30
1 et COMMENT GÉRER LES OBSTACLES INTERIEURS À LA MÉDITATION par le Vénérable Antonio Satta UNE BRÈVE INTRODUCTION À LA PRATIQUE DE LA VUE SUPÉRIEURE (INSIGHT)

Antonio Satta - Institut Vajra Yogini · 2016. 5. 23. · La pratique vipassana traditionnelle de la vue supérieure est aussi connue comme « la voie ... La puification de l’espit

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    3

Embed Size (px)

Citation preview

  • 1

    et

    COMMENT GÉRER

    LES OBSTACLES INTERIEURS

    À LA MÉDITATION

    par

    le Vénérable

    Antonio Satta

    UNE BRÈVE INTRODUCTION À LA PRATIQUE DE

    LA VUE SUPÉRIEURE (INSIGHT)

  • 2

    La méditation a deux fonctions : entraîner et dompter.

    Entraîner ici veut dire cultiver la compassion et l’amour bienveillant jusqu’à la

    transformation complète de l’esprit en une aspiration altruiste. Cependant, avant d’être

    capable de générer cette attitude mentale, il nous est d’abord nécessaire de dompter notre

    esprit qui est comme un animal sauvage difficile à régenter. Ainsi, à l’image d’un animal

    sauvage pour qui la première étape consiste à être dompté, l’esprit aussi a d’abord besoin

    que l’on passe un certain temps à le réfréner et à le discipliner.

    Nous devrions remarquer que le lieu d’entraînement d’un animal sauvage est souvent petit

    et étroit, avec un espace très limité pour se mouvoir, ce qui rend l’animal impatient et agité.

    La discipline aussi est « petite » et « étroite » avec très peu d’espace pour se mouvoir, ce qui

    a pour effet de rendre le méditant impatient et agité, au point de maudire (les premiers

    jours au moins) la personne qui lui a donné une idée aussi stupide : « Et en plus, je dois

    payer pour cela ! »

    La chose intéressante à souligner, c’est que là encore, le méditant réagit comme l’animal

    sauvage qui panique au début mais qui finit par se sentir protégé par la clôture qui l’entoure

    et ne pas éprouver l’envie de s’échapper ; s’habituant à la discipline et au quotidien de la

    retraite, il commence à en apprécier l’atmosphère dans son étroitesse et sa simplicité,

    n’ayant pas envie de partir quand c’est le moment de s’en aller !

    Ce qui dompte l’esprit n’est pas une méthode ou une technique particulière que nous

    suivons et pratiquons assidûment, mais un style de vie approprié : une conduite

    « décontractée », comme disait le Bouddha, qu’au début (en dépit de tout l’attrait qu’elle

    peut susciter) nous trouvons difficile et éprouvante ; mais avec le temps, nous réalisons à

    quel point elle est bonne et bénéfique.

    Dans un premier temps, c’est en domptant le corps et la parole que l’on dompte l’esprit,

    même si tout vient de l’esprit ; d’une certaine façon, nous commençons par contrôler la

    parole et le corps. Cela conduira au contrôle de l’esprit.

    Deux aspects sont à considérer quand on parle de discipline : s’abstenir et réfréner.

    S’abstenir ici signifie arrêter les dix actions non vertueuses : tuer, voler, s’adonner à

    l’inconduite sexuelle, etc. Réfréner signifie garder les portes des sens.

    Si nous nous demandons pourquoi nous sommes constamment en train de courir après les

    objets des sens, dès l’instant où nous nous réveillons jusqu’à notre coucher, ce que nous

    cherchons et ce que nous voulons vraiment, la réponse, c’est le plaisir, et non pas l’objet lui-

    même. Comme nous sommes assoiffés de plaisir, nous recherchons l’expérience du toucher,

    du son, du goût, de l’odeur, des objets de la vue et des pensées. C’est pourquoi ici, il n’y a

  • 3

    pas que les sens que nous restreignons (par le fait d’en garder les portes) mais aussi la

    « soif » pour le plaisir. En principe nous recherchons le plaisir, nous nous y agrippons et

    haïssons la douleur. Nous pensons pouvoir gérer le plaisir mais pas la douleur. Donc en

    méditation (et c’est particulièrement vrai en retraite) nous faisons tout pour essayer d’éviter

    la douleur. Nous craignons tellement la douleur qu’elle en devient tout simplement l’objet le

    plus important de la retraite. Pour beaucoup, l’essentiel de la retraite se réduit à trouver le

    coussin ou le banc de méditation qui convienne, ou toute technique qui puisse soulager la

    douleur. Certains (méditants), en quelques jours, se retrouvent complètement entourés et

    soutenus par des coussins : un sous le genou droit, un sous le gauche, un pour protéger le

    dos, et ainsi de suite. En deux jours, ils ressemblent à des soldats de la première guerre

    mondiale dans leur tranchée !

    En retraite, si nous portons notre attention sur les sensations et les observons sans panique

    ni excitation, en en faisant l’expérience avec équanimité, nous nous rendrons compte que,

    contrairement aux idées reçues, la douleur est beaucoup plus facile à gérer que le plaisir ;

    car du plaisir nous sommes dépendants, pas de la douleur. Nous pouvons nous habituer à la

    douleur, cela s’avère plus difficile avec le plaisir. En réalité il est plus difficile d’être satisfait

    que d’être patient. C’est pourquoi le véritable ennemi du méditant n’est pas la douleur mais

    l’insatiable soif de plaisir !

    La pratique vipassana traditionnelle de la vue supérieure est aussi connue comme « la voie

    de la purification ». Réfréner les sens est un facteur purificateur qui rend la vie plus paisible

    et facilite la méditation. Pour cela nous avons besoin de nous simplifier la vie.

    Dans la pratique de la vue supérieure, le terme de « purification » s’applique à cette

    soumission de l’esprit et des sens. Vous avez pu remarquer que nous utilisons le terme

    « purification », non pas par rapport à quelque chose qui aurait déjà été accompli que l’on a

    besoin de purifier, mais par rapport à quelque chose qui ne s’est pas encore produit et que

    l’on a besoin d’empêcher.

    Il existe sept étapes de purification :

    1. La purification de la conduite

    2. La purification de l’esprit

    3. La purification de la vue

    4. La purification par la victoire sur le doute

    5. La purification par la connaissance et la vision de ce qu’est la voie et de ce qui n’est

    pas la voie.

    6. La purification par la connaissance et la vision du cheminement de la pratique

    7. La purification par la connaissance et la vision.

  • 4

    La purification de la conduite fait référence à la pratique de l’abstinence et de la retenue,

    mentionnée plus haut. On la connaît aussi sous le nom de « purification du

    commencement ». C’est l’élément purificateur de l’esprit qui arrête le vent des distractions,

    et c’est aussi le prérequis pour qu’un méditant puisse progresser.

    La purification de l’esprit signifie la capacité pour l’esprit de rester sur n’importe quel objet,

    calme et tranquille, sans distraction, aussi longtemps qu’on le souhaite, en étant libre des

    cinq obstacles.

    La purification de la vue signifie la vue supérieure portant sur la véritable nature des

    agrégats et du soi.

    La purification par la victoire sur le doute signifie éliminer le doute concernant la nature

    interdépendante de tous les phénomènes.

    La purification par la connaissance et la vision de ce qu’est la voie et de ce qui ne l’est pas

    signifie reconnaître ce qui est juste une élimination temporaire des klésha (pollutions)

    comme étant une élimination temporaire des klésha.

    La purification par la connaissance et la vision du cheminement de la pratique signifie aligner

    l’esprit avec les facteurs qui mènent à l’élimination totale des klésha.

    La purification par la connaissance et la vision signifie la réalisation du but.

    L’agitation et la confusion dont nous faisons l’expérience, particulièrement au début de la

    pratique, ne sont pas dues aux difficultés de la pratique ni au manque de familiarité avec la

    technique. Ils sont souvent dus aux vents de distractions qui sont encore en train de souffler,

    rendant ainsi l’esprit agité et confus. Pour arrêter ce « vent » qui souffle constamment et qui

    agite l’esprit, ce qui est nécessaire est une bonne conduite (une conduite purifiée).

    De façon à générer une conscience claire (qui purifie la vue), on a d’abord besoin d’un esprit

    stable (un esprit purifié). En effet il s’avèrerait très difficile de générer une conscience claire

    sans un esprit stable et concentré. Tout comme la flamme d’une bougie exposée au vent ne

    peut rien éclairer à cause de son vacillement constant, un esprit vacillant ne peut rien

    éclairer tant que les distractions extérieures n’ont pas cessé (ou ne sont pas purifiées).

    Sans effort il est impossible de produire la stabilité mentale. C’est pourquoi, avant la

    concentration, nous avons besoin d’établir l’effort. Qu’est-ce alors que l’effort ? L’effort

    signifie « faire l’expérience d’épreuves ». C’est pourquoi pour gérer ces épreuves nous avons

    besoin de patience ; ainsi la patience précède l’effort. Sans entraînement à la patience, il

    n’est pas envisageable de pouvoir établir l’effort. Comme l’a dit le Bouddha : « l’ascétisme le

    plus élevé est la patience, le véritable ascète est celui qui est patient ». La patience établit

    l’effort, avec l’aspiration pour guide.

  • 5

    Si une personne souffre beaucoup, l’entraînement à la patience lui sera très difficile. Pour

    l’entraînement à la patience, il ne devrait pas y avoir trop de souffrance. Aussi la moralité

    (une conduite purifiée) prépare le terrain dans ce but. Comme nous l’avons dit

    précédemment, la vie tempérée par la moralité/discipline devient moins compliquée, moins

    agitée, moins confuse, moins misérable. Souffrance et problèmes sont encore présents, mais

    moins qu’avant. Il devient alors plus facile de s’entraîner à la patience.

    Moins de mal-être devrait être l’objectif visé du débutant. C’est par la moralité/discipline

    que l’on peut l’atteindre. Notre attention se porte trop sur le bonheur, cela devient une

    obsession. Les lamas parlent effectivement de bonheur et du fait d’être heureux. Dans les

    soutras, le Bouddha parle aussi de « réaliser le bonheur » mais dans un sens différent.

    Quand les bouddhas s’expriment sur le bonheur, ils ne sont pas en train de nous parler

    d’amusement, d’avoir du bon temps : une vie d’insouciance. La notion de bonheur exprimée

    par le Bouddha, c’est l’expérience du « non-malheur » ou de la non-souffrance. Au

    commencement, voilà ce à quoi on peut aspirer.

    Se donner le bonheur comme but peut créer de grandes déceptions. Il est irréaliste d’être

    toujours « heureux » en cette vie humaine. Prenez les lamas par exemple : Sont-ils toujours

    heureux ? Si oui, dans quel sens le sont-ils? Quand ils reçoivent de mauvaises nouvelles du

    Tibet, sont-ils malheureux ou font ils juste semblant d’être tristes ? A l’époque du Bouddha,

    30.000 personnes du clan des Shakyas (son propre clan) furent tuées. Quand le Bouddha en

    reçut la nouvelle, fit il semblant d’être triste ou le fut il sincèrement ?

    .

    Il est important de bien faire la distinction entre la manière dont les êtres réalisés

    interagissent avec le monde et leur façon d’en faire l’expérience.

    La pratique de la vue supérieure s’appuie sur le développement de la pleine conscience ou

    attention (le facteur purificateur de l’esprit). Le Bouddha a dit : « Je ne connais pas un autre

    facteur mental plus efficace que l’attention pour abandonner ce qui est malsain et cultiver la

    vertu ». Il existe différents types d’attention : l’attention dans le contexte de la moralité ;

    l’attention/application dans le contexte de la concentration qui consiste à ne pas oublier

  • 6

    l’objet et l’attention qui est et a les caractéristiques de la pleine conscience : la vue

    supérieure. Ce qu’on appelle ici insight (vue supérieure) ne doit pas être confondu avec

    «la nature ultime ». Dans la pratique vipassana traditionnelle, l’« insight » réfère à la

    première des huit voies de l’octuple sentier : la compréhension juste, la compréhension de

    doukkha et des quatre nobles vérités.

    Doukkha, normalement traduit par « souffrance » ne correspond pas simplement à

    l’évidente souffrance physique et mentale que l’on associe à la maladie et aux complications

    générales de la vie. C’est quelque chose de plus « douloureux » que cela : c’est la nature

    (précaire) de notre existence, faite d’insatisfaction, d’instabilité et de l’absence d’un soi.

    Selon le bouddhisme, notre existence tout entière est doukkha. Mais cela ne fait pas pour

    autant du bouddhisme une religion pessimiste car doukkha, c’est le diagnostic posé et non

    l’opinion concernant le traitement.

    Dans la pratique de la vue supérieure, la pleine conscience (l’esprit purifié) est ce qui permet

    au méditant de voir cette doukkha. Quand, pendant la retraite, vous faites l’expérience de

    l’ennui, de l’insatisfaction, de l’esprit qui veut partir ; qui remet en question et qui maudit le

    moment où vous avez entendu parler de la retraite, avec la volonté d’étrangler la personne

    qui vous en a donné l’idée ; quand nous nous demandons : « A quoi ça sert ? Qu’est-ce que

    je fais ici ? ». Quand vous faites l’expérience de ces différentes humeurs, c’est à ce moment-

    là que la pratique commence véritablement. Nous avons trouvé une base, une base très

    ferme : « notre samsara ». Ennui, insatisfaction, peurs, soucis, frustration et tous les autres

    problèmes du quotidien, cela aussi est le dharma, « le dharma qui est à comprendre ».

    Les bouddhas et les aryas bodhisattvas sont souvent dépeints comme étant assis sur une

    fleur de lotus. Le lotus est une fleur qui pousse dans la boue ou près de la boue mais n’est

    pas souillée par elle. Le bouddha assis sur la fleur de lotus symbolise cela : proche du monde

    mais non affecté par lui ; on y trouve une similitude avec l’esprit de la personne (le méditant)

    qui commence à comprendre la souffrance.

    -----------------------------------

    Pour la pratique de la vue supérieure, différentes conditions internes et externes sont

    requises. Les conditions internes pour la vue supérieure sont la pratique de la discipline, de

    l’attention, etc., la propreté étant la condition externe : garder le corps propre, porter des

    vêtements propres et maintenir l’endroit où l’on médite, propre et en ordre. Ainsi, dans la

    salle de méditation, à l’endroit où l’on s’assoit, il devrait y avoir juste un coussin, avec un

    châle ou une couverture au cas où l’on ait froid, un carnet de notes si l’on souhaite en

    prendre pendant l’enseignement, et c’est tout. Pas de sac ou autre chose et cela, pas

    uniquement dans la salle de méditation, car c’est aussi valable pendant les pauses, vous ne

    devriez pas porter vos sacs avec vous ; c’est le reflet d’un esprit instable. Aussi, pendant la

    retraite, est-il très important d’avoir l’esprit posé. On devrait se sentir bien installé, comme

  • 7

    si on était à la maison ; quand vous êtes chez vous, vous ne portez pas votre sac partout avec

    vous et ici en retraite vous devriez vous sentir décontracté et installé de la même façon.

    Pendant les retraites aussi, ce que nous voyons souvent, ce sont des gens qui portent

    quelque chose et en particulier des bouteilles d’eau ; ce sont les « peluches » du méditant.

    Certains portent une petite bouteille d’eau partout où ils vont mais ce n’est pas parce qu’ils

    ont vraiment soif ; Ils s’ennuient tout simplement et quand ils ne savent pas quoi faire, ils

    boivent ! L’intention de la retraite n’est pas seulement d’apprendre et de se familiariser avec

    la technique de méditation, c’est aussi d’observer son esprit, instant après instant, et de

    reconnaître l’insatisfaction profondément ancrée qui colore toutes nos expériences.

    -------------------------------------

    Parlons ensuite de la façon de se comporter et particulièrement pendant les pauses. C’est au

    moment des pauses que l’on doit être extrêmement prudent ; pendant les temps de

    pratique assise et marchée, en effet, on est occupé à pratiquer mais pendant les pauses,

    c’est le moment où l’esprit est détendu, il peut être alors facilement attaqué par les klésha

    ou pollutions. C’est le moment où l’esprit devient vulnérable. On doit donc rester tout le

    temps vigilant et en alerte. Quand on est détendu, toutes sortes d’images : la maison, la

    famille, les enfants, le travail, les relations, etc., se manifestent à l’esprit. Alors quand vous

    revenez à votre place et que vous voyez le coussin, vous vous sentez oppressé et

    malheureux. Vous devez vous traîner jusqu’à votre place, cela s’avère douloureux et l’esprit

    commence à se demander : « Qu’est-ce que je fais ici ? » Pendant les temps de pause, le

    méditant reste dans le présent (ce qui signifie qu’il évite les distractions) en restant attentif

    aux objets des sens. Comme le Bouddha le mentionne dans un soutra : « Tous les objets que

    vous voyez ne sont que des objets de la vue, tout ce que vous entendez ne sont que des

    sons, tout ce que vous goûtez, des goûts, tout ce que vous sentez, des odeurs, tout ce que

    vous touchez, des objets du toucher, et quoi que vous pensiez, ce ne sont que des pensées. »

    ---------------------------------------

    Ensuite, quand vous entendez la cloche qui indique la fin de la session, vous ne devriez pas

    vous lever immédiatement mais plutôt attendre.

    Soyez attentif et notez le changement. Il y a un changement qui s’opère dans le corps et

    dans l’esprit au moment où vous entendez la cloche sonner et vous devriez être attentif à

    cela. Vous savez que c’est fini et vous vous sentez mieux. Il vous suffit d’entendre le son de

    la cloche pour vous sentir mieux physiquement et mentalement. Ce son vous dit que la

    douleur est une expérience conditionnée. Il suffit de l’entendre pour que le mal-être s’en

    aille ! Vous voyez que ce n’est pas une douleur concrète et bien solide ; vous réalisez que

  • 8

    cette douleur ne siège pas en vous. Cela vous montre que la douleur n’est pas dans vos os ou

    dans votre peau ; vous n’êtes pas le réceptacle de la douleur. Vous devriez poser sur

    l’expérience du changement et non pas juste penser : « Merci mon dieu, c’est fini ! » Puis en

    conscience, vous vous levez et vous redressez. Si vous voulez sortir, vous savez : je sors ; si

    vous devez aller à votre chambre, vous savez : je vais à ma chambre ; si vous devez aller aux

    toilettes, vous savez : je vais aux toilettes. Vous devez savoir ce que vous allez faire ensuite,

    ainsi l’esprit n’est pas confus. Il n’y a alors pas de confusion quant à ce que vous avez à faire.

    En général la discipline nous fait peur mais en retraite, nous changeons cette perception

    quand nous en reconnaissons les bienfaits et que nous voyons comment cela fonctionne. On

    l’appelle « l’attention avec une compréhension claire » : marcher en conscience et faire les

    choses attentivement, l’intention étant de renforcer la présence mentale. Il est très

    important, autant que vous le pouvez, de rester attentif à chacune de vos actions. Le

    moment où vous vous levez, vous êtes conscient de vous mettre debout. Quand vous ouvrez

    la porte, vous êtes conscient du geste de votre main qui atteint la poignée de la porte,

    conscient de la sensation du toucher, conscient de tourner la poignée, en l’ouvrant ou en la

    fermant et ainsi de suite. Portez votre attention sur toutes les activités corporelles ainsi que

    l’entrée en contact avec différents objets.

    -------------------------------------------------

    Ensuite, en tibétain, il y a deux expressions pour rendre le mot « retraite », nyen-ba et tsam-

    dé. Nyen-ba signifie venir plus près, s’approcher, ce qui est principalement utilisé lors de

    retraites tantriques. Par exemple, quand vous faites une retraite tantrique, l’intention est de

    se rapprocher de la déité ou, si vous vous familiarisez avec le mantra, de vous rapprocher de

    sa parole. Ce terme nyen-ba peut aussi s’appliquer à ce genre de retraite étant donné que le

    sens véritable de Satipathana est « le placement rapproché de l’attention », le fait de placer

    l’attention juste à côté de l’expérience.

    Tsam-dé est le terme le plus courant pour retraite, tsam signifie limite, frontière et dé

    signifie habiter, habiter à l’intérieur des limites (posées) ; ne pas aller au-delà. Physiquement

    on reste en-deçà des limites posées pour la retraite. Pendant les pauses vous marchez mais

    pas trop loin, vous ne prenez pas votre voiture pour aller quelque part et puis revenir. Avec

    la parole, vous n’enfreignez pas le silence. Le silence ne se limite pas au fait de ne pas parler

    bien sûr ; il signifie « pas de distraction ». On n’écrit pas de messages, en particulier si l’on se

    trouve dans un dortoir ou dans une chambre double. Faites votre possible pour éviter tout

    bavardage. Ce qui se passe, c’est que vous vous sentez peut-être un peu oppressé et vous

    pensez que quelques mots échangés vous feront du bien. Vous pensez que cela va vous aider

    mais cela finit par créer beaucoup de pensées et donc beaucoup de distractions et plus

    d’insatisfaction. Vous devriez donc éviter toute conversation.

  • 9

    En retraite on essaie de communiquer avec celui avec qui on n’a jamais communiqué

    auparavant, SOI-MÊME. C’est comme cela qu’en retraite, on essaie de se connaître soi-

    même. Cela amène à « mentalement rester à l’intérieur des limites », être dans le présent.

    Quand il y a présence mentale, on peut alors méditer. Ainsi la retraite comporte trois

    aspects importants : la discipline, le silence et l’attention.

    L’un des obstacles les plus importants qui empêche de respecter les limites de la retraite,

    c’est le désir insatiable. Pendant la retraite, le désir se pare d’un nouveau masque, en

    particulier celui de la spiritualité. Quand par exemple quelqu’un s’ennuie, certaines pensées

    peuvent se manifester, comme : « Pourquoi ne pas réciter des mantras ? Qu’il y-a-t-il de mal

    à cela ? Ou associer la pratique avec des visualisations, ou du yoga ? » Ceci se produit dès

    lors que vous ne supportez plus ni de rester assis ni l’exigence de rester attentif et

    concentré. Quand on s’entraîne à la pleine conscience, à apprendre à être conscient et à

    lutter contre les distractions, le questionnement spirituel est aussi une distraction. Vous ne

    devez donc rien suivre qui puisse vous encourager à la saisie. On doit faire très attention et

    être sans cesse en alerte. Le désir est toujours présent à notre esprit et peut aussi se

    manifester sous l’aspect d’un « objet sacré », un « objet du Dharma », mais en réalité, il peut

    tout simplement prendre l’aspect de : on ne sait pas quoi faire et alors on se met à réciter

    des mantras.

    Pendant la retraite, vous pouvez remarquer un sentiment d’attente constant. Quand vous

    êtes assis, vous êtes en train d’attendre la fin de l’assise, au moment de la pause, c’est la

    même chose, vous êtes impatient de reprendre. La méditation marchée crée un équilibre

    entre les sessions et les pauses. La méditation marchée qui est « la marche en conscience »

    est une pratique qui nous vient de la tradition du bouddhisme ancien. De nombreux soutras

    commencent par décrire le Bouddha en train d’aller et venir en conscience, après son repas

    ou avant la tournée des aumônes, ou à d’autres moments. On rapporte aussi des récits de

    réalisations qui ont eu lieu pendant ou après la méditation marchée. Ananda par exemple,

  • 10

    l’intendant du Bouddha, réalisa la vue supérieure, la vision pénétrante, juste après une

    méditation marchée. Nous trouvons à la fois sérénité et clairvoyance pendant la méditation

    marchée. La méditation marchée donne à l’esprit vivacité et stabilité.

    Quelle est la raison d’être de la méditation marchée ?

    Il y en a plusieurs, mais pour l’essentiel, au début, elle permet de ralentir l’esprit, et ralentir

    l’esprit aide à comprendre les moments, les instants de conscience. L’esprit nous apparaît

    comme une entité solide, isolée et permanente. Nous pouvons avoir une idée conceptuelle

    concernant l’esprit mais nous n’avons pas la moindre idée de ce que c’est vraiment ! Nous

    pouvons alors diviser la marche en conscience en trois parties : dans la première partie, c’est

    un style de marche vivifiante, un peu rapide, où l’on essaie de garder le corps en équilibre.

    Puis vous ralentissez et vous concentrez plus sur les détails : lever, placer ; lever, placer.

    Vous êtes alors conscient du lever et du placer. Peut-être noterez-vous alors que quand vous

    en avez juste terminé avec le placer, le lever a déjà eu lieu. C’est un acte on ne peut plus

    simple et pourtant nous ne sommes pas pleinement conscients de ces deux simples étapes.

    Ceci nous indique à quel point notre attention et notre concentration sont faibles.

    L’attention est la mémoire (sati) de ce qui s’est passé, (ou si elle est bien développée, de ce

    qui vient juste de se passer ou est en train de se passer). Ainsi, pour que l’on soit conscient

    des choses (que l’on se rappelle d’elles), il est nécessaire que les choses se soient passées,

    nous ne pouvons pas simplement attendre que les choses se passent. Quelque chose doit se

    dérouler pour pouvoir se rappeler. Donc vous n’êtes pas en train d’anticiper mentalement,

    mais plutôt, vous êtes vigilants.

    L’attention a six caractéristiques :

    1. Ce qui retient l’objet.

    2. ce qui ne l’oublie pas, et donc :

    3. pas de distraction,

    4. pas de superficialité,

    5. pas de confusion,

    6. la capacité de diriger l’esprit vers un quelconque objet.

    Dans la pratique de la vue supérieure, quand nous prenons toutes ces caractéristiques et

    que nous les mettons ensemble, l’attention cesse d’être simplement « sati » (mémoire) et

    devient « pouvoir d’observation ». Cependant, en se référant au sens étymologique de sati

    « mémoire », ici il ne s’agit pas d’une mémoire du passé, mais d’un passé très proche. Sati (la

    mémoire) ou plus précisément la « réminiscence » ne veut pas dire se rappeler de quelque

    chose du passé (avec le risque de se perdre dans le passé) mais c’est la mémoire ou la

  • 11

    réminiscence de ce qui vient « tout juste » de se produire. « A l’instant, je viens d’être

    distrait ! » Cela est le sens étymologique de « sati ».

    Avec la méditation marchée, vous êtes d’abord conscient d’être debout puis vous

    commencez à marcher. Etre conscient du lever et du poser au moment où cela se passe.

    Quand vous commencez à noter clairement le déroulé du processus de lever, avancer, placer

    et toucher, c’est la preuve que l’esprit s’aiguise peu à peu et devient plus présent.

    Si vous êtes conscient du lever, avancer, placer et toucher, vous allez commencer à percevoir

    les intervalles et les espaces qui se déroulent entre ces simples actions. Si vous êtes

    suffisamment conscient, vous remarquerez que l’esprit peut devenir distrait, même entre

    ces très courts moments. Peut-être vous rendrez-vous compte qu’entre le lever et le

    mouvement vers l’avant, qui ne prendra qu’une seconde, il y a encore suffisamment de

    temps pour être très distrait ; l’esprit peut rentrer à la maison, peut se disputer avec vos

    parents ou votre partenaire, ressentir de la colère, revenir, tandis que le pied, quant à lui,

    n’est toujours pas posé ! Ainsi, en l’espace d’un si court instant, peut se dérouler une grande

    distraction, toute une histoire ; et vous vous en souvenez ! L’attention, ce n’est pas

    simplement être présent, comme beaucoup semblent l’enseigner de nos jours. Une autre

    raison d’être de la méditation marchée, c’est de percevoir et d’être conscient de l’intention.

    Puisque l’intention est l’agent de nos actions (karma), cela est extrêmement important. La

    moindre action physique, mentale ou verbale est précédée de l’intention. Qu’est-ce que

    l’intention ? L’intention n’est pas une pensée ou un concept ; c’est le facteur mental-(ou

    fonction cognitive) qui meut l’esprit (et le corps). La méditation marchée est très bonne pour

    reconnaître ce facteur mental important. Nous voyons et reconnaissons aussi ce qu’est

    l’intention : ce (facteur mental) qui a l’intention, et qui n’est pas le soi.

  • 12

    Là encore, concernant la discipline, nous avons la discipline individuelle et la discipline du

    groupe. En retraite, la discipline du groupe est plus importante. Quand le groupe est

    harmonieux et bien discipliné, le pratiquant devient très inspiré et cela est très important

    car, comme nous l’avons dit plus haut, l’inspiration est ce qui établit l’effort, sans lequel

    aucune progression n’est possible. Donc quand le groupe est soudé et bien discipliné, il

    devient très inspirant, ce qui est extrêmement bénéfique pour l’individu.

    Par exemple, quand des visiteurs viennent à passer par là et voient les méditants silencieux

    et tranquilles, il arrive souvent que ces gens soient très inspirés ; ils se rendent à la réception

    et expriment le souhait de s’inscrire pour la prochaine retraite. Pendant que ceux qui font la

    retraite sont en train de penser « plus jamais ! », ceux qui ne font pas la retraite en

    revanche, n’étant pas impliqués personnellement, voient mieux le résultat de l’effort du

    groupe, alors que les méditants, absorbés en eux-mêmes, ne le peuvent pas. C’est pourquoi

    il est important que le méditant, de temps en temps, prenne du recul et réfléchisse aux

    qualités et bienfaits de la discipline. Le Bouddha a dit : « De la même manière que les gens

    portent des ornements pour se rendre séduisants, à porter l’ornement de la discipline, le

    méditant se rend « séduisant » (inspirant). »

    --------------------------------------------

    En ce qui concerne les attentes.

    La plupart des problèmes : déception, irritation, confusion, colère (et souvent loung) dont

    nous faisons l’expérience en retraite, sont en lien étroit avec nos attentes.

    L’attente pour un méditant est son pire ennemi, le vrai Mara, qui finit par se transformer en

    Godot, celui qui ne vient jamais. Il existe deux types de personnes affectés par l’attente :

    ceux qui sont tout nouveaux dans le bouddhisme et ceux qui ont fait beaucoup d’études. Le

    néophyte aura des attentes en lien avec les nombreuses choses merveilleuses qu’il aura

    entendues à propos de la méditation ; quant au deuxième type, ses attentes seront plutôt

    basées sur l’échec de ses études antérieures à ne produire aucun résultat (ou

    expérience).tangible

    Le défaut des attentes est que si la personne a confiance en elle-même et que rien ne se

    produit, alors elle va blâmer la méthode ou l’enseignant en pensant : « Je fais exactement

    tout ce qu’il m’a dit mais il n’y a toujours rien qui se produit ». Alors montent la déception et

    souvent la colère tandis que pour la personne dont l’estime de soi et la confiance sont très

    faibles, si ses attentes ne sont pas comblées, elle aura tendance au découragement et à la

    dépression. Nous avons besoin de reconnaître l’attente (ne pas la refouler) et la laisser

    passer.

    Une attente que l’on trouve fréquemment est l’atteinte de la félicité, de la paix, du bonheur,

    du bien-être et d’une vie sans souffrance. Très souvent les gens viennent faire la retraite

    avec cette forte attente. Mais comme l’a dit un lama tibétain célèbre : « La méditation, c’est

  • 13

    comme une opération sans anesthésie ». En tant que débutant, nous ne pouvons pas

    méditer sans douleur, sans inconfort, fatigue ou désagrément. Au début, la douleur ou le

    désagrément est incontournable et pour l’étudiant intelligent, c’est plutôt très bon car,

    quand cette sensation est présente, l’esprit peut s’asseoir sans beaucoup de distractions ;

    vous réaliserez cela en temps voulu. La douleur laisse peu de place au fantasme alors que,

    d’une certaine façon, quand on se sent confortable, béat et que tout va bien, l’esprit (notre

    esprit) a besoin d’une camisole de force pour se calmer.

    --------------------------------------------

    La foi est un autre aspect important de la pratique.

    Le Bouddha a dit : « De la même façon qu’une graine brûlée ne peut germer, un esprit

    dépourvu de foi est incapable de développer quelque chose de sain ». La foi est caractérisée

    par la clarté et la confiance. La foi ne signifie pas simplement avoir une attitude

    révérencieuse envers un être ou une image sainte mais devrait être comprise comme une

    attitude mentale capable d’approfondir et d’élargir le champ de compréhension de la

    personne. Etant donné que la foi touche à des phénomènes cachés (ou non prouvés), elle est

    dotée d’un élément fort qu’est le courage, l’enthousiasme pour essayer, PRENDRE LE

    RISQUE. Elle provoque une aspiration qui, en retour, établit l’effort. Aussi est-il très

    important d’être « conscient » de ce facteur mental quand il se manifeste. Au début, notre

    principale préoccupation et notre effort ne portent pas vraiment sur le fait de développer et

    réaliser le chemin (étant donné que cela prendra un certain temps), mais plutôt sur celui

    d’être attentif et conscient de façon à savoir ce que c’est (que la foi) ; comment on se sent

    quand elle est présente, comment on se sent quand elle ne l’est pas.

    Dans la pratique de la vue supérieure, il ne s’agit pas tant d’être « créatif », comme c’est par

    exemple le cas en méditation conceptuelle, que d’être conscient, de goûter à l’expérience,

    d’en connaître la nature. C’est comme de boire une soupe dans laquelle tous les ingrédients

    sont mixés. Si nous ne faisons que la regarder, ce que nous voyons n’est qu’un genre de

    bouillon jaunâtre, nous ne savons ni ne voyons pas vraiment ce qu’il y a dedans. Pour en

    connaître exactement le contenu, il est nécessaire de le boire, de le goûter. De la même

    façon, essayer de comprendre l’esprit uniquement par le biais de la conceptualisation nous

    donne une vague idée de ce qu’il est. Nous ne voyons que son aspect superficiel. Nous ne

    pouvons pas réellement savoir ce qu’il est, « de quoi il est fait ». C’est la pleine conscience

    qui « goûte » clairement les « ingrédients » (les facteurs mentaux).

    En retraite, quand surviennent des moments de foi ou de confiance, nous sommes

    pleinement conscients, nous la ressentons, la goûtons ; et puisque nous la reconnaissons et

    l’apprécions, nous la nourrissons et la renforçons. Quand nous faisons l’expérience de ce

    moment de foi/confiance, nous y demeurons. Quand la foi n’est pas présente, nous ne nous

    décourageons pas mais nous sommes conscients : pas de foi. Nous savons par là même

    comment nous nous ressentons sans sa présence. Nous savons alors clairement comment

  • 14

    nous nous sentons avec et sans. Ainsi, puisque nous en connaissons la nature, notre

    inspiration se développe. C’est la même chose pour les autres états mentaux.

    Puis, quand nous atteignons un certain niveau de pleine conscience, nous commençons à

    diriger notre attention sur la pleine conscience elle-même, pour savoir comment nous nous

    sentons avec elle et comment nous nous sentons sans elle. Il est des moments où nous

    sommes pleinement conscients et des moments où nous ne le sommes pas, si bien que nous

    savons : « Ah ! Cela, c’est la pleine conscience ! » La même chose quand il y a le désir

    insatiable, nous en sommes conscients. Nous sommes conscients quand il est là et quand il

    vient tout juste de se dissiper. Nous sommes conscients de sa présence, de son absence,

    donc nous savons : « Voilà comment je me sens avec le désir, et sans le désir ».

    Concernant l’esprit…

    Qu’est-ce que l’esprit ?

    Comme on dit : « L’esprit n’est pas l’esprit ». Toutes ces choses que nous venons de

    mentionner : foi, confiance, pleine conscience, désir, colère, peur, soucis, bonheur, malheur,

    etc., sont toutes esprit. Il n’y a pas un esprit qui serait le réceptacle de toutes ces

    expériences.

    L’expérience est l’esprit.

    Revenons à la pleine conscience.

    Comme je l’ai dit, étymologiquement pleine conscience signifie mémoire et, dans le contexte

    de la méditation de la vue supérieure, cela signifie « pouvoir d’observation ».

    La racine de la pleine conscience, c’est l’attention, quelque chose que nous possédons tous.

    L’attention est l’une des fonctions majeures de la conscience sans laquelle il ne peut y avoir

    perception d’objet quel qu’il soit. La pleine conscience est le résultat de ce facteur mental

    important. Bien, et quelle est la caractéristique de cette attention ? C’est une attention pure,

  • 15

    simple et nue, dépouillée de toute projection, de tout commentaire mental d’appréciation

    ou de rejet, de jugement ou de « réflexion ». Si des commentaires et des « réflexions »

    apparaissent au cours de l’entraînement, alors eux-mêmes deviennent les objets de cette

    attention nue. Observer les choses sans les commenter n’est pas chose facile. Cela ne vient

    pas naturellement ; ce n’est pas non plus quelque chose que nous avons été encouragés à

    cultiver. Tout ce qui s’élève dans l’esprit, tout ce dont nous faisons l’expérience, est toujours

    accompagné d’un commentaire, d’un jugement ou d’un bavardage intérieur ; c’est toujours

    ce que nous pensons qu’elle est, ce que nous voudrions qu’elle soit, mais jamais une

    expérience qui est, tout simplement. L’attention nue est la claire conscience de ce qui se

    passe en réalité pour nous. La conscience basique de moments successifs de perception ne

    fait pas de commentaire et n’émet pas de jugement, c’est notre tendance habituelle qui

    colore et parfume automatiquement notre expérience.

    Prenez les pensées par exemple. Elles ne font que s’élever et passer, apparaître et

    disparaître. Mais normalement nous pensons, ou ressentons : « Il y a tant de pensées dans

    mon esprit ! Je suis envahi par les pensées, mon esprit est si encombré ! » Comme si l’esprit

    était un réceptacle avec plein de pensées à l’intérieur. Comme si on pouvait les compter ;

    comme s’il y en avait une certaine quantité : un entrepôt où toutes ces pensées seraient

    conservées. Si c’était le cas, alors nous pourrions « aller y piocher ». Mais, quand le vent a

    cessé et que les vagues se retirent, où vont les vagues ? Où sombrent-elles ? Vont-elles

    vraiment quelque part ? Est-ce qu’il y a un lieu au fond de l’océan où sont conservées les

    vagues pour qu’elles puissent surgir plus tard, ou se retirent-elles tout simplement en se

    mélangeant à l’eau de sorte qu’elles finissent par se confondre avec l’eau ? Il n’y a pas de

    flux et de reflux réels des vagues. Elles ne sont qu’un phénomène occasionnel, il n’y pas

    d’endroit réel où les trouver. La même chose est applicable à nos pensées. Le soi-disant

    passé (d’un point de vue bouddhiste) est une réalité produite en dépendance que nous

    connaissons par le biais d’associations, et non parce que nous y entrons et allons y piocher,

    comme si l’on déterrait les os d’un dinosaure, ou un trésor perdu.

    Comme dans le cas d’un océan qui est parfaitement calme et sans la moindre vague…

    L’esprit totalement calme et libre de toute pensée est exactement comme cet océan. Quand

    les vagues s’élèvent, comme les vagues de l’océan, cela peut être terrifiant (même si elles

    n’ont pas d’existence par elles-mêmes). De même avec l’esprit, bien qu’elles n’existent pas

    par elles-mêmes, les pensées et les émotions peuvent être vraiment terrifiantes.

    Quel est le confort, ou le bienfait, obtenu par cette compréhension ? Pour la personne

    intelligente, le bienfait est grand parce que nous avons cette idée que les émotions sont là

    quelque part, même quand elles ne sont pas activement présentes. Disons que votre

    problème est la colère ; vous avez un tempérament colérique, vous vous mettez

    constamment en colère. Même quand vous n’êtes pas en colère, vous n’êtes pas tranquille

    parce que vous avez cette idée que quelque chose (ma colère) est là à attendre et qu’elle va

    surgir d’un moment à l’autre, ce qui n’est pas vrai. Cela n’est pas quelque chose que l’on

  • 16

    peut connaître simplement par la réflexion intellectuelle. C’est la discipline de la pleine

    conscience, de l’application de l’attention qui nous donne la possibilité de voir cette vérité.

    Dans les commentaires, nous lisons par exemple que l’antidote à la colère est la compassion,

    l’amour bienveillant et la patience ; que l’antidote à l’attachement est l’impermanence, etc.

    Mais il s’agit là d’antidotes à appliquer quand cet état mental particulier n’est pas présent, ils

    jouent un rôle de prévention, parce que deux états mentaux ne peuvent pas coexister, on ne

    peut pas être en colère et patient ou plein de compassion au même moment. Si l’on a de

    l’amour bienveillant dans son esprit, alors il n’y a pas de place pour la colère. Si l’on est

    heureux, il est difficile d’être en colère. Donc, ce sont des antidotes que l’on applique quand

    l’état mental particulier n’est pas présent. Quand l’esprit est neutre, nous créons des états

    mentaux salutaires qui préviennent l’apparition d’états malsains. Mais ici, dans la pratique

    de la vue supérieure, le problème qui nous occupe est celui d’une perturbation mentale déjà

    présente. Quand une perturbation telle que la colère par exemple est déjà présente, faire

    naître l’amour peut être très difficile. Si la colère s’élève en premier, l’amour n’a plus qu’à

    attendre !

    Le hic, c’est qu’en un tel moment, quand la colère est déjà là, il est trop tard, nous ne

    pouvons pas faire naître la compassion quand nous sommes en colère. Quand la

    perturbation est déjà là, l’antidote c’est l’attention, la pleine conscience. Mais nous ne

    sommes pas en train de dire que la pleine conscience seule a le pouvoir d’éliminer ou

    d’enlever la colère, car la question n’est pas d’éliminer ou d’enlever. Nous essayons

    simplement de faire cesser l’accroissement et l’aggravation de l’état mental négatif. C’est la

    meilleure chose que nous puissions faire quand nous sommes confrontés à une perturbation

    active : stopper l’aggravation. Quand l’aggravation est stoppée, la réduction commence.

    Donc, quand un certain état mental est présent, vous êtes attentif, vous restez assis avec lui,

    vous le « laissez tel qu’il est », vous arrêtez de le suivre.

    Ce qui aide pour cela, c’est le fait d’étiqueter. Quand, au cours de la session, vous voyez que

    vous êtes distrait, apposez mentalement l’étiquette : « penser, penser ». Si la distraction est

    en rapport avec le fait de parler, vous étiquetez (mentalement) : « parler, parler, parler », ou

    « divaguer, divaguer, divaguer ». Quelle que soit la distraction, vous l’étiquetez ; et vous

    verrez qu’au moment où vous le faites, l’histoire s’effondre. L’étiquetage aide à interrompre

    le flot des distractions. Chaque fois qu’il s’apercevait qu’il était distrait, Milarépa prononçait :

    « Phé ! Phé ! »

    Si tout à coup vous découvrez que vous êtes en train de penser à la maison et la famille,

    (mentalement) étiquetez : « maison, maison », « famille, famille ». Puis, regardez ce qui se

    passe ; est-ce que « l’histoire » continue ou s’est-elle arrêtée ? Il est également vrai que plus

    vous vous efforcez de ne pas vous laisser prendre, plus vous réalisez à quel point vous le

    faites ! Normalement, quand cela se produit, le méditant se décourage. Mais pour la

  • 17

    personne intelligente, ce n’est pas du tout décourageant, c’est plutôt encourageant parce

    qu’on est en train de voir le problème, de voir l’addiction, et c’est une bonne chose.

    Auparavant, nous avons indiqué que le désir insatiable est sans cesse en train de nous

    tenter. Quelle que soit l’étendue de nos possessions, quand l’esprit est possédé par le désir,

    il ressent une impression de pauvreté, il se sent vide et pauvre.

    Le désir insatiable s’élève en dépendance d’objets externes et internes, et aussi d’objets

    mondains ou spirituels. Au début de la retraite, le désir se porte sur les objets extérieurs : les

    gens, la famille, les conversations nous manquent beaucoup. Et puis l’esprit se pose et on se

    sent confortable. On commence à pratiquer et alors l’objet du désir insatiable change. Il

    passe des choses mondaines aux choses spirituelles : shamata, la vue supérieure, la

    béatitude, la paix, etc. Alors nous commençons à ressentir la pauvreté spirituelle. Tout

    comme nous faisons l’expérience de la pauvreté ordinaire mondaine, nous faisons

    également l’expérience de la pauvreté spirituelle, qui est encore plus douloureuse ! « Pas

    d’accomplissements, pas de réalisations ! » En retraite, nous devons veiller à ne pas nous

    retrouver en train de nous débattre avec la pauvreté spirituelle. Nous voyons souvent des

    « personnes spirituelles » qui sont encore plus malheureuses que les gens ordinaires. C’est

    parce qu’elles s’engagent dans la pratique spirituelle avec un objectif matérialiste. Être

    matérialiste ne signifie pas nécessairement s’intéresser aux choses extérieures. Tout esprit

    qui a un désir insatiable pour quelque chose peut être appelé « matérialiste ».

    --------------------------------------------

    Maintenant, revenons à la pratique proprement dite.

    Les objets de la pleine conscience sont : le corps, les sensations, l’esprit, et ce qu’on appelle

    les dharmas ou objets mentaux. Quand on les détaille, on arrive à vingt et un sujets. Il y a

  • 18

    quatorze sujets sur la contemplation du corps, deux autres correspondent à la sensation et à

    l’esprit, et ensuite les cinq objets mentaux, ce qui fait en tout vingt et un. Ainsi voilà les

    objets de la pleine conscience : notre corps ordinaire, nos sensations ordinaires et notre

    esprit ordinaire ; ce dont nous faisons l’expérience à n’importe quel moment donné, ici et

    maintenant.

    La contemplation du corps vise à éliminer la conception fausse de beauté.

    La contemplation des sensations vise à éliminer la conception fausse de bonheur.

    La contemplation de l’esprit vise à éliminer la conception fausse de permanence.

    La contemplation des dharmas vise à éliminer la conception fausse de « soi ».

    Ces quatre objets couvrent tout ce qui existe, extérieurement et intérieurement.

    Une autre caractéristique de la pleine conscience dans la pratique de la vue supérieure est la

    connaissance, non pas dans le sens d’une chose que l’on acquiert, une accumulation

    conceptuelle d’informations, mais plutôt en tant que « conscience claire ». Imaginez cet

    exemple : nous vivons dans un village ou une ville depuis de nombreuses années mais,

    comme nous avons toujours été très occupé et pressé, nous n’avons aucune idée des

    spécificités et de la beauté de cette ville. Et puis un beau jour, nous voilà à la retraite et nous

    partons nous promener, détendu et calme, et brusquement : « Oh ! Regarde là ! Une église

    baroque, un bâtiment gothique ! Je ne les avais jamais vus ! » Ainsi nous en arrivons à

    « connaître » une église, un bâtiment, qui ont toujours été là, que nous les connaissions ou

    non ! C’est ce type de connaissance que l’on est en train d’évoquer. La nature de bouddha

    ne vient pas à l’existence au moment où nous la voyons. Elle est déjà là maintenant mais

    nous sommes trop occupés pour la voir.

    -----------------------------------

    Nous commençons avec la respiration, un objet tangible, facile, concret et solide ; un objet

    de focalisation facile. La respiration est un phénomène qui change, elle n’est jamais la

    même, elle n’est pas uniforme : elle est longue, courte, rapide, lente, etc. La respiration

    longue par exemple est associée à un esprit confortable. Quand nous paniquons, nous

    prenons une longue respiration et cela nous calme. Quand nous faisons l’expérience de la

    peur, de la colère, ou de tout autre émotion forte, nous prenons une longue respiration et

    cela nous calme, n’est-ce pas ? Cela donne à notre esprit du confort, de la détente. Les

    respirations courtes et rapides, par exemple, sont associées à la tension, l’agitation, la peur

    et les soucis. Aussi, quand nous regardons la respiration, nous pouvons prendre conscience

    de la situation générale de l’esprit.

    Dans la pratique de la vue supérieure, vous laissez faire la respiration, la laissant telle quelle,

    dans le but d’apprendre à laisser l’esprit tel quel. Dans la pratique tantrique, le lien entre la

    respiration et l’esprit est très bien expliqué. Dans les tantras par exemple, ce n’est pas tant

  • 19

    avec l’esprit que l’on travaille qu’avec ce qu’on appelle les vents, ou souffles, d’énergie. C’est

    le déséquilibre des souffles énergétiques qui, selon les tantras, cause l’agitation et la

    pollution de l’esprit, si bien que ce n’est pas tant l’esprit que l’on cherche à maîtriser que les

    souffles d’énergie. Ainsi la respiration et l’esprit sont fortement connectés. En calmant la

    respiration, on calme l’esprit. Tandis que la respiration s’ajuste, l’esprit suit. D’abord, on est

    attentif à la sensation de l’abdomen qui se soulève et s’affaisse. Puis, avec le renforcement

    de la concentration, on observe la longueur de la respiration : les inspires et expires longs et

    courts. Puis, tandis que la concentration s’approfondit et que la pleine conscience devient

    encore plus forte, on observe le commencement, le milieu et la fin de chaque respiration,

    qu’elle soit longue ou courte.

    Si rien de particulier ne se passe, si rien de fort ou de perturbant ne s’élève alors que vous

    pratiquez la stabilisation de la pleine conscience de la respiration, restez sur la respiration. Si

    la perturbation est faible, alors conservez 70 à 80 % de l’attention sur la respiration, prenez

    simplement note de la distraction mais restez sur la respiration. La même chose est

    applicable à la douleur, si la douleur n’est pas si terrible, vous en êtes conscient mais votre

    attention reste principalement sur la respiration. Si la douleur devient plus forte, c’est cela

    qui devient l’objet et vous étiquetez alors (mentalement) : « douleur, douleur, douleur ». De

    cette façon, vous évitez qu’elle ne vous happe, vous évitez de vous laisser prendre. Mais

    quand on dit « cela devient l’objet », cela ne signifie pas que l’on se focalise sur cela, on est

    simplement attentif, veillant à ne pas faire naître d’aversion.

    La douleur présente une certaine caractéristique : elle peut être comme perçante, ou

    brûlante, ou déchirante, ou semblable à un coup de poignard. Ce que nous appelons douleur

    peut être un type de sensation comme d’être brûlé, frappé, déchiré ou percé, ce n’est pas

    juste une douleur. Et puis elle peut être en train d’augmenter ou de diminuer. Si elle est en

    train d’augmenter, augmente-t-elle rapidement ou lentement ? Ainsi on décortique la

    douleur jusqu’à ce qu’elle devienne un simple flux de vibrations s’élevant et se dissipant et

    non plus une douleur tangible, concrète. Quand nous observons les caractéristiques de la

    douleur, nous mettons aussi en place le second des sept facteurs de l’éveil, l’investigation :

    l’observation silencieuse de ce qui se passe. S’il s’agit d’une douleur légère, on reste sur la

    respiration et prend simplement note de la douleur. Si la douleur devient plus forte, alors on

    « l’observe » comme cela vient d’être expliqué. Si elle devient encore plus forte, alors on

    ajuste la posture.

    Donc, d’abord regardez et voyez de quel type de douleur il s’agit. Si c’est une douleur légère,

    il se peut qu’elle passe simplement, sans plus de difficulté. Si elle est plus forte, on pratique

    « l’investigation ». La douleur que l’on rencontre au cours de l’assise est en grande partie

    due au manque de familiarité avec l’assise ; en effet, comme vous le savez, au moment où

    vous entendez la cloche, au moment où vous vous levez, la douleur disparaît. C’est souvent

    comme cela. Quand il y a douleur ou engourdissement par exemple, les gens s’inquiètent :

    « Est-ce que je vais rester infirme pour le restant de mes jours ? » Bien sûr, on ne peut pas

  • 20

    dire que plus on pratique l’assise et moins on a de douleur, ce n’est pas toujours le cas. C’est

    plutôt que plus on est assis, et plus on s’habitue à la douleur, ce qui signifie que la douleur

    est là mais qu’elle ne vous préoccupe pas. Donc, plus vous pratiquez l’assise, plus vous vous

    familiarisez avec le sentiment d’inconfort. Quand vous mangez de la nourriture épicée par

    exemple, la première fois c’est insupportable, mais ensuite quand vous vous êtes habitué à

    la sensation de brûlure qui vient du piment, cela ne vous gêne plus. Le fait d’être habitué au

    piment ne signifie pas que la sensation de brûlure n’est plus là. Elle est toujours là,

    exactement comme la première fois, mais maintenant elle ne vous dérange plus. La douleur

    va et vient, sans plus. Elle vient sans y avoir été invitée et repart sans que quiconque ne lui

    ait dit de s’en aller. La somnolence non plus n’attend pas le moment où vous vous asseyez

    pour attaquer comme si elle attendait le bon moment pour s’insinuer dans votre corps.

    Il y a de nombreuses façons d’aborder la douleur. Le problème, comme vous le savez, ce

    n’est pas la douleur mais la peur. Nous avons peur de la douleur parce que nous la

    percevons comme quelque chose de nuisible comme un ennemi. Nous devrions établir une

    relation amicale avec la douleur plutôt que de l’aversion. Normalement, nous nous asseyons

    avec aversion en pensant : « J’espère que la douleur ne va pas venir, que je puisse méditer. »

    Il est important d’avoir un peu de curiosité et d’accueillir la douleur. Plus vous avez peur,

    plus les choses deviennent difficiles. Quand on a adopté l’attitude d’accueillir le problème,

    alors il ne faut pas penser que les obstacles sont apparus parce que « je les ai accueillis » !

    Les choses se produisent, nous le savons, en raison de causes et de conditions et non parce

    qu’elles décident de se manifester d’elles-mêmes.

    La meilleure façon d’aborder la somnolence et la douleur, c’est d’y porter de l’intérêt. En

    pensant au moment où vous vous asseyez : « Si elle vient, je vais l’observer. » Ou encore, si

    vous voulez faire preuve d’un plus grand courage, pensez : « Très bien, viens donc ! Je suis

    prêt, me voilà ! » Il est fort probable qu’elles ne viendront pas ! Pour illustrer cela plus

    clairement, disons que vous êtes en difficulté. Disons que vous êtes distrait, très distrait.

    Vous essayez de ramener l’esprit au présent mais il n’écoute pas. Malgré tout, vous essayez

    et essayez encore. A un certain moment, au point où vous commencez à être assez stressé, à

    ce moment particulier, dites à l’esprit : « D’accord, vas-y ! » et voyez si, oui ou non, il s’en

    va. L’esprit ressemble beaucoup à un enfant. Si vous lui dites de ne pas faire une chose, il la

    fera, et si vous lui dites de faire une chose, il ne la fera pas ! Plus vous forcez l’esprit, plus il

    se rebelle. L’esprit a sa propre vie et vous devriez « la respecter ». Nous ne pouvons pas

    contrôler l’esprit en nous y prenant comme nous le faisons habituellement. Par exemple, si

    je disais maintenant : « sois en colère ! », vous ne sauriez pas comment faire ! Quand nous

    sommes en colère, c’est comme si la colère décidait spontanément d’être en colère. Mais,

    comme nous pouvons le constater, afin de nous mettre en colère, nous avons besoin de

    quelque chose ou de quelqu’un qui suscite notre colère ! Il n’y a pas de colère indépendante

    qui existe de manière indépendante.

  • 21

    -----------------------------------

    En ce qui concerne les distractions dues à la conceptualisation, là encore quand les pensées

    sont peu nombreuses, restez sur le souffle et soyez simplement conscient de la respiration.

    Si elles sont nombreuses et qu’elles vous submergent, alors laissez-les se manifester mais ne

    vous laissez pas prendre. Si elles sont nombreuses mais qu’elles ne vous submergent pas,

    focalisez-vous sur une seule pensée. Il y a beaucoup de pensées, beaucoup d’images, mais

    vous vous focalisez sur une seule. Puisque nous ne pouvons pas avoir deux objets dans

    l’esprit en même temps, quand nous nous focalisons sur un seul, le reste disparaît. C’est

    comme par exemple quand vous êtes à une fête au milieu d’un grand nombre de personnes.

    Une seule personne vous intéresse et vous discutez seulement avec elle. Au fur et à mesure

    que vous vous concentrez sur cette personne, tous les autres disparaissent. Ça se passe

    comme cela, n’est-ce pas ? De la même façon, comme il y a de nombreuses pensées,

    focalisez-vous sur une seule et le reste disparaîtra, et cette pensée elle-même finira par

    passer.

    Revenons à la douleur.

    La capacité à supporter ou non la douleur dépend d’une « réflexion correcte ». Comme nous

    le savons, quand nous avons mal à la tête par exemple, nous pensons normalement : « Si

    j’avais mal aux dents, j’arriverais à le supporter bien mieux ! » Et quand c’est aux dents que

    nous avons mal, nous pensons : « Oh, si c’était un mal de tête, je suis sûr que je le

    supporterais mieux ! » Mais nous le savons, quelle que soit la douleur, grande, petite, ou

    différente, nous ne la supportons tout simplement pas. Qu’elle soit petite ou grande, tant

    que nous avons peur d’elle et que nous n’essayons pas d’en tirer parti en nous entraînant à

    la patience, nous sommes sûrs de souffrir.

  • 22

    La patience est une qualité qui s’élève en dépendance d’une réflexion correcte. Comme l’a

    dit Shantidéva : « S’il existe une solution, pourquoi s’inquiéter ? Et s’il n’y a pas de solution, à

    quoi sert de s’inquiéter ? » C’est seulement quand nous éprouvons une véritable douleur

    que nous pouvons comprendre et faire l’expérience de la vérité de ce verset.

    Ce n’est pas simplement par l’impression agréable causée par l’impact que cette phrase a

    sur nous quand nous la lisons pour la première fois que nous pouvons la comprendre. Ça,

    c’est juste l’effet « slogan accrocheur ». Deux choses sont nécessaires pour s’entraîner à la

    patience : la présence de la douleur, et rester détendu. Si pendant l’assise vous faites

    l’expérience de la douleur, et s’il se trouve que vous êtes pleinement conscient, alors

    réfléchissez ainsi. D’abord pensez aux deux premiers vers de Shantidéva : « S’il existe une

    solution, pourquoi s’inquiéter ? » Réfléchissez : « Si simplement en réajustant ma posture, la

    douleur disparaît, pourquoi m’inquiéter ? » (Puis, les deux autres vers de Shantidéva) : « Et

    s’il n’y a pas de solution… » Réfléchissez : « Si la douleur ne disparaît pas même après avoir

    réajusté la posture, à quoi sert de s’inquiéter ? Cela ne fera qu’augmenter ma souffrance. »

    Après avoir éliminé la panique (pas la douleur), poursuivez à présent votre réflexion avec la

    méditation suivante : devant vous, du côté gauche, imaginez-vous vous-même, « celui (ou

    celle) qui se plaint et se lamente », celle (ou celui) qui tout au long de la session s’est apitoyé

    sur soi : « Qu’est-ce qui m’arrive ? J’ai mal, c’est insupportable ! Qu’est-ce qui se passe… » et

    ainsi de suite. Puis imaginez un groupe de gens, des gens qui ont été frappés par une

    maladie terrible, ou ont été victimes disons d’une catastrophe naturelle, qui ont perdu leurs

    êtres chers, qui sont eux-mêmes blessés, et qui sont peut-être aussi démunis, malades, etc.

    Un cas vraiment désespéré. Visualisez ces personnes devant vous, sur le côté droit. Et puis

    vous, le méditant, assis sur votre coussin de méditation. Considérez celui de gauche, puis

    ceux de droite, et posez-vous la question : « Qui mérite vraiment que l’on s’inquiète pour lui,

    ou pour eux, celui de gauche ou ceux de droite ? » Maintenez cette contemplation au niveau

    de la simple observation sans trop spéculer. Laissez juste parler votre cœur.

    Revenons à l’objet de la pleine conscience.

    Comme je l’ai dit, les quatre objets de la pleine conscience, quand on les développe,

    constituent vingt et un sujets. En ce qui concerne le corps, nous avons :

    1 la conscience de la respiration,

    2 la posture du corps : debout, assis, couché et en train de marcher,

    3 la pleine conscience avec la compréhension claire. Cela signifie que l’on est conscient

    des diverses activités : marcher, se laver, nettoyer, se pencher, s’étirer, ouvrir la porte, la

    refermer derrière soi, etc. Etre conscient des diverses activités fait croître la pleine

    conscience. Ce qui rend la pleine conscience plus forte, plus claire, plus aiguisée et plus

    stable, c’est exactement cela : la pleine conscience avec la compréhension claire. Puis les

    autres sujets du corps sont :

    4 l’attention ou la contemplation des quatre éléments,

  • 23

    5 la laideur du corps et

    6 la contemplation des « neuf cimetières ».

    Parmi les vingt et un sujets, la conscience de la respiration, la contemplation de la laideur du

    corps et des neuf cimetières peuvent conduire à l’obtention de jhana, les absorptions. La

    méditation sur la laideur du corps est la contemplation des parties du corps. Il y a trente-

    deux parties dans notre corps, à commencer par les cheveux, la peau, la chair, les os, etc.

    Traditionnellement, on les répèterait ou les réciterait pendant 165 jours, puis une deuxième

    fois mentalement pendant 165 jours. Après les récitations orale et mentale, on les

    contemple du point de vue de la direction, de la forme, de la couleur, etc.

    Le méditant contemple chaque partie du corps prise individuellement : les cheveux, la peau,

    les os, le sang, l’urine, le pus, l’estomac, etc., individuellement et chacune prise de son côté.

    Chaque partie du corps, quand elle est prise séparément, est perçue clairement pour ce

    qu’elle est : repoussante (dans le sens de rebutant) et sans attrait.

    Quand ce terme de « répulsion » est utilisé dans le contexte de la contemplation de la

    laideur du corps, il ne débouche pas (ou ne devrait pas déboucher) sur la perception de

    notre corps comme étant quelque chose de dégoûtant et d’abominable ; ce terme vise à

    produire un sentiment de « distanciation dépassionnée » et de non-attachement. Quand

    l’attachement a cessé, l’agitation et la nervosité se dissipent, ce qui rend l’esprit

    complètement calme. Quand l’esprit est calme (vraiment calmé), le méditant trouve les

    objets des sens grossiers et il ou elle aspire naturellement à se retirer et à garder l’esprit

    tourné vers l’intérieur.

    Les neuf cimetières sont une investigation/contemplation du processus de décomposition du

    cadavre. Dans le passé, on pratiquait cela avec un vrai cadavre laissé sur le cimetière à ciel

    ouvert pendant des jours et des semaines. Les moines étaient encouragés à s’y rendre et à

    passer du temps à observer les diverses étapes du processus de décomposition du corps,

    jusqu’à ce que le cadavre ne soit plus qu’un tas d’os et de chair.

  • 24

    Dans cette méditation, à chaque étape, la personne pense : « Mon corps n’est pas différent

    de celui-ci. Voilà ce qui va arriver à mon corps aussi. De même que ce cadavre est

    repoussant et laid, de même est mon propre corps. Il n’y a aucune raison pour que la même

    chose ne m’arrive pas à moi. » Si l’on demande ce qui produit les activités mentales, l’esprit

    agité et nerveux, la réponse est l’attachement. Par la méditation sur la mort, comme celle

    qui précède, le méditant coupe court à l’attachement. Ces deux méditations, la laideur du

    corps et les neuf cimetières, concourent à mettre fin, à apaiser l’attachement au point que

    l’esprit peut totalement se retirer vers l’intérieur et induire l’expérience de l’absorption.

    -----------------------------------

    Le second objet de la pleine conscience est la sensation. Il y a trois types de sensations :

    plaisante, déplaisante et neutre. Quand nous voyons, touchons, goûtons, entendons,

    sentons ou pensons, nous produisons une sensation/expérience.

    Qu’est-ce que la sensation ? La sensation, c’est ce qui ressent. Pour nous, la sensation nous

    apparaît comme étant l’objet « ressenti », mais du point de vue de l’expérience yogique, la

    sensation est « ce qui ressent ». La question est souvent posée : Qui est celui qui fait

    l’expérience? Qui ressent ? Qui est attentif ? Qui est distrait ? Qui est en colère ? Selon la

    vue supérieure de l’Abhidharma, c’est l’esprit qui fait l’expérience du monde, et non le soi.

    Dans le système vipassana du bouddhisme des anciens, on commence à comprendre que ce

    qui fait l’expérience n’est pas le « Je », mais l’esprit. Puis, quand on évolue vers le mahayana

    (mahamoudra), on commence à remettre l’esprit également en question.

    Quand on analyse l’esprit, comme on le fait dans le système du mahamoudra par exemple,

    alors l’esprit aussi cesse d’être ce qui fait l’expérience. Cela devient « juste l’expérience », la

  • 25

    « conscience de base impersonnelle ». Puis, cette conscience de base, quand elle est

    identifiée et analysée avec le pouvoir d’observation de la pleine conscience (qui à ce point

    du raisonnement n’est plus simplement « sati » mais connaissance discriminante), on finit

    par trouver que cette conscience de base est également vide, vide de toute caractéristique

    particulière identifiable.

    La sensation est le résultat karmique d’actions passées. Chaque fois que nous faisons

    l’expérience d’une sensation, qu’elle soit plaisante ou déplaisante, la cause racine de cette

    expérience remonte jusqu’à nos actions (vies) passées. Puisque la cause de l’expérience

    présente (la sensation) est passée depuis longtemps, on ne peut rien faire pour changer le

    cours de cette expérience, cette sensation. Si bien que la sensation selon le bouddhisme

    n’est pas quelque chose à purifier une fois qu’elle est apparue, mais quelque chose à

    contrôler. Qu’est-ce que signifie « contrôler la sensation » ? On contrôle la sensation en

    apprenant à la laisser telle qu’elle est, qu’elle soit plaisante, déplaisante ou neutre ; en ne la

    suivant pas, comme nous le faisons toujours, avec saisie-attachement, aversion ou

    indifférence. C’est en dépendance des sensations plaisantes, déplaisantes et neutres que

    l’attachement, la colère ou l’indifférence se manifestent. En voyant la sensation telle qu’elle

    est, semblable à une bulle d’eau, le méditant s’efforce de ne laisser aucune trace derrière

    lui : pas de trace d’attachement, de colère ou d’indifférence. Le plaisir laisse des traces de

    désir et d’attachement ; le déplaisir laisse des traces d’aversion, d’irritation et puis de

    colère ; tandis que les sensations neutres (quand nous n’y sommes pas attentifs) nous

    rendent confus et désorientés. Aussi, il est conseillé au méditant d’être attentif aux

    sensations de façon à voir clairement leur véritable nature, ou mode d’être : leur nature

    semblable à une bulle d’eau, fragile et éphémère. Les sensations ne font que s’élever et

    passer, en elles-mêmes elles ne produisent aucune trace d’attachement ou de colère. C’est

    notre ignorance (qui perçoit la sensation comme quelque chose qui est ressenti) qui crée la

    tendance habituelle à saisir et à tomber dans la confusion.

    ----------------------------------

    En ce qui concerne la pleine conscience de l’esprit : nous avons l’esprit principal, à savoir les

    consciences visuelle, auditive, olfactive, tactile, gustative et mentale, accompagné des

    « facteurs mentaux ». Les facteurs mentaux accompagnent toujours l’esprit principal, les six

    consciences. Leur fonction est de colorer, ou parfumer, l’expérience. La colère, la

    compassion, l’attention, la pleine conscience, l’intention, la sensation, la foi, etc., sont toutes

    des facteurs mentaux. Elles décident de notre humeur : heureuse, malheureuse ou

    indifférente. Nos humeurs et nos états d’esprit changent en dépendance de ce qu’on appelle

    les facteurs mentaux.

    Comment médite-t-on sur le troisième objet de la pleine conscience ? Comme le dit le

    Bouddha : « Un bhikkhou demeure dans la contemplation de la conscience en conscience. Il

  • 26

    connaît une conscience de concupiscence en tant que conscience de concupiscence, une

    conscience sans concupiscence en tant que conscience sans concupiscence… »

    On est attentif quand un certain état mental est présent et attentif quand cet état mental

    n’est pas présent. On est attentif quand l’état mental de la colère est présent, et attentif

    quand la colère est absente. On sait comment on se sent quand elle est là et comment on se

    sent quand elle n’est pas là. Le méditant connaît plus clairement la nature de tous les états

    mentaux parce qu’il (ou elle) est attentif(ve), non seulement à leur présence, mais aussi à

    leur absence. Comment savons-nous comment on se sent sans la colère si nous ne sommes

    pas attentifs/conscients de son absence? Tel est le moyen de connaître clairement si

    quelque chose est bon ou nuisible pour nous. Il n’est pas suffisant d’être attentif quand la

    colère est présente, il est aussi très important d’être conscient de son absence et de ne pas

    simplement être content de ne pas être en colère.

    La pleine conscience des « objets mentaux » est le quatrième objet de la pleine conscience

    et il y a cinq sujets mais ici nous allons considérer le premier, à savoir les cinq obstacles :

    le désir sensoriel.

    la malveillance (ce qui inclut également la colère, l’aversion et les irritations).

    l’indolence et la torpeur.

    l’agitation et le remords.

    le doute.

    L’indolence et la torpeur comptent pour un seul obstacle bien qu’elles constituent deux

    entraves différentes. C’est parce qu’elles ont la même fonction, la même cause et le même

    opposé. Leur fonction à toutes les deux est de causer la somnolence. Leur cause est la

    paresse et l’apathie, et leur opposé est l’effort.

    L’agitation et le remords comptent aussi pour un seul alors que ce sont deux entraves

    différentes. Ils ont la même fonction, la même cause et le même opposé. La fonction de

    l’agitation et du remords est de causer l’inquiétude, le fait de ne pas avoir l’esprit tranquille.

    La cause aussi est la même, c’est le fait de penser. Par le biais d’un certain processus de

    pensée, on devient agité : quand on pense à la famille, aux gens, aux situations, etc. Le

    remords est aussi causé par les pensées : « Qu’est que j’ai fait ? Je n’aurais pas dû faire

    cela ! », etc. Leur opposé est la tranquillité. En effet le remords et l’agitation sont stoppés

    par la tranquillité.

    Ces obstacles ne s’opposent pas seulement à la quiétude mentale. Ils font tout

    particulièrement obstruction au développement d’états mentaux sains. C’est pour cette

    raison qu’on les appelle des obstacles, ou obstructions. Quand l’esprit est possédé par le

    désir, il est difficile de pratiquer la vertu, il est difficile de faire naître un état d’esprit sain.

    Quand il y a malveillance ou colère, il est difficile de faire naître un état d’esprit salutaire.

    Quand il y a indolence ou torpeur, somnolence, léthargie, lourdeur du corps et de l’esprit, il

  • 27

    est difficile de faire naître un état d’esprit vertueux. Quand il y a agitation et remords, là

    encore, il est très difficile de faire naître un état d’esprit favorable. Et quand s’installe le

    doute, la production d’un état d’esprit positif est encore plus difficile à cause de l’indécision

    et de la confusion.

    Comment gère-t-on ces cinq obstacles ? Il y a deux façons : celle de la méthode

    vipassana/vue supérieure et la méditation analytique conceptuelle. Quand le désir sensoriel

    s’élève, la première chose à faire est d’être attentif/conscient. « Il y a du désir sensoriel en

    moi, mon esprit est accompagné par le désir sensoriel. » On est attentif, on ne s’implique

    pas, on reste en retrait. Il peut passer, et on en est conscient quand il passe. Quand le désir

    est passé, on en est conscient : « il n’y a pas de désir sensoriel en moi. »

    Mais si le désir est encore là, alors il y a six façons de s’y prendre. Pour chacun des cinq

    obstacles, il y a six façons de le gérer.

    En ce qui concerne le désir sensoriel, la première façon est la contemplation de la laideur du

    corps. En contemplant la laideur du corps, le désir sensoriel peut se dissiper. Si, suite à cette

    contemplation, le désir passe, on en prend note : le désir est passé. « Il n’y a pas de désir en

    moi. »

    La seconde consiste à contempler la laideur du corps jusqu’à atteindre l’absorption. Quand

    cela se produit, on en est conscient : « Maintenant il n’y a pas de désir sensoriel en moi ».

    Cela aura lieu bien sûr une fois que l’on sera sorti de l’absorption.

    La troisième consiste à contrôler les portes des sens. En contrôlant les sens, le désir peut

    être réduit. Quand cela se produit, on en est conscient. Contrôler, ou réfréner, est une autre

    façon de réduire et d’apaiser le désir.

    La quatrième est la modération à l’égard de la nourriture. La nourriture est un très puissant

    objet d’attachement, si bien que la modération à l’égard de la nourriture concourt à

    contrôler le désir. Tout particulièrement en retraite. En retraite, on pratique la retenue : pas

    de conversations, de musique, de distraction, etc., mais on peut manger. Si bien que tous

    nos désirs convergent vers la nourriture. En retraite, on ne mange pas seulement de la

    nourriture. On « mange » aussi des sons, des objets du toucher, de la vue, etc… D’abord

    nous mettons dans l’assiette la nourriture proprement dite, puis le remplacement des sons,

    des objets visuels, de la conversation et de toutes ces autres choses qui manquent. Alors

    l’assiette devient comme le mont Mérou avec ses quatre continents !

    La cinquième consiste à s’associer avec un ami du Dharma, un/une « bon/ne ami/e ». Des

    personnes qui ont une bonne discipline, qui n’ont pas beaucoup de désirs. Cela peut avoir

    une influence sur l’apaisement du désir. Quand, suite à cela, le désir se dissipe, on en est

    conscient.

    La sixième est une conversation appropriée. Cela signifie par exemple échanger au sujet des

    bienfaits de réfréner les sens.

    La malveillance

    Ici aussi, il y a six façons qui concourent à apaiser la colère par la méditation analytique

    conceptuelle :

  • 28

    On commence toujours par essayer l’approche vipassana/vue supérieure : l’attention nue à

    l’expérience, à savoir la colère. En ne s’y engageant pas, la colère peut se dissiper, et ainsi on

    est conscient de sa nature transitoire.

    La première méditation analytique est la méditation sur l’amour bienveillant, metta. Metta,

    ou maitri, signifie en fait bienveillance. Normalement, nous utilisons le mot amour pour

    parler de quelque chose que nous voulons. Au lieu de dire « je veux cette chose », nous

    disons « j’aime cette chose ». Ainsi le mot amour est fortement relié au fait de vouloir

    quelque chose plutôt qu’au fait de donner. La signification correcte est bienveillance, mais

    nous utilisons quand même le mot « amour » afin de ne pas créer trop de confusion dans

    l’esprit de ceux qui sont des disciples fidèles de certains talk-shows de l’après-midi.

    L’objet de l’amour est le bonheur, le fait de souhaiter que les autres soient heureux. L’esprit

    a besoin d’un grand nombre de conditions pour être en colère, mais la plus importante, c’est

    le mécontentement. Nous sommes des proies faciles pour la colère quand nous sommes

    malheureux. C’est pourquoi l’amour n’est pas en réalité l’antidote à la colère mais l’antidote

    au malheur.

    La deuxième consiste à pratiquer la méditation de l’amour bienveillant jusqu’à atteindre

    l’état de jhana/d’absorption.

    La troisième est la réflexion sur le karma en tant que nous appartenant en propre. Quand

    nous sommes l’objet de maltraitance par exemple, une maltraitance verbale, une critique,

    qui nous fait mal, qui cause une sensation déplaisante, nous nous mettons immédiatement

    en colère contre cette personne. Comme nous l’avons déjà vu, la sensation est le résultat de

    nos propres actions passées. La cause directe de la douleur dont nous faisons l’expérience

    quand nous recevons ces paroles blessantes n’est donc pas vraiment le mot dur (qui n’est

    que la condition) mais la sensation déplaisante. Alors, contre qui devrions-nous être en

    colère ? On peut mener des réflexions dans ce sens et cela peut aider à apaiser la colère.

    La quatrième consiste à réfléchir aux inconvénients de la colère et aux bienfaits de l’amour.

    La cinquième consiste à s’associer avec des personnes patientes qui sont pleines de retenue,

    d’amour et de compassion.

    La sixième est la « conversation appropriée », conversation sur les bienfaits de l’amour et de

    la patience. Suite à l’association avec certaines personnes, la colère peut aussi se dissiper.

    Echanger sur les bienfaits de la patience et de l’amour peut donc aider à apaiser la colère et,

    quand cela se produit, on est conscient de la dissipation de la colère.

    L’indolence et la torpeur

    Ici, la première méthode est la modération à l’égard de la nourriture. La toute première

    chose que le Bouddha a enseignée c’est la voie médiane, libre des deux extrêmes : le laisser-

    aller et la mortification. Ainsi manger exagérément entraîne la léthargie accompagnée de

    lourdeur du corps et de l’esprit. Tandis qu’en ne mangeant pas suffisamment, on peut causer

    un déséquilibre dans les vents d’énergie, appelé loung. La voie médiane est donc la

    modération à l’égard de la nourriture. Quand, suite à la pratique de la modération, vous

    remarquez une diminution de la léthargie, vous êtes attentif/conscient de cela.

  • 29

    La seconde méthode consiste à modifier la posture. Cela sera possible bien sûr si vous faites

    une retraite chez vous tout seul ou dans un type de retraite de groupe qui permet cela.

    Autrement, cela peut s’avérer dérangeant pour l’autre méditant. Tout d’abord, comme je l’ai

    dit ci-dessus, vous essayez d’être attentif à la léthargie elle-même et il se peut que vous la

    voyiez se dissiper. Si cela ne marche pas, si vous êtes en difficulté, alors vous pouvez (en

    toute conscience) changer votre posture.

    La troisième est de rester dans un lieu ouvert, de marcher ou de s’asseoir dans un espace

    ouvert.

    La quatrième consiste à visualiser une lumière brillante.

    La cinquième consiste à s’associer avec des amis du dharma pleins d’enthousiasme.

    La sixième est la conversation appropriée, sur les défauts de la paresse ou de l’indolence et

    les qualités de l’effort.

    L’agitation et le remords

    Ces deux obstacles sont aussi des phénomènes impermanents et transitoires. Dans la

    méditation, ils peuvent donc s’élever et, en pratiquant la pleine conscience/attention, vous

    pouvez les voir se dissiper. Dans ce cas, vous faites appel à la méthode vipassana de la vue

    supérieure.

    Si l’on fait appel à d’autres méthodes hors vipassana, la première consiste à étudier le

    Dharma.

    La seconde à savoir ce qu’il faut abandonner et ce qu’il faut pratiquer.

    La troisième à connaître les règles et les préceptes. Cela est particulièrement important pour

    les personnes ordonnées, le fait de connaître les vœux. Il est très important de connaître les

    règles et les vœux parce que le remords s’élève quand on les enfreint.

    La quatrième consiste à s’associer avec des personnes bien disciplinées, ayant une bonne

    moralité (shila).

    La cinquième consiste à avoir « un bon ami ».

    La sixième est la conversation appropriée sur les qualités de la tranquillité et les

    inconvénients de l’agitation.

    Le doute

    Le dernier obstacle est le doute. Avec le doute, c’est la même chose, quelle que soit

    l’importance de votre confusion, vous commencez par diriger votre pleine conscience vers le

    doute lui-même. Il peut se dissiper et vous en êtes conscient. Normalement nous essayons

    de mettre fin au doute et à la confusion en réfléchissant à ceci et cela alors que l’on est dans

    la confusion ! Ce n’est pas très malin. D’abord attendez, cela peut passer. En disant cela, on

    ne veut pas dire que le doute est balayé. Cela enlève simplement la confusion et crée un peu

    d’espace pour considérer le sujet avec un esprit plus clair par la suite.

    Dans l’autre approche, qu’est-ce qui va prévenir les doutes ? D’abord, l’étude. Plus on sait de

    choses, moins on a de doutes.

  • 30

    La seconde méthode est de se renseigner sur les Trois Joyaux. Il y a beaucoup de sources de

    doute. Mais dans ce contexte, le doute concerne particulièrement les Trois Joyaux. Voilà

    pourquoi il est important de connaître les qualités des Trois Joyaux.

    La troisième consiste à connaître les préceptes, à étudier les préceptes. Ici encore, on est

    dans le contexte de personnes ordonnées.

    La quatrième est la foi/confiance, car quand elle est là, le doute est absent. Le doute est

    l’opposé de la foi.

    La cinquième est le fait d’avoir « un bon ami ».

    La sixième est la conversation appropriée, des échanges qui concourent à éliminer les

    doutes.

    Tels sont les trente sujets, ou branches, des cinq obstacles.

    Traduction française : Brigitte Lucas et Vénérable Ngeunga, Institut Vajra Yogini, Juin-Juillet 2014.