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Journée doctorale du CIHAM 19 juin 2015 Appel à communication « Le visible et l’invisible » Comme chaque année, le CIHAM invite ses doctorants en archéologie, histoire et littérature à mener une réflexion commune autour d’un thème permettant d’échanger dans l’esprit interdisciplinaire du laboratoire. En 2015, c’est le visible et l’invisible au Moyen Âge qui seront au centre de nos réflexions. La journée doctorale se tiendra le 19 juin 2015 sur le site Buisson de l’ENS. Si l’on se réfère à l’étymologie, le visible, issu du latin classique visibilis, (« qui a la faculté de voir »), est ce que l’on peut voir mais le mot signifie aussi, et ce jusqu’au XVI e siècle, « capable de voir ». Il pourra être intéressant de garder à l’esprit cette double signification afin de voir quelles en sont les utilisations au Moyen Âge. L’invisible, quant à lui, hérité du latin invisibilis, s’applique à ce qui échappe à la connaissance, sur les plans physique et spirituel, intellectuel… Cette journée doctorale du CIHAM nous amènera donc à interroger le visible et l’invisible autour des trois grands domaines de recherche du laboratoire : l’histoire, l’archéologie et la littérature. 1/ Discours des hommes du Moyen Âge Dans un premier temps, il faut déterminer dans quelles situations il est possible d’interroger ces concepts de visible et d’invisible, c’estàdire leurs manifestations. Par exemple, les relations entre le visible et l’invisible peuvent être rapprochées de la notion de norme. L’invisible est le plus souvent lié à l’horsnorme : soit par un dépassement de la norme comme dans le cas de la puissance procédant de Dieu (les élections divines) ou du Diable (certains aspects de la magie), soit par un contournement ou une négation de la norme humaine. Il s’agit du champ relatif aux différentes expressions de marginalité, comme le brigandage qui s’effectue la nuit ou dans des espaces obscures, tels les forêts. Dans la plupart de ces cas, on peut mettre en avant les interdépendances entre le visible et l’invisible. Et si c’est souvent par la définition du visible que s’observe l’invisible, ce schéma n’est pas unique. En ce qui concerne les mystères divins (au rang desquels peuvent se ranger les sacrements), il est possible de voir dans la matérialisation du mystère, donc dans sa part visible, une forme dégradée de son état originel, par essence invisible. Cet exemple nous montre que le visible a, par rapport à l’invisible, la capacité à être appréhendé par les gestes. De là, s’établit notamment une parenté entre le visible et le légal : le visible s’inscrit dans une procédure qui doit être respectée justement parce qu’elle est visible (cas des pratiques notariales, par exemple, qui impliquent la participation de témoins). Le visible n’est pas alors une forme dégradée de l’invisible, mais une espèce d’antithèse à ce dernier. L’étude des manifestations du visible et de l’invisible fait ressortir qu’ils sont producteurs d’espaces, de groupes d’initiés qui ont un accès privilégié à l’invisible, d’une temporalité et d’un rapport au matériel particuliers. Par exemple, l’invisible peut opérer un détournement d’un espace de la pratique ordinaire du visible : un champ, la nuit, peut devenir le lieu d’un larcin. Et la législation reconnaît parfois ce détournement, en condamnant différemment un vol de même nature commis en plein jour ou la nuit. Cela suggère l’existence de tout un ensemble de comportements de la société médiévale déterminé par le visible et l’invisible : textes législatifs mais aussi sermons, œuvres

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  • Journe doctorale du CIHAM 19 juin 2015 Appel communication Le visible et linvisible Comme chaque anne, le CIHAM invite ses doctorants en archologie, histoire et littrature mener une rflexion commune autour dun thme permettant dchanger dans lesprit interdisciplinaire du laboratoire. En 2015, cest le visible et linvisible au Moyen ge qui seront au centre de nos rflexions. La journe doctorale se tiendra le 19 juin 2015 sur le site Buisson de lENS. Si lon se rfre ltymologie, le visible, issu du latin classique visibilis, ( qui a la facult de voir ), est ce que lon peut voir mais le mot signifie aussi, et ce jusquau XVIe sicle, capable de voir . Il pourra tre intressant de garder lesprit cette double signification afin de voir quelles en sont les utilisations au Moyen ge. Linvisible, quant lui, hrit du latin invisibilis, sapplique ce qui chappe la connaissance, sur les plans physique et spirituel, intellectuel Cette journe doctorale du CIHAM nous amnera donc interroger le visible et linvisible autour des trois grands domaines de recherche du laboratoire : lhistoire, larchologie et la littrature.

    1/ Discours des hommes du Moyen ge Dans un premier temps, il faut dterminer dans quelles situations il est possible dinterroger ces concepts de visible et dinvisible, cest--dire leurs manifestations. Par exemple, les relations entre le visible et linvisible peuvent tre rapproches de la notion de norme. Linvisible est le plus souvent li lhors-norme : soit par un dpassement de la norme comme dans le cas de la puissance procdant de Dieu (les lections divines) ou du Diable (certains aspects de la magie), soit par un contournement ou une ngation de la norme humaine. Il sagit l du champ relatif aux diffrentes expressions de marginalit, comme le brigandage qui seffectue la nuit ou dans des espaces obscures, tels les forts. Dans la plupart de ces cas, on peut mettre en avant les interdpendances entre le visible et linvisible. Et si cest souvent par la dfinition du visible que sobserve linvisible, ce schma nest pas unique. En ce qui concerne les mystres divins (au rang desquels peuvent se ranger les sacrements), il est possible de voir dans la matrialisation du mystre, donc dans sa part visible, une forme dgrade de son tat originel, par essence invisible. Cet exemple nous montre que le visible a, par rapport linvisible, la capacit tre apprhend par les gestes. De l, stablit notamment une parent entre le visible et le lgal : le visible sinscrit dans une procdure qui doit tre respecte justement parce quelle est visible (cas des pratiques notariales, par exemple, qui impliquent la participation de tmoins). Le visible nest pas alors une forme dgrade de linvisible, mais une espce dantithse ce dernier. Ltude des manifestations du visible et de linvisible fait ressortir quils sont producteurs despaces, de groupes dinitis qui ont un accs privilgi linvisible, dune temporalit et dun rapport au matriel particuliers. Par exemple, linvisible peut oprer un dtournement dun espace de la pratique ordinaire du visible : un champ, la nuit, peut devenir le lieu dun larcin. Et la lgislation reconnat parfois ce dtournement, en condamnant diffremment un vol de mme nature commis en plein jour ou la nuit. Cela suggre lexistence de tout un ensemble de comportements de la socit mdivale dtermin par le visible et linvisible : textes lgislatifs mais aussi sermons, uvres

  • Journe doctorale du CIHAM 19 juin 2015 littraires, etc. qui mettent en scne le visible et linvisible pour les condamner ou les louer. Le visible et linvisible ne sont donc pas seulement des concepts passifs ou subis, ils peuvent galement tre rcuprs par certains et manipuls afin de servir les intrts de leur(s) auteur(s). 2/ Position du mdiviste Il sagit ici de concevoir le visible et linvisible dans le rapport du chercheur ses sources. Cette question peut tre aborde dans les trois champs disciplinaires du CIHAM. En histoire, les sources donnent voir un aspect partial et partiel de la socit qui les a produites. Le travail du chercheur consisterait donc interroger le visible pour apprhender linvisible et ainsi avoir accs ce que la source semble lui cacher ou lui refuser de prime abord. Dans le domaine de larchologie mdivale, on peut sinterroger sur la ncessit de connatre pour reconnatre. Par quels moyens connatre les difices mdivaux parfois dtruits ou cachs par dautres btiments plus rcents ? Les archives constituent une aide essentielle pour reconstruire lhistoire du monument de sa construction nos jours. Les archologues se fondent galement sur ltude des signes archologiques visibles. Une vritable enqute archologique se met alors en place la recherche de linvisible partir de signes tangibles. Ces dcouvertes permettent de r-apprhender lhistoire dun monument et de le rendre visible au public (de faon concrte ou virtuelle laide de reconstitution). Les nouvelles technologies sont dsormais une ressource prcieuse pour larchologue puisquelles peuvent lassister dans son travail prparatoire de fouilles pour des sondages ou les fouilles en elles-mmes puis pour la valorisation des dcouvertes. En littrature, par ailleurs, les auteurs mdivaux ne cessent de jouer avec la notion de sources. Les uvres mdivales regorgent de sources de diffrentes natures : vritables citations auxquelles les auteurs ont recours comme gage dauthenticit ou rfrences non avoues, tronques, attribues un autre, voire fausses pour jouer avec le lecteur. Il est alors intressant dinterroger ces sources pour comprendre leur utilisation par les auteurs et le jeu instaur avec le public. Le visible et linvisible pose galement la question du dchiffrement et ce dans les trois champs de recherche du laboratoire. Le visible ouvre une fentre sur un dchiffrement symbolique, notamment de limage. Le visible permet galement un accs de linvisible la suite dune srie dinterprtations : la dmarche exgtique, issue de ltude de la Bible, puis adapte aux uvres profanes permettrait datteindre les vrits dernires. Mais le visible et linvisible pose aussi la question de linterdisciplinarit. Dans la confrontation des sources de nature diffrente (surtout matrielles et textuelles), on peut augmenter la dimension du visible et donc de la vracit et de la certitude auxquelles on le lie. Dans lesprit dinterdisciplinarit du laboratoire du CIHAM, nous vous proposons dinterroger ces notions du visible et de linvisible dans vos champs dtudes respectifs. Les doctorants intresss par cette journe dtude sont invits envoyer le titre de leur proposition pour le 20 avril et le rsum de leur intervention avant le 11 mai 2015 Magali Romaggi (M.Romaggi@univ-lyon2).