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Architecture et gradients morphogénétiques chez de jeunes hêtres ( Fagus sylvatica L. Fagaceae) en milieu forestier Eric Nicolini Résumé : Cette étude a pour objectif de mettre en évidence, chez de jeunes hêtres forestiers âgés de 7 ans, les différents gradients morphologiques servant de base à l’élaboration de la forme de leur système caulinaire, ceci en caractérisant l’évolution de la structure des pousses annuelles successives émises en fonction du moment de leur formation et de leur situation topologique au sein du système caulinaire des arbres. Trois gradients morphogénétiques simples rendent compte de la dynamique de développement de leur système caulinaire global et de l’évolution dans le temps et dans l’espace du fonctionnement morphogénétique des méristèmes primaires édificateurs. Le premier illustre l’installation des structures par une augmentation progressive du taux de croissance annuel (augmentation du nombre de noeuds feuillés et de la longueur des pousses annuelles) et du degré de ramification du tronc et des rameaux qu’il édifie successsivement. Le deuxième gradient est représenté par le phénomène « d’acrotonie primaire » mis en évidence par Rauh chez le hêtre, phénomène qui favorise la formation et le développement des axes latéraux les plus hauts sur la pousse annuelle. Le troisième se traduit par la réduction graduelle du taux d’accroissement annuel et du degré de ramification des axes les plus bas dans l’arbre et annonce leur déclin et leur disparition prochaine par élagage naturel. Mots clés : hêtre, architecture, croissance, ramification, polycyclisme, morphologie. Abstract: The objective of this study was to describe the different morphological gradients being used as the basis for the development of the shape of the stem system in young forest-grown 7-year-old beeches, while characterizing the structural evolution of successively produced annual shoots in relation to the timing of their formation as well as their topological situation among tree stem systems. Three simple morphogenetic gradients explain the developmental dynamics of their overall stem system and the evolution in time and space of the morphogenetic functioning of their primary meristem structure. The first one illustrates structure settings by progressive increase of annual growth rate (increase of foliated node number and of annual shoot length) and of the branching angle of the trunk, as well as of successively produced twigs. The second gradient is represented by the “primary acrotonic” phenomenon described by Rauh in beech, which encourages formation and development of the highest lateral axes on the annual shoot. The third one is characterized by a gradual reduction in annual growth rate as well as of the branching angle of the lowest axes of the tree, indicating their decline and their imminent elimination by natural pruning. Key words: beech, architecture, growth, ramification, polycyclism, morphology. [Translated by editorial staff] Nicolini 1244 De nombreux travaux ont mis en évidence les traits mor- phologiques principaux qui caractérisent le développement du hêtre au cours de son existence. Pour n’en citer que quel- ques uns, Daniel (1910) souligne l’existence de différents ty- pes de pousses annuelles chez Fagus sylvatica L. lors de la description de branches d’arbres adultes : des branches lon- gues à pousses annuelles allongées, des branches courtes à pousses annuelles très réduites et des branches mixtes dont la charpente est formée par une succession irrégulière de parties allongées et de parties courtes. Cette distinction entre pousses annuelles de différentes longueurs chez le hêtre est reprise par Rauh (1939) qui les regroupe au sein d’une struc- ture élémentaire, indispensable à la construction d’une forme arborée, la pousse annuelle ramifiée suivant un gradient acrotone : les pousses les plus courtes sont situées au niveau de la partie basse de la pousse annuelle porteuse, tandis que les plus longues occupent la partie la plus haute de l’axe. Späth (1912) décrit l’aptitude du hêtre à élaborer une ou plusieurs pousses par an, une pousse de printemps (regular- trieben) et une ou plusieurs pousses d’été (pousse de la Saint Jean, Johannistrieben). Cet auteur décrit également différen- tes modalités de ramification chez lesquelles les rameaux sont formés soit en même temps que leur porteur (sylleptis- chen trieben), soit 1 an plus tard, soit plusieurs années plus tard (proleptischen trieben). Ces différentes notions ont été reprises par la suite. Fromard (1982), ainsi que Thiébaut (1982a, 1982b), portant leurs observations sur de jeunes Can. J. Bot. 76: 1232–1244 (1998) 1232 Reçu le 13 juin 1997. E. Nicolini. Unité de modélisation des plantes du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad amis) B.P. 5035 - 34032, Montpellier Cédex 01, France. (tél. : 67 59 38 68; téléc. : 67 59 38 58; mél. : [email protected]) © 1998 CNRC Canada Can. J. Bot. 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Architecture et gradients morphogénétiques chez de jeunes hêtres Fagus sylvatica L. Fagaceae) en milieu forestier

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Architecture et gradients morphogénétiqueschez de jeunes hêtres (Fagus sylvatica L.Fagaceae) en milieu forestier

Eric Nicolini

Résumé: Cette étude a pour objectif de mettre en évidence, chez de jeunes hêtres forestiers âgés de 7 ans, lesdifférents gradients morphologiques servant de base à l’élaboration de la forme de leur système caulinaire, ceci encaractérisant l’évolution de la structure des pousses annuelles successives émises en fonction du moment de leurformation et de leur situation topologique au sein du système caulinaire des arbres. Trois gradients morphogénétiquessimples rendent compte de la dynamique de développement de leur système caulinaire global et de l’évolution dans letemps et dans l’espace du fonctionnement morphogénétique des méristèmes primaires édificateurs. Le premier illustrel’installation des structures par une augmentation progressive du taux de croissance annuel (augmentation du nombrede noeuds feuillés et de la longueur des pousses annuelles) et du degré de ramification du tronc et des rameaux qu’ilédifie successsivement. Le deuxième gradient est représenté par le phénomène « d’acrotonie primaire » mis enévidence par Rauh chez le hêtre, phénomène qui favorise la formation et le développement des axes latéraux les plushauts sur la pousse annuelle. Le troisième se traduit par la réduction graduelle du taux d’accroissement annuel et dudegré de ramification des axes les plus bas dans l’arbre et annonce leur déclin et leur disparition prochaine par élagagenaturel.

Mots clés: hêtre, architecture, croissance, ramification, polycyclisme, morphologie.

Abstract: The objective of this study was to describe the different morphological gradients being used as the basis forthe development of the shape of the stem system in young forest-grown 7-year-old beeches, while characterizing thestructural evolution of successively produced annual shoots in relation to the timing of their formation as well as theirtopological situation among tree stem systems. Three simple morphogenetic gradients explain the developmentaldynamics of their overall stem system and the evolution in time and space of the morphogenetic functioning of theirprimary meristem structure. The first one illustrates structure settings by progressive increase of annual growth rate(increase of foliated node number and of annual shoot length) and of the branching angle of the trunk, as well as ofsuccessively produced twigs. The second gradient is represented by the “primary acrotonic” phenomenon described byRauh in beech, which encourages formation and development of the highest lateral axes on the annual shoot. The thirdone is characterized by a gradual reduction in annual growth rate as well as of the branching angle of the lowest axesof the tree, indicating their decline and their imminent elimination by natural pruning.

Key words: beech, architecture, growth, ramification, polycyclism, morphology.

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De nombreux travaux ont mis en évidence les traits mor-phologiques principaux qui caractérisent le développementdu hêtre au cours de son existence. Pour n’en citer que quel-ques uns, Daniel (1910) souligne l’existence de différents ty-pes de pousses annuelles chezFagus sylvaticaL. lors de ladescription de branches d’arbres adultes : des branches lon-gues à pousses annuelles allongées, des branches courtes àpousses annuelles très réduites et des branches mixtes dontla charpente est formée par une succession irrégulière de

parties allongées et de parties courtes. Cette distinction entrepousses annuelles de différentes longueurs chez le hêtre estreprise par Rauh (1939) qui les regroupe au sein d’une struc-ture élémentaire, indispensable à la construction d’une formearborée, la pousse annuelle ramifiée suivant un gradientacrotone : les pousses les plus courtes sont situées au niveaude la partie basse de la pousse annuelle porteuse, tandis queles plus longues occupent la partie la plus haute de l’axe.

Späth (1912) décrit l’aptitude du hêtre à élaborer une ouplusieurs pousses par an, une pousse de printemps (regular-trieben) et une ou plusieurs pousses d’été (pousse de la SaintJean, Johannistrieben). Cet auteur décrit également différen-tes modalités de ramification chez lesquelles les rameauxsont formés soit en même temps que leur porteur (sylleptis-chen trieben), soit 1 an plus tard, soit plusieurs années plustard (proleptischen trieben). Ces différentes notions ont étéreprises par la suite. Fromard (1982), ainsi que Thiébaut(1982a, 1982b), portant leurs observations sur de jeunes

Can. J. Bot.76: 1232–1244 (1998) © 1998 NRC Canada

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Reçu le 13 juin 1997.

E. Nicolini. Unité de modélisation des plantes du Centrede coopération internationale en recherche agronomiquepour le développement (Cirad amis) B.P. 5035 - 34032,Montpellier Cédex 01, France. (tél. : 67 59 38 68;téléc. : 67 59 38 58; mél. : [email protected])

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arbres croissant en conditions controlées, étudient la variabi-lité de l’expression du polycyclisme et la morphologie desdifférentes pousses feuillées émises au cours d’une mêmeannée.

En 1970, Hallé et Oldeman définissent la notion de mo-dèle architectural chez les végétaux, modèle de développe-ment plus global intégrant le fonctionnement de l’ensembledes méristèmes d’une plante suivant une séquence de diffé-renciation précise; ils attribuent le modèle architectural deTroll1 au hêtre commun chez lequel, l’appareil caulinaire estconstitué par l’empilement d’axes plagiotropes. À partir dela création de l’approche architecturale, certains auteursse sont attachés à décrire certaines étapes du développementdu hêtre. Ainsi, Thiébaut et al. (1981), portant leurs ob-servations sur des hêtres adultes et sur les structures quiconstituent leur couronne, définissent des phases de dévelop-pement différentes (exploration, élongation, exploitation etstabilisation) basées sur la longueur des pousses annuellesde l’axe principal et leur aptitude à se ramifier. Ce type declassification est repris par Roloff (1989) lors du diagnosticde cimes de hêtres adultes.

Les travaux se sont portés sur certaines partie du hêtre oubien ont considéré de manière un peu plus globale le déve-loppement d’individus mais sur des périodes relativementcourtes. Mais nous avons peu d’informations sur l’évolutionde son architecture au cours du temps, sur la dynamiqued’élaboration de son système caulinaire à partir du fonction-nement de ses méristèmes primaires et sur la succession desstructures formées.

Comme le montrent de nombreux travaux sur l’ar-chitecture des végétaux (Hallé et al. 1978; Edelin 1984;Barthélémy 1988; Lauri 1988; Atger 1994), il existe unetrame régulière servant de base au développement d’uneplante qu’il convient de révéler avant de s’attacher à touteétude sur la variabilité d’événements particuliers. Cettetrame existe aussi chez le hêtre (Nicolini 1997).L’édification de l’architecture du hêtre peut être décritecomme le résultat de la réalisation d’étapes successives etordonnées qui traduisent l’expression d’une séquence dedéveloppement morphogénétique de base de la plante(Nicolini 1997).

Ce présent travail a pour objectif de mettre à jour et depréciser la nature des éléments majeurs qui caractérisent lespremières étapes de développement chez le hêtre depuis lestade de la graine. L’architecture du hêtre est le résultat dufonctionnement de ses méristèmes et sa mise en place reposesur deux processus principaux : la croissance d’un axe et sonmode de ramification. Au travers de l’examen de ces deuxprocessus, nous essaierons de qualifier et de quantifierl’évolution du fonctionnement morphogénétique des méris-tèmes primaires en analysant l’évolution de la structure des

pousses annuelles successives émises à différents momentset en différents endroits du houppier de jeunes hêtres en mi-lieu forestier. Par l’observation de divers gradients morpho-génétiques, nous accèderons à l’organisation des différentséléments qui contribuent à l’élaboration progressive de laforme du système ramifié aérien du hêtre au cours des pre-mières années de son existence.

Le lieu de l’étudeL’étude a été réalisée en France. Les arbres observés sont situés

en forêt du Marquis (48°32′ de latitude Nord, 5°25′ de longitude,380 m d’altitude), près de Bonnet, village du département de laMeuse, au coeur de la région Nord-Est calcaire (Tessier du Cros1977).

Le matériel étudiéLes observations ont été effectuées sur 77 hêtres agés de 7 ans

et issus d’une régénération naturelle équienne (80 individus/m2)sous futaie mélangée (Carpinus betulusL., Prunus aviumL.,Fraxinus excelsiorL., Acer pseudoplatanusL., Quercus petraeaLiebl.) dont l’essence dominante estFagus sylvaticaL. Cette régé-nération présente une structure pluristrate, chaque strate regroupantles individus d’une même classe sociale (Thiébaut et al. 1992). Lesindividus décrits appartiennent à la classe des dominants. La distri-bution de leurs hauteurs respectives est comprise entre 0,7 et 1,7 m(tableau 1).

Les méthodes d’observationLes observations débutent par une description complète du sys-

tème aérien de chaque individu en intégrant l’agencement spatial etla structure des différents axes qui le constituent (fig. 1). Cette des-cription s’effectue par la reconnaissance a posteriori de marqueursmorphologiques, résultant du fonctionnement rythmique des méris-tèmes primaires, qui subsistent durant plusieurs années, imprimésdans l’écorce des différents axes. Dans le cas de nombreusesessences, la croissance rythmique se traduit par l’alternance dephases de repos apparent (phase d’organogénèse) et de phasesd’allongement au cours desquelles, une portion de tige ou « unitéde croissance » (uc selon Hallé et Martin 1968) est mise en place,délimitée par certains marqueurs morphologiques.

Dans le cas du hêtre, chaque vague met en place une uc cons-tituée d’une succession de noeuds (n.) séparés par des entre-noeuds(en.) plus ou moins longs (fig. 2A). À la base de l’uc (fig. 2B), lesnoeuds séparés par des entre-noeuds de longueur nulle ne portentque des feuilles écailleuses (ca.) caduques qui constituaient lebourgeon terminal et qui ont laissé une série de fines cicatrices(c.ca.) tout autour de l’axe en tombant peu après le débourrement.Les noeuds supérieurs sont séparés par des entre-noeuds pluslongs. Chacun d’eux porte une feuille (f.) qui axille un bourgeonlatéral (b.l.) dont la taille évolue en fonction de leur rang : ceux si-tués à la base de l’uc sont petits (0,1 cm) et sphériques, tandis queceux de la partie haute sont bien développés (1,5 cm; fig. 2C) et

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Hauteur (cm) 70–79 80–89 90–99 100–109 110–119 120–129 130–139 140–149 150–159 160–169 170–179

Effectifs 3 4 6 5 13 12 17 10 5 2 1

Tableau 1. Distribution de la hauteur totale des arbres étudiés.

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1 La nomenclature des différents modèles architecturaux présentés par Hallé et Oldeman (1970, 1978), Oldeman (1974), parmi lesquels noustrouvons le modèle de Troll, est un système de nomenclature neutre qui désigne chaque modèle par le nom d’une personne qui s’est illustréedans le domaine de la recherche végétale. Ce nom ne désigne en aucun cas le créateur du modèle.

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fusiformes; le dernier bourgeon latéral fait exception à la règlepuisqu’il est réduit (fig. 2C), similaire à ceux de la base de l’uc.

Au cours d’une saison de croissance, une ou plusieurs vaguesd’allongement successives peuvent se produire. Dans le cas d’uneseule vague d’allongement, une seule uc est mise en place en avril(fig. 2A), délimitée à sa base par un grand nombre de cicatrices defeuilles écailleuses (7–11; fig. 2B) qui constituaient les pièces fo-liaires externes du bourgeon hivernal. Lorsque plusieurs vaguesd’allongement se produisent, plusieurs uc sont formées (fig. 3A) :la première, printanière, est semblable à celle décrite précédem-ment, tandis que la seconde, édifiée en été, est identifiable à sabase par un nombre réduit de cicatrices de feuilles écailleuses(1–4; fig. 3B) séparées par des entre-noeuds courts; ces feuillesécailleuses constituaient les pièces foliaires externes d’un bourgeonfugace formé à l’extrémité de l’uc printanière au terme de son al-

longement. À partir de ces critères morphologiques validés parl’observation sur des pousses en cours d’allongement, on peutidentifier des pousses annuelles monocycliques constituées d’uneuc printanière (uc0) et des pousses annuelles polycycliques compo-sées de plusieurs uc, une uc printanière (uc1) suivie par une ouplusieurs uc estivales (uc2, uc3, …) (Thiébaut et al. 1981; Thiébaut1982a, 1982b).

L’identification des uc permet de quantifier l’accroissement an-nuel de l’ensemble des axes de la plante. Celle-ci étant construite àpartir du fonctionnement rythmique de ses méristèmes (Hallé etOldeman 1970), le critère biologique mesuré est le nombre denoeuds feuillés émis chaque année par ces derniers, lors de chaquevague de croissance. Ces noeuds sont identifiables même lorsqu’ilsont perdu leur feuille en hiver grâce à la cicatrice réniforme (c.f.)laissée par la base pétiolaire de celle-ci (fig. 2B) et visible durant

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Fig. 2. Structure d’une pousse annuelle monocyclique. Vue généraled’une unité de croissance printanière feuillée (A), détail de la partiebasale (B) et de la zone apicale (C) après la chute des feuilles :bourgeon terminal (b.t.); bourgeon latéral (b.l.); feuille (f.);entre-noeud (en.); cicatrice foliaire (c.f.); cicatrices laissées par lesfeuilles écailleuses caduques du bourgeon (c.ca.); cicatrices laisséespar les stipules caduques (c.st.).

Fig. 1. Repérage au sein du système caulinaire d’un hêtre de 7 ans.L’individu représenté a été décrit en hiver, ce qui explique l’absencede feuilles sur ses axes. Chaque pousse annuelle du tronc estnumérotée (en gras) de 1 à 7 suivant la chronologie deleur formation; les petits figurés fusiformes représentent lesbourgeons; arrêt de croissance hivernal (=) et estival (–);unité de croissance printanière (uc0 et uc1) ou estivale (uc2); mortd’apex (×); cicatrice d’axe élagué (#); axes d’ordre 1, 2, … (A1, A2,…); noeuds 1, 2, … (n1, n2, …); rameaux 1, 2, … (p1, p2, …).

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plusieurs années. À cette information est ajoutée la mesure de lalongueur de chaque uc.

La prise en compte du nombre de noeuds de chaque uc2 permetde replacer les structures les unes par rapport aux autres, au seind’un organisme dont la topologie est complexe (fig. 1). Chaquenoeud feuillé est numéroté (n1, n2, …) du haut vers le bas de l’uc(fig. 1). Chaque noeud porte un méristème latéral capable d’édifierou non un axe latéral auquel est attribué un numéro (p1, p2, …)correspondant à la position du noeud porteur. Chaque structure dé-crite est positionnée. Les données obtenues sur l’ensemble des in-dividus sont ensuite triées par ordre d’axe (axe principal d’ordre 1

ou A1, axes latéraux d’ordre 2 ou A2 portés par le tronc, …), parposition sur les structures porteuses (p1, p2, …)3, par année deformation (n, n+1, …).

Grâce à cette méthode de description déjà utilisée auparavant(De Reffye et al. 1991a, 1991b; Costes et al. 1992, 1994), il estaisé de retrouver et de comparer des structures d’âge et de positionidentiques, communes à tous les individus observés, puisque cesderniers ont le même âge. Ces structures, comme par exemple« l’uc formée au printemps 1989 de l’axe principal », peuvent êtreregroupées. Le regroupement de structures équivalentes permetd’établir des distributions du nombre de noeuds ou de la longueurdes uc décrites (tableaux 2 et 3). Dans ces cas précis, comme pourl’ensemble des cas observés, les distributions obtenues sont symé-triques. Elles sont aussi de faible dispersion, c’est-à-dire que la va-riance est généralement inférieure ou égale à la moyenne. Cecipermet l’utilisation d’indicateurs simples tels qu’une moyenne etun intervalle de confiance4 pour apprécier la variabilité oul’homogénéité du fonctionnement des méristèmes des plantes.

La structure des unités de croissance de l’axe principald’ordre 1, le tronc (A1)

Les courbes de la figure 4 représentent l’augmentation ré-gulière du nombre moyen de noeuds (A) et de la longueurmoyenne (B) des différentes uc qui constituent l’axe princi-pal (A1) des individus décrits à mesure que l’on progressevers leur partie haute. Cette évolution n’est pas la mêmepour toutes les uc. La longueur et le nombre de noeuds desuc printanières (uc0 et uc1) évoluent de la même manière.Les uc estivales (uc2) présentent des valeurs inférieures àcelles des uc printanières de rang équivalent. Cette diffé-rence est aussi vérifiée lorsque l’on considère la structure del’uc2 par rapport à celle de l’uc1 qui la précède, ceci pourchaque pousse annuelle polycyclique du tronc de chaquearbre étudié (fig. 5). Dans 85% des cas, l’uc1 est plusfeuillée (A) et plus longue (B) que l’uc2.

Les pousses annuelles polycycliques (fig. 4, uc1 + uc2)sont aussi plus feuillées et un peu plus longues que les pous-ses monocycliques (uc0). La participation de l’uc estivaledans la construction de l’A1 est cependant peu importante.Le tableau 4 représente l’évolution au cours du temps dutaux de participation de l’uc2 dans la constitution d’une

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Fig. 3. Structure d’une pousse annuelle polycyclique. Vuegénérale après la chute des feuilles (A) et détail de la zone deséparation entre l’unité de croissance printanière et l’unité decroissance estivale (B) : bourgeon terminal (b.t.); bourgeonlatéral (b.l.); entre-noeud (en.); cicatrice foliaire (c.f.); cicatriceslaissées par les feuilles écailleuses caduques du bourgeon (c.ca.);cicatrices laissées par les stipules caduques (c.st.).

Classes 4 5 6 7 8

Effectifs 2 10 14 9 1

Nota : Ces distributions concernent l’ensemble des unités de croissanceprintanières formées au cours de la 3e année de développement des arbresétudiés. La moyenne est de 5,9 noeuds feuillés et la variance est de 0,81.

Tableau 2. Distribution du nombre de noeuds feuillés d’uneunité de croissance du tronc.

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2 Un type d’uc n’a pas fait l’objet de mesures : c’est la première issue de la graine (fig. 1), car elle est toujours constituée d’un hypocotyle quiporte deux cotylédons suivi d’un épicotyle qui porte deux feuilles suivant une phyllotaxie opposée-décussée.

3 Sur la figure 1, le lecteur remarquera que les noeuds des unités de croissance sont numérotés du haut vers le bas de ces structures (n1,n2, ...). Il en est de même pour les rameaux latéraux (p1, p2, ...). Cette manière de faire est conditionnée par le caractère acrotone de la rami-fication du hêtre, caractère qui place les rameaux latéraux les plus développés au niveau de la partie supérieure des unités de croissance. Lesunités de croissance de l’axe principal des arbres n’ont pas toutes le même nombre de noeuds feuillés. De fait, une numérotation dans lesens inverse ferait que des axes latéraux de potentialités très différentes pourrait être mélangés au moment des regroupements par position.

4 À la valeur moyenne tirée de chaque échantillon est associé un intervalle de confiance de seuil de 0,05 déduit de la formule suivante : T×(S/racine (N–1) ou N est l’effectif de l’échantillon étudié; T, la variable de Student correspondant au nombre de degrés de liberté (N–1); etS, l’écart type de l’échantillon étudié (formule empruntée à Jaffard 1986).

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pousse annuelle polycyclique (uc1 + uc2) (B) et de la pousseannuelle en général(uc0 et uc1 + uc2) (C). Cette partici-pation décroîssante représente, dans le premier cas, enmoyenne 28% de la longueur de la pousse annuelle polycy-clique, et dans le second cas, environ 11% de la pousse an-nuelle en général. Cette faible participation de l’uc estivaleest le résultat de deux faits : la petite taille des uc estivalessuccessives et leur formation moins fréquente au cours dutemps (A).

Les valeurs moyennes du nombre de noeuds et de la lon-gueur d’une uc évoluent de manière coordonnée. La relation

entre ces deux caractères est curviligne pour les uc de l’A1(fig. 6A et 6B). Ceci signifie que l’augmentation de la lon-gueur des uc n’est pas proportionelle à l’augmentation deleur nombre de noeuds feuillés; la longueur augmente plusrapidement que le nombre de noeuds. Ainsi, les arbres for-ment sur leur tronc des uc constituées d’entre-noeuds pluslongs qu’auparavant.

La relation entre longueur et nombre de noeuds feuillésest plutôt linéaire pour les rameaux latéraux directement

1236 Can. J. Bot. Vol. 76, 1998

Fig. 4. Nombre moyen de noeuds (A) et longueur moyenne (B)des différents types d’unité de croissance constituant les poussesannuelles successives du tronc. Le numéro des pousses annuellesauxquelles appartiennent les différents types d’unités decroissance est représenté en abcisse pour une numérotation allantdu bas vers le haut des arbres; unité de croissance printanièreentrant dans la constitution d’une pousse annuellesoit monocyclique (uc0), soit polycyclique (uc1); unité decroissance estivale entrant dans la constitution d’une pousseannuelle polycyclique (uc2); chaque valeur moyenne estaccompagnée de son intervalle de confiance figuré par des traitsverticaux.

Classes 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16

Effectifs 1 0 3 2 1 7 4 4 2 6 0 4 1

Nota : Ces distributions concernent l’ensemble des unités de croissance printanières formées au cours dela 3e année de développement des arbres étudiés. La moyenne est de 10,4 cm et la variance est de 9.

Tableau 3. Distribution de la longueur (cm) d’une unité de croissance du tronc.

Fig. 5. Comparaison de la structure des différentes unités decroissance constituant les pousses annuelles polycycliques del’axe principal. La comparaison porte sur le nombre de noeudsfeuillés (A) et sur la longueur (B). Cette évolution est mise enévidence en soustrayant le nombre de noeuds feuillés (ou lalongueur) de l’unité de croissance estivale (uc2) au nombre denoeuds feuillés de l’unité de croissance printanière (uc1). Cettecomparaison est réalisée pour chacune des pousses annuellespolycycliques de l’axe principal de chaque arbre. Les figures A etB présentent les résultats sous forme de distributions. Les valeursnégatives correspondent au cas chez lesquels l’uc2 a un nombrede noeuds (A) ou une longueur (B) supérieurs à ceux de l’uc1.

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portés par le tronc (A2) (fig. 7A et 7B). Ceci signifie que lesvaleurs moyennes du nombre de noeuds et la longueur d’uneuc évoluent de manière coordonnée. Dans ces deux cas,l’information fournie par le nombre de noeuds feuillés desuc suffit pour être renseigné sur leur longueur moyenne.Nous ne figurerons donc plus que le nombre de noeudsfeuillés au cours de la présentation des résultats suivants, caril traduit le mieux le résultat de l’activité morphogénétiquedes méristèmes primaires.

La localisation et la structure des axes latéraux d’ordre2 (A2) portés par l’A1

Deux sortes d’axes latéraux peuvent coexister sur les ucdu tronc : des axes latéraux à développement immédiat(Thiébaut et Puech 1984) et des axes latéraux à développe-ment différé (Thiébaut et al. 1981). Les axes latéraux à dé-veloppement immédiat sont formés pendant l’élaboration dubourgeon terminal et y sont inclus pendant toute la périodede repos hivernal; l’ensemble ramifié est présent dans lebourgeon avant le débourrement (Roloff 1988). Lorsque

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Fig. 6. Longueur des différents types d’uc de l’axe principal enfonction de leur nombre de noeuds feuillés. Toutes les annéesont été confondues; uc printanières entrant dans la constitutiond’une pousse annuelle soit monocyclique (uc0), soit polycyclique(uc1); unité de croissance estivale (uc2). Le graphe (A) présenteles résultats sous la forme de nuages de points. Chaque nuageest accompagné de sa courbe de régression respective, del’équation de cette courbe et du coefficient de régressionR. Legraphe (B) présente les courbes des valeurs moyennes. Chaquevaleur est accompagnée de son intervalle de confiance respectiffiguré par des traits verticaux.

Fig. 7. Longueur des uc des axes latéraux en fonction de leurnombre de noeuds feuillés. Toutes les années ont été confondues.Le graphe (A) présente les résultats sous la forme d’un nuage depoints accompagné de sa courbe de régression, de l’équation decette courbe et du coefficient de régressionR. Le graphe(B) présente les courbes des valeurs moyennes. Chaque valeurest accompagnée de son intervalle de confiance respectif figurépar des traits verticaux.

Année (A) (B) (C)

2 40 32,4 16,553 48 27,6 15,094 37 33,5 13,755 15 24,8 4,46 32 28,74 12,27 22 20,18 5,1

Nota : Les pousses annuelles sont numérotées du bas vers le haut desarbres : le pourcentage de pousses annuelles polycycliques (A) forméeschaque année sur l’axe principal des arbres est déduit du rapport dunombre de pousses annuelles polycycliques sur le nombre total de poussesannuelles formées chaque année; le taux de participation des unités decroissance estivales dans la constitution des pousses annuellespolycycliques (B) exprimé en pourcentage est déduit du rapport de lalongueur des unités de croissance estivales (uc2) sur la longueur totale dela pousse annuelle polycyclique (uc1 + uc2); le taux de participation desunités de croissance estivales dans la constitution des pousses annuelles engénéral (C) est déduit du rapport de la somme des longueurs des unités decroissance estivales (uc2) sur celle des longueurs des pousses annuellesmonocycliques et polycycliques (uc0 et uc1 + uc2).

Tableau 4. Pourcentage des pousses annuelles polycycliques ettaux de participation des unités de croissance estivales dans laconstruction de l’axe principal.

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celui-ci s’ouvre, l’uc terminale et les axes latéraux qu’elleporte s’allongent simultanément. Ces axes latéraux sont tou-jours dépourvus de cataphylles à leur base et ont un hypopo-dium bien développé. Les axes latéraux à développementdifféré se mettent en place bien après l’axe qui les porte. Auterme de l’allongement d’une uc, un bourgeon terminal etplusieurs bourgeons latéraux se développent sur elle. Lorsdu débourrement suivant, le premier produit la continuitéterminale de l’axe, tandis que les seconds libèrent chacun unaxe latéral. Ceux-ci sont différenciables des axes à dévelop-pement immédiat grâce à la série de fines cicatrices (c.ca.)tout autour de leur base, cicatrices laissées par les feuillesécailleuses qui constituaient le bourgeon protecteur (fig. 2B).Les axes latéraux à développement immédiat se développentpeu, rarement et ont une courte durée de vie. Leur contribu-tion à la construction du système ramifié étant négligeable,nous n’irons pas plus loin dans leur description.

La localisation des A2 à développement différé et lastructure de leurs unités de croissance

La localisation des A2 sur les différents types d’uc d’unepousse annuelle de l’A1

Les A2 à développement différé apparaîssent sur les uc del’A1 lorsque celles-ci ont dépassé un seuil de développe-ment caractérisé par des structures ayant environ quatre àcinq noeuds feuillés et longues de 4 cm. Les A2, qu’ilssoient insérés dans le haut ou dans le bas de l’arbre, consti-tuent un étage ramifié continu, c’est-à-dire que lorsque cetétage de ramification est constitué, il n’y a pas de noeud nonramifié au sein de l’étage (fig. 1). Cet étage de rameaux oc-cupe les deux tiers supérieurs des différents types d’uc (uc0,uc1 et uc2) de l’A1 (tableau 5). Les noeuds ramifiés sontplus fréquents à mesure que l’on progresse de la base vers lehaut d’une uc : ceux de la base ne sont pas ramifiés, tandisque le noeud 2 l’est toujours; le noeud 1, dont la structure aété décrite précédemment, fait exception à la règle puisqu’ilne porte un rameau que dans 25 à 40% des cas. Ainsi,chaque uc ramifiée présente un étage de rameaux latéraux li-mité de part et d’autre par des noeuds non ramifiés portantde petits bourgeons qui restent dormants durant de nombreu-ses années.

Structure de la première uc d’un A2 en fonction de saposition sur les différents types d’uc d’une pousse annuellede l’A1

Les A2 des arbres décrits ne présentent quasiment pas depousse annuelle polycyclique. Si l’on examine les A2 d’1 an

situés sur les différents types d’uc (uc0, uc1 et uc2) situéesdans le haut de l’arbre (fig. 8), le nombre moyen de noeudsde leur unique uc évolue suivant un gradient positif acropèteselon lequel elle est plus feuillée et plus longue à mesureque l’on progresse de la base vers le haut de l’étage ramifié.Les noeuds les plus bas portent des uc courtes constituées detrois feuilles, tandis que le noeud 2 présente généralementl’uc latérale la plus feuillée; le noeud 1 fait à nouveau ex-ception à la règle, puisqu’il porte une uc latérale moinsfeuillée que celle en position 2, rompant ainsi le gradientcroissant. Cette différence est aussi vérifiée lorsque l’onconsidère la structure d’un rameau latéral par rapport à celledu rameau latéral sous-jacent, ceci pour tous les types d’uc(uc0, uc1 et uc2) de la pousse annuelle no 6 du tronc de

1238 Can. J. Bot. Vol. 76, 1998

p1 p2 p3 p4 p5 p6 p7 p8 p9

uc0 17,5 100 100 100 66,7 40,3 7 0 0uc1 45,4 100 100 100 95,4 59,1 22,7 0 0uc2 42,8 100 100 78,6 50 14,3 0 0 0

Nota : Les différents types d’unités de croissance porteuses pris encompte (uc0, uc1 et uc2) constituent la sixième pousse annuelle du tronc;les unités de croissance porteuses sont constituées de 7 à 9noeuds feuillésnumérotés du haut vers le bas de l’unité de croissance.

Tableau 5. Pourcentage d’axes latéraux à développement différéformés sur les noeuds successifs d’unités de croissanceconstituant le tronc.

p1–p2 p2–p3 p3–p4 p4–p5 p5–p6

uc0 28,6 91,3 96,4 97,1 100uc1 0 76,2 78,6 88,9 95uc2 33,3 63,6 92,6 90,9 —Toutes uc confondues 20 83,3 89,8 93 97,6

Nota : La comparaison porte sur l’évolution du nombre de noeudsfeuillés. Cette évolution est mise en évidence en soustrayant le nombre denoeuds feuillés d’un rameau latéral en positionn au nombre de noeudsfeuillés d’un rameau latéral en positionn–1. Cette comparaison estréalisée pour chacun des rameaux d’une unité de croissance et pour lesdifférents types d’unités de croissance (uc0, uc1 et uc2) de la sixièmepousse annuelle du tronc de chaque arbre. Le tableau fournit lepourcentage de cas chez lesquels le rameau en positionn–1 a un nombrede noeuds feuillés supérieur ou égal à celui du rameau en positionn.

Tableau 6. Comparaison de la structure d’un rameau latéral etde celle du rameau en position sous-jacente sur la même ucporteuse.

Fig. 8. Nombre moyen de noeuds feuillés de la première unitéde croissance des axes latéraux d’ordre 2 à développementdifféré en fonction de leur position respective sur les unités decroissance du tronc. Les différents types d’unités de croissanceporteuses pris en compte (uc0, uc1 et uc2) constituent la sixièmepousse annuelle du tronc des arbres décrits; chaque courbe relieles valeurs moyennes d’uc latérales portées par un type d’ucdonné (uc0 ou uc1 ou uc2) au sein de la pousse annuellechoisie; les unités de croissance porteuses sont respectivementconstituées de sept à neuf noeuds feuillés numérotées du hautvers le bas; chaque valeur moyenne est accompagnée de sonintervalle de confiance respectif figuré par des traits verticaux.

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chaque arbre (tableau 6). Quel que soit le type d’uc por-teuse, l’axe latéral en position 1 a un nombre de noeudsfeuillés supérieur ou égal à celui en position sous-jacente 2dans 0 à 33% des cas seulement. En revanche, l’axe latéralen position 2 a unnombre de noeuds feuillés supérieur ouégal à celui en position sous-jacente 3 dans 83% des cas en-viron. De même, l’axe latéral en position 3 a un nombre denoeuds feuillés supérieur ou égal à celui en position 4 dans89% des cas. Il est à remarquer que le gradient acrotone bienmarqué, qui place les rameaux les plus feuillés dans le hautdes uc printanières, l’est moins sur les uc estivales.

Il faut noter aussi que les uc latérales situées sur lesnoeuds 2, 3 et 4 sont différentes en fonction du type d’uc quiles porte : les uc printanières (uc0 et uc1) portent des uc la-térales plus feuillées et plus longues que celles des uc estiva-les (uc2). En revanche, les rameaux situés sur les noeudssous-jacents ne sont pas significativement différents.

Structure de la première uc d’un A2 en fonction de sonniveau d’insertion sur l’A1

Sachant que le tronc se constitue de pousses annuellessuccessives de plus en plus vigoureuses, il est intéressant devérifier si cette augmentation graduelle a un effet sur lastructure des productions axillaires directement issues de sondéveloppement. Notre choix a porté sur la première uc desA2 situés sur le noeud 2 des uc de l’A1, cette position expri-mant les potentialités à ramifier maximales. Les uc latéralessont significativement plus longues à mesure que l’on pro-gresse du bas vers le haut de l’axe principal (fig. 9). Les uclatérales ont des structures différentes en fonction du typed’uc qui les porte : les uc printanières (uc0 et uc1) portentles uc les plus feuillées et les plus longues, tandis que les ucestivales (uc2) portent des uc latérales moins feuillées etplus courtes.

Le développement, le vieillissement et la mortalité desA2 portés par l’A1

Lorsqu’un axe latéral est formé, il se développe rythmi-quement comme le tronc, mais son développement et sondevenir sont fonctions du niveau d’insertion, sur l’axe prin-cipal, du méristème édificateur au moment de son entrée enactivité.

Structure des uc successives d’un A2 en fonction de saposition sur une uc de l’A1

Les A2 âgés de 3 ans, qu’ils soient situés dans le haut oudans le bas des uc printanières (fig. 10; uc0 et uc1 confon-dues; effectif insuffisant pour l’uc2) de la quatrième pousseannuelle de l’A1, sont constitués d’uc successives de moinsen moins feuillées et de plus en plus courtes. La diminutionest importante et rapide lors de la 2e année de développe-ment des axes latéraux, puis elle est moins intense par lasuite, puisque les rameaux forment rapidement des uc cour-tes de trois à quatre feuilles.

Un A2 porté par le noeud 1, assez court au moment de saformation, présente aussi un développement ultérieur relati-vement réduit. De même, les A2 portés par les noeuds lesplus bas de l’uc porteuse (noeuds 5 et 6), constituésd’emblée d’uc courtes, présentent un développement ulté-rieur réduit de telle sorte que les différences d’une année surl’autre sont peu marquées.

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Fig. 9. Nombre moyen de noeuds feuillés de la première unitéde croissance des axes latéraux d’ordre 2 à développementdifféré en fonction de leur niveau d’insertion sur le tronc. Lesaxes latéraux pris en compte sont portés en position p2 par lesdifférents types d’unités de croissance (uc0, uc1 et uc2) quiconstituent les pousses annuelles successives du tronc des arbresdécrits; les pousses annuelles sont numérotées en allant du basvers le haut des arbres; chaque valeur moyenne est accompagnéede son intervalle de confiance respectif figuré par des traitsverticaux.

Fig. 10. Nombre moyen de noeuds feuillés des unités decroissance successives des axes latéraux d’ordre 2 àdéveloppement différé en fontion de leur position sur une unitéde croissance de l’axe principal. Les unités de croissanceporteuses prises en compte sont les unités de croissanceprintanières (effectif insuffisant pour les unités de croissanceestivales uc2) qui entrent dans la constitution de la quatrièmepousse annuelle du tronc; les rameaux latéraux sont âgés de3 ans et sont constitués de trois uc successives; chaque courberelie les valeurs moyennes des unités de croissance de mêmerang : unité de croissance basale (année 1), médiane (année 2)et distale (année 3); les unités de croissance porteuses sontconstituées de six à huit noeuds feuillés numérotées du haut versle bas; chaque valeur moyenne est accompagnée de sonintervalle de confiance respectif figuré par des traits verticaux.

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Structure des uc successives d’un A2 en fonction de sonniveau d’insertion sur l’A1

À la base de l’arbre (fig. 11A), les A2 âgés de 5 ans sontconstitués de cinq uc successives de plus en plus courtes etmoins feuillées. Cette diminution se produit avec la mêmeintensité quelle que soit la nature de l’uc porteuse (uc0, uc1et uc2). Elle se produit aussi sur les A2 âgés de 2 ans etsitués dans le haut des arbres (fig. 11B).

Cette décroissance est aussi vérifiée lorsque l’on consi-dère la structure d’une uc par rapport à celle qui lui succède,ceci pour chaque uc d’un rameau latéral et pour chaque ra-meau latéral porté par les différents types d’uc des poussesannuelles nos 2 et 6 du tronc de chaque arbre (tableaux 7 et8). Quel que soit le type d’uc porteuse (uc0, uc1 et uc2), lapremière uc de l’axe latéral en position 2 a unnombre denoeuds feuillés supérieur ou égal à celui de l’uc qui lui suc-cède dans 70% des cas. De même, la seconde uc a un

nombre de noeuds feuillés supérieur ou égal à celui de l’ucqui lui succède dans 65% des cas.

La mortalité des A2 en fonction de leur niveau d’insertionsur les uc du l’A1

La mort et l’élagage naturel surviennent au terme de la di-minution de la longueur des uc successives d’un axe latéral,

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Fig. 11. Nombre moyen de noeuds feuillés des unités decroissance successives des axes latéraux d’ordre 2 àdéveloppement différé en fonction de leur niveau d’insertiondans l’arbre. Les axes latéraux pris en compte sont portés enposition p2 par les différents types d’unités de croissance (uc0,uc1 et uc2) qui constituent les deuxièmes (A) et cinquièmes (B)pousses annuelles du tronc des arbres décrits; leurs unités decroissance successives sont numérotées de la base vers lapériphérie des axes latéraux.

pa1–pa2 pa2–pa3 pa3–pa4 pa4–pa5

uc0 79 63 86 89uc1 68 70 64 79uc2 64 64 90 67Toutes uc confondues 70 65 80 78

Nota : La comparaison porte sur l’évolution du nombre de noeudsfeuillés. Cette évolution est mise en évidence en soustrayant le nombre denoeuds feuillés d’une unité de croissance formée durant l’annéen (pa.n)au nombre de noeuds feuillés de l’unité de croissance formée l’annéeprécédente (pa.n–1). Cette comparaison est réalisée pour chacune desunités de croissance de l’axe latéral et pour chaque axe latéral porté enposition 2 par les différents types d’unités de croissance (uc0, uc1 et uc2)qui constituent la deuxième pousse annuelle du tronc. Le tableau fournit lepourcentage de cas chez lesquels l’unité de croissance formée durantl’annéen–1 a un nombre de noeuds feuillés supérieur ou égal à celui del’unité de croissance formée l’année suivante.

Tableau 7. Comparaison de la structure des unités de croissancesuccessives d’un axe latéral d’ordre 2 du bas de l’arbre.

uc0 uc1 uc2 Toutes uc confondues

pa1–pa2 76 92 57 75

Nota : La comparaison porte sur l’évolution du nombre de noeudsfeuillés. Cette évolution est mise en évidence en soustrayant le nombre denoeuds feuillés d’une unité de croissance formée durant l’annéen (pa.n)au nombre de noeuds feuillés de l’unité de croissance formée l’annéeprécédente (pa.n–1). Cette comparaison est réalisée pour chacune desunités de croissance de l’axe latéral et pour chaque axe latéral porté enposition 2 par les différents types d’unités de croissance (uc0, uc1 et uc2)qui constituent la sixième pousse annuelle du tronc. Le tableau fournit lepourcentage de cas chez lesquels l’unité de croissance formée durantl’annéen–1 a un nombre de noeuds feuillés supérieur ou égal à celui del’unité de croissance formée l’année suivante.

Tableau 8. Comparaison de la structure des unités de croissancesuccessives d’un axe latéral d’ordre 2 du haut de l’arbre.

uc0 et uc1 uc2

No noeud 6e p.a. 4e p.a. 2e p.a. 6e p.a. 4e p.a. 2e p.a.

1 0 0 70 0 — 1002 0 11,7 37,2 0 0 503 0 26 52,5 0 0 55,54 0 34,6 63,1 0 57,1 1005 0 35,1 83,3 0 33,3 —6 0 50 — 0 — —

Nota : Les axes latéraux sont portés par les unités de croissanceprintanières (uc0 et uc1) et les unités de croissance estivales (uc2) quiconstituent les deuxièmes, quatrièmes et sixièmes pousses annuelles (p.a.)du tronc des arbres décrits, pour une numérotation allant de la base versle haut de l’arbre; les noeuds successifs des unités de croissance porteusessont numérotés du haut vers le bas.

Tableau 9. Évolution du pourcentage d’axes latéraux d’ordre 2en cours de dessèchement, secs ou élagués, en fonction de leurniveau d’insertion dans l’arbre et en fonction de leurs positionsrespectives au sein de certaines unités de croissance du tronc.

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processus qui caractérise son vieillissement. Le tableau 9présente le pourcentage d’A2 en cours de dessèchement,secs ou élagués, en fonction de leur niveau d’insertion surl’A1 et en fonction de leur position respective sur les ucprintanières et estivales du tronc. La mortalité est inexistantesur l’ensemble des A2 d’1 an situés dans le haut de l’arbre.En revanche, dans la partie basse du tronc, la mortalité desA2 âgés de 5 ans est importante. Par ailleurs, cette mortalitéest d’autant plus intense que les A2 concernés sont situésbas sur l’uc porteuse. Ce gradient positif acrofuge s’exprimede la même manière dans la partie médiane du tronc, maisavec une intensité moindre, puisque les A2 qui en découlentsont encore relativement jeunes (3 ans). La particularité desA2 portés par le noeud 1 est à nouveau confirmée, puisqu’àla base de l’arbre ces A2 chétifs ont un taux de mortalitéplus important que celui des A2 portés par le noeud 2.

Au cours de l’analyse architecturale de hêtres de 7 ans,nous avons pu mettre en évidence l’existence de grandstraits généraux qui, sous la forme de gradients simples, ca-ractérisent l’évolution du fonctionnement morphogénétique

des méristèmes primaires responsables de l’édification deleur système caulinaire.

Nous avons représenté la structure moyenne des différentstypes d’uc d’un jeune hêtre sous forme de schémas qui intè-grent ces différents gradients. La figure 12A représente deuxindividus théoriques dont l’axe principal est constitué depousses annuelles soit monocycliques (à gauche), soit poly-cycliques (à droite). De tels individus ayant un développe-ment strictement monocyclique ou polycyclique ne sauraientrefléter la réalité de l’ensemble des individus dont ils ne re-présentent qu’une petite partie (respectivement 22,6 et2,6%). Cette présentation permet cependant de visualisercorrectement l’évolution moyenne graduelle des structuressuccessivement mises en place par les arbres au cours deleur développement. Dans les deux cas, l’axe principal dé-bute par une petite pousse annuelle. Puis, à mesure que l’onprogresse vers le haut, ces pousses annuelles sont plus feuil-lées et plus longues, ceci pour les différents types d’uc (uc0,uc1 et uc2). Ce gradient positif acropète n’a pas la mêmeintensité pour toutes. Les uc printanières évoluent rapide-ment suivant les mêmes modalités, tandis que les uc esti-vales, plus petites que les précédentes, ont une évolutionplus lente.

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Fig. 12. (Synthèse) Les schémas en (A) représentent deuxindividus théoriques dont le tronc est constitué soit de poussesannuelles monocycliques (à gauche), soit de pousses annuellespolycycliques (à droite); la taille des figurés rectangulaires, quifigurent les unités de croissance, est fonction des valeursmoyennes observées; les différents grisés soulignent lesdifférents gradients décrits; le figuré non grisé commun aux deuxschémas et qui porte deux figurés ovales représente la premièreunité de croissance issue de la graine portant la paire decotylédons. En (B) est figurée l’intercalation des différentescatégories d’axes latéraux au cours de la croissance du hêtre. Àdroite, le schéma fournit une représentation simplifiée d’un hêtre.Les figurés rectangulaires de différentes tailles et de différentescouleurs représentent les unités de croissance de structuresdifférentes; les figurés rectangulaires non grisés représentent lesparties de la structure ramifiée encore trop jeunes pour portertoutes les catégories d’axes latéraux possibles. À gauche, lesdessins founissent une réprésentation réaliste des rameauxlatéraux d’ordre 2 insérés à différents niveaux sur l’axeprincipal, les flèches reliant les trois rameaux entre euxsoulignent les limites de leur première uc. En (C), les schémasreprésentent la structure d’unités de croissance ramifiées dedifférentes longueurs. Les figurés rectangulaires représentent lesunités de croissance; les figurés ovoïdes représentent lesbourgeons latéraux latents. En (D), le schéma représente lastructure d’un rameau latéral d’ordre 2 du bas de l’arbre. Lesfigurés rectangulaires de différentes tailles et de différentescouleurs représentent les unités de croissance de structures et delongueurs différentes; le figuré rond non grisé représente lasection transversale du tronc. En (E), les schémas illustrent lacroissance, le vieillissement et la mort des différents axeslatéraux d’ordre 2 sur les différents noeuds d’une uc du tronc.Les figurés rectangulaires de différentes tailles et de différentescouleurs représentent les uc de structures différentes; mortd’apex (×).

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Ces uc de différentes natures, lorsqu’elles sont ramifiées,portent des uc latérales dont les dimensions sont en partieinfluencées par les dimensions de leur porteur. Les uc printa-nières mettent en place les plus grandes uc latérales, tandisque les uc2 portent les uc les plus petites. Ainsi, en fonctionde leur niveau d’insertion dans l’arbre, les uc des axes laté-raux successifs présentent des structures différentes. Dans lebas de l’arbre (fig. 12B), les axes latéraux sont peu dévelop-pés, constitués d’uc courtes non ramifiées de deux à quatrenoeuds feuillés, ce sont les rameaux courts. Les axes laté-raux peuvent être aussi plus développés, constitués d’uc dequatre à huit noeuds feuillés portant uniquement des ra-meaux courts, ce sont les brindilles. À ce niveau de l’arbre,les structures ultimes, représentées par les rameaux courts,apparaîssent soit directement insérées sur le tronc en ordre 2,soit portées en ordre 3 par des rameaux latéraux un peu plusdéveloppés qui constituent les brindilles. Dans la partie mé-diane de l’arbre, le tronc constitué d’uc printanières pluslongues porte des rameaux latéraux plus développés, consti-tués d’uc latérales de 6 à 10noeuds, s’intercalant entre lui etles brindilles, ce sont les ramilles; les rameaux courts appa-raîssent en ordre 4 et ainsi de suite. De cette manière, lejeune arbre intercale des catégories d’axes latéraux dont lescaractéristiques morphologiques sont intermédiaires entreson axe principal et la catégorie ultime représentée par lesrameaux courts, catégorie progressivement repoussée vers lapériphérie de l’arbre. Ce phénomène est connu sous le nomde « croissance par intercalation » (fig. 12B), mode de déve-loppement défini par Edelin (1984) et observé au cours del’observation de diverses espèces ligneuses tropicales ettempérées (Barthélémy et al. 1997).

L’apparition successive de différentes catégories d’axeslatéraux, en allant des catégories les moins vigoureuses versles plus vigoureuses à mesure que l’on progresse du bas versle haut de l’arbre, se produit suivant les mêmes modalitéssur les uc estivales de l’axe principal. Cependant, en raisondu faible développement de celles-ci et d’une évolution pluslente de leur structure au cours du temps, les axes latérauxqu’elles mettent en place ont toujours un retard dans leur sé-quence de développement. Ces axes latéraux ont alors un dé-veloppement annuel et un degré de ramification inférieurs àceux des axes latéraux portés par les uc printanières.

Ces traits du développement du jeune hêtre illustrent unpremier gradient fondamental : l’installation progressive desstructures destinées à la constitution du système ramifié aé-rien depuis le stade de la graine. Ce phénomèned’établissement par une augmentation progressive du tauxde croissance global est appellé « effet de base » (Barcziet al. 1994) et caractérise le développement de beaucoupd’autres végétaux ligneux dont l’érable et l’orme (Troll1937), le frêne commun,Fraxinus excelsiorL. (Barthélémyet al. 1997), le pin maritime,Pinus pinasterAit. (Coudurieret al. 1994).

L’apparition chronologique des différentes catégoriesd’axes latéraux est reprise par les différentes uc de l’axeprincipal, ramifiées suivant un gradient positif acropète, quirendent compte des différents degrés de ramification atteintspar la plante à différents stades de son développement, maisaussi des différents degrés de ramification qu’elle a traversépour parvenir à un stade donné (fig. 12C). Dans le bas del’arbre, les uc du tronc les plus petites sont souvent des uc

courtes non ramifiées constituées de noeuds qui portent depetits bourgeons latents. À mesure que l’on progresse vers lehaut de l’arbre, les uc successives du tronc sont plus feuil-lées et plus longues, ceci par l’acquisition de noeuds supplé-mentaires qui s’intercalent entre les noeuds non ramifiésdécrits auparavant. Ces noeuds supplémentaires sont rami-fiés : les plus distaux porteront les nouvelles catégoriesd’axes latéraux, tandis que les noeuds de rang inférieur neporteront que les catégories d’axes apparues auparavant.L’uc ramifiée « résume », en quelque sorte, les différentespotentialités à ramifier atteintes par la plante à différentsmoments de sa vie. Ce type de construction est tout à faitcomparable à la « croissance par intercalation » (Edelin1984) citée auparavant. Cette notion qui s’appliquait àl’organisation de l’appareil aérien des arbres, niveaud’organisation donné, s’applique également à l’organisationde l’uc, unité élémentaire responsable de sa construction etqui constitue le niveau d’organisation inférieur.

La répartition et la structure particulières des différents ty-pes d’axes latéraux sur les uc du tronc révèle un deuxièmegradient fondamental : le phénomène « d’acrotonie pri-maire » mis en évidence par Rauh (1939) chez le hêtre, phé-nomène à la base de la construction de toute forme arboréeet qui favorise la formation et le développement des axeslatéraux les plus hauts sur la pousse.

Tandis que l’arbre grandit au milieu de ses voisins, deve-nant chaque année plus vigoureux, ses axes latéraux subis-sent, dès leur formation, une diminution graduelle de leurtaux de croissance annuel. Cette diminution consiste en uneréduction du nombre de noeuds feuillés et de la longueur deleurs uc successives. Cependant, en fonction de l’âge des ra-meaux, ce vieillissement est plus ou moins avancé. À la basede l’arbre, cette diminution touche tous les ordres d’axes quiconvergent vers un même point (fig. 12D), la structure « uccourte », structure ultime qui prélude à la mort et à l’élagagenaturel de cette structure ramifiée. En revanche, dans le hautde l’arbre, cette diminution qui touche des axes beaucoupplus développés ne fait que commencer. Ces axes présententencore des pousses relativement longues à leur périphérie.Là encore, l’uc, ramifiée suivant un gradient positif acro-pète, « résume » l’évolution de la ramification au cours dutemps (fig. 12E). Les axes les plus bas de l’uc sont les pre-miers à disparaître puisqu’ils sont, d’emblée, formés d’uccourtes : ce sont les rameaux courts dont la durée de vien’excède pas 3 à 4 ans à cestade de développement et dansles conditions environnementales données. En revanche, lesaxes les plus distaux sont composés, dès leur mise en place,d’uc bien développées. Dès lors, la transition de celles-civers des uc courtes, en passant par toutes les structures inter-médiaires, se fera sur un laps de temps plus important queprécédemment. Ces axes latéraux qui représentent les bran-ches seront ainsi les derniers à disparaître de l’uc.

La réduction graduelle du taux d’accroissement annuel etdu degré de ramification des axes les plus bas dans l’arbrerévèle un troisième gradient fondamental : le phénomène devieillissement des axes appellé aussi « effet de dérive » (DeReffye et al. 1991a), phénomène observé dans la cime dehêtres adultes (Roloff 1988), mais aussi sur d’autres espècesvégétales (Roloff 1989), sur le frêne commun,Fraxinus ex-celsior L. (Barthélémy et al. 1997), le cèdre,Cedrus atlan-tica Endl. (Masotti et al. 1994).

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L’étude de l’architecture de jeunes hêtres a permis demettre à jour et de décrire précisemment les différentes mo-dalités d’installation du système caulinaire du hêtre au coursdes premières phases de son développement. Grâce à l’ap-proche architecturale, méthode d’analyse qui conduit àconsidérer la plante comme un tout cohérent en intégrant lefonctionnement de l’ensemble de ses méristèmes caulinaires,il a été possible de proposer une vision dynamique du déve-loppement du hêtre.

Au cours des premières années de sa vie, le jeune hêtreest le siège d’un véritable phénomène de lente maturationqui s’exprime par une modification graduelle des caractéris-tiques biologiques des structures successivement émises.Chez le jeune hêtre ne disposant au moment de la germina-tion que des réserves cotylédonnaires pour pouvoir édifierdes structures assimilatrices, elle traduit une acquisition pro-gressive de nouvelles potentialités morphogénétiques par lesméristèmes édificateurs de l’organisme végétal limité sur leplan trophique. Au cours de son développement en clairière,le jeune hêtre par sa croissance caulinaire et racinaire ex-ploite un espace aérien et un espace souterrain de plus enplus grands et accède à des ressources en eau, minérales ouénergétiques plus importantes. Cette progression se traduitpar la formation de structures de plus en plus développéespar l’organisme végétal qui s’ajuste progressivement à sonmilieu en différenciant dans un ordre précis un nombre dé-fini de catégories d’axes orthotropes et plagiotropes (tronc,rameaux courts, etc., …).

Ce phénomène de maturation est restitué au travers detrois gradients simples qui rendent compte de l’évolution dela croissance (organogénèse et allongement) et de la génèsede la forme arborée des jeunes hêtres. Les phénomènes dé-crits chez ces jeunes arbres ne sont que l’ébauche d’unelongue métamorphose de l’organisme végétal qui pourradurer plus d’une centaine d’années et au cours de laquelle,celui-ci verra sa forme considérablement modifiée. Il seraitalors intéressant de voir comment les gradients précédem-ment décrits se modifient par la suite, ceci en étudiant deshêtres dans des envirronements très différents qui condition-nent la silhouette des arbres.

L’auteur remercie M. Berte, directeur du GEDEFOR 55,qui a permis la réalisation de ce travail en mettant gracieuse-ment à sa disposition le Bois du Marquis ainsi que toute sonéquipe qui l’a guidé dans cette forêt. Il remercie égalementY. Caraglio, D. Barthélémy et O. Chouillou pour la lecturecritique qu’ils ont fait du manuscrit.

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