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Anne /Auger du Breuil - excerpts.numilog.comexcerpts.numilog.com/books/9782902113118.pdf · Guy de MAUPASSANT, avait noté dans son livre « La vie errante », quelques lignes sur

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Anne /Auger du Breuil

A u g r é

d e s

j o u r s

C E R C L E L I T T É R A I R E D E L ' A V E N U E F O C H

37, a v e n u e Foch - 75116 P a r i s - tél . 501.90.22

AU GRE DES JOURS

Journal

Anne AUGER du BREUIL

INTRODUCTION

Décembre 1980

Monsieur le Maire de Paris reçoit dans les magnifiques salons de l'Hôtel de Ville, chevaliers et commandeurs de l'Ordre de la Légion d'Honneur. En effet, depuis l'an mil huit cent quatrième, l'anniversaire de l'insigne institué par NAPOLEON en l'Eglise Saint-Louis des Invalides, perpétue les prouesses civiles et militaires des citoyens de France.

Très simple et très habillée, cette soirée française de haut ton était animée par une élite de la Culture et des Arts. Les broches médaillées, étaient accrochées au revers des habits et sur les robes de mousseline et de taffetas et l'ensemble symbolisait l'entendement pénétrant des logiques actuelles.

... Au-dehors, une pluie fine tombait sur les dallages et les robes de moire sous les fourrures, laissaient dépasser dans leurs sillages, une délicatesse exquise... faite de charme rare...

J O U R N A L

14 décembre

Après la pluie de la veille, ce jour est un étonnement de soleil ! L'avenue du Bois verdoie sous ses multitudes de pensées aux veloutés subtils. J'aime à me retrouver près la rue François - I la rue des grands coiffeurs et des grands modélistes ! Les vitrines évoquent les temps fastes des années passées... les bijoux sont exposés avec audace sur des coffrets aux satins grège tandis que les jupes orne- mentées s'entourent de sacs de crocodile dans les tons verts, grenats, marron clair..., ébène...

Une surprise m'attend à la « Nouvelle Acropole » installée depuis peu dans un immeuble genre « Armée du Salut ». La grande porte d'entrée s'ouvre difficilement, il faut attendre au dehors avec les rafales de vent froid des givres miroi- tants. Mademoiselle Patricia vient avec bonne grâce, avec des mercis et des poignées de main... Elle a mon livre sur le Voyage en Egypte Archéologique ! Quelle joie de me trouver ainsi en pays conquis !

... Tout son groupe revient du CAIRE, ASSOUAN, ABOU- SIMBEL ! Elle avait donc la matière indispensable. Mes vérités premières incluses, avaient été le seul baume épan- ché sur le problème insoluble des hôtels, troublant ainsi la volupté des sites entrevus et des ciels d'émeraude, aux diaprés fulgurants et violacées transcendances.

Ce soir, il y avait le dîner du Ministre à l'Ambassade Américaine, mais combien je suis lasse et réalise mon privi- lège de l'avenue du Bois aux larges espaces verts !

... Les trois chats aux aguets me saluent gentiment avec une égale chaleur démonstrative vers la quiète viande hachée habilement mise à nue... La substance est fraîche et s'avère excellente et appréciée comme telle... « Théodore » hume avec délices, « Marquis dit Kiki » commence son repas

et « Zozo dite Fifille jolie » miaule discrètement en attendant son tour... elle laisse toujours la primeur des mets aux deux plus jeunes qui s'acharnent ardemment, puis se pourlèchent et vont s'endormir tous deux, tête contre tête et pattes « à bras le corps » sur le lit moelleux au duvet apprécié.

Alors « la jolie Fifille » daigne savourer son repas... ses grognements quasi humains ressemblent bien à la parole. Ils signifient en quelque sorte le plaisir de la bonne chère et de sa vitamine au naturel ! Ce qui, de nos jours n'est pas peu dire !..

Les deux chats dormeurs se sont soudain réveillés et se prodiguent mille épanchements de tendresse et de joie, avec des mordilles, des joutes sensibles, des éclats, des caval- cades dans le salon libéré des chaises-velours... Finalement ils se sont installés sur ma table de travail... où la machine à écrire les attire... Toutes ces petites touches qui brillent infiniment sur des touchers hâtifs captent « leur intellect un instant médusé »... Ils sont sages et placides tout d'un coup et respectent attentivement la médiumnité des écrits dans le passage des sphères supérieures...

Puis avec une simplicité confiante et que j'admire, dans le même temps où les pièges humains obligent au qui-vive chaque être concerté, ils s'allongent béatement de toute leur essence d'être et me livrent la partie merveilleuse, impec- cable et fournie de poils aux blancheurs neigeuses qui se cache toujours lorsqu'ils ne se montrent à leur habitude que de dos, griffes à terre...

Dans cette quiétude infinie je reprends une âme neuve d'un bonheur aux précieuses intimités, sur l'arche d'alliance retrouvée avec quelles délicatesses...

« Fifille » là-bas, sur son coussin savoure à sa manière cette heure exquise... Le poème sur « Tunis » est ainsi ter- miné dans le charme extatique d'un suprême bonheur... mais il faut dormir et rêver dans le demi-sommeil où l'esprit a sa part et guide le corps heureux de plaire, vers les son- geries d'amour aux longévités suprêmes... dans ce surplus d'âme avait dit Mademoiselle, amie d'une note sensible et perçue avec art... Ce « surplus d'âme » qui ne se voit pas en premier lieu, avait-elle dit joliment, d'une voix de savante à la recherche profonde...

15 décembre

Ce samedi, je savoure la plénitude des heures solitaires. Il fait beau, les arbres de la célèbre avenue Foch sont dénu- dés mais laissent le regard perplexe sur les soutachées lueurs fauves des fleurs dans le parterre qui, de l'Arc de Triomphe mène au Bois de Boulogne sur la Voie Triomphale des grands de ce monde certes, mais de tout un déluge de voitures des banlieues proches, donnant à la vie active une vision dan- tesque qui se fait rassurante à souhait.

La machine à laver travaille à ma place... dans deux heures elle aura terminé la lessive du mois avec un essorage complet. Cet après-midi je serai de repassage... Je pense à ces travaux ménagers accomplis par les générations d'avant, où la lavande embaumait les armoires anciennes des demeu- res provinciales aux chauds parfums.

16 décembre

La messe dominicale à Saint-Honoré d'Eylau, se termine tandis que les orgues s'élèvent en douce musicalité fervente...

Il est midi, j'ai le temps d'écouter les cassettes de « l'Egypte » et de « l'Espagne Mystique » qui agrémentent les voyages précédents et ma mémoire me revient par enchan- tement... Les jours après les jours et leurs périples virtuoses, situent la richesse des heures toujours présentes...

... Il me faut être à 15 heures aux « Artisans de l'Esprit »... Que de belles heures littéraires à passer dans ce recoin caché où la Seine s'écoule, active et sereine, entre la place Saint- Michel et le Parvis de Notre-Dame... Là où de nombreuses amitiés se sont révélées fructueuses et hardies, trop tôt disparues...

D'autres conférenciers ont pris place et la continuité d'une époque est émouvante. Guy AIME, très à l'aise, évoque son voyage aux INDES et ses diapositives sont dotées de couleurs et de charme... Quels magnifiques paysages, avec dans le lointain, les monts himalayens sur des ciels d'opale !..

Notre-Dame m'accueille dans sa nef aux retentissements inégalables... J'écoute la parole d'or sur ses résilles de flamme alors que le recueillement procure l'étincelle d'un émerveillement si pur sur son diamant incandescent.

Les rues piétonnes de Saint-Germain-des-Prés offrent des mets alléchants ô combien, mais finalement je préfère la plénitude des Champs-Elysées spacieux. Vers l'Etoile, je rentre à « L'Assiette au Boeuf » pour un dîner éclairé et savoureux... Les lumières des globes aux transparences lumi- neuses sont d'un bel effet, un vague son musical parvient aux oreilles des dîneurs et les mets sont prometteurs, étudiés à souhait !

Avenue Foch, je retrouve ma maisonnée et ses souvenirs ancestraux... Que de joie à les évoquer... Les meubles d'acajou massif possèdent leur charme, leurs prières, leurs clés de souvenirs sur des papiers anciens effrités de rêves...

Les icônes, le samovar, évoquent la prescience d'antiques enchantements et les tables serties de bois de rose, dépei- gnent une époque ardente pleine d'imprévisibles joies, sur l'authenticité des brumes...

17 décembre

Les chaises attendent les visiteurs, les lustres lancent leurs feux aux brillances multiples... Nous entendrons des NOELS interprétés par une voix fluide et souple... La TUNISIE fut transmise en direct par les diapositives d'un ami journaliste... Quelle merveille. Tant de choses, vibrantes et colorées sur des couffins, des babouches, des marion- nettes... Le souk des teinturiers, celui des orfèvres et des chaudronniers, passent devant notre regard... Le souk des passementeries, des chéchias rouges sans pompon, et des chéchias vertes aux pusillanimes essors...

Le « Musée du Bardo » à quelques kilomètres de TUNIS est une apothéose d'art majeur... L'Assemblée nationale occupe une partie du Palais, on y accède par l'Escalier des Lions, splendide.

Le « Palais du Bardo », fut la résidence des Beys de TUNIS ! Il fallait entendre l'admirable verve de journaliste chevronné, qui certainement avait passé plusieurs années dans le pays de ses rêves...

La salle des mosaïques reflète de véritables splendeurs, « Le Chant des Sirènes » est d'une luminosité inégalable, et « les fleurs » sont métamorphoses...

Pour le moment, la TUNISIE et la FRANCE ont scellé un pacte d'amitié ; nous n'y voyons pas d'inconvénient bien au contraire, d'autant que nos littéraires, toujours précur- seurs, avaient déjà réalisé leurs rêves. Henry de MON- THERLANT, Albert CAMUS, André GIDE, Jean COCTEAU, Jean-Claude PASCAL ont célébré leurs villas aux coupoles blanches qui, dans le fluide essor s'estompaient sur le blanc bleuté de l'éther... Mais, ce journaliste sut nous évoquer l'attaque par les corsaires de 1806, où le pèlerin qui allait devenir SAINT-VINCENT-DE-PAUL fut pris au cours d'une promenade en mer. Après huit jours de voyage, les corsaires turcs le conduisirent à TUNIS où ces pirates le mirent en vente comme esclave...

Il fut acheté par un vieux médecin, puis revendu à un Niçois qui, pour échapper à un malheureux sort avait renié sa religion et s'était fait mahométan.

VINCENT le remit dans la voie du salut et tous deux embarquèrent pour la FRANCE afin de reconquérir leur liberté. C'est ainsi que la Providence était intervenue dans l'instant le plus crucial, favorisant l'essor spirituel de VIN- CENT, dont les miracles abondent.

Dans le charmant petit port d'HAMMAMASET, l'écrivain Georges BERNANOS allant faire une série de conférences sous l'égide de l'Alliance Française, en TUNISIE, découvrit la ville. Il était dans le ravissement, ayant acheté une petite maison blanche face à la mer...

A TABARKA, les poteries vernissées témoignent d'un grand art ainsi que dans la très charmante bourgade de NABEUL qui, depuis le X V I siècle, est réputée pour ses potiers.

Georges DUHAMEL avait écrit à ce sujet : « Je cherchais des potiers, j'ai trouvé des poètes ». Par les formes et les couleurs, la poterie parle à mains ouvertes sur la civilisation des mondes ; les bédouines magnifient plus encore, cet essor suave. Elles possèdent de beaux bijoux travaillés dans une orfèvrerie subtile, ciselée de pièrres précieuses, cornalines et turquoises.

Que dire des jeunes filles soussiennes aux costumes tra- ditionnels extraordinaires alors que la ville de SOUSSE, troisième ville de TUNISIE, offre ses remparts sur l'ocre

suprême d 'un t e r ro i r éblouissant . Là encore, un écrivain, Guy de MAUPASSANT, avait noté dans son livre « La vie e r ran te », quelques lignes s u r ces murai l les si régulières en plein c œ u r du désert , e t dont le décor de rêve est un tal isman.

C'est a lors que les mosquées nous sont confiées sur ces diaposit ives de hau t p lan ! Quelle merveille, celle de KAI- ROUAN, qua t r i ème Ville Sainte de l ' Islam, est une splen- deur ! LA MECQUE, MEDINE, JERUSALEM et cinquième- m e n t TUNIS, se p ro j e t t en t avec une intensi té a imante et p rofonde où la ferveur s ' inscri t dans le monde arabe, avec une dignité de tou t l 'ê tre ; l 'humil i té e t le respect de la croyance, appor t e à la volonté son sublime accent.

Nous r e m a r q u o n s la Mosquée de SABI et son bassin des Agiabits qui existait déjà au I V siècle de not re ère ; il recueil lai t les eaux de pluie, et cont inue de le faire dans not re siècle cosmique. Que dire de « la Mosquée du Barbier » et ses cours en m a r b r e sculpté d ' ITALIE alors que la grande Mosquée préside, sur ses dix-sept por tes monumen ta l e s en bois de cèdre...

Main tenan t nous sommes devant MONASTIR..., nous assis tons à la danse des sept gargoulet tes avec la mus ique évocatr ice consac ran t l 'ar t is te et ses dons d 'acrobate !

Enf in CARTHAGE l ' immorte l le et la divine, s 'offre sur ses ru ines d 'envergure, et ses por tes puniques.. . Il y avait là des loges prêtes à conteni r plus de deux cents vaisseaux. Not re civilisation se penche vers ce be rceau d 'ar t , évocateur d ' a f f ron tement s cependant que les « Thermes d 'Antonin » é ta ient dest inés à l 'hygiène et au repos. Le Théât re Romain de CARTHAGE donne chaque année des manifes ta t ions artis- t iques où la mus ique et la danse ont leur re tent issement .

Nous applaudissons le magnif ique p a n o r a m a qui nous fut confié, d ' au tan t que les cavaliers soussiens, tenues rouges et b randebourgs or, semblaient nous accompagner jusqu 'aux por tes de la m e r dans la fulgurance incontestée d 'un hymne prestigieux. Quelle soirée, d ' au tan t que les NOELS appa- r u r e n t sur la force magnét isée de cet te foi oriental is te inou- bliable... Le journa l i s te et ses deux compagnons étaient par t i s comme ils é taient venus, sans doute p o u r d 'aut res manifes- ta t ions prévues, et nous ne les revîmes jamais... C'était un NOEL de Grâces...

18 décembre

Je suis j u s t emen t conviée au « Musée Guimet » pour y en tendre la mus ique or ientale d 'EGYPTE ! Nature l lement , les personnages de l ' ambassade sont présents et reçoivent fort sympathiquement . . . La mus ique a rabe d 'EGYPTE et son qu in te t t e EL-HEFNI fut merveilleuse. La v i r tuos i té des ar t is tes est bouleversante. C'est un a t t ra i t aux secrètes pré- sences, dont les accents par t icul iers bouleversent les âmes...

Le c œ u r est at teint , bercé de rêves et de langueurs. . . Un épanouissement b ienheureux se poursu i t p a r la mélodie inté- r ieure qui r ep rend son ry thme ensorcelant , s ' a r rê te sur des phrasés différents qui pe rcu ten t le moi intime... et le fait vibrer d'aise.

Il y a cet te « g rande flûte » aux exquises délicatesses, qui module, savante et continue, des p ro longements aux to rpeur s fugitives ; la « ha rpe plate » lance à t ravers a i r ses expres- sions intenses p a r les doigtés habiles ; quan t au « tambou- rin », il est doté de clochettes vibrati les, qui ag rémen ten t de leurs sonorités, l 'accord des i n s t rumen t s cités. Ah ! Ce « vio- lon » fragile qui émet une enveloppante ivresse sur l 'ensemble d 'a r t et d ' ag rément !.. Rent rée avenue Foch je pense encore au « OUD », au « QUANOUN », au « RECQ », au « VIOLON », au « TAMBOURIN », et je m 'endors conf iante en la volonté du Seigneur...

Mes chats se sont glissés près de moi, l 'un à droite, l ' au t re à gauche, le t rois ième près de m o n cou... p o u r une nui tée sereine.

19 décembre... Ce 19 décembre !..

... Il s 'est avancé sans qu 'on y p renne garde. Le cour r ie r du mat in m ' a p p r e n d qu'il est 9 heures... Il fau t al ler deman- der au boucher le foie et la pet i te viande hachée !.. On en fera des boulet tes faciles à vivre et à dégus te r avec des condiments et de la salade...

Dans la soirée il me faut aller à FONTAINEBLEAU ren- dre visite aux chats bel l i fontains amis, et pa r fa i re m a pet i te maison d 'a t tent ions délicates. Je ne peux accep te r l ' invitat ion

du Centre cul ture l égyptien et c 'est dommage... le vernissage des peint res Self WANLY, Adham WAMLY et Guel SEGUINI, tous trois disparus, sont encore nos contemporains . Ils illus- t r è ren t main t s ballets qui enchan tè ren t le regard et le cœur...

La pet i te maison amie s 'é ternise s u r sa f ra îcheur par- fumée des sylves forestières... Je savoure p a r infimes gorgées la tasse de thé boui l lant s u r sa perle de lait glacé. Ce breu- vage me rassénère et m'endort . . .

20 décembre

J 'ai l ' honneur d 'ê t re reçue dans le b u r e a u par t icul ier de Monsieur l 'Architecte des Bâ t iments de France. C'est au suje t d 'une plate-forme const ru i te p a r m o n maçon, non conforme à la réglementat ion. Tout ira bien je suppose et le pa rc du châ teau bell ifontain est agréable à souhai t sur ses frondai- sons d 'ar t .

21 décembre

Les achats de NOEL et les jouets achetés dans la fièvre, occupent agréab lement cette journée radieuse sous un soleil b lanc admirable. . . Il va neiger certes, et les allées m o n t r e n t l eur givre rayonnant. . .

J 'écris ce soir dans une ha rmonie sereine, tandis que doucemen t les chatons se sont installés sur le tapis de hau te laine et m e font auréole...

Tout est calme... aucun b ru i t ne vient t roub le r m a quié- tude dans la nu i t aux béat i tudes et cor respondances félines... les pat tes ren t rées sous le jabot , un ron ronnemen t d 'extase souple et chaud, se fait percept ible à m o n oreille attentive...

22 décembre

Les fêtes se feront sans encombre. . . Les téléphones t in ten t joyeusement sur les invitat ions prochaines.. . Les vieilles p ier res poreuses au gré bellifontain, résonnent d'aise... Les cuivres br i l lent d 'un éclat tou t neuf, l 'argenterie se p ro je t t e sur les miroirs , et les vitres laissent admi re r les a rbres don t la cime neigeuse est un privilège.

23 décembre

Nous sommes à RAMBOUILLET, dans une pet i te mai- sonnée cha rman te auprès de l 'E tang d'Or... Nous y dégustons des mets de choix : coquilles Saint-Jacques exquises, Tour te bourbonnaise magnif ique composée d 'un hachis de veau blanc à la crème dans une pâ te feuilletée divine ! Meringue norvégienne Grand Marnier , Champagne.. . alcools... quelle sp lendeur !

Nous devisons m a i n t e n a n t dans le salon... Le Brésil les attire... Fils, fille et parents. . . C'est peut-être la dernière fois que nous les voyons... Ils rêvent de ranch, de fermages et d ' industr ies nouvelles... tandis que le dépa r t de la fusée « Ariane » se fait a t tendre . Nous ré in tégrons PARIS, la joie en tête ! Il n 'y a pas eu de ca tas t rophe, c 'est l 'essentiel ! Les journal is tes devraient ê t re plus réservés, ils évi teraient par- fois bien des drames.. .

24 décembre

Le pet i t NOEL nous appor t e la joie de la réuss i te de nos savants, la fusée Ariane est dans la s t r a tosphè re ! Merci pou r Elle, merci p o u r Eux et g rand merci pou r Nous, les pauvres huma ins qui subissons no t re sor t sans effroi ! Il faut bien vivre !.. Page après page, les j ou r s s ' égrènent si courts... nous voici aux trois-quarts. . . voici la fin d 'une exis- tence... S û r e m e n t le c o m m e n c e m e n t d 'une vie nouvelle puis- que la naissance de l 'enfant-roi garde son symbole d'éternité. . .

Nos cousins nous invi tent comme chaque année au ré- veillon de NOËL... Ils hab i ten t un vingt-quatr ième étage d 'un immeuble neuf de COURBEVOIE... L 'ascenseur y mon te allè- g rement et sans histoire...

Quelle belle soirée... tou t le m o n d e est heureux, gilets de soie et robes de moussel ine ! Tant de monde au h a u t du ciel où les deux yeux de la « Tour Eiffel » t ou t éblouis, nous regardent à la man iè re de ceux d 'une fée end iaman tée et t ranscendentale .

La nui t claire s 'avère sympathique. . . encore des « au revoir, à l 'an p rocha in »... su r tou te une année de l iberté et d ' indépendance acquise p a r la rudesse des t emps mo- dernes, et l ' intelligence d 'un crible s avammen t aiguisé !

25 décembre

Beaucoup d 'amit iés passè ren t à la vue sur le registre des adresses. Ce fut un renouveau de sollicitudes. A l 'appel des vœux renouvelés chaque année, le lien fragile para î t revivifié. Il pers is te ainsi dans le souvenir et r ep rend parfois sa pre- mière essence...

26 décembre

Je suis à FONTAINEBLEAU. Je préfère m a résidence fores t ière dans une solitude amie et précieuse... Nombre de mes sympathies prof i ten t de la semaine de fin d 'année pour aller à la montagne.. . m a toute s imple maison m ' a t t end en t re la ville et les bois. Les chats amis ont leur gîte et p a r la grâce de la cha leur ambiante , chaque ob je t p r e n d un relief saisissant.. . Chaque meuble est imprégné de l ' amour pa ternel et les b roder ies de m a mère me sont joyaux miraculés... le travail de l 'ébénister ie prodigieuse me comble de bien-être, ca r toutes ces choses s 'ouvrent à moi p a r le souvenir que j 'y porte... Alors, je p r ends une assiet te ancienne, un verre aux mul t ip les facettes, un couver t de vermeil, un pla t d'ar- gent... Commence une soirée bénie p a r l ' a t t i rance de la gente chatte, qui, sans brui t , s 'assied à mes pieds...

J 'ouvre un ins tan t la fenêtre sur la nu i t aux merveilleux re t ranchements . . . et l ' immensi té d ' un ciel aux nuages gris impress ionne sur ses mouvances. . .

27 décembre

L'avenue Foch est t rès belle avec ses pa r t e r r e s de fleurs, ses gazons si ver ts et ses mar ronn i e r s admirables . Su r le côté, l'Arc de Tr iomphe domine sur des scint i l lements d'ex- tase... les i l luminat ions crépusculai res lancent le g rand dra- peau vacil lant sur sa f l amme renouvelée chaque dix-huit heures p o u r le Soldat inconnu m o r t p o u r la France... C'est une féerie de bri l lances au bleu, au blanc, au rouge incan- descent... la frise de l'Arc rayonne dans sa s t ruc tu re monu- menta le où pe rchen t les colombes et tourterel les gracieuses et symboliques.

Mes cent sept mè t r e s car rés cr ient « Victoire » ! Les vitres p rod ig ieusement impress ionnées se r ient dans leur éclat pers- picace et me font a d m i r e r cet te « na tu re par is ienne enviée ».

28 décembre

Les j a r res anciennes, le samovar , les deux lampes à huile dans leurs cuivres ét incelants , t ou t resp lendi t de c lar té neuve... à l ' approche du nouvel an où je recevrais la famille... Ce sera le g rand Jour , les mille pet i t s r iens qui font plaisir, la tablée ancienne avec les ê t res qui m e sont chers !..

29 décembre

FONTAINEBLEAU m'att ire. . . je m ' a p p r o c h e du pe t i t canapé-lit dont les osiers clairs f r i s sonnent d'aise... j ' é te ins les lumières et commence une nui t de rêveries d'or...

30 décembre

Midi t rente , les in format ions télévisionnelles ne sont pas réjouissantes. . . Les qua ran t e otages incarcérés dans leur ambassade à TEHERAN, bandeau couvran t leurs yeux et condui ts à b ras p a r un é tud ian t iranien, n 'on t pas des mines florissantes... Il est impossible que la jus t ice i m m a n e n t e n ' intervienne pas d 'une façon ou d 'une autre.. . At tendons le « signe » ! Ce signe divin qui n'ose, gros des conséquences d 'HIROSHIMA, se révéler fatal !.. Fatal p o u r tou te la Terre, si bleue et si belle !.. Tant admi rée pa r les p r emie r s cosmo- nautes russes, où VALENTINA se m o n t r a l 'égale de son coéquipier ! Que de souvenirs prest igieux cependan t que leurs yeux regarda ien t émerveillés, no t re p lanète d ' azur éthéré, lumineuse, habitée, pensive et savante !..

Comment dé t ru i re t an t d 'ha rmonie et d 'équi l ibre ! Com- men t oser toucher le céleste navire qui tangue et roule s u r la m e r de nuages, au mil ieu des éclairs fu lgurants et les f lammes des soleils verts...

Ah, ce siècle é tourd i ssan t et imagé, t roublé , où chaque cerveau individuel est guidé, contrôlé... e t don t les mille facettes encore fermées, recèlent un ambryon de vie fu tu re qui, dans d ' au t res sphères encore inconnues, se déploieront d ' intensi té miraculeuse alors que le corps te r res t re , br i sé dans l 'hécatombe, sombrera , navré, la issant sa t ra înée de pierres mortes.. . L 'espri t telle une comète, t r averse ra l ' impal- pable maîtr ise , avancera vers la sept ième por te , vers l 'ascen- dant providentiel .

Quelle sera cet te force étrange, capable d 'apaiser le peu- ple i ranien et ses exigences inconsidérées ?.. La Sainte RUS- S I E de nos pères crie victoire !.. Qu'on le veuille ou non, la t endance nature l le ouvre ses horizons tandis que les j eunes forces amér ica ines déconcertées, app rend ron t en elles, l 'espri t de modéra t ion et de maîtr ise .

Pr ions p o u r u n TEILHARD de CHARDIN, émule d 'un BOSSUET, d 'un TALLEYRAND... Ah VOLTAIRE ! Vous l 'agent secret, pe rsonnage aux lueurs inconsidérées, vous étiez à l 'avant-garde d 'un FOUCHE royaliste, impérial is te et révolu t ionnai re soit, mais actuel lement , à p a r t no t re Pré- s ident actuel, j e ne vois v ra iment pas le r emplaçan t ! Il est là peut-être !

Il nous m a n q u e ce br i l lant second, cet te éminence grise. Peut-être faudrait-i l le chercher dans celle cachée d 'un Grand Préla t t rès au couran t des activités internationales. . . qui, vers JERUSALEM domine les Echanges sur des données nouvelles... En tou t cas, si « le signe » ne nous est pas par- venu, la ma t i è re grise a u r a fonct ionné ! Une de mes cases se serait-elle en t rouver te à la con jonc ture ! Pourvu qu'elle ne se r e f e rme pas et p réfère se r eme t t r e à l 'abri de sa coquille, doui l le t tement instal lée dans son giron p ro tec teur !..

Il est minui t , la veillée est belle... je viens d 'é te indre l ' abat - jour au luminai re subtil. Une tendre clar té aux pâ leurs bleutées, fixe le lieu apa i san t s u r ses int imités tendres. Le po r t r a i t de m o n cousin du côté pa ternel est en bonne place, j u s t e au-dessus du p iano qui lui appa r t ena i t et dont j 'ai pris relève selon son désir. Quant au mien réalisé p a r une ar t is te de g rand talent , monda ine de surcroî t , je pense sub i tement à elle. A quatre-vingt-cinq années, elle reçoit tou jours chaque p remie r m a r d i du mois, dans son atel ier de la Por te Dau- phine... Je n'y vais plus... j 'a i p e u r de la ren t rée tardive... E t puis ce déconcer tan t apanage m o n d a i n qui l 'entoure, ne m e sédui t guère... Il n 'est in té ressant que p o u r elle dont les po r t r a i t s se vendent .

Je salue ses quatre-vingt-cinq ans de lut tes et de sourire c o m m e s u r l ' intelligence d i rec tement aiguisée qui l 'anime et la fait vivre amoureusement , chaque heure lui appo r t an t sa magie d 'âme, renouvelée pa r chacun de ses visages aux p ro fondeur s secrètes.

31 décembre

Je vais à NEUILLY pour un dé jeuner d 'anniversa i re tra- ditionnel. J ' appor t e une j ac in the blanche neigeuse à souhai t sur ses corolles veloutées... Elle a sa place avec la cris tal ler ie des bougeoirs et des candélabres d'argent.. .

Le repas est de choix, p r é p a r é p a r m o n Seigneur et Maître, l 'époux un ique de m a longue existence... Je ne résis te pas à la sieste s u r le lit aut refois conjugal... je savoure la suavité des laines aux tendresses compassées, t ou t est calme dans une amit ié acquise...

Ce lit, cet te chambre , cet en tourage de bois des îles aux nacres pâles !.. Que de merveil leuses torpeurs. . . les malaises soignés et guéris... le p la teau avancé p o u r les pet i ts dé jeuners somptueux.. . les convalescences, les repos, les nui t s avec le chat « Pompom » tou t au long de m o n corps...

Et puis le r e tou r de guerre du mari... son a t t i tude de maî t re e t de vainqueur , p r e n a n t le cha t p a r la peau du cou, se b a t t a n t avec lui, fé rocement avec le balai don t le seul manche faisait bâton... Alors, l ' imprévu.. . la bê te passive devenant furie, b a t t u e in jus tement , freinée dans ses bons offices habi tuels et sa place au creux du lit symbol ique !..

Ah ! le cri a rden t de la bê te f rappée à m o r t et qui se défend avec un courage fou... Ah ! la violence, le foudro iement précis de la bête qui va p u n i r le mâle de sa f u r e u r hâtive... au m ê m e m o m e n t le d r a m e pe rçu dans le cri d 'appel du mar i p e r d u !..

Ouvri r le por t i l lon res té f e rmé p o u r le châtiment. . . et p rendre le chat au cou dans u n cri d ' a m o u r fou, tandis que l 'époux s 'esquive dans le qua r t de seconde !.. Et, pâle d 'émoi, pendan t une heure , à genoux, apa iser le félin à b r a s le corps en lui pa r l an t de no t re m a l h e u r à tous deux... de ce changement brutal , de m o n devoir d 'épouse ! Et, r e s t e r du ran t une heure, après les grands cris du pauvre corps tou t brutal isé, pansé pa r mes mains salvatrices et a imantes , tous deux p leuran t sur la vie incompréhens ib le des h o m m e s qui s 'en revenaient d 'un trait , sans p r end re garde, là dans leur champ inhabi tuel où il fallait r e p r e n d r e les habi tudes , les coutumes, la l iberté de vivre !

Ah, cet te vie de l iberté ! Ce fut une vie de compromis , le chat r ep renan t sa place alors que le m a r i étai t en sommeil.. .

Car il advint l 'entente... Les modula t ions s 'é taient faites douces, compréhensives. . . Que ne vient-elle pas en IRAN cette en ten te demandée comme une pr ière !.. Cette gloire de la Paix qu 'une bête devenue sauvage sut accepter, maîtri- sant sa force première , et jugulan t tou t son être grâce à l ' amour conducteur. . .

La Saint-Sylvestre se passe avenue Foch solitaire... Il faut p r é p a r e r le repas du 1 Janvier de l 'année nouvelle... Mais à minu i t un coup de fil me réveille p a r un « à l 'année pro- chaine » de m o n compagnon de vie qui, dans les bons mo- ments et les vicissi tudes passées, s 'avère un frère d 'armes au g rand bon sens, aux conseils écoutés, à la protec t ion sûre...

1 janvier 1981

C'est un heureux jour... les quelques coups de téléphone reçus en t re 10 heures et midi, me sont agréables...

13 heures la famille est là, la grande sœur célibataire vient d'arriver.. . Le couple de MARLY aime leurs deux enfants qui grandissent et a f f i rment leur ra ison d'être...

Le foyer lillois avec deux enfants également, m e para î t inquiet... le m a r i n 'est pas stable... il change d 'emploi se c royant lésé... Il pense aux changements et f inalement n 'est bien nulle part. . . m a jeune pet i te cousine a été dans l'obli- gat ion de p r end re un emploi temps complet pou r subvenir régul iè rement aux exigences premières. . . Leurs paren ts du m ê m e âge que le nôt re vivent agréablement dans leur tour où les NOELS se souha i ten t dans la gaieté... Un coup de sonnet te !..

... Enfin, ils sont là, po r t eu r s de tulipes à peine écloses et dont les teintes vivaces, rouge, orange, blanc veiné de garance... ouvrent les cœurs... Elles vont s 'ouvrir ainsi, timi- dement , devant cet te avenue, la plus belle du Monde qui, depuis le pet i t m a t i n étincelle du soleil d'aurore.. .

Le foie gras, le j a m b o n sous la cendre doté d 'épinards en branches , la salade, le p la teau de fromages, la glace... C'est un repas de famille où tou t le m o n d e à la parole tandis que les vins sont délectables...

Vers 18 heures , ils r epa r t en t tous... chacun d'eux à ses obligations, son climat, son travail... Un dern ier au revoir,

ils sont dé jà loin mais une année est si vite passée !.. La verrer ie de cristal est remise en place... Le m a r i r e p r e n d le dern ier autobus.. . Il faut dormir , le sommei l vient dou- cement sur la touchan te amit ié des ondes...

2 janvier

Le réveil est féer ique avec ce soleil qui inonde les baies vitrées de l 'avenue Foch. L 'année nouvelle a p p o r t e ses mer- veilleux présages, le cour r ie r est volumineux, il fau t y ré- pondre...

3 janvier

Une pluie fine se t r ans fo rme en gout te le t tes givrées, le ciel est mou tonneux et couver t de b r u m e s phosphorées. . . Les pare-brise des voi tures qui passent , s ' accumulen t de par- celles blanches vivement éparses dans l 'a i r h u m i d e et frais...

Il m e faut aller p r é sen te r mes vœux dans la maisonnée bell ifontaine toute pleine d 'essences f luidiques et d 'amit iés anciennes...

Je suis accueillie pa r une pet i te tête aux yeux péti l lants , la « déesse-chat » est p résen te et sait d e m a n d e r l 'asile sûr et le gîte choisi.

La soirée se passe douce et calme dans l ' euphor ie d 'une senteur sylvestre qui pénè t re j u squ ' à l'âme...

J 'écris et les phrases s 'ent re laçent c o m m e festons colorés et divers...

Minuit, j 'éteins, ouvre la fenêtre et resp i re au ry thme mélodieux des vents...

Tout est merveil leux sur le d iapason divin qui scande les délices d 'une âme pure...

4 janvier

Le thé, le d îner succinct, les pages et les pages écri tes s u r la lune experte a lors que la Chapelle de l 'ancien Couvent élève sa flèche, tout au-dessus des mortels .

Les Carméli tes qui habi ta ien t ce fief, s 'en sont allées vers d ' au t res cieux moins éprouvants. . . Elles ont t rouvé refuge

il y a trois années déjà, près d'ORLEANS, mais elles nous manquent . . . Elles nous berça ient de cha rme spirituel, leurs chants et l i tanies nous t r anspor t a i en t vers l 'infini céleste.

Main tenan t le voisinage, livré à ses seules impor tuni tés est acar iâ t re , maussade. . . Il vit enraciné comme les souches, dans les p ro fondeurs du terroir . Le verbe est hau t et d ru p a r m i le sol aux b ruyères et racines odorantes , mais la voix de s ten tor qui communiqua i t avec les héros de jadis ne donne plus que la note aiguë et malveil lante des états d 'âme peu enclins à la tendresse...

Parfois les conciliabules déchi rent l 'air tandis que les j a rd ins se défr ichent t r anqu i l l ement sur les laitues et les choux... Ils s ' en t remêlent aux carot tes qui devraient donner « bon carac tè re », alors que les rhuba rbes à longues tiges, les groseilles à feuilles éparses, s 'en i raient bien volontiers vers la forêt aux sentes cavalières...

Les forest iers aux présages fameux savent recueil l ir les oiseaux, les da ims en détresse... Quelques lapins t rouvent l 'abri confor table don t ils se délectent près de la clairière. Ils font alors leur ronde et s ' ébrouent jo l iment laissant apercevoi r leurs j abo t s blancs et leurs oreilles palpi tantes d'émoi, droi tes et lustrées. Leurs museaux en éveil dans le f racassement des incisives qui poussent t rop vite et les obligent à ce dialecte d 'agréable courtoisie, semblent fre- donne r une chanson p remière apprise, voilà des milliers d 'années, tandis que de l 'arr ière- t rain ils dansent puis s'ins- ta l lent p lac idement sur l ' humus et la rosée...

En l ' honneur des Rois Mages, b ientôt fêtés ent re le bœuf et l 'ânon gris, il y avait ce r t a inement « la ronde des pet i ts lapins » scandant à leur man iè re la venue de l'enfant-roi... Pour m a par t , je m e souviens de m o n lapin de guerre r amené vivant dans une sacoche afin d 'avoir tou jours l'en-cas néces- saire... échangé à trois repr ises et revenu tou jours en vie, tou t f r edonnan t encore des périples conquis. « Nounoute » é ta i t devenu le famil ier de la maison, il suivait le chat dans ses pérégr ina t ions journal ières , p rena i t le repas de m ê m e manière et g r impai t s u r la table les oreilles en bataille, heu- reux de ses prouesses. . . Les pet i tes perles blondes qui s 'échappaient de son séant s 'égrenaient dans le même « plat à chat » habituel.. . Chat et lapin devenaient frères, le p remier avait charge d' instruire. . . il le faisait avec une délicatesse

main, un bleuet à la chevelure... Marie-Antoinette POYET sait dire toutes ces choses en une poésie suave, toute em- preinte de sa bonté originelle et chantante. . .

« P E N S E R A SON PAYS »

« Penser à son pays, c 'est m a r c h e r dans la vie En po r t an t avec soi sa ter re et sa maison ! Re t rouver dans son cœur la p lus belle saison E t tous les lieux aimés que j amai s on n'oublie.

S 'échapper du réel avec sa fantaisie, Se pe rd re dans l 'enfance avec sa déraison, S ' imaginer soudain très loin de sa prison, Libre de son dest in et de tout ce qui lie.

C'est rêver de couleurs, de calme et de par fums , Revivre un long ins tan t p a r m i tous les défunts , E t m u r m u r e r p o u r eux une a rden te prière.

C'est, en f e r m a n t les yeux, en tendre dans le soir, Les insectes chan te r au bord de la rivière E t songer que les jours valent un peu d'espoir. »

Délicate et tendre, Marie-Antoinette POYET s ' inscr i t au grand Livre des Poètes, avec no t re pensée toute littéraire.. .

Il en est de m ê m e pour la c h a r m a n t e Prés idente des « Amitiés Médi te r ranéennes » Yolande BRACHETTI, dont le talent s ' impose à tous, dans l ' enchan tement par t icul ier des sèves subtiles... Sa cor respondance est empre in te de ce charme part icul ier , doté d'effluves ensoleillées toujours. . .

Je n'ai pas ses poèmes, mais sachez qu'elle est vive et d 'une souplesse extrême... Lorsqu'el le danse les folklores niçois, elle uni t son cœur à la mus ique avec la spontané i té émerveillée d 'une étoile... Sa chevelure, soleil diapré, para- chève sa si lhouette gracieuse s u r un regard ét incelant , plein de fougue et de vie...

Une amit ié chère, Marcelle MAUROY, hab i te à la Princi- pau té de MONACO. Poète et conférencière, nous avions passé d 'heureux m o m e n t s aux côtés de son époux et de tous les poètes de la « Côte d 'Azur ». Elle écrit , son style classique est un apanage de classe.

De temps à autre , Odette MOREAU, br i l lante in te rprè te des « Diseurs Français », nous re jo in t l 'été à MENTON ; son intonat ion est br i l lante et nous a imons l 'entendre. Les poètes

classiques, qu'elle connaî t p a r cœur , deviennent éloquents, e t nous l 'applaudissons fort...

E n t r e MENTON et MONTE-CARLO, Madame Menela MENEMENSOGLU, nous rejoint . Femme de lettres, roman- cière, h is tor ienne et poète, elle voyage et l 'AMERIQUE lui ouvre des horizons... Elle est blonde, jolie, au regard pers- picace et sûr... Tout l ' intéresse et l 'ORIENT l'attire... Sa venue au Cercle Li t téraire de l 'avenue Foch est tou jours r emarquée , p a r la qual i té de ses dires et la jus tesse de ses expressions.. .

Mais le t emps passe... Nous sommes dé jà au 8 mai.

8 mai

Madame Geneviève JEAN, Prés idente de la Cigale Poé- tique, vient de m 'ad res se r son poème... « LA GITANE », don t voici la t eneu r :

« Le p a r f u m du j a rd in e m b a u m e la nui t chaude ! E t la gitane danse aux sons ensorcelants Qu 'un gui tar is te ému p a r ses yeux insolents, Lance comme un défi p o u r la lune en maraude.. .

Les hommes fascinés sen ten t l ' amour qui rôde ! I ls sont tous obsédés p a r la robe à volants Qui tourbi l lonne et fu i t sous leurs regards brûlants... Ses prunel les de chat luisent comme émeraude. Mais son rêve s 'a t tache au b run to réador : Il est brave, il est beau, il po r t e l 'habit d 'or ! Quand le désir est là, nul ne peu t s 'en défendre...

Au pat io f leuri éparpi l lent son cœur, Tous ses cheveux dénoués, la belle va comprendre Que son étoile a lui, ce soir, pou r le vainqueur.. . »

C'était u n P remie r Prix du sonnet...

Tant d 'amit iés qui m e fêtent, lorsqu'elles viennent avenue Foch... Que devient donc Olga HOLMIERES ? Elle avait dit m o n poème « LE BREUIL EN BOURBONNAIS » avec une élégance et un charme inouï ! E t cet te jeune femme, pré- n o m m é e ALAIN, qui in te rp ré ta deux de mes poésies sur PARIS si mervei l leusement , que j ' en étais quas iment béate ! (Je ne reconnaissais plus mes œuvres !) Quelles joies sans n o m b r e ! Pour une cour te vie de b o n h e u r ! E t ce jeune

homme, accompagné de sa jeune femme Y van SCHMELJUCK, lui, pe in t re et poète de talent ! Ils m'avaient fait connaî t re les « UGUETTY » d 'ARGENTON-SUR-CREUSE !

Et là-bas, dans cette a tmosphère de NOHANT, j 'avais fait m a conférence sur la Grande George SAND. Quels m o m e n t s délicieux m'avaient-ils fait passer... Plein de charme, de gaieté, de déférence et d'amitié...

Et mes amis les musiciens, les music iennes qui, su r le piano « Pleyel » modèle « Royal », su ren t cap te r les ondes des grands maî t res , et nous faire connaî t re les chefs-d 'œuvre avec la délicatesse de MOZART, l 'élégance de CHOPIN, le bouleversant en tendement de B E E T H O V E N ; les Liedes de ce génial SCHUBERT, les Contes d 'HOFFMANN aux suavités des gammes d 'or ; et RACHMANINOFF dans ses inpondé- rables et ses f rémissements d 'ê t re ! Mais aussi Claude DE- BUSSY aux « ja rd ins sous la pluie » impress ionnan t s sur les perles d 'eau qui t omben t et r e t o m b e n t en je ts colorés de mille nuances... RAVEL, à la sensual i té à f leur de notes, ses esquisses, cet te forme neuve et p rofonde dans ses divertis- sements, aussi bien que dans le j eu des orgues de sa CATHE- DRALE aux irrésist ibles messages ! Mais également embellies par l 'ar t qui les protège et les soutient , j ' a ime les mélodies de FAURE, de DU PARC, parce qu'elles œuvren t p o u r les poètes et t r adu isen t parfois les r imes et leur t eneur de façon exquise. Ces mélodies furent une révélat ion sensible sur le prestige d 'un virtuose tel que VYRON BELLAS.

Il faudra i t que nos musiciens m e t t e n t en mus ique cer- taines œuvres récentes ainsi que l 'avait fait Francis POU- LENC, sur des voix fraîches et émouvantes , don t les sono- rités puisent leurs ressources au-delà m ê m e du poème, tout en en ayant pris la quintescence.. .

Ah, ces belles voix que j 'ai en tendu ! Elles me berça ien t d'aise et m 'appor t a i en t et m ' a p p o r t e n t encore, « le supplé- men t d 'âme » nécessaire à m a survie, dans le rêve et le bonheur d 'être missionnaire du grand Art...

Les noms s'en vont, s 'en viennent , au gré des vents légers, la voix de « Dominique », celle d 'Eva GORECKI prest igieuse, celle de Be rna rd COTTRET, présence mélodieuse et savante, s'en viennent bercer mes songes, de leurs cascades de perles phosphorées ; et je m 'endors b ienheureuse , en réf léchissant à la magnanimi té du Seigneur.

9 mai

L'avenue Foch m'inspire.. . Je suis de nouveau Parisienne, et mes chats v iennent auprès de moi... Ils s ' instal lent sur la tablée, dans les papiers , les livres ouverts, mais ils res- pec ten t les écri ts et savent r e s t e r t ranquil les, sans froisser, sans griffer, ce qui est rare.

J 'ai p o u r t a n t l ' intent ion de sor t i r e t d 'al ler visiter les galeries de peinture .

Le cour r ie r volumineux recèle les invitat ions en cours... Il faut choisir .

« L'Arc-en-ciel » s'éloigne du pér iple habituel , mais il fait un effort p o u r re ten i r l 'a t tent ion.

La Galerie OUDINOT garde son prest ige et le Cercle Saint- Louis ses amit ié d'art.. . Ror VOLMAR est présente chez elle ; aidée p a r un groupe de jeunes femmes sympathiques .

Les Galeries Saint -Honoré ont du succès, et t an t d 'aut res aussi. En ce moment , une personnal i té adminis t ra t ive dé- cerne des médail les et des prix de pe in ture dans les innom- brables galeries de PARIS... Il fait des heureux et crée cet en thous iasme aimable de l 'entourage et des proches... Il f aud ra que je lui dise de venir au Cercle Li t téraire de l'ave- nue Foch. Il y t rouvera i t mat iè re et nous comblera i t de joie.

Je pense à Florence BOSC qui peint dél icieusement tout ce qui la touche. Elle excelle dans les por t ra i t s g randeur na ture , aussi bien que les nus aux beautés incontestables.. .

SCHMELJUCK peint adorab lement les paysages, dans un enchevê t rement de fleurs, de feuillages et de fruits... Ses rayons d 'onde s 'enchevêt rent et an iment l 'ensemble aux pas- tels dominants. . . t an tô t sur des bleus, t an tô t sur des ors, puis sur la gamme des colorat ions framboisées, tou t y est symbole...

E t je m 'endors avec la cer t i tude d 'acquér i r cet te pochade lunaire aux luminosi tés bleutées, compléments des âges.

10 mai

Alexandre GHANEM est Libanais, mais il habi te la FRANCE depuis de longues années. Il est a r t i s te et vient régul iè rement dire quelques-uns de ses poèmes. Chaque

année, ses vacances sont réservées au LIBAN, où sa famille vit toujours . L'an dernier , il m ' a offert un joli coupe-papier pour chacun de mes jours , puisqu ' i l ouvre « journe l lement » mon courrier .

Mais il est également a r t i s te d r a m a t i q u e ; à di f férentes reprises, avec quelques jeunes, il a joué avec tou te son âme, et in te rpré té ses pièces, de carac tè re religieux.

La « CARAVANE SAINT-FRANÇOIS », fondée, an imée et dirigée p a r Mademoisel le Yvonne BUCAILLE, va prochai- nement se produi re dans la pièce de Sa Sa in te té le Pape JEAN-PAUL I I ! Jugez de no t re émoi ! Sa Sain te té venan t à nous p a r le t r u c h e m e n t d 'ar t i s tes que nous a imons en tendre ! Quelle joie ! Je pensera i à faire p a r t de cet te mani fes ta t ion à Jacquel ine GOGUET, dont la m a m a n , la Comtesse Fran- çoise GOGUET, fut une amie délicieuse. Elle peignai t des « Sirènes » avec un g rand talent. Elle avait voué un culte au Général de GAULLE, et le por t r a i t géant exposé a u « Salon des Indépendan t s », dans ce magni f ique hall du Grand-Palais, est une preuve de sa notor iété .

Jacquel ine écri t su r le « Carillon ». C'est une des pre- mières femmes « Cari l lonneur ». Tout au h a u t des clochers, elle s ' installe auprès du clavier re ten t i s san t e t r ésonnan t . Il lui faut une poigne solide à tou te épreuve p o u r manœu- vrer l 'airain à bou t de tiges, et donne r le son qui convient avec son intensi té d'art... Lorsque nous en tendons les cloches à toute volée car i l lonner les jours de Pâques, à Sainte-Odile (c'est l 'Eglise qui la reçoit depuis de nombreuses années) je puis réal iser cette force vitale qui se déchaîne tou t là-haut, pe rcu tan t les oreilles et le tympan, j ouan t à la man iè re du forgeron sur l 'enclume, cependant que l 'émotion i r radie l'âme... Alors, les cloches deviennent v ibrantes ; elles s'im- posent à nous malgré not re indifférence, elles sont le cri de Paix dans sa gloire r ayonnan te !

Gloire à laquelle nous associons Max-Pol FOUCHE, l 'homme de let t res qui n 'est plus, et dont l 'épouse vint nous lire une nouvelle n o r m a n d e avec tou t son amour .

11 mai

Il me faut pense r aux cinéastes qui, grâce aux diapo- sitives, nous p rocu ren t des joies immenses . Not re ami HOU- LET, maî t re de la technique, nous est d 'un g rand secours.

Il sait tout, en t r ep rend tou t avec un égal bonheur . Il est chan t eu r ext raordinai re , ca r sa voix de basse chantan te du réper to i re classique au Conservatoire de Musique de PARIS s 'est gardée in tac te malgré les t roubles de la dernière guerre, et les aléas du travail journal ier .

Il est accompagné de Madame HOULET, qui sacrifia sa car r iè re p o u r devenir chef-comptable d 'une affaire impor- tante. Elle aime cette ambiance de poésie et musique, d'au- t an t que son époux sait j oue r et s ' accompagner de la guitare et de la mandol ine, selon les circonstances. Il chante en espagnol avec sa guitare, en i talien avec sa mandol ine ; il r épa re les fils des télévisions, change le matér ie l ; répare aussi la sonnet te d 'ent rée si bon lui semble, en toute modes- tie et gentillesse. Il nous est précieux ! Malheureusement , il l 'est tel lement, que, protégé pa r une associat ion de « Scien- tistes », il a fait la rencontre , à la réunion des dimanches ma t in de la salle Gaveau, d 'une jeune femme qui chante, et par-dessus le marché s 'occupe de comptabilité. . . Leurs liens se sont renforcés , il est quest ion d 'une sépara t ion avec l 'épouse, à l 'amiable sans doute, mais c 'est dommage. La vie mode rne peut éloigner les ê t res les plus sensibles. Pourquoi , ce qui semble déraison, ne peut-il s ' a r rê te r afin de r ep rendre le cheminemen t sans heu r t avec la cer t i tude d 'une vie plus longue, allégée des soucis du jour... E t puis, cet te dame si gentille qu'il laissera seule... A vrai dire, elle ne le sera pas ; nous l ' inviterons, cependant qu'il ira là où il sera mené...

Une de leurs amies, Madame BARGES, d'origine belge, a tou t essayé... Ses conseils pe r t inen ts n 'ont pas été suivis... En un mot , ce couple idéal et qui s 'aime et se sourit , marche du m ê m e pas tranquil le , va se séparer.. . car cet homme, au regard droi t et lucide, est pris pa r le démon de midi, ou bien encore p a r la secte qui se l 'at tache. Il ressemble un peu aux frères de l 'Armée du Salut ! Il se dévoue to ta lement à la cause, au dé t r imen t de sa vie personnel le peut-être...

Nous ver rons p a r le temps, ce qu'il advient de tou t cela... Il nous f aud ra nous passer de ce mi l i tant inconsidéré !

12 mai

Guy-Aimé PATARD est un jeune h o m m e agréable. Il est cur ieux de tout , il sait tout, voit tout , comprend tout ! Il

n'est pas la Bible, mais une m a n n e de savoir et de divertis- sements. Professeur de let t res à PARIS et ailleurs, il a voyagé au gré de ses désirs, de l 'ORIENT aux ANTILLES, sans la moindre anicroche. Il est plaisant , gaillard, le verbe facile, il écri t des romans et des poèmes mis en mus ique p a r ses amis... Il reçoit les amis des amis, ainsi que moi-même, et de ce fait, il lui arr ive d 'avoir plus de m o n d e que sa ma i son n 'en peu t contenir . Mais il a ime cet te envergure amicale qu'il entraîne, suivant les heures et les saisons, de ROBINSON au châ teau de BRETEUIL, avec un égal et sympa th ique enchaînement. . .

Le Cercle Li t téraire de l 'avenue Foch bénéficie de sa venue, car la pièce de récept ion est g rande et ses diaposit ives, toutes merveilleuses, sont ainsi p lus jo l iment présentées .

Parfois nous nous rencon t rons chez des amis, où il a la joie de se produire. . . Les « Artisans de l 'Espr i t » ne l 'oubl ient pas et les amis d 'amis con t inuen t la filière sensible du TOUT- PARIS, des sciences, des a r t s et des lettres.

Madame Ruf N I F E N E C K E R , cantatr ice , m'avai t p résen té Guy-Aimé PATARD. Il revenai t des ANTILLES, où il avait passé ses vacances chez sa marraine. . . C'est ainsi que nous passâmes un 17 du mois, les diaposit ives aux mille nuances , commentées avec art... Madame Ruf N I F E N E C K E R chan ta i t des chansons antil laises avec une sensibil i té p re sque divine... Le folklore antillais p rena i t des échos si p u r s dans leurs naïvetés tendres... dites et chantées merve i l leusement p a r not re amie à la voix si jeune, si claire, admirable. . .

Depuis, no t re amit ié ne fait que croître... Marguer i te RU- F E N E C K E R aime recevoir chez elle, dans son a p p a r t e m e n t de la rue Michel-Ange. Le chant , la mus ique et la poésie lui font une br i l lante soirée, n imbée de rêves lointains...

Tant et tant d 'amis, qu'il faudra i t , p o u r les citer, des pages à l'infini...

Blanche ARIEL, dont la t roupe in te rp ré ta sous son égide, la pièce du Comte RICOUR de BOURGIES, « MOUCHE », avec un succès mér i t é ! Ce fut une grande soirée, dans l 'éclat des cos tumes et des jeux de scène a t t rayants .

13 mai

Beaucoup de mes amitiés m'ont suivi à la Société des Poètes Français, j'en suis satisfaite. En qualité de cercle privé, je n'ai pas à tenir la régie de mes fidèles. Les poètes viennent à leurs heures, c'est une soirée symbolique où la détente permet l'enthousiasme ; la collation de gâteries pré- parées, donne le loisir de la conversation.

14 mai

Je n'aurai garde d'oublier la poésie de Raymonde DUBAC, qui me donne parfois ce petit coup au cœur, tant la simpli- cité de ses accents est dédié à l'amour humain, profond comme une source au jet léger, fluide, telle une gaze d'arach- née...

« REVE D'ENFANT »

« Dehors, le vent souffle et gémit L'enfant dort dans son petit lit Il rêve que sur lui se penche Un ange avec des ailes blanches Il entr'ouvre doucement les yeux

On caresse ses cheveux soyeux Les ailes blanches ont disparu Pourtant, il les avait bien vues.

Ah ! dit l'enfant attristé Le vent les a-t-il emportées ? Mais non, j'ai rêvé je crois Le bel ange, maman, c'était toi ! »

Cette soirée, où Charles LEVAL accompagnait la poésie, fut une splendeur.

Ce musicien est également compositeur. Son jeu est vivant... Il emporte le cœur dans un éclat de rire... Les bra- vos fusent, les visages brillent par le regard d'admirative félicité... et lorsqu'il accompagne le poème DENTELLES D'ALENÇON, il improvise...

« Dentelles d'ALENÇON, chères belles, Vous vous promenez par les ruelles Aux genoux de vos fées, assises pour la Veillée, Sur les coussins satinés de vos chaises cannées.

(photo M. VAUX)

Et les jeunes Demoiselles, sortent de leurs escabelles De longs fils tirés... Qui agrémentent le point des aiguillées... Et les nonnes, vous façonnent et vous donnent Ces dentelles tréfilées qui s'envolent en envolées Sur les rêves agenouillés. Et les vieilles aux ruchers de noires dentelles Sur les pommettes roses et tannées si joliment Parachèvent le plaisir de leurs vieux ans, Aux doigts des fils ténus de nos Points d'Orgues Qui s'élèvent des Abbayes En prémices du Paradis. O Mes Normandes... Vous êtes fières de vos atours, toiles et velours... Votre fichu travaillé, sied à vos épaules veloutées Et la coiffe aux quatre rangs plissés Ornée de rubans lumineux Révèle l'âme de LISIEUX. Dansez mes dentelles, 0 les rebelles, Sur les poinçons A l'Unisson des points et toiles d'Alençon. Allez parcourir toute la Terre Sur les Empires et sur les Mers... Et n'oubliez pas la couronne d'ANGLETERRE Dont vous fûtes l'arrière, arrière-grand-mère !.. Revenez-nous ensuite, toutes fraîcheurs à votre suite Fêter le millier d'années.. Fait de talent au génie oublié... Dentelles d'Arachnée... Aux points de vos Poinçons... d'ALENÇON !.. »

Anne AUGER du BREUIL

15 mai

La magie de la phrase, jointe à celle de la musique, me berce encore avec les ans qui passent... sur les dentelles et sur les rythmes... C'est un envol vers les SOMMETS DU MONDE que je dois présenter à la dernière, à l'ultime soirée du 17 mai prochain.

Je n'aurai pas le temps de prendre la parole sur la diver- sité du thème proposé, vaste comme le monde et comme sa clarté... près des cieux azurins des glaciers...

Les pics et sommets po in ten t vers le ciel clair, les efflu- ves d 'o r des soleils naissants sur les molécules bleues aux douceurs extatiques. Cette Terre, dont GAGARINE et VA- LENTINA, les p remiers cosmonautes , s 'écriaient, leur visage radieux : « La Terre est bleue, d 'un bleu phosphorescent , i r radié de lumières... ». Ils avaient tous deux pris conscience de l ' immorta l i té ; ils avaient à jamais confondus leurs rêves en sachant que chaque parcelle du Cosmos est une parcelle de vie !.. Les savants et les poètes ressen ten t au fond d'eux- mêmes, cet te avancée vers les cimes d 'un invisible « recueil ». Celui de nos errances fu tures !..

La FRANCE, fille de l 'Eglise, ouvre ses horizons vers le MONT-BLANC et sa chaîne magnifique, tandis que le hau t M E G E V E admire l 'étincelle diaprée des soleils couchants, œuvrée à l 'infini sur les mouvances des heures...

Le MASSIF CENTRAL, p ro je t t e sur le Velay et toute l 'Auvergne de VERCINGETORIX, jusque sur Le Puy et sa Vierge noire, aux roches silencieuses, la majes té d 'un pano- r a m a resplendi et vallonné des volcans éteints, où les sources encore chaudes s 'é lancent en bulles vaporeuses, sitôt domp- tées p a r la technique sûre des hommes .

Les sources de VOLVIC, si fraîches, passen t plus loin- taines sur des saveurs d ' humus miraculés ; CHATEL-GUYON, aux eaux par t icul ières dégagées des calcaires, prodigue l 'essor et prolonge l 'ordre des choses... LA BOURBOULE, ROYAT, VICHY, ferrugineuses volcaniques, sont captées pa r des cen- trales, alors que toute la ville brûle sous l 'asphalte aux tié- deurs insolites dont il faut isoler la marche pa r d 'épaisses semelles.

Là-bas, les P Y R E N E E S , fille de PYRENE, fille du Feu, dans le voisinage de la Croix de CHARLEMAGNE, où l 'Epée de ROLAND, taillée dans le roc, réside au h a u t de RONCE- VAUX. Elle m a r q u e la g randeur des siècles passés. RO- LAND s'en venait de BRETAGNE avec ses armées, il allait se b a t t r e p o u r imposer la Chrét ienté sur le te r r i to i re de FRANCE. Il succomba avec ses chevaliers, sous les coups des Sarrasins .

Mais, dans la corniche somptueuse où la ter rasse de la ville de PAU exhulte, la Vierge de LOURDES fait toujours des miracles...

A NUREMBERG, l 'Epée du Preux Chevalier, garde dans sa châsse, le tumul te des épopées, tandis que Bernade t t e SOUBIROU, au Couvent de NEVERS, res te tou jours « exta- siée » sur l ' immense bonté de la « Dame au sourire » qui, parfois, la faisait se soulever de terre. La « Dame » lui appa- raissai t alors, vêtue de bleus atours.. . Be rnade t t e étai t obligée de se c r a m p o n n e r à la b ranche d 'a rbre , dessous laquelle elle se tenai t à l 'habitude.. .

Cet endro i t est tou jours protégé p a r les sœurs du Cou- vent ; elles a iment ainsi, faire visi ter le réceptacle de tant de présences divines.

Mais au loin, vers l 'ESPAGNE, la SIERRA, boui l lonnante de ses to r ren t s d 'écumes, réc lamai t la présence de la Vierge au PORTUGAL !

Et la Vierge de F ATI M A, chaque 13 du mois, depuis bien- tôt c inquante années, garde le vœu, t r ansmis p a r trois enfants, tous trois vivants. Ces trois enfants avaient vu et en tendu « La belle Dame vêtue de bleu pâle, qui leur deman- dai t une Eglise... ».

16 mai

La grande salle de « l 'Hôtel de Massa » s ' encombre de chaises ; il y a réception, c 'est un grand jour , pou r les Socié- taires. Les écrivains sont dotés de prix intéressants . De plus, un buffet somptueux fera la joie des hôtes, heureux de se re t rouver dans cet te ambiance chaleureuse.. . jus te avant les vacances...

Madame la Duchesse de LA ROCHEFOUCAULT présen te avec simplicité. Elle a ime cette pensée créatr ice, qui reflète une perpétuel le énergie dans un espr i t revivifié.

Les centenaires de nos h o m m e s i l lustres fu ren t évoqués. Gustave FLAUBERT, p o u r l 'acuité de ses descr ip t ions mer- veilleuses, APOLLINAIRE, p o u r ce modern i sme inspiré pa r les peint res de son époque et sa facilité d 'express ion sensible...

Les qua t re conférenciers présents à la table, donnè ren t un compte rendu des colloques récents , don t le Marquis de LA ROCHEFOUCAULT bénéficiai t p o u r son tr i-centenaire.

LA ROCHEFOUCAULT, pet i t village des Charentes, vit la naissance de François de LA ROCHEFOUCAULT, l ' au teur des célèbres MAXIMES.

Les colloques se poursu iv i ren t jusques à ANGOULEME p a r la Vendée, curieuse et pit toresque.. . René TAVERNIER, du Pen-Club Français avait invité ses membres. . . Il t e rmina son discours en sa qual i té de Président , avec sa voix suave, s u r des f rondaisons d'étincelles... Nous fûmes conviés au cocktail pr in tanier , le champagne fut un bonheur .

17 mai

LES SOMMETS DU MONDE EURENT UN SUCCES RETENTISSANT.

Beaucoup de monde. Les poètes étaient inspirés... Guy- Aimé PATARD présen ta i t ses vues sur l 'AUTRICHE, une sp lendeur ! L 'a t taché cul turel et Madame KELLER, de l 'UNESCO, ass is ta ient à la soirée...

Les KARPATES et les MONTS d'OURAL, eurent ensui te la faveur, de not re amie Elyane de ROAZ, dans ses danses aux envolées extrêmes ! Ce fut la merveille !.. Ses cos tumes resplendissants , complé tè ren t la subti le ha rmonie de ses gestes !..

L ' INDE ne fut pas oubliée dans les poèmes présentés ; et les Monts Himalayiens grandioses, nous donnèren t le désir d 'un voyage... Les femmes, p ierres précieuses aux ailes du nez, bracele ts d 'o r aux chevilles, corail et saphir sur les robes de cachemire.. . a t t i r en t prodigieusement , avec leurs sâris de gaze légère. Les fleurs à la chevelure d'ébène, e t le ton de bronze des visages. Nous fu ren t une faveur... Plus loin, les cavaliers du KHAM semblent encore parcour i r les ter res aux fleurs sauvages, sur un océan de verdure...

Le JAPON fit rêver, dans ses cos tumes de gloire, soyeux... tandis que les coiffures, ornées de t an t de délica- tesses de toutes couleurs, favorisaient not re admiration.. . évocatrice de danses sacrées sur les ri tes du thé bouillant...

Puis, le voyage en CHINE, de Monsieur le Député Georges MESMIN, eut les faveurs de l 'auditoire ami... Les diaposi- tives, b r i l l ammen t commentées , nous indiquaient le boule- versement national, et l 'avancée vers un modern i sme éprouvé.

Les enfants et les jeunes filles dansè ren t sur des rangées militaires, Elyane de ROAZ et sa danse chinoise, fit sen- sation...

Nous pensions à no t re amie Janine DUCROT, fervente des diapositives qui, en t re autres , pou r la CORSE et la VEN- DEE, nous fut précieuse !

Ah, nous regre t t ions l 'absence de Mons ieur et Madame O'BAGHIO'O, dont les livres, aux originali tés des f l ammes tropicales, ont de séduisants reflets d'âme...

Jean BOUCHET, journal is te , nous fera-t-il un « pap ie r » sympath ique ?

Quant à Monsieur Jean-Marie CHARTON, musicologue, et Madame, ils fu ren t t an t de fois présents , que nous leur dédions no t re fervente amitié...

Le poète CHMELJUCK intéresse Monsieur le Député Geor- ges MESMIN... E t pou r cause, not re poète avait été éblouis- sant, plein d'idées... Dans un h u m o u r jeune et gai, il au ra i t r emué une escouade !

Les vacances poét iques sont venues... Chacun va s 'en al ler sous peu, du Sud au Nord, de l 'Est à l'Ouest... Regarder le soleil et les étoiles, pou r mieux vivre de l 'air du temps, ne serait-ce qu 'un m o m e n t ! Quelle joie !

Be rna rd COTTRET, l 'ar t is te lyr ique aux prest igieuses intonat ions, éclaire de sa voix nuancée cet te ambiance ado- rable, heureuse et vive. Il in te rpré ta i t les « VOCALISES » de Monique G ABU S, tandis que de FAVERNEY acclamai t avec son groupe amical et composa i t une délicieuse auréole de jeunesse...

Mademoiselle S IMORRE n'est pas là ce soir, quel dom- mage... Elle dit les poèmes en langue d'oc, ce qui donne une « gueule » facécieuse et subl ime dans la p ro fondeu r de ses dires...

Quelle est donc cet te jeune femme pianis te qui vint sou- ventes fois ? Mais c 'est Geneviève COURTADE, é tonnante , oubliée et présente !

Je suis heureuse et salue à la ronde, avec le poème que vient de me dédicacer Raymonde DU LAC...

Sur le souvenir de sa p remière soirée du Cercle Li t téra i re de l 'avenue Foch.

Je n 'a i pas oublié le chaleureux accueil Qui me fu t réservé p a r Anne AUGER du BREUIL. Voici hu i t ans déjà, toute désemparée, Je vins à cet te place, un peu intimidée. Me d e m a n d a n t alors de pa r l e r hau t et clair Du pays qui me pr i t un morceau de ma chair. Je le fis de m o n mieux, n 'é tant pas Démosthène, E t je sais que vous aviez tous compris m a peine. L'île don t je par lais avec tant d 'émot ion E t a i t MADAGASCAR, ses mœurs , ses tradit ions. Je sentis auss i tô t qu 'en ce lieu sympath ique Allait rena î t re en moi la pass ion poétique. Des poèmes naissaient enfantés p a r mon cœur. Quel p la is i r d 'écouter les r imes d 'une sœur, E t vous-même, Madame, dont la délicatesse Fai t cour i r votre p lume avec tant de finesse. Je n 'ai pas oublié le chaleureux accueil E t je vous dis Merci, chère Anne AUGER du BREUIL.

Raymonde DULAC 17 mar s 1980.

FINAL

Je dédie ce journa l poétique, qui représen te une pa r t de m a vie, au poète, cri t ique, journal is te , h o m m e de théâ t re et conférencier , Serge-André BERNSTAMM, Président de la Société des Amis des Arts de MENTON, pour l 'a t tent ion avec laquelle il veillait s u r mes écrits, ainsi qu 'un père d 'adopt ion l 'aurai t fait au regard d 'une grande enfant , dont il a imai t le style.

Anne AUGER du BREUIL Sociétaire des Gens de Lettres de FRANCE.

(Mars 1980)

Jou rna l te rminé le 17 mai 1980.

ACHEVE D'IMPRIMER SUR LES PRESSES DE L'IMPRIMERIE

OFFSET-MINUTE

11, rue Sauffroy, 75017 Paris Tél. 229.50.31

Cercle Littéraire de l'avenue Foch

ISBN 2902 113-11-0 N° d'imprimeur 16 Dépôt légal 3 trimestre 1981

AU GRE DES JOURS

Journa l

Anne AUGER du BREUIL

Chaque j o u r amène son cortège de joies et de peines, cer tes ! Et pourtant . . . Anne AUGER du BREUIL vit dans cette a tmosphère par t icul ière et ouatée des Cercles Litté- raires, qu'il soit le sien, « Cercle Lit téraire de l 'avenue Foch », ou celui de ses amitiés, « Arts, Sciences, Let t res », Président le Docteur PINOTEAU ; « Les Artisans de l 'Espr i t », Prési- dente Madame PERIGAUD, « L'Académie de LUTECE » et ce cher Prés ident Marceau CONSTANTIN, « Le Pen Fran- çais » de Monsieur René TAVERNIER, « Prestige et Beauté » avec Monsieur le Député Georges MESMIN, « Atlantis », Prés ident Jacques d'ARES, « Les Ecrivains de Langue Fran- çaise », avec Monsieur CORNEVIN, « Les Poètes Français », Présidence d 'honneur Madame Marthe-Claire FLEURY, et tous les au t res ; t an t il y a de poètes à PARIS et dans le monde, sans oublier les cénacles de CANNES, NICE et MENTON !

Sa prose est animée pa r ce message d ' a r t qui l 'entoure et la berce de fluidités dorées. L ' intérêt de chacun des jours est sensible et captive, selon le ry thme de son cœur. Elle écri t son « Journa l » dans le m ê m e temps que ses poèmes. « AU GRE DES JOURS » se complète ainsi de son livre « P R E S E N C E ». Page après page, la poésie s ' inscrit vivante sur un style l i t téraire enjoué.

Ses « 17 du mois » relatés avec sagacité lui p rocuren t les anecdotes les plus diverses, et les plus a t t rayantes qui soient !

Le perpé tue l encha înement des manifes ta t ions d 'a r t est un enr ichissement .

Anne AUGER du BREUIL, en tourée d 'une élite d 'art is tes, poètes, musiciens, cinéastes, peintres, conférenciers, diseurs, a su grouper au tou r d 'un thème tou t un échelonnement précieux de sympathies .

Sociétaire des Gens de Let t res de FRANCE, elle a ime écrire, assis ter aux réunions de l 'hôtel de MASSA, tou jours érudi tes et suivies.

Membre du « WHO'S WHO OF WOMEN », elle a gardé de ses voyages d ' a r t e t d ' agrément une jeunesse d 'âme lumineuse, qui séduit.

Médaille d'Or, Arts-Sciences-Lettres, Grand Officier de l 'Encouragement public, elle travaille avec une continuité, dans l'essor d'une infinie clarté.

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