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ENFANTS ET SOCII~TI~ apport d e la psychomotricit pour une instabilitd d'&ge scolaire Y. DESSENT L ES parents consultent le mEdecin pour mieux contr61er des phdnom~nes moteurs d~sordonnEs auxquels eux ne savent plus faire face, qui les irritent et, dans une certaine mesure, les inqui~tent. Comme nous venons de le voir, c'est l'inadapta- tion sociale et scolaire qui amine l'instable ~i con- sulter. C'est en fait l'entourage qui se plaint de . . ! ^ son mstablhte et non lul-meme. I1 faut donc aborder l'enfant en tenant compte des exigences de son entourage. L'enfant va ~tre tenu pour inadaptE, puis rapide- ment, puisqu'il ne suit pas, puisqu'il ne fait rien, pour un ratE. L'on peut dire qu'il va presenter une structure en , pelure d'oignon ,, : --il est maladroit, -- il remue, --il rit, il pleure, --il manque d'attention, -- il a un besoin incessant de mouvements et de changements. Finalement, les parents dEcompensent : ils ne savent plus quoi faire pour encadrer l'enfant et donc l'instabilite de celui-ci est encore plus mal rdgulEe. Et l'enfant peut en avoir aussi assez de tous ces adultes qui lui rappellent perp&uellement que quel- que chose ne va pas. C'est ainsi qu'il peut ~tre amend fi consulter en psychomotricitd. thdorie selon J. Berges I1 est impossible de comprendre l'instabilitE psycho- motrice, si l'on ne tient pas compte, d'une part, 248 du cercle sensori-moteur, et surtout de la fa~on dont l'entourage rdagit fi ces diffErents types d actlv~te. L'enfant qui veut s'exprimer peut le faire par le mouvement. Mais comment le mouvement est-il investi par l'enfant ? Cela ne depend pas seulement de lui, mais aussi de la relation. Par ailleurs, nous ne devons pas oublier qu'il existe des composantes corporelles. Le professeur Berges dit : ,, Fun des int~r~ts de l'abord psychomoteur par rapport au corps est de l'envisager comrne ~tant engag~ dans la relation ,,. Prenons parti de considErer l'instabilitE comme une certaine faqon d'articuler posture et motricitE et ce, ~ partir de l'autre et en essayant de tenir compte de l'image qu'il donne ~l son propre regard. La recherche des qualit~s de la posture et du tonus des enfants instables amine ~l constater deux catE- gories : les dtats tensionnels et les ~tats de dehiscence. L'dtat tensionnel II est caractdrisE par une paratonie importante: incapacit~ ~ la ddcontraction musculaire; si les mains de l'enfant sont tenues horizontalement devant lui, puis l~chEes en lui demandant de les laisser retomber, il garde la position et ce n'est pas par une manoeuvre volontaire qu'il rabaisse les bras le long du corps. Y. DESSENT, Psychomotricien attach~ ~ la Clinique de P~diatrie, C.H.U. de Besan.con. Journal de PI~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 4-1988

Apport de la psychomotricité pour une instabilité d'âge scolaire

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ENFANTS ET SOCII~TI~

a p p o r t de la psychomotricit p o u r u n e ins tab i l i td d ' & g e s c o l a i r e

Y . D E S S E N T

L ES parents consultent le mEdecin pour mieux contr61er des phdnom~nes moteurs d~sordonnEs auxquels eux ne savent plus faire face, qui les irritent et, dans une

certaine mesure, les inqui~tent. Comme nous venons de le voir, c'est l'inadapta- tion sociale et scolaire qui amine l'instable ~i con- sulter. C'est en fait l'entourage qui se plaint de

�9 . . ! �9 ^

son mstablhte et non lul-meme. I1 faut donc aborder l'enfant en tenant compte des exigences de son entourage. L'enfant va ~tre tenu pour inadaptE, puis rapide- ment, puisqu'il ne suit pas, puisqu'il ne fait rien, pour un ratE. L'on peut dire qu'il va presenter une structure en , pelure d'oignon ,, : - - i l est maladroit, -- il remue, - - i l rit, il pleure, - - i l manque d'attention, - - il a un besoin incessant de mouvements et de changements. Finalement, les parents dEcompensent : ils ne savent plus quoi fa i re pour encadrer l'enfant et donc l'instabilite de celui-ci est encore plus mal rdgulEe. Et l'enfant peut en avoir aussi assez de tous ces adultes qui lui rappellent perp&uellement que quel- que chose ne va pas. C'est ainsi qu'il peut ~tre amend fi consulter en psychomotricitd.

t h d o r i e s e l o n J . B e r g e s

I1 est impossible de comprendre l'instabilitE psycho- motrice, si l 'on ne tient pas compte, d'une part, 248

du cercle sensori-moteur, et surtout de la fa~on dont l'entourage rdagit fi ces diffErents types d actlv~te.

L'enfant qui veut s'exprimer peut le faire par le mouvement. Mais comment le mouvement est-il investi par l'enfant ? Cela ne depend pas seulement de lui, mais aussi de la relation.

Par ailleurs, nous ne devons pas oublier qu'il existe des composantes corporelles.

Le professeur Berges dit : ,, Fun des int~r~ts de l'abord psychomoteur par rapport au corps est de l'envisager comrne ~tant engag~ dans la relation ,,.

Prenons parti de considErer l'instabilitE comme une certaine faqon d'articuler posture et motricitE et ce, ~ partir de l'autre et en essayant de tenir compte de l'image qu'il donne ~l son propre regard. La recherche des qualit~s de la posture et du tonus des enfants instables amine ~l constater deux catE- gories : les dtats tensionnels et les ~tats de dehiscence.

L ' d t a t t e n s i o n n e l

II est caractdrisE par une paratonie importante: incapacit~ ~ la ddcontraction musculaire; si les mains de l'enfant sont tenues horizontalement devant lui, puis l~chEes en lui demandant de les laisser retomber, il garde la position et ce n'est pas par une manoeuvre volontaire qu'il rabaisse les bras le long du corps.

Y. DESSENT, Psychomotricien attach~ ~ la Clinique de P~diatrie, C.H.U. de Besan.con.

Journal de PI~DIATRIE et de PUI~RICULTURE n ~ 4-1988

E N F A N T S

ET SOCII~TE

Une paratonie axiale apparak ~galement ; en effet, la tentative de faire pivoter l 'enfant amine fi obser- ver comme une r~sistance du tronc, des pieds qui restent coll~s au sol.

L'enfant pr~sente une retenue du geste qui est / �9 i �9 . i �9 ,, etnque, effectu~ ~ regret; la motnc~te est fremee comme si elle se frayait le passage fi travers une gangue tonique. Accompagnant cette explosion ges- tuelle, un ~tat de contraction musculaire se traduit par des crampes ou des sensations douloureuses, particuli~rement dans les activit~s graphiques, depuis l'~bauche de la crampe jusqu'fi l'arr~t de l'activit~, pour laisser les muscles se reposer.

Au niveau du graphisme, les difficult~s du sont aussi li~es fi la position prise devant la table. En effet, le mouvement implique l'ensemble, ~paule,

A ! " ~ / " tete, main. Si l 'enfant ecrlt plus vite, 1 ecrlture ~i l 'origine petite devient alors immense avec de brusques ~chappdes inattendues similaires aux brus- ques ~chapp~es observ~es dans le comportement .

Ces enfants ont une sensation interne de tension douloureuse. Ils manifestent une sorte d'alerte de ,< qui-vive ~ permanent. Ils ont aussi des blocages respiratoires ou des soupirs scandant la d~tente.

Ici, l'instabilit~ a un caract~re brusque de ce syst~me de tension. Pour J. Berges tout se passe alors comme si l'instabilit~ ~tait une irruption brusque depuis un noyau de tension servant fi la lois de forteresse qui s~pare du monde extdrieur et d 'un sentiment de tension interne.

L 'd ta t de d(~hiscence

Qui pr~sente une symptomatologie pratiquement oppos~e aux ~tats de tensions.

I1 s'agit de l'incontr61e ~motionnel. I1 est appr~ci~ par une certaine p~leur, par une transpiration, l'irr~gularit~ de la respiration. I1 peut y avoir des crises de larmes ou de rire, lYvitement apeur~ de tout contact physique avec l 'examinateur. I1

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y a des repercussions de l emonon au niveau du langage, de l 'expression gestuelle.

Le rel~chement hypotonique, l'absence de con- tr61e moteur, la m~connaissance du corps de ses r~gions topographiques sont ici ~vidents ; le corps n'a pas de place, n'est jamais ~ sa place, qui n'est

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i t e m e m e assuree ; pas il en est de dans la temporal du geste. Ce sont chez ces enfants que l 'on rencontre au plus haut point les difficult~s d'organisation spa- tiale de construction et temporelles. L'examen psychomoteur va mettre en ~vidence tr~s fr~quem- ment un sympt6me majeur : la conservation des attitudes (marque d'une absence de libert~ motrice). Journal de PEDIATRIE et de pUI~RICULTURE n ~ 4 -1988

Au niveau du graphisme, lu part dans tous lessens et est illisible. Le graphisme, d~sordonn~, couvre l'espace de la feuille, mais l'~criture se nor- malise ~l mesure que lYpreuve s'allonge et que l 'enfant trouve un cadre ~ son activit&

Tout se passe comme si l'instabilit~ repr~sentait la recherche, sans mise en ~chec des limites, comme si le corps manquait de fronti~re.

Cette fronti~re est recherch~e dans les objets, l'en- fant se cogne partout, il tombe souvent, se situe toujours dans les interdits.

Le c o r p s e n v e l o p p d

Le corps permet d'aborder un concept qui est essentiel dans l 'abord psychomoteur de l'enfant. Le corps est consid~r~ comme la limite entre l'ex-

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terteur et l lnterleur avec quelque chose dans le dedans et par rapport fi quoi l'ext~rieur agit.

It est consid~r~ comme une enveloppe qui serait charg~e de contenir, de maintenir le dedans et qui permettrait de diff~rencier avec le dehors. Ce seralt une carapace pr~sentant une faille pour laquetle se d~chargerait la tension. L'instabilit~ serait alors une recherche incessante de trouver un contenu.

la th6 rap ie p s y c h o m o t r i c e

Sur le plan de la th~rapie psychomotrice, l'instable psychomoteur r~ussit souvent les tests qui deman- dent une grosse d~pense dYnergie de courte durde, alors qu'il ~choue dans les tests qui exigent coordi- nation, prdcision, rapidit~ dans les mouvements, c'est-fi-dire dans tout ce qui exige un effort d'inhi- bition et d'organisation.

I1 nous parak indispensable d'inclure dans un pre- mier temps l 'examen psychomoteur qui, fi nos yeux, va d~terminer la rddducation psychomotrice convenable, en lui fournissant son cadre propre. Toutefois, cet examen psychomoteur ne se limi- tera pas au classique bilan ,, des troubles psycho- moteurs , , . Nous nous proposons de faire prendre conscience fi l 'enfant que c'est de son corps qu'il est question, de son corps dans la relation ~t autrui, et d 'aborder avec lui, d~s le d~but, tout ce qui concerne ce que l 'on peut appeler le corps matd- riel. On mettra done en ~vidence tout ce que l 'on constate au niveau de lYquilibre, de sa mar- che, de sa posture, de son tonus, etc.

Au pr~alable, le cheminement qui a amen~ l'enfant jusqu'fi la psychomotricit~ devra lui &re indiqud

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ENFANTS ET SOCIETE

La r ~ & d u c a t i o n p s y c h o m o t r i c e a p o u r b u t d e r e d o n n e r u n e p l a c e a u c o r p s e t d e s n o t i o n s d ' e s p a c e s

de fa~on fi ce que cela prenne un sens pour lui comme pour son entourage. L'enfant pourra alors se d&erminer par rapport aux d&irs de chacun. Pour ce qui est de l'examen psychomoteur, notre attention se portera sur plusieurs points impor- tants : le regard, la respiration, Hmitation, le tonus, les gestes, la lat~ralit~, les d~placements, la mimi- que, le jeu et les ~motions suscit&s par l'enfant chez le psychomotricien. Tous ces ~l~ments ont leur importance dans le d~veloppement de l'enfant et une valeur d&erminante dans la r~ducat ion psychomotrice. Les rep~res dans l'espace et dans le temps seront d&ermin~s par la salle de psychomotricit~, lieu sp&ifique, espace inducteur du mouvement, du toucher, des postures physiques, ~motionnelles; la fr~quence, la dur&, les jours et heures r~guli~res intervenant comme facteur de r~alit~ dans la r~- ducation. Les troubles de la spatialisation, les trou- bles temporels, les difficult~s concernant l'origine et qui sont ~i la source des principaux troubles de psychomotricit~ n&essitent que la personne et le lieu soient tout ~l fait sans ambigui't& Cette salle de psychomotricit~ incluant au passage les notions de dedans et de dehors, peut &re un espace de jeu ~l l'int~rieur duquel s'installe la relation entre l'enfant et le psychomotricien. C'est le lieu de l'enfant off il peut connakre le plaisir sensori-moteur, c'est-~l-dire il a la possibilit~ de se balancer sur les gros ballons, de se rouler

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sur le sol, de g!isser sur les plans inclines, de courir, mais aussl construire, se reposer, attendre, observer et d&ouvrir.

Le plaisir sensori-moteur cr~e 1'union entre les sensations corporelles et les &ats tonico-~motionnels. I1 permet la mise en jeu de la globalit& Par la r~ducation, on fait faire l'exp~rience de cet espace ~l l'enfant et le but de cette experience et de lui donner une place. Cette place de l'enfant est une place qu'il prend par rapport aux autres. Dans la psychomotricit~, l'espace ce n'est pas seu- lement l'espace des objets, c'est l'espace dans les relations avec les autres. Aussi, le psychomotricien doit tenir sa propre place, sans confusion dans son esprit. Et si l 'on revient au jeu, il devient ici un jeu global dans lequel chacun va tenir compte de la presence corporelle et ~motionnelle de l'autre et pourra percevoir l'autre dans ses postures, dans son tonus postural, dans ses contractions ou d&on- tractions toniques. O n peut alors parler d'image structurante, image visuelle, tactile, auditive, sensi- tive et proprioceptive. Ce n'est qu'~ partir de ce corps senti et v&u que va pouvoir s'~laborer le dialogue tonique. Nous parlerons alors d'imitation. En psychomotricit~, nous parlons d'imitation active. Ce n'est pas une imitation dans un miroir, c'est une imitation du corps de l'autre. Dans le miroir, on permet ~l l'enfant de se regarder et non pas de s'imiter. Ce qui peut &re important en psychomotricit~ chez l'enfant instable, ce sont les exercices de d&ente et de relaxation dans la r~ducat ion. Ils constituent une pause qui vient apr~s Faction. Cette d&ente sert ~i inscrire dans le corps un certain travail effectu~ dans l'espace, ~ rendre pr&entes la dur& et la distance.

En conclusion, la vis~e premiere de la r~ducat ion psychomotrice est de donner une place au corps, une presence ; 1'enfant devant devenir acteur, son action, sa gestualit~, ce qui peut &re sa motricit~ sont d&rites comme des expressions, l'expression corporelle. Le but n'est pas de modifier seulement le fond tonique, il ne s'agit pas seulement d'agir sur l'adresse, la position et la vitesse, mais aussi sur l'organisa- tion du schema corporel, en modifiant le corps dans son ensemble.

Le but de ces techniques ne dolt donc pas &re uniquement moteur, mais agir sur le corps des

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experiences.

Ainsi, la r~ducat ion ne doit pas viser ~ r~parer. Elle doit permettre d'~largir ce qui fonctionne.D

Journal de PI~DIATRIE et de PUIFRICULTURE n ~ 4-1988