALITE
a) biais méthodologiques.
Certains biais méthodologiques viennent pondérer les conclusions les plus enthousiastes de nombreux
articles et études publiés.
Comme nous l'avons vu dans le chapitre description, LechJeitner et coll. (1992), ainsi que Duits et Bos
(1993) ont publié l'expérience clinique de huit personnes qui ont développé un syndrome dépressif sous
statine.
Dans ces publications, les antécédents psychiatriques de six des huit sujets n'étaient pas connus. Il n'y a
pas eu de mesure de la dépression avant et après traitement. Sur quels critères le diagnostic de dépression
a t' il reposé et sur quels critères le degré de gravité a t' il été estimé? Apparemment, aucune méthode
standardisée n'a été employée. Ainsi, nous ne pouvons pas exclure un biais de recrutement.
De plus, deux patients ont vu leur symptomatologie s'améliorer sous antidrépresseur (imipraminique).
L'évolution dans ce cas est non concluante.
Ces publications font d'un cas une généralité, alors que de larges essais ne viennent pas corroborer le lien
entre statines et troubles de l'humeur.
D'autres publications sont également critiquables sur le plan méthodologique car elles ne sont
basées que sur les dires subjectifs des patients, sans contrôle objectif, notamment en ce qui concerne les
troubles du sommeil, Rosenson R S et Goranson N L (1993).
V gontzas et coll. (1991) ont été les premiers à analyser l'effet des statines sur le sommeil avec une
mesure objective en utilisant un enregistrement polysomnographique, mais il n'ont malheureusement pas
mesuré simultanément les taux de cholestérol. La corrélation entre la survenue d'un effet indésirable et la
réelle efficacité du traitement ne pouvait être faite.
Pour Partinen et coll. (1994 ), les conclusions de V gontzas et coll. (1991) sont anecdotiques et
critiquables car elles sont basées uniquement sur de minimes changements statistiques au niveau de trois
des dix huits paramètres polysomnographiques mesurés. De plus, deux semaines de traitement ne
permettent pas un recul suffisant; en effet, les troubles du sommeil peuvent n'exister qu'en début de
traitement. D'autre part, il n'y a pas de différence qualitative du sommeil entre la lovastatine et la
pravastatine. Il existe une discordance clinique et polysomnographique.
50
b) Facteurs de confusion
Bien que l'hypocholestérolémie, secondaire à l'action des statines, et la dépression aient été
fréquemment associées dans de nombreuses publications, la relation de causalité ne repose sur aucune
certitude.
Au moment des prélèvements biologiques, l'état psychique du patient n'était pas toujours évalué.
Un état dépressif latent ou avéré est classiquement associé à un trouble des fonctions instinctuelles avec
diminution de l'appétit et réduction des apports alimentaires. Le manque d'appétit et l'amaigrissement
font partie des critères diagnostics de la dépression.
Comme nous l'avons vu dans le chapitre sur la régulation de la cholestérolémie, la diminution des apports
alimentaires provoque une hypocholestérolémie. Ainsi, si la relation existe, l'hypocholestérolémie peut
tout à fait être une conséquence d'un état depressifplutôt qu'une cause.
li n'est pas impossible que la dépression et la baisse du cholestérol sérique soient des indicateurs d'un
statut sanitaire précaire. li existe par exemple une hypocholestérolémie dans la cirrhose hépatique. Le lien
avec un traitement hypocholestérolémiant par statine pourrait être simplement fortuit et lié à des facteurs
de confusion.
Parmi les effets indésirables controversés nous trouvons également l'impuissance. Comme nous
l'avons vu antérieurement, Jackson G ( 1997) a rapporté 5 cas d'impuissance survenus sous simvastatine.
Pedersen T R et Faergeman O (1999) ont émis un doute sur les résultats de cette étude. Pour eux, leur
étude n'était pas recevable dans la mesure où il n'y avait pas de sujets témoins lors des modifications de
traitement. L'impuissance constatée pouvait tout à fait être due à l'impact psychologique d'un diagnostic
d'hypercholestérolémie, majoré par la nécessité d'un traitement médicamenteux au long cours. De plus,
l'impuissance n'est pas un trouble rare chez les hommes âgés; période à laquelle les traitements
hypocholestérolémiants sont les plus prescrits. li est licite de se demander si ! 'impuissance n'est pas
simplement un trouble concomitant du traitement hypocholestérolémiant plutôt qu'un effet indésirable
des statines.
Enfin, nous allons voir que plus que le traitement, le diagnostic d'hypercholestérolémie peut avoir
à lui seul un impact certain sur! 'état psychologique du patient.
Brett I W ( 1991) a présenté le cas de patients hypercholestérolémiques sans signe clinique patent de
maladie athéromatheuse. li a observé et analysé la réaction des personnes après l'annonce du diagnostic
d'hypercholestérolémie.
Un patient de trente sept ans hypercholestérolémique (7.76 mmol/l) et asymptomatique, est traité par de la
lovastatine. li arrête son traitement car il se sent "très mal", ainsi que ses exercices physiques par peur
d'un arrêt cardiaque. Il ressent un jour une douleur thoracique et l'examen permet de conclure à une crise
5 l
d'angoisse avec hyperventilation. Ce patient a déclaré: "je me sentais bien jusqu'à ce que je découvre que
j'avais du cholestérol il y a un an." Ensuite, il s'est plaint d'insomnie.
Un autre homme de quarante ans en bonne santé, chez qui son médecin trouve une hypercholestérolémie
(7.24 mmol/1) à l'occasion d'un visite médicale systématique a déclaré: "je pensais que j'étais en bonne
santé jusqu'à ce que je vois mon taux de cholestérol".
Ces deux cas illustrent le fait que le diagnostic d'hypercholestérolémie n'est pas anodin. La
perception de mauvaise santé qui suit le diagnostic est initialement une perception cognitive plus qu'un
phénomène organique. Les patients ressentent une anxiété qui va jusqu'à la somatisation.
Ils considèrent leur hypercholestérolémie plus comme une maladie que comme un facteur de risque de
maladie coronarienne. L'incertitude quant au risque de développer une coronaropathie est angoissante et
se traduit par une perturbation psychologique.
Cet effet psychologique est difficilement quantifiable, identifiable et nous pouvons supposer qu'il peut
accompagner le patient pendant toute la durée de son traitement.
Il convient donc de ne pas confondre un trouble de l'humeur secondaire à la toxicité du traitement, de
celui lié à la perception du diagnostic. La chronologie des événements est alors très importante. Le rôle
des statines peut être suspecté si les troubles n'apparaissent qu'après l'introduction du traitement et
s'arrêtent à l'interruption de celui ci.
52
111-3 HYPOTHESES DE MECANISME
Action indirecte des statines: La théorie du cholestérol et de la sérotonine
Une première hypothèse a été soulevée et prônée par de nombreux auteurs, il y a environ 20 ans.
Elle établissait une interaction entre le cholestérol et la sérotonine, suggérant un rôle indirect des statines
dans la genèse des effets indésirables neuropsychiatriques.
Nous nous proposons dans un premier temps de rappeler brièvement la place et le rôle du cholestérol dans
la membrane plasmique cellulaire
Lubert Stryer (1997).
Muray.R K (1995).
La membrane cellulaire est composée d'une double couche phospholipidique intercalée de molécules de
cholestérol et de molécules protéiques ou glycoprotéines.
Selon le modèle de la mosaïque fluide de Singer et Nicholson, la membrane cellulaire présente une
fluidité indispensable à ses propriétés fonctionnelles.
Son degré de fluidité ou de viscosité est fonction d'une part de la température. A une température
donnée, la membrane passe d'une phase liquide à une phase gélifiée et inversement. Et d'autre part, cet
état est surtout fonction du rapport cholestérol/phopspholipide. Ainsi, plus la membrane est riche en
cholestérol, (le rapport est alors bas) plus la viscosité de la membrane est élevée. Et inversement, plus elle
est pauvre en cholestérol, plus la membrane est fluide. Engelberg H (1992).
Or, les protéines membranaires sont plus exposées à l'environnement acqueux lorsque la viscosité
lipidique est augmentée. Ainsi, le cholestérol affecte beaucoup les fonctions protéiques membranaires tel
que les systèmes de transport, de récepteur (dont les récepteurs sérotoninergiques ), de transmission de
signal, d'activité enzymatique.
Dans un deuxième temps, nous tenterons de préciser le lien entre les statines et la sérotonine puis le lien
entre les statines et les troubles de l'humeur
Nous venons de voir qu'il était possible qu'une variation du taux de cholestérol provoque une
modification de diverses fonctions membranaires.
53
Gr statines et sérotonine
Heron DS ( 1980) a pu en faire la constatation in vivo. Il a mis en évidence chez la souris qu'une
augmentation de la viscosité de la membrane synaptique cérébrale par apport de cholestérol, entraînait
une forte augmentation du transport spécifique de la sérotonine (transport multiplié par 5).
Engelberg H ( 1992). Ainsi, de la connaissance du rôle du cholestérol dans les propriétés
membranaires et des expériences menées in vivo, les auteurs ont déduit qu'une hypocholestérolémie
plasmatique, qu'elle soit d'origine diététique ou médicamenteuse, pouvait réduire le taux de cholestérol
membranaire et perturber la perméabilité de la membrane des cellules cérébrales diminuant ainsi la
transmission puis l'activité sérotoninergique.
Il peut être licite d'envisager que les statines, médicaments hypocholestérolémiants, puissent retentir sur
la fonction sérotoninergique par l'intermédiaire de ces mécanismes.
Gr statines et troubles de l'humeur
Les premières hypothèses sur la physiopathologie des troubles de l'humeur ont été déduites du
mécanisme d'action des antidépresseurs, dans les années soixante.
Il avait été noté que les antidépresseurs tricycliques étaient capables de bloquer la recapture des
monoamines cérébrales dans les terminaisons présynaptiques.
Les IMAO (Inhibiteur de la Monoamine Oxydase) étaient également connus pour bloquer la dégradation
des monoamines cérébrales.
Il en a été déduit que les dépressions étaient probablement dues à un déficit en monoamines cérébrales et
que les antidépresseurs agissaient en augmentant la concentration des monoamines dans la fente
synaptique pour rétablir une transmission nerveuse correcte.
Parmi les monoamines cérébrales, la sérotonine jouerait un rôle important. L'efficacité des nouveaux
antidépresseurs sérotoninergiques le confirme.
La survenue de syndrome dépressif au décours d'une hypocholestérolémie ou d'un traitement par statines
vient illustrer ces théories.
Modai I (1994) a effectué un travail qui va dans le sens d'une association de causalité entre
l'hypocholestérolémie et la tendance suicidaire.
Chez des patients hospitalisés en psychiatrie, il a recueilli des données sur leur état dépressif, la présence
ou l'absence d'idée suicidaire, et leurs taux de cholestérolémie.
Il est ressorti de son analyse que les patients ayant fait une tentative de suicide avaient une
cholestérolémie totale significativement plus basse que celle des patients non suicidaires
(p < 0.1). Après ajustement des patients par rapport à l'âge et le sexe, les résultats étaient similaires.
54
Nous avons décrit antérieurement des cas de syndromes dépressifs survenus sous statines, publiés par
Lechleitner et coll. ( 1992).
Ainsi, les statines pourraient tout à fait être à l'origine de troubles de l'humeur, notamment de dépression,
par l'intermédiaire d'une diminution de l'activité sérotoninergique secondaire à une hypocholestérolémie.
Ce mécanisme nous apparaît logique et très séduisant, mais il reste à ce jour purement théorique
puisqu'aucune étude expérimentale ni in vivo, ni in vitro, n'a fait la preuve de sa réalité.
action directe des statines sur le système nerveux central
Les statines ne pourraient elles pas présenter une toxicité directe sur les cellules cérébrales? Une action
directe des statines sur le système nerveux central suppose un passage à travers la barrière hémato
encéphalique. En fait, cette question a peu été soulevée.
Nous pouvons trouver des éléments de réponse dans les travaux relatifs au transport des statines à travers
la barrière hémato-encéphalique.
Ces travaux avaient pour objectif de rechercher une explication physiologique à la différence de survenue
d'effet indésirable entre la simvastatine ou la lovastatine et la pravastatine.
En effet, au sein de la classe médicamenteuse, certains effets secondaires ne sont pas observés avec toutes
les statines. Comme nous l'avons vu antérieurement, il a été rapporté des troubles du sommeil sous
simvastatine mais pas sous pravastatine.
Une équipe japonaise s'est intéressée à la question. Saheki et coll. (1994). Elle a comparé la
capacité de transport à travers la barrière hémato-encéphalique des différents inhibiteurs de l'HMG-coA
réductase. Elle a utilisé une technique de perfusion cérébrale in vivo chez le rat et une méthode in vitro
avec des cellules endothéliales capillaires de cerveau de bovin.
Les coefficients de perméabilité de la barrière hémato-encéphalique à la lovastatine et à la simvastatine
étaient élevés, aussi bien in vitro que in vivo. Ces même coefficients, tant in vitro que in vivo, étaient bas
pour la pravastatine.
Ainsi la lovastatine et la simvastatine sont plus aptes à pénétrer dans le système nerveux central.
Triscari J (1993) a permis de confirmer chez l'Homme cette donnée expérimentale, en mesurant
les taux de ces deux statines dans le LCR (liquide céphalo-rachidien).
55
Après administration de lovastatine et de pravastatine chez des volontaires sains, seule la lovastatine a été
détectée dans le LCR, à une concentration suffisante pour avoir un effet pharmacologique. La
pravastatine a également été détectée mais à un taux minimal. La différence de concentration était
statistiquement significative.
Il est donc licite de penser que la lovastatine puisse entraîner un effet sur le système nerveux central.
Nous pouvons même aller plus loin dans l'hypothèse d'une action cérébrale de la lovastatine ou de la
simvastatine. En effet Pavlov et coll. (1995) ont étudié l'effet de la lovastatine sur les cellules du système
nerveux comparativement à son effet sur une culture témoin.
Pour reproduire le modèle d'un traitement chronique in vivo, les auteurs ont utilisé des cultures de
cellules cérébrales embryonnaires, d'astrocytes primaires et d'astrocytes immortels, exposées à
différentes concentrations de lovastatine pendant 12 jours.
Les doses de lovastatine utilisées allaient de 0,01 à 1000 ng/ml, celle de 100 ng/ml correspondait à la
concentration sérique des patients traités (concentration pharmacologique). Il n'y a pas eu d'apport de
cholestérol.
Les auteurs ont évalué l'effet de la drogue sur le métabolisme du cholestérol, la prolifération cellulaire et
l'organisation ultrastructurelle de la cellule. Pour ce faire, ils ont mis en présence les cultures cellulaires
avec de la lovastatine à une concentration donnée et de l'acétate marqué au carbone 14. En effet, sachant
que l'acétate rentre dans la composition du cholestérol, son taux de radioactivité est un reflet de la
synthèse du cholestérol.
Contrairement aux neurones témoins, la lovastatine a affecté la croissance des cellules testées qui ont été
incapables de survivre en culture. La synthèse du cholestérol a été inhibée de manière dose-dépendante
dans les neurones comme dans les astrocytes.
Une exposition prolongée des cellules cérébrales humaines à 100 ng/ml de lovastatine a entraîné des
modifications ultrastructurelles nuisibles au niveau des neurones et des astrocytes. Ces altérations ont
consisté en un gonflement des citernes des réticulums endoplasmiques rugueux, une condensation du
matériel nucléaire, une destruction de la membrane nucléaire, un œdème du cytoplasme, jusqu'à
provoquer la mort cellulaire.
Cette expérience a été la première qui a pu montrer l'existence d'une neurotoxicité cérébrale directe des
statines.
56
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Concentration Lovastatine (nglml)
- -6 - Astrocytes immortels - -0- - Astrocytes primaires -+- Cellules cérébrales
F
Fig : 17 Effet de la lovastatine sur la synthèse du cholestérol dans les cellules cérébrales.
D'après Pavlov O V(l995)
Bien que de tels effets ne semblent pas avoir été observés chez ) 'Homme, les résultats de cette étude,
ajoutés aux observations cliniques d'effets secondaires, nous confortent dans l'hypothèse d'une possible
action directe des statines sur le tissu nerveux central.
Sur quoi peut reposer la différence de passage à travers la barrière hérnato-encéphalique?
La structure chimique de la lovastatine diffère légèrement de celle de la pravastatine par la présence d'un
groupe méthyle sur la chaîne latérale au lieu d'un groupe hydroxyle pour la pravastatine.
Cette petite différence chimique est suffisante pour conférer aux deux molécules des propriétés physico
chimiques distinctes. La lovastatine est lipophile tandis que la pravastatine est hydrophile.
Nous venons de voir que la lovastatine traverse la barrière hérnato-encéphalique, alors que la
pravastatine ne le fait quasiment pas.
La plus grande lipophilicité de la lovastatine peut expliquer sa plus grande capacité à traverser les
membranes cellulaires extrahépathiques dont la barrière hémato-encéphalique.
Les statines diffèrent par leur fonction méthyle mais également par leur fonction carboxylique.
57
Serrajuddin et coll. (1991) ont montré que la lovastatine et la simvastatine sont des prodrogues inactives
absorbées sous leur forme lactone. C'est après leur absorption qu'elles sont transformées par hydrolyse de
leur noyau lactone, en métabolites actifs: le béta-hydroxyacide.
La pravastatine, la plus hydrophile de toutes les statines, est absorbée directement sous sa forme active
béta-hydroxyacide.
Tsuji et coll. (1993) ont exploré le mécanisme de transport des inhibiteurs de la HMG-coA
réductase. Pour ce faire, ils ont utilisé une méthode in vitro basée sur des cultures de cellules
endothéliales de capillaires cérébraux de bovins. Ils se sont aperçus que selon leur forme acide ou lactone,
les statines ne traversaient pas la barrière hémato-encéphalique de la même manière.
L'acide acétique, comme d'autres acides monocarboxyliques, inhibait significativement l'entrée de
simvastatine dans les cellules BCEC (bovine brain capillary endothelial cells) et de manière compétitive.
Les acides dicarboxyliques ne le faisaient pas.
Des études in vivo chez le rat ont également montré que la perméabilité cérébro-vasculaire de la
simvastatine était inhibée par un acide monocarboxylique.
Les auteurs en ont conclu que les statines absorbées sous forme lactone telles que la lovastatine et la
simvastatine, étaient transportées par simple diffusion, alors que celles sous forme acide, telle que la
pravastatine, étaient véhiculées par un transporteur spécifique des acides monocarboxyliques. Son
système de transport étant en compétition avec d'autres, l'entrée de pravastatine dans les cellules
cérébrales est limitée.
Cette donnée peut expliquer en partie pourquoi la pravastatine n'est quasiment pas retrouvée dans le LCR
et pourquoi il n'a pas été rapporté d'effet indésirable cérébral avec elle, notamment sur le sommeil.
A l'opposé, la diffusion passive de la simvastatine et de la lovastatine permettrait un transfert plus
important de ces molécules dans la cellule nerveuse, pouvant être à l'origine des manifestations
neuropsychiatriques observeés.
Ces constatations expérimentales sur le transport des statines à travers la barrière hémato-encéphalique,
associées aux hypothèses relatives à la solubilité des statines, représentent un faisceau d'arguments
explicatifs dans la genèse des effets indésirables neuropsychiatriques.
Malgré les multiples notifications à la pharmacovigilance, les différentes études et publications sur
les effets indésirables étudiés dans notre sujet, la relation entre ceux-ci et les statines reste controversée à
CeJOUL
Le débat existe tant sur la responsabilité des statines dans les effets décrits que sur leurs hypothèses de
mécanisme.
58
III-4 CONTROVERSE SUR LES HYPOTHESES DE MECANISME
En ce qui concerne les hypothèses de mécanisme, la première théorie fut celle de l'interaction
entre l 'hypocholestérolémie et le métabolisme de la sérotonine. Bien que intellectuellement logique et
satisfaisante, cette théorie présente des zones d'ombre qui n'ont pas été encore élucidées. Cette hypothèse
stipule que l 'hypocholestérolémie secondaire aux traitements par les statines diminuerait le taux de
cholestérol membranaire des neurones. Ceci modifierait la perméabilité membranaire et la transmission
sérotoninergique. Ces modifications avaient d'ailleurs été à la base de l'explication proposée par
Muldoon et coll. (1990), pour l'excès de mortalité par accident et mort violente, observée lors des essais
concernant les fibrates et la cholestyramine et les autres interventions visant à diminuer la
cholestérolémie. Par contre cet excès de mortalité n'a pas été retrouvé dans les études réalisées avec les
statines ( étude 4S).
D'une part, aucune expérimentation n'a permis de prouver cette théorie; d'autre part, le cholestérol
cérébral ne semble pas suivre étroitement le taux de cholestérol sérique.
Chobanian et coll. (1962) ont étudié les échanges et l'équilibration entre le cholestérol sérique et
le cholestérol tissulaire. Ils ont injecté du cholestérol marqué au carbone 14 chez neuf patients en phase
terminale de leur maladie (sept cancers, un accident vasculaire cérébral, une embolie pulmonaire). Des
extraits de différents tissus ont été prélevés 4 à 10 heures après leur décès ainsi que des échantillons de
sang juste avant ou juste après leur décès. Ils ont mesuré la radioactivité du cholestérol dans le sérum, le
foie, le rein, la rate, les surrénales, le cerveau, le poumon, les muscles et les intestins.
% de radioactivité Délai Cholestérol libre
par r/p à celle du d'équilibration Cholestérol total
sérum
Foie 92 à 112 % < à 4 jours radioactivité comparable
Rein 86 à 110 % < à 20 jours radioactivité comparable
Rate 95àll4% < à 20 jours radioactivité comparable
Poumon 86 à 113 % < à 20 jours radioactivité comparable
Surrénale 86 à 113 % < à 20 jours radioactivité comparable
Intestin 83 à 110 % < à 20 jours radioactivité comparable
Cerveau 0 à5%
Fig: 18 Taux d'équilibre du cholestérol entre le sérum et les différents tissus.
D'après Chobanian et coll. (1962) 59
Il apparaît donc que le cholestérol cérébral est très peu échangé avec le cholestérol sérique puisqu'il est
retrouvé moins de 5 % de cholestérol sérique dans le cerveau. Ceci ne nous surprend pas car d'autres
études ont montré que le transport du cholestérol à travers la barrière hérnato-encéphalique est estimé à
moins de 1 %. Pardridge W M, Mietus L J. (1980).
Dans ces conditions nous pouvons nous demander comment l 'hypocholestérolémie provoquée par les
statines peut elle entraîner une baisse suffisante du taux de cholestérol intracérébral et retentir, selon le
mécanisme évoqué ci-dessus, sur l'activité sérotoninergique?
Il semble peu vraisemblable que le taux de cholestérol intracérébral soit profondément perturbé par les
statines à partir du cholestérol sérique. Néanmoins, il ne faut pas exclure l'hypothèse d'une action directe
des statines sur la synthèse de cholestérol intracérébrale. C'est ce que nous allons maintenant aborder.
Koga et coll. (1990) ont étudié l'effet sur la synthèse du cholestérol de plusieurs statines au
niveau de différents tissus. Les expérimentateurs ont administré oralement de la pravastatine, de la
lovastatine ou de la simvastatine à six souris à la dose de 20 mg/kg. Deux heures après, ils ont injecté en
intrapéritonéal de l'acétate marqué au carbone 14, l'acétate entrant dans la synthèse du cholestérol. Au
bout d'une heure, les souris ont été sacrifiées pour l'analyse de l'activité radioactive de plusieurs organes.
Dans le foie, La synthèse du cholestérol a été inhibée à 91 % sous pravastatine et 86.3% sous
simvastatine; dans l'intestin à 87% (pravastatine) et 89% (simvastatine) et dans le cerveau à 3.5%
(pravastatine), 11.5% (simvastatine). Nous pouvons en déduire d'une part que les statines agissent très
peu au niveau du système nerveux central, d'autre part, que c'est la pravastatine qui a la plus grande
sélectivité hépatique.
Cette expérience nous conforte dans l'idée que le mécanisme des statines dans la genèse des effets
indésirables étudiés ne passe peut être pas par le cholestérol, que ce soit au niveau périphérique comme au
niveau central; mais également qu'il peut exister des différences entre produits à cet égard.
Pour aller plus loin dans notre démonstration, intéressons nous à l'atorvastatine et la cérivastatine,
les deux dernières statines. Conformément à la théorie du cholestérol, nous pourrions nous attendre à
constater les mêmes effets indésirables.
L'atorvastatine est sur le marché depuis quatre ans et la cerivastatine a été commercialisée pendant deux
ans. De nombreuses études ont été menées sur l'efficacité et la tolérance de ces nouvelles molécules.
Insull et coll. (2001) ont comparé l'efficacité et la tolérance de l 'atorvastatine et de la
simvastatine. Cette étude multicentrique a regroupé 1424 patients traités pendant 54 semaines pour une
hyperlipidémie mixte. 730 patients ont reçu 10 mg/jour d'atorvastatine et 694 patients ont reçu 10
mg/jour de simvastatine.
60
En terme d'efficacité l'atorvastatine a été supérieure à la simvastatine: réduction du cholestérol total de
27.6% versus 21.5%; réduction du LDL cholestérol de 37% versus 29.6%; réduction du HDL cholestérol
de 41 % versus 34%; et des triglycérides de 22% versus 16%. Les différences entre les deux molécules
étaient statistiquement significatives (p< 0.0001 ).
En terme de tolérance, environ 6% de l'échantillon a présenté des effets indésirables étiquetés moyens à
modérés. Nous pouvons alors nous étonner de cette similitude dans la tolérance alors que la
cholestérolémie est plus basse sous atorvastatine. Avec cette hypocholestérolémie plus profonde et selon
les théories émises, nous nous serions attendus à plus d'effets indésirables. En effet, l'importance de
l'hypocholestérolémie devrait perturber de manière plus importante la transmission sérotoninergique et
donc entraîner des troubles de l'humeur plus fréquents ou plus graves.
De nombreuses autres études comparant l'efficacité et la tolérance de la cérivastatine avec celles
de la pravastatine nous permettent de mettre en doute cette théorie basée sur le cholestérol. Ces études
montrent également une efficacité supérieure de la cérivastatine par rapport à la pravastatine dans la
diminution de la cholestérolémie, sans pour autant que celle-ci provoque plus d'effets indésirables
neuropsychiatriques.
Intéressons-nous à la sérotonine, le deuxième élément de la théorie du cholestérol. Selon cette
théorie, le métabolisme sérotoninergique serait altéré par une diminution de la cholestérolémie. Eriksson
et coll. (1996) ont tenté d'éclaircir la question et n'ont pas trouvé d'argument en faveur de cette
hypothèse.
Les auteurs ont analysé du liquide céphalorachidien, après ponction lombaire, chez 10 hommes sains
d'une moyenne d'âge de 32 ans. Pour évaluer l'évolution des neurotransmetteurs et de leur métabolites
sous l'action des statines, des prélèvements ainsi qu'un bilan lipidique, ont été faits avant et après 15 jours
de traitement par simvastatine 40 mg/jour. Après traitement, le cholestérol total a baissé de 27 % et les
triglycérides n'ont pas été modifiés. En dehors d'une tendance à l'augmentation de l'acide 5-
hydrox yindo lacétique (5-HIAA), métabolite majeur de la sérotonine, il n'y a pas eu de changement en ce
qui concerne la sérotonine, la dopamine, la noradrénaline et l'acide homovanillique.
L'augmentation de l'acide 5-HIAA peut laisser supposer une augmentation du métabolisme de la
sérotonine. Cependant la sérotonine ne semble pas être touchée par la réduction du cholestérol puisque
son taux dans le LCR n'a pas varié significativement.
L'excès de métabolisation est-il compensé par une augmentation de libération de la sérotonine?
Pour les auteurs, cette absence d'effet des statines sur la sérotonine et ses métabolites est rassurante.
Ainsi, plusieurs publications ont démontré la fragilité des théories émises, qui par ailleurs, n'ont jamais
été prouvées expérimentalement.
61
Avant Après Significativité
Cholestérol (mmol/1) 5.2 3.8 P = 0.0001
Triglycéride (rnmol/I) 1.1 1.0 NS
Sérotonine (pmol/1) 8.9 9.4 NS
5-HJAA (pmol/1) 381.0 437.2 P = 0.0605 Noradrénaline (pmol/1) 84.0 76.6 NS
Dopamine (pmol/1) 47.1 43.4 NS
NS: non significatif
Fig : 19 Taux des métabolites de la sérotonine dans le LCR sous statines
D'après Eriksson et coll. (1996)
La question des effets indésirables neuropsychiatriques imputables aux statines reste entière. Le manque
de précision peut être favorisé par une absence de recherche systématique de ces effets chez les patients
sous statines. Ces effets secondaires n'étant pas encore bien identifiés, décrits et référencés, ils peuvent
être sous diagnostiqués.
62
III-5 COMPARAISON DES DONNEES DE LA LITTERATURE ET DE CELLES DE LA
PHARMACOVIGILANCE
La comparaison des données de la pharmacovigilance à celles de la littérature nous apporte quelques
éléments supplémentaires dans l'analyse de la responsabilité des statines dans ces effets secondaires.
Nous n'avons retenu de la littérature que les observations exploitables, ainsi, le nombre en est limité, mais
cela nous permet néanmoins d'en tirer de grandes tendances.
Pharmacovigilance Littérature
DEPRESSION 11 cas 8 cas
* Sexe -Femmes :60%, hommes :40% -Femmes : 100%
*Age moyen -52 ans -46 ans
* Délai moyen de survenue -6 mois -13 mois
* Evolution à l'arrêt du -8 améliorations en 16 jours -3 améliorations en 3 mois
médicament en moyenne
1 cas sans amélioration
* Réintroduction du -3 cas: réapparition des signes -1 cas: réapparition des signes
médicament ;
* Délai de survenue à la -Inconnu -1 mois
réintroduction du médicament
*Statine: -Simvastatine :40% - Simvastatine : 50%
pravastatine : 40% pravastatine : 50%
fluvastatine : 20%
63
NEUROPATHIES
PERJPHERIQUES
Pharmacovigilance
80 cas
Littérature
13 cas
* Sexe
*Age moyen
*Délai moyen de survenue
*Evolution à l'arrêt
-Femmes :35% ; hommes :65%
-59 ans
-12,5 mois
-Femmes: 6, Hommes: 7
-57 ans
-30 mois
du 1-33 améliorations dont 5 en 201-amélioration en 3 mois en
médicament I jours en moyenne I moyenne pour l O cas
10 cas sans amélioration -2 cas sans amélioration
*Réintroduction du médicament 1-3 cas de réapparition des signes 1-4 réapparitions en 2,5 mois
1 cas sans réapparition des signes
11 inconnus
*Délai de survenue à la 1-mconnu
réintroduction du médicament
*Statine -simvastatine : 46%
pravastatine : 26%
atorvastatine : 11 %
cérivastatine : 7%
fluvastatine : 10%
-2.5 mois
-simvastatine: 7 soit (43%)
pravastatine: 3 soit (18,75%)
atorvastatine : 0
cérivastatine : 0
lovastatine : 5 soit (31,25%)
64
IMPUISSANCE Pharmacovigilance
32 cas
Littérature
42 cas
*Age moyen
* Délai moyen de survenue
* Evolution à l'arrêt du
médicament
* Délai de survenue à la
réintroduction du médicament
*Statine:
-49 ans
-4 mois
-60 ans
-20 jours
-17 améliorations dont 5 en 4 l -2 améliorations en 6 jours mois
2 cas sans amélioration
-mconnu
simvastatine : 62%
pravastatine : 12,5%
atorvastatine : 12,5%
cérivastatine :6,5%
fluvasatatine : 6,5%
38inconnus
* Réintroduction du médicament 1-2 cas de réapparition des signes l -1 cas de réapparition
1 cas sans réapparition des signes
7 inconnus
-7 jours
simvastatine : 43 (96%)
pravastatine : 1 (2%)
atorvastatine :0
cérivastatine :0
fluvasatatine : 0
lovastatine : 1 (2%)
65
TROUBLES DU SOMMEIL Pharmacovigilance I Littérature
20 cas 1 3 cas
* Sexe
*Age moyen
*Délai moyen de survenue
*Evolution
médicament
à l'arrêt
-Femmes: 35%; hommes: 65% l 1 femme; 1 homme
-60 ans 1-adulte :52 ans
enfants : 12 ans
-12 jours
du 1 -13 arrêts avec 13 améliorations
5 inconnus
*Réintroduction du médicament 1-3
*Statine
réintroductions
réapparition des signes
8 inconnus
*Délai de survenue à la 1-mconnu
réintroduction du médicament
et
simvastatine : 38%
pravastatine: 9,5%
fluvastatine : 9,5%
atorvastatine : 14,2%
cérivastatine : 28,5%
-mconnu
-3 arrêts avec 3 améliorations
3 1-1 cas
-1 mois
-lovastatine :3
Nous constatons que globalement il y a peu de discordance entre les publications et les données de
la banque française de pharmacovigilance. Les effets indésirables neuropsychiatriques sont remarqués
dans les deux groupes et dans des proportions assez similaires. Nous retrouvons le même ordre de
fréquence des différents effets.
66
En ce qui concerne la dépression, le nombre limité de cas exploitables ne nous permet pas de
procéder à une analyse performante. Nous remarquons néanmoins que contrairement à d'autres types
d'effets indésirables, comme les troubles du sommeil par exemple, la dépression s'installe en moyenne
après plusieurs mois de traitement.
Est-ce du à un retard de diagnostic ? Ou encore à la faible possibilité d'action de la statine au niveau du
système nerveux central, comme nous l'avons précisé dans le chapitre traitant des mécanismes d'action?
D'où la nécessité d'une longue exposition à la statine pour voir apparaître un syndrome dépressif.
Par contre, lors de la réintroduction du médicament, le délai de réapparition de la dépression est
raccourci. Existe t'il un phénomène de sensibilisation au produit ? qui nécessiterait une exposition moins
longue au médicament pour déclencher les mêmes symptômes? Ou alors, il pourrait s'agir d'une
dépression qui persiste plus longtemps sous forme latente et dont la réactivation serait accélérée par la
statine. Il s'agirait plus d'une rechute que d'une récidive.
Il peut également être licite de se demander s'il existe une susceptibilité individuelle psychologique à
l'action de la statine. La statine agirait alors comme un déclencheur d'une maladie psychiatrique latente,
et à un moindre degré, favoriserait ou aggraverait un état dépressif chez les personnes ayant un terrain
psychologique fragile.
Cela impliquerait d'éviter l'introduction d'une statine chez ces personnes, à la faveur d'un autre
hypocholestérolémiant.
Il est intéressant de noter que les cas de dépression rapportés dans la littérature l'ont été avec la
pravastatine et la simvastatine. Dans un cas la dépression apparue sous pravastatine n'a pas récidivé
lorsque la patiente a été traitée par lovastatine.
Par contre, pour ce qui concerne les troubles du sommeil, la lovastatine semble plus spécifiquement
impliquée alors que la pravastatine ne semble pas altérer la qualité du sommeil.
Quant aux neuropathies périphériques, nous distinguons là aussi une certaine homogénéité. La moyenne
d'âge est similaire ainsi que le délai de survenue de la symptomatologie, sous tendant un même
mécanisme physiopathologique. La réapparition des signes à la réintroduction du traitement suggère une
évolution suggestive.
D'une manière générale, la simvastatine est la statine le plus souvent associée aux effets
secondaires neuropsychiatriques, vient ensuite la pravastatine. Nous ne pouvons pourtant pas en conclure
d'emblée une relation de causalité spécifique entre la simvastatine et les effets indésirables. Cette statine
est commercialisée en France depuis 1992 et est probablement la plus prescrite, biaisant ainsi
l'interprétation de cette apparente prépondérance.
67
Il nous apparaît intéressant de commenter la particularité de la pravastatine, statine hydrophile, par
rapport aux autres statines, toutes lipophiles. Si nous observons les proportions des différentes statines
selon les types d'effets indésirables, la pravastatine est minoritaire.
Neuropathies périphériques: pravastatine (hydrophile) :26% / autres statines : 74 %
Impuissance : pravastatine : 40% / autres statines : 60%
Dépression Pravastatine : 12.5% / autres statines : 87 .5%
Troubles du sommeil : pravastatine : 9.5% / autres statines :90.5%
Cette participation minoritaire de la pravastatine est également retrouvée dans la littérature.
Ces observations vont dans le sens de V gontzas et coll. ( 1991) qui avaient liée l'absence d'effet de la
pravastatine sur le sommeil à son caractère hydrophile, qui limite sa diffusion dans le SNC notamment.
Cette propriété physico-chimique suffit-elle à elle seule à expliquer nos constatations ?
Par ailleurs, quelques exemples recueillis dans la littérature nous montrent que des effets
indésirables d'ordre neuropsychiatrique ont également été observés avec les fibrates depuis déjà plusieurs
années. Figueras A et Castel J (1993) ont rapporté le cas d'impuissance chez deux hommes traités par
du gemfibrozil 1220 mg/j.
Une neuropathie périphérique de type axonal a également été décrite chez un patient traité par du
bézafibrate 200mg/j, survenue un mois après le début du traitement. Ellis et coll. ( 1994)
Aussi bien les statines que les fibrates semblent occasionner des effets secondaires neuropsychiatriques.
Ces deux classes pharmaceuthiques diminuent la synthèse du cholestérol
Ce mécanisme d'action commun est un argument supplémentaire du rôle de la voie de synthèse du
cholestérol.
Cependant, il a été constaté depuis peu de temps que les bénéfices des statines sur les facteurs de
risques cardio-vasculaires passent en partie par un autre mécanisme que celui de l'inhibition de la
synthèse du cholestérol. En effet, l'action préventive de l'athéromatose se voit également chez des sujets
normocholestérolémiques. Quelques études ont déjà permis d'émettre l'hypothèse d'une action directe
des statines sur la paroi vasculaire, inhibant l 'athéromatose. Nous avons vu au préalable les limites de la
théorie du cholestérol pour expliquer ces effets secondaires qui existent néanmoins. Wassman et coll.
(2001).
Ces nouvelles orientations constituent une voie de recherche avec de possibles réponses aux nombreuses
zones d'ombres concernant le lien entre les statines et leurs possibles effets indésirables
neuropsychiatriques.
68
Ainsi, les équipes de recherche ont permis d'attirer l'attention sur des effets secondaires des
statines peu connus jusque là et d'entreprendre des études sur cette question à l'échelle internationale. Les
données actuelles de la recherche ne permettent pas de conclure définitivement et avec certitude à une
relation de cause à effet entre les statines et les effets secondaires étudiés, même si de nombreuses
observations sont très évocatrices. La physiopathologie explicative de ces effets n'est pas élucidée non
plus.
69
CONCLUSION
Nous pouvons proposer de distinguer parmi ces troubles neuropsychiques : d'une part les atteintes
périphériques, neuropathies et impuissance, qui semblent pouvoir être au moins le fait du terrain
athéromateux et surtout diabétique, facteurs de risques classiques. Et d'autre part, les atteintes centrales,
dépression et trouble du sommeil.
Si les dépressions sont difficiles à évaluer, du fait de l'absence ou de la négativité d 'études spécifiques et
de l'absence de corrélation entre les produits impliqués et leurs caractéristiques physicochimiques, les
troubles du sommeil semblent liés au passage intracérébral des statines.
Le mécanisme physiopathogénique de ces manifestations est inconnu , mais l'approfondissement des
connaissances sur les mécanismes d'actions des statines ouvrent d'autres voies de réflexion.
la question des effets indésirables neuropsychiatriques des statines reste d'actualité.
Elle est actuelle aussi bien par la persistance des observations, même si elles sont peu nombreuses,
que par l'absence d'une réponse médicalement et scientifiquement certaine; que ce soit dans le sens de
l'affirmation ou celui de l'infirmation des hypothèses soulevées.
La large utilisation des statines à l'échelle mondiale, avec le risque d'une atteinte d'un très grand nombre
de consommateurs peut justifier la poursuite de la vigilance ainsi que la poursuite des investigations et de
la recherche.
Mais cela suppose une plus grande sensibilisation des professionnels de la santé à cette question, afin
d'améliorer la recherche des effets indésirables neuropsychiatriques des statines.
Actuellement, nous pouvons dire que le rapport bénéfice / risque des statines est largement positif;
en terme d'efficacité du traitement de l'hypercholestérolémie, de prévention primaire et secondaire des
maladies cardiovasculaires. Comme nous l'avons déjà précisé, les effets secondaires neuropsychiatriques
ne représentent pas la majorité des effets secondaires des statines et ils sont dans la plupart des cas non
graves.
Nous conclurons donc sur la nécessité de rester vigilant, de poursuivre les études sur les effets
secondaires neuropsychiatriques des statines et de leur mécanisme d'action. Ceci afin d'en déterminer les
implications en terme de pratique médicale et de santé publique.
70
ANNEXE
-Test de latence multiple de sommeil: Mesure de temps du délai d'endormissement, standardisée, prise le
jour et la nuit.
-CES-DC,Center for Epidemiological Studies-Depression Scale: Echelle d'auto-évaluation de la
dépression, destinée au recueil d'information en population générale. Elle a été mise au point par Rodolff
et Locke en 1986.
But : Identifier la présence et évaluer la sévérité de symptomatologie dépressive. Elle est composée de 20
items:
71
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SERMENT D'HIPPOCRATE
En présence des maîtres de cette école, de mes chers condisciples, je promets
et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité dans l'exercice de la
médecine.
Je donnerai mes soins à l'indigent et n'exigerai jamais un salaire au dessus
de mon travail. Admis dans l'intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui
s y passe, ma langue terra les secrets qui me seront confiés et mon état ne servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime.
Je dispenserai mes soins sans distinction de race, de religion, d'idéologie ou
de situation sociale.
Reconnaissant envers mes maîtres, je tiendrai leurs enfants et ceux de mes
confrères pour des frères et s'ils devaient apprendre la médecine ou recourir à mes
soins, je les instruirais et soignerais sans salaire ni engagement.
Conscient de mes responsabilités envers les patients, je continuerai à
perfectionner mon savoir.
Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir
heureusement de la vie et de ma profession, dans l'estime des hommes et de mes
condisciples. Si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire.
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