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    CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE L'OPHTALMOLOGIETRADITIONNELLE EN SYRIE DU NORD

    PAR

    S. ANTAKI ETF. SANAGUSTIN

    Introduction

    oRS de plusieurs s6jours que j'effectuai a Alep, durant les ann6esL 1985-88, j'eus l'occasion de me pencher sur la realite de lamedecine traditionnelle dans cette ville et ses environs.Je pus ainsicomprendre les liens 6troits qui unissent lamedecine arabe medie-vale et les pratiques m6dicales actuelles, liens assurant une conti-nuit6 ind6niable. Parmi les recettesqu'il me fut donne d'6tudier,il en est qui concernaient l'ophtalmologie, mais jene pus alors melancer dans des investigations plus approfondies sur ce champ de

    recherchesl. Or, grace a l'obligeance de mon ami le Dr. S.Antaki,ophtalmologiste a Alep et lui-meme passionn6 d'histoire de lamedecine, je pus avoir acces a desinformations de premier ordresur les pratiques ophtalmologiques actuelles dans laregion. De sur-croit, le Dr. Antaki me soumit une vingtaine de clich6s, pris dansson cabinet, sur des patients trait6s selon les m6thodes traditionnel-les. Ces documents me parurent suffisamment importants pour quenous decidions d'ecrire cepresent article sur 1'ophtalmologie arabe.

    1 - Perspectives historiques

    La permanence de cette tradition ophtalmologique est d'autantplus int6ressante que l'ophtalmologie fut longtemps le fer de lancede la medecine arabe. Des avant l'avenement dela medecine arabe,l'oculistique avait pr6occup6 les medecins mesopotamiens, en rai-son peut-etre de la frequence des maladies de l'oeil dans cetteregion du monde depuis la Haute Antiquite. Ainsi, dans un opus-

    cule consacre a la chirurgie babylonienne, Rene Labat releve-t-il laconnaissance qu'avaient les Akkadiens de la cataracte et de certai-

    1 Cf.F. Sanagustin,Note sur un recueilancien derecettesmédicinales, BEO,t. XXXVI, Damas, 1984.

    Arabica,Tome XXXVI,1989

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    nes affections hypertrophiantes de l'oeil. 11rapporte ainsi un para-

    graphedu code d'Hammurabi

    qui pretaa

    polemiqueen raison

    dela multiplicite des interpretations possibles:«Si un medecin, traitant un homme librepour une grave affec-

    tion au moyen du bistouri, r6ussit a le gu6rir; ou bien si, luiouvrant la «taie» au moyen du bistouri, il lui guerit son oeil, cemedecin recevra dix sicles d' argent»2.

    Quoi qu'il en soit de 1' interpretation du mot «taie»(cataracte ouautre affection), il n'en reste pas moins que 1'oculistique n'etait pasabsente du savoir des medecins babyloniens. Par ailleurs, on saitque certaines affections comme le trachome sont connues depuis laplus Haute Antiquite puisqu'on la rencontre chez les Sum6riens.De meme, les archeologues ont trouv6, aupres de certaines momiesegyptiennes des mesures de sulfate de cuivrepour 1'au-dela dont onsait qu'il etait un medicament utilise contre le trachome3.

    Les medecins de1'Occident grec et latin ne furent pas en reste,a 1' instar de Celse(ler siecle ap. J . C . )qui, dans sa c6l?bre encyclo-p6die medicale intitul6e DeMedicina, consacre entre autres choses,

    un chapitre a 1'entroplon et au trichiasis ainsiqu'a leur traitementchirurgical respectif. Mais comme lesignalait fort a propos M.Meyerhof: «Il n'evoque pas la relation du trachome au trichiasisqui semble avoir etedecouverte, pour la premiere fois, par lesArabes»4.

    Les medecins arabesmanifesterent, quant a eux, un grand int6-ret pour la medecine de l'oeil etce, des la premiere époque. Onpeut meme aller jusqu'a affirmer que Yuhanna b. Masawayh etsurtout son 61?ve

    Hunaynb.

    Ishaqfurent les

    pionniersde l'oculisti-

    que arabe des leIIIe/IXe siecle. Yuhanna b. Masawayh (777-857)est une des references majeures de la medecine arabe et 1'auteur dupremier precis d'ophtalmologie intitul6 Kltdb dagl al-Cayn5.

    2 R. Labat, A proposde la chirurgie babylonienne, in Journal Asiatique,1954,p. 209; G. Conteneau,La médecineenSyrieetenBabylonie,Paris, 1938,pp. 31-32.Un sicle = 8,4 grammesenviron.3 La papyrus Ebers (vers 1650Av. J.C.) mentionnedifférentes maladies de

    l'oeil etdonne de nombreuses recettes curatives.4 M. Meyerhof,The Historyof Trachoma Treatmentin Antiquityand duringthe Arabic MiddleAges, in BulletinoftheOphtalmologicalSocietyofEgypt,vol. 29,Le Caire, 1936,pp. 26-87;C. Vedrenes, Traité demédecinedeCelse,Paris 1876;J.Hirschberg, TheHistoryof Ophtalmology,3 vol., Bonn,1982-1985.5 Cf. C. Prüfer - M. Meyerhof, Die Augenheilkundedes J� hann� b. M.M� sawayh,DerIslam,vol. 4, Strasbourg, 1915,pp. 208-268.

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    Cet ouvrage repose, semble-t-il, sur des traductions syriaques

    d'Hippocrate et de Galien effectu6es par des medecins syriens desle VIe siecle. Hunayn b. Ishaq, bien connu comme traducteur infa-tigable, n'en fut pas moins un medecin doue dequalites humainesrares et, a ce titre, on lui doit plusieurs ouvrages personnels dontdeux concernent directement l'oculistique: Les Dix discourssur l'oeilet les Questionssur l'oeil6. Le livredes Dix discours surl'oeil se pr6sentesous la forme d'une compilation d'oeuvres m6dicales grecques trai-tant d'oculistique. C'est ainsi qu'on ytrouve desextraits de Galien,de Paul d'Egine, d'Oribase, mais cela n'affecte en rien la valeurdel'ouvrage qui fut a l'origine de 1'essor remarquable de l'ophtalmo-logie arabe des premiers siecles et dont lepoint d'orgue fut laTadkirat al-Kahhalan de cAll b. cIsä et le Muntahabft cilm al-cayn, de'Ammdr b. ?Ali 1-Mawsili 6crits un siecle et demi plus tard. LeLivre desquestions sur l'oeil sepresente, quant à lui, sous la formed'une s6rie de questions en oculistique suivies de la reponse ad6-quate. Il s'agit donc d'un ouvrage didactique destine aux 6tudiantsqui, probablement, 1' apprenaient parcoeur, a l'instar des apho-

    rismes.Toutefois, et malgr6 leur interet, certaines desconceptions expo-

    s6es par Hunayn etaient erron6es. En d6pit de ce fait, elles n'endemeurerent pas moins vivantes jusqu'a l'aube du XVIIIe siecle.Ainsi, avec M. Meyerhof, peut-on affirmer «qu'une erreur fonda-mentale de Hunayn est de consid6rer le cristallin nonpas commeune lentille optique servant au passage des rayons lumineux, maiscomme l'organe central de la vision. Par consequent, la vraienature de la r6tine comme

    r6cepteurde la lumiere etait m6connue

    et l'id6e de la perception lumineuse par le cerveau etaitfaussee, caron croyait qu'un «esprit lumineux» etait forme dans le cerveau etconduit par un canal, inexistant en realite, dans l'oeil ouil devaitvivifier le cristallin etse m6langer, dans la pupille, avec la lumiereext6rieure provenant des objets de la vision. Une consequence pra-tique de cette hypothese erron6e etait la fausseconception de lacataracte. Les Arabes croyaient qu'elle etait un liquide form6 dansle crane, descendant du cerveau dans l'oeil et solidifie entrele cris-

    tallin et la pupille»'.6 M. Meyerhof,The Bookof theTen Treatiseson theEyeascribedto Huna� nb. Ish� q,

    Le Caire, 1928.1� unaynb. Is�� q,Livre desquestionssurl'oeil,éd. M. Meyerhof,Mémoiresde

    l'Inst. d'Egypte, t. 36, 1938,pp. 8-9.

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    dans la Tadkira de Dawud al-Antaki, une des references majeuresde la medecine arabe traditionnelle de nos

    jours,les articles akhdl

    et asyaf sont tr6s 6toff6s et s'inscrivent dans uneperspective éclecti-que, tant de multiples apports y transparaissent" .

    Il va de soique la tradition grecque yest manifeste par les nomsd'Hippocrate (al-Ustiid),de Galien et de simples à l' appellation nonarabis6e mais la tradition indienne est loin d'etren6gli-geable et des noms commekuhl hindf, ihlflag hindi-11,tamar hindf, gawzhindi sont significatifs a cet egard.

    On assiste donc, durant tout leMoyen-Age, a une tentative de

    conceptualisation de l'ophtalmologie arabe. Elle fut rendue possi-ble, d'une part, par la presence de textes m6dicaux traduits dugrec, du syriaque, du sanskrit; d'autre part, par 1'elaboration d'uneterminologie scientifique extremement riche capable de rendrecompte des subtilites d'une discipline «nouvelle», et enfin, parl'interdependance entre les diff6rentes sciences dans leprocessusdynamique queleur imprimerent les grands savants et les m6c?nes6clair6s des IXe et Xe si6cles". Enoutre, 1'oculistique pr6sentait

    l'int6r?t dereposer, pour une grande part, sur l'observation raison-n6e et, par voie de consequence, d'etre un domaine privil6gl6d'etude «experimentale»14. A cet 6gard le t6moignage de 1'oculisteandalou Muhammad b. Qassum al-Gafiqi est significatif del'importance de l'observation en matiered'oculistique:

    «J'ai opere une fois une femme a Andugar, dans la region deCordoue. J'avais abaiss6 la cataracte jusqu'a ce qu'elle disparutsous la scl6rotique. Mais quand je soulevai l'aiguille, la cataracteremonta en

    partie,et il me fut

    impossiblede la faire rentrer

    jusqu'au moment ou (le limbe int6rieur de) la cornee se mit a sai-gner. C'est alors que la cataracte s'entoura desang et descenditaussitot»15.

    11D. al-Ant� k� ,Tadkirat'� l� l-alb� b,Beyrouth, sd., t. 1, pp. 47-49,267-270.12De nos jours, c'est le� ind� š'� r� des herboristes.Cf. H. Ducros, Essaisur leDroguier populairedu Caire, Mémoiresde l'Institutd'Egypte,t. XV, p. 9.13

    Dans sapréface,à la secondeédition de l'Humanismearabeau IVe/Xesiècle,M.Arkoun insiste surl'importancede l'interaction entre formation d'unvocabulairephilosophiqueet pensée.Paris, 1982,p. III.14Les malades atteintsd'ophtalmiesétaient considéréscommedescasparticu-lierspuisqu'on leur avaitaffecté,à l'hôpitalal-Mans� r� du Caire, une salle àpart.Cf. Al-Maqr� z� ,Al-hitatal-maqriziyya,Le Caire, 1271/1853,t. 2, p. 408.

    15 Cf.M. Meyerhof,Kit� bal-muršid f � l-ku� l,op. cit., p. 155.

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    De telles remarques sous la plume d'un auteur du XIIe siecle nelaissent pas de nous etonner, car elles sont 1'expression des premiersbalbutiements d'une m6thode experimentale. Elles fonctionnentcependant dans le cadre de limites fix6es par Aristote 1500 ansauparavant et ne peuvent pas, par consequent, remettre en causeles bases du savoir medicalmedieval. On songe ici a Robert Gros-seteste qui jeta les premiers fondements d'une m6thode induc-tive/d6ductive dans uncontexte cognitif peu prepare a ce type detheories, mais qui n'en etait pas moins travaille par les conceptsrationnels v6hicul6s par certains textes arabes traduits auXIe,notamment par Constantin I'Africain (t 1087)16.

    Toutefois, et cela incite a laprudence en matiere d'6tude de lamedecine m6di6vale, on remarque que les medecins prescrivaientsouvent des traitements adequats malgr6 une connaissance anato-mique et physiologique defaillante. C'est le cas de 1'abaissement dela cataracte qui etait g6n6ralement couronn6 de succes end6pitd'une appreciation erron6e du role du cristallin et de lanature decette affection. Maitre-Jan, chirurgien oculiste fameux de notreXVIIIe siecle et homme dont le

    gout prononc6 pour 1'experienceapparait a chaque page de son Tratti des maladies de l'oeilet desremèdesreconnait, dans sa postface, combien il est difficile de juger lesAnciens".

    Durant les siecles qui separent le Moyen-Age de l'epoqueactuelle, la medecine arabe6voluera selonles lignes que nous avonssignal6es ailleurs etqu' il serait trop long d' evoquer icil8. Quoiqu ' ilen soit, l'etat de l'ophtalmologie, actuellement enSyrie, presentela particularite de voir coexister deux types de praticiens: les ophtal-mologistes diplomes, quisont largement majoritaires, et un nom-bre ind6termin6 d'empiristes, notamment dans lescampagnes. Enfait, cette situation est la memeque celle qui prevalait dans les sie-cles passes a la difference pres que les chirurgiens-oculistes diplo-m6s etaient alors enminorite. Et onpeut imaginer queles ancetresde nos empiristes actuels correspondaient certainement a la descrip-

    16Lepassagedu composé particulierau simpleuniversel futdésignépar les ter-mesresolutio-compositio.Sur cesquestionsvoirA. C. Crombie,RobertGrossetesteandtheOrigins ofExperimentalScience(1100-1700),Oxford, 1953.17Antoine Maître-Jan, Traité des maladiesdel'oeil etdesremèdes,Paris, 1740,p.452 sqq.18Cf. F. Sanagustin, Pharmacopéeet Médecinepopulaire en Syrie du Nord:une traditionvivante, in Langueset culturespopulairesdans l'airearabo-musulmane,Actes des journéesd'études arabes del'Afda, Paris, 1988,pp. 11-16.

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    tion qu'en donnait E. Wickersheimer: «des barbiers ambulantsquitraitaient aussi bien les hernies, op6raient les cataractes, prati-quaient la taille de la vessie, incisaient abces et fistules ou chatraienthommes et animaux»19.

    Cela ne veut point dire que ces empiristes quenous avons etudiessoient d6nu6s de savoir- comme lepensent et Font toujours penseles tenants de la science, du savoir institutionnel, de la culturesavante - mais ils fonctionnent selon un registre different qui faitreference, comme le remarque tres justement J. D. Bernal, a lap6riode «pre-scientifique» - faute de meilleure appellation et sans

    valeur pejorative -: «Avant que la science soit uneinstitution, elleetait un savoir transmis dep?re en fils»2°.

    Elle se caract6risait doncpar sa nature cumulative et le faitqu'elle etait un champ privil6gi6 d'exp6riences dans la mesure oules empiristes n'avaient pas, a 1'6gard de la pratique, la memedefiance que les clercs. Onpourra toujours dire que leurs interven-tions furent parfois criminelles etque les charlatans furent parmieux legion ; mais plus libres vis-A-vis d'un savoirtheorique scholas-

    tique qu'ils ignoraient,ils

    «osaient»,notamment en

    ophtalmologie,des cures assurement originales au grand dam des licenci6s. En finde compte, c'est moins le faitque ces praticiens mettaient souventla vie du patient en danger, ou qu'ils le laissaient estropie, qui scan-dalisait les docteurs licenci6s que le fait qu'ils pratiquaient aum6pris des regles fix6es par la medecine institutionnelle.

    Les savoirs en termes de medecine sont doncparticulierementcloisonn6s, ce qui ne signifie pas que les cloisons soient absolument6tanches. Lesophtalmologistes traditionnels actuels integrent sou-vent a leur savoir des elements tires de la medecine officielle: ainsila tetracaine est-elle constamment utilis6e dans les cas d'inflam-mation.

    Une particularite interessante del'ophtalmologie traditionnelleen Syrie du Nord, est la relative specialisation des praticiens. Iln'est pas rare de rencontrer des matrones expertes dans l'artd'extraire les corps etrangers de l'oeil, d'autres dans la preparationde collyres, voire dans la preparation d'un seul type de collyre.

    19E. Wickersheimer,La médecineet les médecinsenFranceà l'époquede la Renais-sance, Paris,1905,p. 142.20J. D. Bernal, Sciencein History,vol. 1, TheEmergenceofScience,Cambridge,1979,p. 31.

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    D' ailleurs, la proportion de femmes sp6cialis6es en ophtalmologien'est pas n6gligeable; on peut meme aller jusqu'A dire qu'elles ontle quasi monopole de ce domaine2l.

    Cette specialisation caract6risait aussiles praticiens de Fepoquem6di6vale comme en font foi lestrait6s de hisba qui sont, par ail-leurs, tres utiles al'appreciation de 1'6tat d'une profession a uneépoque donn6e. As-Sayzari, par exemple, divise, dans son traite,la profession m6dicale enquatre sp6cialit6s: le tabfb ou sim-plement tabib, qui est Ie medecin habilité a établir undiagnostic eta prescrire un traitement, une medication sans intervention chirur-

    gicale (i.e. «sans verser lesang»), c'est en quelque sorte le g6n6ra-liste ; le le chirurgien; le mugabbir, 1'orthopediste et le kahhal,1'oculiste22. Toutefois, le terme ,tabib s'appliquait a tout individuexer?ant une profession m6dicale; de plus, nombreux etaient lespraticiens intervenant dans plusieurs «specialites». Cette r6partitiondes differents domaines de la pratique m6dicale estencore, de nos

    jours, une realite enmatiere de medecine traditionnelle enSyrie,ce qui vient confirmer, s'il en etait besoin, le caractere essentiel,

    vital, des liens qui unissent la medecine arabe m6di6vale a la mede-cine traditionnelle.C'est ainsi qu'actuellement on trouve, a cote du medecin tradi-

    tionnel ou deI'herboriste-m6decin, des orthop6disteS23 , des oculis-tes et des chirurgiens ou barbiers qui ne pratiquent plus cependantque la petite chirurgie (scarification, cauterisation, sangsues, abcesde fixation).

    2-

    Les pratiques ophtalmologiquestraditionnellesNous 1'avons dit, les empiristes intervenant en ophtalmologie

    sont nombreux en raison meme de leurspecialisation, mais leursinterventions ne couvrent pas 1'ensemble des caspathologiquesconcernant l'oeil et ses annexes. Nous nouspencherons donc sur

    21Il faut noterqu'habituellementle domaineprivilégiédes femmes est l'obsté-trique.

    22Aš-Šayzar� ,Nih� yatal-rutbafi talab al-� isba,Le Caire, 1946,p. 99; Ibn al-Uhuwwa,Ma'� limal-qirba f � a� k� mal-� isba,Le Caire, 1976,p. 253;Doris-BehrensAbouseif,Fat� Allahand Ab� Zakariyya,PhysiciansundertheMamluks,LeCaire, 1987,p. 2.23L'un despluscélèbres sur laplace d'Alepest décédérécemment;sa notoriétés'étendait à toute larégion.

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    nes de fenouil reduites en poudre instiller trois foispar jourun collyre a base d'oxyde de zinc, d'alun, de chichim, d'os de sei-che, de sucre candi, d'algues de mer, de tartrate de potasse25.

    Dans les zones rurales, et notamment dans laDjezireh, 1'ex6r?sedes corps etrangers est le domaine privil6gi6 des Gassasat, terme quivient du mot Qassa signifiant brin de paille. 11 s'agit, par cons6-quent, d'un nom demetier traduisible par: celle qui enleve de l'oeilles fetus depaille. Ce sont des personnages hauts en couleur qui sui-vent generalement le deplacement des journaliers engages pourlesmoissons; c'est ce que l'on appelle al-mawsim26. Leur pratique se

    double d'une th6Atralit6 qui contribue fortement a leurreputationet n'est pas sans nous rappeler les modes d'intervention des empi-ristes ambulants de notre Moyen-Age, periodeutes et op6rateurs detout poil qui, malgr6 leurs techniques peu orthodoxes, ont fait fairea la medecine operatoire - il faut le reconnaitre - de larges pro-gres. Dans son magnifique Traite deshernies, Pierre Franco, le grandtailleur de hernies proven?al du XVIe siecle, qui s'int6ressa aussia 1'oculistique, fait allusion a des(?a?Ydsdtprovençales27.

    Les seances d'exerese ont habituellement lieu en fin de journeeapres que les patients aient achev6 leur dur labeur. Tout d'abordla Gassasa fait asseoir tout le monde etdistribue à chacun un boutde papier journal. Elle se rince ensuite la boucheet, telle un bate-leur de foire conditionnant sonpublic, ouvre grand la bouche pourle persuader de l'absence detruquage. Puis, passant d'un maladea 1'autre, elle 6verse la paupiere et, de sa langue, leche avec unedexterite surprenante la surface de l'oeil. Elle cracheenfin, sur lacoupure pr6vue a cet effet, du materiel noiratre cense etre le r6sul-tat de l'intervention, ce qui a la propriete d'impressionner vive-ment le patient et affirmer lesqualites du th6rapeute. En dernierlieu, elle lavera, avec une seringue ou une poire remplie d'eau, lecul-de-sac conjonctival sans y instiller aucun collyre. Leur interven-

    25Cf R. P. Matt� Tarr� b, Q�m� sal-tibbal-bayt� ,Beyrouth, 1967, p. 65; F.Sanagustin,Tendances actuellesde la médecine arabe traditionnelle àAlep, inJournal

    oftheInstitute

    ofArabicScience,

    Alep,1988,

    pp.59-91.

    26Le mot mawsimdésigne l'époquedes récoltesprincipalesdela Djézireh,c'est-à-dire celledes céréales et du cotonqui sont égalementl'occasion de festivités. Endehorsde cespériodesd'activité intense, les Gašš� s� tofficient dansleurs villagesrespectifs.Voir aussi letémoignagede Abd al-Sal�mal-'U� ayl� sur S� rah,une� ašš� s� célèbre de laDjezireh, in 'Iy� da f � l-r� f,Beyrouth, 1977,pp. 73-74.27P. Franco, La chirurgie,éd. Nicaise,Paris, 1895,p. 53.

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    tion est donc a prendre comme un premier soin apport6 aumalade28.

    Cette technique, qui repose sur l'utilisation d'un instrumentnaturel - la langue - n'est pas attestee, a notre connaissance,dans les trait6s anciensd'oculistique arabe qui preconisaient plutotle recours a des lavements, a la sonde, voire a des pinces. C'est lesens de la th6rapie propos6e parMuhammad b. Qassum al-Gafiqidans son Mur?idjz- l-kuhl: «Sur le traitement descorps étrangerstombes dans 1' oeil:pour sortir les particules de fum6e, de poussiereet autres qui sont tomb6es dans l'oeil, on y instille du lait de femme

    ou de 1'eau douce, car elle nettoie et sorttout ce qui y est tomb6.S'il s'agit d'un brin depaille ou d'un grain de sable qui n'est pasvisible, renverse lapaupiere sup6rieure et tu verras lecorps étran-ger attach6 a la muqueuse. Enleve-le alors avec le bout de la sondeou enveloppe ton doigt d'un morceau de toile delin et essuie la sur-face interne de lapaupi6re; il sortira alors tout de suite.

    Et si quelque corps est incrust6 dans lapaupiere ou a la surfacedu globe a cause desa rudesse, comme une areted'epi ou quelque

    chose de pareil, il te faut 1' enlever avec la pince et instiller dansl'oeil du lait de femme... Unautre moyen: prendre de la r6sine, lachauffer sur lefeu, en former une meche et la promener a la surfacede 1'oeil pour faire sortir cequi est tombe dedans. C'est Rhazes quia mentionn6 ceci dans son livre intitul6

    Quant a Ibn Sina, il se contente dans son Qiiniin de signaler quela fum6e et lapoussiere sont nocives pour

    2.2. Le ptérygionEst appel6 en arabe al-zafra en raison de sa ressemblance avec

    l'ongle humain31 . Ce terme designe un epaississement de la con- jonctive qui forme un triangle ayant sa base a l'angle interne del'oeil (caroncule) et son sommet au niveau de la cornee qu'il tenda envahir. Galien, Aetius et Paul d'Egine, pour ne citer qu'eux,

    28Les tenants de la médecineofficielle,qui sont en mêmetempsles détracteursde la médecine

    populaire, dénigrentla

    pratiquedes� ašš� s� t

    qui,à leursyeux, est

    essentiellementun vecteurd'épidémiesde conjonctivitesrebelles.29Muhammad al-G� fiq� ,Kit� bal-muršidf � l-ku� l,op. cit., p. 93. Daw� dal-Ant� kivante les mérites du lait de femmequi a des propriétésémollientes.Cf.Tadkirat,op. cit., t. 1, p. 278.30Kit� b al-Q� n� n f � l-tibb,op.cit., t. 2, p. 112.31Ptérygionvient dugrecpterugionqui signifie petiteaile.

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    avaient d6jA classe cette maladie parmi celles de la conjonctive.C'est

    egalement1' avis d' Ibn Sma

    qui indiquebien la tendance de

    cette membrane a recouvrir lacornee. D'un point de vue th6rapeu-thique, il considere que le traitement leplus radical est la dissectiondu pt6rygion bil-badïd) et que le traitement m6dicamenteuxs' avere peu efficace32.

    Chez les medecins traditionnels, on retrouve actuellement cesdeux tendances oucoexistent medication etchirurgie. Quant a lamedication, elle consiste surtout aappliquer des caustiques sur lat8te du pt6rygion dans sa phase d'evolution. L'operation chirurgi-cale s'effectue comme suit:l'op6rateur dissèque la t8te du pt6rygiongrace a un fil de soie soigneusement fix6 et obtient sa resection a1'aide d'une lame de rasoir. 11 nelui reste plus ensuite qu'a saupou-drer sur la plaie une pincee de sel et a y d6poser une goutte debeurre. Cela correspond en tous points a la pratique des Anciensen la matiere.

    Voici la description qu'en donne Ibn Sina: «Lameilleure th6ra-peutique a appliquer au pt6rygion est la resection, notamment pour

    la forme «tendre». La forme «dure»exige de l'op6rateur une grandemaltrise sans laquelle il y aura des sequelles. Il faut soulever lepterygion a 1'aide decrochets; s'il n'y a pas d'adherence, cela faci-lite la resection. Dans le cascontraire, il faudra le detacher avec uncrin ou un fil de soie; on introduit alors sous lepterygion uneaiguille ou une fine plume en deux ou trois endroits. S'ily a uneforte adherence, il faut detacher lepterygion avec une lancette peuaigiie et en retrancher le maximum enprenant garde a ne pas 16serla caroncule parce que cela causerait un larmoiement

    perpetuel(epiphora) ... Une fois la resection terminee, on instillera dans 1'oeilun collyre a base de cumin et desel; on previendra l 'irritation avecdu jaune d'oeuf, de 1'huile de rose et de violette»33.

    Dans la pratique actuelle, deux elements au moins sont h6rit6sde sa medecine ancienne: 1'emploi de sels et de composes causti-ques, et l'utilisation du fil de soiedeja mentionn6 chez lesauteursmedievaux.

    32Al-Qan� n f � l-tibb,op.cit., t. 2, pp. 127-128. Certains médecins arabes attri-buaient leptérygion àune hypertrophiede la caronculelacrymale;c'est le cas del'ophtalmologiste al-G� fiq� .33Ibn S� n� ,Qan� n,op. cit., t. 2, p. 127; M. al-G� fiq� ,K. al-Muršid f � l-ku� l,op. cit., pp. 95-96.

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    2.3. Le chalazion etl'orgelet

    Dans la tradition populaire, ces deux affections courantesportentle meme nom: al-katiikta, nom dont l'origine nous est inconnue34:.Le chalazion est une petite tumeur non inflammatoire situ6edans1'epaisseur de la paupiere; le terme vient dugrec chalaza, grelon,d'ou 1'equivalent arabe des premiers traducteurs: barada.L'orgeletou compere-loriot, en arabe: ?a'i-ra(grain d'orge) est un petit bou-ton enflamm6 situ6 sur le bord meme dela paupiere. Ibn Sina avait

    remarque cette difference entre les deux affections puisqu'il

    decrit le chalazion comme «une accumulation d'humeursepaissesqui se solidifient a l'int6rieur de lapaupiere», alors que 1'orgelet est«une inflammation (az) de forme oblongue qui se manifeste surle bord palpebral»35.

    D'apres les textes anciens, le recours a 1'incision n'etaitpas lademarche naturelle, encore que le Qanun la mentionne; on lui pr6f6-rait l'utilisation desmaturatifs etdes r6solutifs. L'une des recettesetait la suivante: encens etmyrrhe 1 drachme dechaque, laudanum1/4 dr., cire 1/4 dr., alun 1/4 dr., nitre d' armenie 1/4 dr. P6triravec de l'huile delys et enduire36.

    Les medecins traditionnels soignent aujourd'hui les chalazionsen appliquant dessus une grosse feve chaude, cuite prealablement,que 1'on maintient une dizaine de minutestrois fois par jour. Puison applique une preparation composee de farine, de laurier et desucre candi37.

    2.4. Le trichiasis

    C'est une deviation des cils qui se dirigent vers le globe oculaireet l'irritent. Cette deviation, qui peut etre partielle ou generale, estsouvent consecutive autrachome. Cette affection, encore fr6quentedans les campagnes porte, dans la tradition populaire, le nom de:

    Deux pratiques permettent de soulager les maux des maladesaffectes par le trichiasis: en premier lieu, 1'empiriste epile, a la

    34Hayr

    ad-D� nal-Asad

    ,dans sa Maws� 'at

    Halab,quise veut une

    encyclopédiedu parler alépin,mentionne le terme kat� ktaavec ses variantes kut� ktaet katk� ta,mais il reconnaît enignorer l'origine. Cf.t. 6, p. 322.35Ibn S� n� ,Q� n� n,op. cit., pp. 133-134.36Recette donnéepar Ibn Qass�mal-G� fiq� ,op.cit., p. 30.37Le raisiné en instillation est aussi recommandé.Cf.F. Sanagustin,Tendan-ces actuelles de la médecine traditionnelle àAlep, op.cit., p. 84.

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    pince, les cils au bord despaupieres afin de supprimer la cause del'ulc6ration et de l ' irritation . Puis il

    prescrirades

    compresses ?base

    de the et de camomille qui sont commun6ment utilises dans les casd'oedemes et d'infections palpebraux et de conjonctivites38. Cettetechnique de 1'epilation est cit6e par Ibn Sma dans sonQdniin. 11preconise cinqformes de traitement pour les cils excedants39al-za-'id) et le trichiasis: lecollage, la cautérisation, la suture, les6clisses, 1'epilation4°. L'epilation etait suivie de 1'application d'undepilatoire souvent a base de soude etd'ammoniaque.

    La seconde pratique encore en vigueur, quoique rarement, dansle Gabal al-Akrad futd6crite par Paul d'Egine. Elle consiste a 6cra-ser le bord des paupieres entre deux morceaux de roseaux que l'onfixe solidement aux deux extr6mit6s par un fil. La peau enserr6e dela sorte n'6tant plus irriguee, elle se mortifie au bout d'une dizainede jours. Cette technique correspond, point par point,a la descrip-tion qu'en donnait Ibn Qassum al-Gafiqi au VIe/XIIe si6cle: «Par-fois, on emploie l'op6ration du foulage: il te faut alors prendre lapaupiere avec deux doigts ou avec deux crochets, la placer entre

    deux morceaux de roseau formes comme des eclisses selon lafigureci-apres et de la longueur de la paupiere et, a 1'aide de fils desoie,serrer energiquement les deux bouts. Ainsi, la peau prise entre lesdeux roseaux se trouve privee de nourriture et meurt au bout de dix

    jours, un peu plus ou un peu moins. Quand la peau mortifi6e seratomb6e, tu ne verras point de trace de cicatrice»41.

    La technique du collage des cils frotteurs ensemble avec du gou-dron et du mastic, de fa?on a les d6vier vers la peau de la paupieresup6rieure, est encore r6pandue. Elle correspond a la mentionqu'en fait Ibn Sina.

    2.5. La cautirisation (al-kayy)

    Cette technique reste encore a la mode dans lasteppe de Syrie,a 1'est d'Alep. Elle vise a traiter des maux aussi divers que les

    38Les infusionsà base de camomille sont citéespar l'édition de1922 duLarousse Médical comme

    bénéfiques pourune bonne

    hygiènede

    l'oeil, Paris,1922,pp. 789-802.39Les cils excédents sont des cils «contraires à la croissance naturelle»qui pous-sent sous les cils naturels. EnEurope, l'épilationétait encorepratiquéedans lescas légers, au début dece siècle.Ibid., p. 799.40Q� n� n,op. cit., t. 2, pp. 136-137.41Ibn Qass�mal-G� fiq� ,Kit� bal-muršid,op.cit., pp. 41-42.

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    Planche 1. Scarification a la lame de rasoirpour douleurp6riorbitairedroite. Vil-

    lagesaux alentoursd'Alep.

    Planche2. Lesions cutan6esdatant de 5 jours, au niveau du canthusexterne etcaus6espar des sangsues.Traitement utilise dans un cas de baisse de I'acuit6visuelle ? 1'oeil droit.Alep.

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    Planche 3.Cils frotteurs colles ensembleavec du goudron pour les empecherd'irriter la cornee. Idlib.

    Planche 4. Cauterisationau ferchaud pour une c6phal6e.Djezireh.

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    Planche 5.Cauterisation avec une meche dans un casde kerato-conjonctivite

    virale (E.K.C.) Villagesau nord d'Alep.

    Planche 6. Cauterisationavecune meche dans un cas der6tinopathies6reusecen-trale a l'oeil droit.Raqqa.

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    Planche 7. Cristallin cataracte luxe dans lecorpsvitre apr6sla techniqued'abais-

    sement utilis6e encore dans le traitement dela cataracte.Region de Lattaqui6.

    Planche8. Extractionde corps etrangersavec lalangue. Raqqa.

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    Planche 9. Utilisation du khol chez un bebe dequatre mois. Alep.

    c6phal6es, les acces de toux, les rhumatismes, les congestions detous ordres. Lesempiristes recourent egalement a la cauterisationdans le domaine ophtalmologique pour soignerdes affections tellesque les opacites corn6ennes, les douleurs oculaires ou lesconjoncti-vites, les k6ratites et les iritis.

    Les applications de cauteres, chauffes au feu, ou de moxas(meches coniques que1'on enflamme) se font, selon le type de mala-die, soit sur lespaupieres, inf6rieure ousuperieure, soit sur le can-thus externe ou soit encore sur le frontou bien les tempes, commecela apparait sur les clich6s pr6sent6s en annexe de cette etude. Lacauterisation estune medication ancienne, universellement connueet pratiquee42.

    Elle consiste a bruler superficiellement les tissus pour produireune revulsion ou, plus g6n6ralement, pour obtenir une actionhemostatique. Dans le cas present, 1'action se veut r6vulsive; il

    42Le traitement actuel du trichiasis localisérepose sur la même théorie:détruire la racine ducil, soit par électrolyse,soit par le froid(cryothérapie),soitenfin,plus récemment,par le laser. Cf.Pour l'Afrique,P. Huard, Western medi-cine andafro-asian ethnicmedicine,inMedicineandculture,éd. FNLPoynter, Lon-dres, 1969,pp. 215-223.

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    cation fut ancienne etd6jA connue dans la tradition hippocratique.Dans certains cas, ou le recours a la cauterisation d6criteci-dessuss'av6rait perilleux, les medecins pr6f6ralent recourir aux composescaustiques. C'est ainsi qu'Ibn Sina donne la recetted'un caustiquea base d'ammoniaque d'asa foetida (Mltft) et de vitriols

    pour traiter l'hypertrophie de la luette 47

    3 - Les produits medicinaux

    La medecine traditionnelle que nous evoquons repose sur une

    pharmacop6e riche et diversifi6e ou l'observateur remarque aussi-tot les r6surgences de l'ophtalmologie ancienne. Plus precisement,il faudrait iciparler de deux courants traditionnels se trouvant con-fondus : la therapeutique domestique4 d'une part et la pharmaco-p6e orientale d'autre part. Nous donnerons ci-apres, pour chacunedes affections les plus courantes, les produits les plus commune-ment utilises par les empiristes.

    * Conjonctivite purulente: Il s'agit d'une maladie qui touche

    principalementles nouveaux-n6s et

    peut, lorsqu'ellen'est

    pastrai-

    tee, deboucher sur des troublesgraves de la vue, voire sur la cecite.Le bord des paupieres est rouge et secrete un liquide clair, citrin;la conjonctive devient violac6e et secrete alors unpus tres abon-dant. Chez lesnouveaux-n6s, un moyen prophylactique consiste àleur farder lesyeux de khol que l'on applique sur le bord despau-pl?res et le canthus interne. Le khol est de 1'antimoine natif appelekuhl hagar que l'on trouve en abondance chez les herboristes sous laforme de fragments a reflets m6talliques quisont ensuite r6duits enpoudre et melanges a du noir de fumee49. Nous presenterons larecette d'un khol noir en usage il y a quelques ann6es: sulfured'antimoine, cuivre calamine, poivre long, graines de cresson al6-nois, sarcocolle, noir de fum6e, sucre candi. Enoutre, il existe des

    47Ibid., t. 2, p. 207. Lepluriel Z��� ts'explique parl'existence de nombreuxvitriols: colcotar ouperoxydede fer (qulqut� r),vitriol vert(qalqad� s),couperoseverte (qalqand).Ce sont des vitriolsimpurs, des sulfates defer surtout employéscommecollyreoculaire.

    48Un aperçude cettemédecinedomestiqueest donnépar M. Tarr� b, Q� m� sal-tibbal-bayt� ,op.cit.49Cf. M. Ducros, Essai surle droguier populaire arabe del'inspectoratdespharmaciesdu Caire, op. cit., t. XV, pp. 112-113;F. Sanagustin,Contributionà l'étude de la matière médicale traditionnellechez les herboristesd'Alep, op.cit.,p. 93.

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    remedes traditionnels tels 1'eau ti?de salee etsurtout le lait materneldont la mention est

    fr6quentedans les tralt6s

    anciens,notamment

    a propos du traitement desophtalmies. Le lait de femme etait, avec1'eau de rose, 1'eau sal6e, le jaune et le blanc d'oeuf, un des ingr6-dients favoris desmedecins m6di6vaux pour la confection de rem6-des ophtalmologiques5o.* Conjonctive granuleuse ou trachome: c'est encore de nos joursune affection fr6quente au Proche-Orient. Elle est au nombre desaffections les plus anciennement connues puisqu'on la rencontrechez les Sum6riens. Cetteconjonctivite se caracterise par la pr6-sence de granulations typiques sur la conjonctive et principalementa la paupiere sup6rieure; elle peut causer des lesionsde la cornee.Le jus de citron frais5', 1'eau de rose et le sucre candi sont commu-n6ment utilises, en tant que simples, pourlutter contre cette mala-die ou, du moins, pour en att6nuer les effets.Une des preparationsrelevees dans le formulaire du CheikhBawadiqgi comprend lesingredients suivants: carbonate dezinc, sel ammoniac, carbonatede soude, sulfate de zinc, tartrate depotasse, sucre candi, oxyde de

    plomb52. Une autre preparation, emprunt6e au meme formulaire,est a base de nitrate d'argent et d'eau de rose53.* B16pharite: cette maladie touche lespaupieres dont le bord estrouge, gonfl6; la base des cilsest encroutee de productions cireusesqui forment des squames. Dans la bl6pharite ulc6reuse, les cils for-ment de petits bouquets dont la base est couverte de croutespustu-leuses. Le remede que prescrivent les oculistes traditionnels est sou-vent le miel pur, qui pourtant est peu mentionn6 dans les trait6sm6di6vauX14.

    50Voir à ce sujet les nombreuses occurrences du lait de femme dans le traitéd'al-G� fiq� ,op. cit., pp. 21, 22, 50, 54, 82,599.51L'emploide jus de citron est àrapprocherde celui duverjusmentionné chezles Anciens.Cf. K� h� nal-'Att� r,Minh�� al-dukk� n,pp. 78, 80. D. al-Ant� k� ,op.cit., p. 270.52F. Sanagustin,Note surun recueil ancien de recettesmédicinales,op. cit.,p. 173.53

    L'eau de rose encompressesest couramment utiliséepour lesconjonctivitesirritatives, la fatigue oculaire et lesallergies.Voir aussi K� h� nal-'Att� r, quisignale,dans sontraité, un šiy� fal-ward,op.cit., p. 83.54Les ophtalmologistesle signalenttoutefois commeexcipientdans le traite-ment de l'abcèslacrymal, du leucome ou de la kératite, mais jamais commeremède unique. En fait, le miel a, dans certainscollyres,une fonction de liantsimilaire à celle de lagomme arabique.

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    Al-Gafiqi donne, dans son tralt6 d'oculistique, une bonne des-

    criptionde la maladie et

    proposeun traitement

    reposantsur le

    blanc d'oeuf et 1'huile deroses, deux articles omnipresents dans lamedecine traditionnelle, comme nous l'avons signale. «La bl6pha-rite est d'une seule espece. Son symptome est que tu vois àla paupiere, dans la region du bord, un epaississement et une rou-geur avec un peu d'ulc6ration, surtout aproximite des angles... Sielle traine en longueur, et devient chronique, il en resulte la chutedes cils et le renversement des paupieres mentionnes plus haut.Quelquefois elle est aigue et ne dure qu'un, deux ou trois jours;quelquefois, elle est chronique. Le traitement de la forme aigue estfacile: il faut battre un blanc d'oeuf avec de 1'huile deroses, le met-tre sur du coton et panser 1'oeil avec cela»55.

    Un produit qui n'apparait pasdans le traitement desquelquesaffections mentionnees ci-dessusest 1'extralt de truffe dont les pro-pri6t6s m6dicinales sont encoreappr6ci6es. Cet extrait est, en effet,un remede souverain contre les taies de la corneequi se formentsouvent a la suite d'ophtalmies5s.

    Conclusion

    Bien entendu, ces pratiques traditionnelles ne sontpas sans indis-poser, souvent a juste titre, le corps medical. Car parmi les empiris-tes, il y a malheureusement trop de charlatans dont le savoir medi-cal est limite etqui, bien souvent, outrepassent leurs comp6tencesen tentant de soigner des maladies graves avec des moyens inad6-

    quats.Ceci est

    particulierementvrai de certaines

    applicationsde la

    cauterisation qui laissent, sur le visage, des stigmates ind6l6biles etdisgracieux. Le Docteur 'Abd al-Salam al-'Ugayll, homme de let-tres syrien exer?ant depuis de nombreuses annees lamedecine aRaqqa, dans une province rurale qu'il connait bien, s'en est emua plusieurs reprises. Mais il avoue egalement 8tre stup6fait de1'engouement que manifestent les B6douins pour ces m6thodes:c'est l'eternel fosse separant rationalisme et empirisme ou la partde la subjectivite est d6terminante. «Il est etonnant de constater-

    a une époque ou les moyens th6rapeutiques sont legion et ou semultiplient les medicaments lesplus efficaces - que les campa-

    55Cf al-G� fiq� ,op.cit., p. 50.56Voir à cesujet, Dawûd al-Ant� k� ,op. cit., pp. 274-276.

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