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1 L’ARTICLE 327 DU CODE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE: L'ÉTAT DU DROIT Michel Lalande j.c.m. Formation dispensée à l'Association des procureurs de Cours municipales du Québec St-Hyacinthe 13 juin 2014

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L’ARTICLE 327 DU CODE DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE:

L'ÉTAT DU DROIT

Michel Lalande j.c.m.

Formation dispensée à l'Association des procureurs de Cours municipales du Québec

St-Hyacinthe

13 juin 2014

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L'état du droit en ce qui concerne l'article 327 du Code de la sécurité routière? Stabilité! Mais possibles bouleversements à l’horizon.

Comme vous serez vous-même en mesure de le constater, la jurisprudence est relativement stable en ce qui concerne les paramètres de l'infraction de conduite ou vitesse imprudente de l'article 327 du C.s.r.

Mon propos n’est donc pas uniquement de vous dresser un portait des caractéristiques de cette infraction en faisant le tour de la jurisprudence sur la question mais aussi d’alimenter la discussion à l’égard de certains éléments qui pourraient bien faire prochainement l’objet d’arguments devant nos tribunaux.

Pour bien cerner l'infraction de l'article 327 C.s.r., il faut l'analyser en parallèle avec les infractions criminelles des articles 219 et 249 du C. cr., soit la négligence criminelle et la conduite dangereuse, car l’histoire nous montre que ces infractions ont évoluées les unes par rapport aux autres.

Je me propose donc, dans une première étape, de faire un peu d’histoire puis, par la suite, de vous dresser un portait global de ce que constitue la vitesse ou la conduite imprudente au sens de l'article 327 du C.s.r. en la comparant avec les dispositions du Code criminel.

Mais d’abord un peu d’histoire pour bien située notre infraction.

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I HISTORIQUE

Avant 1938, certaines législatures provinciales avaient adoptées des dispositions régissant la «conduite imprudente» des véhicules routiers. Il s’agissait de ce que l’on appelle le «careless driving».

L’Ontario en était un bel exemple avec l’article 27 du Highway Traffic Act qui se lisait comme suit :

Every person who drives a motor vehicle on a highway without due care and attention or without reasonable consideration for other persons using the highway shall be guilty of an offence and shall be liable in the case of the first offence to a penalty of not less than $5 and not exceeding $50, and in the case of a second or subsequent offence, within one year of the commission of the first offence, to a penalty of not less than $10 and not exceeding $100, or to imprisonment for a term not exceeding one month.(Mon souligné)

En 1938, le législateur fédéral introduit au Code criminel l’article 285(6) constitutif de l’infraction de conduite dangereuse :

Art. 285 (6) Everyone who drives a motor vehicle on a street, road, highway or other public place recklessly, or in a manner which is dangerous to the public, having regard to all the circumstances of the case, including the nature, condition, and use of the street, road, highway or place, and the amount of traffic which is actually at the time, or which might reasonably be expected to be, on such street, road, highway or place, shall be guilty of an offence and liable

(a) upon indictment to imprisonment for a term not exceeding two years or to a fine not exceeding one thousand dollars or to both such imprisonment and fine; or

(b) on summary conviction to imprisonment for a term not exceeding three months or to a fine not exceeding one hundred dollars or to both such imprisonment and fine.

En 1944, les législations provinciales, du type de celle de l’Ontario, semblaient donc faire donc double emploi et la Cour suprême, dans l’arrêt McLean c. Pettigrew 1, fait la distinction entre l’infraction de conduite dangereuse du Code criminel et celle de «careless driving» de la législation de l’Ontario. Le juge Taschereau s’exprime comme suit :

1 [1945] RCS 62

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Il ne faudrait pas confondre l'article 27 du Highway Traffic Act avec les dispositions du paragraphe 6 de l'article 285 du Code Criminel. Jusqu'en 1939, le Highway Traffic Act contenait un article rédigé à peu près dans les termes que l'on trouve maintenant au paragraphe 6 de l'article 285 du Code Criminel, et par conséquent, ce que l'on est convenu d'appeler le "reckless driving" n'était pas une offense créée par l'autorité fédérale, mais bien par l'autorité provinciale.

En 1938, cependant, le Code Criminel a incorporé dans l'article 285 des dispositions relatives au "reckless driving" de sorte que cette offense est devenue une offense criminelle. Elle consiste, comme on le sait, à conduire sur une route publique un véhicule à moteur d'une "façon insensée ou d'une manière dangereuse pour le public", eu égard à toutes les circonstances, y compris la nature, l'état et l'utilisation du chemin.

En 1939, la législature d'Ontario a en conséquence rappelé sa propre loi, devenue inopérante par suite de la législation fédérale, et lui a substitué l'offense prévue à l'article 27 du Highway Traffic Act, que l'on appelle communément le "careless driving".

Il ne fait pas de doute que le degré de négligence dont il faut faire preuve pour se rendre coupable en vertu des dispositions du Code Criminel, 285, paragraphe 6, est de beaucoup supérieur au degré de négligence qu'il est nécessaire de prouver, pour que l'acte soit punissable sous la loi provinciale où seul, le manque de soin voulu et d'attention constitue l'offense.2

En 1955, lors de la révision du Code criminel, le législateur fédéral ne reproduit pas l’infraction de conduite dangereuse mais crée plutôt celle de la négligence criminelle, à l’article 221 du Code.

En 1960, la Cour suprême juge, dans l’arrêt O'Grady c. Sparling 3 que les législations provinciales relatives à la conduite imprudente sont intra vires et n’entrent pas en conflit avec la négligence criminelle du Code criminel, les premières concernant la «négligence inattentive» alors que la seconde vise plutôt la «négligence intentionnelle» :

The Criminal Code confines its definition of crime in ss. 191(1) and 221(1) to a certain kind of conduct. This is not the kind of conduct referred to in the provincial legislation, nor is the provincial legislation dealing with another degree of the same kind of conduct aimed at by the Criminal Code.

What the Parliament of Canada has done is to define "advertent negligence" as a crime under ss. 191(1) and 221(1). It has not touched "inadvertent negligence". Inadvertent negligence is dealt with under

2 Op.cit., note 1, pages 78 et 79

3 [1960] R.C.S. 804

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the provincial legislation in relation to the regulation of highway traffic. That is its true character and until Parliament chooses to define it in the Criminal Code as "crime", it is not crime. (…)

My conclusion is that s. 55(1) of the Manitoba Highway Traffic Act has for its true object, purpose, nature or character the regulation and control of traffic on highways and that, therefore, it is valid provincial legislation.

Nor do I think that it can be said to be inoperative because it is in conflict with s. 221 of the Criminal Code. There is no conflict between these provisions in the sense that they are repugnant. The provisions deal with different subject-matters and are for different purposes. Section 55(1) is highway legislation dealing with regulation and control of traffic on highways, and s. 221 is criminal law dealing with negligence of the character defined in the section. Even though the circumstances of a particular case may be within the scope of both provisions (and in that sense there may be an overlapping) that does not mean that there is conflict so that the Court must conclude that the provincial enactment is suspended or inoperative; McColl v. Canadian Pacific Railway Company10, per Duff J. There is no conflict or repugnancy between s. 55(1) of the Manitoba Highway Traffic Act and s. 221 of the Criminal Code. Both provisions can live together and operate concurrently.

En 1961, le législateur fédéral réintroduit l’infraction de conduite dangereuse, à l’article 221 (4) du C.cr., distincte de l’infraction de négligence criminelle.

En 1966, dans l’arrêt Mann c. R.4, la Cour suprême décide que l’infraction criminelle de conduite dangereuse est distincte de celle de conduite imprudente de la législation de l’Ontario et ne la rend pas inopérante.

En 1993, par l’arrêt R. c. Hundal5, la Cour suprême mentionne que pour l’infraction criminelle de conduite dangereuse, on doit appliquer un critère objectif modifié, le test étant celui de l’écart marqué de conduite. Le juge Cory mentionne ce qui suit aux pages 886 et 888 :

À mon avis, exiger la présence d’un élément moral subjectif pour les infractions en matière de conduite automobile serait nier la réalité.  N’oublions pas, je l’ai très souvent dit d’ailleurs, que la conduite d’un véhicule automobile a un caractère automatique et ne comporte que peu de réflexion consciente.  Il ne convient simplement pas d’appliquer un

4 1966 RCS 238

5 [1993] 1 RCS 876

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critère subjectif pour déterminer si un accusé s’est rendu coupable de conduite dangereuse.

Quoiqu’il faille appliquer un critère objectif à l’infraction de conduite dangereuse, il sera tout de même loisible à l’accusé de faire naître un doute raisonnable quant à savoir si une personne raisonnable aurait été consciente des risques inhérents à son comportement.  Une certaine souplesse s’impose dans l’application du critère.  En d’autres termes, le critère objectif est à appliquer non pas dans l’abstrait mais dans le contexte des événements entourant l’incident en question. (…)

Il s’ensuit donc que le juge des faits peut conclure à la culpabilité s’il est convaincu hors de tout doute raisonnable que, du point de vue objectif, l’accusé, pour reprendre les termes de l’article en cause, conduisait «d’une façon dangereuse pour le public, compte tenu de toutes les circonstances y compris la nature et l’état de cet endroit, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible à cet endroit».   En faisant l’appréciation, le juge des faits doit être convaincu qu’il s’agit d’un comportement qui représentait un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la situation de l’accusé.

En 2008, dans l’arrêt R. c. Beatty6, la Cour suprême reformule le critère objectif modifié de l’arrêt Hundal. La juge Charron mentionne :

[35]   Dans le cadre du droit civil, il importe peu de savoir dans quelle mesure le conducteur n’a pas respecté la norme de diligence raisonnable exigée par la loi.  En effet, l’étendue de sa responsabilité ne dépend pas du degré de négligence, mais de l’étendue des dommages causés.  Par ailleurs, l’état mental (ou l’absence d’état mental) de l’auteur du délit est sans importance, sauf à l’égard des dommages punitifs.  Dans le cadre du droit criminel, en revanche, il faut tenir compte de l’état mental du conducteur, parce qu’il est contraire aux principes fondamentaux de justice pénale de punir une personne innocente.  Le degré de négligence constitue la question déterminante, parce que la faute criminelle doit être fondée sur un comportement qui mérite d’être puni.

[36]    Pour cette raison, le critère objectif — tel qu’il a été modifié pour tenir compte du contexte du droit criminel — exige la preuve d’un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les circonstances. Comme nous l’avons vu, ce n’est que lorsqu’il y a un écart marqué par rapport à la norme que le comportement

6 [2008] 1 RCS 49

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objectivement dangereux s’avère suffisamment blâmable pour justifier une conclusion de responsabilité pénale.  Lorsqu’il y a un tel écart, l’acte de la conduite dangereuse est alors concomitant avec la présence d’une mens rea suffisante et l’infraction est établie.  La Cour a toutefois apporté une seconde modification au critère objectif — l’autorisation des moyens de défense disculpatoires.

[43]   Comme nous l’avons vu, la mens rea requise à l’égard de l’infraction de conduite dangereuse était la seule question dont la Cour était saisie dans Hundal, et c’est dans ce contexte que le critère a été énoncé.  Il pourrait s’avérer utile, pour dissiper les incertitudes que je viens d’évoquer, de reformuler les grandes lignes du critère sous l’angle à la fois de l’actus reus et de la mens rea de l’infraction.  Je ne peux malheureusement souscrire à l’opinion de la Juge en chef selon laquelle le critère de détermination de l’actus reus se définit en termes d’écart marqué par rapport à la façon normale de conduire (par. 67).  L’actus reus doit plutôt être défini au moyen des termes du texte de loi pertinent.  Il va de soi que l’existence d’une conduite qui est jugée par le tribunal constituer un écart marqué par rapport à la norme demeure nécessaire pour établir l’infraction, car seule cette preuve permettra d’étayer la conclusion que l’accusé a agi avec le degré de culpabilité morale suffisant, en d’autres mots avec la mens rea requise, pour justifier une déclaration de culpabilité.  De plus, il est sans doute opportun de se rappeler que, bien que le critère objectif modifié suppose une appréciation objective de la façon de conduire de l’accusé, la preuve relative à l’état d’esprit véritable de ce dernier, si une telle preuve existe, peut elle aussi s’avérer pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer la présence d’une mens rea suffisante.  Je reformulerais donc le critère reproduit ci-haut comme suit :

a)  L’actus reus

Le juge des faits doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que, du point de vue objectif, l’accusé, suivant les termes de la disposition concernée, conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu ».

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b)  La mens rea

Le juge des faits doit également être convaincu, hors de tout doute raisonnable, que le comportement objectivement dangereux de l’accusé était accompagné de la mens rea requise.  Dans son appréciation, le juge des faits doit être convaincu, à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris la preuve relative à l’état d’esprit véritable de l’accusé, si une telle preuve existe, que le comportement en cause constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé.  En outre, si l’accusé offre une explication, il faut alors, pour qu’il y ait déclaration de culpabilité, que le juge des faits soit convaincu qu’une personne raisonnable dans des circonstances analogues aurait dû être consciente du risque et du danger inhérents au comportement de l’accusé.

En 2012, dans l’arrêt R. c. Roy7, la Cour suprême vient préciser certains aspects de l’arrêt Beatty :

[1]                              La conduite dangereuse ayant causé la mort est une infraction criminelle grave punissable d’un emprisonnement maximal de 14 ans.  Comme toute infraction criminelle, elle est constituée de deux éléments : un comportement prohibé — la conduite d’un véhicule à moteur de façon dangereuse causant ainsi la mort — et un degré de faute requis — un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les circonstances.  L’élément de faute est critique, car il fournit l’assurance qu’une sanction pénale n’est imposée qu’aux seules personnes ayant mérité le stigmate d’une déclaration de culpabilité criminelle.  Alors qu’un simple écart par rapport à la norme de diligence suffit à engager la responsabilité civile, seul un écart marqué satisfait à l’exigence de faute de cette infraction criminelle grave.

2]                              Définir et appliquer cet élément de faute est une tâche importante qui pose un défi de taille en raison du danger inhérent à la conduite d’un véhicule.  Même la simple imprudence peut entraîner des conséquences tragiques et les juges et les jurés peuvent alors succomber à la tentation d’appliquer indûment le droit pénal à la personne imprudente qui les a

7 2012 CSC 26

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causées.  Néanmoins, comme notre Cour l’a exprimé dans l’arrêt R. c. Beatty, 2008 CSC 5 (CanLII), 2008 CSC 5, [2008] 1 R.C.S. 49, par. 34, « [s]’il faut considérer comme une infraction criminelle chaque écart par rapport à la norme civile, quelle qu’en soit la gravité, on risque de ratisser trop large et de qualifier de criminelles des personnes qui en réalité ne sont pas moralement blâmables ».  Il est essentiel de prêter une attention particulière à l’élément de faute de l’infraction si nous voulons éviter de qualifier de criminelle une personne ayant simplement agi de façon imprudente.

[34]                          Pour déterminer si l’actus reus a été établi, il faut déterminer si la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public dans les circonstances.  L’enquête doit être axée sur les risques créés par la façon de conduire de l’accusé, et non sur les conséquences, comme un accident dans lequel il aurait été impliqué.  Comme l’a déclaré la juge Charron au par. 46 de Beatty, « [l]e tribunal ne doit pas tirer de conclusion hâtive au sujet de la façon de conduire en se fondant sur la conséquence.  Il doit procéder à un examen sérieux de la façon de conduire » (je souligne).  Une façon de conduire peut à juste titre être qualifiée de dangereuse lorsqu’elle met en danger le public.  L’élément pertinent, c’est le risque de dommage ou de préjudice qu’engendre la façon de conduire, non les conséquences d’un accident ultérieur.  Dans cet examen portant sur la façon de conduire, il importe de se rappeler que la conduite est une activité fondamentalement dangereuse, mais elle n’en est pas moins une activité légale dotée d’une valeur sociale (Beatty, par. 31 et 34).  Les accidents résultant de la matérialisation des risques inhérents à la conduite d’un véhicule ne devraient habituellement pas entraîner des déclarations de culpabilité.

[35]                          En résumé, l’analyse relative à l’actus reus de l’infraction doit porter sur la façon de conduire le véhicule à moteur.  Le juge des faits ne doit pas simplement tirer de conclusions sur la façon dangereuse de conduire en se fondant sur les conséquences.  Il doit procéder à un examen sérieux de la façon de conduire.

[36]                          L’analyse relative à la mens rea doit être centrée sur la question de savoir si la façon dangereuse de conduire résultait d’un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation (Beatty, par. 48).  Il est utile d’aborder le sujet

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en posant deux questions.  La première est de savoir si, compte tenu de tous les éléments de preuve pertinents, une personne raisonnable aurait prévu le risque et pris les mesures pour l’éviter si possible.  Le cas échéant, la deuxième question est de savoir si l’omission de l’accusé de prévoir le risque et de prendre les mesures pour l’éviter si possible constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé.

[37]                          La simple imprudence que même les conducteurs les plus prudents peuvent à l’occasion commettre n’est généralement pas criminelle.  Tel qu’indiqué précédemment, la juge Charron a formulé ainsi cette idée au nom des juges majoritaires dans l’arrêt Beatty : « [s]’il faut considérer comme une infraction criminelle chaque écart par rapport à la norme civile, quelle qu’en soit la gravité, on risque de ratisser trop large et de qualifier de criminelles des personnes qui en réalité ne sont pas moralement blâmables » (par. 34).  La Juge en chef a exprimé un point de vue semblable : « même les bons conducteurs ont à l’occasion des moments d’inattention qui peuvent, selon les circonstances, engager leur responsabilité civile ou donner lieu à une condamnation pour conduite imprudente.  Mais en général, ces moments d’inattention ne vont pas jusqu’à l’écart marqué requis pour justifier une déclaration de culpabilité pour conduite dangereuse » (par. 71).

[38]                          L’exigence minimale en matière de faute réside dans l’écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation — un critère objectif modifié.  L’application de ce critère objectif modifié signifie que, bien que la personne raisonnable soit placée dans la situation de l’accusé, la preuve des qualités personnelles de l’accusé (telles que son âge, son expérience et son niveau d’instruction) n’est pas pertinente, sauf si elles visent son incapacité d’apprécier ou d’éviter le risque (par. 40).  Certes, la preuve d’une mens rea subjective — c’est-à-dire, conduire délibérément de façon dangereuse — justifierait une déclaration de culpabilité pour conduite dangereuse, mais cette preuve n’est pas requise (la juge Charron, par. 47; voir aussi la juge en chef McLachlin, par. 74-75, et le juge Fish, par. 86).

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[39]                          Des inférences tirées à partir de l’ensemble des circonstances permettront généralement de déterminer si la faute a été prouvée.  Comme l’a dit la juge Charron dans Beatty, le juge des faits doit examiner la totalité de la preuve, y compris les éléments de preuve relatifs à l’état d’esprit véritable de l’accusé (par. 43). 

[40]                          De façon générale, l’existence de la mens rea objective requise peut s’inférer du fait que l’accusé a conduit d’une façon qui constituait un écart marqué par rapport à la norme.  Toutefois, même si la façon de conduire constitue un écart marqué par rapport à une façon de conduire normale, le juge des faits doit examiner toutes les circonstances pour déterminer s’il convient de conclure, de la façon de conduire, à la présence d’un tel comportement de l’accusé.  La preuve peut soulever un doute sur la question de savoir s’il convient, dans un cas en particulier, d’inférer de la façon de conduire un écart marqué par rapport à la norme de diligence.  La prémisse sous-jacente permettant de conclure à une faute en raison d’une façon de conduire objectivement dangereuse constituant un écart marqué par rapport à la norme est qu’une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé aurait été consciente du risque créé par la façon de conduire en cause, et elle ne se serait pas livrée à l’activité : Beatty, par. 37.

[41]                          En d’autres termes, il faut se demander si la façon de conduire qui constitue un écart marqué par rapport à la norme compte tenu de toutes les circonstances permet de conclure que la façon de conduire résultait d’un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’aurait respectée une personne raisonnable dans la même situation.

[42]                          La façon de conduire qui, d’un point de vue objectif, est simplement dangereuse ne permettra pas à elle seule de conclure qu’elle constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation (la juge Charron, par. 49; voir aussi la juge en chef McLachlin, par. 66, et le juge Fish, par. 88).  Autrement dit, la preuve de l’actus reus de l’infraction ne permet pas, à elle seule, de conclure raisonnablement à l’existence de l’élément de faute requis.  La conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme est le seul facteur qui peut étayer raisonnablement cette conclusion.

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II LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

L’article 327 du C.s.r. se lit comme suit :

327. Toute vitesse ou toute action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété est prohibée.

En outre des chemins publics, le présent article s’applique sur les chemins soumis à l’administration du ministère des Ressources naturelles et de la Faune ou entretenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler.

Comme notre analyse sera comparative avec certaines dispositions du Code criminel, il est utile de reproduire l’article 249 (1) :

249. (1) Commet une infraction quiconque conduit, selon le cas  :

a) un véhicule à moteur d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu ;

b) un bateau ou des skis nautiques, une planche de surf, un aquaplane ou autre objet remorqué sur les eaux intérieures ou la mer territoriale du Canada ou au-dessus de ces eaux ou de cette mer d’une manière dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état de ces eaux ou de cette mer et l’usage qui, au moment considéré, en est ou pourrait raisonnablement en être fait ;

c) un aéronef d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état de cet aéronef, ou l’endroit ou l’espace dans lequel il est conduit ;

d) du matériel ferroviaire d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du matériel ou l’endroit dans lequel il est conduit.

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L’article 327 à également son pendant dans la Loi sur les véhicules hors route   :

36. Sont interdits, dans l'utilisation d'un véhicule hors route, d'un traîneau ou d'une remorque tiré par un tel véhicule, toute vitesse et tout acte susceptibles de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou d'endommager la propriété.

III LE CHAMP D’APPLICATION

Le champ d’application de l’article 327 du C.s.r. doit être envisagé tant sous l’angle du lieu que sous celui de la personne.

3.1 Le lieu :

Le second alinéa de l’article 327 précise son champ d’application en termes de lieux :

a) les chemins publics :

b) les chemins administrés ou entretenus par le ministère des Richesses naturelles et de la Faune :

c) les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ;

d) les terrains des centres commerciaux ;

e) les terrains où le public est autorisé à circuler.

J’attire votre attention sur deux décisions quant aux lieux d’application de l’article 327 :

« Ville de Saint-Bruno c. Boulanger » 8 ,

[4]           La preuve de la poursuite a révélé que le défendeur a fait des manœuvres d’accélération et de dérapage en demi-cercle, entrecoupées d’arrêts dans le stationnement d’un magasin Home-Depot sur la chaussée enneigée, pendant plus ou moins une

8 2012 QCCS 5849

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minute, à une distance de cinq à dix mètres des véhicules stationnés et des lampadaires.

[7]  Le Tribunal est entièrement d’accord avec les prétentions de l’appelante qui écrit dans ses notes et autorités que :

39.   Il est vrai que la jurisprudence rendue sous l’article 1 du Code de la sécurité routière est à l’effet que le terrain de stationnement d’un centre commercial n’est pas un chemin public, le législateur distinguant entre chemin public et terrain de centre commercial dans le texte même de la loi ;

40.   Or, l’article 1 du Code de la sécurité routière ne limite pas son application qu’aux chemins publics :

Le présent code régit l’utilisation des véhicules sur les chemins publics et, dans les cas mentionnés, sur certains chemins et terrains privés ainsi que la circulation des piétons sur les chemins publics.

41.   L’article 327 du Code est justement l’un des « cas mentionnés » auquel le législateur fait référence à l’article 1, le deuxième alinéa de cet article prévoyant spécifiquement :

En outre des chemins publics, le présent article s’applique sur les chemins soumis à l’administration des Ressources naturelles et de la Faune ou entrenus par celui-ci, sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler ;

[8]   Le Tribunal est d’avis que le juge de première instance a ignoré le deuxième alinéa de l’article 327 en prononçant son jugement. De fait, l’article 327 du Code de la sécurité routière s’applique sur les terrains des centres d’achats ou autres terrains où le public est autorisé à circuler comme, par exemple, le stationnement du magasin Home-Depot.

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«Procureur général du Québec c. Daoust»9. Dans cette affaire un constat d’infraction reprochait au défendeur d’avoir, sur un terrain où le public est autorisé à circuler, commis une action susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou de la propriété.

Comme la preuve révélait que l’action en question s’était produite à l’entrée du pont Champlain, là où se trouvait autrefois le poste de péage, le défendeur a été acquitté considérant qu’il s’agit d’un «accotement» et non de voies de circulation ou d’un terrain où le public est autorisé à circuler.

Bien que l’accotement fasse partie du chemin public, il ne s’agit pas d’un «terrain où le public est autorisé à circuler».

[19]  Cela étant dit, examinons maintenant la portée de l’article 327 du Code. On reproche à la défenderesse d’avoir commis une action imprudente, non pas sur un chemin public, mais plutôt sur un terrain où le public est autorisé à circuler. À l’instar de quelques autres articles du Code, l’article 327 s’applique en effet « sur les chemins privés ouverts à la circulation publique des véhicules routiers ainsi que sur les terrains de centres commerciaux et autres terrains où le public est autorisé à circuler. »

[20]   Or, si la défenderesse a commis une action imprudente, il est difficile de soutenir qu’elle l’a commise sur un terrain où le public est autorisé à circuler.

Cette décision est également intéressante sous l’angle de la particularisation d’une dénonciation : Ici, l’acquittement découle directement de la particularisation du constat. Qu’en aurait-il été si le constat avait simplement reproché la commission d’une action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou des biens ?

3.2 Les personnes :

Le champ d’application doit également être analysé en fonction des personnes qui sont visées par l’article 327 du C.s.r.

L’article 327 vise essentiellement la conduite d’un véhicule. Il se trouve à la sous-section 2, «limites de vitesse et distance entre les véhicules», de la section I, «Règles de conduite des véhicules, du chapitre II, «Dispositions générales concernant la circulation des véhicules», du Titre VIII, «Règles de circulation routière». Son emplacement suggère donc qu'il vise le conducteur d'un véhicule10 ou, à tout le moins, une personne qui exerce un certain contrôle sur la conduite du véhicule11.9 C.Q. Montréal, no. 500-61-172616-030, 2005 CanLII 48218 (QC CQ)

10 Directeur des poursuites publiques c. Medhat, 2007 QCCQ 13275 (JPM Benoit)

11 Ville de Boisbriand c. Beaudoin, C.M. Boisbriand, no. no. 0070536, 4 février 2004, Juge André Hotte; Ville de Laval c. Poirier-Laframboise, 2006 QCCM 233, Juge Yves Fournier; Municipalité de Rawdon c. Sauvé, C.M. MRC Matawinie, 2010 QCCM 9, Juge Michel Lalande

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« Bélanger c. Reine » , 12

«Si une personne conduit sur une grande route un véhicule automobile avec prudence et conformément à la loi, et que quelqu’un d’autre fait brusquement dévier le véhicule d’une façon dangereuse pour le public, celui qui crée la situation en prenant physiquement la direction du véhicule tombe, d’après moi, sous le coup des dispositions de l’art. 221(4), comme étant celui dont les agissements sont la cause de la conduite dangereuse.

En réalité, c’est parce que l’appelant s’est délibérément saisi du volant et a enlevé la direction du véhicule des mains de l’agent de police, que la voiture de patrouille est passée de sa voie à la voie réservée aux véhicules venant en sens inverse. Dans ces circonstances, en toute déférence pour ceux qui sont de l’avis contraire, je suis d’avis que pendant les quelques instants où l’appelant a pris la direction il était le seul responsable de la conduite dangereuse de la voiture de patrouille, et qu’il était à ce moment quelqu’un qui «conduit un véhicule à moteur dans… une grande route… de façon dangereuse pour le public…» au sens ordinaire et courant que ces mots ont à l’art. 221(4) du Code criminel.»13

« Ville de Montréal c. Devgan » 14

[3]           À la rue Bishop, ils croisent un véhicule automobile qui circule, avec d’autres véhicules automobiles sur le boulevard René-Levesque en direction ouest, à environ 50 km/h. Il constate que le passager avant et les deux passagers arrière sont assis sur le bord des portes, le haut du corps complètement sorti hors de l’auto et ils crient avec les mains en l’air.

[10]        L’infraction à l’article 327 du Code de la sécurité routière peut être commise  par un passager si celui-ci a un certain contrôle sur le véhicule automobile.

12 [1970] RCS 567

13 Bélanger c. R, Op.cit note 12, page 576 (Juge Ritchie)

14 2012 QCCM 61

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 [11]        L’analyse de l’ensemble de la preuve ne démontre pas que le défendeur, passager arrière dans le véhicule automobile qui est conduit par son frère, avait un certain contrôle sur ledit véhicule automobile.

« Ville de Laval c. Élie » 15

[27]    Tout individu qui intervient directement dans la conduite d’un véhicule en mouvement alors qu’un conducteur y prend place pose un geste potentiellement très dangereux.

[28]      Conduire à quatre (4) mains sur un volant est inacceptable.  Par surcroît l’individu qui s’interpose sur la conduite du volant sans contrôle de la vitesse ou du freinage pose un geste imprudent, téméraire, hasardeux et périlleux.

Je ne crois pas cependant qu'un simple piéton, tout comme un passager qui n'exerce aucun contrôle sur la conduite d'un véhicule, puissent être visés par cette disposition du Code.

« D.P.P. c. Medhat » 16

[25]    Contrairement aux autres dispositions de cette section, le texte de l'article 327 ne réfère  pas explicitement au conducteur et rien dans la formulation du texte ne restreint  l'application au conducteur. Il sanctionne l'action qui constitue une conduite imprudente. 

[26]    Je crois qu'un passager peut être tenu responsable d'une action susceptible de mettre en péril la sécurité routière dans la mesure où il exerce un certain contrôle sur le véhicule…

[28]     Pour établir la responsabilité du passager, la preuve doit démontrer un certain contrôle ou une certaine forme d'utilisation du véhicule.  

« Ville de Laval c. Poirrier-Laframboise » 17

152009 QCCM 20

16 Op.cit. note 10

17 Op.cit note 10

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Dans l'affaire Poirier-Laframboise, il s'agissait d'un passager du véhicule automobile qui, alors que ce dernier était en mouvement, se sort la tête jusqu'aux épaules par la fenêtre. Un contat d'infraction sous l'aticle 327 C.s.r. lui est délivré.

Certes ce passager a commis une action susceptible de mettre en péril sa propre sécurité, mais le juge Fournier considère que cela n'entre pas dans le cadre limité de l'article 327 C.s.r. Citant la décision du juge Alarie dans l'affaire «Ville de Beloeil c. Latendresse»18, il mentionne que dans certaines circonstances, le constat d'infraction pourrait être émis au conducteur du véhicule si, par ses actes ou omissions, il met en danger la sécurité de ses passagers.

[14]      Les termes utilisés en jurisprudence semblent a priori démontrer que l’article 327 C.S.R. ne sanctionne que le comportement téméraire d’une personne conduisant un véhicule routier.

- R. c. Gionet, [1998] J.Q. no 4440 (C.M. Anjou): 

L'infraction de conduite imprudente sous l'article 327 du Code de la sécurité routière est différente de l'accusation de conduite dangereuse de l'article 249(1)a) du Code Criminel du Canada. La principale distinction réside dans le fait que la conduite sera considérée comme dangereuse si elle constitue un danger réel pour le public alors que la conduite imprudente ne requiert que la preuve d'un danger potentiel pour toute personne ou la propriété.

 - R. c. Auger, [1995] J.Q.  no 2743 (C.M. Longueuil):

 Ainsi, elle peut mettre en preuve plusieurs éléments qui, bien que pris isolément, peuvent ne pas constituer une conduite dangereuse ou susceptible de l'être en mettant en péril la vie ou la sécurité des personnes, mais néanmoins, conduire à une condamnation en vertu de l'article 327 du Code  de la sécurité routière.

 - R. c. Campeau, [1993] J.Q. no 1885 (C.M. Levis):

À mon avis, il m'apparaît clair que le législateur, par le biais de l'article 327 du Code  de Sécurité routière a voulu viser une manoeuvre, une conduite de la part d'un conducteur, en

18 C.M. Beloeil, no. 98-0274-2, 14 octobre 1998

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somme un geste actif et positif, plutôt qu'une attitude passive ou encore une tolérance.

                                                                            (Je souligne)

[15]      Il semble inhabituel de remettre un constat d’infraction à un passager en défaut pour cette infraction. Ce constat peut cibler le conducteur de l’automobile pour avoir toléré que ses passagers aient mis leur vie en péril. À titre d’exemple, dans l’affaire Beloeil (Ville de) c. Latendresse, C.M. Beloeil, no 98-0274-2, 14 octobre 1998, j. Alarie, huit (8) personnes prenaient place dans la boîte arrière d’un camion. Le conducteur du camion en question fut intercepté en vertu de l’article 327 C.S.R. et non les passagers.

[16]      Aussi, il fut décidé dans Ville de Boisbriand c. Beaudoin,  C.M. Boisbriand, no 0070536, 4 février 2004, j. Hotte, ainsi que dans Ville de Drummondville c. Martel, BCJMQ 2003-164, que l’article 327 C.S.R. ne peut s’appliquer qu’au conducteur et à un passager qui exerce un certain contrôle sur le véhicule…

[17]      Ajoutons que cet article se trouve au TITRE VIII : Règles de circulation du Code. Les articles se trouvant sous ce titre visent donc des actes qui se rattachent à la conduite ou à l’utilisation d’un véhicule.

« Municipalité de Rawdon c. Sauvé » 19 ,

Dans l'affaire Sauvé, il s'agissait d'un piéton qui s'était placé dans le milieu de la rue, bloquant le passage à un automobiliste et risquant d'être percuté par ce dernier, surpris par sa présence. J'ai émis l'opinion que l'article 327 C.s.r. visait l'action imprudente qui s'insère dans le cadre de la conduite d'un véhicule, ou du contrôle de cette conduite, par la personne qui est à la base de l'action.

[34]        Mais il y a plus : Le tribunal estime que même si la preuve des fait reprochés au défendeur était faite hors de tout doute raisonnable, un verdict d’acquittement devrait tout de même  être prononcé puisqu’un simple piéton, qui n’a aucun contrôle sur la conduite d’un véhicule automobile ne peut commettre l’infraction prévue à l’article 327 du Code de la sécurité routière.

[35]        L’article 327 se trouve au Titre VIII – Règles de circulation routière -, du Chapitre II – Dispositions générales concernant la circulation des véhicules – de la section I – Règles de conduite des véhicules.

19 Op.cit. note 10

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[36]        Il me semble donc clair que cette disposition vise la conduite d’un véhicule ou, comme le disait le juge de Paix Magistrat George Benoit dans l’affaire « Directeur des Poursuites Publiques c. Kherdr Ayman Medhat  , 2007 QCCQ 13275, suggère que cette partie du Code vise à régir le comportement des conducteurs de véhicules sur  la route.

[37]        M. Benoit conclut donc que pour commettre l’infraction de l’article 327 du Code de la sécurité routière, une personne doit avoir un certain contrôle sur la conduite d’un véhicule.

[40]    Je suis également d’avis que l’infraction de commettre une action susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou la propriété de l’article 327 du Code de la sécurité routière ne peut s’appliquer qu’au conducteur ou à une personne qui dispose d’un certain contrôle sur la conduite d’un véhicule.

[41]     Dans cette perspective, le simple piéton peut certes poser des gestes ou avoir une conduite personnelle qui soit, dans les faits, susceptibles de mettre en péril la sécurité des personnes ou la propriété, mais il ne s’agira pas de l’infraction de l’article 327 du Code de la sécurité routière puisque ces gestes ou cette conduite n’ont aucun rapport avec la conduite d’un véhicule routier.

[42]     Compte tenu de l’emplacement de l’article 327 dans le Code de la sécurité routière et considérant que cette disposition ne mentionne pas s’appliquer au seul conducteur d’un véhicule, le Tribunal est d’avis que pour être poursuivi en vertu de cette disposition, une personne autre que le conducteur doit exercer un certain contrôle ou faire une certaine utilisation du véhicule.

Un autre exemple d’application de cette notion de «contrôle» sur la conduite d’un véhicule routier se trouve dans l’affaire «Ville d'Alma c. Boulianne»20. Dans la décision de «Medhat»21 on la résume comme suit :

[31]    Une autre illustration du concept de contrôle se retrouve dans la décision : Ville d'Alma c. Stéphane Boulianne. Dans cette affaire, les  faits sont assez cocasses. Le défendeur se bricole un système de démarrage à distance. Éprouvant des difficultés avec

20 BJCMQ 96-197 (Juge J. Morency)

21 Op.cit. note 10

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le fonctionnement de l'appareil, il se rend chez un spécialiste qui lui apprend que l'appareil installé ne convient pas à son véhicule. Le garagiste lui suggère de le remplacer immédiatement, car le démarreur à distance ne fait pas uniquement démarrer le moteur de la voiture, mais engage également la marche avant du véhicule.

[32]    Le défendeur s'entête à vouloir bricoler le système de démarrage à distance et ce qui devait se produire arriva. Actionnant le démarreur, le véhicule se met en marche et va percuter un autre véhicule.

[33]   Le juge Jean M. Morency considère qu'il y a nécessité de sanctionner en raison de la négligence, de l'insouciance de la part du défendeur. Il motive sa décision en ayant recours à la notion de contrôle.

Dans cette perspective, toute action susceptible de mettre en péril la vie, la sécurité des personnes ou la propriété n'est pas restreinte à la conduite d'un véhicule. Elle permet de couvrir toute action imprudente ou négligente effectuée alors qu'une personne a la garde ou le contrôle d'un véhicule, immobilisé ou non.

Dans certaines décisions, on a cependant émis l’opinion que l’infraction de l’article 327 du C.s.r. ne requerrait pas un contrôle sur la conduite du véhicule :

« P.G.Q. c. Fitzmorris » ,22 :

Dans cette affaire, les policiers suivent, à l’entrée du tunnel Ville-Marie, un véhicule «Jeep» sans toit et observe le passager qui se lève debout et tend les bras. Un constat d’infraction sous l’article 327 du C.s.r. est délivré au passager.

La juge de paix magistrat considère qu’il s’agit là d’une action qui entre dans le cadre prohibé de l’article 327 :

[10]            Bien que la circulation ait été fluide (le constat d’infraction a été émis à 2h25 a.m.), d’autres voitures circulaient sur la route.

[11]            Dans Ste-Foy (Ville de) c. Rochon [2] , la Cour a décidé que l’article 327 s’applique à toutes les actions susceptibles de causer un danger et un risque potentiel pour la vie ou la sécurité des autres et de soi-même. De plus, le juge a précisé qu’il faut

22 2006 QCCQ 14764 (Juge White)

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considérer la conduite de toute personne qui s’écarte du comportement d’une personne raisonnable, soucieuse de la sécurité routière. Il s’agit d’un examen objectif.

[12]            Dans les circonstances, on ne peut considérer que le comportement du défendeur était celui d’une personne raisonnable, soucieuse de la sécurité routière. Les gestes posés par le défendeur constituaient un risque potentiel pour sa propre sécurité et celle des autres.

« D.P.C.P. c. Beajan » 23 :

[71]      À cet égard, la jurisprudence reconnaît que le fait pour un passager d'ouvrir la portière d'un véhicule en mouvement enfreint l'article 327 du CSR :

•         Laval (Ville de) c. Poirier-Laframboise, 2006 QCCM 58713, par.16;

•         Laval (Ville de) c. Élie, 2009 QCCM 19262, par.19.

Et un cycliste serait visé par les dispositions de l’article 327 C.s.r. :

«Longueuil (Ville de) c. Rodrigue» 24

[9]           Pour les motifs qui suivent, le Tribunal estime, comme le soutient l'appelante, que le conducteur d'une bicyclette peut faire l'objet d'une accusation en vertu de l'article 327 CSR.

[15]        L'objet du CSR est énoncé à son article 1. Il régit l'utilisation des véhicules sur les chemins publics et il établit des règles relatives à la sécurité routière, notamment des règles de circulation routière.

[16]        À la lecture de l’ensemble du Code de la sécurité routière et des définitions de différents types de véhicules que l’on trouve à son article 4, il faut conclure qu’une bicyclette est un véhicule au sens de cette loi.

[24]        Le CSR régit l'utilisation des véhicules sur les chemins publics et il établit des règles de sécurité routière. Une bicyclette est un véhicule au sens du CSR. Son

23 2012 QCCQ 14495

24 2013 QCCS 6172

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conducteur doit respecter les règles établies par le CSR à moins d'en être spécifiquement exclu.

[25]        En effet, il est clair que le CSR établit des infractions qui visent clairement le conducteur d'une bicyclette, d’autres qui l'excluent clairement et d'autres encore qui s'appliquent à tous.

[26]        Si le législateur avait voulu exclure le conducteur d'une bicyclette de l'application de l'article 327 CSR, il aurait pu le faire en utilisant l'expression « toute personne autre que le conducteur d'une bicyclette ». Or, tel n’est pas le cas. Il n'y a donc aucune raison de croire que le législateur voulait exclure le conducteur d'une bicyclette de l'application de cet article.

IV NATURE DE LA RESPONSABILITÉ

La jurisprudence est constante à reconnaitre que l’infraction de l’article 327 du Code de la sécurité routière en est une de responsabilité stricte, donnant ainsi ouverture à la défense de diligence raisonnable.

«D.P.C.P. c. Fitzpatrick Edwards»25:

[8]   Il s'agit d'une infraction de responsabilité stricte.

[11]        La seule défense pour le défendeur en était une de diligence raisonnable et le défendeur n'en a pas fait la preuve.

«St-Jérôme (Ville de) c. Paradis»26  :

[20]   L’infraction reprochée au défendeur est une infraction de responsabilité stricte. La preuve de la  commission de l’infraction par le défendeur engage sa responsabilité, mais ce dernier peut, cependant, présenter, par preuve prépondérante, une défense de diligence raisonnable. Il doit démontrer qu’il a pris toutes les précautions raisonnables pour éviter la commission de l’infraction

252012 QCCQ 14816

26 2009 QCCM 286

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24

«Québec (Procureur général) c. Bélanger»27   :

[17]            L’article 327 C.S.R. est une infraction de responsabilité stricte qui ne requiert pas la démonstration d’une intention coupable, d’une négligence grave ou d’une insouciance téméraire de la part du défendeur contrairement aux dispositions de l’article 249 du Code criminel.

«Laval (Ville de) c. Kastelloriziou» 28

[24]        L’infraction reprochée au défendeur en est une de responsabilité stricte pour laquelle la poursuivante n’a pas à démontrer l’existence d’une intention coupable; la simple commission de l’acte ou des actes par le défendeur entrainant la commission de l’infraction. Toutefois, le défendeur pourra toujours présenter une défense de diligence raisonnable.

«Québec (Procureur général) c. Martineau» 29

[27]            L'article 327 du Code de la sécurité routière est une infraction de responsabilité stricte. Le Tribunal doit considérer s'il s'agit d'une action d'une personne qui s'écarte du comportement d'une personne raisonnable, soucieuse de la sécurité routière. Il s'agit d'un examen objectif. La défense de diligence raisonnable est une défense reconnue pour ce type d'infraction.

V DES INFRACTIONS DISTINCTES

Il ressort clairement des décisions de nos tribunaux que l'article 327 C.s.r. vise deux situations totalement distinctes et crée en conséquence deux infractions.

Le libellé même de l'article 327 C.s.r. ne me semble pas prêter à confusion: «Toute vitesse ou toute action» susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité est prohibé.

«Carrier c. Lévis (Ville de)»30

27 2007 QCCQ 15730

28 2006 QCCM 269

29 2006 QCCQ 17236

30 2008 QCCS 3824

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[13]   Cette disposition crée en fait deux infractions distinctes :

1.   celle d’avoir conduit à une vitesse susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété;

2.   celle d’avoir commis une action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété.

«Talbot c. Directeur des poursuites criminelles et pénales»31.

Cite et reprend la décision de Ville de Lévis.

La question que l'on peut par ailleurs se poser est celle de savoir si ces deux infractions sont moindres et incluses l'une dans l'autre. La réponse est à la fois oui et non : L’action comprend la vitesse mais la vitesse ne comprend pas l’action.

«Varennes (Ville de) c. Danis» 32

[25]    À la lecture de l’article 327, on constate que la vitesse du véhicule ou le geste (action) du conducteur doit être susceptible de mettre en péril une personne ou une chose.  La vitesse est un élément précis alors que l’action ou le geste est un élément général qui, de toute évidence, en englobe un grand nombre.  Ainsi, la combinaison de la vitesse et du geste peut aussi mettre en péril.

«Québec (Ville de) c. Boivin» 33

[67]    Cet article sanctionne tant la « vitesse » que « l'action » susceptible de mettre en péril. La « vitesse » est un concept précis. L’ « action » constitue un concept plus général englobant un grand nombre de comportements, dont la vitesse elle-même (Varennes (Ville de) c. Danis, REJB 2006-100994 (C.S.), par. 25).

J'ai tenté d’éclaircir cette position dans deux affaires distinctes.

«Val-David (Municipalité de) c. Vendette» 34

31 2010 QCCS 2122

32 2006 QCCS 510

33 2012 QCCM 112

34 2009 QCCM 274

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Le constat d'infraction reprochait au défendeur une «vitesse» susceptible de mettre en péril. Toutefois, la preuve offerte ne révélait aucunement la vitesse à laquelle circulait le défendeur, mais plutôt des «actions» de la part du conducteur.

J'ai émis l'opinion que l'infraction de commettre une action susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou la propriété n'était pas moindre et incluse dans cette de circuler à une vitesse susceptible d'entraîner le même résultat. Pour arriver à cette conclusion, je me suis basé sur le passage suivant des motifs du juge Binnie de la Cour suprême dans l'arrêt «La Reine c. G.R.»35:

« [11] Une fonction importante d’un acte d’accusation est de notifier formellement à l’accusé le risque qu’il court sur le plan juridique. Il est, bien sûr, tout aussi important que, lorsque le ministère public est en mesure d’établir l’existence d’une partie seulement des faits décrits dans l’acte d’accusation ou énoncés dans la définition légale de l’infraction et qu’une telle preuve partielle établit l’existence des éléments constitutifs d’une infraction moindre et incluse, il y ait non pas acquittement mais plutôt déclaration de culpabilité à l’égard de l’infraction incluse. Comme l’a écrit le professeur Glanville Williams, [TRADUCTION] « une infraction incluse est une infraction constituée de fragments de l’infraction reprochée » (« Included Offences » (1991), 55 J. Crim. L. 234, p. 234). Tout autre résultat engendrerait un gaspillage des ressources consacrées au procès. 

[25] Une infraction est « incluse » si ses éléments constitutifs sont compris dans l’infraction imputée (telle qu’elle est décrite dans la disposition qui la crée ou telle qu’elle est portée dans le chef d’accusation) ou si le Code criminel la qualifie expressément d’infraction comprise ou incluse. Le critère est strict : l’infraction doit « nécessairement » être comprise, comme l’affirmait le juge Martland

35 (2005) 2 R.C.S. 371

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27

dans l’arrêt Lafrance c. La Reine, [1975] 2 R.C.S. 201, p. 214 :

  . . . l’infraction créée par l’art. 281 [balade dans une voiture volée] n’est pas nécessairement comprise dans l’infraction de vol [. . .] et n’est pas comprise dans le chef d’accusation porté en la présente espèce. [Je souligne.]

 Ce qui n’est pas « nécessairement compris » est exclu. Voir également Fergusson c. La Reine,

[1962] R.C.S. 229, p. 233; Barton c. Le Roi, [1929] R.C.S. 42, p. 42-48.

 [26]  L’interprétation stricte de l’art. 662 est liée à l’exigence de notification raisonnable du risque couru sur le plan juridique, comme le juge Sheppard l’a souligné dans l’arrêt R. c. Manuel (1960), 128 C.C.C. 383 (C.A.C.-B.) :

  [TRADUCTION] De plus, pour constituer une infraction incluse, l’inclusion doit être une composante si claire et essentielle de

l’infraction imputée que l’accusé qui lit le chef d’accusation sera, dans tous les cas, raisonnablement informé qu’il devra se défendre non seulement contre l’infraction reprochée, mais également contre les

infractions précises qui seront incluses. Une telle inclusion claire doit ressortir de la «

disposition qui [. . .] crée »l’infraction ou de l’infraction « portée dans le chef d’accusation »; [le par. 662(1)] permet de tenir compte de l’une ou l’autre de ces situations, mais non de l’exposé initial de l’avocat ni de la preuve.

[Je souligne; p. 385.]

[27]  Le juge Martin de la Cour d’appel de l’Ontario a également insisté sur l’importance d’expliquer clairement à l’accusé l’ampleur exacte du risque qu’il court sur le plan juridique :

  [TRADUCTION] L’infraction imputée, telle qu’elle est décrite dans la disposition qui la

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28

crée ou telle qu’elle est portée dans le chef d’accusation, doit contenir les éléments essentiels de l’infraction qualifiée d’incluse.

 . . .

. . . l’infraction imputée, telle qu’elle est décrite dans la disposition qui la crée ou telle qu’elle est portée dans le chef d’accusation, doit être suffisante pour informer l’accusé des infractions incluses contre lesquelles il devra se défendre.

[Je souligne.]

 (R. c. Simpson (No. 2) (1981), 58 C.C.C. (2d) 122 (C.A. Ont.), p. 133, autorisation de pourvoi refusée, [1981] 1 R.C.S. xiii; voir aussi R. c. Harmer and Miller (1976), 33 C.C.C. (2d) 17 (C.A. Ont.), p. 19.)

 [28] Les principes énoncés par le juge Martin dans les motifs de jugement encyclopédiques qu’il a rédigés dans l’affaire Simpson ont, depuis lors, été adoptés et appliqués partout au Canada, y compris par la Cour d’appel du Québec dans les arrêts R. c. Drolet (1988), 14 M.V.R. (2d) 50, conf. par [1990] 2 R.C.S. 1107, R. c. Allard (1990), 36 Q.A.C. 137, et R. c. Colburne, [1991] R.J.Q. 1199. Voir aussi R. c. Morehouse (1982), 65 C.C.C. (2d) 231 (C.A.N.-B.), autorisation de pourvoi refusée, [1982] 1 R.C.S. xi; R. c. Angevine (1984), 61 N.S.R. (2d) 263 (C.A.); Plank; R. c. Taylor (1991), 66 C.C.C. (3d) 262 (C.A.N.-É.); R. c. Webber (1995), 102 C.C.C. (3d) 248 (C.A.C.-B.); R. c. Rowley (1999), 140 C.C.C. (3d) 361 (C.A. Ont.); R. c. Beyo (2000), 144 C.C.C. (3d) 15 (C.A. Ont.), autorisation de pourvoi refusée, [2000] 2 R.C.S. vi. »

[29] … La loi écrite traite maintenant de cette question et l’art. 662 autorise les déclarations de culpabilité d’infractions « incluses » dans le cas seulement de trois catégories d’infractions :

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29

  a)     les infractions incluses par la loi comme, par exemple, celles qui sont mentionnées aux par. 662(2) à (6), et les tentatives de commettre une infraction, dont fait état l’art. 660;

  b)     les infractions incluses dans la loi qui crée l’infraction imputée comme, par exemple, les voies de fait simples dans une accusation d’agression sexuelle;

  c)      les infractions qui deviennent incluses par l’ajout de mots appropriés dans la description de l’accusation principale.

  [30]  En ce qui concerne la nécessité d’une notification raisonnable, les infractions «incluses » relevant de la première catégorie peuvent être dégagées du Code criminel lui-même; …

 [31]  En ce qui a trait à la deuxième catégorie, on peut dire que [TRADUCTION] « [s]i l’infraction imputée peut être commise intégralement sans que soit commise une autre infraction, cette autre infraction n’est pas incluse » (je souligne) (P. J. Gloin, « Included Offences » (1961-62), 4 Crim. L.Q. 160, p. 160). … le juge Martin, et la Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Colburne, p. 1206, où le juge Proulx a ajouté ce qui suit:

  J’ajouterai, pour ma part, que sera incluse l’infraction dont les éléments

essentiels sont partie de l’infraction imputée.

[En italique dans l’original.]

 [32] C’est la troisième catégorie de cas qui est la plus susceptible de causer des difficultés. Elle exige que les mots descriptifs de faits dans le chef d’accusation lui-même informent l’accusé que, s’ils sont prouvés, ces faits pris avec les éléments de l’accusation révéleront la perpétration d’une infraction « incluse » (Allard). Par exemple, dans l’affaire Tousignant c. La Reine (1960), 130 C.C.C. 285 (B.R. Qué.

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30

(en appel)), l’acte d’accusation reprochait à l’accusé d’avoir tenté de tuer la victime [TRADUCTION] « en la frappant à la tête avec un instrument contondant » (italiques ajoutés; p. 291). Les mots en italique n’étaient pas essentiels à l’accusation de tentative de meurtre, mais leur inclusion a, de toute façon, permis de prononcer une déclaration de culpabilité à l’égard de l’infraction moindre et (ainsi) incluse consistant à causer des lésions corporelles dans l’intention de blesser ou à commettre des voies de fait : voir Simpson, p. 139. De même, dans l’arrêt R. c. Kay, [1958] O.J. No. 467 (QL) (C.A.), l’acte d’accusation faisait état d’un homicide involontaire coupable [TRADUCTION] « résultant d’un coup ou de coups ». L’ajout de ces mots descriptifs dans l’acte d’accusation faisait état de l’allégation de voies de fait, et la déclaration de culpabilité de l’accusé relativement à l’infraction incluse de voies de fait causant des lésions corporelles a été maintenue en appel.

[33] Les mots ajoutés doivent, bien sûr, avoir trait à l’infraction imputée. Comme l’a écrit le juge Evans, dans l’arrêt Harmer and Miller :

 [TRADUCTION] . . . l’accusation doit être libellée de façon à notifier raisonnablement à l’accusé l’infraction ou les infractions que comprendrait l’infraction principale qui lui est reprochée. De plus, l’infraction doit être incluse à juste titre dans le chef d’accusation. [p. 19] »

«Montréal (Ville de) c. Champoux» 36

Dans l'affaire Champoux, j'ai un peu complété mon raisonnement. Dans cette affaire, le constat reprochait au défendeur une action susceptible de mettre en péril alors que la preuve faite concernait tant des actions que de la vitesse.

J'ai réitéré que l'infraction de l'«action» n'était pas moindre et incluse à celle de «vitesse» mais ajouté que la vitesse, quant à elle, constituait une action et qu'en conséquence

36 2012 QCCM 305

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l'infraction d'avoir circulé à une vitesse susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou des biens était moindre et incluse à celle de l'action de mettre en péril:

«75 À l'inverse, lorsque l'on reproche une «action susceptible» et que la preuve ne révèle qu'une vitesse, le défendeur pourra être trouvé coupable de cette infraction d'«action», si la vitesse mise en preuve, dans les circonstances, est susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou des biens, puisque la «vitesse» n'est autre chose que l'action d'aller vite.»

La Cour supérieure (Champoux c. Montréal (Ville de)37), en appel de cette décision, la renverse et y substitue un verdict d’acquittement sans cependant remettre en question le fait que la vitesse serait incluse dans l’action mais non l’inverse.

La Cour renverse la décision au motif que la preuve ne démontrait pas hors de tout doute que le véhicule identifié sur les lieux de l’incident par le témoin civil était le même que celui intercepté par les policiers sur les mêmes lieux.

VI LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DE L’INFRACTION

La lecture de la jurisprudence sur l’article 327 C.s.r. nous indique que les éléments essentiels de l’infraction sont les suivants :

1. Une conduite;2. Un conducteur ou une personne en contrôle du véhicule;3. Une vitesse ou une action;4. Susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la

propriété;5. Sur un chemin public, un chemin privé ouvert à la circulation, un terrain

de centre d’achats ou autre terrain où le public est autorisé à circuler.

«Carrier c. Lévis (Ville de)» 38 [14]   Dans l’un ou l’autre des cas, la poursuite doit prouver les trois éléments essentiels suivants :

1.   la du défendeur ou l’action commise par celui-ci selon l’infraction en cause;

2.   que cette conduite ou cette action était susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété;

37 2013 QCCS 5104

38 Op.cit. note 30

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3.   que le tout s’est déroulé sur un chemin public, un chemin privé ouvert à la circulation publique de véhicules routiers, sur un terrain de centre d'achats ou autre terrain où le public est autorisé à circuler.

Au même effet «Talbot c. Directeur des poursuites criminelles et pénales»39.

6.1 Une conduite/un conducteur

Faire la preuve d’une conduite implique nécessairement faire la preuve d’un véhicule.

La décision de la Cour supérieure dans l’affaire Champoux c. Montréal (Ville de)40 présente des commentaires intéressants à ce sujet.

Dans cette affaire, un témoin oculaire informe les policiers de la présence d’un véhicule automobile sur le terrain de stationnement d’un club de golf qui circule rapidement et fait des dérapages contrôlés, en période hivernale.

Pa téléphone, il donne une description du véhicule (modèle et couleur).

À l’arrivée des policiers, le véhicule est sur les lieux, immobilisé mais il y en a également un autre.

La Cour supérieure considère que la preuve d’identification du véhicule n’est pas faite hors de tout doute raisonnable.

[5]           Le Tribunal souligne que le jugement de première instance se concentre sur la preuve d’identification du conducteur (s'il y avait un changement de conducteur avant l’arrivée des policiers), ainsi que sur l’interprétation de l’article 327 du Code de la Sécurité Routière par rapport à un excès de vitesse.

[6]           Le Tribunal est d’avis qu’il y a un élément manquant dans la preuve qui n’a pas été traité en première instance - c'est l'identification du véhicule. Il faut évidemment que le véhicule en question, décrit par le plaignant/témoin civil comme étant le véhicule en infraction, soit identifié comme le même véhicule que conduisait l’accusé Champoux avant l’arrivée des policiers.

Par ailleurs, l’identification du défendeur comme conducteur du véhicule au moment de l’incident est aussi un élément essentiel à prouver.

«Guérin c. Ville de Saguenay» 41

39 Op.cit. note 31

40 Op.cit. note 37

41 2012 QCCS 3442

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[38]    La preuve révèle par ailleurs que deux individus, dont l'appelant, étaient à bord du pick-up Ford Ranger rouge lorsque celui-ci fut intercepté par monsieur Lavoie sur la rue Alice. 

[39]   Finalement, l'affirmation du défendeur selon laquelle trois (3) Ford Ranger identiques au sien appartenaient à des gens demeurant dans une rue voisine n'a jamais été remise en question par la poursuite ou le juge de première instance.

« Étienne c. Ville de Montréal 42 »

[2]   Dans ce dossier, il s'agissait d'une question d'identification du chauffeur.  La Couronne a choisi de procéder par voie de preuve orale qui a été rendue par un constable.   Le constable qui a témoigné n'était pas le constable qui a parlé avec le conducteur lors de l'incident, et n'était pas en mesure d'identifier le conducteur en question.

[3]   La Couronne a choisi de ne pas produire de constat d'infraction.  Le Tribunal est d'avis que l'article 62 du Code de procédure pénale du Québec ne s'applique pas si le constat d'infraction en question n'est pas produit comme pièce devant le juge qui entend le procès.

[4]   En conséquence, le Tribunal conclut qu'il n'y a eu aucune identification faite du conducteur, (…).

«Municipalité de Pierreville c. Boulais» 43 [13]     Après sa rencontre avec les plaignants, madame Paulhus et monsieur Proulx, l'agent Chiquette s'est rendu au domicile de l'intimé situé rue Hector, endroit où s'est déroulée l'infraction et où résident les plaignants.  Ces deux témoins ont indiqué, à l'audience, avoir reconnu Boulais et fourni à la policière son nom et son adresse.  Ces renseignements sont contenus au constat d'infraction tout comme le numéro de permis de conduire de l'intimé et sa date de naissance.

[14]      Le premier juge avait donc, devant lui, une preuve qui établissait, prima facie, l'identité du conducteur de la moto et ce, même si la policière n'avait pas constaté elle-même la commission de l'infraction.

Par ailleurs, comme tout autre élément, l’identification du conducteur peut se faire par preuve circonstancielle :

«Montréal (Ville de) c. Champoux» 44

42 2002 CanLII 37389

43 2004 CanLII 6186

44 Op.cit note 36

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34

34. Il est manifeste, selon la preuve, que le défendeur n'a pas été formellement identifié comme conducteur du véhicule automobile au moment des manœuvres alléguées imprudentes.

[35] La preuve à cet égard est circonstancielle: le conducteur n'est pas aperçu par le témoin Palmer et lors de l'arrivée des policiers, le véhicule est immobilisé, trois personnes à bord dont le défendeur à la place du conducteur.[36] De tels éléments sont-ils suffisants à établir hors de tout doute raisonnable que le défendeur était bel et bien le conducteur du véhicule au moment des manœuvres alléguées imprudentes ?[37] Dans l'arrêt Wild45, la Cour suprême mentionne qu'en présence d'une preuve exclusivement circonstancielle, le juge du procès doit vérifier si la culpabilité de l'accusé est la seule conclusion rationnelle compatible avec la preuve.[38] Plus précisément, devant une telle preuve, le juge du procès doit non seulement se demander si les faits mis en preuve ne sont compatibles qu'avec la culpabilité de l'accusé, mais également si il y a dans cette preuve des éléments qui sont incompatibles avec cette culpabilité.[39] C'est ce que précisait, en ces termes, le juge en chef Duff dans l'arrêt Comba46:

« …, before finding a prisoner guilty upon such evidence, must be satisfied not only that the circumstances are consistent with a conclusion that the criminal act was committed by the accused, but also that the facts are such as to be inconsistent with any other rational conclusion than that the accused is the guilty person ».

[40] Dans son analyse de la preuve circonstancielle, le juge du procès ne doit tenir compte que des faits prouvés et exclure tout ce qui ne constitue qu'hypothèse ou spéculation.[41] C'est ce que mentionnait le juge Doherty de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'arrêt «R. v. Morrissey»47:

« A trier of fact may draw factual inferences from the evidence. The inferences must, however, be ones which can be reasonably and logically drawn from a fact or group of

45 (1971) R..S. 101

46 (1938) CanLII 7 (S.C.C)

47 (1995), 97 C.C.C. (Ont. C.A.)

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35

facts established by the evidence. An inference which does not flow logically and reasonably from established facts cannot be made and is condemned as conjecture and speculation »

[42] Mon collègue, le juge de paix magistrat Pierre Verrette, résumait bien la situation dans l'affaire «Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Déziel»48:

« [69] Ainsi, pour conclure à la culpabilité de l'accusé, il faut que la seule explication logique de la preuve circonstancielle soit que le défendeur ait commis le crime. Une déclaration de culpabilité fondée sur une preuve circonstancielle nécessite qu'un juge fasse certaines inférences au regard des faits prouvés. Les inférences devant toutes être logiquement tirées de la preuve et ne pouvant se réduire à de simples hypothèses, conjectures, suppositions ou soupçons. Il incombe au poursuivant d'établir que la culpabilité de l'accusé est la seule inférence logique qui puisse découler des faits prouvés. Si d'autres inférences peuvent résulter de la preuve, l'accusé doit être acquitté.»

6.2 Une vitesse ou une action

La vitesse n’est pas suffisante, à elle seule, pour constituer l’infraction de l’article 327 du C.s.r.

«Ville de Joliette c. Durand» 49

[55]    En date du 8 juin 1998, l’Honorable juge Chassé, j.c.m. dans l’arrêt Ville d’Anjou c. Gionet, C.M. Anjou, n° R-98-00267, a indiqué que la vitesse seule n'est pas en soi un élément suffisant pour qualifier une conduite imprudente et reconnaître ainsi une personne coupable de la même infraction.

[56]     Enfin en date du 11 décembre 1996,l’Honorable juge Laurier j.c.m., dans l’arrêt Ville de St-Constant c. Sabourin, C.M. Saint-Constant, n° 96-35-25, a aussi indiqué que la vitesse et les crissements de pneus ne sont pas, à eux seuls, des éléments qui font en sorte qu'une conduite est susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou de la propriété.

48 2011 QCCQ 15080 (CanLII)

492009 QCCM 354

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« Municipalité de Beauceville c. Patry » 50

[34]    La jurisprudence a reconnu que la vitesse seule n’est pas en soi un élément suffisant pour qualifier une conduite d’imprudente.

« Ville de Laval c. Lévesque » 51

Une lecture rapide de cette décision du juge Fournier de la Cour municipale de Laval pourrait laisser croire qu’il émet plutôt l’opinion que la simple vitesse est constitutive de l’infraction.

Il faut lire l’ensemble des motifs pour se rendre compte que c’est le contexte dans laquelle survient la vitesse qui déterminera si, à elle seule, elle suffit à cadrer dans les paramètres de l’article 327.

[25]      Le procureur du défendeur soutient que les tribunaux enseignent que la vitesse n’est pas en soi une conduite dangereuse.  À cet effet, il cite la décision rendue dans Beauceville (Municipalité de) c. Patry, 2006 QCCQ 5261 (CanLII), 2006, QCCQ 5261.  Au paragraphe 34, la juge de paix magistrat écrit :

La jurisprudence a reconnu que la vitesse seule n’est pas en soi un élément suffisant pour qualifier une conduite d’imprudente. (sic)

  [26]      Avec respect, je ne peux souscrire à cette position.  Le libellé de l’article 327 C.S.R. est concluant :

«Toute vitesse ou toute action susceptible de mettre en péril la vie vu la sécurité des personnes ou la propriété est prohibée.

(je souligne)

 [27]      De là, le Tribunal retient minimalement les éléments suivants :

1)        La vitesse de 140 km/heure dans une zone de 50 km/heure n’est pas contestée, le défendeur ne sachant pas à quelle vitesse il circulait.

2)        Deux véhicules étaient en pleine course côte à côte, sans voie de circulation les séparant.

50 2006 QCCQ 5261

51 2007 QCCM 399

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3)        Les véhicules circulaient en pleine nuit et étaient à la limite d’entrées commerciales.

4)        Il y avait une passagère dans le véhicule du défendeur Lévesque.

Pour que la vitesse, à elle seule, puisse être suffisante à entrainer la commission de l’infraction de l’article 327, elle doit être «imprudente» compte tenu des circonstances de temps et de lieu où elle survient.

«Ville de Laval c. René Dubé» 52

[43] En l’instance, c’est uniquement la vitesse qui est en cause, le constat d’infraction ne reprochant pas une «action» susceptible mettre en péril la sécurité des personnes.[44] Toutefois, pour apprécier si la vitesse prouvée rencontre le critère de susceptibilité de mettre en péril la sécurité, il nous faut tenir compte du contexte dans lequel elle survient.[45] Le Tribunal doit se demander si la vitesse prouvée, compte tenu de l’ensemble des circonstances à l’intérieur desquelles elle survient, s’écarte de la vitesse qu’aurait adoptée une personne raisonnable, soucieuse de la sécurité d’autrui placée dans les mêmes circonstances.

La question que l’on peut se poser est celle de savoir de qu’elle façon la preuve de vitesse doit être faite ? Faut-il que l’on ait recours aux moyens usuels d’établir une vitesse devant un tribunal ou peut-on l’établir de façon plus circonstancielle ?

«P.G.Q. c. Rhéaume» 53

[27]    Il ne faut pas oublier que ce que l'on reproche en l'instance au défendeur est bien d'avoir commis l'infraction couverte par l'article 327 C.s.r. et non pas d'avoir suivi de trop près un véhicule.

[28]   Cependant, cette infraction additionnée à celles d'avoir circulé à une vitesse excessive et d'avoir tenté de dépasser dangereusement par la droite, peut certes constituer le fondement de l'infraction qui consiste à avoir commis une action telle que celle reprochée au défendeur.

[29]     Mais pour cela, encore faut-il que ces deux dernières infractions soient prouvées.  Ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

52 2013 QCCM 253

532006 QCCQ 1378

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[30]    En effet, comme il a été mentionné plus tôt, la vitesse à laquelle circulait le défendeur n'a pas été clairement établie au moyen d'une des techniques endossées par nos tribunaux, alors que le caractère périlleux de la tentative de dépassement par la droite n'a pas été prouvé à la satisfaction du tribunal.

«Montréal (Ville de) c. Di Turi» 54

[23]      La défense a soutenu que la vitesse n’avait pas été établie conformément aux exigences développées par les tribunaux lorsqu’il s’agit de prouver une vitesse par la technique d’un suivi de véhicule.

[24]      D’entrée de jeu, une remarque s’impose : on ne reproche pas au défendeur d’avoir circulé à une vitesse supérieure à la limite permise en violation des articles 299, 328 ou 329 du C.S.R. Ces infractions nécessitent la preuve, hors de tout doute raisonnable, de la vitesse reprochée, généralement captée et établie par un cinémomètre mais aussi, parfois, suivant la méthode du suivi de véhicule qui consiste à établir la vitesse d’un premier véhicule par la lecture de l’odomètre d’un deuxième, qui le suit.

[25]      La différence est fondamentale car de l’avis du tribunal, sous l’article 327, la vitesse n’a pas à être quantifiée de la même manière que sous l’art. 328. En outre, le tribunal souligne à ce sujet que l’infraction prévue à l’article 328 est sanctionnée par l’article 516 suivant une formule mathématique, qui repose notamment sur le dépassement de la limite permise par tranche de 5 km/h. Les éléments essentiels de l’article 328 et le mode de sanction prévu à l’article 516 créent donc un régime bien particulier.

[26]      Ce dont il est question sous l’article 327 est fort différent. En effet, ici, c’est une vitesse appréciée de manière contextuelle - qui peut même être variable - qui doit constituer un écart qui ne peut se réconcilier avec le comportement d’une personne raisonnable placée dans des circonstances analogues et qui crée un risque potentiel, raisonnablement prévisible, pour la sécurité d’autrui.

54 2012 QCCM 307

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[27]      La poursuite doit évidemment prouver hors de tout doute raisonnable que le défendeur circulait à une vitesse susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes. Mais pour se décharger de son fardeau, elle n’est pas limitée à des moyens de preuve stricts développés pour répondre aux impératifs des articles 299, 328, 329 et 516 du C.S.R. 

[28]      Cela étant, cette technique constitue évidemment un mode de preuve admissible aussi sous l’article 327. La méthode du suivi de véhicule et de l’établissement de la vitesse par odomètre est admissible en preuve, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une preuve technique ou scientifique relative à la fiabilité et au bon fonctionnement de l’odomètre : P.G.Q. c. Robitaille, (1991) CanLII 3772 (QC CA).

Quant à l’«action», il n’est pas essentiel que l’acte posé soit en soi illégal, il suffit que, dans les circonstances il soit «susceptible de mettre en péril».

«Ville de Salaberry-de-Valleyfield c. Caron» 55

[27]   La défense tourne entièrement autour du fait que le conducteur n'avait aucune obligation légale de munir son véhicule de pneus d'hiver.

[28]     En effet, suivant les dispositions de l'article 2 (4) du Règlement sur l'utilisation de pneus conçus spécifiquement pour la conduite hivernale un véhicule de promenade sur lequel est apposée une plaque d'immatriculation amovible est dispensé de l'obligation d'être muni de pneus spécifiquement conçus pour la conduite hivernale du 15 décembre d'une année au 15 mars de l'année suivante.

[29]   Toutefois, pour les raisons qui suivent, je suis d'avis que le fait d'être dispensé de cette obligation ne constitue pas nécessairement un moyen de défense à l'encontre d'une infraction à l'article 327 du Code de la sécurité routière.

[31]   Cette disposition ne fait de distinction entre les «actions prohibées» et les «actions autorisées»: Elle pose un principe général à l'effet que toute action susceptible de mettre en péril est prohibée.

55 2011 QCCM 292

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[35]     Dans plusieurs décisions de nos tribunaux, des gestes qui ne sont pas interdits par la loi, ont été considérés comme des actions susceptibles de mettre en péril la sécurité des personnes ou la propriété, compte tenu des circonstances.

[38]    C'est donc une analyse objective de l'action posée qui doit être faite, tout en considérant les circonstances particulières de l'affaire en cause.

[39]     Il ne s'agit pas d'une question de légalité ou d'illégalité de l'acte posé mais d'une analyse objective de la situation de faits en cause à travers les yeux d'une personne raisonnablement prudente et soucieuse de la sécurité.

[43]    Le fait que le législateur ait décidé d'exempter les véhicules de promenade munis d'une plaque «X» de l'obligation d'être munis de pneus spécialement conçus pour la conduite hivernale, durant l'hiver québécois, ne signifie pas pour autant qu'il est sécuritaire de le faire.

[44]     Tout est question de circonstances, de jugement et de bon sens.

«Laval (Ville de) c. Provençal»56

[20]       Le Tribunal doit être convaincu qu’il s’agit d’une action, d’une manœuvre ou d’un comportement qui représente un écart qui ne peut se réconcilier avec le comportement de l’homme raisonnable.  Ce comportement raisonnable se prête facilement à jugement par quiconque.

[21]       S’il en découle une imprudence ou une action qui est contraire à une normalité de l’homme prudent et qui se veut potentiellement dangereux, il y a alors faute au sens de cet article.

[22]       Le fait de porter des verres fumés constitue-t-il une « action » au sens de l’article 327 du Code de la sécurité routière ?  Avec respect pour l’opinion contraire, je crois que oui.

Québec (Ville de) c. Voyer»57

56 2009 QCCM 157

57 2009 QCCM 104

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[51]        Le fait de circuler en regardant à l'arrière par le rétroviseur comporte en soi un risque d’imprévus. Le faire de façon prolongée, dans les circonstances que le Tribunal vient de relater, constitue une action qui se démarque du comportement d'une personne raisonnablement prudente et soucieuse de la sécurité d'autrui. La conduite du défendeur va au-delà de la simple faute civile et de l'inattention momentanée. Il s'agit d'une réelle imprudence dont les conséquences se sont avérées sérieuses.

6.4 Susceptible de mettre en péril :

Susceptible :

«Québec (Ville de) c. Landry» 58

[ 4 0 ]   On peut comprendre de ces définitions que toute vitesse ou toute action qui est « capable » de « produire l’effet » de mettre en péril la vie ou la sécurité ou qui « peut éventuellement » mettre en péril la vie ou la sécurité est prohibée par le code.

Propriété :

« Ville de Laval c. Lévesque » 59

[21]   Cette action prohibée ne vise pas uniquement la propriété immobilière, mais tout autant celle qualifiée de mobilière, tel un véhicule automobile.  La notion de propriété doit être comprise et interprétée dans son sens large du terme.

Sécurité :

«Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Loranger» 60

[57]        … Un simple danger potentiel occasionné par les agissements du défendeur suffit.

58 2006 QCCM 81

59 Op.cit. note 51

60 2012 QCCM 29

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«Ville de Gatineau c. Malette» 61

[10]     … Ces dispositions s’appliquent à toutes les actions susceptibles de causer un danger, ou qu’il existe un risque potentiel pour la vie ou la sécurité des autres et de soi-même. Il n’est pas nécessaire de prouver l’insouciance, la négligence, ni qu’il y ait un danger réel, un danger potentiel suffit. Il n’est pas nécessaire, non plus, qu’il y ait d’autres usagers sur le chemin ; la possibilité seule suffit pour le mot « susceptible », y compris la protection du conducteur lui-même.

«Laval (Ville de) c. Dubé» 62

[111]   L’infraction couvre toute vitesse ou tout genre d’action « susceptible de causer un danger et/ou un risque potentiel » pour la vie ou la sécurité tant du conducteur que des passagers et des autres passagers de d’autres voitures et de potentiels piétons.  L’article cible également la propriété.

«Québec (Procureur général) c. Bélanger» 63

[16]    De plus, l’article 327 C.S.R. n’établit pas de distinction entre la sécurité du public ou celle du défendeur personnellement. Le terme «personne» utilisé dans l’article inclut le défendeur lui-même. Qu’il soit seul, avec ou en présence d’autres personnes, ne limite aucunement la portée et l’application de cet article.

« Ville de Laval c. Lévesque » 64 [19] L'article 327 C.S.R. n'est pas limitatif à la personne, il s'adresse à toute action susceptible de mettre en péril la sécurité, la vie ou la propriété.  En utilisant les mots «des personnes» et non «des autres personnes» le législateur ciblait indéniablement tout autant le conducteur lui-même, les passagers, les passagers et conducteurs d’un ou de d’autres véhicules.

«Gatineau (Ville) c. Rybnicky» 65

61 2006 QCCM 284

62 2010 QCCM 269

63 2007 QCCQ 15730

64 Op.cit. note 51

65 2003 CanLII 55351 (QC CM),

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[8]   L’article 327 du Code de la sécurité routière stipule que « toute vitesse ou toute action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété est prohibée ». Ces dispositions s’appliquent à toutes actions susceptibles de causer un danger, ou qu’il existe un risque potentiel pour la vie ou la sécurité des autres et de soi-même. Il n’est pas nécessaire de prouver l’insouciance, la négligence, ni qu’il y ait un danger réel, un danger potentiel suffit. Il n’est pas nécessaire, non plus, qu’il y ait d’autres usagers sur le chemin ; la possibilité seule suffit pour le mot « susceptible », y compris la protection du conducteur lui-même.

6.5 Sur un chemin… ou terrain… :

« Ville de Saint-Bruno c. Boulange r » 66

«Procureur général du Québec c. Daoust»67.

VII LE DEGRÉ DE FAUTE

Les éléments intrinsèques de l'infraction de conduite imprudente sous l'article 327 du C.s.r. apparaissent plus clairement lorsqu'on en fait la comparaison avec ceux des infractions criminelles de conduite dangereuse et de négligence criminelle des articles 219 et 249 du C.cr.

Évidemment, le premier élément de distinction entre notre infraction règlementaire et ces infractions de nature criminelle résidera dans la mens rea requise pour les dernières, aucune intention coupable n'étant requise pour la première.

C'est dans l'arrêt Hunda l 68que la comparaison débute, lorsque la Cour suprême mentionne que La conduite négligente d'un véhicule automobile peut être considérée comme un continuum où l'on va de l'inattention momentanée qui entraîne la responsabilité civile, en passant par la conduite imprudente prévue au code de la route d'une province, jusqu'à la conduite dangereuse sanctionnée par le Code criminel.

66 Op.cit note 8

67 Op.cit note 9

68 Op.cit. note 5

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En matière de responsabilité civile, point n'est besoin d'une intention quelconque. La survenance du dommage et la simple faute de celui qui le cause l'entraîne en principe.

En matière de responsabilité criminelle, l'état d'esprit de l'accusé entre en ligne de compte: Il faut une certaine forme d'intention pour l'entraîner, un certain degré de mens rea.

C'est dans cette perspective que la Cour suprême dans l'arrêt Hundal mentionne que la mens rea de l'infraction de conduite dangereuse de l'article 249 du C.cr. doit s'apprécier d'une façon «objective modifié», en ce sens que la conduite de l'accusé est appréciée objectivement mais en tenant compte de toutes les circonstances et évènements qui l'entourent. C'est ce qui ressort du passage suivant des motifs du juge Cory, à la page 886 de l’arrêt :

« Quoiqu’il faille appliquer un critère objectif `l’infraction de conduite dangereuse, il sera tout de même loisible à l’accusé de faire naître un doute raisonnable quant à savoir si une personne raisonnable aurait été consciente des risques inhérents à son comportement. Une certaine souplesse s’impose dans l’application du critère. En d’autres termes, le critère objectif est à appliquer non pas dans l’abstrait mais dans le contexte des évènements entourant l’incident en question. »

(Mes soulignés)

Le juge Cory conclut, à la page 888, que le juge du procès, en faisant l’appréciation des faits de la cause, « doit être convaincu qu’il s’agit d’un comportement qui représentait un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la situation de l’accusé ».

Comme la culpabilité repose sur la négligence, la Cour suprême propose dans cet arrêt d'apprécier objectivement la conduite de l'accusé pour déterminer s'il a satisfait à la norme appropriée de diligence tout en permettant, à la lumière des explications fournies par l'accusé, de considérer si une personne raisonnable, dans le contexte particulier des évènements en cause, aurait été consciente des risques inhérents à son comportement.

La même approche a été reprise par la Cour dans l'arrêt Beatty69. Dans cet arrêt, la Cour réitère que la négligence pénale, par opposition à la négligence civile, tient compte non seulement d'un comportement qui déroge à la norme de diligence reconnue mais aussi de l'état mental de l'auteur de l'infraction.

Pour la Cour, en matière d'infractions criminelles fondées sur a négligence, le critère à appliquer demeure celui établi dans l'arrêt Hundal.

69 Op.cit. note 6

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Il ressort de ces décisions qu'au niveau de l'actus reus, il faut apprécier l'acte posé par l'accusé en fonction de la norme de diligence requise par la nature de 'infraction.

En ce qui a trait à la conduite dangereuse de l'article 249 du C. cr., l'acte doit s'écarter de façon marquée de la norme de diligence, c'est-à-dire de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.

C'est à partir de ces décisions que s'est développé le concept que l'infraction de conduite imprudente de l'article 327 doit s'apprécier en comparant le comportement du défendeur avec celui d'une personne raisonnablement prudente, mais placée dans les mêmes circonstances.

La différence entre l'actus reus de la conduite dangereuse du C. cr. et celui de la conduite imprudente du C. s.r. se situe dans le degré d'écart entre la conduite que l'on apprécie et celle de l'homme raisonnable placé dans les mêmes circonstances. La première demande un écart marqué alors que la seconde, un simple écart.

Donc, la distinction fondamentale réside dans le fait que la négligence criminelle exige la preuve d'une conduite téméraire et déréglée, la conduite dangereuse demande la preuve d'un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable, alors que la conduite imprudente ne requière que la preuve d’un simple écart de conduite avec celle de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.

L'arrêt de principe en cette matière est celui de la Cour supérieure dans «Carrier c. Lévis (Ville de)»70 où le juge Gagnon mentionne ce qui suit:

«15 Si l’article 327 C.s.r. vise à sanctionner la conduite imprudente d’un véhicule routier, celle-ci diffère toutefois de la conduite téméraire et déréglée de l’article 219 C.cr. et de celle constituant un écart marqué par rapport à la norme de diligence qu’aurait observée une personne raisonnable exigée par la conduite dangereuse de l’article 249 C.cr.71

16 Il y a en effet violation de l’article 327 C.s.r. dès que le comportement du défendeur s’écarte de celui d’une personne raisonnable et soucieuse de la sécurité routière, eu égard aux personnes et aux biens, placée dans des circonstances analogues.72 Il s’agit donc là d’une norme objective.73 Peu

70 Op.cit. note 30

71 Directeur des poursuites publiques c. Medhat, J.E. 2008-226 (C.Q.); Sainte-Foy (Ville) c. Rochon, [2000]J.Q.(Quicklaw) no 3214 (CM); Québec (Procureur général) c. Champeau, 2008 QCCQ 2478

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importe que subjectivement le défendeur ait ou non voulu les conséquences possibles de son action ou de sa conduite.74

17 Aucune preuve d’intention coupable, de négligence grave ou d’insouciance n’est alors requise.75 Une simple conduite qui ne représente pas le soin exigé ou qui ne démontre pas de souci pour les risques qu’elle fait encourir aux autres suffit.76

18 Il est de jurisprudence constate qu’il n’est pas essentiel, pour que soit commise l’infraction, que la vitesse ou l’action crée un actuel danger. Un danger potentiel et raisonnablement prévisible, pouvant résulter de la conduite du défendeur, suffit.77

72 Laval (Ville de) c. Lévesque, CM Laval, no 011142897, 4 décembre 2007, j. Fournier, Québec (Ville de) c. Landry, C.M. Québec, no 66867732, 25 mai 2006, j. Vachon; Varennes (Ville de) c. Danis, 2006 QCCS 510; Laval (Ville de) c. Fourniol, J.E. 91-81 (C.M.); Alma (Ville d’) c. Bédard C.M. Alma, no 06-00093, 19 juin 2006, j. Morency; Alma (Ville d’) c. Gagné, C.M. Alma, no 06-00247, 25 septembre 2006, j. Morency : Laval (Ville de) c. Kastelloriziou, C.M. Laval, no 0110152708, 27 octobre 2006, j. Lalande; Alma (Ville d’) c. Plourde, C.M. Alma, no 06-00088, 6 décembre 2006, j. Morency; Alma (Ville d’) c. Simard, C.M. Alma, no 06-00367, 6 décembre 2006, j. Morency; Joliette (Ville de) c. Grenier, C.M. Joliette, no 06-2734-9, 14 décembre 2006, j. Beauséjour; Sainte-Foy (Ville de) c. Rochon, [2000] J.Q. (Quicklaw) no 3214 (CM); Procureur général du Québec c. Croteau, C.Q. Saint-Jérôme, no 700-61-064659—052, 31 mai 2006, j. Duperron Roy)

73 Québec (Ville de) c. Landry, CM. Québec no 66867732, 25 mai 2006, j. Vachon; Québec (Procureur général) c. Fitzmorris, B.E. 2007BE-455 (CQ.); Shawinigan (Ville de) c. Arsenault (CM St-Maurice, no 0801763344, 11 octobre 2006, j. Trudel; Collines de L’Outaouais (Municipalité régionale de comté) c. Giselbrecht, [2005] J.Q. (Quicklaw) no 24130; (C.M.)

74 Laval (Ville de) c. Lévesque, C.M. Laval, no 011142897, 4 décembre 2007, j. Fournier, Procureur général du Québec c. Meury, C.Q. Québec no 200-61-072914-029, 20 janvier 2004, j. Pelletier.

75 Québec (Procureur général) c. Bélanger, 2007 QCCQ 15730; Shawinigan (Ville de) c. Arsenault, C.M. St-Maurice, no 0801763344, 11 octobre 2006, j. Trudel; Collines de L’Outaouais (Municipalité régionale de comté) c. Giselbrecht [2005] J.Q. (Quicklaw) no 24130 (C.M.); Québec (Procureur général) c. Champeau, 2008 QCCQ 2478.

76 Collines de L’Outaouais (Municipalité régionale de comté) c. Giselbrecht , [2005] J.Q. (Quicklaw) no 24130; (C.M.)

77 Collines de L’Outaouais (Municipalité régionale de comté) c. Giselbrecht , [2005] J.Q. (Quicklaw) no 24130; (C.M.); R. c. Boulianne, [1996] J.Q. (Quicklaw) no 4989 (C.M.); Shawinigan (Ville de) c. Arseneault, C.M. St-Maurice, no 0801763344, 11 octobre 2006, j. Trudel; Laval (Ville de) c. Fourniol, J.E. 91-81 (C.M.); Québec (Procureur général) c. Bélanger, 2007 QCCQ 15730; Varennes (Ville de) c. Danis, 2006 QCCS 510; Laval (Ville de) c. Lévesque, C.M. Laval, no 0111424897, 4 décembre 2007, j. Fournier; Québec (Procureur général) c. Champeau, 2008 QCCQ 2478; Québec

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19 L’article 327 C.cr. couvre, en effet, toute situation qui constitue un danger ou un risque immédiat pour la sécurité des personnes et de la propriété, dans son sens large78 ou, en d’autres termes, qui est susceptible de causer (ou qui aurait pu raisonnablement produire)79 des dommages, aussi minimes soient-ils.80

20 En somme, si le tribunal est convaincu que le geste commis par l’appelant en est un qui représente un écart qui ne peut se réconcilier avec le comportement d’une personne raisonnable placée dans des circonstances analogues et que, dommages ou non, ce geste aurait pu en causer, il doit, sous réserve d’une défense de diligence raisonnable, le déclarer coupable d’avoir contrevenu à l’article 327 c.cr.»

La Cour d'appel, sans le dire clairement, semble être en accord avec cette perception. Dans l'arrêt «Bélanger c. R.»81mentionne ce qui suit à cet égard:

«11 L’enjeu n’est pas de déterminer si l’appelant a conduit de manière imprudente, au sens de la négligence civile ou au sens du Code de la sécurité routière, en dépassant la double ligne à un endroit où la visibilité était réduite et alors que sa vision des voitures venant en sens inverse était limitée par la taille de la camionnette Ford. La question qui se pose ici est celle de savoir si le Ministère public a établi que le comportement de l’appelant fait voir une faute pénale qui justifie sa condamnation et, éventuellement, une peine d’emprisonnement.12 Dans les arrêts Desbiens82 et Dorval83, la Cour rappelle l’importance de bien distinguer la négligence

(Procureur général) c. Neil, 2007 QCCQ 13417; St-Thomas (Municipalité de) c. Durand, C.M. Joliette, no 06-02754-1, 23 janvier 2007, j. Beauséjour; Québec (Ville de) c. Landry, C.M. Québec, no 66867732, 25 mai 2006, j. Vachon.

78 Laval (Ville de) c. Lévesque, C.M. Laval, no 0111424897, 4 décembre 2007, j. Fournier.

79 Alma (Ville de) c. Gagné, C.M. Alma, no 06-00247, 25 septembre 2006, j. Morency.

80 Collines de L’Outaouais (Municipalité régionale de comté) c. Giselbrecht , [2005] J.Q. (Quicklaw) no 24130; (C.M.); St-Thomas (Municipalité de) c. Durand, C.M. Joliette, no 06-02754-1, 23 janvier 2007, j. Beauséjour.

81 2011 QCCA 1598 (CanLII)

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civile de la négligence pénale dans l’appréciation de la conduite fautive. À ce propos, la juge Charron écrit dans Beatty84 que l’écart de la norme qui se rapporte à la négligence civile ne suffit pas à établir la faute pénale. Il faut également tenir compte de l'état mental de l'auteur de l'infraction :

Le critère objectif modifié établi par la jurisprudence de la Cour reste le critère approprié pour déterminer la mens rea requise dans le cas des infractions criminelles fondées sur la négligence. Comme son nom le suggère, ce critère applicable à la négligence pénale « modifie », et ce, à deux égards importants, la norme purement objective utilisée pour statuer sur la négligence civile. Premièrement, les circonstances de l’infraction doivent démontrer un « écart marqué » par rapport à la norme civile. Un simple écart par rapport à la norme que respecterait une personne raisonnablement prudente satisfera au critère préliminaire de la négligence civile, mais il ne sera pas suffisant pour établir la responsabilité en matière de négligence pénale. La distinction entre un simple écart et un écart marqué par rapport à la norme est une affaire de degré. Ce n’est que lorsque le comportement satisfait au critère plus élevé que le tribunal peut conclure, en se fondant sur ce seul comportement, à l’existence d’un état mental blâmable.

Deuxièmement, contrairement au critère applicable dans le cadre de la négligence civile, qui ne tient pas compte de l’état mental du conducteur, le critère objectif modifié utilisé en matière de négligence pénale ne peut faire abstraction de l’état mental véritable de l’accusé. La mens rea objective repose sur le principe selon lequel une personne raisonnable, dans une situation semblable à celle de l’accusé, aurait été consciente des risques inhérents à son comportement. La faute consiste dans

82 Desbiens c. R., 2009 QCCA 1670, paragr. [22] à [24].

83 Dorval c. R., 2010 QCCA 2287, motifs déposés 2010 QCCA 2287, paragr. [30] à [34].

84 Supra, note 1, paragr. [7] et [8].

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l’absence de l’état mental de diligence requis. Par conséquent, l’accusé ne saurait éviter une déclaration de culpabilité en disant simplement qu’il ne pensait pas à sa façon de conduire. Toutefois, s’il parvient à faire douter raisonnablement le tribunal qu’une personne raisonnable se trouvant dans la même situation aurait été consciente des risques inhérents à son comportement, la prémisse justifiant la conclusion de faute objective se trouve dépourvue de fondement et l’acquittement s’impose. L’analyse est donc de nature contextuelle et des moyens de défense comme l’incapacité et l’erreur de fait peuvent être invoqués. Cette démarche est nécessaire pour garantir le respect du principe fondamental de justice pénale selon lequel une personne innocente ne doit pas être punie.

...

«24 L’évaluation faite par la juge du caractère marqué de l’écart par rapport à la norme n'a pas été effectuée en plaçant la personne raisonnable dans la situation de l’appelant, en tenant compte de son état d’esprit. En fait, son appréciation de l’écart marqué semble s’inférer uniquement du fait que l’appelant a dépassé la double ligne en roulant à 100 km/h. La juge écrit au paragraphe [15] que « [l]e fait de dépasser sur une ligne double continue constitue un écart marqué par rapport à une conduite d’une personne raisonnable » et encore au paragraphe [22] que « [...] l’écart marqué est celui d’avoir pris la décision de dépasser sur une ligne double continue, donc à l’encontre des consigne du Code de la sécurité routière ». Conduire de la sorte peut constituer un écart, mais il ne constitue pas forcément un écart marqué au sens que lui donne l’arrêt Beatty. Dans le continuum identifié dans Hundal, l'infraction au Code de la sécurité routière dont parle la juge ne suffisait pas pour condamner l'appelant. Il a peut-être fait preuve d'imprudence au sens du Code de la sécurité routière , mais sa conduite ne peut aucunement être qualifiée de «   dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l'état du lieu,

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l'utilisation qui en est faite ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible 85 dans ce lieu   », comme l'exige l'article 249 du Code criminel .» (Mes soulignés)

Il faut noter que dans un très court jugement, la Cour suprême a renversé cette décision de la Cour d’appel.86

Dans l’affaire «Québec (Ville de) c. Boivin» 87 , le juge Cloutier résume bien la situation :

[69]  Cela ne signifie cependant pas que toute faute dans la conduite automobile doive entraîner un verdict de culpabilité. Il n'est pas inutile de rappeler l'éventail des degrés de faute auquel référait l'honorable juge Cory dans l'arrêt Hundal, 1993 CanLII 120 (CSC), [1993] 1 R.C.S. 867, p. 885 réitéré par la Cour suprême à l’arrêt Beatty, 2008 CSC 5 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 49, par. 35, 65 et 69 et repris par la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Palin, J.E. 99-442. En ordre croissant, ces fautes vont de l'inattention momentanée qui engendre une responsabilité civile, en passant par la conduite sans le soin et la prudence prévus au Code de la sécurité routière, jusqu'à la conduite dangereuse et ensuite à la négligence criminelle.

Une excellente étude de l'ensemble de la jurisprudence sur la question a été faite par le juge Robert Beauséjour de la Cour municipale de Joliette dans l'affaire «Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Loranger»88. Il y cite d'ailleurs deux décisions du juge Yves Fournier de la Cour municipale de Laval qui, à mon humble avis, résument bien l'état du droit.89

Dans l'affaire Bélanger, le juge Fournier avait mentionné ce qui suit:

« ¶ 31          La conduite négligente d'un véhicule automobile peut être associée à un phénomène progressif dont on ne peut considérer une partie que par abstraction et où le point de départ se voudrait l'inattention momentanée qui fait surgir la responsabilité civile, en passant par la conduite imprudente

85

86 2013 CSC 7

87 2012 QCCM 112

88 2012 QCCM 29

89 Ville de Laval c. Bélanger, (1999) J.Q. no. 2814; Ville de Laval c. Lévesque, C.M. Laval, no. 0111424897, 4 décembre 2007

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prévue au Code de la sécurité routière pour aboutir à la conduite dangereuse sanctionnée par le Code criminel. Certaines décisions ont semblé confondre les deux dernières formes de conduite.

¶ 32          S'agissant d'une infraction de responsabilité stricte, le défendeur pourra présenter une défense de diligence raisonnable ou d'erreur de fait.

¶ 33          La conduite encadrée par l'article 327 C.S.R. devra être appréciée objectivement et dans un contexte de tous les événements entourant l'incident ou les incidents.

¶ 34          L'application d'une norme objective est commandée par l'article 327 C.S.R. considérant la nécessité de réduire la multiplication de cette catégorie d'infractions sur nos routes. Conséquemment la question à se poser est de savoir si du point de vue objectif, le conducteur a satisfait à la norme appropriée de diligence, et non pas de savoir s'il a subjectivement voulu les conséquences possibles de son action. »

et dans l'affaire Lévesque:

« [18] La conduite décrite à l'article 327 C.S.R. devra être appréciée objectivement et dans un contexte de tous les ingrédients enveloppant l’infraction reprochée. La question est de savoir si du point de vue objectif, le conducteur a satisfait à la norme appropriée de diligence, et non pas de savoir s'il a subjectivement voulu les conséquences possibles de son action.

...

[22] Le Tribunal doit être convaincu qu'il s'agit d'une action, d'une manœuvre ou d'un comportement que représente un écart qui ne peut se réconcilier avec le comportement de l'homme raisonnable. Il n'a pas à attendre l'écart marqué tel que requiert la conduite dangereuse sous l'empire du Code criminel. Il faut donc retrouver la conviction qu'une personne raisonnable dans des circonstances analogues aurait dû être consciente du risque et du danger inhérents au comportement du défendeur.

[23] L'existence de la faute sera prouvée si cette action manifeste un manque de diligence jugé selon la norme d'un "homme raisonnable dans les circonstances". Le défendeur ne saurait se disculper en prétendant qu'il croyait être prudent.

[24] Conséquemment, la faute pourra à l'occasion résider dans la négligence ou même dans l'inconscience. Je le rappelle, la norme applicable dans la façon de conduire se veut une norme de comportement raisonnable laquelle se prête facilement à jugement par quiconque. Le défendeur a-t-il manqué de façon palpable à cette norme? Telle est la question. »

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Le juge Paulin Cloutier fait lui aussi une revue intéressante à ce sujet dans l’affaire «Québec (Ville de) c. Voyer» 90   :

[26]        L'infraction prévue à l'article 327 du Code de la sécurité routière sanctionne une conduite qui fait encourir un risque à l'égard de la sécurité des personnes ou de la propriété [Carrier c. Lévis (Ville de), REJB 2008-146322 (C.S.), par. 19]. L'existence d'un danger réel et imminent n'est pas un élément de l'infraction. Seul un danger potentiel, prévisible et résultant de la conduite du défendeur suffit [Varennes (Ville de), précitée, par. 23 et 24; Carrier, précitée, par. 18; Laval (Ville de) c. Fourniol, J.E. 91-81 (C.M.); Masson-Angers (Cité de) c. Su, BJCMQ 2000-141 (C.M.); Sainte-Foy (Ville de) c. Rochon, BJCMQ 2000-401 (C.M.)]. La conduite qui constitue une infraction au sens de cet article est celle qui ne représente pas le soin, l'attention ou le souci requis à l'égard des autres usagers de la route [Carrier, précitée, par. 17; Hull (Ville de) c. Tardif, BJCMQ 1993-16 (C.M.); Masson-Angers (Cité de), précitée]. Le comportement qui ne correspond pas à celui de l'homme raisonnablement prudent tombe sous le coup de cet article [Varennes (Ville de), précitée, par. 22; R. c. Beauchamps, (1953) 4 D.L.R. 340 (C.A. Ont.); Saint-Laurent (Ville de) c. Wizman, BJCMQ 1993-015 (C.M.); Hull (Ville de), précitée; Laval (Ville de) c. Bélanger, BJCMQ 1999-192 (C.M.); Masson-Angers (Cité de), précitée; Saint-Pamphile (Ville de) c. Castonguay, BJCMQ 2000-185 (C.M.); Mont-Royal (Ville de) c. Neemeh, BJCMQ 2001-393 (C.M.)].

[27]        Cela ne signifie cependant pas que toute faute dans la conduite automobile doive entraîner un verdict de culpabilité. Il n'est pas inutile de rappeler l'éventail des degrés de faute auquel référait l'honorable juge Cory dans l'arrêt Hundal, (1993 CanLII 120 (CSC), [1993] 1 R.C.S. 867, p. 885) réitéré par la Cour suprême à l’arrêt Beatty, (2008 CSC 5 (CanLII), [2008] 1 R.C.S. 49, par. 35, 65 et 69) et repris par la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Palin, J.E. 99-442. En ordre croissant, ces fautes vont de l'inattention momentanée qui engendre une responsabilité civile, en passant par la conduite sans le soin et la prudence prévus au Code de la sécurité routière, jusqu'à la conduite dangereuse et ensuite à la négligence criminelle.

[28]        Il faut donc plus qu'une faute civile et même plus qu'une infraction au Code de la sécurité routière. Le comportement doit

902009 QCCM 104

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révéler un niveau de faute équivalant à l’imprudence et cette faute doit faire encourir les risques mentionnés précédemment [Anjou (Ville d’) c. Gianet, BJCMQ 1998-206 (C.M.); Laprairie (Ville de) c. Gagnon, BJCMQ 2000-85 (C.M.); Melocheville (Municipalité de) c. Charlebois, BJCMQ 2000-226 (C.M.); Alma (Ville d’) c. Lajoie, BJCMQ 2000-228 (C.M.)].

[29]        La norme est objective. Aucune preuve d’intention coupable, de négligence grave ou d’insouciance téméraire ne fait partie du fardeau de preuve de la poursuite. Il importe peu que le défendeur ait ou non voulu les conséquences possibles de sa conduite [Varennes (Ville de), précitée, par. 24; Carrier, précitée, par. 16 et 17].

Bien que cela n’ait pas, en général affecté le résultat, j’ai noté une certaine confusion dans les termes utilisés dans certaines décisions pour qualifier le degré de faute requis par l’infraction de l’article 327 C.s.r :

S’écarter le moindrement :

«Gatineau (Ville de) c. Lamoureux» 91

[18]        C’est en considérant l’ensemble de la preuve et des circonstances de chaque cas qu’il faut se demander objectivement si le comportement du défendeur a été celui de la personne raisonnable ou encore, si une personne raisonnable placée dans des circonstances analogues aurait dû être consciente du risque ou du danger?[19]        En définitive, la conduite du défendeur s’écarte-t-elle le moindrement du comportement de la personne raisonnable soucieuse de la sécurité routière ?

«Montréal (Ville de) c. Lévesque» 92 [43]  Dans l’affaire de «  Ville de Sainte-Foy c. Rochon », l’honorable juge Gilles Charest mentionnait que l’article 327 du Code de la sécurité routière visait la conduite « qui s’écarte le moindrement du comportement de l’homme raisonnable soucieux de la sécurité routière » placé dans les mêmes circonstances.

«Gatineau (Ville) c. Rybnicky» 93

91 2014 QCCM 2

92 Op.cit. note 51

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[12.]     En définitive, la conduite du défendeur s’écarte-t-elle le moindrement du comportement de la personne raisonnable soucieuse de la sécurité routière ?

S’écarter légèrement :

«Rawdon (Corporation municipale de) c. Poirier» 94

[133]   Si le comportement du conducteur de cette machinerie lourde s’écarte, même légèrement de ce comportement, un tel comportement déficient ne répondra plus au critère de la personne raisonnable et soucieuse de la sécurité routière.

Écart irréconciliable :

«Laval (Ville de) c. Provençal»95

[20]      Le Tribunal doit être convaincu qu’il s’agit d’une action, d’une manœuvre ou d’un comportement qui représente un écart qui ne peut se réconcilier avec le comportement de l’homme raisonnable.  Ce comportement raisonnable se prête facilement à jugement par quiconque.

[21]      S’il en découle une imprudence ou une action qui est contraire à une normalité de l’homme prudent et qui se veut potentiellement dangereux, il y a alors faute au sens de cet article.

« Ville de Laval c. Lévesque » 96 [22]   Le Tribunal doit être convaincu qu'il s'agit d'une action, d'une manœuvre ou d'un comportement que représente un écart qui ne peut se réconcilier avec le comportement de l'homme raisonnable.  Il n'a pas à attendre l'écart marqué tel que requiert la

93 Op.cit. note 65

94 2009 QCCM 123

95 2009 QCCM 157

96 Op.cit. note 51

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conduite dangereuse sous l'empire du Code criminel.  Il faut donc retrouver la conviction qu'une personne raisonnable dans des circonstances analogues aurait dû être consciente du risque et du danger inhérents au comportement du défendeur.

S’écarter de façon significative :

«Directeur des poursuites pénales et criminelles c. Lamontagne» 97

[152]     Ainsi, pour trouver coupable le défendeur de l’article 327 du Code de la sécurité routière, le Tribunal doit être convaincu que les agissements du défendeur s’écartent de façon significative du comportement d’un homme raisonnablement soucieux de la sécurité des personnes et des biens. Un simple danger potentiel occasionné par les agissements du défendeur suffit.

« Prévost (Ville de) c. Lavigne» 98

[24]      Le comportement du défendeur doit correspondre à celui de l’homme raisonnablement prudent à l’égard des personnes et des biens.( Ville de Saint-Laurent c. Wiseman BJCMQ-1993-015 ). Toute preuve de comportement qui s’écarte de façon significative de cette norme doit emporter la condamnation du défendeur. ( Ville de Mont-Royal c. Neemeh  BJCMQ 2001-393 ).

«Joliette (Ville de) c. Lanoix» 99

[20]  Il ressort de ce qui précède l’expression d’une volonté des tribunaux, appelés à disposer de dossiers relatifs à des infractions commises en vertu de l’article 327, de rechercher et de trouver, dans les actes reprochés, la présence d’éléments de preuve objectifs, directs et concluants qui démontrent un écart significatif de la norme épousée normalement par un homme raisonnable placé en pareilles circonstances.

97 2013 QCCM 19

98 2011 QCCM 56

99 2008 QCCM 182

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56

«Alma (Ville d') c. Simard» 100

[9]   Il ressort de ce qui précède l’expression d’une volonté des tribunaux, appelés à disposer  de dossiers relatifs à des infractions commises en vertu de l’article 327, de rechercher et trouver dans les actes reprochés la présence d’éléments de preuve objectifs, directs et concluants qui démontrent un écart significatif de la norme épousée normalement par un homme raisonnable placé en pareilles circonstances.

S’écarter de façon marquée :

«Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Beauregard» 101

[121]     Dans les circonstances, le Tribunal ne croit pas que le comportement routier de la défenderesse a présenté un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation, mais surtout soucieux de sa sécurité dans un contexte très inquiétant et potentiellement dangereux.  D'ailleurs, l'appel fait au 911, afin de signaler le comportement dangereux et harassant d'un automobiliste, confirme tant les craintes vécues, que la fiabilité de la version de la défenderesse.

Il me semble que le critère de l’écart marqué est celui qui convient aux infractions criminelles mais non à l’infraction de l’article 327 C.s.r..

«R. c. Beatty» 102

[33]   Dans Hundal, la Cour a toutefois précisé qu’il n’est possible de conclure à l’existence de la mens rea requise que lorsqu’il y a un « écart marqué » par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnablement prudente dans la situation de l’accusé.  Cette modification du critère habituel de la négligence en matière civile s’impose dans le cadre du droit criminel.  C’est uniquement lorsqu’il y a un « écart marqué » que le comportement est suffisamment blâmable pour justifier une conclusion de responsabilité pénale.  Un des

100 2006 QCCM 356

101 2013 QCCQ 1834

102 Op.cit. note 6

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aspects de la conduite d’un véhicule automobile, soit « la nature automatique et réactive » de cette activité, fait particulièrement ressortir la nécessité d’exiger un « écart marqué » en matière criminelle.  (…)

[35]   Dans le cadre du droit civil, il importe peu de savoir dans quelle mesure le conducteur n’a pas respecté la norme de diligence raisonnable exigée par la loi.  En effet, l’étendue de sa responsabilité ne dépend pas du degré de négligence, mais de l’étendue des dommages causés.  Par ailleurs, l’état mental (ou l’absence d’état mental) de l’auteur du délit est sans importance, sauf à l’égard des dommages punitifs.  Dans le cadre du droit criminel, en revanche, il faut tenir compte de l’état mental du conducteur, parce qu’il est contraire aux principes fondamentaux de justice pénale de punir une personne innocente.  Le degré de négligence constitue la question déterminante, parce que la faute criminelle doit être fondée sur un comportement qui mérite d’être puni.

[36]   Pour cette raison, le critère objectif — tel qu’il a été modifié pour tenir compte du contexte du droit criminel — exige la preuve d’un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans les circonstances. Comme nous l’avons vu, ce n’est que lorsqu’il y a un écart marqué par rapport à la norme que le comportement objectivement dangereux s’avère suffisamment blâmable pour justifier une conclusion de responsabilité pénale.  Lorsqu’il y a un tel écart, l’acte de la conduite dangereuse est alors concomitant avec la présence d’une mens rea suffisante et l’infraction est établie.  La Cour a toutefois apporté une seconde modification au critère objectif — l’autorisation des moyens de défense disculpatoires.

[65]     (…) L’exigence relative à l’« écart marqué » constitue une norme permettant de déterminer ce qui est objectivement dangereux dans le contexte de l’al. 249(1)a) et d’écarter clairement de la façon de conduire que le Parlement a voulu criminaliser certaines violations relativement mineures des lois provinciales relatives aux véhicules à moteur.

«R. c. Roy» 103

103 2012 CSC 26

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[31] Depuis au moins les années 40, notre Cour a établi une distinction entre, d’une part, la simple négligence requise pour établir la responsabilité civile ou pour justifier une déclaration de culpabilité à une infraction provinciale de conduite imprudente et, d’autre part, la faute beaucoup plus grave requise pour l’infraction criminelle de conduite dangereuse (American Automobile Insurance Co. c. Dickson, 1943 CanLII 34 (SCC), [1943] R.C.S. 143). Cette distinction a pris une importance accrue pour des motifs d’ordre constitutionnel. Elle est devenue le fondement de la distinction qu’il convient de faire, en matière de partage des pouvoirs, entre ce qui constitue les limites acceptables des compétences législatives provinciales et fédérales, en plus de répondre aux critères de faute minimaux engageant la responsabilité criminelle au regard de la Charte canadienne des droits et libertés (O’Grady c. Sparling, 1960 CanLII 70 (SCC), [1960] R.C.S. 804; Mann c. The Queen, 1966 CanLII 5 (SCC), [1966] R.C.S. 238; Hundal). Ainsi, le critère de l’« écart marqué » souligne la gravité de l’infraction criminelle de conduite dangereuse, distingue le droit criminel fédéral du droit réglementaire provincial et assure l’existence d’exigences appropriées en matière de faute au regard de la Charte.

Pour l’infraction de l’article 327 du C.s.r., le critère serait donc celui du «simple écart» par rapport au comportement de la personne raisonnable soucieuse de la sécurité routière placée dans les mêmes circonstances. Il faut cependant plus qu’une simple faute civile :

«R. c. Bélanger» 104

[2]                             Il est acquis que le dépassement sur une ligne double ne suffit pas en soi pour établir la responsabilité criminelle de l’intimé sans appréciation de toutes les circonstances de l’espèce.

«Québec (Ville de) c. Voyer» 105

[28]    Il faut donc plus qu'une faute civile et même plus qu'une infraction au Code de la sécurité routière. Le comportement doit révéler un niveau de faute équivalant à l’imprudence et cette faute doit faire encourir les risques mentionnés

104 2013 CSC 7

1052009 QCCM 104

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précédemment [Anjou (Ville d’) c. Gianet, BJCMQ 1998-206 (C.M.); Laprairie (Ville de) c. Gagnon, BJCMQ 2000-85 (C.M.); Melocheville (Municipalité de) c. Charlebois, BJCMQ 2000-226 (C.M.); Alma (Ville d’) c. Lajoie, BJCMQ 2000-228 (C.M.)].

«R. c. Streel» 106

[83]  … La conduite qui constitue une infraction au sens de cet article est celle qui ne représente pas le soin, l'attention ou le souci requis à l'égard des autres usagers de la route (Ville de Hull c. Tardif, BJCMQ 1993-16; Cité de Masson-Angers, précitée). Le comportement qui ne correspond pas à celui de l'homme raisonnablement prudent tombe sous le coup de cet article (Ville de Varennes, précitée; R. c. Beauchamps, [1953] 4 D.L.R. 340 (C.A. Ont.); Ville de Saint-Laurent c. Wizman, BJCMQ 1993-015; Ville de Hull, précitée; Ville de Laval c. Bélanger, BJCMQ 1999-192; Cité de Masson-Angers, précitée; Ville de Saint-Pamphile c. Castonguay, BJCMQ 2000-185; Ville de Mont-Royal c. Neemeh, BJCMQ 2001-393).

[84]  Cela ne signifie cependant pas que toute faute dans la conduite automobile doive entraîner un verdict de culpabilité. Il n'est pas inutile de rappeler l'éventail des degrés de faute auquel référait l'honorable juge Cory dans l'arrêt Hundal (1993 CanLII 120 (CSC), [1993] 1 R.C.S. 867) et repris par la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Palin (J.E. 99-442). En ordre croissant, ces fautes vont de l'inattention momentanée qui engendre une responsabilité civile, en passant par la conduite sans le soin et la prudence prévue au Code de la sécurité routière, jusqu'à la conduite dangereuse et ensuite à la négligence criminelle.

[85]  Il faut donc plus qu'une faute civile et même plus qu'une infraction au Code de la sécurité routière. Le comportement doit révéler un niveau de faute plus important que la simple inattention et cette faute doit faire encourir les risques mentionnés précédemment (Ville de Varennes, précitée; Ville d'Anjou c. Gianet, BJCMQ 1998-206; Ville de Laprairie c. Gagnon, BJCMQ 2000-85; Municipalité de Melocheville c. Charlebois, BJCMQ 2000-226; Ville d'Alma c. Lajoie, BJCMQ 2000-228).

Le cadre de référence étant celui de la «personne raisonnablement soucieuse de la sécurité routière placée dans les mêmes circonstances», l’examen de la conduite en cause

106 2006 QCCM 142

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doit se faire de façon objective, sans tenir compte du fait que le défendeur n’a probablement pas voulu les conséquences de ses actes :

«Québec (Ville de) c. Voyer» 107

[29]        La norme est objective. Aucune preuve d’intention coupable, de négligence grave ou d’insouciance téméraire ne fait partie du fardeau de preuve de la poursuite. Il importe peu que le défendeur ait ou non voulu les conséquences possibles de sa conduite [Varennes (Ville de), précitée, par. 24; Carrier, précitée, par. 16 et 17].

«Varennes (Ville de) c. Danis» 108

[20]           Que dit la jurisprudence?

[21]           Le juge Pelletier dans R. c. St-Pierre109  :

«[...] elle doit être telle qu’elle amène le Tribunal à conclure qu’il y a une négligence, une négligence pas nécessairement intentionnelle puisque l’infraction est de responsabilité stricte[...]»

[22]           Le juge Charest dans Sainte-Foy (Ville de) c. Rochon110  :

«[...] en définitive, la conduite d’un défendeur qui s’écarte le moindrement du comportement de l’homme raisonnable soucieux de la sécurité routière tombe sous le coup des dispositions de l’article 327 du Code de la sécurité routière.»

[23]           Le juge Ouellet dans Thetford Mines (Ville de) c. Morin111  :

107Op.cit. note 105

1082006 QCCS 510

109 CM Chambly, no 00CC-000743, J.E. 2001-1733, 20 juin 2001.

110 CM Sainte-Foy, no 7014397, 27 septembre 2000.

111 CM Thetford Mines, no 000103-653, BJCMQ 95-213, J.E. 95-1471, 7 juin 1995.

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«[...] se permettre sur une voie principale en pleine ville, un samedi après-midi, d’effectuer un virage en U en accélérant pour faire glisser l’arrière de sa voiture, au point d’en perdre le contrôle, constitue certes «une action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété…» (327 CSR), cela qu’il y ait eu ou non d’autres usagers sur les lieux de l’infraction.  Il est jurisprudentiellement bien établi que la simple possibilité qu’il y ait ainsi d’autres usagers suffit pour satisfaire aux exigences de l’article 327 CSR qui traite d’action susceptible de mettre en péril.  Un danger potentiel suffit.»

[24]           Le juge Charbonneau dans Laval (Ville de) c. Fourniol112  :

«[...] la simple faute civile ne suffit pas, il faut que cette faute constitue une dérogation aux devoirs de prudence susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété.[...]»

«[...] qu’il s’agirait d’une action qui pourrait éventuellement mettre en péril la sécurité ou la vie ou la propriété et ce même si, au moment du comportement reproché, il ne se trouve pas d’autres usagers sur le chemin, la possibilité qu’il puisse y en avoir étant suffisante pour que la prudence soit de rigueur.  Ainsi il n’est pas essentiel, pour enfreindre les dispositions, que la vitesse crée un actuel danger, un danger potentiel suffit.[...]»

«Précisons que la violation de l’article trois cent vingt-sept (327) du Code de la sécurité routière ne requiert pas une faute téméraire ou sérieuse; par conséquent, cette faute comporte une différence de degré avec celle requise pour la conduite dangereuse.  Elle comporte également une différence de genre puisqu’elle ne nécessite pas la preuve d’une insouciance.»

«L’accusé n’a donc pas à réaliser que sa vitesse est susceptible de mettre en péril la sécurité, la vie ou la propriété, l’article trois vingt-sept (327) crée des infractions de négligence et le contrevenant est jugé selon les standards de l’homme raisonnable.  D’ailleurs, je pense que le texte même de l’article trois vingt-sept (327) vise non seulement la protection des autres personnes mais aussi celle du conducteur délinquant puisque le

112 CM Laval, no 93-21165, J.E. 91-81, 9 novembre 1990.

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législateur a mentionné « des personnes » et non « des autres usagers ».

« Ville de Laval c. Lévesque » 113

[18]   La conduite décrite à l'article 327 C.S.R. devra être appréciée objectivement et dans un contexte de tous les ingrédients enveloppant l’infraction reprochée.  La question est de savoir si du point de vue objectif, le conducteur a satisfait à la norme appropriée de diligence, et non pas de savoir s'il a subjectivement voulu les conséquences possibles de son action.

«Carrier c. Lévis (Ville de)»114

16]     Il y a en effet violation de l’article 327 C.s.r. dès que le comportement du défendeur s’écarte de celui d’une personne raisonnable et soucieuse de la sécurité routière, eu égard aux personnes et aux biens, placée dans des circonstances analogues. Il s’agit donc là d’une norme objective.  Peu importe que subjectivement le défendeur ait ou non voulu les conséquences possibles de son action ou de sa conduite.

«Alma (Ville d') c. Tremblay» 115

[20]     Il est en effet permis de croire que le Défendeur n’avait nullement l’intention d’atteindre un tel résultat lorsqu’il s’est approché du trottoir, mais il reste qu’il a  fait preuve d’insouciance ou de négligence en agissant comme il l’a fait;

[21]     Le caractère involontaire de la manœuvre n’est pas suffisant pour couvrir le manque de prudence et de diligence raisonnable dont le Défendeur a fait preuve à l’occasion de son approche des piétons se trouvant sur le trottoir;

«St-Basile-le-Grand (Ville) c. Lemire» 116

[9]  Si le défendeur n'a pas agi intentionnellement, il a été imprudent dans la conduite de son véhicule et cette imprudence

113 2007 QCCM 399

114 Op.cit. note 30

115 2010 QCCM 116

116 2004 CanLII 58253 (QC CM),

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était susceptible de mettre la sécurité du piéton en péril même si ce dernier traversait à un endroit interdit.

VIII MÉTHODE D’ANALYSE DE LA PREUVE

La preuve doit s’analyser globalement, en tenant compte de toutes les circonstances particulières pour déterminer si la conduite s’écarte de celle de celle d’une personne raisonnablement soucieuse de la sécurité routière, placée dans les mêmes circonstances.

«Varnaitis c. Montréal (Ville de)» 117

[23]        Lors de la présentation de l’appel, Me Charron dans son argument a tenté de scinder en deux sinon trois les gestes posés par l’appelant. Cet argument ne peut pas être retenu. La conduite de l’appelant doit être considérée comme un geste continu, qui implique la manœuvre coupant la fourgonnette, suivi par le dépassement du Toyota par la travée de droite puis suivi enfin par le geste d’avoir coupé le Toyota pour reprendre la travée du centre. C’est un cours continuel de conduite qui ne peut pas être divisé. Il n’y a rien de déraisonnable dans la conclusion du juge de première instance à l’effet que les éléments de l’infraction ont été prouvés hors de tout doute raisonnable.

«Varennes (Ville de) c. Danis» 118

[26]   C’est une question d’appréciation globale de la preuve.

[27]   Dans le présent dossier, en n’appréciant que quelques éléments de la preuve, et de surcroît de façon isolée, le juge d’instance a commis une erreur de droit déterminante.

117 2013 QCCS 4599

118Op.cit. note 108

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«Gatineau (Ville de) c. Chamberland» 119

[9]    Aussi, c’est en considérant l’ensemble de la preuve et les circonstances de chaque cas qu’il faut se demander objectivement si le comportement du défendeur a été celui de la personne raisonnable ou encore, si une personne raisonnable placée dans des circonstances analogues aurait dû être consciente du risque ou du danger, ou encore si elle a été soucieuse de la sécurité routière ?

«Directeur des poursuites criminelles et pénales et Malhot» 120

16.   De la jurisprudence qui précède il parait clair au Tribunal que chaque cause est un cas d’espèce et que le Tribunal doit évaluer la conduite du défendeur à la lumière d’une offense de responsabilité stricte.  Il doit  déterminer si la vitesse ou l’action du défendeur constituait une action divergente de la conduite d’une personne raisonnable et raisonnablement prudente dans les circonstances.

IX DEGRÉ DE DANGEROSITÉ

Il ressort de la jurisprudence que la preuve doit révéler l’existence d’un danger immédiat, d’un risque pour la sécurité des personnes ou de la propriété, sans qu’il soit pour autant nécessaire que ce danger soit réel, un danger potentiel étant suffisant.

«Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Benoît» 121

[21]            En vertu de l'article 327 du Code de la sécurité routière, le Tribunal doit vérifier si la conduite du défendeur s'écarte du comportement d'une personne raisonnable, soucieuse de la sécurité routière. Il s'agit d'un examen objectif. L'intention coupable ne doit pas être considérée, contrairement aux dispositions en matière criminelle qui traitent de conduite dangereuse [2].

[22]            Un danger potentiel, raisonnablement prévisible et résultant de la conduite suffit [3]. Il faut donc que la preuve révèle qu'une personne raisonnable, dans des

119 2008 QCCM 189

120 2012 QCCM 70

121 2012 QCCQ 1364

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circonstances semblables, aurait été consciente du risque et du danger inhérent à son comportement [4].

«Laval (Ville de) c. Désilets» 122

[75… nos tribunaux s’entendent sur le fait que la conduite du défendeur, suivant l’ensemble des circonstances mis en preuve, doit s’écarter du comportement d’un homme raisonnable soucieux de la sécurité routière placé dans les mêmes conditions et doit se traduire par une situation qui constitue un danger immédiat, un risque pour la sécurité des personnes et de la propriété.

«Carrier c. Lévis (Ville de)»123

[18]   Il est de jurisprudence constante qu’il n’est pas essentiel, pour que soit commise l’infraction, que la vitesse ou l’action crée un actuel danger.  Un danger potentiel et raisonnablement prévisible, pouvant résulter de la conduite du défendeur, suffit.

[19]    L’article 327 C.cr. couvre, en effet, toute situation qui constitue un danger ou un risque immédiat pour la sécurité des personnes et de la propriété, dans son sens large ou, en d’autres termes, qui est susceptible de causer (ou qui aurait pu raisonnablement produire) des dommages, aussi minimes soient-ils.

[20]     En somme, si le tribunal est convaincu que le geste commis par l’appelant en est un qui représente un écart qui ne peut se réconcilier avec le comportement d’une personne raisonnable placée dans des circonstances analogues et que, dommages ou non, ce geste aurait pu en causer, il doit, sous réserve d’une défense de diligence raisonnable, le déclarer coupable d’avoir contrevenu à l’article 327 CSR.

«Montréal (Ville de) c. Champoux» 124

122 2007 QCCM 183

123 Op.cit. note 30

124 Op.cit note 36

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[57]        Reste maintenant à déterminer si, à la lumière de la preuve faite en l'instance, la conduite du véhicule était «imprudente» au sens où l'entend l'article 327 du Code de la sécurité routière.

[58]        Cette disposition vise la vitesse ainsi que toutes les actions susceptibles de causer un danger lorsqu’il existe un risque potentiel pour la vie ou la sécurité des autres et de soi-même.

[66]        En combinant ces définitions, on doit conclure que la vitesse ou l’action, suivant le cas, visée par l’article 327 al.1 du Code de la sécurité routière est celle qui est « capable » de « produire l’effet » de constituer une « situation où l’on court de grands risques », qui « menace la sûreté, l’existence ».

«Prévost (Ville de) c. Lavigne» 125

[17]      Les dispositions de l’article 327 du Code de la sécurité routière  s’appliquent à toutes actions susceptibles de causer un danger ou un risque potentiel pour la vie ou la sécurité des autres et de soi-même (Ville de Varennes c. Danis REJB 2006-100994)

 [18]      Il n’est pas nécessaire de prouver l’insouciance, la négligence, la témérité, ni qu’il y avait un danger réel, un danger potentiel, prévisible et imminent suffit (Ville de Lachine c. de Broux BJCMQ 1995-123 et R. c. Streel BJCMQ 2006-167)

 [19]      Il n’est pas nécessaire que ce danger ait résulté en un accident, ni même qu’il y ait eu un danger réel. Un danger potentiel, raisonnablement prévisible et résultant de la façon de conduire du défendeur suffit :

 -         Ville de Laval c. Fourniol JE 91-81

-         Cité de Masson-Angers c. Su  BJCMQ 200-141

-         Ville de Sainte-Foy c. Rochon BJCMQ 2000-401

X CIRCONSTANCES ATTÉNUANTES / AGGRAVANTES

125 2011 QCCM 56

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10.1 L’accident :

Pour que l’infraction de «conduite imprudente» soit commise, il n’est pas nécessaire qu’un accident survienne, mais s’il en survient un, cela n’est pas déterminant, en soi, non plus.

«Laval (Ville de) c. Blais» 126

[63] La conduite est celle qui s’écarte du comportement de l’homme raisonnable et prudent qui se veut soucieux de la sécurité routière. L’article 327 du Code de la sécurité routière requiert un danger imminent, prévisible ou potentiel découlant du comportement du défendeur et qui n’est pas réconciliable avec celui d’un individu raisonnablement prudent et diligent. Conséquemment, il n’est pas nécessaire que ce comportement ou cette conduite débouche sur un accident.

«Prévost (Ville de) c. Lavigne» 127

 [19]      Il n’est pas nécessaire que ce danger ait résulté en un accident, ni même qu’il y ait eu un danger réel. Un danger potentiel, raisonnablement prévisible et résultant de la façon de conduire du défendeur suffit :

 -         Ville de Laval c. Fourniol JE 91-81

-         Cité de Masson-Angers c. Su  BJCMQ 200-141

-         Ville de Sainte-Foy c. Rochon BJCMQ 2000-401

«Director of Criminal and Penal Prosecution c. Sherwood» 128

[14]    In this case, the offence is more serious than a limited non-compliance with road signs. The description given by the agent of the maneuver made by the defendant establishes that his conduct might jeopardized definitively the safety of persons or property. Even during his trial, the defendant has not yet taken the measure of his conduct. He did not realize that the only choice he had, once he founded it impossible to take the expected exit on his right, was to continue over the bridge, exit at the north end, make a detour and come back in the

126 2012 QCCM 20

127 Op.cit. note 125

128 2010 QCCQ 7356

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right direction. It is not necessary in law for the offense that an accident or that any damage has occurred. The defendant, using very different words, confirms the version of the police officer to the court, beyond any doubt. The Court is then convicted out of all doubt of his culpability.

«R. c. Roy» 129 [34]   Pour déterminer si l’actus reus a été établi, il faut déterminer si la façon de conduire était objectivement dangereuse pour le public dans les circonstances.  L’enquête doit être axée sur les risques créés par la façon de conduire de l’accusé, et non sur les conséquences, comme un accident dans lequel il aurait été impliqué.  Comme l’a déclaré la juge Charron au par. 46 de Beatty, « [l]e tribunal ne doit pas tirer de conclusion hâtive au sujet de la façon de conduire en se fondant sur la conséquence.  Il doit procéder à un examen sérieux de la façon de conduire » (je souligne).  Une façon de conduire peut à juste titre être qualifiée de dangereuse lorsqu’elle met en danger le public.  L’élément pertinent, c’est le risque de dommage ou de préjudice qu’engendre la façon de conduire, non les conséquences d’un accident ultérieur.  Dans cet examen portant sur la façon de conduire, il importe de se rappeler que la conduite est une activité fondamentalement dangereuse, mais elle n’en est pas moins une activité légale dotée d’une valeur sociale (Beatty, par. 31 et 34).  Les accidents résultant de la matérialisation des risques inhérents à la conduite d’un véhicule ne devraient habituellement pas entraîner des déclarations de culpabilité.

[35]    En résumé, l’analyse relative à l’actus reus de l’infraction doit porter sur la façon de conduire le véhicule à moteur.  Le juge des faits ne doit pas simplement tirer de conclusions sur la façon dangereuse de conduire en se fondant sur les conséquences.  Il doit procéder à un examen sérieux de la façon de conduire.

10.2 L’expertise :

Le fait que le conducteur soit expérimenté, voir même expert en conduite à risques, ou qu’il soit inexpérimenté, n’est pas un facteur à considérer.

«St-Amant c. Directeur des poursuites criminelles et pénales» 130

[39]   Comme l’a souligné avec raison la procureure de l’intimé, on ne doit pas analyser le comportement de l’appelant en tenant compte de ses compétences particulières, mais bien comment une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances se serait comportée.

129 [2012] 2 RCS 60

130 2013 QCCS 582

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«Québec (Procureur général) c. Bélanger» 131

22]   La conduite du défendeur ne doit pas être analysée en fonction de ses propres compétences comme conducteur mais du risque potentiel que sa conduite peut représenter sur la voie publique tant pour lui-même que pour les autres usagers ou les biens s’y trouvant.

«Québec (Ville de) c. Voyer» 132

[52]   Le défendeur invoque son inexpérience à titre de conducteur. La norme relative à l'application de l'article 327 est toutefois objective. Il n'est pas inutile de rappeler certains commentaires formulés par la Cour suprême relativement à la conduite d'un véhicule automobile (Beatty, précitée, par. 30 et 31; voir aussi Hundal, précitée, p. 894) :

« [30]  […] puisque seuls les titulaires d’un permis sont autorisés à conduire, en règle générale, la loi peut tenir pour acquis que ceux qui conduisent en sont mentalement et physiquement capables et qu’ils connaissent la norme de diligence requise. […]

[31]  […] « les titulaires de permis choisissent de se livrer à l’activité réglementée qu’est la conduite d’un véhicule automobile » et […] assument ainsi une responsabilité envers tous les autres membres du public qui circulent sur les chemins » (p. 884).  Par conséquent, ceux qui choisissent de se livrer à cette activité fondamentalement dangereuse et qui ne satisfont pas à la norme de diligence requise ne peuvent être considérés comme moralement innocents. […] »

[53]   L'inexpérience d'un jeune conducteur devrait être source d'une plus grande attention et d'une prudence accrue, plutôt que d'une circulation à l'aveugle.

«Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Collette» 133

131 2007 QCCQ 15730

132Op.cit. note 90

1332011 QCCQ 10503

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70

[19]   Le défendeur conduit un ensemble de véhicules d'une longueur importante: entre 70 et 80 pieds.  Sur les photos produites, on voit des miroirs extensibles sur la camionnette, mais de l'aveu même du défendeur, la visibilité arrière n'est pas très bonne dans ses rétroviseurs.  Il est conscient aussi que la remorque qu'il tire a tendance à exagérer les mouvements qu'il donne sur le volant et à vaciller de gauche à droite au moindre coup de volant.

[20]   Pourtant, il circule à la vitesse limite sur l'autoroute et il fait régulièrement des dépassements et des changements de voie.  Il empiète sur la ligne médiane, rendant les dépassements par la gauche risqués pour les autres conducteurs.  Il reste de longues minutes dans la voie de gauche, incitant les conducteurs plus pressés à dépasser de façon illégale par la droite. 

[21]   Mais pendant tout ce temps, il ne voit pas ce qui se passe derrière lui dans ses rétroviseurs.  Le défendeur ne semble pas se préoccuper qu'il y ait d'autres véhicules qui empruntent la même autoroute, derrière et à côté de lui.  Son véhicule bien visible et imposant file sur le régulateur de vitesse vers sa destination finale.

[22]     Un conducteur raisonnable n'aurait pas agi de la sorte.  Il se serait assuré d'avoir une bonne visibilité dans ses rétroviseurs avant de s'engager sur l'autoroute.  Il aurait ajusté sa vitesse au chargement qu'il remorquait.  Il aurait circulé dans la voie de droite et se serait assuré que la voie était libre avant de faire des changements de voie.

«Rawdon (Corporation municipale de) c. Poirier» 134

[122]      Le défendeur a reconnu d’emblée que la conduite d’un véhicule semblable à celui utilisé dans le présent dossier nécessite une prudence supérieure à la conduite d’un véhicule automobile régulier.

[123]      En effet, ce véhicule pèse 25 tonnes et il y a une distance d’environ 4 pieds en arrière dudit véhicule qui est hors visibilité à cause de la hauteur de ce mastodonte.

134 2009 QCCM 123

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[124]      De plus, le fait que le travail de déneigement s’effectue de jour et pendant les heures d’ouverture du Centre local d’emploi aggrave la situation et des mesures supplémentaires de sécurité se doivent d’être prises.

[126]      La manœuvre de recul avec cette machinerie lourde est d’autant plus ardue qu’il y a un point mort dans la visibilité arrière du véhicule, point mort que le défendeur estime exister sur une distance d’environ quatre (4) pieds malgré le fait que la cabine est complètement vitrée à l’arrière.

[128]      Le Tribunal estime que, dans cette situation, le conducteur de ce mastodonte se doit d’être excessivement prudent et d’agir de façon à s’assurer que toutes ses manœuvres puissent être faites sans aucun danger, la vie et la sécurité des gens et des personnes en dépendent.

XI RESPONSABILITÉ DU PROPRIÉTAIRE

L’article 592 du C.s.r. énonce :

592. Le propriétaire d'un véhicule routier dont le nom est inscrit dans le registre de la Société tenu en vertu de l'article 10 peut être déclaré coupable de toute infraction au présent code ou à un règlement municipal relatif à la circulation et au stationnement, commise avec ce véhicule, à moins qu'il ne prouve que, lors de l'infraction, ce véhicule était, sans son consentement, en la possession d'un tiers.

Dans le cas d'une infraction à l'un des articles 35, 36, 65, 74, 89, 96 à 102, 105, 168, 171, 310, 311, 320 à 324, au deuxième alinéa de l'article 325, à l'un des articles 326 à 331, 333, 335 à 337, 339 à 377, au premier alinéa de l'article 378, à l'un des articles 379, 395, 396, 401, 402 à 413, 415 à 417.1, 418, 421 à 429, 431 à 443, 455 à 460, 464, au deuxième alinéa de l'article 468, à l'article 470, au deuxième alinéa de l'article 472, au deuxième alinéa de l'article 476 ou à l'un des articles 477 à 484 ou à un règlement municipal au même effet, le propriétaire ne peut être déclaré coupable que s'il est établi qu'il était le conducteur du véhicule au moment de l'infraction ou qu'il se trouvait dans le véhicule alors conduit par son préposé. Dans ce dernier cas, le tribunal peut condamner l'un ou l'autre ou les deux à la fois.

Le deuxième alinéa ne s'applique pas dans le cas où l'infraction est constatée par une photographie prise au moyen d'un cinémomètre photographique ou d'un système photographique de contrôle de circulation aux feux rouges.

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XII LES INFRACTIONS MOINDRES ET INCLUSES ET L’INTERDICTION DES CONDAMNATIONS MULTIPLES

Bien qu’il soit clair que des gestes tout à fait légaux puissent, dans certaines circonstances constituer une conduite imprudente au sens de l’article 327 du C.s.r., il n’en demeure pas moins qu’en règle générale c’est la multiplication de plusieurs infractions, dans un contexte particulier, qui est invoquée pour justifier le caractère imprudent de la conduite.

Dès lors, deux questions sont susceptibles de se poser :

1) Dans l’éventualité où le Tribunal en arrive à la conclusion que les infractions à la sécurité routière commises ne sont pas suffisantes pour constituer une conduite imprudente au sens de l’article 327, est-ce que le défendeur pourra être trouvé coupable de l’une ou l’autre d’entre elles ?

2) Dans l’éventualité où, en plus d’une infraction a l’article 327 (ou d’une accusation criminelle de conduite dangereuse) un ou des constats d’infractions au Code de la sécurité routière sont délivrés au conducteur, peut-il être reconnu coupable tant pour l’article 327 (ou le Code criminel) que pour les divers autres constats d’infractions délivrés ?

À titre d’exemple, supposons la trame factuelle suivante : Suite à une intervention policière, un individu se voit remettre 5 constats d’infractions : 2 pour ne pas avoir effectué des arrêts obligatoires, 1 pour avoir conduit en soirée tous phares éteints, 1 pour avoir fait crisser ses pneus et 1 pour avoir commis une action susceptible de mettre la sécurité des personnes en danger, les évènements étant survenus dans une zone résidentielle alors que l’individu circulait à une vitesse évaluée à plus de 90 Km/h alors que la vitesse maximale permise était de 50.

Supposons maintenant que le Tribunal, à l’issue de la preuve, en vienne à la conclusion que, dans les circonstances, les infractions commises sont insuffisantes pour constituer une conduite imprudente au sens de l’article 327. Est-ce que le défendeur peut être reconnu coupable de l’une ou l’autre des infractions mentionnées dans les autres constats ?

Dans une affaire de «Rivière-du-Loup (Ville de) c. Simard» 135 , le juge Decoste répond affirmativement, dans la mesure où l’infraction en cause peut être considérée comme «moindre et incluse» dans celle de l’article 327 C.s.r. :

[2] On a accusé monsieur Simard d'avoir violé l'article 327 du Code de la Sécurité routière qui prescrit:

135 Kamouraska no. 250-61-014427-002 (C.Q.), 31 janvier 2002, J. Decoste

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«Toute vitesse ou toute action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété est prohibée.»

[3] On suggère en poursuite que la preuve ne suffit pas à établir tous les éléments essentiels de l'article 327 du Code de la Sécurité routière, mais qu'en vertu de l'article 221 du Code de Procédure pénale, le Tribunal devrait le déclarer coupable de l'infraction prévue à l'article 368 du Code de la Sécurité routière.

[4] En défense, on suggère plutôt que le défendeur pourrait à la limite être trouvé coupable de l'infraction prévue à l'article 366 ou 371 du Code de la Sécurité routière, à la condition qu'on puisse qualifier ces infractions de moindres et incluses. Mais cette condition n'est pas admise, à telle enseigne que l'acquittement s'impose.

[14] En l'instance, certains points communs, étant des éléments essentiels, se retrouvent aux articles 327, 368 et 371. Dans chacune d'elles, l'infraction doit être commise par le conducteur d'un véhicule, et ce conducteur se doit d'arrêter son véhicule.

[15] Le conducteur d'un véhicule routier faisant face à un panneau d'arrêt (368), qui n'immobilise pas son véhicule et/ou ne cède pas le passage, pose forcément "une action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété". Par ailleurs, en l'instance, la preuve établit que l'accusé faisait face à un panneau d'arrêt et non à un signal lui ordonnant de céder le passage: en conséquence, un verdict de culpabilité sous l'accusation prévue à l'article 371 du Code de la Sécurité routière est impossible. Il en va de même de l'infraction prévue à l'article 366 qui fait allusion à un feu de circulation.

[16] En somme, monsieur Simard, en omettant de céder le passage à un autre véhicule qui allait s'engager dans l'intersection (368 et 360), commettait "une action susceptible de mettre en péril la vie ou la sécurité des personnes ou la propriété". L'une nous apparaît incluse dans l'autre.

[17] L'infraction prévue à l'article 368 du Code de la Sécurité routière est de moindre gravité que celle prévue à l'article 327: la première prévoit une amende de 100 $ et l'autre de 300 $.

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« St-Adolphe-d'Howard (Municipalité de) c. Dubois » 136

[1]           Le défendeur subit son procès à l’égard de deux constats d’infractions qui lui ont été signifiés en regard des mêmes évènements.

[2]           Le premier lui reproche d’avoir effectué un dépassement à l’approche d’une intersection, contrairement aux dispositions de l’article 345 du Code de la sécurité routière.

[3]           Le second lui reproche d’avoir commis une action susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou la propriété, en contravention des dispositions de l’article 327 du Code de la sécurité routière.

[36]        Il est bien reconnu que l’infraction d’avoir commis une action susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou de la propriété peut être constituée de la commissions de plusieurs infractions de moindre gravité qui y sont moindres et incluses;

[37]        Ainsi, si le tribunal en arrive à la conclusion que l’ensemble de ces infractions de moindres gravité n’est pas suffisant pour constituer une action susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou de la propriété, le défendeur pourra être reconnu coupable de l’une ou l’autres des infractions de moindre gravité qui la constitue.

[38]        De façon corollaire, si le tribunal est convaincu, à la lumière des faits prouvés, que l’ensemble des gestes reprochés au défendeur constitue une action susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou de la propriété, le défendeur ne peut, simultanément, être trouvé coupable de chacune des infractions de moindre gravité qui constituent cette action.

«Montréal (Ville de) c. Di Turi» 137

[1]   Dans un premier dossier (785 034 832), on reproche au défendeur d’avoir contrevenu à l’article 342 du Code de la sécurité routière , L.R.Q. c. C-24.2 (ci-après « C.S.R. »), à savoir :

136 2010 QCCM 313

137 Op.cit., note 54

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« Étant le conducteur d’un véhicule routier sur une chaussée à 2 voies ou plus de circulation à sens unique, en effectuant en zigzag plusieurs dépassements successifs. »

 [2]   Lors de l’audition, la défense a admis la commission de cette infraction.

[3]   Dans un deuxième dossier (785 034 843), on lui reproche d’avoir contrevenu à l’article 327 du C.S.R., plus précisément :

« Étant le conducteur d’un véhicule routier circulant à une vitesse susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes. »

  [4]   C’est ce deuxième constat qui est en litige ici.

 [5]   Ces deux constats découlent des mêmes évènements, survenus le 10 janvier 2012, vers 17 h 40.

[40]      Le tribunal est convaincu, hors de tout doute raisonnable, que le défendeur a commis les deux infractions qui lui sont reprochées.

[41]      Aussi, la règle interdisant les condamnations multiples (Kienapple c. La Reine, 1974 CanLII 14 (CSC), [1975] 1 R.C.S. 729) ne s’applique pas en l’espèce. Bien qu’elles aient été commises au cours de la même trame factuelle, ces infractions sont distinctes à la fois en fait et quant à leurs éléments essentiels. En définitive, il n’y a pas entre ces deux infractions une correspondance suffisante pour justifier l’application de la règle de Kienapple (voir : R. c. Prince, 1986 CanLII 40 (CSC), [1986] 2 R.C.S. 480).

«Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Wlad» 138

[1]           En date du 23 avril 2011, on reproche au défendeur d'avoir conduit un véhicule à une vitesse supérieure à celle permise, soit 209 km/h dans une zone où cette dernière est établie à 90 km/h, contrevenant ainsi à l'article 328 du Code de la sécurité routière («le Code»).

[2]           C'est dans ce cadre bien particulier que le défendeur signifie une requête en arrêt des procédures fondée sur l'application de la règle interdisant les condamnations multiples basées sur un seul et même comportement.

[3]           À cet effet, ce dernier souligne qu'en plus du présent constat, il a été accusé d'avoir conduit à la même date une

138 2013 QCCQ 1712

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automobile d'une façon dangereuse pour le public compte tenu de toutes les circonstances, contrevenant ainsi à l'article 249 (1) (a) du Code criminel, sans oublier une accusation de fuite alors qu'il était poursuivi par un agent de la paix (article 249.1 du Code criminel).

[4]           Le 19 août 2011, le défendeur se présente en Chambre criminelle et reconnaît sa culpabilité à l'accusation de conduite dangereuse sous l'article 249 (1) (a) du Code criminel. À la suggestion commune des parties, la Cour le condamne à payer une amende de 1200 $ et les frais, sans autre condition ni ordonnance de probation ou d'interdiction de conduire pouvant découler de l'article 259 du Code criminel, et prononce un arrêt conditionnel sur l'accusation visée à l'article 249.1 du Code criminel. Cependant, le permis de conduire du défendeur est alors suspendu pour une durée de 12 mois. (Article 180 du Code de la sécurité routière)

Question en litige

[5]           Le défendeur peut-il invoquer en regard de la présente infraction, la règle interdisant les condamnations multiples ?

Le droit applicable

[14]        Dans la présente affaire, les infractions reprochées sont reliées à un seul événement. Cependant, le Tribunal doit déterminer si les deux accusations ont pour fondement, la même cause, la même chose ou le même délit.

[15]        La chose jugée repose sur l'identité des inculpations. Il faut reprocher au même défendeur, pour les mêmes circonstances, une infraction identique ou substantiellement semblable à celle pour laquelle il a été trouvé coupable ou acquitté lors d'une poursuite antérieure. Il doit s'agir de la même affaire en totalité ou en partie. La nouvelle accusation doit être la même qu'au procès précédent ou être implicitement incluse dans ce dossier, soit en droit, soit en raison de la preuve faite s'il eut alors été possible légalement d'y apporter les modifications nécessaires.[3]

[16]        Par ailleurs, le principe interdisant les déclarations de culpabilité multiples est d'application générale et s'exprime par des règles particulières. L'une d'elles, la «res judicata» s'applique lorsque deux accusations distinctes sont fondées sur le même délit ou la même cause. C'est ainsi qu'un verdict de culpabilité ne peut être inscrit pour la seconde accusation si un tel verdict est prononcé pour la première. Si la seconde accusation ne comporte

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aucun élément additionnel ou distinctif qui touche à la culpabilité, il s'agira du même délit ou de la même cause que la première.

[17]        Dans l'arrêt Prince, déjà cité, la Cour Suprême énonce trois conditions pour l'application de cette règle :

1- Il doit exister un lien factuel entre les infractions reprochées;

2- Il doit exister un lien juridique suffisant entre les infractions reprochées;

3- Le législateur ne doit pas avoir expressément ou tacitement exigé pour les infractions en cause une condamnation supplémentaire.

Champ d'application

[18]        Le Tribunal doit donc évaluer si les infractions visées renferment des éléments déterminants qui se recoupent et visent de facto des comportements essentiellement identiques.

Conduite dangereuse - article 249 (1) a) du Code criminel

[19]        Au sujet de ces éléments essentiels, le Tribunal doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que du point de vue objectif, le défendeur conduit un véhicule à moteur «d'une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l'état du lieu, l'utilisation qui en est faite ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu». (article 249 (1) a) C.Cr.)

[20]        À sa lecture, ce texte prévoit plusieurs facteurs à analyser et à prouver, mais la vitesse ne s'y retrouve pas expressément.

[21]        À cela, il faut aussi ajouter l'intention coupable. À cet effet, la Cour suprême du Canada[4] enseigne que le juge du procès doit «être convaincu à la lumière de l'ensemble de la preuve, y compris de la preuve relative à l'état d'esprit véritable de l'accusé, si une telle preuve existe, que le comportement en cause constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l'accusé».

[22]        Pour cette infraction, il est donc impératif d'évaluer l'ensemble des circonstances de la conduite automobile.

[23]        À cela il faut aussi souligner que cet article s'applique à l'ensemble du Canada et vise à prohiber la conduite par un

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individu d'un véhicule moteur pouvant entraîner un risque ou un danger pour la sécurité du public, peu importe qu'il soit sur un chemin public, privé ou autre.

Excès de vitesse - article 328 du Code de la sécurité routière

[24]        L'infraction d'avoir circulé à une vitesse supérieure à celle permise oblige le poursuivant à prouver, entre autres, l'excès de cette dernière en rapport à la limite statutaire imposée, mais indubitablement, les facteurs tels que la circulation, la manière de conduire, la dangerosité, l'état des lieux ou l'intention coupable ne sont pas pertinents.

[25]        Le Code vise à réglementer l'utilisation des véhicules sur les chemins publics et dans les cas mentionnés, sur certains chemins et terrains privés ainsi que la circulation des piétons sur les chemins publics (article 1). Il vise donc à assurer la sécurité sur le réseau routier québécois et son article 328 à limiter essentiellement la vitesse sur celui-ci.

Analyse

[26]        C'est ainsi que pour chaque infraction mentionnée, les sanctions sont différentes, l'une aux conséquences criminelles, l'autre réglementaires, chacune ayant sa propre finalité et des objectifs distincts.

[27]        Les gestes matériels requis pour entraîner une condamnation sont distincts et donnent ouverture à deux infractions différentes, la première étant indépendante de la seconde et inversement.

[28]        À l'analyse, il n'est pas essentiel ou nécessaire de circuler au-dessus de la vitesse permise pour commettre l'infraction criminelle de conduite dangereuse. Bien sûr, le Tribunal est conscient que la vitesse peut être partie à l'infraction de cette conduite criminelle, mais elle est et ne sera toujours qu'un facteur parmi d'autres, plus spécifiques.

[29]        Cependant, et contrairement à l'infraction visée à l'article 249 (1) a) du Code criminel, l'excès de vitesse est et demeure un des éléments essentiels prévus sous l'article 328 du Code, peu importe les circonstances.

[30]        Ainsi, un individu peut très bien être déclaré coupable de conduite dangereuse, même en l'absence d'une preuve de vitesse excessive. Ce même individu peut être condamné pour un excès

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de vitesse, même en l'absence de preuve que cette conduite était dangereuse pour le public.

[31]        En l'espèce, après analyse des faits exposés par le poursuivant à l'audition du procès criminel, le Tribunal constate que ce ne sont pas les infractions qui se recoupent alors qu'un seul facteur commun donne lieu à l'accusation actuelle, la vitesse.

[32]        Cette vitesse bien qu'impressionnante n'est pas le seul et unique facteur énuméré et reconnu par les parties à l'audition du mois d'août 2011. Elle n'a pas plus d'importance que la conduite en louvoiement en chevauchant les trois voies à plusieurs reprises alors que ces manœuvres entraînent des freinages brusques opérés par des conducteurs qui croisent le défendeur afin d'éviter une collision.

[33]        Il ne faut pas oublier que ce dernier a plaidé coupable à l'ensemble des circonstances et non seulement à la vitesse. C'est la somme de chacun des éléments constitutifs de cette infraction qui a formé le comportement reproché de conduite dangereuse.

[34]        D'ailleurs, ce dernier reconnaît qu'il devra aussi se défendre de l'accusation portée en vertu de l'article 328 du Code qui à l'inverse de la première ne vise essentiellement qu'à sanctionner la vitesse.

[35]        Ainsi, puisque les éléments essentiels, les circonstances et les caractéristiques varient selon chacune des infractions, la défense fondée sur le principe de l'interdiction des condamnations multiples ne peut trouver application en l'espèce.

«Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Cousineau» 139

[1]               On reproche au défendeur d'avoir, en tant que conducteur d'un véhicule routier, commis, le 30 avril 2009, cinq infractions au Code de la sécurité routière [1] :

-           d'avoir suivi un autre véhicule à une distance qui n'était pas prudente et raisonnable compte tenu de la vitesse, de la densité de la circulation, des conditions atmosphériques et de l'état de la chaussée, contrairement à l'article 335 du C.S.R. ;

-           d'avoir circulé sur l'accotement d'un chemin public, contrairement à l'article 418 du C.S.R. ;

139 2011 QCCQ 8132

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-           d'avoir conduit un véhicule routier pour une course avec un autre véhicule, contrairement à l'article 422 du C.S.R. ;

-           d'avoir freiné brusquement, contrairement à l'article 436 du C.S.R. ;

-           d'avoir commis une action susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou la propriété, contrairement à l'article 327 du C.S.R.

[68]            En ce qui concerne l'infraction d'avoir commis une action susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou la propriété, le défendeur soutient qu'il y a lieu d'appliquer la règle interdisant les condamnations multiples puisque s'est l'ensemble des infractions précédemment examinées qui fondent cette accusation.

[69]            À ce sujet, le défendeur fonde son argument sur la description que le policier fait quant aux lieux et heures de chacune des infractions reprochées.

[70]            Ainsi, les infractions de suivi à une distance non prudente et raisonnable et d'avoir circulé sur l'accotement d'un chemin public sont constatées à 14h15 sur l'autoroute 132 au kilomètre 3. L'infraction d'avoir coursé avec un autre véhicule est constatée de 14h15 à 14h17 sur l'autoroute 132 du kilomètre 3 au kilomètre 6. L'infraction d'avoir freiné brusquement est constatée à 14h20 sur la route 134, le boulevard Taschereau dans l'accès Saint-Charles.

[71]             En ce qui concerne l'infraction d'avoir commis une action susceptible de mettre en péril la sécurité des personnes ou la propriété, le policier indique que l'infraction est commise entre 14h15 et 14h20 entre l'autoroute 132 à la hauteur du kilomètre 3 et l'intersection des rues Saint-Charles et Joliette à Longueuil.

[72]            Il est donc raisonnable de déduire, comme l'invite le défendeur à le faire, que ce sont l'une ou l'autre, voire l'ensemble, des quatre infractions qui fondent l'infraction à l'article 327 C.S.R.

[73]            Or, les condamnations multiples fondées sur un seul comportement sont interdites [7]. En l'espèce, il n'y a, dans le témoignage écrit du policier, aucune autre action, outre celles faisant chacune l'objet d'un constat d'infraction, susceptible d'établir une infraction à l'article 327 C.S.R.

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Donc, si les gestes reprochés dans le cadre d’un constat d’infraction à l’article 327 du C.s.r. peuvent être considérés comme «moindres et inclus» à cette dernière, le défendeur trouvé coupable sous 327 ne pourra l’être à l’égard des autres.

Inversement, si le Tribunal conclue que les gestes reprochés sont insuffisants à justifier une déclaration de culpabilité sous 327, il pourra déclarer le défendeur coupable de toute autre infraction prouvée qui y serait moindre et incluse.

Par ailleurs, il ne faudra pas oublier que l’article 327 C.s.r. prévoit deux infractions distinctes : La vitesse imprudente et l’action imprudente et que si l’action peut inclure la vitesse, l’inverse n’est pas le cas. Ainsi, si l’infraction reprochée sous 327 est celle d’une vitesse excédant la limite permise et imprudente dans les circonstances, une condamnation additionnelle pour vitesse excessive est-elle possible ? Ou encore, si l’infraction reprochée sous 327 C.s.r est une action imprudente sans que la vitesse excessive ne soit mise en preuve, une condamnation pour une vitesse excessive est-elle possible ? Et finalement, si l’infraction reprochée sous 327 C.s.r. est une action imprudente, incluant la preuve d’une vitesse excessive, une condamnation additionnelle pour vitesse excessive peut-elle intervenir ?

On peut, par ailleurs envisager la situation sous un autre angle : Si le défendeur était trouvé coupable, ou acquitté, d’une infraction criminelle de conduite dangereuse, incluant la preuve d’une vitesse excessive, quel serait l’impact sur un constat d’infraction pour vitesse excessive ? Ou encore, dans le même contexte, quel serait l’impact sur une série de constats d’infractions pour contraventions aux dispositions du Code de la sécurité routière ?

Pour les fins de la discussion, compliquons encore un peu les choses : Supposons un défendeur à qui, suite à une intervention policière, on délivre plusieurs constats d’infractions sous le Code de la sécurité routière, en regard de sa conduite durant cette intervention et qu’on accuse simultanément au criminel pour conduite dangereuse et conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite permise.

Dans le cas des accusations criminelles, le défendeur plaide coupable à l’infraction de conduite avec une alcoolémie supérieure et reconnait la trame factuelle à l’intérieure de laquelle cette infraction est survenue. Vu son plaidoyer de culpabilité, le Tribunal prononce un arrêt des procédures à l’égard du chef de conduite dangereuse.

Quel sera l’impact de l’ordonnance d’arrêt des procédures sur les infractions au Code de la sécurité routière? Ou quel sera l’impact de la reconnaissance de la trame factuelle faite dans le cadre des accusations criminelles sur la possibilité d’une défense dans le cadre du procès en regard des infractions routières ?

Et poussons le raisonnement encore un peu plus loin : Si, à l’égard de la même trame factuelle, on portait une accusation de vitesse imprudente sous l’article 327 C.s.r. en plus d’une série de constats pour diverses autres infractions, une condamnation pour l’ensemble de ces constats est-elle envisageable ?

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Des éléments de réponses à ces questions peuvent se trouver dans la décision rendue dans l’affaire « Ville de Laval c. Lucie Beauchemin » 140 .

XIII ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION

Au cours de mes recherches j'ai eu l'occasion de retracer quelques décisions de tribunaux d'appels qui portent à réfléchir sur une évolution possible de l'appréciation du caractère de négligence des actes composant la conduite imprudente du Code de la sécurité routière. Ces deux décisions ont été rendues dans le cadres d'infractions relevant du Code criminel, mais la pensée qui y est développée pourrait peut-être trouver application sous l'article 327 du C.s.r. Là se situe en fait la question.

En premier lieu, une décision de la Cour d'appel d'Ontario dans l'affaire «R. c. Richards»141. Dans Richards, il s'agissait d'un grave accident survenu sur une autoroute de la région d'Ottawa où le conducteur avait perdu la maîtrise de son véhicule, traversé le terre-plein et heurté un pylône se trouvant de l'autre côté. Sous l'impact, le véhicule a explosé, entrainant la mort instantanée des passagers.

La preuve faite révélait, entre autre, que le conducteur circulait à une vitesse d'au moins 119 Km/h dans une zone où la vitesse maximale permise était de 100 Km/h, alors que la vitesse moyenne des véhicules à cet endroit se situait généralement entre 103 et 133 Km/h.

Le conducteur fut donc accusé sous deux chefs de conduite dangereuse causant la mort.

Vu le verdict d'acquittement en première instance, la Couronne portait l'affaire devant la Cour d'appel.

La Cour d'appel commence par rappeler que l'infraction de conduite dangereuse du Code criminel requière la démonstration d'un «écart marqué» entre la conduite observée du défendeur et celle d'un conducteur raisonnablement prudent. Par contre elle continue en suggérant que le critère du «conducteur raisonnablement prudent» ne doit pas s'apprécier in abstracto, mais bien in concreto, ce qui signifie que l'on doit tenir compte des habitudes de conduite générales à l'endroit en cause.

La Cour a posé le principe en ces termes:

« [14] While the trial judge found that the respondent was travelling at a minimum speed of 119 kilometres per hour when his vehicle left the highway, no opinion evidence was led

140 2014 QCCM 44 ,Juge Lalande

141 C.A. (ont.), No. C35403, 12 mars 2003.

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concerning the applicable increase to that minimum speed estimation to be made when consideration of the impact with the pillar is taken into account. The evidence of the lay witnesses indicated that the respondent's rate of speed on impact was between 80 to 120 kilometres per hour. In addition, and of more importance, there was evidence at trial from a police officer that, although the posted speed in the area of the accident is 100 kilometres per hour, speeds in the passing lane of up to 130 kilometres per hour are not uncommon. In the slower right-hand lane, speeds range from 80 to 110 kilometres per hour, depending on traffic.

[15] Accordingly, the respondent's actual rate of speed, which was not quantified at trial, is a live issue. Given the evidence which indicated the speeding practices of other drivers on the highway where the accident occurred, we are not persuaded that the demonstrated evidence supports no conclusion other than the conclusion that the respondent's driving was a marked departure from the standard of care of a reasonable driver in a similar situation. A new trial must be held to determine that central issue.»

(Mes soulignés)

Notre propre Cour d’appel a repris ce même raisonnement dans « Desbiens c. R.» 142. Il s'agissait, là encore, d'une accusation de conduite dangereuse causant la mort.

Voici ce que dit la Cour d'appel:

«14 La preuve est concluante : les conducteurs ne respectent généralement pas la limite de vitesse sur la rue Notre-Dame et circulent habituellement à 60, 65 et même 70 km/h. C'était le cas au moment des événements. Il s'agit d'un élément de preuve dont on doit tenir compte au moment de déterminer si la conduite de l'appelant constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable placée dans la même situation : R. c. Richards (2003), 174 C.C.C. (3d) 154, paragr. 15 (C.A. Ont.).

...

21 En examinant toutes les circonstances de l'espèce, peut-on vraiment parler d'une conduite dangereuse qui s'écarte de

142 2009 QCCA 1670

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façon marquée de la norme? Nous ne le croyons pas.

...

25 En traversant l'intersection, l'appelant a peut-être fait preuve d'imprudence au sens de l'article 327 du Code de la sécurité routière , mais sa conduite ne peut aucunement être qualifiée de «   dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l'état du lieu, l'utilisation qui en est faite ainsi que l'intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu   », comme l'exige l'article 249 du Code criminel .

26 Il est impossible d'affirmer que la vitesse de l'appelant au moment de la collision (comparable ou légèrement supérieure à celle des autres conducteurs), même si on la considère à la lumière des événements qui l'ont précédée, et sa manière de conduire (contourner le véhicule qui le précédait au moment où ce dernier s'est arrêté et traverser l'intersection en ligne droite) sont telles qu'elles permettent d'atteindre le degré de gravité requis. De plus, il n'y avait ni arrêt obligatoire, ni feu de circulation. La preuve de l'actus reus n'a donc pas été faite.

27 Conduire de la sorte et tenir pour acquis, dans les circonstances de l'espèce, qu'une automobile ne viendra pas bloquer la voie de droite au moment de traverser, constitue peut-être une imprudence, un simple écart, mais ne peut constituer ici un écart marqué au sens que lui donne la jurisprudence. C'est une question de degré que la preuve ne permet pas d'atteindre et la mens rea n'a donc pas davantage été établie.»

(Mes soulignés)

Puis, plus récemment, dans «Pardi c. R.» 143

[38]        Il est rare qu’un type de conduite soit à lui seul, ou en tant que tel, qualifié de dangereux. La jurisprudence fait porter son analyse sur divers facteurs qui sont fréquemment associés à la notion de conduite dangereuse : la vitesse excessive, la conduite agressive, le comportement du conducteur en conduisant (le fait, par exemple, de s’endormir au volant), l’intoxication, l’intensité de la circulation ou la présence de piétons, l’omission de respecter un arrêt obligatoire ou un feu rouge, le fait de conduire à contresens, la surcharge du véhicule et le stationnement ou l’arrêt du véhicule sur une voie fortement fréquentée[19]. Il importe

143 2014 QCCA 320

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cependant d’évaluer la conduite en cause en tenant compte de toutes les circonstances. La présence d’un seul de ces facteurs dans la conduite de l’accusé ne permet pas de conclure automatiquement à de la conduite dangereuse.

[61]        L’appelant soutient enfin que le juge a erré en omettant totalement de considérer la preuve présentée quant aux habitudes de conduite de ce quartier. Or cette preuve de la défense révèlerait que les gens roulent habituellement à une vitesse entre 50 et 55 km/h dans ce quartier. Selon l’arrêt Desbiens, une telle preuve devient très pertinente quant à la détermination de la norme de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances [28].

[62]        Il est vrai que cet élément de preuve est pertinent afin de déterminer la norme de la personne raisonnable dans les circonstances ambiantes. Il est également vrai que cet élément de preuve n’est pas mentionné dans les motifs du juge de première instance. Mais il n’apporte rien à la solution du litige. En effet, les faits en l’espèce se distinguent nettement de ceux de l’arrêt Desbiens. Dans cet arrêt, il avait été mis en preuve que les conducteurs en général ne respectent pas la limite de vitesse sur la rue Notre-Dame, ce qui était le cas au moment des évènements. La Cour conclut alors que cet élément de preuve est un de ceux « dont on doit tenir compte au moment de déterminer si la conduite de l’appelant constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable placée dans la même situation. »[29] Ainsi, la Cour prend en considération plusieurs autres éléments de preuve avant de conclure que la vitesse de l’appelant n’était pas en cause.

[63]        Or, en l’espèce, il n’y avait aucun autre véhicule qui roulait dans les environs du site de la collision au moment où elle s’est produite, sauf bien entendu celui de X qui roulait à une vitesse substantiellement moindre que celui de l’appelant. Qui plus est, l’établissement de la norme de la personne raisonnable ne s’appuierait que sur le témoignage de M. Abraham qui affirme que les gens roulent habituellement à une vitesse de 50-55 km/h. Cependant, M. Gagné a témoigné qu’il roulait à 30-40 km/h dans le quartier en cause à l’époque des faits car c’est un quartier résidentiel et Mme Bégin a témoigné qu’elle roulait habituellement à une vitesse 35-38 km/h. En somme, la preuve relative aux habitudes de conduite des gens est contradictoire quant à la vitesse moyenne précise à laquelle les gens roulent habituellement dans le quartier. Le juge a donc accordé plus de crédibilité aux témoignages de M. Gagné et de Mme Bégin, ainsi qu’à celui des témoins oculaires qui ont tous affirmé que le

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véhicule de Pardi allait très vite, plus vite que la vitesse habituelle des gens dans ce secteur. Le témoignage de M. Abraham n’a pas réussi à soulever un doute dans l’esprit du juge. L’évaluation de la crédibilité des témoins relève de manière prééminente de la compétence du juge de première instance. Or, rien dans le mémoire de l’appelant ne démontre que le juge a erré en tirant de la preuve les inférences qui sous-tendent son jugement.

[64]        Le juge ne fait pas mention des habitudes de conduite dans les rues de ce voisinage, mais on comprend en lisant ses motifs qu’il compare le comportement de l’appelant à celui d’une personne raisonnable et qu’il conclut à un écart marqué. N’oublions pas que « le droit d’appel conféré par la loi s’applique à la déclaration de culpabilité (….) plutôt qu’aux motifs, chaque omission ou lacune dans l’exposé des motifs ne constituera pas nécessairement un moyen d’appel » [30]. Vu la preuve faite au procès, le raisonnement du juge est tout à fait intelligible.

En matière de conduite imprudente sous l'article 327 du C.s.r., nous savons que la norme de comparaison est celle d'un écart qui ne peut se réconcilier avec le comportement de l'homme raisonnable placé dans les mêmes circonstances, ce qui est différent de l'écart marqué sous le Code criminel, mais ne devons-nous pas tenir quand même compte du comportement général des conducteurs à l'endroit en cause pour déterminer si le comportement du défendeur s'écarte de la norme de diligence requise puisque la norme d’appréciation est la même : Le comportement de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances.

Comme on peut le lire au paragraphe 25 de l'arrêt Desbiens, la Cour d'appel ne dit pas clairement et fermement non. Elle ne fait que mentionner qu'il est possible, sans l'affirmer, que la conduite du défendeur ait pu constituer une conduite imprudente au sens de l'article 327 du C.s.r. Il me semble que la porte est grande ouverte. La Cour n'a pas remis en question cette façon de voir malgré qu'elle ait eue au moins trois occasions de commenter l'arrêt Desbiens.144 Au contraire, dans le récent arrêt Pardi, elle a clairement mentionné qu’il s’agissait là d’un facteur à prendre en considération.

On peut facilement imaginer des situations où un conducteur, malgré qu'il contrevienne dans sa conduite générale à plusieurs règles de circulation ne conduit pas différemment de la majorité des conducteurs québécois. Sa conduite peut-elle dès lors être qualifiée d'imprudente au sens de l'article 327 lorsqu'elle s'apparente à celle des autres ? La question reste à trancher.

Le second point intéressant de réflexion concerne les infractions qui seraient moindres et

144 Voir à cet effet: Bélanger c. R, op.cit note 62 ; Dorval c. R, op. cit note 64; Tremblay c. R., 2012 QCCA 675 (CanLII)

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incluses à celle de «conduite imprudente» de l’article 327 C.s.r.

J’ai retracé deux décisions à ce sujet, qui émanent de l’Ontario, mais qui pourraient possiblement avoir un impact chez nous.

D’abord, en Ontario, le pendant de notre article 327 C.s.r. est l’article 130 du Highway Traffic Act 145 qui se lit comme suit :

Careless driving130.  Every person is guilty of the offence of driving

carelessly who drives a vehicle or street car on a highway without due care and attention or without reasonable consideration for other persons using the highway and on conviction is liable to a fine of not less than $400 and not more than $2,000 or to imprisonment for a term of not more than six months, or to both, and in addition his or her licence or permit may be suspended for a period of not more than two years. 2009, c. 5, s. 41.

Or, en Ontario, on semble considérer que, vu la rédaction en termes très généraux, de l’article 130, il n’y aurait pas possibilité d’y retrouver des infractions moindres et incluses.

«R. c. Richards»146

[20] In R. v. Reiber, [2007] O.J. No. 2921, in paragraphs 12-16, this Court reviewed case law on included offences and the application of s. 55 POA. In essence, the case law holds that for anoffence to be an included offence, the essential elements of the included offence must be contained within the original offence or in the count on the charging certificate or information.

[21] The count on the charging certificate stated only an offence of ‘Careless Driving’ without any reference to a charge of ‘Failing to Stop for a Red Light’. As such, the charging certificate did not inform Ms Richards of the possibility of having to defend herself against a charge under s. 144(18) HTA.[22] As noted above, the actual wording of s. 130 HTA does not contain the essential elements of s. 144(18) HTA. Therefore, as per my findings in Reiber, s. 144(18) is not an included offence within s. 130 HTA.

145 R.S.O. 1990, CHAPTER H.8

146 Op.cit., note 141

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5: DECISION

[23] The charge of Careless Driving under s. 130 HTA against Ms Richards is dismissed.

[24] Further, Ms Richards despite failing to stop for the red light, cannot be found guilty of an offence under s. 144(18), as it is not an included offence within s. 130 HTA nor was she informed on the charging certificate of the possibility of having to defend herself against this charge.

«City of Greate r Sudbury and Connor MC Neil» 147

1.2:     Are the offences of “Change Lane Not in Safety” and “Fail to Drive in Marked Lane” lesser and included offences of the offence of “Careless Driving”? [13]               Section 55 of the Provincial Offences Act states as follows: “Where the offence charged includes another offence, the defendant may be convicted of an offence so included that is proved, although the whole offence charged is not proved.”[15]               Before reviewing those cases referred to by the Prosecutor I will review other cases which deal with the issue. In R. v. G.R., 2005 SCC 45 (CanLII), [2005] 2 S.C.R. 371 (S.C.C.), the Supreme Court of Canada considered the issue of included offences pertaining to criminal matters. Although the wording of section 662 of the Criminal Code is not identical to section 55 of the Provincial Offences Act I am satisfied that they are close enough and based on the case law that the test to be applied in interpreting these sections is the same. At paragraph 27 Justice Binnie speaking for the majority accepted the findings of the Ontario Court of Appeal in a previous decision of R. v. Simpson (No. 2) reflex, (1981), 58 C.C.C. (2d) 122 (C.A.) when it stated: “Martin J.A. of the Ontario Court of Appeal also insisted on making clear to an accused the precise extent of his or her legal jeopardy: “The offence charged as described either in the enactment creating the offence, or as charged in the count, must contain the essential elements of the offence said to be included....the offence charged, as described either in the enactment creating the offence or as charged in the count, must be sufficient to inform the accused of the included offences which he must meet.” Justice Binnie also stated at paragraph 25 that the

147 2012 ONCJ 157

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test is a strict one and the lesser charge must “necessarily” be included and if it is not “necessarily included” then it must be excluded.[16]               A case that is quoted in many other cases as being a short but clear interpretation of lesser and included offences is R v. Foote [1974] N.B.J. No. 32 (N.B.C.A.). Justice Limerick speaking on behalf of the New Brunswick Supreme Court Appeal Division stated at paragraph 6: “An included offence is not merely a “lesser offence” as it is sometimes referred to but is an offence that the accused necessarily commits in the commission of the offence charged.”[17]               Justice of the Peace Cuthbertson in the case of R. v. Richards, 2009 ONCJ 651 (CanLII), 2009 ONCJ 651 applying the analysis of the law which he sets out in his prior case of R. v. Reiber, 2007 ONCJ 343 (CanLII), 2007 ONCJ 343, finds that the charge of “Failing to stop for a red light” is not a lesser and included offence of the charge of “Careless Driving” as the actual wording of section 130 (Careless Driving) does not contain the essential elements of section 144(18) (Failing to stop for red light).  He also finds that since the charging certificate states only “Careless Driving” the certificate does not inform the defendant that she may have to defend herself against a charge of “Failing to stop for a red light.”[18]               Applying section 55 of the Provincial Offences Act and the case law above which illustrates this section to this case, I find that the offences of “Change Lane Not in Safety”, and “Fail to Drive in Marked Lane”, are not lesser and included offences of “Careless Driving.” “Careless Driving” as set out in section 130 is a very broad and general charge. It can be committed in countless ways. One can imagine many scenarios where a person never leaves their lane of travel and yet still commits the offence of “Careless Driving.” Must a person commit an offence of “Change Lane Not in Safety” during the course of committing an offence of “Careless Driving”?  Clearly the answer is no and therefore the charge does not meet the test for a lesser and included offence. The same must be said of “Fail to Drive in Marked Lane.” I cannot find the defendant guilty of either of those two charges simply because the evidence may better support those charges rather than a charge of “Careless Driving.”[19]               Applying the second part of the test as set out in R v. G.R., to the case at bar...would the defendant be aware that he was facing the possibility of defending himself against the charges of “Change Lane Not in Safety” and “Fail to Drive in Marked Lane”? The answer is no as the charging document is a

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Certificate of Offence which does (and must) state the approved short form wording for the offence, which in this case is simply “Careless Driving”. As this offence can be committed in numerous ways the defendant would not be aware of which other possible charges he may be facing. I would go so far as to say that unless particulars are provided which would spell out a manner of committing “Careless Driving” that includes all of the essential elements of another offence then there can be no lesser and included offences for “Careless Driving.” [20]               With all due respect to the cases referred to me by the prosecutor which take a different view, I find that they conduct a factual analysis as to whether the evidence discloses that the defendant committed another offence prior to or rather than a legal analysis. In the case of R v. Smith [2002] O.J. No. 3270, Justice Halikowski, sitting as a Provincial Offences Appeal Court Judge upheld the decision of the Justice of the Peace who found the defendant guilty of “Follow too closely” rather than “Careless Driving”. In paragraph 8 he states; “...all the elements of the offence of following too closely clearly being part in the totality of the offence of careless driving in this particular set of circumstances.” The test as set out in R v. G.R. and R. v. Foote does not look at the evidence of the particular case to determine whether a charge is lesser and included. One must look to the wording and essential elements of the offence creating provisions first. Once that analysis is done and if a lesser and included offence is found then the Justice would review the evidence to determine if that lesser and included offence had been proven based on the evidence of the particular case before them. The evidence may well disclose all sorts of offences which are not charged but that does not make them “lesser and included” offences.

Bonne réflexion et merci de votre attention.

Michel Lalande j.c.m.