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peut-être lié à la présence de radicaux réactifs sur les plans de clivage de la silice fraîchement concassée. Cela fournirait une explication physiopathologique aux cas de maladie avancée chez les sableurs et les foreurs au rocher qui sont soumis à une exposi- tion particulièrement intense à ce type de silice fraîchement désin- tégrée. La lésion toxique inaugurale peut résulter d’une réaction im- munologique minime; elle peut cependant induire une réponse immunologique prolongée qui peut jouer un grand rôle dans les manifestations chroniques de la silicose. Ainsi, des anticorps anti- nucléaires peuvent apparaître dans la silicose accélérée et une sclérodermie, ou une autre connectivité, chez les travailleurs ex- posés à la silice. La sensibilité des travailleurs silicotiques aux infections, telles que la tuberculose et l’infection à Nocardia asteroi- des, est probablement liée à l’effet toxique de la silice sur les macrophages pulmonaires. Le lien entre la silicose et la tuberculose est connu depuis près d’un siècle. Une tuberculose évolutive peut s’observer chez plus de 20% des travailleurs silicotiques dans les cas où la prévalence de la tuberculose dans la population est élevée. Là encore, le risque semble être beaucoup plus grand chez les sujets atteints de silicose aiguë. Le tableau clinique Le principal symptôme de la silicose est habituellement la dys- pnée, qui apparaît tout d’abord pendant l’activité ou à l’effort, puis au repos, à la suite de la disparition de la réserve pulmonaire. Cependant, en l’absence d’autre maladie respiratoire, la dyspnée peut être absente et le tableau peut être celui d’un travailleur asymptomatique ayant une radiographie pulmonaire anormale. La radiographie peut parfois montrer des signes de maladie très avancée, alors que les symptômes sont minimes. La survenue ou l’aggravation de la dyspnée peuvent annoncer le développement de complications telles que la tuberculose, l’obstruction des voies respiratoires ou la FMP. Une toux est souvent présente, secon- daire à la bronchite chronique résultant d’une exposition profes- sionnelle aux poussières, d’un tabagisme ou des deux à la fois. La toux peut parfois aussi être secondaire à la pression exercée par d’importantes masses de ganglions lymphatiques silicotiques sur la trachée ou les grosses bronches. Les autres symptômes thoraciques sont moins fréquents que la dyspnée et la toux. L’hémoptysie est rare et devrait faire évoquer une complication. Une respiration sifflante et une oppression tho- racique peuvent apparaître, généralement dans le cadre d’une obstruction des voies respiratoires ou d’une bronchite. Les dou- leurs thoraciques et l’hippocratisme digital ne sont pas caractéris- tiques de la silicose. Les symptômes systémiques, comme la fièvre et l’amaigrissement, suggèrent une complication à type d’infection ou de néoplasie. Les formes avancées de silicose sont associées à une insuffisance respiratoire progressive, avec ou sans cœur pul- monaire. Les signes physiques sont peu nombreux, sauf en cas de complication. Les anomalies radiologiques et les troubles de la fonction respiratoire Les tout premiers signes radiologiques de silicose non compliquée sont généralement de petites opacités arrondies. On peut les dé- crire à l’aide de la Classification internationale du BIT des radio- graphies de pneumoconioses en se basant sur leur taille, leur forme et leur nombre. Dans la silicose, les opacités de type «q» et «r» prédominent. On a également décrit d’autres anomalies telles que des opacités linéaires ou irrégulières. Les opacités observées sur les radiographies représentent la sommation de nodules silico- tiques pathologiques. Elles prédominent généralement dans les zones supérieures et, par la suite, elles peuvent atteindre d’autres sites. On note aussi parfois une lymphadénopathie hilaire qui précède les opacités parenchymateuses nodulaires. Une calcifica- tion en coquille d’œuf est fortement évocatrice d’une silicose, quoique cette anomalie soit rare. La FMP se caractérise par la formation de grandes opacités. Celles-ci peuvent être classées dans les catégories A, B ou C en fonction de leur taille, en utilisant la Classification du BIT. Les opacités de grande taille ou les lésions de FMP tendent à se contracter, généralement dans les lobes supérieurs, en laissant un emphysème compensateur sur leurs bords et souvent dans les bases pulmonaires. Il s’ensuit que les petites opacités arrondies initialement observées peuvent parfois disparaître ou devenir moins nombreuses. Des anomalies pleurales peuvent s’observer, mais elles ne constituent pas une caractéristique radiologique fré- quente de la silicose. Les opacités de grande taille peuvent faire évoquer un néoplasme; en l’absence de clichés plus anciens, le diagnostic différentiel peut être délicat. Toutes les lésions qui se creusent ou se modifient rapidement devraient faire rechercher une tuberculose évolutive. Une silicose aiguë peut se manifester par un comblement alvéolaire radiologique avec développe- ment rapide d’une FMP ou de lésions massives compliquées (voir figures 10.15 et 10.16). Les épreuves fonctionnelles respiratoires — spirométrie et ca- pacité de diffusion — sont utiles pour évaluer cliniquement les sujets chez qui l’on suspecte une silicose. La spirométrie peut également être intéressante pour déceler précocement le retentis- sement sur la santé des expositions professionnelles aux pous- sières, car elle peut détecter les anomalies physiologiques susceptibles de précéder les anomalies radiologiques. Les troubles ventilatoires observés dans la silicose ne sont pas univoques. La spirométrie peut être normale ou, quand elle est anormale, les enregistrements peuvent mettre en évidence une obstruction, une restriction ou un trouble mixte. En fait, les troubles obstruc- tifs sont les plus fréquents. Ces modifications ont tendance à s’aggraver avec la progression de la catégorie radiologique. Ce- pendant, la corrélation entre les anomalies radiologiques et les troubles ventilatoires est médiocre. Dans la silicose aiguë et accé- Figure 10.15 Radiographie pulmonaire — silico- protéinose aiguë chez un foreur de charbon à ciel ouvert Avec l’aimable autorisation du docteur N.L. Lapp et du docteur D.E. Banks. 10.51 10. L’APPAREIL RESPIRATOIRE LE CORPS ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.51 SILICOSE

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peut-être lié à la présence de radicaux réactifs sur les plans declivage de la silice fraîchement concassée. Cela fournirait uneexplication physiopathologique aux cas de maladie avancée chezles sableurs et les foreurs au rocher qui sont soumis à une exposi-tion particulièrement intense à ce type de silice fraîchement désin-tégrée.

La lésion toxique inaugurale peut résulter d’une réaction im-munologique minime; elle peut cependant induire une réponseimmunologique prolongée qui peut jouer un grand rôle dans lesmanifestations chroniques de la silicose. Ainsi, des anticorps anti-nucléaires peuvent apparaître dans la silicose accélérée et unesclérodermie, ou une autre connectivité, chez les travailleurs ex-posés à la silice. La sensibilité des travailleurs silicotiques auxinfections, telles que la tuberculose et l’infection à Nocardia asteroi-des, est probablement liée à l’effet toxique de la silice sur lesmacrophages pulmonaires.

Le lien entre la silicose et la tuberculose est connu depuis prèsd’un siècle. Une tuberculose évolutive peut s’observer chez plusde 20% des travailleurs silicotiques dans les cas où la prévalencede la tuberculose dans la population est élevée. Là encore, lerisque semble être beaucoup plus grand chez les sujets atteints desilicose aiguë.

Le tableau cliniqueLe principal symptôme de la silicose est habituellement la dys-pnée, qui apparaît tout d’abord pendant l’activité ou à l’effort,puis au repos, à la suite de la disparition de la réserve pulmonaire.Cependant, en l’absence d’autre maladie respiratoire, la dyspnéepeut être absente et le tableau peut être celui d’un travailleurasymptomatique ayant une radiographie pulmonaire anormale.La radiographie peut parfois montrer des signes de maladie trèsavancée, alors que les symptômes sont minimes. La survenue oul’aggravation de la dyspnée peuvent annoncer le développementde complications telles que la tuberculose, l’obstruction des voiesrespiratoires ou la FMP. Une toux est souvent présente, secon-daire à la bronchite chronique résultant d’une exposition profes-sionnelle aux poussières, d’un tabagisme ou des deux à la fois. Latoux peut parfois aussi être secondaire à la pression exercée pard’importantes masses de ganglions lymphatiques silicotiques sur latrachée ou les grosses bronches.

Les autres symptômes thoraciques sont moins fréquents que ladyspnée et la toux. L’hémoptysie est rare et devrait faire évoquerune complication. Une respiration sifflante et une oppression tho-racique peuvent apparaître, généralement dans le cadre d’uneobstruction des voies respiratoires ou d’une bronchite. Les dou-leurs thoraciques et l’hippocratisme digital ne sont pas caractéris-tiques de la silicose. Les symptômes systémiques, comme la fièvreet l’amaigrissement, suggèrent une complication à type d’infectionou de néoplasie. Les formes avancées de silicose sont associées àune insuffisance respiratoire progressive, avec ou sans cœur pul-monaire. Les signes physiques sont peu nombreux, sauf en cas decomplication.

Les anomalies radiologiques et les troublesde la fonction respiratoireLes tout premiers signes radiologiques de silicose non compliquéesont généralement de petites opacités arrondies. On peut les dé-crire à l’aide de la Classification internationale du BIT des radio-graphies de pneumoconioses en se basant sur leur taille, leurforme et leur nombre. Dans la silicose, les opacités de type «q» et«r» prédominent. On a également décrit d’autres anomalies tellesque des opacités linéaires ou irrégulières. Les opacités observéessur les radiographies représentent la sommation de nodules silico-tiques pathologiques. Elles prédominent généralement dans leszones supérieures et, par la suite, elles peuvent atteindre d’autressites. On note aussi parfois une lymphadénopathie hilaire qui

précède les opacités parenchymateuses nodulaires. Une calcifica-tion en coquille d’œuf est fortement évocatrice d’une silicose,quoique cette anomalie soit rare.

La FMP se caractérise par la formation de grandes opacités.Celles-ci peuvent être classées dans les catégories A, B ou C enfonction de leur taille, en utilisant la Classification du BIT. Lesopacités de grande taille ou les lésions de FMP tendent à secontracter, généralement dans les lobes supérieurs, en laissant unemphysème compensateur sur leurs bords et souvent dans lesbases pulmonaires. Il s’ensuit que les petites opacités arrondiesinitialement observées peuvent parfois disparaître ou devenirmoins nombreuses. Des anomalies pleurales peuvent s’observer,mais elles ne constituent pas une caractéristique radiologique fré-quente de la silicose. Les opacités de grande taille peuvent faireévoquer un néoplasme; en l’absence de clichés plus anciens, lediagnostic différentiel peut être délicat. Toutes les lésions qui secreusent ou se modifient rapidement devraient faire rechercherune tuberculose évolutive. Une silicose aiguë peut se manifesterpar un comblement alvéolaire radiologique avec développe-ment rapide d’une FMP ou de lésions massives compliquées (voirfigures 10.15 et 10.16).

Les épreuves fonctionnelles respiratoires — spirométrie et ca-pacité de diffusion — sont utiles pour évaluer cliniquement lessujets chez qui l’on suspecte une silicose. La spirométrie peutégalement être intéressante pour déceler précocement le retentis-sement sur la santé des expositions professionnelles aux pous-sières, car elle peut détecter les anomalies physiologiquessusceptibles de précéder les anomalies radiologiques. Les troublesventilatoires observés dans la silicose ne sont pas univoques. Laspirométrie peut être normale ou, quand elle est anormale, lesenregistrements peuvent mettre en évidence une obstruction, unerestriction ou un trouble mixte. En fait, les troubles obstruc-tifs sont les plus fréquents. Ces modifications ont tendance às’aggraver avec la progression de la catégorie radiologique. Ce-pendant, la corrélation entre les anomalies radiologiques et lestroubles ventilatoires est médiocre. Dans la silicose aiguë et accé-

Figure 10.15 • Radiographie pulmonaire — silico-protéinose aiguë chez un foreurde charbon à ciel ouvert

Avec l’aimable autorisation du docteur N.L. Lapp et du docteur D.E. Banks.

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lérée, les troubles fonctionnels sont plus marqués et leur pro-gression est plus rapide. Dans la silicose aiguë, la progressionradiologique s’accompagne d’une aggravation des troubles venti-latoires et d’altérations des échanges gazeux qui aboutissent à uneinsuffisance respiratoire et, en fin de compte, à la mort par hypo-xie irréductible.

Les complications et les problèmesdiagnostiques particuliersSi l’on dispose d’une anamnèse satisfaisante et d’une radiographiepulmonaire caractéristique, le diagnostic de silicose est générale-ment aisé à établir. Des difficultés ne surgissent qu’en cas d’aspectradiologique inhabituel ou quand l’histoire de l’exposition n’estpas connue. Une biopsie pulmonaire est rarement nécessaire audiagnostic. Cependant, des échantillons tissulaires sont utiles danscertaines situations cliniques, quand des complications sont pré-sentes ou quand il faut procéder à un diagnostic différentiel avecune tuberculose, un cancer ou une FMP. Le matériel biopsiquedevrait être mis en culture; dans le cadre de recherches, il peutégalement être indiqué d’analyser les poussières. Si des fragmentstissulaires sont nécessaires, il faut généralement procéder à unebiopsie pulmonaire sous thoracoscopie pour recueillir un matérield’examen correct.

La recherche d’une complication infectieuse, en particulier d’unetuberculose, est essentielle; toute modification de la toux ou lasurvenue d’une hémoptysie, d’une fièvre ou d’une perte depoids devrait appeler un bilan permettant d’exclure cette maladiecurable.

La relation entre l’exposition à la silice, la silicose et le cancerdu poumon continue à faire l’objet de controverses et à susciter denouvelles recherches. En octobre 1996, un comité du Centreinternational de recherche sur le cancer (CIRC) a classé la silicecristalline parmi les substances cancérogènes du groupe I, sa déci-sion reposant sur «des indications de cancérogénicité suffisantes»chez l’humain. Il persiste des incertitudes sur les mécanismesphysiopathologiques sous-tendant le développement d’un cancerdu poumon dans les populations exposées à la silice, et l’ons’interroge encore sur la nature de la relation entre silicose (oufibrose pulmonaire) et cancer chez les travailleurs exposés. Quel

que soit le mécanisme en cause, on en sait assez sur le lien entrel’exposition à la silice et la silicose pour insister sur la réduction etle contrôle de l’exposition chez les travailleurs risquant de déve-lopper la maladie.

La prévention de la silicoseLa prévention reste la pierre angulaire de l’élimination de cetteaffection respiratoire professionnelle. L’amélioration des installa-tions de ventilation et d’aspiration localisée, le confinement desopérations, les procédés par voie humide, la protection indivi-duelle avec un choix correct d’appareils de protection respiratoireet, si possible, l’utilisation dans l’industrie d’agents moins dange-reux que la silice sont autant de moyens de réduire l’exposition. Ilimporte également de parfaire l’éducation des travailleurs et desemployeurs quant au danger de l’exposition aux poussières desilice et aux mesures permettant de lutter contre cette menace.

Si l’on diagnostique une silicose chez un travailleur, il est re-commandé de le soustraire à toute nouvelle exposition à la silice;malheureusement, la maladie peut s’aggraver en dépit de cettemesure. Enfin, la détection d’un cas de silicose, en particulier s’ils’agit d’une forme aiguë ou accélérée, devrait inciter à une évalua-tion du lieu de travail afin de protéger les autres travailleursexposés.

Le dépistage et la surveillanceLes travailleurs exposés à la silice et à d’autres poussières minéra-les devraient subir un dépistage périodique des effets néfastes surleur santé en complément, mais non pas en lieu et place, desmesures de lutte contre les poussières. Ce dépistage comportegénéralement la recherche de symptômes respiratoires, d’anoma-lies de la fonction pulmonaire et de signes de cancer, ainsi que detuberculose. Outre le dépistage individuel des travailleurs, il fautcollecter des données sur des groupes de travailleurs à des fins desurveillance et de prévention. Des directives pour ces types d’étu-des sont incluses dans la liste des références en fin de chapitre.

Le traitement de la silicoseet la gestion des complicationsEn cas d’insuccès de la prévention et de développement d’unesilicose, le traitement vise essentiellement les complications de lamaladie. Les mesures thérapeutiques sont les mêmes que cellescommunément utilisées pour traiter l’obstruction des voies respi-ratoires, les infections, le pneumothorax, l’hypoxie et l’insuffisancerespiratoire compliquant les autres maladies respiratoires. Histori-quement parlant, l’inhalation d’aérosols d’aluminium a échoué entant que traitement spécifique de la silicose. Le N-oxyde de poly-vinylpyridine (PVNO), polymère ayant protégé des animaux delaboratoire, ne peut être utilisé chez l’humain. Des études expéri-mentales récentes de la tétrandrine ont montré in vivo une dimi-nution de la fibrose et de la synthèse du collagène chez desanimaux exposés à la silice et traités avec ce médicament. Onmanque cependant actuellement de preuves valables de son effi-cacité chez l’humain et sa toxicité potentielle soulève des inquiétu-des, en particulier son potentiel mutagène. Compte tenu de laprévalence élevée de la silicose dans certains pays, les études surles associations de médicaments et d’autres mesures thérapeuti-ques se poursuivent. Aucune approche n’a été couronnée de suc-cès pour l’instant et la recherche d’un traitement spécifique de lasilicose s’est avérée décevante.

Toute poursuite de l’exposition est néfaste. Il convient de con-seiller au malade de changer d’activité en lui fournissant les infor-mations nécessaires sur la nature du risque auquel il a été exposé.

La recherche d’une complication infectieuse, en particulier d’unetuberculose, est un élément essentiel de la prise en charge médi-cale de la silicose. La pratique du BCG chez les patients silicoti-ques ayant une réaction tuberculinique négative n’est pas recom-

Figure 10.16 • Radiographie pulmonaire — silicosecompliquée faisant apparaître une fibrosemassive progressive

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SILICOSE 10.52 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

mandée, mais l’administration préventive d’isoniazide (INH) chezceux qui présentent une réaction positive à la tuberculine estconseillée dans les pays où la tuberculose a une prévalence faible.Le diagnostic d’une tuberculose évolutive chez des patients at-teints de silicose peut être difficile. Certains symptômes tels quel’amaigrissement, la fièvre, les sueurs et le sentiment de malaisedevraient inciter à pratiquer des radiographies et une recherchede bacilles acido-résistants dans les crachats, avec mise en culture.Les modifications radiologiques — l’agrandissement ou l’excava-tion de lésions coalescentes ou d’opacités nodulaires — sont parti-culièrement significatives. Les examens bactériologiques des cra-chats ne sont pas toujours fiables dans la silico-tuberculose. Il estsouvent utile de réaliser une bronchoscopie permettant de re-cueillir d’autres échantillons à des fins de culture pour faciliter lediagnostic de tuberculose évolutive. L’utilisation d’une polychi-miothérapie antituberculeuse chez les silicotiques est justifiée enprésence d’un degré de suspicion moindre que chez les non-silico-tiques en raison de la difficulté à apporter la preuve formelled’une infection active. La rifampicine semble avoir accru le tauxde succès du traitement de la silicose compliquée de tuberculose;dans certaines études récentes, la réponse au traitement à courtterme en cas de silico-tuberculose a été comparable à celle obser-vée chez les témoins atteints de tuberculose primaire.

Une assistance ventilatoire est indiquée en cas d’aggravation del’insuffisance respiratoire par une complication curable. Le pneu-mothorax, spontané ou induit par la ventilation assistée, est géné-ralement traité par la mise en place d’un drain thoracique. Unefistule broncho-pleurale peut apparaître et un avis et un traite-ment chirurgical devraient être envisagés.

Une silicose aiguë peut rapidement évoluer vers l’insuffisancerespiratoire. Dans des cas où cette maladie ressemblait à uneprotéinose alvéolaire pulmonaire avec hypoxie majeure, on atenté un traitement agressif comportant un lavage de la totalitédes poumons sous anesthésie générale pour essayer d’améliorerles échanges gazeux et éliminer les débris alvéolaires. Bien quethéoriquement prometteuse, l’efficacité du lavage pulmonaire to-tal n’a pas été établie. On a également utilisé la corticothérapiedans la silicose aiguë, mais son intérêt reste à démontrer.

Certains patients jeunes atteints de silicose au stade terminalpeuvent être candidats à une greffe de poumons ou d’un bloccœur-poumons dans les centres ayant l’expérience de cetteprocédure coûteuse et à haut risque. Il convient d’offrir précoce-ment à certains patients la possibilité de bénéficier d’une telleintervention.

L’éventualité d’une intervention thérapeutique agressive et hau-tement sophistiquée comme la transplantation souligne bien lanature grave et potentiellement mortelle de la silicose et metl’accent sur le rôle crucial de la prévention primaire. La luttecontre la silicose dépend en dernier recours de la réduction et ducontrôle des expositions aux poussières sur le lieu de travail. Cerésultat peut être obtenu grâce à l’application rigoureuse et scru-puleuse des principes fondamentaux d’hygiène industrielle et deprévention technique.

• LA PATHOLOGIE RESPIRATOIREDES MINEURS DE CHARBON

PATHOLOGIE RESPIRATOIRE DES MINEURS DE CHARBON

Michael D. Attfield, Edward L. Petsonket Gregory R. Wagner

Les mineurs de charbon (houilleurs) sont sujets à un certainnombre de maladies et de troubles respiratoires résultant de leur

exposition aux poussières de charbon. Il s’agit de la pneumoco-niose du houilleur, de la bronchite chronique et de la broncho-pneumopathie chronique obstructive du mineur. La survenue etla gravité de la maladie dépendent de l’intensité et de la durée del’exposition aux poussières. La composition particulière des pous-sières présentes dans les mines de charbon joue également un rôledans certains processus pathologiques.

Dans les pays développés où la prévalence des maladies respira-toires était autrefois élevée, la réduction de l’empoussièrementgrâce à des mesures réglementaires a entraîné une chute de laprévalence depuis les années soixante-dix. Par ailleurs, la diminu-tion importante de la main-d’œuvre minière dans la plupart deces pays, au cours des dernières décennies, due en partie auprogrès technologique et à l’accroissement de la productivité quien ont résulté, va entraîner une nouvelle diminution de la fré-quence globale de ces affections. Les mineurs des pays dans les-quels l’exploitation des ressources minières est un phénomèneplus récent et où la lutte contre les poussières est moins élaboréen’ont pas été aussi chanceux. Le problème est encore aggravé parle coût élevé des techniques modernes d’exploitation minière quicontraignent à l’embauche d’une main-d’œuvre importante dontune bonne partie est exposée à un risque élevé de contracter unemaladie.

On trouvera ci-après une description de chacune des maladiessusceptibles de frapper les mineurs de charbon. Celles qui sontspécifiques à l’extraction du charbon, comme la pneumoconiosedu houilleur, sont décrites en détail; la description des autres,comme la broncho-pneumopathie chronique obstructive, sera li-mitée aux aspects en rapport avec les mineurs de charbon etl’exposition aux poussières.

La pneumoconiose du houilleurLa pneumoconiose du houilleur (PH) est la plus répandue desaffections associées à l’exploitation des mines de charbon. Ce n’estpas une maladie à évolution rapide; il lui faut généralement unedizaine d’années au moins pour se manifester et souvent beau-coup plus longtemps quand l’exposition est peu intense. Auxpremiers stades, elle est caractérisée par une rétention excessivede poussières dans les poumons et peut alors laisser apparaîtrequelques signes et symptômes. Cependant, au fur et à mesure deson évolution, elle entraîne chez le mineur un risque accru dedéveloppement d’une fibrose massive progressive (FMP) beau-coup plus grave.

L’anatomopathologieLa lésion classique de la PH se présente sous la forme de lamacule de charbon, une collection de poussières et de macropha-ges ayant phagocyté des poussières, située en périphérie des bron-chioles. Les macules contiennent peu de collagène et ne sontgénéralement pas palpables. Elles ont une taille de 1 à 5 mm ets’accompagnent fréquemment d’une augmentation de volume desespaces aériens voisins, appelée emphysème en foyer. Bien que sou-vent très nombreuses, elles n’apparaissent généralement pas surles radiographies pulmonaires.

Le nodule de charbon est une autre lésion associée à la PH. Ceslésions de plus grande taille sont palpables et contiennent unmélange de macrophages remplis de poussières, de collagène etde réticuline. La présence de nodules de charbon, avec ou sansnodules silicotiques (voir ci-après), traduit une fibrose pulmo-naire et est largement responsable des opacités observées sur lesradiographies pulmonaires. Des macronodules, d’une taille de 7 à20 mm, peuvent s’agglomérer pour donner une fibrose massiveprogressive (FMP) (voir ci-après) qui peut se développer à partird’un seul macronodule.

On a trouvé des nodules silicotiques (décrits dans l’article «Lasilicose») dans une importante minorité de mineurs de fond. Chez

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.53 PATHOLOGIE RESPIRATOIRE DES MINEURS DE CHARBON

la plupart d’entre eux, la seule présence de silice dans les poussiè-res de charbon peut en être la cause, bien que l’exposition à lasilice pure dans certaines activités représente incontestablementun facteur de causalité important (chez les foreurs, les conducteursd’engins souterrains et les poseurs de boulons d’ancrage du toit,par exemple).

Les aspects radiologiquesLe meilleur indice d’une PH chez un mineur est fourni par laradiographie pulmonaire systématique. Les dépôts de poussièreset les réactions tissulaires nodulaires arrêtent les rayons X etdonnent des opacités sur les clichés. La densité de ces opacitéspeut être évaluée systématiquement par une méthode normaliséede description radiologique comme celle élaborée par le BIT etdécrite ailleurs dans le présent chapitre. Dans cette méthode,différents clichés pris en incidence postéro-antérieure sont compa-rés à des clichés types montrant de petites opacités de densitécroissante; le cliché est ensuite classé dans l’une des quatre gran-des catégories (0, 1, 2, 3) en se référant aux clichés types. Onprocède aussi à une classification secondaire basée sur l’évaluationpar le lecteur de la ressemblance du cliché avec les autres catégo-ries de la Classification du BIT. On note également les autrescaractères des opacités: taille, forme et localisation pulmonaire.Certains pays, comme la Chine et le Japon, ont développé dessystèmes analogues de description ou d’interprétation systémati-que des radiographies qui sont parfaitement adaptés à leurs pro-pres besoins.

Classiquement, les petites opacités arrondies sont associées àl’extraction du charbon. Cependant, des données récentes indi-quent que des opacités irrégulières peuvent également résulterd’une exposition aux poussières de charbon. Il n’est généralementpas possible de distinguer, sur les radiographies, les opacités de laPH de celles de la silicose. Il semble cependant que les opacités deplus grande taille (de type «r») sont plus souvent en rapport avecune silicose.

Il est important de noter qu’un grand nombre d’anomaliespathologiques liées à la pneumoconiose peuvent être présentesdans les poumons avant que l’on puisse les déceler sur les radio-graphies pulmonaires systématiques. C’est particulièrement vraipour les dépôts maculaires, mais ce l’est de moins en moins au furet à mesure de l’augmentation du nombre et de la taille desnodules. L’emphysème associé peut lui aussi gêner la visualisationdes lésions sur les radiographies pulmonaires. La tomodensimétrie(TDM) — surtout la tomodensimétrie en haute résolution (TDM-HR) — peut permettre de visualiser des anomalies qui n’apparais-sent pas encore nettement sur les clichés de routine; elle n’estcependant pas indispensable au diagnostic des maladies respira-toires des mineurs au cours des examens de routine et n’est pasindiquée pour leur surveillance médicale.

Les aspects cliniquesLe développement d’une PH est souvent cliniquement asympto-matique, bien qu’il traduise une rétention excessive de poussièresdans les poumons. Cela ne signifie pas pour autant que l’inhala-tion de poussières de charbon est dénuée de risque, car on saitparfaitement aujourd’hui que d’autres maladies respiratoires peu-vent résulter d’une exposition aux poussières. L’hypertension arté-rielle pulmonaire est plus fréquente chez les mineurs présentantune obstruction des voies respiratoires associée à une PH. Deplus, une fois qu’une PH s’est développée, elle s’aggrave générale-ment, sauf en cas d’arrêt de l’exposition aux poussières; mêmedans ce cas, il arrive que la maladie continue d’évoluer. Elle peutégalement entraîner chez les mineurs un risque accru d’apparitiond’une FMP cliniquement menaçante, à laquelle s’attache la pro-babilité d’une incapacité fonctionnelle ultérieure, d’une invaliditéou d’une mort prématurée.

Les mécanismes pathologiquesL’apparition de la toute première anomalie de la PH, la maculede charbon, correspond aux effets du dépôt et de l’accumulationde poussières. Le stade suivant, à savoir le développement desnodules, résulte de la réaction inflammatoire et fibrosante despoumons aux poussières. On a beaucoup discuté du rôle despoussières siliceuses et non siliceuses dans cette réaction. D’unepart, on sait que la poussière siliceuse est beaucoup plus toxiqueque la poussière de charbon. Mais, d’autre part, les études épidé-miologiques ne sont pas parvenues à mettre en évidence unerelation entre l’exposition à la silice et la prévalence ou l’incidencede la PH. En fait, il semble qu’il existe une relation pratiquementinverse: la fréquence de la maladie tend à être plus élevée là où lesconcentrations de silice sont plus faibles (par exemple, dans lesmines d’anthracite). L’étude des caractéristiques des particules arécemment permis d’expliquer en partie ce paradoxe. Elle a mon-tré en effet que ce n’est pas seulement la quantité de silice pré-sente dans la poussière (mesurée classiquement par spectrométrieinfrarouge ou diffraction des rayons X), mais aussi la biodisponi-bilité de la surface des particules de silice qui peuvent être enrapport avec la toxicité. Ainsi, un revêtement argileux (occlusion)peut entraîner des modifications importantes. Un autre facteurimportant en cours d’investigation est la charge de surface sous laforme de radicaux libres et les effets comparatifs des poussièressiliceuses «fraîchement concassées» et «vieillies».

La surveillance et l’épidémiologieLa prévalence de la PH chez les mineurs de fond varie avec lanature de leur activité, la durée du travail dans la mine et l’âge.Une étude des mineurs de charbon aux Etats-Unis a révélé qu’en-tre 1970 et 1972 25 à 40% environ d’entre eux présentaientde petites opacités arrondies de catégorie 1 ou supérieure aprèstrente ans de travail ou plus dans les mines. Cette prévalencereflète l’exposition à des concentrations de poussières respirableségales ou supérieures à 6 mg/m3 chez les mineurs du front detaille avant cette époque. L’introduction d’une limite de 3 mg/m3

en 1969, ramenée à 2 mg/m3 en 1972, a entraîné une diminutionde près de moitié de la prévalence de la maladie. Des réductionsont été notées par ailleurs, par exemple au Royaume-Uni et enAustralie, à la suite des progrès enregistrés dans la lutte contre lespoussières. Ces gains ont malheureusement été contrebalancéspar des augmentations transitoires de la prévalence dans d’autrespays.

Un certain nombre d’études ont mis en évidence une relationexposition-réponse pour la prévalence ou l’incidence de la PH etl’exposition aux poussières. Elles ont montré que la principalevariable de l’exposition aux poussières était l’exposition aux pous-sières mixtes que l’on rencontre dans les mines. Des études appro-fondies menées par des chercheurs britanniques ne sont pas par-venues à révéler une influence majeure de l’exposition à la siliceau-dessous d’une teneur en silice inférieure à 5% environ. Laqualité du charbon (teneur en carbone) est un autre élémentpronostique important de la PH. Des études menées aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne et dans d’autres pays ontnettement indiqué que la prévalence et l’incidence de la PHaugmentent fortement avec la qualité du charbon et qu’elles sontsignificativement plus élevées dans les mines d’anthracite (char-bon de qualité supérieure). Aucune autre variable environnemen-tale n’exerce d’effet important sur le développement de la PH.L’âge des mineurs semble influer sur l’apparition de la maladie, lerisque paraissant plus élevé chez les mineurs âgés. On ignorecependant si cela signifie que les mineurs âgés sont plus sensibles,s’il s’agit d’un effet du temps de résidence, ou si ce n’est qu’unsimple artefact (l’effet de l’âge pourrait refléter une sous-estima-tion de l’exposition chez les mineurs âgés, par exemple). Le taba-gisme ne semble pas augmenter le risque de survenue d’une PH.

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PATHOLOGIE RESPIRATOIRE DES MINEURS DE CHARBON 10.54 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

D’autres études dans lesquelles des mineurs ont été suivis radio-logiquement tous les cinq ans montrent que le risque de dévelop-pement d’une FMP sur une période de cinq ans est nettement liéà la catégorie de PH déterminée sur la première radiographiepulmonaire. Comme le risque dans la catégorie 2 est beaucoupplus grand que dans la catégorie 1, il a paru sensé à une certaineépoque d’empêcher autant que possible les mineurs de passerdans la catégorie 2. Cependant, dans la plupart des mines, lesmineurs atteints d’une PH de catégorie 1 sont beaucoup plusnombreux que ceux présentant une PH de catégorie 2. Le risquemoindre lié à la catégorie 1 par rapport à la catégorie 2 est donccontrebalancé par le nombre supérieur de mineurs de la catégorie1. On voit donc que la prévention de toutes les catégories depneumoconioses est indispensable.

La mortalitéLes mineurs, en tant que population, présentent un risque accrude mortalité à la suite d’une maladie respiratoire non maligne; ilest certain que la mortalité, chez les mineurs atteints de PH, estlégèrement augmentée par rapport à celle des mineurs sains dumême âge. L’augmentation de la mortalité imputable à la PH estcependant moindre que celle observée chez les mineurs atteints deFMP (voir ci-après).

La préventionLa seule protection véritable contre la PH est la réduction del’exposition aux poussières, et, cela, dans toute la mesure du poss-ible grâce à des techniques de suppression des poussières (ventila-tion, aspiration localisée, procédés par voie humide) plutôt quepar le port d’appareils de protection respiratoire ou des mesuresd’ordre organisationnel comme la rotation des travailleurs. Onsait désormais que les mesures réglementaires instaurées dans lesannées soixante-dix dans certains pays pour réduire l’empoussiè-rement ont entraîné une importante diminution des cas de PH. Letransfert des travailleurs présentant des signes précoces de PH àun poste où l’empoussièrement est moins important est une me-sure de prudence, mais on n’a pas pu démontrer dans les faitsqu’elle ait contribué efficacement à la prévention de l’évolution dela maladie. C’est pourquoi la lutte contre les poussières doit resterla principale méthode de prévention de la maladie.

A une politique de prévention portant sur la réduction énergi-que et continue de l’empoussièrement, on peut adjoindre unesurveillance médicale des mineurs. S’il s’avère que ceux-ci déve-loppent une maladie due aux poussières, les mesures visant àlimiter leur exposition devraient être renforcées sur le lieu detravail; les mineurs atteints devraient être mutés dans des zonespeu empoussiérées de la mine.

Le traitementBien que l’on ait essayé plusieurs types de traitement — parmilesquels on peut citer l’inhalation de poudre d’aluminium et l’ad-ministration de tétrandrine — on ne connaît aucun traitementcapable d’inverser efficacement ou de ralentir le processus defibrose pulmonaire. A l’heure actuelle, surtout en Chine, maisaussi dans d’autres pays, le lavage pulmonaire total a été tenté afinde réduire la charge totale de poussières contenues dans les pou-mons. Bien que cette technique puisse entraîner une diminutionimportante de la quantité de poussières, on connaît mal pourl’instant ses risques, ses avantages et son rôle thérapeutique.

En tout état de cause, le traitement devrait être orienté vers laprévention des complications, l’optimisation des performancesfonctionnelles et l’atténuation des troubles, que ceux-ci soient dusà une PH ou à une autre maladie respiratoire concomitante. Enrègle générale, les mineurs atteints d’une maladie respiratoireinduite par la poussière devraient évaluer leur degré actuel d’ex-position à la poussière et utiliser les ressources offertes par le

gouvernement et les organisations syndicales pour trouver unesolution permettant de réduire toutes les expositions respiratoiresnocives. Chez les mineurs qui fument, l’arrêt du tabac est lapremière mesure à prendre dans le cadre de la limitation indivi-duelle de l’exposition. On a proposé de prévenir les complicationsinfectieuses des pneumopathies chroniques par la vaccination anti-pneumococcique et la vaccination antigrippale annuelle. On pré-conise également un diagnostic précoce en cas de symptômesévoquant une infection respiratoire, en s’attachant tout parti-culièrement à la détection d’une maladie mycobactérienne. Lestraitements de la bronchite aiguë, du bronchospasme et del’insuffisance cardiaque congestive chez les mineurs sont les mêmesque chez les patients indemnes de toute pathologie liée aux pous-sières.

La fibrose massive progressiveLa FMP, parfois appelée pneumoconiose compliquée, est diag-nostiquée en cas d’apparition d’une ou de plusieurs lésions fibreu-ses de grande taille (dont la définition dépend du mode de détec-tion) au sein d’un seul poumon ou des deux. Comme son noml’indique, la FMP s’aggrave souvent avec le temps, même enl’absence de toute nouvelle exposition aux poussières. Elle peutentraîner souvent une invalidité et une mort prématurée.

L’anatomopathologieLes lésions en cas de FMP peuvent être unilatérales ou bilatérales;elles se situent le plus souvent dans les lobes supérieurs et moyensdes poumons. Ces lésions sont formées de collagène, de réticuline,de poussières de charbon et de macrophages chargés de poussiè-res, tandis que leur centre peut contenir un liquide noir et parfoisune caverne. D’après les normes anatomopathologiques américai-nes, les lésions des pièces opératoires ou d’autopsie doivent avoirune taille de 2 cm ou plus pour que l’on puisse parler de FMP.

Les aspects radiologiquesOn considère que les grandes opacités (10 mm) observées sur lesradiographies, associées à des antécédents de forte exposition auxpoussières de charbon, traduisent une FMP. Il convient cepen-dant d’envisager d’autres affections: cancer du poumon, tubercu-lose et granulomes. Ces opacités s’observent généralement sur unarrière-plan de petites opacités, encore que l’on ait parfois noté ledéveloppement d’une FMP à partir d’une densité d’opacités decatégorie 0 sur une période de cinq ans.

Les aspects cliniquesIl convient d’évaluer soigneusement les possibilités diagnostiquesdans le cas d’un mineur présentant de grandes opacités pulmonai-res. Les difficultés diagnostiques sont minimes chez les mineurscliniquement stables porteurs de lésions bilatérales (avec répartitioncaractéristique dans les lobes supérieurs) et ayant une PH préexis-tante non compliquée. En revanche, les mineurs présentant destroubles d’évolution progressive, des facteurs de risque relatifs àd’autres pathologies (tuberculose, par exemple) ou des manifesta-tions cliniques atypiques devraient faire l’objet d’une investigationapprofondie avant qu’on puisse conclure à une FMP.

Une dyspnée et d’autres symptômes respiratoires accompa-gnent souvent la FMP, mais ils ne sont pas forcément imputablesà la maladie elle-même. L’insuffisance cardiaque congestive (secon-daire à l’hypertension artérielle pulmonaire et au cœur pulmo-naire) est une complication relativement courante.

Les mécanismes physiopathologiquesEn dépit des nombreuses recherches effectuées, la cause réelle dudéveloppement d’une FMP reste mal connue. Au fil des années,diverses hypothèses ont été proposées, mais aucune d’entre elles

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n’est vraiment satisfaisante. C’est ainsi que l’on a souvent attribuéun rôle à la tuberculose, laquelle est en effet fréquemment pré-sente chez les mineurs atteints de FMP, en particulier dans lespays en développement. On a cependant constaté que la FMPapparaissait chez les mineurs ne présentant pas de signes detuberculose et l’on n’a pas noté de réactivité élevée à la tubercu-line chez les mineurs atteints de pneumoconiose. Malgré les re-cherches, il n’a pas été possible d’obtenir une preuve valable del’intervention du système immunitaire dans le développement dela FMP.

La surveillance et l’épidémiologieComme pour la PH, la fréquence de la FMP a diminué dans lespays ayant édicté des réglementations et adopté des programmesstricts de lutte contre les poussières. Une étude portant sur desmineurs américains a révélé que 2% environ des mineurs decharbon de fond développaient une FMP après trente ans detravail ou plus (ce chiffre pourrait avoir été faussé par le départ decertains mineurs malades).

Les enquêtes relatives à la relation exposition-réponse dans lecas de la FMP ont montré que l’exposition aux poussières decharbon, la catégorie de la PH, la qualité du charbon et l’âge sontles principaux facteurs déterminants du développement de la ma-ladie. Comme pour la PH, les études épidémiologiques ont mon-tré l’absence d’effet majeur des poussières de silice. On a récem-ment découvert que, contrairement à ce que l’on croyait à uneépoque, la FMP ne se développe pas exclusivement sur un arrière-fond de petites opacités liées à une PH. Les mineurs dont lespremières radiographies montrent une PH de catégorie 0 peuventdévelopper une FMP en cinq ans, le risque augmentant avecl’exposition cumulée aux poussières. Une FMP peut aussi appa-raître après l’arrêt de l’exposition aux poussières.

La mortalitéLa FMP entraîne une mortalité prématurée, le pronostic s’aggra-vant avec le stade de la maladie. Une étude récente a montré quechez les mineurs ayant une PH de catégorie C, le taux de survieétait réduit des trois quarts en vingt-deux ans par rapport auxmineurs indemnes de toute pneumoconiose. Cet effet s’est vérifiédans toutes les tranches d’âge.

La préventionLa prévention de l’exposition aux poussières est la seule façon dese prémunir contre la FMP. Comme le risque de FMP augmentefortement avec la catégorie de PH simple, il est possible de définirune stratégie de prévention secondaire de la FMP consistant àeffectuer périodiquement des radiographies pulmonaires et à met-tre fin ou à réduire l’exposition en cas de détection d’une PHsimple. Bien que cette approche semble valable et ait été adoptéedans certaines juridictions, son efficacité n’a pas été validée systé-matiquement.

Le traitementOn ne connaît pas de traitement de la FMP. Les soins médicauxdevraient viser l’amélioration de l’état clinique et des broncho-pneumopathies associées, tout en assurant une protection contreles complications infectieuses. Bien que la stabilité fonctionnellepuisse être plus difficile à maintenir chez les patients atteints deFMP, pour le reste, le traitement est le même que celui de la PHsimple.

La broncho-pneumopathie obstructiveOn dispose maintenant d’arguments cohérents et probants enfaveur de l’existence d’une relation entre l’altération de la fonc-tion pulmonaire et l’exposition aux poussières. Différents travauxmenés dans plusieurs pays ont étudié l’influence de l’exposition

aux poussières sur les valeurs absolues ou les variations transitoiresdes mesures de la fonction ventilatoire, telles que le volume expi-ratoire maximal seconde (VEMS), la capacité vitale (CV) et lesdébits expiratoires. Toutes ont montré que l’exposition aux pous-sières entraînait une altération de la fonction respiratoire; desrésultats analogues ont été mis en évidence dans plusieursétudes britanniques et américaines. Elle indiquent qu’en un anl’exposition aux poussières sur le front de taille du charbon induiten moyenne une altération fonctionnelle respiratoire équiva-lente à la consommation d’un demi-paquet de cigarettes par jour.Ces études ont aussi montré que les effets des poussières étaientvariables et que, chez un mineur donné, ils pouvaient être compa-rables à ceux de la fumée de cigarette ou plus marqués, enparticulier en cas d’antécédents d’exposition plus importante auxpoussières.

Les effets de l’exposition aux poussières ont été mis en évidencetant chez des sujets n’ayant jamais fumé que chez des fumeurs.Rien n’indique que le tabagisme aggrave les effets de l’expositionaux poussières. Au contraire, les études ont généralement montréque l’effet était légèrement moins marqué chez les fumeurs, ce quipourrait être dû à la sélection de travailleurs sains. Il est importantde noter que la relation entre l’exposition aux poussières et l’alté-ration ventilatoire semble être indépendante de la pneumoco-niose; cela veut dire que la présence d’une pneumoconiose n’estpas indispensable à une altération de la fonction pulmonaire. Enrevanche, il semble plutôt que l’inhalation de poussières puisseagir de différentes façons, aboutissant à une pneumoconiose chezcertains mineurs, à un syndrome obstructif chez d’autres et à denombreux autres troubles chez d’autres encore. A la différencedes mineurs atteints de PH isolée, ceux qui présentent des symp-tômes respiratoires ont une fonction pulmonaire significativementaltérée après pondération en fonction de l’âge, du tabagisme, del’exposition aux poussières et d’autres facteurs.

Des travaux récents sur l’altération de la fonction ventilatoirecomportaient l’exploration de modifications longitudinales. Lesrésultats montrent qu’il peut y avoir une tendance non linéaire àl’altération avec le temps chez les nouveaux mineurs, une impor-tante altération initiale étant suivie d’une altération plus modéréeen cas de poursuite de l’exposition. De plus, il s’avère que lesmineurs qui réagissent aux poussières devraient, s’ils le peuvent, sesoustraire à toute exposition intense aux poussières.

La bronchite chroniqueLes symptômes respiratoires, tels que la toux productive, sont uneconséquence fréquente du travail dans les mines de charbon, laplupart des études faisant ressortir une prévalence accrue parrapport aux populations témoins non exposées. En outre, la préva-lence et l’incidence des symptômes respiratoires augmentent avecl’exposition cumulée aux poussières, compte tenu de l’âge et dutabagisme. La présence de symptômes semble être associée à unealtération de la fonction pulmonaire plus grave que celle résultantde l’exposition aux poussières ou d’autres causes présumées, cequi suggère que l’exposition aux poussières peut contribuer àl’apparition de certains processus pathologiques qui évoluent en-suite indépendamment de toute nouvelle exposition. Une relationentre la taille des ganglions péribronchiques et l’exposition auxpoussières a été mise en évidence par l’anatomopathologie. On aconstaté que la mortalité par bronchite et emphysème augmentaitavec l’accroissement de l’exposition cumulée aux poussières.

L’emphysèmeLes études anatomopathologiques ont constamment montré uneaugmentation des lésions emphysémateuses chez les mineurs decharbon par rapport aux groupes témoins. De plus, on a noté quel’importance de l’emphysème était liée à la quantité de poussièresdans les poumons et aux signes pathologiques de pneumoconiose.

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PATHOLOGIE RESPIRATOIRE DES MINEURS DE CHARBON 10.56 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

Il est également important de noter que la présence d’un emphy-sème est liée à l’exposition aux poussières et au pourcentage duVEMS théorique. Ces constatations concordent avec l’hypothèseselon laquelle l’exposition aux poussières peut induire un emphy-sème invalidant.

La forme d’emphysème la plus nettement associée à l’extrac-tion du charbon est l’emphysème en foyer. Il consiste en des zonesde distension des espaces aériens, d’une taille de 1 à 2 mm, àproximité des macules de poussières péribronchiolaires. On consi-dère actuellement que l’emphysème résulte d’une destruction tis-sulaire plutôt que d’une distension ou d’une dilatation. En dehorsde l’emphysème en foyer, il est certain que l’emphysème centro-acinaire a une origine professionnelle et que l’emphysème total(c’est-à-dire l’ensemble des divers types) présente une corrélationavec la durée du travail dans la mine, chez les sujets qui n’ontjamais fumé comme chez les fumeurs. Rien ne suggère une poten-tialisation de la relation exposition aux poussières-emphysème parle tabagisme. Par contre, certains faits évoquent une relationinverse entre la teneur en silice des poumons et la présence d’unemphysème.

La question de l’emphysème a fait l’objet de nombreuses con-troverses, certains affirmant que les biais de sélection et le taba-gisme compliquent l’interprétation des études anatomopathologi-ques. Certains spécialistes considèrent que l’emphysème en foyern’a qu’un retentissement minime sur la fonction pulmonaire. Lesétudes anatomopathologiques entreprises depuis les années qua-tre-vingt ont tenu compte des critiques initiales et ont révélé quel’effet de l’exposition aux poussières peut être plus important pourla santé des mineurs qu’on ne le pensait jusque-là. Cette opinionest corroborée par la découverte récente d’une relation entremortalité par bronchite et emphysème et exposition cumulée auxpoussières.

La silicoseBien qu’associée surtout à des activités industrielles autres quel’extraction du charbon, la silicose peut aussi se produire chez lesmineurs de charbon. Dans les chantiers souterrains, on l’observetrès fréquemment chez certains travailleurs exerçant des tâchescomportant classiquement une exposition à la silice pure. Il s’agitdes mineurs qui percent des trous d’ancrage dans des toits souventconstitués de grès ou d’autres minéraux à teneur élevée en silice,des conducteurs d’engins mécanisés ou de convois exposés auxpoussières générées par le sable placé sur les voies pour faciliter latraction, ainsi que des foreurs qui travaillent à l’avancement. Dansles mines de charbon des Etats-Unis exploitées à ciel ouvert, lesforeurs sont exposés à un risque particulier, certains d’entre euxdéveloppant une silicose aiguë après quelques années d’expositionseulement. Des observations anatomopathologiques, comme on leverra ci-après, suggèrent que la silicose ne se limite pas auxmineurs de charbon exécutant les tâches énumérées plus haut,mais qu’elle peut affecter beaucoup d’autres catégories de tra-vailleurs employés dans les mines de charbon.

Les nodules silicotiques observés chez les mineurs de charbonsont de même nature que ceux observés ailleurs; ils sont formés devolutes de collagène et de réticuline. Une importante étude surautopsies a révélé que 13% environ des mineurs de charbonprésentaient des nodules silicotiques pulmonaires. Bien qu’uneactivité (celle des conducteurs d’engins) ait été caractérisée parune prévalence beaucoup plus élevée des nodules silicotiques(25%), cette prévalence variait peu chez les mineurs occupantd’autres postes, ce qui paraît incriminer la silice présente dans lespoussières mixtes que l’on rencontre dans les mines.

Il est difficile de bien distinguer, sur une radiographie, la sili-cose de la pneumoconiose du houilleur. Il semble cependant queles plus grandes des petites opacités (type «r») correspondent àune silicose.

La pneumoconiose rhumatoïdeLa pneumoconiose rhumatoïde, dont une variante s’appelle syndrome deCaplan, désigne une maladie touchant des travailleurs exposés auxpoussières dont les radiographies présentent de multiples opacitésde grande taille. Sur le plan anatomopathologique, ces lésionsressemblent plutôt à des nodules rhumatoïdes qu’à des lésions deFMP et apparaissent souvent en peu de temps. On note le plussouvent la présence d’une arthrite évolutive et d’un facteur rhu-matoïde circulant, sans toutefois que cette présence soit générali-sée.

Le cancer du poumonLes mineurs de charbon peuvent être exposés à un certain nom-bre de substances qui sont des agents cancérogènes potentiels.Parmi celles-ci, on note la silice et le benzo(a)pyrène. Rien n’at-teste cependant formellement l’existence d’un nombre accru dedécès par cancer du poumon chez les mineurs de charbon. Onpeut l’expliquer par le fait qu’on leur interdit de fumer en raisondes risques d’incendie et d’explosion. Cependant, le fait qu’au-cune relation exposition-réponse n’ait pu être mise en évidenceentre le cancer du poumon et l’exposition aux poussières suggèreque la poussière de charbon n’est pas une cause majeure decancer du poumon dans l’industrie charbonnière.

Les limites réglementaires d’expositionaux poussièresL’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé une«limite provisoire d’exposition basée sur des critères sanitaires»fixée à 0,54 mg/m3 pour les poussières respirables des mines decharbon (contenant moins de 6% de particules respirables dequartz). L’OMS a pris pour critère un risque de 2‰ de contracterune FMP au cours de la vie professionnelle et recommande detenir compte des facteurs environnementaux (qualité du charbon,pourcentage de quartz et taille des particules) pour fixer les limitesd’exposition.

Dans les principaux pays producteurs de charbon, les limitesactuelles sont basées sur la seule poussière de charbon (par exem-ple, 3,8 mg/m3 au Royaume-Uni; 5 mg/m3 en Australie et auCanada) ou sur le mélange charbon-silice (comme aux Etats-Unis:2 mg/m3 quand la teneur en quartz est égale ou inférieure à 5%,ou 10 mg/m3/pour cent de SiO2, ou encore en Allemagne:(4 mg/m3 quand la teneur en quartz est égale ou inférieure à 5%,et 0,15 mg/m3 dans les autres cas), ou encore sur la limitation dela teneur en quartz pur (par exemple, la Pologne, avec une limitede 0,05 mg/m3).

•LES MALADIES DUES À L’AMIANTEMALADIES DUES À L’AMIANTE

Margaret R. Becklake

Perspective historiqueLe terme amiante est utilisé pour décrire un groupe de minérauxfibreux naturels très répandus dans le monde sous forme de gise-ments de minerais ou d’affleurements rocheux. L’exploitation despropriétés de résistance à la chaleur et de souplesse de ces miné-raux est très ancienne. Au IIIe siècle avant J.-C., par exemple,l’amiante servait à renforcer les poteries d’argile en Finlande. Leslinceuls utilisés pour envelopper la dépouille mortelle des person-nages célèbres étaient tissés en fibres d’amiante. Marco Polo, auretour de son voyage en Chine, a décrit un matériau magique quipermettrait de fabriquer des vêtements ininflammables. Au débutdu XIXe siècle, on dénombrait des gisements d’amiante dansplusieurs régions du monde (notamment les monts Oural, le nordde l’Italie, d’autres pays méditerranéens, l’Afrique du Sud et le

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Canada), mais leur exploitation commerciale n’a réellement com-mencé qu’à partir de 1850. A cette époque, la révolution indus-trielle non seulement créait la demande (pour l’isolation des ma-chines à vapeur, par exemple), mais encourageait également laproduction de fibres d’amiante en permettant la mécanisation duprocessus d’extraction à partir de la roche mère. L’industrie mo-derne de l’amiante est née en Italie et au Royaume-Uni après1860; elle a pris son essor au Québec (Canada) dans les annéesmille huit cent quatre-vingt avec l’exploitation d’importants gise-ments de chrysotile (amiante blanc). L’exploitation des grandsgisements de chrysotile situés dans les monts Oural est restéelimitée jusque dans les années vingt. A l’époque, le chrysotileentrait surtout dans la fabrication des tissus et des feutres, car sesfibres sont longues et fines. Au début du siècle, d’autres types degisements ont été découverts et exploités comme les gisements decrocidolite (amiante bleu) (dans la partie nord-ouest de la pro-vince du Cap en Afrique du Sud; cette fibre résiste mieux à l’eauque le chrysotile et est mieux adaptée à une utilisation marine) oules gisements d’amosite (amiante brun) (également en Afrique duSud). Plus récemment, des gisements d’anthophyllite ont été ex-ploités en Finlande de 1918 à 1966 (seule source commercialeimportante de cette fibre), ainsi que des gisements de crocidoliteen Australie occidentale, à Wittenoom, de 1937 à 1966.

Les types de fibresLes amiantes sont classés en deux groupes: le groupe des serpenti-nes, qui inclut le chrysotile, et le groupe des amphiboles, quicomprend la crocidolite, la trémolite, l’amosite et l’anthophyllite(voir figure 10.17). Dans la plupart des cas, la composition miné-rale des gisements est hétérogène, comme la majorité des formescommercialisées (Skinner, Roos et Frondel, 1988). Le chrysotile etles amiantes amphiboles diffèrent par leur structure cristallogra-phique, ainsi que par leurs caractéristiques chimiques et de sur-face. Les propriétés physiques de leurs fibres sont également unautre paramètre de différenciation et sont exprimées habituelle-ment par le rapport (ou l’aspect) longueur/diamètre. Enfin, lesamiantes se distinguent selon le type d’utilisation commerciale etla classe à laquelle ils appartiennent. Ces différences se répercu-tent sur leur puissance biologique (les aspects en seront abordésdans les sections qui suivent).

La production industrielleLa croissance de la production industrielle, illustrée dans la fi-gure 10.18, était assez faible au début du siècle. A titre d’exemple,la production canadienne ne dépassait pas 91 000 tonnes métri-ques par an jusqu’en 1911 et 182 000 tonnes par an jusqu’en1923. Juste après la première guerre mondiale, la production estrestée constante, pour augmenter considérablement au momentde la seconde guerre mondiale. Par la suite, la production n’acessé de croître (en particulier pendant la guerre froide) pouratteindre son maximum en 1976, avec 5 178 000 tonnes par an(Selikoff et Lee, 1978). Le déclin qui a suivi est principalement liéà la mise en évidence des effets pathologiques de l’amiante, sujetde préoccupation de plus en plus présent dans les pays d’Améri-que du Nord et d’Europe. La production s’est alors maintenueaux environs de 3 600 000 tonnes par an jusqu’en 1986, pourcontinuer de diminuer ensuite dans les années quatre-vingt-dix.Durant les années quatre-vingt, le profil d’utilisation et les sourcesde fibres ont également changé: la demande a diminué en Europeet en Amérique du Nord avec l’introduction de matériaux desubstitution dans diverses applications, tandis qu’elle a augmentésur les continents africain, asiatique et sud-américain pour répon-dre à la demande croissante de matériaux bon marché et durablespour les travaux de construction et les réseaux d’alimentation eneau. En 1981, la Russie est devenue le premier producteur mon-dial, tandis que l’exploitation industrielle de gisements importants

se développait en Chine et au Brésil. En 1980, on estimait queplus de 90 millions de tonnes d’amiante étaient extraites dans lemonde, constituées à 90% de chrysotile dont 75% environ prove-naient de quatre régions minières situées au Québec, en Afriquedu Sud et dans le centre et le sud des monts Oural. Deux à 3% dela production mondiale étaient composés de crocidolite provenantdu nord de la province du Cap et de l’Australie occidentale,tandis que 2 à 3% étaient constitués d’amosite et provenaient dela région orientale du Transvaal, en Afrique du Sud (Skinner,Ross et Frondel, 1988).

Les maladies dues à l’amianteComme la silice, l’amiante peut déclencher des réactions cicatri-cielles dans tous les tissus biologiques, qu’ils soient d’origine hu-maine ou animale. En outre, l’exposition à l’amiante provoquedes réactions malignes, ce qui représente un sujet de préoccupa-tion supplémentaire pour la santé humaine, mais aussi un nou-veau défi scientifique en vue d’élucider les mécanismes de seseffets pathologiques. La première forme de maladie identifiéecomme étant liée à l’amiante, caractérisée par une fibrose pulmo-

Images observées au microscope électronique permettant une identification des fibres individuelles parspectographie aux rayons X à dispersion d’énergie.

Avec l’aimable autorisation de A. Dufresne et M. Harrigan, Université McGill.

Figure 10.17 • Types de fibres d’amiante

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MALADIES DUES À L’AMIANTE 10.58 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

naire interstitielle diffuse, plus tard appelée asbestose, a été décriteau Royaume-Uni au début du siècle. Les premières observationsde cancer pulmonaire associé à l’asbestose remontent aux annéestrente, mais la mise en évidence scientifique du rôle cancérogènede l’amiante est relativement récente. En 1960, l’apparition demésothéliomes (cancers assez rares) chez un groupe de trente-troispersonnes travaillant ou vivant dans la région minière de la partienord-ouest de la province du Cap a permis de mettre en évidencel’association qui existe entre l’exposition à l’amiante et ce type de

cancer; celui-ci se manifeste par un envahissement de la plèvre,c’est-à-dire de la membrane couvrant le poumon et bordant laparoi thoracique (Wagner, 1998). Dans les années soixante etsoixante-dix, c’est pour lutter contre l’asbestose que des contrôlesd’empoussièrement ont été instaurés et appliqués de façon de plusen plus rigoureuse dans de nombreux pays industriels. Le résultaten fut la réduction de la fréquence de cette affection; c’est à cemoment-là que l’atteinte de la plèvre révéla son importance etéveilla l’attention des médecins du fait qu’elle représentait la prin-cipale manifestation pathologique chez les travailleurs exposés àl’amiante. Le tableau 10.16 répertorie les pathologies reconnuesactuellement comme imputables à l’amiante. Les maladies inscri-tes en caractères gras sont celles qui sont les plus fréquentes etdont le rapport de causalité a été le mieux établi (voir notes au basdu tableau 10.16). Les paragraphes qui suivent décrivent ces diffé-rentes pathologies.

L’utilisation de l’amianteLes principales sources d’amiante, les types de produits à based’amiante et leurs utilisations les plus importantes sont présentésdans le tableau 10.17. Bien que nécessairement incomplet, cetableau montre que:

1. L’on trouve des gisements d’amiante dans de nombreusesrégions du monde; la plupart de ces gisements ont été exploi-tés autrefois, alors que certains le sont encore actuellement.

2. De nombreux produits manufacturés contenant de l’amiantesont actuellement utilisés ou l’étaient autrefois, en particulierdans les industries de la construction et des transports.

3. Lors de la désintégration ou de l’élimination de ces produits,les fibres risquent d’être remises en suspension dans l’air etconstituent ainsi un risque secondaire d’exposition humaine.

On dénombre plus de 3 000 applications différentes de l’amiante,ce qui lui a valu son qualificatif de «minéral magique» dans lesannées soixante. En 1953, une industrie utilisait l’amiante sousforme brute dans plus de cinquante domaines, sans parler de sonutilisation pour la fabrication des produits mentionnés dans le

19401900 1920 20001960 1980

5 460 000

Production mondialed’amiante en tonnes

4 550 000

3 640 000

2 730 000

1 820 000

910 000

0

Figure 10.18 • Production mondiale d’amiante,1900-1992

Pathologie Organe(s) atteint(s) Types de maladies

Non maligne Poumons Asbestose (fibrose interstitielle diffuse)Maladie des petites voies aériennes2 (fibrose limitée à la région péribronchiolaire)Maladie chronique des voies aériennes3

Plèvre Plaques pleuralesRéactions viscéro-pariétales: épanchement pleural bénin, fibrose pleurale diffuse et atélectasie circulaire

Peau Indurations cornées4

Maligne Poumons Cancer pulmonaire (tous types cellulaires)Cancer du larynx

Plèvre Mésothéliome de la plèvreAutres cavités atteintes de mésothéliome Mésothéliome du péritoine, péricarde et scrotum (par ordre décroissant de fréquence)Tube digestif5 Cancer de l’estomac, de l’œsophage, du côlon, du rectumAutres6 Ovaire, vésicule biliaire, canaux biliaires, pancréas, reins

1 Les pathologies indiquées en gras sont les plus fréquentes; ce sont aussi celles pour lesquelles un lien causal est bien établi ou généralement admis. 2 On pense que la fibrose des petites voies aériennes dupoumon (intéressant plus particulièrement les bronchioles terminales et respiratoires) représente la première réponse du parenchyme pulmonaire à l’amiante (Wright et coll., 1992) qui évoluera vers une asbestosedéclarée si l’exposition se prolonge ou est importante. Dans le cas contraire, la réponse pulmonaire peut rester circonscrite à ces régions (Becklake, 1991). 3 Les maladies chroniques des voies aériennes incluentla bronchite, la bronchopneumopathie chronique obstructive et l’emphysème. Elles peuvent toutes être rapportées à une exposition professionnelle à des irritants bronchiques. La relation de cause à effet estdéveloppée dans l’article «Occupational exposure and chronic airways disease» (Becklake, 1992). 4 En relation avec une manipulation directe de l’amiante. D’intérêt historique plutôt qu’actuel. 5 Toutes lesétudes n’ont pas donné les mêmes résultats (Doll et Peto, 1987). La plupart des risques importants ont été décrits dans une cohorte de plus de 17 000 Américains et Canadiens travaillant dans le domaine del’isolation à l’amiante (Seidman et Selikoff, 1990), suivis du 1er janvier 1967 au 31 décembre 1986, chez qui l’exposition avait été particulièrement forte.Sources: Becklake, 1991; Becklake, 1992; Becklake, 1994; Doll et Peto, 1987; Seidman et Selikoff, 1990; Wright et coll., 1992.

Tableau 10.16 • Pathologies liées à l’amiante1

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.59 MALADIES DUES À L’AMIANTE

tableau 10.17. En 1972, la consommation d’amiante aux Etats-Unis était répartie de la façon suivante: construction (42%); garni-tures de freins et autres systèmes de friction, feutres, emballages etjoints (20%); revêtements pour sols (11%); papier (9%); isola-tion et textiles (3%); autres utilisations (15%) (Selikoff et Lee,1978). En 1995, la répartition mondiale des utilisations industriel-les de l’amiante s’était considérablement modifiée et présentait leprofil suivant: amiante-ciment (84%); garnitures de freins et autressystèmes de friction (10%); textiles (3%); joints d’étanchéité ther-mique (2%); autres utilisations (1%) (Asbestos Institute, 1995).

L’exposition professionnelle, passéeet présenteL’exposition professionnelle, en particulier dans les pays industriels,a toujours été et reste la source la plus probable de l’expositionhumaine (voir tableau 10.17 ainsi que les références bibliographi-ques et d’autres chapitres de la présente Encyclopédie qui contien-nent des compléments d’information). Toutefois, des modificationsont été apportées aux processus de fabrication pour diminuer lesdégagements de poussières dans les ateliers (Browne 1994; Selikoffet Lee, 1978). Dans les pays producteurs d’amiante, l’extractiondes fibres a généralement lieu sur le carreau de la mine. La plupartdes mines de chrysotile sont à ciel ouvert, alors que les minesd’amphiboles font généralement intervenir des méthodes d’extrac-tion souterraine, générant plus de poussières. Pour être extraites de

la roche mère, les fibres sont broyées, puis passées au crible. Cestechniques entraînaient un empoussiérage important jusqu’à l’in-troduction de procédés humides ou à la mise en place d’enceintesétanches au cours des années cinquante et soixante. La manipula-tion des déchets constituait également une autre source d’exposi-tion humaine, tout comme le transport des sacs d’amiante, qu’ilsoit assuré par voie routière, ferroviaire ou maritime. Ce risqued’exposition a considérablement diminué depuis l’introduction desacs hermétiques et l’utilisation de conteneurs scellés.

Les travailleurs devaient utiliser l’amiante brut pour tous lestravaux de calfeutrage et de calorifugeage, en particulier dansl’industrie ferroviaire, l’industrie du bâtiment (pour isoler lesmurs, les plafonds et les conduits d’aération) et la constructionnavale (pour isoler les ponts et les cloisons). Certaines de cesapplications ont été supprimées progressivement, voire interdites.Dans la fabrication d’amiante-ciment, l’exposition a lieu au mo-ment de la réception et de l’ouverture des sacs d’amiante brut, dudéversement des fibres dans les trémies des mélangeurs, ainsi quelors de l’usinage des produits finis et de l’évacuation des déchets.Pour la fabrication des panneaux de revêtement de sols en vinyle,l’amiante a été utilisé, en combinaison avec des résines organi-ques, comme agent de renforcement et comme charge. En Eu-rope et aux Etats-Unis, il est désormais largement remplacé parles fibres organiques. Dans la fabrication des fils et des textiles,l’exposition aux fibres d’amiante a lieu lors de la réception, de la

Type de fibre Situation des principaux gisements Produits commerciaux ou utilisations

Actinolite Contamine l’amosite et, plus rarement, les gisements de chrysotile,de talc et de vermiculite

Absence d’exploitation commerciale en règle générale

Amosite(amiante brun)

Afrique du Sud (nord du Transvaal)1 Utilisé principalement dans la fabrication de matériaux de couvertureet d’isolation thermique ainsi que de l’amiante-ciment, surtoutaux Etats-Unis2, mais également dans la plupart des produits réper-toriés dans la rubrique «chrysotile»

Anthophyllite Finlande1 Charge dans les industries du caoutchouc et des plastiques et dans l’in-dustrie chimique

Chrysotile(amiante blanc)

Russie, Canada (Québec, Colombie-Britannique, Terre-Neuve), Chine(province du Szu-ch’uan ); pays méditerranéens (Italie, Grèce, Corse,Chypre); Afrique australe (Afrique du Sud, Zimbabwe, Swaziland);Brésil; gisements moins importants aux Etats-Unis (Vermont, Arizona,Californie) et au Japon

Matériaux de construction (tuiles, bardeaux, plaques, gouttières,citernes, toitures, etc.)

Canalisations sous pression et tuyauxMatériaux incombustibles (usages maritimes et autres)Matériaux d’isolation thermique et phoniquePlastiques renforcés (pales de ventilateurs, appareillages électriques)Matériaux de friction, associés souvent à des résines, pour la fabrication

de freins, embrayages, etc.Textiles (ceintures, vêtements, revêtements muraux, barrières ignifuges,

autoclaves, fils, emballages)Produits dérivés du papier (carton pour joints, isolants, joints d’étan-

chéité, feutres de toiture, revêtements muraux, etc.)Constituants de peintures, baguettes de soudage

Crocidolite(amiante bleu)

Afrique du Sud (nord-ouest de la province du Cap, est du Transvaal),Australie-Occidentale1

Utilisé principalement en association avec le ciment (en particulierpour les canalisations sous pression), mais également dans la plupartdes produits cités ci-dessus

Trémolite Italie, Corée et certaines îles du Pacifique; faible activité minièreen Turquie et en Chine; contamine les roches encaissantes danscertaines mines d’amiante, de fer, de talc et de vermiculite;également rencontré dans les sols agricoles de la péninsuledes Balkans et de la Turquie

Utilisé comme charge dans le talc; n’est pas toujours éliminé lorsdu traitement du minerai, si bien qu’il peut apparaître dans les pro-duits finis

1 Cette liste n’a pas la prétention d’être exhaustive. Le lecteur est invité à consulter les sources citées, ainsi que d’autres chapitres de la présente Encyclopédie. 2 Usage abandonné à l’heure actuelle.Sources: Asbestos Institute, 1995; Browne, 1994; Liddell et Miller, 1991; Selikoff et Lee, 1978; Skinner, Roos et Frondel, 1988.

Tableau 10.17 • Sources, produits et utilisations majeurs de l’amiante

10.60

LE CORPS

MALADIES DUES À L’AMIANTE 10.60 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

préparation, du mélange, du cardage, du filage, du tissage et ducalandrage; ces opérations étaient réalisées à sec jusqu’à une épo-que récente et pouvaient donc entraîner des atmosphères trèspoussiéreuses. L’exposition aux poussières a considérablement di-minué dans les usines modernes, grâce à l’utilisation de fibreshumides pour les trois dernières étapes de fabrication: ces fibressont formées par un processus d’extrusion à partir d’une suspen-sion colloïdale d’amiante. Dans l’industrie du papier fossile, l’ex-position se produit en général lors de la réception et de la prépa-ration des mélanges initiaux et lors de la découpe des produitsfinis, qui contenaient de 30 à 90% d’amiante dans les annéessoixante-dix. Dans la fabrication des garnitures de freins et autresproduits de friction (moulés à sec, matricés, tissés ou bobinés),l’exposition à l’amiante se produit généralement au cours de lamanipulation initiale, du mélange et de la préparation du produitfini, qui contenait de 30 à 80% d’amiante dans les années soixante-dix. Dans l’industrie du bâtiment, avant le recours systématique àdes hottes d’aspiration et à la ventilation (dès 1960), le débitageavec des scies mécaniques à grande vitesse, le perçage et le pon-çage des éléments de toiture contenant de l’amiante provoquaientla mise en suspension de poussières contenant des fibres, à proxi-mité de la zone respiratoire des opérateurs, notamment lorsqueces travaux étaient exécutés dans des espaces confinés (gratte-cielen construction, par exemple). Après la seconde guerre mondiale,c’est la démolition et la rénovation des navires de guerre ou desbâtiments qui ont constitué une source importante d’exposition,en particulier lors de l’utilisation, de la dépose, du déflocage ou duremplacement des matériaux contenant de l’amiante, en raisonsurtout du manque de connaissances relatives à la composition deces matériaux (on ne savait pas qu’ils contenaient de l’amiante) etde l’ignorance des effets néfastes de cette exposition pour la santé.Par la suite, dans les années quatre-vingt-dix, le risque a pu êtrediminué dans certains pays grâce à l’éducation des travailleurs, àl’amélioration des pratiques industrielles et à la protection indivi-duelle. Dans les industries de construction des trains et des véhicu-les à moteur, l’exposition avait surtout pour origine la dépose et leremplacement des revêtements calorifuges des moteurs de loco-motives ou des garnitures de freins dans les camions et les voitu-res. Un certain nombre d’observations chez des travailleurs expo-sés au risque de pathologies pleurales continuent d’attirerl’attention, bien qu’il s’agisse d’applications désormais abandon-nées, comme l’utilisation de rubans d’amiante pour la fabricationdes électrodes de soudage ou de tissus d’amiante pour le calorifu-geage des fours ou l’entretien des systèmes de roulage souterraindans les mines.

Les autres sources d’expositionL’exposition à l’amiante des personnes qui n’utilisent ou ne mani-pulent pas directement ce matériau dans le cadre de leur travail,mais qui travaillent en revanche dans le même secteur que despersonnes en contact direct avec l’amiante est appelée expositionpassive. Il s’agit là d’une source importante d’exposition, non seule-ment dans les années passées, mais encore à l’heure actuelle pourles cas diagnostiqués dans les années quatre-vingt-dix. Les catégo-ries professionnelles ainsi exposées sont les électriciens, les sou-deurs et les charpentiers dans les secteurs du bâtiment et dans leschantiers navals, le personnel d’entretien dans les usines d’amiante,les monteurs, les personnes chargées de l’exploitation des centra-les électriques, de l’entretien des navires et des chaudières (dontl’isolation thermique est réalisée à l’aide de matériaux à l’amiante),ainsi que les personnes travaillant à l’entretien des tours d’habita-tion d’après-guerre, période au cours de laquelle divers matériauxà base d’amiante étaient utilisés. Autrefois, l’exposition domestiqueétait surtout imputable aux vêtements de travail chargés de pous-sières, secoués ou nettoyés à la maison: les poussières ainsi libéréesse déposaient sur les tapis et les meubles et étaient remises en

suspension dans l’air en raison des activités de la vie quotidienne.Les concentrations de fibres dans l’air pouvaient atteindre 10 fibrespar millilitre (f/ml), soit dix fois plus que la limite d’expositionprofessionnelle préconisée par l’OMS (1989), fixée à 1,0 f/ml; lesfibres avaient par ailleurs tendance à rester plusieurs jours ensuspension dans l’air. Depuis les années soixante-dix, il est d’usagede laisser les vêtements de travail à l’atelier ou à l’usine, où ils sontnettoyés; cette mesure n’est malheureusement pas respectée par-tout. Une autre source d’exposition est liée à la contaminationatmosphérique des lieux d’habitation proches d’une activité in-dustrielle. Par exemple, les concentrations d’amiante en suspen-sion dans l’air sont plus importantes au voisinage des mines et desusines d’amiante; ces concentrations dépendent des niveaux d’ac-tivité, du contrôle des émissions et des conditions atmosphériques.Etant donné le délai très long qui s’écoule avant l’apparition, parexemple, d’une pathologie pleurale due à l’amiante, ce type d’ex-position passive est encore responsable de nouveaux cas. Dans lesannées soixante-dix et quatre-vingt, le public a progressivementpris conscience de la nocivité potentielle de l’amiante et de sesutilisations extensives dans les matériaux de construction moderne(en particulier sous forme friable pour le flocage des murs, desplafonds et des conduits de ventilation) et s’est inquiété du devenirde ces bâtiments, soumis à l’usure du temps, et de la possibilitéd’un relargage des fibres dans l’air en quantité suffisante pourconstituer un danger pour la santé des travailleurs du bâtiment(voir les estimations de risques ci-après). Les autres sources decontamination de l’air dans les zones urbaines sont la libérationdes fibres provenant des garnitures de freins et leur remise encirculation par le passage des véhicules (Bignon, Peto et Saracci,1989).

Les sources non industrielles d’exposition environnementale sontla présence naturelle des fibres dans le sol, par exemple en Europeorientale et dans les affleurements de roches de la région méditer-ranéenne, y compris la Corse, Chypre, la Grèce et la Turquie(Bignon, Peto et Saracci, 1989). Une autre source d’expositionhumaine résulte de l’utilisation de la trémolite pour le blanchi-ment des maisons et de la fabrication du stuc en Grèce et enTurquie, mais aussi en Nouvelle-Calédonie (Luce et coll., 1994).Dans certains villages de Turquie, on trouve également une fibrede zéolite, l’érionite, utilisée pour la fabrication du stuc et laconstruction des maisons, incriminée dans la formation de méso-théliomes. Enfin, l’exposition peut également provenir de l’eau deboisson contaminée naturellement: l’amiante étant très répanduedans les affleurements, la plupart des sources d’eau en contien-nent, mais les taux les plus élevés se trouvent dans les régionsminières (Skinner, Roos et Frondel, 1988).

L’étiopathologie des maladiesdues à l’amiante

Le devenir des fibres inhaléesLes fibres d’amiante s’alignent lorsqu’elles sont portées par uncourant d’air. Leur capacité de pénétrer dans les espaces pulmo-naires plus profonds dépend de leur dimension: les fibres d’undiamètre aérodynamique inférieur ou égal à 5 µm pénètrent àplus de 80%, mais ont une rétention inférieure de 10 à 20%. Lesparticules plus grosses peuvent entrer en collision les unes avec lesautres au niveau du nez et des bifurcations des voies aériennesprincipales où elles tendent à se rassembler. Les particules ainsidéposées sont éliminées grâce à l’action des cellules ciliées ettransportées vers l’extérieur grâce au mucus. Les différences indi-viduelles face à ce qui semble être une exposition identique pro-viennent, du moins partiellement, des différences interindividuel-les de pénétration et de rétention des fibres inhalées (Bégin,Cantin et Massé, 1989). Les particules plus petites se déposentau-delà des voies aériennes principales et sont phagocytées par les

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.61 MALADIES DUES À L’AMIANTE

macrophages alvéolaires qui servent d’éboueurs et digèrent lesparticules étrangères. Les fibres longues, c’est-à-dire mesurantplus de 10 µm, sont souvent attaquées par plus d’un macrophageet sont donc plus susceptibles d’être recouvertes et de former lenoyau d’un corps asbestosique, structure caractéristique mise enévidence dès le début des années mille neuf cent et reconnuecomme marqueur de l’exposition à l’amiante (voir figure 10.19).On considère que l’enrobage des fibres fait partie des systèmes dedéfense du poumon pour les rendre inertes et non immunogènes.La formation de corps asbestosiques est plus probable à partir desfibres d’amphibole que de chrysotile et leur nombre dans lesmatériaux biologiques (expectoration, lavage broncho-alvéolaire,tissu pulmonaire) est un indicateur indirect de la charge du pou-mon. Les fibres enrobées peuvent persister des années dans lepoumon et être retrouvées dans les crachats et le liquide de lavagebroncho-alvéolaire trente ans après l’exposition. L’élimination desfibres non enrobées déposées dans le parenchyme pulmonaires’effectue vers la périphérie du poumon et les régions sous-pleura-les, puis vers les ganglions lymphatiques de la base du poumon.Les théories permettant d’expliquer les mécanismes par lesquelsles fibres provoquent des réactions pleurales sont les suivantes:

1. pénétration directe dans l’espace pleural et drainage avec leliquide pleural jusqu’aux pores de la plèvre bordant la paroithoracique;

2. libération de médiateurs dans l’espace pleural à partir descollections lymphatiques sous-pleurales;

3. flux rétrograde à partir des ganglions lymphatiques du pédi-cule pulmonaire vers la plèvre pariétale (Browne, 1994).

Pour expliquer la présence de mésothéliomes péritonéaux, onpeut invoquer probablement aussi un flux rétrograde par l’inter-médiaire du canal thoracique vers les ganglions lymphatiquesabdominaux.

Les effets cellulaires des fibres inhaléesLes études effectuées chez l’animal indiquent que les premiersévénements qui suivent la rétention d’amiante dans le poumonsont les suivants:

1. une réaction inflammatoire, avec accumulation de globulesblancs, suivie d’une alvéolite macrophagique avec libérationde fibronectine, de facteur de croissance et de facteurs chi-miotactiques neutrophiles et, plus tard, d’ions superoxydes;et

2. la prolifération des cellules alvéolaires, épithéliales, intersti-tielles et endothéliales (Bignon, Peto et Saracci, 1989).

Ces réactions se retrouvent dans les substances biologiques récu-pérées dans le lavage broncho-alvéolaire chez l’humain et l’animal(Bégin, Cantin et Massé, 1989). La capacité biologique de fibroge-nèse semble déterminée à la fois par les dimensions des fibres etleurs caractéristiques chimiques, lesquelles semblent, de même queles propriétés de surface, être importantes pour la cancérogenèse.Les fibres longues et fines sont plus actives que les courtes, même sil’activité de celles-ci n’est pas négligeable; les amphiboles sont plusactifs que le chrysotile, propriété attribuée à leur plus granderémanence (Bégin, Cantin et Massé, 1989). Les fibres d’amiantepeuvent également perturber le système immunitaire humain etmodifier la population de lymphocytes circulants. Par exemple, lesréactions immunitaires à médiation cellulaire en réponse à desantigènes cellulaires (comme ceux rencontrés dans un test tubercu-linique) peuvent être mises en défaut (Browne, 1994). En outre,comme les fibres d’amiante semblent capables d’induire des ano-malies chromosomiques, on suppose qu’elles peuvent égalementinduire ou favoriser les cancers (Jaurand, Bignon et Brochard,1993).

Les relations dose-réponse et exposition-réponseEn pharmacologie et en toxicologie, la relation dose-réponse per-met d’estimer la probabilité de survenue des effets souhaités ou lerisque d’effets indésirables; la dose représente la quantité d’agentdélivré à l’organe cible et restant en contact avec cet organesuffisamment longtemps pour provoquer une réaction. En méde-cine du travail, pour procéder à l’estimation des risques, on rem-place la dose par d’autres paramètres permettant de quantifier ouqualifier l’exposition. Les études effectuées en milieu de travailpermettent généralement de mettre en évidence des relations ex-position-réponse, mais la mesure d’exposition la plus appropriéevarie selon les maladies. Il peut sembler assez déconcertant deconstater que même si les relations exposition-réponse sont diffé-rentes d’une catégorie professionnelle à l’autre, ces différences nepeuvent être expliquées qu’en partie par la fibre elle-même, lataille des particules et le procédé industriel employé. Ces relationsexposition-réponse forment néanmoins la base scientifique pourl’évaluation des risques et l’établissement de niveaux d’expositionadmissibles, initialement destinés à maîtriser l’asbestose (Selikoff etLee, 1978). Comme la prévalence ou l’incidence de cette patholo-gie a diminué, on s’est davantage préoccupé de protéger la santéhumaine contre les cancers dus à l’amiante. Au cours de ces dixdernières années, de nombreuses techniques ont été mises aupoint pour quantifier la charge en poussières des poumons ou ladose biologique, directement en termes de fibres par gramme detissu pulmonaire sec. En outre, l’analyse aux rayons X à disper-sion d’énergie permet de préciser la caractérisation de chaquefibre par type (Churg, 1991). Même si les résultats ne sont pasencore normalisés d’un laboratoire à l’autre, leur comparaison ausein d’un même laboratoire est utile et la mesure de la chargepulmonaire en fibres constitue désormais un nouvel outil pourl’évaluation des cas. En outre, l’application de ces techniques auxétudes épidémiologiques a pu:

Figure 10.19 • Corps asbestosique

Sur cette coupe microscopique de tissu pulmonaire (grossissement 400 x), le corps asbestosique est lastructure allongée, légèrement incurvée, sur laquelle sont enfilées de fines perles de ferroprotéines. Lafibre d’amiante elle-même est signalée par la flèche à l’une des extrémités du corps asbestosique.

Source: Fraser et coll., 1990.

10.62

LE CORPS

MALADIES DUES À L’AMIANTE 10.62 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

1. confirmer la biopersistance des fibres amphiboles dans le pou-mon et la comparer à celle des fibres de chrysotile;

2. identifier la charge en fibres des poumons chez certains indi-vidus pour qui l’exposition a été oubliée, est lointaine ouestimée sans importance;

3. démontrer l’existence d’un gradient de la charge pulmonairecorrélé au lieu de résidence, rural ou urbain, et à l’expositionprofessionnelle;

4. confirmer la présence d’un gradient de fibres dans la chargeen poussières du poumon qui accompagne les principalesmaladies dues à l’amiante (Becklake et Case, 1994).

L’asbestose

Définition et historiqueL’asbestose est le nom donné à la pneumoconiose imputable àl’exposition aux poussières d’amiante. Le terme pneumoconiose estutilisé ici selon la définition donnée dans l’article «Les pneumoco-nioses: définitions» du présent chapitre; il désigne une pathologiese caractérisant par une «accumulation de poussières dans lespoumons et des réactions tissulaires à la poussière». Dans le cas del’asbestose, la réaction tissulaire est collagénique et provoque unealtération définitive cicatricielle de l’architecture alvéolaire. Dès1898, le rapport annuel de l’inspecteur en chef des fabriques duRoyaume-Uni mentionnait les effets nocifs possibles de l’amiantesur la santé. Le rapport de 1899 détaillait le cas d’un hommeayant travaillé douze ans dans l’une des nouvelles usines textilesde Londres; son autopsie avait révélé une fibrose diffuse impor-tante du poumon et la présence, à l’examen histologique deslames, de ce qui devait être appelé par la suite corps asbestosi-ques. Comme la fibrose pulmonaire est une pathologie rare, on apensé que l’association devait être causale et le cas a été soumis en1907 à la commission pour la réparation des maladies d’origineindustrielle (Browne, 1994). En dépit de la publication de rapportsde nature similaire rédigés par les inspecteurs du travail auRoyaume-Uni, en Europe et au Canada dans les dix années quiont suivi, le rôle de l’amiante dans la genèse de la maladie n’a étéréellement reconnu qu’à partir d’une observation publiée dans leBritish Medical Journal, en 1927. Dans ce rapport, l’expressionasbestose pulmonaire a d’abord été utilisée pour décrire cette pneu-moconiose particulière, et des commentaires ont été présentés surl’importance des réactions pleurales associées, à la différence, parexemple, de la silicose, principale pneumoconiose reconnue àl’époque (Selikoff et Lee, 1978). Dans les années trente, deuxétudes majeures ont été réalisées dans l’industrie textile — l’uneau Royaume-Uni, l’autre aux Etats-Unis — et ont démontré unerelation exposition-réponse (et donc probablement causale) entrele niveau et la durée de l’exposition et les images radiologiquesévocatrices de lésions dues à l’asbestose. Ces rapports ont servi debase pour les premières réglementations instituées au Royaume-Uni, promulguées en 1930, et les premières valeurs seuils pourl’amiante publiées par la Conférence américaine des hygiénistesindustriels gouvernementaux (American Conference of Govern-mental Industrial Hygienists (ACGIH)), en 1938 (Selikoff et Lee,1978).

L’anatomopathologieLes lésions fibrotiques qui caractérisent l’asbestose sont la consé-quence d’un processus inflammatoire dû à la présence des fibresretenues dans les poumons. La fibrose de l’asbestose est intersti-tielle, diffuse, a tendance à intéresser préférentiellement les lobesinférieurs et les zones périphériques et, dans les cas avancés,s’accompagne d’une destruction de l’architecture pulmonaire nor-male. Une fibrose de la plèvre adjacente est fréquente. Aucunedonnée histologique de l’asbestose ne permet de la distinguer de

la fibrose interstitielle due à d’autres causes, excepté la présenced’amiante dans les poumons soit sous forme de corps asbestosi-ques (visibles en microscopie optique), soit sous forme de fibresnues, généralement très fines et visibles en microscopie électroni-que seulement. Par conséquent, l’absence de corps asbestosiquesdans les images obtenues en microscopie optique ne permet pasd’écarter une exposition à l’amiante ou un diagnostic d’asbestose.A l’autre extrémité du spectre de gravité de la maladie, la fibrosepeut être circonscrite à quelques zones et affecter surtout lesrégions péribronchiolaires (voir figure 10.20), donnant lieu à cequi a été appelé la maladie des petites voies aériennes due àl’amiante. Ici encore, hormis peut-être une implication plus im-portante des petites voies aériennes membraneuses, aucune lésionhistologique ne distingue cette maladie des maladies des petitesvoies aériennes dues à d’autres causes (tabagisme ou exposition àd’autres poussières minérales), si ce n’est la présence d’amiantedans les poumons. La maladie des petites voies aériennes peut êtrela seule manifestation de la fibrose pulmonaire due à l’amiante oupeut coexister avec divers degrés de fibrose interstitielle, c’est-à-dire une asbestose (Wright et coll., 1992). L’évaluation de lasévérité de l’asbestose a fait l’objet de publications mettant enlumière toute une série de critères pris en considération (Craig-head et coll., 1982). De façon générale, l’ampleur et l’intensité dela fibrose pulmonaire sont corrélées à la charge en poussières despoumons (Liddell et Miller, 1991).

Le tableau cliniqueLa dyspnée est le signe le plus précoce, le plus fréquent et le pluspénible de la maladie, ce qui a conduit à qualifier l’asbestose demaladie monosymptomatique (Selikoff et Lee, 1978). La dyspnéeprécède les autres symptômes, c’est-à-dire la toux sèche, souventpénible, et l’oppression thoracique qui est, semble-t-il, associéeaux réactions pleurales. A l’auscultation, on perçoit des râlesinspiratoires tardifs ou crépitants, qui persistent après la toux, etqui siègent d’abord dans le creux axillaire et à la base des pou-mons, puis qui se généralisent avec l’évolution de la maladie; on

Figure 10.20 • Maladie des petites voies aériennesdue à l’amiante

Une fibrose péribronchiolaire et une infiltration par des cellules inflammatoires sont apparentes sur cettecoupe histologique d’une bronchiole respiratoire (R) et de ses canaux alvéolaires (A). Le tissu pulmo-naire environnant est globalement normal, mais présente toutefois un épaississement focal du tissuinterstitiel (flèche) caractéristique d’un début d’asbestose.

Source: Fraser et coll., 1990.

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.63 MALADIES DUES À L’AMIANTE

pense qu’ils sont dus à l’ouverture explosive des voies aériennesqui se ferment à l’expiration. La présence de râles plus importantset de ronchi est souvent le signe d’une bronchite consécutive à untravail en milieu poussiéreux ou au tabagisme.

L’imagerie thoraciqueTraditionnellement, le seul outil diagnostique permettant d’établirla présence d’une asbestose était la radiographie thoracique, dontl’interprétation a été facilitée par la Classification radiologique duBIT (1980), qui classifie les petites opacités irrégulières caractéris-tiques de l’asbestose selon un continuum établi d’après la gravitéde la maladie (décrite sur une échelle à 12 degrés allant de 0/– à3/+) et son extension (caractérisée par le nombre des zones at-teintes). Malgré les différences constatées entre les personnes quiinterprètent les clichés — même chez les spécialistes — cetteclassification s’est révélée particulièrement utile dans les étudesépidémiologiques et a donc été employée cliniquement. Toutefois,jusqu’à 20% des sujets ayant une radiographie normale présen-tent des lésions caractéristiques de l’asbestose à la biopsie pulmo-naire. En outre, la présence de petites opacités irrégulières defaible densité (c’est-à-dire de degré 1/0 sur l’échelle du BIT) n’estpas spécifique de l’asbestose mais peut être en rapport avec d’au-tres types d’exposition, comme la fumée de tabac (Browne, 1994).La tomodensitométrie (TDM) a révolutionné l’imagerie des mala-dies pulmonaires interstitielles, y compris l’asbestose, et la tomo-densitométrie à haute résolution (TDM-HR) a augmenté la sensi-bilité de détection des pathologies interstitielles et pleurales (Fraseret coll., 1990). Les images caractéristiques de l’asbestose identi-fiées par la TDM-HR sont les épaississements interlobulaires (li-gnes septales) et intralobulaires (lignes non septales), les bandesparenchymateuses, les lignes courbes sous-pleurales et les opacitésgravi-dépendantes sous-pleurales, les deux premières étant les pluscaractéristiques de l’asbestose (Fraser et coll., 1990). La TDM-HRpermet également d’identifier ces lésions dans les cas de déficitfonctionnel pulmonaire où les radiographies thoraciques ne sontpas concluantes. D’après la TDM-HR faite post mortem, la pré-sence de lignes intralobulaires épaisses est corrélée à la fibrosepéribronchique, et les lignes interlobulaires épaisses à la fibroseinterstitielle (Fraser et coll., 1990). Jusqu’à présent, aucune mé-thode d’interprétation normalisée n’a été mise au point pour

pouvoir utiliser la TDM-HR dans les pathologies dues à l’amiante.Outre son coût, le fait que l’appareil de tomodensitométrie soitinstallé à l’hôpital rend improbable son utilisation en routine pourla surveillance et les études épidémiologiques. Son rôle resteraprobablement limité aux cas individuels ou aux études planifiéesdestinées à traiter de problèmes spécifiques. La figure 10.21 illus-tre l’utilisation de l’imagerie thoracique pour établir le diagnosticde pneumopathie due à l’amiante; les cas présentés sont uneasbestose, une pathologie pleurale due à l’amiante et un cancerbronchopulmonaire. La présence de grandes opacités, qui sontune complication des autres pneumoconioses, en particulier de lasilicose, est inhabituelle dans l’asbestose et est généralement due àd’autres pathologies, comme le cancer pulmonaire (voir le casdécrit dans la figure 10.21) ou les atélectases rondes.

Les épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR)La fibrose pulmonaire interstitielle établie, consécutiveà l’expositionà l’amiante, tout comme les fibroses pulmonaires dues à d’autrescauses, est généralement, mais pas invariablement, associée à untrouble ventilatoire restrictif (Becklake, 1994). Elle se caractérise parune diminution des volumes pulmonaires, en particulier de la capa-cité vitale (CV), avec conservation du rapport VEMS/CVF% (vo-lume expiratoire maximal seconde/capacité vitale forcée), unediminution de la compliance pulmonaire et des troubles des échan-ges gazeux. Une limitation ventilatoire avec baisse du rapportVEMS/CVF peut toutefois exister en réponse à un milieu profes-sionnel poussiéreux ou au tabagisme. Au débutd’uneasbestose, lors-que les lésions pathologiques sont limitées à la fibrose péribronchio-laire et même avant l’apparition des petites opacités irrégulières à laradiographie thoracique, le seul signe de perturbation de la fonctionrespiratoire peut être un trouble des EFR, reflétant un dysfonction-nement des petites voies aériennes, comme le débit expiratoire mé-dian maximal (DEM25-75). La réaction à l’effort peut également êtreperturbée dès le début de la maladie, avec une augmentation de laventilation plus importante que celle requise pour répondre aux be-soins accrus en oxygène (avec accélération de la fréquence respira-toire et respiration superficielle) et des troubles des échanges gazeux.Lorsque la maladie évolue, les échanges gazeux sont compromispour des efforts de moins en moins intenses. Comme le travailleurexposé à l’amiante peut présenter un profil fonctionnel à la fois res-

Une radiographie thoracique de face (A) montre une asbestose siégeant dans les deux poumons, classée dans la catégorie 1/1 de la Classification du BIT, associée à un épaississement pleural bilatéral (flèchescreuses) et une opacité vaguement définie (flèches pleines) dans le lobe supérieur gauche. Sur la tomodensitométrie à haute résolution (B), il s’est avéré qu’il s’agissait d’une masse dense (M), contiguë à la plèvre; labiopsie transthoracique a montré qu’il s’agissait d’un adénocarcinome du poumon. Sur la tomodensitométrie (C), des plaques pleurales sont visibles (flèches pleines), ainsi qu’une fine opacité curviligne dans leparenchyme situé sous les plaques, et des lésions interstitielles dans le tissu pulmonaire situé entre l’opacité et la plèvre.

Source: Fraser et coll., 1990.

Figure 10.21 • Imagerie thoracique de la pneumopathie due à l’amiante

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MALADIES DUES À L’AMIANTE 10.64 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

trictif et obstructif, le médecin avisé doit interpréter les EFR pour cequ’elles sont, une mesure de l’insuffisance respiratoire plutôt qu’uneaide diagnostique. L’étude de la fonction pulmonaire, en particulierla mesure de capacité vitale, constitue un outil intéressant pour le sui-vi individuel des patients ou les études épidémiologiques, par exem-ple pour surveiller l’évolution de l’asbestose ou de la pathologie pleu-rale due à l’amiante après arrêt de l’exposition.

Autres examens complémentairesOn utilise de plus en plus le lavage broncho-alvéolaire commeoutil clinique pour étudier les pneumopathies dues à l’amianteafin:

1. d’éliminer d’autres diagnostics;2. d’évaluer l’activité des réactions pulmonaires étudiées, comme

la fibrose;3. d’identifier l’agent sous forme de corps asbestosiques ou de

fibres.

Cet examen sert également à étudier les mécanismes pathogè-nes chez l’humain et l’animal (Bégin, Cantin et Massé, 1989).Enfin, la captation du gallium 67 permet de mesurer l’activité duprocessus pulmonaire, tandis que la présence d’anticorps antinu-cléaires sériques (AAS) et de facteurs rhumatoïdes (FR), qui reflè-tent l’état immunologique de l’individu, pourraient égalementinfluer sur la progression de la maladie ou expliquer les différen-ces individuelles en réponse à ce qui semble être le même niveauet la même dose d’exposition.

L’épidémiologie et l’histoire naturelle de la maladieLa prévalence des signes radiologiques de l’asbestose dans lesétudes effectuées en milieu professionnel varie considérablementet, comme on pouvait s’y attendre, ces différences sont liées à desdifférences de durée et d’intensité d’exposition plutôt qu’à desdifférences de lieux de travail. Toutefois, même si l’on tient comp-te de ces différences de lieux en limitant la comparaison desrelations exposition-réponse aux études ayant fourni une estima-tion de l’exposition pour chaque membre de la cohorte, et si l’onse fonde sur l’historique du travail et les mesures d’hygiène indus-trielle, le risque est étroitement corrélé au type de fibre et autravail effectué (Liddell et Miller, 1991). Par exemple, une préva-lence de 5% des petites opacités irrégulières (1/0 dans laClassification du BIT) résulte de l’exposition cumulée à environ1 000 fibres/ml/année chez les mineurs de chrysotile du Québec,400 fibres/ml/année chez les mineurs de chrysotile en Corse, etmoins de 10 fibres/ml/année chez les mineurs de crocidolited’Afrique du Sud et d’Australie. En revanche, chez les travailleursdu textile exposés au chrysotile du Québec, une exposition cumu-lée inférieure à 20 fibres/ml/année était à l’origine d’une préva-lence de 5% de petites opacités irrégulières Les études de lacharge pulmonaire en poussières montrent qu’il en va de mêmepour l’asbestose: chez vingt-neuf hommes travaillant dans deschantiers navals du Pacifique et présentant une asbestose associéesurtout à l’amosite, la charge pulmonaire moyenne trouvée àl’autopsie était de 10 millions de fibres d’amosite par gramme detissu pulmonaire sec, alors que la charge moyenne en chrysotileétait de 30 millions de fibres par gramme de tissu pulmonaire secchez vingt-trois mineurs et meuleurs de chrysotile au Québec(Becklake et Case, 1994). La taille des fibres n’explique pas com-plètement ces différences, ce qui suggère l’existence d’autres fac-teurs, spécifiques à chaque entreprise, y compris la présence d’au-tres polluants sur les lieux de travail.

L’asbestose peut rester stable ou évoluer, mais elle a peu dechances de régresser. En général, elle progresse avec l’âge, l’expo-sition cumulée, l’extension de la maladie existante; cette évolutionest plus fréquente lorsque le crocidolite est l’agent incriminé. Lesimages radiologiques de l’asbestose peuvent évoluer ou apparaître

longtemps après l’arrêt de l’exposition. Une détérioration de lafonction pulmonaire peut également se produire après arrêt del’exposition (Liddell et Miller, 1991). Une question importante (àlaquelle les études épidémiologiques n’apportent pas de réponsesatisfaisante) est de savoir si le maintien de l’exposition augmentela probabilité de progression de la maladie lorsqu’il existe déjà deslésions radiologiques (Browne, 1994; Liddell et Miller, 1991).Dans certains pays, au Royaume-Uni par exemple, le nombre desdemandes de réparation pour asbestose professionnelle a diminuéces dernières années, en rapport avec les mesures de préventiontechnique instaurées dès 1970 (Meredith et McDonald, 1994).Dans d’autres, comme en Allemagne (Gibbs, Valic et Browne,1994), les taux d’asbestose continuent d’augmenter. Aux Etats-Unis, les taux de mortalité dus à l’asbestose par catégorie d’âge(reposant sur le fait que l’asbestose est mentionnée sur le certificatde décès comme cause du décès ou facteur contributif) pour lacatégorie des plus de quinze ans a augmenté: ce taux était infé-rieur à 1 par million en 1960, supérieur à 2,5 en 1986 et égal à 3en 1990 (USDHHS, 1994).

Le diagnostic et le traitementLe diagnostic clinique repose sur les trois volets suivants:

1. établir la présence de la maladie;2. établir l’existence d’une exposition;3. évaluer si l’exposition peut être à l’origine de la maladie.

La radiographie thoracique reste la clé pour confirmer la pré-sence de la maladie, complétée si possible en cas de doute par laTDM-HR. D’autres caractéristiques objectives sont la présencede râles crépitants aux bases. Les épreuves fonctionnelles respira-toires, avec épreuve d’effort, sont utiles pour déterminer la gênefonctionnelle, étape indispensable à l’évaluation de la réparation.Cependant, comme ni la pathologie, ni les lésions radiologiques,ni les symptômes, ni les altérations de la fonction respiratoire nesont caractéristiques d’une fibrose pulmonaire interstitielle due àl’asbestose, la mise en évidence de l’exposition est essentielle audiagnostic. En outre, le fait que les utilisateurs des nombreuxproduits à base d’amiante ignorent souvent même qu’ils en con-tiennent a rendu l’historique de l’exposition par l’interrogatoireplus difficile à retracer que prévu. Si cet interrogatoire n’est passuffisant, l’identification de l’agent dans des échantillons biologi-ques (expectoration, lavage broncho-alvéolaire et éventuellementbiopsie) peut corroborer l’exposition; une évaluation quantitativede la charge pulmonaire peut être établie à l’autopsie ou aprèsexérèse pulmonaire. La mise en évidence de l’activité de la mala-die (à partir d’une scintigraphie au gallium 67 ou d’un lavagebroncho-alvéolaire) peut contribuer à estimer le pronostic, élé-ment fondamental pour cette pathologie irréversible. Même enl’absence de preuves épidémiologiques tangibles du ralentisse-ment de l’évolution après l’arrêt de l’exposition, il semble prudentet utile de décider d’arrêter le travail. Il ne s’agit toutefois pasd’une décision facile à prendre ou à recommander, surtout chezles travailleurs âgés qui risquent fort de ne pas retrouver d’emploi.Cependant, l’exposition devrait être impérativement interrompuesi le lieu de travail n’est pas conforme aux normes en vigueur. Lescritères relatifs au diagnostic de l’asbestose dans un cadre épidé-miologique sont moins exigeants, en particulier dans les étudestransversales réalisées dans les milieux professionnels, qui incluenttous les travailleurs en assez bonne santé pour travailler. Cesétudes traitent généralement plutôt des relations de causalité etfont souvent appel à des marqueurs qui indiquent la présenced’une atteinte minime, reposant soit sur le niveau de la fonctionpulmonaire, soit sur des images radiologiques pathologiques. Enrevanche, en médecine médico-légale, les critères de diagnosticsont beaucoup plus stricts et varient selon les systèmes administra-tifs et juridiques en vigueur dans chaque pays.

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Les pathologies pleurales dues à l’amiante

Perspective historiqueLes premières descriptions de l’asbestose mentionnent que la fi-brose de la plèvre viscérale participe au processus pathologique(voir «L’anatomopathologie» ci-dessus). Dans les années trente,on a également décrit la présence de plaques pleurales circonscri-tes, souvent calcifiées, dans la plèvre pariétale (qui borde la paroithoracique et couvre la surface du diaphragme), apparaissantaprès une exposition environnementale non professionnelle. Uneétude réalisée en 1955 dans une usine allemande rapportait uneprévalence de 5% de lésions pleurales à la radiographie thoraci-que, attirant ainsi l’attention sur le fait que la pathologie pleuralepouvait être la première manifestation de l’exposition, voire laseule. Les réactions pleurales viscéropariétales, qui comprennentla fibrose pleurale diffuse, l’épanchement pleural bénin (décritpour la première fois dans les années soixante) et des atélectasesrondes (décrites pour la première fois dans les années quatre-vingt), sont actuellement toutes considérées comme des réactionscorrélées les unes aux autres, mais se distinguant des plaquespleurales d’un point de vue anatomopathologique, pathogénéti-que et clinique. Dans les juridictions où les taux de prévalence oud’incidence de l’asbestose diminuent, les manifestations pleurales,qui sont en constante augmentation dans les enquêtes, constituentde plus en plus l’élément révélateur de l’exposition passée et lemotif de consultation.

Les plaques pleuralesLes plaques pleurales sont des lésions lisses, surélevées, irrégulièreset blanches couvertes de mésothélium, localisées au niveau de laplèvre pariétale ou du diaphragme (voir figure 10.22). Leur tailleest variable, elles sont souvent multiples et elles ont tendance à secalcifier avec l’âge (Browne, 1994). Seule une faible proportiondes plaques détectées à l’autopsie sont visibles à la radiographiethoracique, mais la plupart peuvent être décelées par la TDM-HR.En l’absence de fibrose pulmonaire, les plaques pleurales peuventêtre asymptomatiques et n’être détectées que lors des radiogra-phies systématiques de dépistage. Toutefois, les études réaliséesdans les milieux professionnels montrent invariablement qu’ellessont associées à une insuffisance de la fonction respiratoire, mo-deste mais mesurable, atteignant surtout la CV et la CVF (Ernstet Zejda, 1991). Des enquêtes radiologiques effectuées aux Etats-Unis ont mis en évidence des taux de 1% chez les hommes sansexposition connue, et de 2,3% si l’on inclut les hommes despopulations urbaines soumis à une exposition professionnelle. Cespourcentages sont plus élevés dans les collectivités proches desindustries de l’amiante ou qui font un grand usage de produitsdérivés, alors que dans certaines catégories professionnelles,comme les tôliers, les poseurs de matériaux isolants, les plombierset les ouvriers des chemins de fer, les taux peuvent dépasser 50%.Dans une enquête finlandaise réalisée en 1994 à partir d’autopsieseffectuées chez 288 hommes âgés de 35 à 69 ans, décédés brutale-ment, on a détecté des plaques pleurales dans 58% des cas, leurprésence tendant à augmenter avec l’âge, la probabilité d’exposi-tion (d’après l’anamnèse), la concentration de fibres d’amiantedans le tissu pulmonaire et le tabagisme (Karjalainen et coll.,1994). On a estimé à 24% la fraction étiologique des plaquesimputable à une charge pulmonaire à 0,1 million de fibres pargramme de tissu pulmonaire (cette valeur est considérée commesous-évaluée). Les études de charge pulmonaire en poussièrescorroborent également l’existence d’un gradient de fibres qui pro-voque des réactions pleurales d’intensité proportionnelle. On atrouvé une charge pulmonaire moyenne de 1,4 million de fibrespar gramme de tissu pulmonaire chez 103 hommes exposés àl’amosite travaillant dans des chantiers navals du Pacifique; tousprésentaient des plaques pleurales, alors que la charge était res-

pectivement de 15,5 et 75 millions de fibres par gramme de tissupulmonaire, pour le chrysotile et la trémolite, chez 63 mineurs etmeuleurs de chrysotile du Québec examinés de la même façon(Becklake et Case, 1994).

Les réactions pleurales viscéropariétalesSi les aspects anatomopathologiques et pathogéniques des diffé-rentes formes de réactions viscéropariétales dues à l’amiante sontpresque certainement corrélés, les manifestations cliniques et lasymptomatologie sont différentes. Chez certains sujets, une réac-tion pleurale aiguë exsudative due à l’amiante peut se produire etse manifester par un épanchement pleural, sans signe pathologi-que préalable. Chez d’autres, la maladie se manifeste par uneexacerbation de la gravité et de l’extension de réactions pleuralespréexistantes. Ces épanchements pleuraux sont qualifiés de bé-nins, par opposition aux épanchements associés aux mésothélio-mes malins. Les épanchements pleuraux bénins apparaissent typi-quement dix à quinze ans après la première exposition (ou aprèsune exposition antérieure limitée) qui a eu lieu chez des individusâgés de vingt à trente ans. Ces manifestations pleurales sont géné-ralement transitoires, mais peuvent récidiver; elles peuvent inté-resser un seul poumon ou les deux, de façon simultanée ou sé-quentielle. Elles peuvent être silencieuses ou symptomatiques,avec sensation d’oppression thoracique ou de douleur pleurale etde dyspnée. Le liquide pleural contient des leucocytes, souvent dusang, et il est riche en albumine; il renferme rarement des corpsasbestosiques ou des fibres, qui peuvent toutefois être mis enévidence à la biopsie de la plèvre ou du poumon sous-jacent. Laplupart des épanchements pleuraux bénins régressent spontané-ment mais, chez un faible pourcentage de patients, ils peuventévoluer vers un épaississement pleural diffus (de l’ordre de 10%dans une série) (voir figure 10.22), avec ou sans développement

Figure 10.22 • Pathologie pleurale due à l’amiante

Une plaque pleurale diaphragmatique (A) est visible sur cette pièce d’autopsie et apparaît comme unfoyer de fibrose lisse et bien défini situé sur le diaphragme; le poumon provient d’un ouvrier du bâtimentexposé de façon occasionnelle à l’amiante et présentant des corps asbestosiques. Une fibrose pleuraleviscérale (B) est visible sur ce poumon après insufflation et irradie à partir de deux foyers centraux situéssur la plèvre viscérale; le poumon est celui d’un ouvrier du bâtiment exposé à l’amiante, qui présentaitégalement plusieurs plaques pleurales pariétales.

Source: Fraser et coll., 1990.

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MALADIES DUES À L’AMIANTE 10.66 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

d’une fibrose pulmonaire. Les réactions pleurales locales peuventégalement se circonscrire et piéger le tissu pulmonaire, causantdes lésions bien définies appelées atélectasie par enroulement oupseudo-tumeur, car elles peuvent avoir l’aspect d’un cancer pul-monaire à la radiographie. Contrairement aux plaques pleurales,qui sont rarement symptomatiques, les réactions pleurales viscéro-pariétales s’accompagnent généralement d’une dyspnée et d’uneatteinte de la fonction respiratoire, surtout en cas de comblementde l’angle costo-phrénique. Dans une étude, le déficit moyen de laCVF était de 0,07 l en cas d’atteinte isolée de la paroi thoraciqueet de 0,50 l en cas de comblement de l’angle costo-phrénique(Ernst et Zejda, 1991). Comme cela a déjà été mentionné, larépartition et les déterminants des réactions pleurales varient con-sidérablement selon les catégories professionnelles et la prévalenceaugmente selon les paramètres suivants:

1. durée estimée de la présence des fibres dans le poumon (tempsécoulé depuis la première exposition);

2. expositions principalement aux amphiboles ou à des mélan-ges renfermant des amphiboles;

3. intermittence possible de l’exposition, étant donné les fortstaux de contamination dans certaines professions où l’utilisa-tion de l’amiante est intermittente, mais l’exposition proba-blement intense.

Le cancer broncho-pulmonaire

Perspective historiqueAu cours des années trente, de nombreux travaux publiés enAllemagne, aux Etats-Unis et au Royaume-Uni ont concerné descas cliniques de cancer broncho-pulmonaire (pathologie à l’épo-que moins courante qu’aujourd’hui) constatés chez des tra-vailleurs de l’amiante dont la plupart présentaient aussi une asbes-tose de gravité variable. En 1947, le rapport annuel de l’inspec-teur en chef des fabriques du Royaume-Uni fournissait d’autresdonnées en faveur de l’association de ces deux pathologies, puis-qu’il mentionnait qu’un cancer broncho-pulmonaire était décritdans 13,2% des décès de sujets de sexe masculin dus à l’asbestoseentre 1924 et 1946, et dans seulement 1,3% des décès dus à lasilicose. La première étude portant sur l’hypothèse de causalitéétait une étude de mortalité sur cohorte réalisée dans une impor-tante usine textile du Royaume-Uni (Doll, 1955); il s’agit de l’unedes premières études orientées vers les catégories professionnelles.En 1980, après qu’au moins huit études de ce type, réalisées danshuit milieux professionnels distincts, eurent confirmé la relationexposition-réponse, l’association a été considérée comme causale(McDonald et McDonald, 1987).

Les caractéristiques cliniqueset anatomopathologiquesEn l’absence d’autres pathologies dues à l’amiante, les caractéristi-ques cliniques et les critères diagnostiques du cancer broncho-pul-monaire dû à l’amiante ne sont pas différents de ceux des cancersbroncho-pulmonaires d’autres origines. Initialement, le cancerbroncho-pulmonaire dû à l’amiante était considéré comme cicatri-ciel, comparable aux formes cancéreuses observées dans d’autresfibroses pulmonaires diffuses, comme la sclérodermie. Les caracté-ristiques invoquées en faveur de cette hypothèse étaient la localisa-tion aux lobes pulmonaires inférieurs (siège d’une asbestose généra-lement plus importante), des localisations parfois multiples et uneprépondérance des adénocarcinomes dans certaines séries. Toute-fois, dans la plupart des études réalisées en milieu professionnel, ladistribution des types cellulaires n’est pas différente de celle obser-vée dans les études concernant des populations non exposées àl’amiante, ce qui suggère que l’amiante peut être un agent cancéro-

gène en soi, conclusion à laquelle est parvenu le Centre interna-tional de recherche sur le cancer (OMS, CIRC, 1982). La plupartdes cancers broncho-pulmonaires dus à l’amiante, mais pas tous,apparaissent en association avec une asbestose radiologique (voirci-après).

L’épidémiologieLes études de cohortes confirment que le risque de cancer bron-cho-pulmonaire augmente avec l’exposition — même si le tauxproportionnel d’augmentation pour chaque fibre par millilitre parannée d’exposition est variable — et dépend du type de fibre etdu procédé de fabrication employé (Health Effects Institute —Asbestos Research, 1991). Ainsi, en ce qui concerne les exposi-tions au chrysotile, le taux augmentait de 0,01 à 0,17% dans lessecteurs de l’extraction, du meulage et de la fabrication des pro-duits de friction, et de 1,1 à 2,8% dans l’industrie textile, tandisqu’en ce qui concernait l’exposition aux produits d’isolation àbase d’amosite et aux ciments à base de mélanges de fibres lestaux pouvaient s’élever à 4,3 et 6,7% (Nicholson, 1991). Lesétudes de cohortes réalisées chez les travailleurs de l’amianteconfirment également que le risque de cancer est démontrablepour les non-fumeurs et qu’il augmente (selon une allure expo-nentielle plutôt que linéaire) avec le tabagisme (McDonald etMcDonald, 1987). Le risque relatif de cancer broncho-pulmo-naire diminue à l’arrêt de l’exposition, mais la réduction de cerisque est plus lente que celle observée après cessation du taba-gisme. Les études de la charge pulmonaire en poussières confir-ment également l’existence d’un gradient de fibres dans la genèsedu cancer broncho-pulmonaire: on a trouvé une charge pulmo-naire moyenne de 1,1 million de fibres d’amosite par gramme detissu pulmonaire sec chez trente-deux hommes travaillant dansdes chantiers navals du Pacifique, alors que la charge était de13 millions de fibres de chrysotile par gramme de tissu pulmo-naire chez trente-six mineurs du Québec (Becklake et Case, 1994).

La relation avec l’asbestoseDans l’étude de 1955 réalisée sur des sujets autopsiés, les causesde décès ont été recherchées chez 102 employés de l’usine detextiles en amiante du Royaume-Uni mentionnée plus haut (Doll,1955): un cancer broncho-pulmonaire a été trouvé chez 18 sujets,dont 15 présentaient également une asbestose. Tous les sujetsprésentant l’association asbestose/cancer broncho-pulmonaireavaient travaillé pendant au moins neuf ans avant 1931, dated’entrée en vigueur de la réglementation nationale sur l’amiante.Ces observations suggéraient que lorsque les niveaux d’expositiondiminuaient, le risque de décès dû à l’asbestose diminuait aussi etles travailleurs vivaient assez longtemps pour développer un can-cer. Dans la plupart des études réalisées dans les milieux profes-sionnels, les travailleurs plus âgés comptant de nombreuses annéesde service présentaient à l’autopsie des signes anatomopathologi-ques d’asbestose (ou de maladie des petites voies aériennes due àl’amiante), et, cela, même en l’absence de lésions décelables lorsdes dépistages radiologiques (McDonald et McDonald, 1987).Plusieurs études de cohortes (mais pas toutes) sont compatiblesavec l’idée que toutes les augmentations des cas de cancer bron-cho-pulmonaire observés dans les populations exposées à l’amiantene sont pas corrélées à une asbestose. Les mécanismes pathogéni-ques responsables du cancer broncho-pulmonaire chez les indivi-dus exposés à l’amiante sont certainement multiples et dépendentdes localisations et des dépôts de fibres. On considère, par exem-ple, que les fibres longues et fines, déposées préférentiellement auniveau des bifurcations des voies aériennes, sont plus concentréeset agissent comme des inducteurs du processus de cancérogenèsepar l’intermédiaire de lésions chromosomiques. L’exposition con-tinue aux fibres d’amiante ou à la fumée de tabac joue probable-ment un rôle promoteur dans ce processus (Lippman, 1994). Ces

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cancers sont généralement de type épidermoïde. En revanche, encas de fibrose, la cancérogenèse résulte plus probablement duprocessus fibreux et les cancers sont plus généralement de typeadénocarcinomateux.

Les implications et la responsabilité de l’amianteSi les facteurs étiologiques de l’augmentation du risque de cancerpeuvent être établis pour les populations exposées, l’agent causalest difficile à déceler dans les cas individuels. La responsabilité del’amiante dans le développement éventuel d’un cancer est naturel-lement plus probable et plus crédible chez un sujet atteint d’asbes-tose qui n’a jamais fumé que chez un sujet exposé qui ne présentepas d’asbestose mais qui fume. Mais cette responsabilité est diffi-cile à modéliser. Les mesures de charge pulmonaire en poussièrespeuvent compléter un examen clinique approfondi, mais chaquecas doit être évalué selon ses caractéristiques propres (Becklake,1994).

Les mésothéliomes malins

Anatomopathologie, diagnostic, mise en évidenceet caractéristiques cliniquesLes mésothéliomes malins apparaissent dans les cavités séreusesde l’organisme. Environ deux tiers d’entre eux sont situés dans laplèvre et un cinquième dans le péritoine, tandis que le péricardeet la muqueuse vaginale sont beaucoup moins affectés (McDonaldet McDonald, 1991). Comme les cellules mésothéliales ont unpotentiel évolutif diversifié, les caractéristiques histologiques destumeurs mésothéliales sont variables; dans la plupart des cas, lesformes épithéliales, sarcomateuses et mixtes représentent respecti-vement 50%, 30% et 10% des cas. Le diagnostic de cette tumeurrare n’est pas facile, même pour un anatomopathologiste expéri-menté et il n’est confirmé que chez un faible pourcentage des cassoumis à l’analyse, souvent moins de 50% de ceux-ci. Diversestechniques cytologiques et immuno-histochimiques ont été mises

au point pour établir un diagnostic différentiel entre les mésothé-liomes malins et les autres diagnostics cliniques possibles, c’est-à-dire le cancer secondaire ou l’hyperplasie mésothéliale réactive;on attend beaucoup de ce domaine qui fait l’objet de recherchesactives, mais les résultats ne sont pas encore concluants (Jaurand,Bignon et Brochard, 1993). Pour toutes ces raisons, la confirma-tion des cas aux fins d’enquêtes épidémiologiques n’est pas aiséeet souvent incomplète, même si l’on se fonde sur les registres descancers. En outre, cette confirmation doit être faite par un grouped’experts sur la base de critères anatomopathologiques bien précisafin de garantir la comparabilité des critères pour l’inscriptiondans les registres.

Les caractéristiques cliniquesLa douleur est le symptôme principal. Quand il s’agit de tumeurspleurales, la douleur débute dans le thorax ou les épaules et peutêtre intense. Par la suite, une dyspnée apparaît, accompagnéed’un épanchement pleural ou d’un envahissement progressif dupoumon par la tumeur et d’une perte de poids. Dans le cas detumeurs péritonéales, la douleur abdominale s’accompagne géné-ralement d’œdème. Les caractéristiques radiographiques sont il-lustrées à la figure 10.23. L’évolution clinique est généralementrapide; les temps de survie médians étaient de six mois en 1973 etde huit en 1993: ils ont donc peu évolué au cours de ces vingtdernières années, malgré une prise de conscience plus développéedu public et du monde médical grâce à laquelle on peut poser undiagnostic plus précoce de la maladie et malgré les progrès tech-nologiques et une plus large palette de choix thérapeutiques.

L’épidémiologieAu cours des quinze années qui ont suivi le rapport de 1960concernant une série de cas de mésothéliomes observés dans larégion nord-ouest de la province du Cap en Afrique du Sud(Wagner, 1998), des rapports internationaux ont confirmé lecaractère professionnel de l’affection. Ces rapports provenaient

Visible sur cette radiographie à rayons très pénétrants (A) sous forme d’une grosse masse située dans la région axillaire. On peut remarquer la diminution associée du volume de l’hémothorax droit et l’épaississementnodulaire irrégulier et important de la plèvre pulmonaire droite. La tomodensitométrie (B) confirme l’existence d’un épaississement pleural important impliquant la plèvre pariétale et médiastinale (flèches pleines) auniveau des côtes.

Source: Fraser et coll., 1990.

Figure 10.23 • Mésothéliome malin

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MALADIES DUES À L’AMIANTE 10.68 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

d’Europe (Allemagne, France, Pays-Bas, Royaume-Uni), des Etats-Unis (Illinois, New Jersey, Pennsylvanie) et d’Australie; il s’agissaitégalement d’études cas-témoins réalisées au Royaume-Uni (qua-tre villes), en Italie, aux Pays-Bas et en Suède, aux Etats-Unis etau Canada. Dans ces études, les odds-ratios (rapports de cotes)étaient compris entre 2 et 9. En Europe en particulier, l’associa-tion avec les activités professionnelles des chantiers navals étaitmarquée. En outre, d’après des études de mortalité proportion-nelle effectuées dans des cohortes exposées à l’amiante, le risqueétait associé au type de fibre et au procédé de production, les tauxde mésothéliomes variant de 0,3% dans les mines de chrysotile à1% dans la fabrication de produits à base de chrysotile, contre3,4% pour les amphiboles et 8,6% lorsqu’il s’agissait d’uneexposition à un mélange de fibres pour isolation (McDonald etMcDonald, 1991). Des gradients de fibres comparables ont étémis en évidence dans les études de mortalité sur cohortes quiconstituent de bons indices de l’incidence, étant donné les tempsde survie très courts pour ce type de tumeurs. Ces études mon-trent également que le temps de latence est plus long si l’exposi-tion concerne le chrysotile plutôt que les amphiboles. La distribu-tion géographique de l’incidence a été établie sur la base des taux,par âge et par sexe, observés au Canada entre 1966 et 1972, tauxqui ont permis de calculer les valeurs attendues (McDonald etMcDonald, 1991); les rapports des valeurs observées aux valeursattendues étaient de 0,8 pour les Etats-Unis (1972); 1,1 pour laSuède (de 1958 à 1967); 1,3 pour la Finlande (de 1965 à 1969);1,7 pour le Royaume-Uni (de 1967 à 1968); et 2,1 pour lesPays-Bas (de 1969 à 1971). Même si des facteurs d’ordre techni-que expliquent probablement en partie les écarts observés, lesrésultats suggèrent une plus forte fréquence en Europe qu’enAmérique du Nord.

Les variations selon l’âge et le sexe de la fréquence des mésothé-liomes ont été utilisées comme mesure du retentissement de l’expo-sition à l’amiante sur la santé des populations. Les meilleuresestimations relatives aux pourcentages globaux dans les pays indus-triels, avant 1950, sont inférieures à 1,0 par million pour les hom-mes et les femmes (McDonald et McDonald, 1993). Par la suite,ces pourcentages ont augmenté de façon constante chez l’homme,ce qui n’est pas le cas pour la femme. Ainsi, les pourcentagesrespectifs rapportés au million chez l’homme et la femme étaientde 11,0 et de moins de 2,0 aux Etats-Unis en 1982; de 14,7 et 7,0au Danemark pour la période 1975-1980; de 15,3 et 3,2 auRoyaume-Uni pour la période 1980-1983; et de 20,9 et 3,6 auxPays-Bas pour la période 1978-1987. Des pourcentages plus élevéschez l’homme et la femme, mais excluant toutefois les sujets jeunes,ont été rapportés dans les pays de mines de crocidolite: les chiffresrespectifs étaient de 28,9 et 4,7 en Australie (sujets de plus de20 ans) en 1986, contre 32,9 et 8,9 chez les Blancs d’Afrique duSud (de plus de 15 ans) en 1988 (Health Effects Institute —Asbestos Research, 1991). Les taux plus élevés constatés chezl’homme sont probablement liés à l’exposition professionnelle; ilsdevraient donc être stationnaires ou diminuer après la périoded’«incubation» de vingt à trente ans suivant l’introduction desmesures de sécurité et de prévention sur les lieux de travail et ladiminution consécutive des niveaux d’exposition professionnelledans la plupart des pays industriels dans les années soixante-dix.Dans les pays où les taux augmentent chez la femme, cette aug-mentation reflète la présence croissante des femmes dans les profes-sions exposées, ou encore la contamination de l’air de plus en plusimportante dans l’environnement ou les espaces intérieurs en zoneurbaine (McDonald, 1985).

L’étiologieEn matière de risque de mésothéliome, les facteurs environne-mentaux sont nettement prédominants. L’exposition à l’amiantearrive en tête, bien que l’apparition de la maladie dans certains

groupes familiaux suggère que des facteurs génétiques puissentjouer un rôle. Tous les types d’amiante ont été impliqués dansl’induction des mésothéliomes, y compris l’anthophyllite, citéepour la première fois dans un rapport finlandais (Meurman,Pukkala et Hakama, 1994). Cependant, les résultats des études demortalité proportionnelle et sur cohortes, ainsi que les études decharge pulmonaire suggèrent le rôle d’un gradient de fibres dansle déclenchement des mésothéliomes: le risque est plus importantlorsque les expositions concernent principalement les amphibolesou les mélanges amphiboles/chrysotile que lorsqu’elles impliquentsurtout le chrysotile. En outre, on trouve des différences selon lescatégories professionnelles pour la même fibre et pour ce quisemble être le même niveau d’exposition; ces différences demeu-rent mystérieuses, même si la taille des fibres peut être un élémentd’explication.

Le rôle de la trémolite a été largement débattu; le débat a étésuscité par la preuve de sa biopersistance dans le tissu pulmonaire(d’origine animale ou humaine), plus importante que celle duchrysotile. Une hypothèse plausible est que les nombreuses fibrescourtes qui atteignent les voies aériennes périphériques et lesalvéoles sont éliminées par les ganglions lymphatiques sous-pleu-raux où elles se collectent. Leur aptitude à produire des mésothé-liomes dépend de leur biopersistance au contact des surfacespleurales (Lippmann, 1995). Dans les études humaines, les tauxde mésothéliome sont plus faibles dans les populations profession-nellement exposées au chrysotile relativement peu contaminé parla trémolite (dans les mines du Zimbabwe, par exemple) que danscelles exposées au chrysotile contaminé par la trémolite (commedans les mines du Québec); ces résultats ont été retrouvés chezl’animal (Lippmann, 1995). De même, dans une analyse multifac-torielle réalisée à partir d’une étude cas-témoins au Canada(McDonald et coll., 1989), les résultats suggèrent que la plupartdes mésothéliomes, si ce n’est tous, pouvaient être expliqués par lacharge pulmonaire en fibres de trémolite. Enfin, une analyserécente de mortalité réalisée sur une cohorte de plus de 10 000mineurs et meuleurs de chrysotile au Québec entre 1890 et 1920et poursuivie jusqu’en 1988 (McDonald et McDonald, 1995) cor-robore ce résultat: sur près de 7 300 décès, les 37 décès dus aumésothéliome étaient concentrés dans certaines mines de la régionde Thetford; cependant, la charge pulmonaire de 88 membres dela cohorte provenant des mêmes mines n’était pas différente decelle observée chez les mineurs d’autres mines en termes de fibresde chrysotile, mais différait en termes de charge en trémolite(McDonald et coll., 1993).

Ce qui a été appelé la question de la trémolite constitue peut-être à l’heure actuelle le débat scientifique le plus important; il ad’ailleurs de nombreuses implications en ce qui concerne la santépublique. Fait important, dans toutes les séries et juridictions, uncertain nombre de cas se produisent sans qu’il soit fait mentiond’une exposition à l’amiante, et ce ne sont souvent que les étudesde charge pulmonaire qui mettent en évidence une expositionenvironnementale ou professionnelle antérieure. D’autres exposi-tions professionnelles ont été incriminées dans le développementdes mésothéliomes, comme les travaux dans les mines de talc, devermiculite et, peut-être, de mica; dans ces cas précis, toutefois, lesgisements contenaient également de la trémolite et d’autres fibres(Bignon, Peto et Saracci, 1989). Pour comprendre la pathogénèsedes mésothéliomes, il importe donc de continuer à recherchertoutes les expositions possibles, professionnelles ou non, aux diffé-rents types de fibres, (organiques ou non), et d’autres agents.

Les autres pathologies liées à l’amiante

Les affections chroniques des voies aériennesCette rubrique concerne généralement la bronchite chronique etla broncho-pneumopathie chronique obstructive — qui peuvent

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ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL 10.69 MALADIES DUES À L’AMIANTE

toutes deux être diagnostiquées cliniquement — , ainsi que l’em-physème qui ne pouvait l’être jusqu’ici que par un examen anato-mopathologique des poumons (Becklake, 1992). La mortalité et lamorbidité ont augmenté au cours des dernières décennies dans laplupart des pays industriels; le tabagisme en est une cause ma-jeure. Toutefois, les pneumoconioses étant en régression dans laplupart des industries, il était naturel, après avoir pris en comptele rôle dominant joué par le tabagisme, d’incriminer l’expositionprofessionnelle dans la genèse des affections chroniques des voiesaériennes. Il a été démontré que les différentes formes d’affectionschroniques des voies aériennes étaient associées au travail dans lesprofessions en milieu empoussiéré, en particulier lorsque l’amianteconstituait une part importante des poussières contaminant le lieude travail (Ernst et Zejda, 1991). On pense que c’est la chargetotale de polluants, plutôt que l’exposition à un agent polluantparticulier — la poussière d’amiante, dans le cas présent — quiintervient dans ces affections de façon comparable au tabagisme.En ce qui concerne le tabagisme, on compte en termes de charged’exposition totale (paquets-années) et non en termes d’expositionà l’un des 4 000 constituants de la fumée de cigarette (la relationentre les expositions professionnelles et les affections chroniquesdes voies aériennes est abordée ailleurs dans ce volume).

Les autres types de cancersDans plusieurs des premières études de cohortes portant sur destravailleurs exposés à l’amiante, la mortalité totale imputable aucancer dépassait les chiffres attendus, calculés d’après les registresnationaux ou locaux. Le cancer broncho-pulmonaire était le prin-cipal responsable de cette augmentation, mais d’autres cancersétaient impliqués: cancer gastro-intestinal, laryngé et ovarien, parordre de fréquence. En ce qui concernait les cancers gastro-intes-tinaux (cancer de l’œsophage, de l’estomac, du côlon et du rec-tum) décrits dans les cohortes de travailleurs, l’exposition étaitprobablement due à la déglutition des expectorations chargéesd’amiante provenant des grosses bronches; il en allait de mêmeautrefois (avant la mise en œuvre de mesures de protection contrel’exposition sur les lieux de restauration), alors qu’existait un ris-que de contamination directe des aliments dans les entreprises nedisposant pas de cantine séparée. Les ganglions lymphatiquesdrainant les poumons pouvaient également constituer une source,par un flux rétrograde dans le canal thoracique (voir ci-dessus lasection «Le devenir des fibres inhalées»). Toutefois, comme lesdifférentes cohortes étudiées n’ont pas montré la même relationentre l’exposition et l’atteinte pulmonaire et que parfois l’associa-tion n’existait pas du tout, l’existence d’un rapport de causalitéentre l’exposition professionnelle et l’exposition à l’amiante a sus-cité quelque scepticisme (Doll et Peto, 1987; Liddell et Miller,1991).

Le cancer du larynx est bien moins fréquent que le cancergastro-intestinal ou le cancer broncho-pulmonaire. Dès les annéessoixante-dix, on a évoqué une association entre le cancer dularynx et l’exposition à l’amiante. Comme pour le cancer bron-cho-pulmonaire, l’un des principaux risques et l’une des causesmajeures du cancer laryngé est le tabagisme. Ce type de cancerest également fortement corrélé à la consommation d’alcool.Etant donné sa localisation (le larynx est exposé, à l’instar despoumons, à tous les polluants en suspension dans l’air) et le faitqu’il est tapissé par le même épithélium que celui des grossesbronches, il est tout à fait plausible d’un point de vue biologiqueque le cancer du larynx résulte de l’exposition à l’amiante. Toute-fois, les données dont on dispose actuellement ne sont pas homo-gènes, même dans les études sur grandes cohortes, comme celleconcernant les mineurs de chrysotile du Québec et de Balangero(Italie), probablement parce qu’il s’agit d’un cancer rare; il estdifficile pour cette raison de mettre en évidence un rapport decausalité pour cette association (Liddell et Miller, 1991), et, cela,

malgré sa plausibilité biologique. On a noté une augmentationdes cancers ovariens supérieure aux chiffres attendus dans troisétudes de cohortes (OMS, 1989). La plupart des cas peuvent êtreexpliqués par des erreurs de diagnostic, en particulier dans les casde cancers diagnostiqués comme étant des mésothéliomes périto-néaux (Doll et Peto, 1987).

La prévention, la surveillance médicaleet l’évaluation de la situation

Les approches passées et présentesLa prévention des pneumoconioses de tous types (y compris l’as-bestose) a été assurée jusqu’ici par les mesures classiques ci-après:

1. mise en place de moyens techniques et de méthodes de travaildestinés à maintenir les concentrations de fibres en suspensiondans l’air à un niveau aussi faible que possible et conformedans tous les cas aux limites d’exposition imposées par laréglementation en vigueur;

2. surveillance appropriée, comportant un enregistrement del’évolution des marqueurs cliniques dans les populations ex-posées et le contrôle des résultats des mesures de lutte contreles poussières;

3. éducation du personnel et étiquetage des produits pour aiderles travailleurs et le public à éviter les expositions non profes-sionnelles.

Les niveaux d’exposition admissibles ont été initialement fixéspour prévenir l’asbestose; ils reposaient sur les mesures de concen-trations exprimées en millions de particules par m3; les méthodesutilisées étaient les mêmes que dans le cas de la silicose. L’intérêtbiologique s’étant concentré sur les fibres (en particulier celles quisont longues et fines) dans la genèse de l’asbestose, des méthodesplus appropriées pour leur identification et leur mesure dans l’airont été mises au point, si bien que l’attention portée aux fibresplus courtes, particulièrement abondantes sur les lieux de travail,s’est estompée. Le rapport morphologique (longueur/diamètre)de la plupart des particules de chrysotile est compris entre 5/1 et20/1 et peut atteindre jusqu’à 50/1, alors que pour la plupart desparticules d’amphibole (y compris les fragments de clivage) cerapport est inférieur à 3/1. L’introduction de filtres à membranespour permettre la numération des particules dans les échantillonsd’air prélevés a conduit à une définition arbitraire, tant sur le plande l’hygiène industrielle que sur le plan médical, stipulant qu’unefibre est une particule mesurant au moins 5 µm de long, moins de3 µm d’épaisseur, avec un rapport longueur/largeur supérieur ouégal à 3/1. Cette définition, utilisée dans la plupart des études derelations exposition-réponse, constitue la base scientifique desnormes environnementales.

Cette définition a été utilisée, par exemple, dans une réuniontenue sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé (1989)pour proposer des limites d’exposition professionnelle; elle a étéadoptée par des organismes tels que l’Administration de la sécuri-té et de la santé au travail (Occupational Safety and HealthAdministration (OSHA)) aux Etats-Unis. Elle permet surtout d’ef-fectuer des comparaisons. La réunion de l’OMS, présidée parsir Richard Doll, tout en reconnaissant que la limite d’expositionprofessionnelle d’un pays ne peut être fixée que par les instancesnationales concernées, recommandait aux pays ayant des limitesélevées de prendre des mesures urgentes pour ramener les ni-veaux d’exposition professionnelle individuelle à 2 f/ml (moyennepondérée sur huit heures de travail) et incitait tous les pays àdescendre aussi rapidement que possible à 1 f/ml (moyenne pon-dérée sur huit heures de travail), si cela n’était déjà le cas. Avec lerecul des cas d’asbestose dans certains pays industriels et les pré-occupations concernant les cancers liés à l’amiante, on se posedésormais la question de savoir si les mêmes paramètres servant à

10.70

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MALADIES DUES À L’AMIANTE 10.70 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

définir une fibre — c’est-à-dire une particule mesurant au moins5 µm de long, moins de 3 µm d’épaisseur, avec un rapport lon-gueur/largeur supérieur ou égal à 3/1 — peuvent s’appliquerefficacement à la lutte contre la cancérogenèse (Browne, 1994). Lathéorie actuelle de la cancérogenèse d’origine asbestosique impli-que les fibres courtes aussi bien que les longues (Lippmann, 1995).De plus, l’existence d’un gradient de fibres dans le déclenchementdu mésothéliome et du cancer broncho-pulmonaire et, à unmoindre degré, de l’asbestose, étant établie, il semblerait justifiéde fixer les niveaux d’exposition admissibles en fonction du typede fibre. Certains pays ont résolu le problème en interdisantl’utilisation (et donc l’importation) de crocidolite et en fixant unseuil plus restrictif pour l’amosite, à savoir 0,1 f/l (McDonald etMcDonald, 1987).

Les niveaux d’exposition sur les lieuxde travailLes limites d’exposition admissibles correspondent à l’hypothèse,fondée sur l’ensemble des données disponibles, selon laquelle lasanté humaine sera préservée si l’exposition ne dépasse pas ceslimites. Leur révision, lorsqu’elle a lieu, est invariablement orien-tée vers des mesures plus sévères (voir le paragraphe qui précède).Néanmoins, malgré le respect des mesures de prévention sur leslieux de travail, des cas de maladie continuent d’apparaître, pourdes raisons de sensibilité personnelle (taux de rétention des fibressupérieur à la moyenne, par exemple) ou du fait d’une préventioninsuffisante en rapport avec certaines activités ou certains procé-dés de fabrication. L’application de mesures techniques, de mé-thodes de travail, ainsi que le recours à des matériaux de rempla-cement (décrits ailleurs dans le présent chapitre) sont désormaismis en œuvre à l’échelle mondiale (Gibbs, Valic et Browne, 1994)dans les grandes entreprises à l’initiative, notamment, des em-ployeurs et des syndicats. Selon une étude mondiale sur les indus-tries intéressées réalisée en 1986, 83% des sites de production(mines et usines d’extraction) respectent la norme de 1 f/ml; celareprésente 13 499 travailleurs dans 6 pays. Cette norme est égale-ment respectée dans 96% des 167 cimenteries recensées dans23 pays, 71% des 40 usines textiles totalisant 2 000 travailleursdans 7 pays, et dans 97% des 64 usines de fabrication de matériauxde friction comptant 10 190 travailleurs dans 10 pays (Bouige,1990). Toutefois, une proportion non négligeable d’entreprisesappartenant à ces mêmes industries ne respectent pas la régle-mentation en vigueur; tous les pays, par ailleurs, n’ont pas partici-pé à cette étude. Enfin, les bienfaits de ces mesures pour la santéne sont statistiquement mis en évidence que dans certains pays(voir ci-dessus «Le diagnostic et le traitement»). Dans les travauxde déflocage et les petites entreprises mettant en œuvre del’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante, les mesuresprises pour combattre le danger sont loin d’être couronnées desuccès, même dans les pays industriels.

La surveillance médicaleLa radiographie thoracique est le principal outil de surveillancede l’asbestose, tandis que les registres des cancers et les statistiquesnationales sont les instruments d’observation des cancers dus àl’amiante. En 1952, le BIT avait pris une initiative louable en vuede la surveillance à l’échelle internationale des progrès réalisésdans la lutte contre les poussières dans les mines, les galeries et lescarrières, sous forme de rapports (fournis sur une base volontairepar les gouvernements) concernant principalement l’extraction ducharbon et des roches dures, sans exclure l’extraction de l’amiante.Malheureusement, le suivi a laissé à désirer; le dernier rapport,reposant sur des données de 1973-1977, a été publié en 1985(BIT, 1985). Plusieurs pays présentent des données de mortalité etde morbidité au niveau national, un excellent exemple étant lerapport sur la surveillance des maladies pulmonaires d’origine

professionnelle pour les Etats-Unis (USDHSS, 1994). Ces diversrapports donnent des informations qui permettent d’interpréterles tendances et d’évaluer l’efficacité des mesures de préventiondans chaque pays. Les grandes entreprises devraient établir leurspropres statistiques de surveillance (elles le font d’ailleurs souvent),à l’instar de certains syndicats. Concernant la surveillance dans lesentreprises plus petites, il peut s’avérer nécessaire de recourir àdes études spécifiques à des intervalles appropriés. D’autres infor-mations proviennent de programmes comme Surveillance ofWork-related Respiratory Diseases (SWORD) au Royaume-Uni,qui recueille les données fournies régulièrement par un échan-tillon national de pneumologues et de médecins du travail (Mere-dith et McDonald, 1994), ou de rapports émanant des organismeschargés de la réparation des maladies professionnelles (qui nedonnent cependant pas toujours d’informations sur les travailleursexposés au risque).

L’étiquetage des produits, la formationet l’informationL’étiquetage obligatoire des produits incriminés, ainsi que l’édu-cation des travailleurs et du grand public sont autant d’outilsefficaces pour la prévention. Alors que, dans le passé, l’informa-tion circulait par le biais des organisations de travailleurs, desorganes de direction et des programmes d’éducation gérés par lessyndicats, il sera possible à l’avenir d’exploiter les moyens électro-niques d’information pour mettre à la disposition des intéresséstoutes les bases de données existantes en matière de technologie etde médecine.

Les dangers des bâtiments floquéset des canalisations d’eau potableEn 1988, le Congrès des Etats-Unis a demandé que l’on examineles risques potentiels pour la santé associés au travail dans lesimmeubles où sont présents des matériaux contenant de l’amiante(Health Effects Institute — Asbestos Research, 1991). Les résul-tats des nombreuses analyses d’échantillons d’air intérieur effec-tuées en Europe, aux Etats-Unis et au Canada ont permis d’esti-mer le risque encouru. Ainsi, le risque de décès prématuré dû àun cancer pour toute une vie a été estimé, dans les écoles, à 1 parmillion pour les sujets exposés pendant quinze ans (et, cela, pourdes concentrations estimées de 0,0005 à 0,005 f/ml), et à 4 parmillion pour les sujets exposés pendant vingt ans dans des bâti-ments à usage de bureaux (pour des concentrations estimées de0,0002 à 0,002 f/ml). Par comparaison, le risque pour une exposi-tion professionnelle à 0,1 f/ml (en conformité avec la limite impo-sée par l’OSHA pour une période de vingt ans) est estimé à 2 000par million de personnes exposées.Les mesures effectuées dans l’eau potable des collectivités urbainesprésentent des écarts considérables: les concentrations de fibre sontsoit indétectables, soit très élevées, puisqu’elles s’échelonnent entre0,7 million f/l dans le Connecticut, aux Etats-Unis, et 1,1 million à1,3 milliard f/l dans les régions minières du Québec (Bignon, Petoet Saracci, 1989). Une autre source de contamination peut égale-ment provenir des canalisations en amiante-ciment qui assurent lamajorité de l’alimentation en eau des villes, partout dans le monde.Toutefois, un groupe de travail a revu la situation en 1987 et, sansen minimiser les risques potentiels, n’a pas considéré que cette inges-tion d’amiante représentait «l’un des risques les plus importants desantépublique» (USDHHS,1987), opinionqui concordeavec les re-marques d’une monographie du CIRC (OMS) concernant l’ex-position non professionnelle aux fibres minérales (Bignon, Peto etSaracci, 1989).

L’amiante et les autres fibres du XXe siècleLa première moitié du XXe siècle a été caractérisée par ce quel’on peut qualifier de négligence grave à l’égard des problèmes de

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santé liés à l’amiante. Avant la seconde guerre mondiale, lesraisons de ce manque d’intérêt ne sont pas claires: les basesscientifiques de la prévention étaient à disposition, mais il man-quait sans doute la volonté d’agir et le militantisme des tra-vailleurs. Après la guerre, les pressions exercées par l’urbanisationpour répondre à la croissance rapide de la population mondialeont prévalu; jointes peut-être à la fascination d’une nouvelle èreindustrielle et d’un minéral «magique», elles ont détourné l’atten-tion du danger. Après la première Conférence internationale surles effets biologiques de l’amiante, en 1964 (Selikoff et Churg,1965), les pathologies liées à l’amiante sont devenues une causecélèbre, non seulement par elles-mêmes, mais également parcequ’elles ont marqué le début d’une période de confrontation entreles employeurs et les travailleurs au sujet du droit des travailleursà connaître les risques de leur métier, les mesures de préventionappropriées et les prestations financières en cas de préjudice subi.D’une manière générale, on peut dire que dans les pays ayant unrégime de réparation des lésions qui ne sont pas imputables autravailleur, les maladies liées à l’amiante ont été dûment recon-nues et prises en charge. Dans les pays où l’on applique la notionde responsabilité des produits et où les recours collectifs en justicesont plus courants, des travailleurs malades (et leurs avocats) ontobtenu des dommages-intérêts substantiels, tandis que d’autresont été laissés sans ressources et n’ont reçu aucune aide. S’il estimprobable que le besoin en fibres diminue dans nos sociétés,l’importance des fibres minérales par rapport aux autres fibres esttoutefois susceptible de décroître. Des changements ont déjà eulieu (voir ci-dessus «Les autres sources d’exposition»). Même si lestechniques actuelles permettent de diminuer les expositions pro-fessionnelles, il demeure des chantiers et des ateliers où la régle-mentation est ignorée. Eu égard à l’état actuel des connaissances,aux facilités de communications internationales et grâce aussi àl’étiquetage des produits, à l’éducation des travailleurs et à lavolonté des industriels, il devrait être possible d’utiliser ce minéralpour la fabrication de produits peu onéreux et durables, et, cela, àl’échelle mondiale et sans compromettre la santé des travailleurs,des fabricants, des utilisateurs ou du public en général.

•LES PATHOLOGIES DES MÉTAUX DURS

PATHOLOGIES DES MÉTAUX DURS

Gerolamo Chiappino

Peu après la première guerre mondiale, un chercheur, Karl Schoeter,s’employait à mettre au point un matériau capable de remplacer lediamant dans les filières servant à l’étirage des fils et a fait breveterà Berlin un procédé de frittage (agglomération sous pression suivied’un chauffage à 1 500 °C) à partir d’un mélange de poudre fine decarbure de tungstène contenant 10% de cobalt et dont le but étaitde produire un «métal dur». Les principales caractéristiques de cefritté sont son extrême dureté, à peine inférieure à celle du diamant,et lemaintiende ses propriétés mécaniques à haute température.Cescaractéristiques le rendent parfaitement adapté à l’étirage du métal,à la confection d’inserts soudés et d’outils à haute vitesse pour l’usi-nage des métaux, de la pierre et du bois, ainsi qu’à la fabrication decomposants présentant une résistance élevée à l’usure et à la chaleurdans les secteurs de la mécanique, de l’aéronautique et de la balis-tique. L’utilisation des métaux durs est en plein essor dans le mondeentier. En 1927, Krupp a créé les outils de coupe «widia» (de l’alle-mand «wie Diamant» — comme du diamant), nom encore utiliséaujourd’hui pour désigner les outils à plaquettes de métal dur.

Le frittage reste la technique de base pour la production desmétaux durs: les procédés ont été améliorés grâce à l’introductiond’autres carbures métalliques — carbure de titane (TiC) et car-bure de tantale (TaC) — et grâce au traitement des inserts amovi-bles en métal dur par l’adjonction d’une ou de plusieurs couchesde nitrure de titane ou d’oxyde d’aluminium et d’autres composéstrès durs appliqués par déposition chimique ou physique en phasegazeuse (procédés CVD (Chemical vapour deposition) et PVD(Physical Vapour Deposition)). Les inserts soudés ne peuvent pasêtre plaqués, mais doivent être régulièrement affûtés à l’aide d’unemeule diamantée (voir figures 10.24 et 10.25).

Le métal dur fritté est formé de particules de carbure métalli-que incorporées dans une matrice au cobalt qui fond au cours du

Figure 10.24 • A) exemples d’inserts amovibles de métal dur plaqués au nitrure de tungstène;B) insert soudé à l’outil pour le tréfilage de l’acier

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PATHOLOGIES DES MÉTAUX DURS 10.72 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

frittage, entraînant une interaction et comblant tous les interstices.Le cobalt joue par conséquent le rôle de matériau agglomérantd’une structure dotée des caractéristiques des cermets (voir figu-res 10.26, 10.27 et 10.28).

Le frittage utilise des poudres très fines de carbure métallique(diamètre moyen de 1 à 9 µm) et de poudre de cobalt (diamètremoyen de 1 à 4 µm) qui sont mélangées, traitées avec une solutionde paraffine, matricées, déparaffinées à faible température, pré-frittées à 700-750 °C et enfin frittées à 1 500 °C (Brookes, 1992).

Lorsque le frittage s’effectue avec des méthodes inappropriéeset une hygiène industrielle laissant à désirer, les poudres mises enœuvre peuvent polluer l’atmosphère et les travailleurs sont doncexposés à l’inhalation de poussières de carbure métallique et decobalt. En dehors de la production primaire, d’autres activitéspeuvent exposer les travailleurs au risque d’inhalation d’aérosolsde métaux durs. L’affûtage des inserts soudés sur les outils se faitnormalement à sec sur des meules diamantées, mais plus souventencore en refroidissant et en lubrifiant les meules au moyen defluides divers, ce qui entraîne dans le premier cas la formation depoussières sèches et, dans le second, de brouillards formés de très

fines gouttelettes contenant des particules métalliques. Les parti-cules de métaux durs entrent également dans la composition descouches antiusure appliquées sur des surfaces en acier par desméthodes (revêtement par jet de plasura, notamment) reposantsur l’association d’une vaporisation de poudre et d’un arc électri-que ou d’une explosion contrôlée d’un mélange gazeux porté àhaute température. L’arc électrique ou le mélange explosif de gazentraînent la fusion des particules métalliques et assurent leurimpact sur les surfaces à traiter.

Les premières observations concernant les pathologies des mé-taux durs ont été décrites en Allemagne dans les années quarante.Ces descriptions faisaient mention de fibroses pulmonaires pro-gressives diffuses appelées «Hartmetallungenfibrosen». Au coursdes vingt années qui ont suivi, des cas analogues ont été observéset décrits dans tous les pays industriels. Les travailleurs atteintsétaient, dans la majorité des cas, employés au frittage. Dès 1970,plusieurs études relèvent que la pathologie pulmonaire est due à

Figure 10.25 • A) inserts fixes soudés à une mèche à pierre; B) à une lame de scie circulaire

Figure 10.26 • Microstructure d’une pièce frittée carburede tungstène-cobalt; les particulesde carbure de tungstène sont incorporéesdans la matrice de cobalt (1500 x)

Figure 10.27 • Microstructure d’une pièce frittée carburede tungstène + TiC + TaC + cobalt.On peut voir les particules prismatiquesde carbure de tungstène, ainsi queles particules globulaires forméespar une solution solide de TiC + TaC.La matrice est formée par le cobalt (1500 x)

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l’inhalation de particules de métaux durs. Celle-ci n’atteint que lessujets présentant une susceptibilité individuelle et se manifeste parles symptômes suivants:

• formes aiguës: rhinite, asthme;• formes subaiguës: alvéolite fibrosante;• formes chroniques: fibrose interstitielle progressive et diffuse.

Ces affections ne frappent pas seulement les travailleurs chargésdu frittage, mais toute personne susceptible d’inhaler un aérosolcontenant des particules de métaux durs, en particulier de cobalt.Elles sont dues principalement, et peut-être même exclusivement,au cobalt (Co).

La définition de ces pathologies englobe désormais tout ungroupe d’affections touchant l’appareil respiratoire, de gravitéclinique et de pronostic différents, mais ayant en commun uneréactivité individuelle variable au facteur étiologique, à savoir aucobalt.

Des données épidémiologiques et expérimentales plus récentesconfirment le rôle causal du cobalt en ce qui concerne les symptô-mes aigus des voies respiratoires supérieures (rhinite, asthme) etles symptômes subaigus et chroniques du parenchyme bronchique(alvéolite fibrosante et fibrose interstitielle chronique).

Le mécanisme pathogène repose sur l’induction d’une réactionimmunologique d’hypersensibilité au cobalt: en réalité, peu desujets présentent une pathologie à la suite de courtes expositions àdes concentrations relativement faibles de cobalt, voire après desexpositions plus longues et plus intenses. Les concentrations decobalt dans les échantillons biologiques (sang, urine, peau) ne sontpas significativement différentes entre sujets malades et sujetssains. Il n’y a aucune corrélation dose-réponse au niveau tissu-laire. On a mis en évidence des anticorps spécifiques (immunoglo-bulines IgE et IgG) dirigés contre un composé cobalt-albuminechez les asthmatiques, et le test épicutané au cobalt est positif chezles sujets présentant une alvéolite ou une fibrose. Les aspectscytologiques de l’alvéolite giganto-cellulaire sont compatibles avecune réaction immunologique, et les symptômes aigus et subaigusont tendance à régresser lorsque les sujets sont soustraits à l’expo-sition au Co (Parkes, 1994).

La base immunologique de l’hypersensibilité au Co n’a pas été,jusqu’ici, expliquée de façon satisfaisante; il n’est donc pas possi-ble d’identifier un marqueur fiable de la susceptibilité individuelle.

Des pathologies identiques à celles rencontrées chez les sujetsexposés aux métaux durs ont également été observées chez lesdiamantaires qui utilisent des disques formés de microdiamantscimentés avec du Co et qui n’inhalent donc que du Co et desparticules de diamant.

On n’a pas encore démontré si le Co pur (à l’exclusion de touteautre particule inhalée) est capable seul de produire une patholo-gie, en particulier une fibrose interstitielle diffuse; les particulesinhalées avec le Co peuvent avoir un effet synergique ou modula-teur. Les études expérimentales semblent démontrer que la réacti-vité biologique à un mélange de particules de Co et de tungstèneest plus forte que celle due au Co seul. On ne doit donc pass’attendre à des manifestations pathologiques importantes chez lespersonnes travaillant dans le secteur de la production de poudrede Co pure (Science of the Total Environment, 1994).

Les symptômes cliniques de la pathologie des métaux durs qui,d’après les connaissances étiopathogéniques actuelles, devraientêtre plus précisément appelées «maladies du cobalt» sont, commecela a déjà été mentionné, aiguës, subaiguës ou chroniques.

Les symptômes aigus se manifestent par une irritation respira-toire spécifique (rhinite, laryngo-trachéite, œdème pulmonaire) etsont dus à l’exposition à de fortes concentrations de poudre ou defumées de Co; on ne les observe qu’exceptionnellement. L’asthmeest en revanche plus fréquent. Il apparaît chez 5 à 10% destravailleurs exposés à des concentrations de cobalt de 0,05 mg/m3,correspondant à la valeur seuil (Threshold Limit Value (TLV))américaine. Les symptômes d’oppression thoracique accompa-gnés de dyspnée et de toux ont tendance à apparaître à la fin de lajournée de travail ou pendant la nuit. Le diagnostic d’asthmebronchique allergique professionnel dû au cobalt peut être suspec-té sur la base de l’anamnèse; il sera confirmé par un test deprovocation bronchique spécifique qui détermine l’apparitiond’une réponse bronchospastique immédiate, retardée ou mixte.Les épreuves fonctionnelles respiratoires réalisées au début et à lafin de la journée de travail peuvent contribuer au diagnostic. Lessymptômes asthmatiques dus au cobalt ont tendance à disparaîtrelorsque le sujet est soustrait à l’exposition mais, comme pour lesautres formes d’asthme allergique professionnel, les symptômespeuvent devenir chroniques et irréversibles lorsque l’exposition sepoursuit pendant plusieurs années. Les sujets fortement broncho-réactifs peuvent présenter des symptômes asthmatiques d’originenon allergique, avec une réponse non spécifique à l’inhalation decobalt et d’autres poudres irritantes. Chez un fort pourcentage descas présentant un asthme bronchique, une réaction spécifique IgEmédiée, dirigée contre un composé humain Co-séroalbumine, aété observée. Les images radiologiques ne varient pas: on netrouve que rarement des formes mixtes d’asthme et d’alvéolite,avec anomalies radiologiques caractéristiques de l’alvéolite. Letraitement par bronchodilatateurs et l’arrêt immédiat de l’exposi-tion professionnelle apportent une guérison complète pour les casd’apparition récente, non encore chroniques.

Les symptômes subaigus et chroniques sont l’alvéolite fibro-sante et la fibrose interstitielle progressive et diffuse (FIPD). L’ex-périence clinique semble indiquer que le passage de l’alvéolite à lafibrose interstitielle est un processus qui évolue progressivement etlentement. On peut trouver des cas d’alvéolite initiale pure, réver-sible à l’arrêt de l’exposition associée à l’administration d’unecorticothérapie, ou des cas comportant déjà une composante fi-brotique qui peut être améliorée sans guérir complètement àl’arrêt de l’exposition, même avec un traitement supplémentaire.Enfin, dans certains cas, la FIPD irréversible prédomine: cetteéventualité est assez rare chez les travailleurs exposés, en tout casbeaucoup moins fréquente que l’allergie asthmatique.

Figure 10.28 • Microstructure d’une pièce frittée plaquéede plusieurs couches de métaux durs(2 000 x)

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PATHOLOGIES DES MÉTAUX DURS 10.74 ENCYCLOPÉDIE DE SÉCURITÉ ET DE SANTÉ AU TRAVAIL

L’alvéolite est désormais facile à étudier d’un point de vue cyto-logique grâce au lavage broncho-alvéolaire (LBA); elle se caracté-rise par une augmentation importante du nombre total de cellules,qui sont essentiellement des macrophages, avec des cellules géantesmultinucléées nombreuses et l’aspect typique de cellules géantes à

corps étranger, contenant parfois des inclusions cytoplasmiques(voir figure 10.29); une augmentation absolue ou relative des lym-phocytes est fréquente, avec une diminution du rapport CD4/CD8, associées à une augmentation importante des éosinophiles etdes mastocytes. Plus rarement, l’alvéolite reste lymphocytaire et lerapport CD4/CD8 est inversé, comme cela se produit dans lespneumopathies d’hypersensibilité.

Les sujets présentant une alvéolite décrivent une dyspnée liée àla fatigue, une perte de poids et une toux sèche. Une crépitationest présente dans la partie inférieure du poumon avec altérationfonctionnelle de type restrictif et opacités radiologiques arrondiesou irrégulières. Le test épicutané au cobalt est positif dans lamajorité des cas. Chez les sujets sensibles, l’alvéolite est révéléeaprès une période d’exposition professionnelle relativement courte,de un an à quelques années. Dans sa phase initiale, cette forme estréversible et peut même guérir complètement si le sujet est sous-trait à l’exposition; les résultats sont meilleurs si cette mesure estassociée à une corticothérapie.

Le développement d’une fibrose interstitielle diffuse aggrave lessymptômes cliniques et accentue la dyspnée qui apparaît après uneffort minime et même au repos. On assiste à une aggravation del’insuffisance ventilatoire restrictive, en rapport avec une diminu-tion de la diffusion alvéolo-capillaire, et à l’apparition d’opacitésde type linéaire et d’images radiographiques en nid d’abeilles (voirfigure 10.30). L’examen histologique est typique d’une alvéolitefibrosante de «type mural».

L’évolution est rapidement progressive; les traitements sontinefficaces et le pronostic douteux. L’un des cas diagnosti-qués par un auteur a même nécessité une transplantation pulmo-naire.

Le diagnostic professionnel repose sur l’anamnèse, la cytologiedu LBA et le résultat du test épicutané au cobalt.

La prévention de la maladie des métaux durs, ou plus précisé-ment de la maladie du cobalt, relève surtout de la technique. Ils’agit de protéger les travailleurs en éliminant la poudre, les fu-mées ou les brouillards grâce à une ventilation efficace des lieuxde travail. En effet, le manque de connaissances concernant lesfacteurs qui déterminent l’hypersensibilité individuelle au cobaltrend impossible l’identification des sujets sensibles et tous les ef-forts devraient être entrepris pour diminuer les concentrations depoussières dans l’atmosphère.

Le nombre des personnes à risque est sous-estimé, car de nom-breuses opérations d’affûtage sont effectuées dans de petits établis-sements ou par des artisans. Dans ces ateliers, la valeur seuilaméricaine de 0,05 mg/m3 est souvent dépassée. On peut égale-ment s’interroger sur l’intérêt de cette valeur, puisque le rôle de larelation dose-effet sur les mécanismes pathologiques et l’hypersen-sibilité n’a pas été complètement élucidé.

La surveillance courante devrait être assez précise pour identi-fier les pathologies dues au cobalt à un stade précoce. Un ques-tionnaire annuel, destiné principalement à dépister les symptômespassagers, devrait être rempli, et un examen médical être prati-qué, comprenant des épreuves fonctionnelles respiratoires et tousautres examens appropriés. Puisqu’une bonne corrélation a étédémontrée entre les concentrations de cobalt dans le milieu pro-fessionnel et l’excrétion urinaire du métal, on peut effectuer descobalturies (CoU) deux fois par an à partir d’échantillons prélevésà la fin de la semaine de travail. Lorsque l’exposition atteint lavaleur seuil, l’indice d’exposition biologique est estimé égal à30 µg de Co/litre d’urine.

Les examens médicaux d’embauche sont destinés à rechercherla présence éventuelle d’une pathologie respiratoire préexistanteet d’une hyperréactivité bronchique; ils sont utiles pour l’orienta-tion professionnelle des travailleurs. Par ailleurs, les tests à laméthacholine sont un indicateur précieux d’hyperréactivité bron-chique non spécifique et peuvent servir dans certains cas.

Figure 10.29 • LBA cytologique obtenu dans un casd’alvéolite macrophagique mononucléairegiganto-cellulaire due aux métaux durs.On voit un corps étranger géant (400 x)entre les macrophages mononucléaireset le lymphocyte

Figure 10.30 • Radiographie thoracique d’un sujet atteintde fibrose interstitielle due aux métauxdurs. On observe une opacité linéaireet diffuse des poumons et un tableauen nid d’abeilles

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