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MÉMOIRE L’impact du développement de l’économie numérique en droit du marché touristique Par François CHENTOUF Master II Professionnel Droit du Tourisme Sous la direction de Monsieur Le Professeur Christophe LACHIÈZE Soutenu le 6 Juillet 2017

Archives de la DGE - MÉMOIRE · 2017. 12. 19. · 5 Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au titre de l’année 20162

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MÉMOIRE

L’impact du développement de l’économie

numérique en droit du marché touristique

Par

François CHENTOUF

Master II Professionnel Droit du Tourisme

Sous la direction de

Monsieur Le Professeur Christophe LACHIÈZE

Soutenu le 6 Juillet 2017

Page 2: Archives de la DGE - MÉMOIRE · 2017. 12. 19. · 5 Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au titre de l’année 20162

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Je tiens à remercier Monsieur Christophe LACHIÈZE pour ses précieux conseils à chaque étape de la

réalisation de ce mémoire ainsi que Madame Laurence JÉGOUZO pour sa disponibilité, sa patience, et son

aide au cours de cette année universitaire. Je leur en suis particulièrement reconnaissant.

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3

SOMMAIRE

INTRODUCTION............................................................................................................................................................. 4

PARTIE 1. UN RENFORCEMENT NÉCESSAIRE DE LA PROTECTION DU E-CONSOMMATEUR

TOURISTIQUE ..............................................................................................................................................................11

TITRE 1. UN RENFORCEMENT HEUREUX DE L’OBLIGATION D’INFORMATION INCOMBANT AUX

OPÉRATEURS TOURISTIQUES EN LIGNE ................................................................................................................... 11 Chapitre 1. Les obligations générales d’information du e-consommateur applicables aux opérateurs

touristiques en ligne ..............................................................................................................................................................12 Section 1. Une obligation d’information propre aux contrats conclus à distance applicable aux opérateurs

touristiques en ligne ....................................................................................................................................................................................................... 12 Section 2. Une obligation d’information renforcée incombant aux plateformes en ligne applicable aux

opérateurs touristiques en ligne ............................................................................................................................................................................ 17 Chapitre 2. Les obligations spéciales d’information du e-consommateur touristique ..................................19

Section 1. Une obligation d’information précontractuelle spécifique aux voyages à forfait et aux

prestations de voyage liées ....................................................................................................................................................................................... 19 Section 2. Une obligation d’information harmonisée en matière de prix des prestations de transport public

collectif de personnes ................................................................................................................................................................................................... 23

TITRE 2. UNE LUTTE ENGAGÉE CONTRE LES FAUX AVIS EN LIGNE, SOURCE DE

DÉSINFORMATION DU CONSOMMATEUR TOURISTIQUE ................................................................................ 27 Chapitre 1. La création d’une norme de bonnes pratiques en matière d’avis en ligne de consommateurs

......................................................................................................................................................................................................28 Section 1. Une norme non obligatoire ............................................................................................................................................................. 29 Section 2. Une norme nécessitant une autodiscipline des protagonistes de l’e-tourisme ......................................... 30

Chapitre 2. Une diversité de sanctions applicables aux faux avis en ligne de consommateurs .................31 Section 1. Un fait pénalement répréhensible .............................................................................................................................................. 31 Section 2. Un fait civilement répréhensible................................................................................................................................................. 33

PARTIE 2. UN DURCISSEMENT INDISPENSABLE DES RÈGLES DE CONCURRENCE

TOURISTIQUE APPLICABLES AUX PLATEFORMES EN LIGNE EN FAVEUR D’UNE MEILLEURE

RÉGULATION DU MARCHÉ TOURISTIQUE .....................................................................................................35

TITRE 1. LA PROCÉDURE D’ENGAGEMENTS, UNE METHODE SUI GENERIS D’ENCADREMENT

CONCURRENTIEL PRIVILEGIÉE AUX MESURES COERCITIVES ..................................................................... 36 Chapitre 1. Une proposition d’engagements à l’initiative de l’entreprise ........................................................37

Section 1. Une proposition d’engagements influencée par l’avis de la CEPC ................................................................. 37 Section 2. Une proposition d’engagements s’émancipant de l’avis de la CEPC ............................................................ 41

Chapitre 2. Une acceptation des engagements par l’Autorité de la concurrence ...........................................44 Section 1. Une acceptation dotant les engagements de la force obligatoire ....................................................................... 44 Section 2. Les bienfaits de l'entrée en vigueur des engagements difficilement évaluables..................................... 48

TITRE 2. UN NOUVEL ENCADREMENT JURIDIQUE DES ACTIVITÉS DES OPÉRATEURS

TOURISTIQUES EN LIGNE COMBLANT LES CARENCES DE LA PROCÉDURE D’ENGAGEMENTS . 56 Chapitre 1. L’instauration d’une disposition législative régissant les rapports entre les hôteliers et les

plateformes de réservation en ligne ................................................................................................................................52 Section 1. Une intention régulatrice restreinte du législateur ........................................................................................................ 52 Section 2. Une intention régulatrice novatrice du législateur ........................................................................................................ 58

Chapitre 2. La création inédite d’un groupe de travail européen de concurrence dans le secteur de la

réservation hôtelière en ligne ............................................................................................................................................61 Section 1. Une évaluation concertée des remèdes révélatrice d’une volonté d’harmonisation ............................ 62 Section 2. Une harmonisation franco-allemande des remèdes déjà effective .................................................................... 67

BIBLIOGRAPHIE ..........................................................................................................................................................69

ANNEXES ........................................................................................................................................................................70

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4

INTRODUCTION

L’académicien André SIEGFRIED affirmait en 1955 que « le développement du tourisme

suit fidèlement celui de la société, dont il est en quelque sorte fonction »1. C’est ainsi qu’il

remarqua à l’époque que le tourisme « s’intègre étroitement dans l’évolution industrielle ». Cette

analyse se transpose aisément à l’évolution numérique actuelle ; le tourisme s’étant intégré à l’ère

du numérique, le droit doit donc s’adapter à ces nouvelles pratiques touristiques.

Le numérique a révolutionné bien des domaines de telle sorte qu’il constitue aujourd’hui une

véritable économie. C’est en ce sens que l’on parle désormais d’économie numérique, laquelle

bouleverse les systèmes traditionnels. Nous sommes passés d’un échange réel à un échange de plus

en plus dématérialisé caractéristique de « l’ère numérique ». En effet, les échanges économiques se

font de plus en plus via internet, une technologie qui a notamment révolutionné le tourisme.

Désormais, nous pouvons par exemple réserver un voyage en un clic, sans se déplacer dans une

agence de voyages physique.

Cette révolution numérique profite a priori au consommateur puisque ce système lui permet de

consommer plus facilement, plus rapidement, directement depuis son domicile, sans même avoir

besoin de se déplacer. Toutefois, l’achat via des plateformes en ligne n’est pas toujours aussi

protecteur de l’intérêt des consommateurs qu’il n’y paraît. En effet, le consommateur peut être plus

facilement trompé dans le choix qu’il réalise, notamment à cause des faux avis en ligne de

consommateurs qui ont pour effet de désinformer le véritable consommateur. Cette pratique des

faux avis en ligne de consommateurs nuit également aux professionnels du tourisme puisqu’ils

peuvent défaire une réputation en quelques clics.

Le droit doit donc s’adapter à cette nouvelle économie afin d’encadrer les nouveaux problèmes

juridiques et les conséquences économiques que suscite le développement de telles activités

numériques.

Parmi les problèmes juridiques engendrés par les activités touristiques numériques, on

retrouve notamment les pratiques anticoncurrentielles, les pratiques restrictives de concurrence,

mais également tout ce qui concerne l’information du consommateur, que ce soit antérieurement ou

postérieurement à la conclusion du contrat.

Quant aux effets économiques engendrés par le développement des activités touristiques

numériques, il s’agit par exemple de la différenciation tarifaire selon le canal de distribution,

notamment dans les contrats conclus entre les hôteliers et les plateformes de réservation en ligne ;

l’hôtelier réclamant le bénéfice de l’exercice de sa liberté tarifaire quel que soit le canal de

distribution.

Le numérique bouleverse l’activité des acteurs traditionnels du tourisme. Cette nouvelle forme

d’activité prend des formes diverses : le « modèle Airbnb » qui correspond à activité une mise à

disposition de logements appartenant à des particuliers contre rémunération, le développement des

agences de voyages et tour-opérateurs en lignes, ou encore des plateformes de réservation en ligne.

Certains ont une activité exclusivement en ligne, d’autres en partie seulement (en complément de

leur activité traditionnelle).

1

« Aspects du XXe siècle », André SIEGFRIED, Librairie Hachette, 1955

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Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au

titre de l’année 2016 2 – l’impact du développement des activités numériques sur ce secteur

d’activité mérite d’être précisément étudié.

Aujourd’hui, environ un tiers des réservations hôtelières 3 transite par les OTA (Online Travel

Agencies)4. On comprend alors que les hôteliers ne peuvent se passer d’une part significative de

leur chiffre d’affaires générée par de telles activités touristiques numériques. En effet, 45% des

français étant partis en vacances au cours de l’année 2013 ont réservé, totalement ou partiellement,

leur séjour en ligne5. En outre, l’outil numérique est fortement utilisé par les français en amont de

l’acte d’achat à titre d’information : 62 % des français partis en vacances ont préparé leur séjour en

ligne au cours de l’année 20136.

Le touriste veut de plus en plus être informé, voire surinformé, de sorte que le développement du

numérique représente en ce sens un outil considérable. Il ressort d’une étude réalisée en 20147,

qu’« Internet est devenu aujourd’hui la principale source d’information pour les touristes,

s’agissant de la destination qu’ils ont choisie, devançant très nettement tous les autres canaux

d’information, qui n’ont pas disparu pour autant »8.

2 Mémento du tourisme, DGE, édition 2016, page 24 : http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/stats-tourisme/memento/2016/2016-Memento-tourisme.pdf 3 Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur touristique français, du 10 février 2015, page 13 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i2556.asp 4 Sous le terme générique OTA, on regroupe les agences de voyages en ligne ainsi que les plateformes de réservation en ligne. 5 Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur touristique français, du 10 février 2015, page 24 6 Étude du cabinet Raffour Interactif : Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur touristique français, du 10 février 2015, page 24 7 Étude du cabinet Next Content, pour le compte de la Fevad 8 Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur touristique français, du 10 février 2015, page 24

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Source : Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur

touristique français, du 10 février 2015, page 24

De plus, le développement des activités touristiques en ligne a bouleversé l’organisation

traditionnelle des acteurs du tourisme. Monsieur François Victor a remarquablement schématisé,

dans un rapport de 20079 du Ministère du tourisme, ce passage d’un monde de la distribution

«ordonné et cloisonné» à une « nébuleuse complexe et mouvante » dans laquelle il est parfois

difficile de s’y retrouver.

Source : Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur

touristique français, du 10 février 2015, page 26

En outre, l’internet a permis de multiplier les canaux de distribution. À titre d’exemple, un

9 La commercialisation des produits et des destinations touristiques : en quoi Internet change-t-il la donne ? Étude réalisée par François Victor (cabinet Kanopee) à la demande du Ministère du Tourisme, Avril 2007 : http://archives.entreprises.gouv.fr/2012/www.tourisme.gouv.fr/stat_etudes/etudes/tic/rapport_innovation.pdf

- 24 -

Cette information n’est cependant pas uniforme. Internet n’existe pas

en tant que tel, ce sont ses contenus visibles qui importent ! Ainsi, le

consommateur ne se contente-t-il pas d’un seul site ni d’un seul outil. Sa recherche

est une recherche « multi écrans », intégrant les mobiles et les tablettes. Elle peut

se poursuivre tout au long du séjour.

L’enjeu principal, selon M. Thomas Steinbrecher, directeur du pôle

Voyage de Google France, consiste pour les acteurs du Net à « capter l’internaute

en étant présent de la façon la plus optimisée possible sur les différents écrans,

durant le “tunnel de 69 jours” que dure en moyenne une recherche de voyage

avant d’aboutir à l’achat » (1).

Le « e-touriste » est un acteur potentiellement surinformé en amont,

qui compare à sa guise destinations ou offres de services, et opère sa sélection à

partir de divers critères – le prix n’étant pas le moindre. Le cas échéant, il

compose lui-même son voyage ou opte pour un forfait tout compris. La

réservation sur Internet est pratique, représente un gain de temps, s’effectue à tout

moment et permet éventuellement de se décider à la dernière minute, en profitant

d’offres promotionnelles. En 2013, 45 % des Français partis en vacances ont

ainsi réservé tout ou partie de leur séjour en ligne.

Notons enfin que le « touristonaute » devient fréquemment, en aval de

son séjour, un acteur de la société de la recommandation. Non seulement, il

partage et échange ses impressions sur des forums et autres réseaux sociaux, mais

note éventuellement les opérateurs touristiques sur des sites spécialement dédiés.

(1) Intervention de M. Thomas Steinbrecher au 5e forum du syndicat des entreprises du tour-operating,

http://www.ceto.to/blobs/medias/s/25656de4abc001ef/2_1_seto_google_steinbrecher_131210_clipping.pdf.

- 26 -

Si les systèmes de vente ont beaucoup évolué depuis, Internet a permis

de multiplier les possibilités pour les producteurs. Un même hôtelier peut être

affilié à une ou plusieurs centrales de réservation, gérer son allotement sur une

place de marché, ou encore participer à une centrale territoriale. Il peut aussi

vendre en direct s’il dispose des outils adéquats.

Les producteurs ont ainsi développé parallèlement plusieurs canaux de

distribution entraînant d’importantes modifications dans la traditionnelle

chaîne de valeur qui séparait les producteurs et les distributeurs et

assembleurs de produits touristiques. Les intermédiaires traditionnels du tourisme

(agences de voyages et tour-opérateurs) voient leur modèle économique menacé.

Cette remise en question touche aussi les organismes locaux, offices du tourisme

et comités départementaux, lorsqu’ils commercialisent eux-mêmes des prestations.

Tous ces acteurs se doivent aujourd’hui d’avoir une meilleure visibilité dans

l’écosystème digital.

L’affaiblissement des intermédiaires traditionnels dans la chaîne de

distribution semble être pour les producteurs une bonne nouvelle. M. René Marc

Chikli, président du syndicat des entreprises du tour-operating (SETO) a observé

lors de son audition, qu’à chaque génération, a correspondu pour la profession

l’identification d’un nouvel “ennemi” : il y a eu les guides et les offices locaux, les

tour-opérateurs, les GDS… Le sujet du commissionnement des produits

touristiques serait tabou, d’une manière générale, quel que soit le canal de

distribution. C’est une réflexion qu’il convient de garder précieusement en

mémoire !

À bien des égards, les « producteurs » bénéficient donc de ces

évolutions. Le numérique par une optimisation de la ressource disponible favorise

la commercialisation d’une offre qui n’aurait pas forcément trouvé preneur. Il fait

émerger des offres innovantes de produits et de services, davantage spécialisées.

Internet, les moteurs de recherche, les réseaux sociaux offrent au tourisme français

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hôtelier peut désormais recourir aux services d’une ou plusieurs plateformes de réservation en ligne

et/ou disposer de sa propre centrale de réservation en plus du mode de réservation traditionnelle

(par téléphone). Cette multiplication des canaux de distribution bouleverse la chaîne de

distribution traditionnelle de sorte que les opérateurs touristiques traditionnels voient leur activité

menacée ; il est désormais indispensable pour eux de disposer d’une meilleure visibilité

numérique.

Les activités numériques ont tellement impacté le secteur touristique qu’il existe désormais un

véritable marché spécifique dédié à l’e-tourisme. En ce sens, une étude publiée en mai 201410 par la

DGCCRF11 a mis en évidence le développement incontestable du tourisme en ligne qui demeure en

progression constante. Le marché de l’e-tourisme « aurait quasiment triplé au cours des huit

dernières années selon la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance (Fevad) : il pesait

en 2013 pour 12,4 milliards €, contre 4,2 milliards € en 2006 »12.

Source : Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur

touristique français, du 10 février 2015, page 27

En raison du développement de l’e-tourisme, est donc apparue la nécessité de réguler l’activité

numérique des opérateurs touristiques non seulement afin d’assurer une protection effective du

consommateur quel que soit le canal de distribution qu’il choisit (en ligne ou hors ligne), mais

également pour une éviter une dérégulation du marché touristique causée par des pratiques

restrictives de concurrence ou encore des pratiques anticoncurrentielles.

Le droit du tourisme n’étant pas une matière autonome, mais au contraire une matière transversale

regroupant plusieurs branches du droit, l’impact du développement des activités numériques est

nécessairement protéiforme.

10

http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/documentation/dgccrf_eco/dgccrf_eco27.pdf 11 Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes 12 Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur touristique français, du 10 février 2015, page 27

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8

Le touriste est par essence vulnérable étant donné qu’il voyage parfois très loin de son

environnement habituel ; non seulement il ne connaît pas nécessairement le droit local du pays qu’il

visite, mais également il ne parle pas toujours la langue locale. En ce sens, le touriste mérite une

protection renforcée par rapport au simple consommateur de droit commun protégé par le Code de

la consommation. Cette protection renforcée se trouve dans le Code du tourisme, qui évince parfois

le Code de la consommation – par application de l’adage selon lequel la règle spéciale évince la

règle générale – dans le but de protéger davantage le consommateur touristique (ou touriste-

consommateur).

Nous traiterons de l’impact du développement de l’économie numérique en droit du marché

touristique dans ses deux volets, à savoir celui du droit de la consommation, qui a pour vocation de

protéger le touriste-consommateur, et celui du droit de la concurrence, qui s’applique aux relations

entre les opérateurs touristiques.

Encore faut-il préalablement définir « le droit du marché touristique ». En raison de la complexité

de cette notion, il est nécessaire pour ce faire de définir dans un premier temps la notion générale de

« marché », puis dans un second temps celle de « tourisme ». En combinant ces deux définitions, il

nous sera alors possible de donner une définition précise du « marché touristique » et par

conséquent de celle du « droit du marché touristique ».

La notion de droit du marché fait référence au « marché pertinent » ou « marché de référence »,

c’est-à-dire « du marché auquel il convient de se référer pour apprécier le comportement d’un

opérateur, lorsque le marché est né spontanément de l’activité économique »13.

« Le marché définit l’entité de base, la catégorie élémentaire du droit de la concurrence »14.

On remarquera qu’en droit de l’Union européenne, il est fait référence à la notion de « marché en

cause » pour désigner le « marché pertinent » du droit interne.

« Le marché, au sens où l’entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se

rencontrent l’offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. En théorie, sur un

marché, les unités offertes sont parfaitement substituables pour les consommateurs qui peuvent

ainsi arbitrer entre les offreurs lorsqu’il y en a plusieurs, ce qui implique que chaque offreur est

soumis à la concurrence par les prix des autres. À l’inverse, un offreur sur un marché n’est pas

directement contraint par les stratégies de prix des offreurs sur des marchés différents, parce que

ces derniers commercialisent des produits ou des services qui ne répondent pas à la même demande

et qui ne constituent donc pas, pour les consommateurs, des produits substituables. Une

substituabilité parfaite entre produits ou services s’observant rarement, le Conseil (aujourd’hui

remplacé par l’Autorité de la concurrence) regarde comme substituables et comme se trouvant sur

un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs

les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une

même demande ».15

13

« Droit du maché », Claude Lucas de Leyssac et Gilbert Parleani, édition THÉMIS 2002, page 168 14

« Principes de concurrence », A. Bienaymé, édition Economica, 1998, page 295 15

« Rapport d’activité 2001 », Conseil de la concurrence, édition La documentation française, 17 juillet 2002, page 79 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/024000476.pdf

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Ainsi, on peut définir le « marché pertinent » comme étant celui où se rencontrent l’offre et la

demande de produits ou services qui sont considérés par les acheteurs ou les utilisateurs

comme substituables entre eux.

On remarque que le marché est délimité par la notion essentielle de substituabilité des produits et

services, laquelle peut s’apprécier en fonction de deux approches16 :

- l’usage des biens ou services en cause et la satisfaction des besoins des demandeurs ;

- et la zone géographique dans laquelle ces besoins peuvent être satisfaits et où ces biens ou

services sont accessibles.

La délimitation du marché pertinent s’effectue donc en deux étapes :

- dans un premier temps, l’Autorité de la concurrence identifie les biens et les services qui

s’échangent sur ce marché ;

- puis dans un second temps, l’Autorité de la concurrence définit la zone géographique

concernée.

C’est ainsi que l’on considère que la notion de « marché » a deux composantes :

- une composante matérielle fondée sur la notion de substituabilité des produits et des

services ;

- et une composante géographique permettant de délimiter la zone géographique du marché

pertinent.

Le « tourisme » se définit communément comme « l’action de voyager et de visiter des lieux pour

son agrément »17. Cette définition subjective, reposant sur le mobile du voyage, est difficile à

mettre en œuvre. Il faut donc retenir une définition plus objective du tourisme, reposant sur le

déplacement, telle que celle proposée par l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) : le

tourisme correspond ainsi aux « activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages

et de leurs séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel, à des fins de

loisirs, pour affaires et autres motifs »18. Le terme « activités » devant être compris au sens général

d’occupations individuelles. Cette dernière définition a pour avantage de souligner le caractère

transversal du tourisme. Il n’existe pas d’activités spécifiques aux touristes ; les activités effectuées

par les touristes peuvent tout aussi bien être réalisées par des non-touristes. Le touriste est défini par

l’OMT comme « une personne qui séjourne plus de vingt-quatre heures en un lieu autre que son

environnement habituel, et pour quelque raison que ce soit ».

En combinant la définition retenue du « marché » avec celle du « tourisme », il nous est possible de

définir précisément le « marché touristique » comme étant celui où se rencontrent l’offre et la

demande de produits ou services touristiques qui sont considérés par les touristes comme

substituables entre eux. Un « produit touristique » étant définit comme « une offre complexe et

complémentaire de divers services mise à la disposition du consommateur dans un lieu touristique ;

16

Avis Conseil de la concurrence 2 mai 1996 n°96-A-05, annexe rapport AN n°2801 pour la loi 96-588 du 1er

juillet 1996, page 107 17

Dictionnaire Littré, Verbo Tourisme, sens 1 18

Organisation Mondiale du Tourisme et « Mémento du tourisme », DGCIS, édition 2010 : https://archives.entreprises.gouv.fr/2012/www.tourisme.gouv.fr/stat_etudes/memento/memento_2010.html

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10

elle comprend divers éléments tangibles et intangibles relevant de prestataires privés ou publics :

transport, hébergement, activités (culturelles, sportives, de détente …). » 19 Nous examinerons

uniquement le cas des produits touristiques offerts par des prestataires privés.

Le « droit du marché touristique » comprend alors toutes les règles de concurrence applicables

aux opérateurs touristiques entre eux, mais également toutes les règles de consommation qui

lient ces opérateurs touristiques aux clients, à savoir les touristes ; le touriste étant un

consommateur d’un ou plusieurs produits ou services touristiques.

Il n’existe pas véritablement de droit spécifique au marché touristique. La réglementation du

marché touristique est le reflet du caractère transversal du droit du tourisme. En effet, la

réglementation régissant le marché touristique est commune à celle de droit commun régissant le

marché, en l’occurrence les dispositions du Code de la consommation et du Code de commerce.

Toutefois, il existe des dispositions spécifiques au marché touristique qui se trouvent dans le Code

du tourisme, notamment celles introduites par la loi Macron20 aux articles L. 311-5-1 et suivants du

Code du tourisme régissant les rapports entre les hôteliers et les plateformes de réservation en ligne.

Ainsi, on peut légitimement se demander de quelle manière le droit du marché

touristique s’adapte au développement de l’économie numérique.

L’enjeu est d’identifier et de critiquer positivement et négativement les outils juridiques mis en

place par le droit français et le droit de l’Union européenne afin de résoudre les problèmes

juridiques et économiques engendrés par le développement de ces nouvelles pratiques. L’objectif

ultime de ces règles étant bien évidemment de garantir une protection effective du consommateur et

une régulation du marché touristique, que l’activité soit exercée de manière traditionnelle ou par le

biais des plateformes en ligne.

Cette dualité intrinsèque du droit du marché touristique opposant le droit de la consommation

touristique au droit de la concurrence touristique nous a amené à traiter le sujet en séparant ces deux

branches de la matière en deux parties distinctes, bien qu’en réalité ces deux branches présentent de

profondes convergences. En effet, les consommateurs touristiques ont un rôle essentiel dans le jeu

de la concurrence :

- d’une part, le touriste représente un véritable moteur de la compétition s’exerçant entre les

opérateurs touristiques ;

- d’autre part, le touriste est le bénéficiaire final des règles de concurrence.

Il nous paraît cependant plus pédagogue de traiter le sujet en séparant le droit de la consommation

touristique du droit de la concurrence touristique dans la mesure où les mesures mises en place pour

garantir l’existence d’un marché touristique sain divergent selon que l’on se place dans l’une ou

l’autre branche du droit du marché touristique.

Le développement de l’économie numérique a imposé aux pouvoirs publics d’appréhender

la question d’un point de vue juridique. Cela passe nécessairement par un renforcement de la

19

« Cas en marketing », Sylvie HERTRICH et Ulrike MAYRHOFER, édition EMS 2008, page 205 20 Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°181 du 7 août 2015, page 13537

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11

protection du consommateur touristique en ligne (Partie 1) qui est encore plus vulnérable en raison

de l’absence d’interaction réelle avec un opérateur touristique traditionnel auquel il pourrait

demander informations et conseils. Renforcer la protection du consommateur touristique ne suffit

pas à garantir un marché touristique sain dès lors que le droit de la consommation et le droit de la

concurrence doivent être appréhendés comme un tout, un ensemble cohérent et indivisible. En effet,

le droit de la concurrence bénéficie in fine au consommateur. C’est la raison pour laquelle le droit

de la concurrence a un véritable rôle dans la protection du consommateur. Il serait en ce sens inutile

de renforcer la protection du consommateur sans s’assurer que les règles de concurrence soient

adaptées au marché de référence, en l’occurrence le marché touristique. En conséquence, le

renforcement de la protection du touriste-consommateur est nécessairement complété par un

durcissement des règles de concurrence touristique applicables aux plateformes en ligne (Partie 2),

et ce dans le but de garantir une véritable cohérence du droit du marché touristique, condition sine

qua non de son efficacité.

Partie 1. Un renforcement nécessaire de la protection du e-

consommateur touristique

Le touriste étant par essence vulnérable lorsqu’il achète une prestation touristique au sens où

il ne peut pas la voir à l’avance, il est nécessaire de le protéger par des règles juridiques qui lui sont

spécifiques. Le consommateur touristique en ligne est encore plus vulnérable dans la mesure où il

ne voit pas en face de lui l’intermédiaire aux services duquel il a recours pour acheter une prestation

touristique sèche ou un voyage à forfait. Dès lors, il est indispensable de renforcer l’information du

e-consommateur touristique afin d’éclairer son consentement ; l’objectif étant de s’assurer que ce

dernier dispose bien de tous les éléments nécessaires pour faire son choix en connaissance de cause.

En outre, une fois le contrat conclu, l’opérateur touristique en ligne se doit de poursuivre

l’information du consommateur touristique afin de s’assurer de son consentement éclairé à chaque

étape. Ainsi, l’éclaircissement du consentement du e-consommateur touristique passe non

seulement par un renforcement de l’obligation d’information incombant aux opérateurs touristiques

en ligne (Titre 1), mais également par la lutte contre les faux avis en ligne (Titre 2) qui ont pour

effet de le désinformer et donc de le tromper dans le choix qu’il réalise.

Titre 1. Un renforcement heureux de l’obligation d’information

incombant aux opérateurs touristiques en ligne

En application du principe selon lequel la règle spéciale déroge à la règle générale, la règle

générale s’applique en l’absence de règle spéciale, de sorte que les opérateurs touristiques en ligne

sont soumis à une obligation d’information à la fois générale et spéciale au sens où ils doivent bien

évidemment respecter les obligations générales d’information propres au e-commerce en l’absence

de dispositions particulières (Chapitre 1), auxquelles s’ajoutent des obligations d’information

spécifiques au e-commerce touristique lorsque des règles spéciales existent (Chapitre 2). Il en

résulte qu’il ne peut y avoir de conflit de normes, mais au contraire une complémentarité entre les

normes spéciales et générales : les normes spéciales servant à combler les carences des règles

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générales, lesquelles ne sont pas toujours suffisamment bien adaptées aux besoins spécifiques du

secteur touristique.

Chapitre 1. Les obligations générales d’information du e-

consommateur applicables aux opérateurs touristiques en

ligne

Les obligations générales d’information du consommateur en ligne sont bien évidemment

applicables au secteur du e-tourisme en l’absence de dispositions spéciales. Ainsi, l’obligation

d’information propre aux contrats conclus à distance (Section 1) tout comme l’obligation

d’information renforcée à la charge des plateformes en ligne (Section 2) sont applicables aux

opérateurs touristiques en ligne, de sorte que ces derniers sont débiteurs de ces informations.

Section 1. Une obligation d’information propre aux contrats conclus

à distance applicable aux opérateurs touristiques en ligne

L’ordonnance du 14 mars 201621 a procédé à la recodification du Code de la consommation

dans le but de simplifier et d’améliorer la cohérence juridique des dispositions légales, le tout dans

l’intérêt des utilisateurs.22 Ce nouveau Code de la consommation est entré en vigueur le 1er juillet

2016.

Depuis la loi de 190523, le droit de la consommation n’a cessé de s’adapter à l’évolution des

marchés et des pratiques commerciales.

Ce nouveau Code contribue à améliorer l’intelligibilité et l’accessibilité de la législation et de la

réglementation au bénéfice des utilisateurs : consommateurs, professionnels, ou bien les autorités de

contrôle. En effet, les consommateurs pourront bénéficier d’un texte clarifié et ordonné en fonction

des étapes de l’acte d’achat. De plus, les professionnels bénéficieront d’une meilleure visibilité de

leurs obligations, et pourront plus facilement identifier les règles applicables et le cadre dans lequel

ils seront susceptibles d’être contrôlés et sanctionnés en cas de manquement. Enfin, les autorités de

contrôle, telle que la DGCCRF24, disposeront de procédures et de pouvoirs d’enquête simplifiés et

sécurisés regroupés dans un livre dédié.

Cette ordonnance a introduit le nouvel article L. 221-11 dans le Code de la consommation

prévoyant que « lorsque le contrat est conclu à distance, le professionnel fournit au consommateur,

de manière lisible et compréhensible, les informations prévues à l’articles L. 221-5 ou les met à sa

21

Ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation

22

Communiqué de presse de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la

Répression des Fraudes (DGCCRF) : « Refonte du Code de la consommation : publication de l’ordonnance

de recodification » : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/refonte-code-consommation-publication-

lordonnance-recodification 23

Loi du 1er

août 1905 sur les fraudes et falsifications en matière de produits et de services, JORF du 5 août 1905 24

Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes

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disposition par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée ». Les

informations dont fait référence ce texte sont les informations précontractuelles que le professionnel

doit fournir au e-consommateur, autrement dit les informations qui doivent être communiquées

préalablement à la conclusion du contrat à distance.

L’article L. 211-5 du même Code régit quant à lui l’obligation d’information précontractuelle d’un

professionnel à l’égard du consommateur dans le cadre d’un contrat de vente ou de fourniture de

services, ces informations devant elles aussi être communiquées de manière lisible et

compréhensible.

Derrière le terme « lisible » sont visées les informations écrites en très petits caractères, de sorte

qu’en pratique le consommateur conclut le contrat sans même avec lu ces informations ; soit parce

que son acuité visuelle ne le lui permet pas, soit parce que ces caractères n’avaient pas pour effet

d’attirer son attention.

Par ailleurs, l’information fournie doit être compréhensible, sous-entendu compréhensible pour un

consommateur lambda, qui n’a aucune qualification particulière dans le domaine considéré. Dès

lors, le professionnel ne doit pas utiliser un jargon trop technique qui aurait pour effet de ne pas

rendre compréhensible, et donc accessible, l’information qu’il communique au consommateur qui

par essence est n’est pas un professionnel25.

Cette double exigence de lisibilité et de compréhensibilité de l’information précontractuelle

participe à l’éclaircissement du consentement du consommateur, lequel pourra contracter en pleine

connaissance de cause étant donné qu’il disposera de toutes les informations nécessaires

préalablement à la conclusion du contrat. Toutes les informations utiles lui étant accessibles, le

consommateur sera ainsi en mesure de prendre une décision réfléchie, de sorte qu’il lui sera plus

difficile de remettre en cause judiciairement le contrat après sa conclusion pour ce motif. Le

caractère lisible et compréhensible relevant d’une question de fait, il est soumis à l’appréciation

souveraine des juges du fond. En conséquence, le rôle des juridictions du fond sera déterminant

dans les prochaines années à venir afin d’encadrer les notions juridiques de lisibilité et de

compréhensibilité (accessibilité) de l’information précontractuelle.

Parmi les informations précontractuelles visées à l’article L. 211-5 du Code de la consommation

figurent les caractéristiques essentielles, le prix du bien ou du service, les informations relatives aux

coordonnées du professionnel, aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à

25 Article liminaire du nouveau Code de la consommation modifié par la Loi n° 2017-203 du 21 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d'habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services (1), JORF n°0045 du 22 février 2017 texte n° 1 :

- consommateur : « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » ;

- non-professionnel : « toute personne morale qui n'agit pas à des fins professionnelles » ;

- professionnel : « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ».

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distance, à l’existence de Codes de bonne conduite, aux cautions et garanties, aux modes de

règlement des litiges et autres conditions contractuelles, ou encore aux modalités de résiliation. Est

également prévue l’information relative au droit de rétractation, et si le droit de rétractation ne peut

pas être exercé, doit être fournie l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de

ce droit ou les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation.

La charge de la preuve de la communication de ces informations incombe au professionnel26. Cette

règle s’inscrit dans la volonté de renforcer la cohérence du Code de la consommation. Le

professionnel étant débiteur de l’obligation d’informations précontractuelles, il apparaît logique que

la démonstration de la preuve de la communication de telles informations au consommateur lui

incombe. Bien que cette règle paraisse logique dans le cadre de la protection du consommateur face

à un professionnel, il n’en demeure pas moins qu’elle déroge au droit commun des obligations,

lequel fait peser, en principe, la charge de la preuve sur le demandeur, principe qui a été introduit à

l’article 1353 du nouveau Code civil par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrée en

vigueur le 1er octobre 2016 : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Or,

ici, un e-consommateur qui serait demandeur dans le cadre d’une action en justice qu’il engagerait à

l’encontre d’un professionnel ne serait pas tenu de rapporter la preuve de la bonne délivrance des

informations précontractuelles prévues par le Code de la consommation. En effet, un consommateur

qui n’aurait reçu de telles informations préalablement à la conclusion du contrat en ligne ne pourrait

pas en pratique rapporter cette preuve dans la mesure où cela reviendrait à prouver un fait négatif :

par essence, la preuve d’un fait négatif est impossible.

Il résulte de l’article L. 221-12 du Code de la consommation que lorsque la technique de

communication à distance utilisée impose des limites d’espace ou de temps pour la présentation des

documents comportant des informations précontractuelles, le professionnel dispose de la possibilité

de ne fournir que certaines d’entre elles – à savoir les informations relatives aux caractéristiques

essentielles des biens ou des services, le prix, l’identité du professionnel, la durée du contrat et le

droit de rétractation – et communiquer les autres informations par tout autre moyen.

Après la conclusion du contrat, au plus tard au moment de la livraison, ces informations devront

être confirmées sur un support durable, le contrat devant être accompagné du formulaire type de

rétractation27. Le support durable est défini comme tout instrument permettant au consommateur ou

au professionnel de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement afin de pouvoir

s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations

sont destinées et qui permet la reproduction à l’identique des informations stockées28. Il pourrait par

exemple s’agir de clés USB, DVD, disque dur etc … On remarquera que cette notion abstraite de

support durable risque d’être précisée ultérieurement par la jurisprudence afin d’encadrer plus

précisément cette définition légale. Pour ce faire, il sera important de connaître les cas dans lesquels

le support durable ne sera pas reconnu. Par ailleurs, le professionnel doit fournir au consommateur,

dans les mêmes conditions et avant l’expiration du délai de rétractation, la confirmation de son

accord exprès pour la fourniture d’un contenu numérique non présenté sur un support matériel

(application d’un smartphone, téléchargement d’un film ou d’une musique) et de son renoncement à

26

Article L. 221-7 du nouveau code de la consommation 27

Article L. 221-13, alinéa 1er

du nouveau code de la consommation 28

Article L. 221-1 du nouveau code de la consommation

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l’exercice du droit de rétractation29. Le but étant d’informer le consommateur à chaque étape du

processus de consommation, toujours dans le but d’éclairer son consentement à chaque étape, de

sorte qu’en cas de litige, l’étape litigieuse sera précisément ciblée, et par conséquent mieux traitée.

Concernant les contrats conclus par voie électronique, l’obligation d’information est renforcée.

Le professionnel doit rappeler au consommateur, avant qu’il ne passe sa commande, de manière

lisible et compréhensible, les informations relatives aux caractéristiques essentielles des biens ou

des services qui font l’objet de la commande, à leur prix, à la durée du contrat et, s’il y a lieu, à la

durée minimale des obligations contractuelles du consommateur30.

Le professionnel doit également veiller à ce que le consommateur, lors de sa commande reconnaisse

explicitement son obligation de paiement. À cette fin, la fonction utilisée par le consommateur pour

valider sa commande doit comporter, à peine de nullité31, la mention claire et lisible « commande

avec obligation de paiement » ou une formule analogue, dénuée de toute ambiguïté, indiquant que

la passation d’une commande oblige à son paiement32.

De plus, le site de commerce en ligne doit indiquer, au plus tard au début du processus du bon de

commande, les moyens de paiement acceptés et les éventuelles restrictions de livraison33.

Le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne

exécution des obligations résultant du contrat à distance, que ces obligations soient exécutées

par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice

de son droit de recours contre ceux-ci. Toutefois, il peut être exonéré de tout ou partie de sa

responsabilité s’il apporte la preuve que l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat est

imputable soit au consommateur, soit au fait, imprévisible et insurmontable, d’un tiers au contrat,

soit à un cas de force majeure34. À l’instar de la responsabilité de plein droit du vendeur ou

organisateur de voyage à forfait 35 prévue à l’article L. 211-16 du Code du tourisme, cette

responsabilité de plein droit dans le cadre du contrat à distance est une responsabilité automatique,

et d’ordre public au sens où l’on ne peut y déroger par des stipulations contractuelles, sauf si bien

sûr la loi le permet. Cette nouvelle responsabilité de plein droit s’appliquant à tout vendeur

professionnel de prestations par internet à un consommateur (non-professionnel), devrait également

s’appliquer aux plateformes de réservation et aux agences de voyages en ligne, y compris en dehors

d’une vente de forfait touristique. Le forfait touristique étant défini à l’article L. 211-2 du Code du

tourisme comme une combinaison préalable de deux ou plusieurs prestations incluant une nuitée ou

dépassant 24 heures, le tout proposé à un prix forfaitaire (« prix tout compris »).

Néanmoins, la responsabilité de plein droit de l’article L. 221-15 du nouveau Code de la

consommation ne s’applique pas non plus aux « contrats portant sur les services de transport de

passagers » selon les dispositions de l’article L. 221-2, 9° du Code de la consommation. Ainsi, une

agence de voyage en ligne qui vend à un consommateur un vol sec par exemple (vente d’un billet

d’avion sans aucune autre prestation additionnelle), et non un forfait touristique, n’est pas tenue de

la responsabilité de plein droit du nouveau Code de la consommation applicable aux vendeurs

29

Article L. 221-13, alinéa 2 du nouveau code de la consommation 30

Article L. 221-14, alinéa 1er

du nouveau code de la consommation 31

Article L. 242-2 du nouveau code de la consommation 32

Article L. 221-14, alinéa 2 du nouveau code de la consommation 33

Article L. 221-14 alinéa 3 du nouveau code de la consommation 34

Article L. 221-15 du nouveau code de la consommation 35

En effet, l’article L. 211-17 du code du tourisme exclut du champ d’application de la responsabilité de plein droit de l’article L. 211-16 du même code en dehors du cas du forfait touristique (voyage à forfait).

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professionnels liés à un consommateur (non-professionnel) dans le cadre d’un contrat à distance.

Dès lors, un agent de voyages en ligne qui vend un vol sec à un consommateur agit en qualité de

simple mandataire ; dès lors, on applique le régime du contrat de mandat prévu aux articles 1984 et

suivants du Code civil. En pareilles circonstances, l’agent de voyages en ligne n’est pas responsable

de plein droit de la bonne exécution des obligations découlant du contrat, de sorte que sa

responsabilité ne peut être engagée que pour faute de celui-ci sur le fondement de la responsabilité

civile contractuelle de l’article 1231-1 du nouveau Code civil. On remarquera que le texte ne vise

que « les services de transport de passagers » et non toutes les prestations touristiques sèches de

manière générale. Dès lors, une interprétation stricto sensu des textes conduirait à retenir

l’application du régime de la responsabilité de plein droit de l’article L. 221-15 du nouveau Code de

la consommation à l’encontre de l’opérateur touristique en ligne qui vendrait une prestation sèche

autre qu’une prestation de transport de passagers, telle qu’une prestation hôtelière. La jurisprudence

devra donc préciser ce texte pour savoir s’il convient de retenir cette interprétation stricto sensu ou

si au contraire il faudrait retenir une interprétation téléologique consistant à rechercher le but

poursuivi par le législateur. Selon cette dernière interprétation, le législateur qui a exclu les

prestations de transport de passagers du régime de responsabilité de plein droit de l’article L. 221-

15 du nouveau Code de la consommation aurait en réalité eu l’intention d’exclure de ce régime

toutes les prestations touristiques sèches dans la mesure où il existe une summa divisio présente

dans le Code du tourisme entre les prestations sèches et les voyages à forfait, lesquels sont soumis à

des régimes bien distincts : les premières sont soumises au régime de la responsabilité pour faute de

droit commun, tandis que les seconds sont soumis au régime de la responsabilité de plein droit de

l’article L. 211-16 du Code du tourisme.

Concernant « les règles relatives aux contrats de vente de voyages et de séjours à forfait » (voyages

à forfait), l’article L. 224-104 du nouveau Code de la consommation renvoie aux dispositions du

Code du tourisme, de sorte que la responsabilité générale de plein droit applicable au vendeur

professionnel à distance ne saurait éluder la responsabilité spéciale de plein droit du vendeur ou

organisateur de voyages à forfait prévue à l’article L. 211-16 du Code du tourisme. Ainsi, l’article

L. 221-15 du Code de la consommation ne s’applique pas à l’agence de voyages en ligne ou au tour

opérateur vendeurs de voyages à forfait en ligne, leurs responsabilités étant régies par les

dispositions spéciales du Code du tourisme. C’est la raison pour laquelle l’article L. 221-2, 5° du

nouveau Code de la consommation exclut l’application de ces dispositions du Code de la

consommation aux contrats à distance portant sur un forfait touristique.

Cette responsabilité de plein droit du professionnel à l’égard du consommateur dans le cadre de

contrats à distance a été introduite pour la première fois dans le Code de la consommation par la loi

dite « LCEN » du 21 juin 2004 36 à l’ancien article L. 121-20-3, alinéa 4 du Code de la

consommation. Il s’agit d’une responsabilité très lourde pour le professionnel : l’obligation

découlant de cette responsabilité étant une obligation de résultat, le simple fait que le résultat ne

soit pas atteint suffit à engager la responsabilité du vendeur professionnel à distance, sans avoir à

prouver une quelconque faute de sa part. Le résultat en question étant la bonne exécution des

obligations découlant du contrat à distance, la simple inexécution ou défaillance dans l’exécution

36

Loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, JORF n°0143 du 22 juin 2004, page 11168, texte n°2

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des obligations suffirait à engager automatiquement la responsabilité du professionnel, celui-ci ne

pouvant se dégager de sa responsabilité qu’en rapportant la preuve de l’existence d’une cause

d’exonératoire. Ce texte a bien évidemment été inspiré de l’article L. 211-16 du Code du tourisme.

Ainsi, en cas de manquement d’un opérateur touristique en ligne à son obligation d’information

découlant du Code de la consommation, le consommateur disposerait d’une option entre deux

actions possibles :

- Une action en responsabilité de plein droit sur le fondement de l’article L. 221-15 du

nouveau Code de la consommation. Ainsi, le simple manquement à l’obligation

d’information suffirait à engager la responsabilité automatique du prestataire.

- Et une action en responsabilité civile contractuelle sur le fondement de l’article 1231-1 du

nouveau Code civil qui nécessite de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice, et d’un

lien de causalité entre la faute et le préjudice, qui lui permettrait d’obtenir des dommages-

intérêts limités à hauteur des dommages-intérêts prévisibles au moment de la conclusion du

contrat37. La charge de la preuve incomberait bien évidemment au demandeur38.

Le consommateur choisira dans la plupart des cas d’engager une action sur le fondement de la

première action, celle-ci lui évitant de prouver l’existence d’une quelconque faute de la part du

vendeur professionnel en ligne.

Outre l’obligation d’information spécifique aux contrats à distance, le législateur a procédé

au renforcement de l’obligation d’information à la charge des plateformes en ligne, toujours dans le

but d’éclairer le consentement du e-consommateur.

Section 2. Une obligation d’information renforcée incombant aux

plateformes en ligne applicable aux opérateurs touristiques en ligne

La loi du 7 octobre 201639 a entendu renforcer la protection du e-consommateur tout en se

souciant de la loyauté des plateformes, ce qui nécessite dans un premier temps de les définir. Est

ainsi qualifié d’opérateur de plateforme en ligne « toute personne physique ou morale proposant,

à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en

ligne reposant sur :

• le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de

biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;

• ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture

d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service. »40

Sont notamment compris dans les plateformes en ligne les sites comparateurs ainsi que les

plateformes de vente en ligne.

Tout opérateur de plateforme en ligne est désormais tenu de délivrer au consommateur une

information soumise à une triple exigence41 de loyauté, de clarté, et de transparence, celle-ci

portant sur :

37

Article 1231-3 du nouveau code civil 38

Article 1353 du nouveau code civil : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». 39 La loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, JORF n°0235 du 8 octobre 2016, texte n° 1

40

Article L. 111-7, I du nouveau code de la consommation 41

Article L. 111-7, II du nouveau code de la consommation

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• « les conditions générales d'utilisation du service d'intermédiation qu'il propose et sur les

modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou

des services auxquels ce service permet d'accéder » (1°) ;

• « l'existence d'une relation contractuelle, d'un lien capitalistique ou d'une rémunération à

son profit, dès lors qu'ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des

biens ou des services proposés ou mis en ligne » (2°) ;

• « la qualité de l'annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile (…),

lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-

professionnels » (3°).

On notera qu’un décret précisera ultérieurement les conditions d’application de cette triple exigence

de qualité de l’information que le professionnel doit délivrer au consommateur, sachant que ces

conditions tiendront compte de la nature de l’activité des opérateurs en ligne. De plus, ce décret

précisera pour les comparateurs en ligne (les opérateurs de plateforme en ligne « dont l’activité

consiste en la fourniture d’informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques

de biens ou de services proposés par des professionnels ») les informations qui devront être

communiquées aux consommateurs portant sur les éléments de cette comparaison.

Enfin, il est prévu à l’article L. 111-7-1 du nouveau Code de la consommation que les plateformes

en ligne qui ont une activité dépassant un nombre de connexions, qui sera précisé par décret,

doivent élaborer et diffuser aux consommateurs des bonnes pratiques visant à renforcer la triple

exigence de qualité de l’information : loyauté, clarté, et transparence. Pour contrôler ces bonnes

pratiques, les autorités administratives (les agents de la DGCCRF 42 ) pourront diligenter des

enquêtes qui leur permettront d’évaluer et de comparer les pratiques des opérateurs de plateformes

en ligne, notamment en recueillant auprès de ces opérateurs des informations utiles à l’exercice de

cette mission, et en diffusant périodiquement les résultats de ces évaluations et comparaisons,

sachant que la liste des plateformes en ligne qui ne respectent pas leurs obligations d’information

renforcée prévues à l’article L. 111-7 du nouveau Code de la consommation sera rendue publique.

Cette mesure de publicité des « mauvais élèves » vise à dissuader leurs concurrents de manquer à

leurs obligations d’information des consommateurs. En effet, une telle publication aurait pour effet

de ternir l’image de la plateforme, à l’instar des voleurs dont la photographie est affichée à l’entrée

des supermarchés américains. En ternissant l’image de telles plateformes, cela dissuade les

consommateurs de recourir aux services de celles-ci. Cette mesure de publicité revient donc à

évincer du marché les « mauvais élèves » par une mesure davantage économique que juridique dans

la mesure où ces plateformes fichées auront une image peu rassurante pour les consommateurs, de

sorte qu’ils perdront en pratique leur clientèle, ce qui aura forcément un impact sur leur chiffre

d’affaires.

42

Article L. 511-3 du nouveau Code de la consommation : « Les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à rechercher et constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées à la présente section dans les conditions définies par celles-ci. »

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On notera enfin que le délai de rétractation de 14 jours prévu pour les contrats à distance43 est écarté

pour certaines prestations touristiques sèches par l’article L. 221-28, 12° du nouveau Code de la

consommation : « prestations de services d'hébergement, autres que d'hébergement résidentiel,

(…), de locations de voitures, de restauration ou d'activités de loisirs qui doivent être fournis à une

date ou à une période déterminée ».

En raison du caractère transversal du tourisme, en plus des obligations générales

d’information du e-consommateur, les opérateurs touristiques sont débiteurs d’une obligation

d’information spécifique au e-consommateur touristique dans certains cas bien précis.

Chapitre 2. Les obligations spéciales d’information du e-

consommateur touristique

Il existe des dispositions prévoyant des obligations spéciales d’information propres au

consommateur de prestations touristiques en ligne dans le cadre des voyages à forfait ou des

prestations de voyage liées (Section 1), ou encore concernant les prix de certains services de

transport public collectif de personnes (Section 2) qu’ils soient aériens, maritimes, terrestres etc…

Section 1. Une obligation d’information précontractuelle spécifique

aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées

Le développement de l’économie numérique dans le secteur du tourisme a conduit le

législateur de l’Union européenne à adapter la directive du 13 juin 199044 devenue obsolète en

raison du fait que certains services de voyages se trouvent dans une zone juridiquement floue ou ne

relèvent pas du tout du champ d’application de ladite directive. C’est la raison pour laquelle le

législateur de l’Union européenne a introduit une nouvelle directive en date du 25 novembre 201545,

abrogeant celle de 199046, dans le but « d’adapter le cadre législatif en vigueur aux évolutions du

marché, afin de le mettre en adéquation avec le marché intérieur, de supprimer les ambiguïtés et de

combler les vides juridiques »47. À noter que les États membres de l’Union devront transposer

ladite directive au plus tard le 1er janvier 2018, date de son entrée en vigueur48. L’objectif ultime de

cette directive consiste à « adapter l’étendue de la protection » du consommateur afin de tenir

compte des évolutions numériques qui ont impacté le secteur touristique, à « améliorer la

transparence » et à « accroître la sécurité juridique en faveur des voyageurs et des

professionnels »49.

Il est ainsi prévu que les organisateurs de voyages à forfait ou de prestations de voyage liées

devraient fournir des informations d’ordre général en matière de visas dans le pays de destination,

43

Article L. 221-18 du nouveau Code de la consommation 44

Directive 90/314/CEE du Conseil du 1 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait, JOCE L 158 du 23 juin 1990, page 59 45

Directive (UE) 2015/2302 du parlement européen et du conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, JOUE L 326 du 11 décembre 2015, page n°1 46

Article 29 de la directive (UE) 2015/2302 47

Considérant 1 de la directive (UE) 2015/2302 48

Article 28 de la directive (UE) 2015/2302 49

Considérant 2 de la directive (UE) 2015/2302

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20

sachant que les informations relatives au délai approximatif d’obtention des visas peuvent être

fournies sous la forme d’un renvoi aux informations officielles du pays de destination50. Certes, le

droit français prévoit déjà que l’agent de voyages doit informer le client, préalablement à la

conclusion du contrat, sur les conditions de franchissement des frontières 51, c’est-à-dire sur les

formalités administratives et sanitaires à accomplir par les nationaux ou ressortissants d’un autre

État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, notamment en matière

de franchissement des frontières ainsi que leurs délais d’accomplissement52. Toutefois, ce n’est pas

forcément le cas de tous les pays membres de l’Union, de sorte qu’une harmonisation de

l’information renforcerait la sécurité juridique des citoyens de l’Union qui seraient amenés à

voyager dans un autre État membre, que ce soit pour des motifs de loisir ou d’affaires. La seule

particularité est que la directive fait peser la délivrance de ces informations sur « les

organisateurs » tandis que le droit français le prévoit pour « le vendeur ». Sous le terme

« organisateur » sont bien évidemment visés les tour-opérateurs qui créent le voyage avant de le

vendre aux agences de voyages, qui elles-mêmes le revendront au consommateur touristique. Dès

lors, faire peser une obligation d’information sur un professionnel qui n’est pas en contact direct

avec le consommateur est critiquable. En effet, c’est l’agent de voyages qui contracte directement

avec le client, il devrait donc être débiteur d’une telle obligation d’information. Le législateur de

l’Union européenne semble toutefois privilégier la responsabilité de l’organisateur, créateur du

voyage et qui en est donc responsable coûte que coûte, plutôt que la rationalité qui aurait conduit à

responsabiliser l’agent de voyages, vendeur du voyage qui pourtant est au contact direct du

consommateur, et ce quel que soit le canal de distribution : que la prestation soit vendue en ligne ou

hors ligne (par le biais d’une agence de voyages physique traditionnelle). Cependant, l’article 5, 1. f

) de la directive (UE) 2015/2302 vient remédier partiellement à cette critique étant donné qu’il

prévoit que cette information précontractuelle doit être délivrée par l’organisateur, ainsi que par le

détaillant lorsque les forfaits sont vendus par l’intermédiaire d’un détaillant. Il s’agit donc en réalité

d’une responsabilité partagée entre l’organisateur et le détaillant dans le cas du voyage à forfait.

Néanmoins, cette responsabilité partagée ne vaut que pour le cas du voyage à forfait, et non pour les

prestations de voyage liées. À noter que cette responsabilité partagée s’étend au-delà de la simple

fourniture des informations précontractuelles relatives aux formalités administratives à accomplir ;

sont visées toutes les informations précontractuelles prévues par la présente directive à l’article 5,

celle-ci prévoyant une responsabilité conjointe des détaillants avec l’organisateur du voyage à

forfait en ce qui concerne la fourniture des informations précontractuelles53 sans distinction.

L’obligation conjointe impose au créancier (en l’espèce, le touriste) de diviser ses poursuites entre

ses codébiteurs (détaillants et organisateur du voyage à forfait) sachant qu’il ne peut demander à

chacun plus que sa part contributive. Le législateur de l’Union a donc entendu responsabiliser

l’organisateur du voyage à forfait en le rendant codébiteur de l’obligation de délivrance

d’informations précontractuelles au consommateur touristique alors même qu’il n’est pas au contact

direct avec celui-ci. Dans le même sens, il est également prévu que les voyageurs devraient pouvoir

prendre contact avec l’organisateur, soit directement, soit par l’intermédiaire du détaillant qui leur a

vendu le forfait. L’organisateur devient ainsi un interlocuteur supplémentaire au service du

consommateur touristique.

50

Considérant 28 de la directive (UE) 2015/2302 51

Article L. 211-8 du Code du tourisme 52

Article R. 211-4, 5° du Code du tourisme 53 Considérant 24 de la directive (UE) 2015/2302

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21

La nouvelle directive prévoit également que « les professionnels qui facilitent les prestations de

voyage liées devraient être tenus d’informer les voyageurs qu’ils n’achètent pas un forfait et que les

prestataires de services de voyage individuels sont seulement responsables de la bonne exécution

de leurs contrats »54. La prestation de voyage liée étant définie comme « au moins deux types

différents de service de voyages achetés aux fins du même voyage ou séjour de vacances, ne

constituant pas un forfait entraînant la conclusion de contrats séparés avec des prestataires de

service de voyage individuels, si un professionnel facilite :

a) à l’occasion d’une seule visite à son point de vente ou d’une seule prise de contact avec

celui-ci, le choix séparé et le paiement séparé de chaque service de voyage par les

voyageurs ;

b) ou d’une manière ciblée, l’achat d’au moins un service de voyage supplémentaire

auprès d’un autre professionnel lorsque le contrat avec cet autre professionnel est

conclu au plus tard 24 heures après la confirmation de la réservation du premier service

de voyage »55.

De plus, il résulte des dispositions de la présente directive que les consommateurs touristiques

devraient être protégés des erreurs survenant au cours de la procédure de réservation de forfaits et

de prestations de voyage liées 56 , compte tenu des bugs susceptibles d’intervenir en cas de

réservation en ligne.

Sont par ailleurs prévues des obligations d’informations précontractuelles spécifiques au

contrat de voyage à forfait57 qui sont seules régies par le principe de responsabilité conjointe de

l’organisateur et des détaillants.

Les informations objectivement essentielles – figurant sur les annonces publicitaires, sur

le site internet de l’organisateur ou dans des brochures – devraient engager l’organisateur 58 .

Toutefois, l’organisateur pourrait ne pas engager sa responsabilité s’il s’est réservé le droit

d’apporter des modifications à ces éléments, à condition que ces modifications soient

communiquées de manière claire, compréhensible et apparente au voyageur avant la conclusion du

contrat de voyage à forfait. Il est précisé que « compte tenu de nouvelles technologies de

communication, qui permettent d’actualiser facilement les informations, il n’est plus nécessaire de

prévoir des règles spéciales pour les brochures ; en revanche, il convient de veiller à ce que les

modifications des informations précontractuelles soient transmises au voyageur ». Bien

évidemment, en cas de consentement exprès des deux parties, rien ne les empêche de modifier les

informations précontractuelles : celles-ci n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent librement y

déroger.

Les informations précontractuelles que l’organisateur et le détaillant doivent communiquer

au consommateur touristique ne sont pas, en principe des informations personnalisées aux besoins

spécifiques de celui-ci mais au contraire des informations standardisées au moyen d’un

formulaire pertinent 59 . Par exception, l’organisateur et le détaillant devraient fournir une

54 Considérant 43 de la directive (UE) 2015/2302 55 Article 3, 5. de la directive (UE) 2015/2302 56 Considérant 45 de la directive (UE) 2015/2302 57

Article 5 de la directive (UE) 2015/2302 58 Considérant 26 de la directive (UE) 2015/2302

59

Voir Annexe 1

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22

information personnalisée tenant compte des besoins propres des voyageurs particulièrement

vulnérables – tels que des personnes âgées ou des personnes handicapées – que le professionnel

pourrait raisonnablement prévoir60. Ainsi, les vendeurs de forfait touristique en ligne devront se

montrer particulièrement diligents, non seulement sur l’âge du voyageur mais également sur son

état physique. Dès lors qu’un voyageur a mentionné son âge ou informé l’agence de voyages de sa

situation de personne handicapée, l’organisateur et le détaillant seront tenus responsables

conjointement en cas de manquement à l’information précontractuelle personnalisée.

Concernant le cas du voyage à forfait, s’ajoutent aux informations standards de principe d’autres

informations61 telles que les caractéristiques principales des services de voyages (prix total incluant

les taxes et tous les frais supplémentaires, les modalités de paiement, les dates du séjour, le nombre

de nuitées comprises dans le cas où l’hébergement est compris, les repas fournis, des informations

sur les assurances obligatoires ou facultatives etc…). Ces informations doivent être présentées de

manière claire, compréhensible, apparente ; et lorsqu’elles sont présentées par écrit, elles doivent

en plus être lisibles.

La délivrance des informations précontractuelles au consommateur de forfait touristique est

obligatoire peu importe le canal de distribution62 (en ligne ou hors ligne). Ces informations font

partie intégrante du contrat de voyage à forfait et ne peuvent être modifiées sans l’accord exprès des

deux parties63. Dès lors, ces informations précontractuelles deviennent contractuelles.

Concernant les sanctions du défaut d’information ou du manquement à l’obligation

d’information (délivrance d’une information erronée par exemple), il convient d’appliquer l’article

25 de la directive (UE) 2015/2302 qui prévoit les sanctions de manière générale pour toutes les

obligations imposées par la directive. Est ainsi prévu que les « États membres déterminent le régime

des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la

présente directive et prennent toute mesure nécessaire pour en assurer la mise en œuvre. Les

sanctions ainsi prévues sont effectives, proportionnées et dissuasives ». On remarque alors que les

États membres disposent d’une large marge de manœuvre en matière de sanctions à l’égard des

violations des dispositions de transposition de la présente directive. En effet, les mesures

répressives sanctionnant le manquement à l’obligation d’information dépendront des dispositions de

transposition prises par chaque État membre, et pourront ainsi fluctuer d’un État à un autre. Une

directive de l’Union européenne n’est pas d’application immédiate (contrairement au règlement), de

sorte qu’elle doit nécessairement être transposée en droit interne pour être applicable. Les États

membres disposent de marges de manœuvre quant à la transposition : ils doivent seulement

respecter les objectifs à atteindre, les moyens permettant d’atteindre ces objectifs restent libres. Dès

lors, il appartiendra à chaque État membre d’établir les mesures répressives qu’il considère comme

étant suffisamment efficaces afin de garantir l’effectivité de cette obligation d’information. Une

mesure répressive étant suffisamment efficace si elle est suffisamment dissuasive. Il est certain

qu’une répression qui ne saurait être dissuasive se révèlerait particulièrement inutile dans la mesure

60 Considérant 25 de la directive (UE) 2015/2302 61

Voir Annexe 2 62

Considérant 25 de la directive (UE) 2015/2302 : « Les voyageurs devraient recevoir toutes les informations nécessaires avant d’acheter un forfait, que celui-ci soit vendu par un moyen de communication à distance, en agence ou par d’autres modes de distribution ». 63

Article 6 de la directive (UE) 2015/2302

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23

où les opérateurs touristiques prendront, en pratique, le risque d’être sanctionnés sachant qu’en

réalité ils ne risquent pas grand-chose par rapport aux avantages qu’ils tirent de ces manquements à

l’obligation d’information (gain de temps etc…) : le rapport bénéfices/risques étant à leur avantage.

Il est donc primordial que le législateur national réfléchisse en amont aux conséquences qu’une

disposition légale de transposition de la directive pourrait avoir sur le marché touristique puisque le

juge étant en charge uniquement de l’interprétation de la loi, ne peut suppléer la carence du

législateur.

À ces obligations spéciales d’information propres au consommateur de prestations

touristiques en ligne dans le cadre de voyages à forfait ou de prestations de voyage liées s’ajoutent

celles concernant les prix des prestations de transport public collectif de personnes,

indépendamment du mode de transport utilisé.

Section 2. Une obligation d’information harmonisée en matière de

prix des prestations de transport public collectif de personnes

S’inscrivant dans le cadre d’un renforcement constant de la protection du consommateur par

le biais d’une meilleure information de celui-ci, un arrêté en date du 10 avril 201764 vient régir

l’information relative aux prix des prestations de services de transport public collectif de personnes,

dès l’instant de la réservation d’un billet de transport sur une ligne régulière, quel que soit le mode

transport utilisé : ferroviaire, guidé, routier, maritime, fluvial, ou aérien ; cette information devant

être délivrée sur un « support durable »65. Comme le précise la DGCCRF dans un communiqué de

presse66, cet arrêté intervient dans « un contexte où les consommateurs souhaitent de plus en plus

comparer les différents modes de transport pour choisir la prestation qui leur convient le mieux »,

en clarifiant et modernisant le cadre réglementaire applicable. Sont ainsi prévues des règles en

matière d’information du consommateur portant sur les prix des prestations de services de transport

public collectif de personnes pour lesquelles les caractéristiques du trajet sont publiées à l’avance,

et des règles relatives au droit au remboursement de certaines taxes et redevances. L’objectif étant

de prévoir un « cadre harmonisé » en matière d’affichage des prix de prestations de transport

public collectif de personnes à destination des consommateurs dans une période de forte

concurrence non seulement entre les différents modes de transport collectif de personnes, mais

également entre les mêmes modes de transport. Cette harmonisation viserait alors à assurer un

niveau élevé de protection des consommateurs et l’équité entre les professionnels.

Sont tenus de respecter ces règles communes les opérateurs commercialisant des prestations de

services de transport public collectif de personnes pour lesquelles les caractéristiques du trajet sont

publiées à l’avance, dont les agences de voyages, ainsi que les autres acteurs publiant les prix de ces

prestations, tels que les comparateurs en ligne.

64

Arrêté ministériel du 10 avril 2017 relatif à l’information sur les prix des prestations de certains services de transport public collectif de personnes, JORF n°0088 du 13 avril 2017, texte n°15 65

Article 2 de l’arrêté du 10 avril 2017 66

Communiqué de presse de la DGCCRF du 13 avril 2017 : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/presse/communique/2017/DGCCRF-info-conso-transports13042017.pdf

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24

Néanmoins, ne sont pas concernés par ce dispositif les services de transport public collectif de

personnes pour lesquels le passager participe à la définition des horaires et des points de départs et

d’arrivées (que ce soient des services occasionnels ou des services de transport public particulier de

personnes), les services de transport pour compte propre (tels que les services de transport privé), et

enfin les services compris dans des forfaits touristiques. En effet, il existe une summa divisio en

droit du tourisme entre les prestations sèches et les prestations comprises dans un forfait touristique.

Les prestations sèches sont régies par les différentes règles juridiques qui leur sont applicables

indépendamment des autres, tandis que les prestations comprises dans un forfait touristique perdent

leur individualité pour être soumises à un régime unitaire prévu par le seul Code du tourisme, dans

le but de responsabiliser les organisateurs et les détaillants. En ce sens, les organisateurs et vendeurs

de forfaits touristiques sont responsables de plein droit de la bonne exécution des prestations

comprises dans le forfait en vertu des dispositions de l’article L. 211-16 du Code du tourisme,

l’article L. 211-17 du même Code excluant les prestations touristiques sèches du champ

d’application de ce régime spécial.

L’entrée en vigueur de cet arrêté étant prévue pour le 1er juillet 2017, seuls les billets de transport

secs réservés à compter de cette date seront régies par ces dispositions. Cet arrêté n’a effectivement

pas vocation à s’appliquer rétroactivement aux réservations de billets de transport effectuées avant

le 1er juillet 2017, d’autant plus qu’il est prévu un délai d’adaptation de deux mois et demi avant son

entrée en vigueur, et ce, afin de laisser le temps nécessaire aux professionnels du secteur du

transport public collectif de personnes pour leur permettre de mettre en place les mesures qu’il

impose.

Le présent arrêté provient de l’application de l’article L. 112-1 du Code de la consommation aux

termes duquel « tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage,

d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions

particulières de la vente et de l'exécution des services ».

Sur les règles d’affichage des prix :

Le présent arrêté régit les annonces de prix relatives aux services de transport public

collectif de personnes ferroviaires, guidés, routiers, maritimes, fluviaux ou aériens, sachant que les

horaires doivent être déterminés, et que les voyageurs doivent être pris en charge et déposés à des

points du trajet préalablement fixés, qu’ils soient ou non situés sur le territoire national 67. Par

conséquent, dès lors que le contrat de transport public collectif de personnes est conclu avec une

entreprise disposant d’un établissement en France, cela suffit à rendre applicable la loi française, et

donc les dispositions de cet arrêté, et ce, y compris si le voyageur est transporté hors du territoire

national. Néanmoins, l’arrêté exclut expressément de son champ d’application les transports

sanitaires, les remontées mécaniques, les tapis roulants, ainsi que les prestations commercialisées

dans le cadre d’un forfait touristique.

67

Article 1 de l’arrêté du 10 avril 2017

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25

Le prix peut être communiqué quelle que soit la forme mais il doit obligatoirement être accompagné

d’une mention précisant les conditions d’application68.

Le prix définitif s’entend toutes taxes comprises et il doit être précisé à chaque indication de prix

tout au long du processus de réservation, et ce, jusqu’à la validation définitive de l’acte d’achat, en

application de l’article L. 221-14 du Code de la consommation. Il est par ailleurs précisé que ce prix

définitif inclut non seulement le prix du transport, mais également tous les frais accessoires tels que

les frais de distribution ou d’intermédiation. Il comprend aussi les redevances, les taxes,

suppléments et droits applicables à la double condition qu’ils soient inévitables et prévisibles à la

date de publication de l’annonce. Enfin, les suppléments de prix optionnels doivent être

communiqués de manière claire, transparente et non équivoque au début du processus de

réservation.

Toutefois, lorsque le prix définitif ne comprend pas les taxes, redevances, suppléments et droits

applicables imprévisibles à la date de publication de l’annonce, celle-ci doit mentionner qu’ils sont

exigibles de manière claire et apparente « à proximité immédiate du prix communiqué »69 afin de ne

pas créer une confusion dans l’esprit du consommateur.

De plus, l’information relative au prix ne comprend pas les éventuelles réductions en raison de

l’utilisation d’un instrument de paiement70 en application de l’article L. 112-12 du Code monétaire

et financier. Cependant, les annonces sur le prix réduit, après application de cette réduction, peuvent

intervenir si et seulement si l’une des conditions alternatives suivantes est satisfaite :

- le professionnel est en mesure de justifier que l’instrument de paiement concerné est celui le

plus couramment utilisé parmi les destinataires de l’annonce et qu’il est techniquement

(effectivement) en mesure de différencier cet instrument des autres instruments de

paiement ;

- le consommateur a expressément opté pour l’instrument de paiement concerné ;

- l’annonce de prix s’adresse exclusivement à un consommateur, ou à un ensemble de

consommateurs, préalablement identifié comme disposant de cet instrument de paiement.

Enfin, l’annonce du montant d’une réduction pour l’utilisation d’un instrument de paiement doit

être complétée du nom de cet instrument de paiement, à proximité immédiate de ce montant, en

excluant tout renvoi vers un quelconque document, et dans des conditions de visibilité et de

lisibilité au moins égales71.

L’encadrement des annonces de réductions de prix subordonnées à l’utilisation d’un moyen de

paiement spécifique s’inscrit dans l’objectif de renforcement de la loyauté de l’information, « afin

de mieux prévenir les pratiques trompeuses pour les consommateurs telles que celles constatées

récemment dans le secteur aérien »72. La DGCCRF a effectivement constaté divers manquements

aux obligations d’information des consommateurs dans le secteur de la vente en ligne de billets

68

Article 3 de l’arrêté du 10 avril 2017 69

Article 4 de l’arrêté du 10 avril 2017 70 Article 5 de l’arrêté du 10 avril 2017 71 Article 6 de l’arrêté du 10 avril 2017 72 Communiqué de presse de la DGCCRF du 13 avril 2017

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26

d’avion secs 73 . Une pratique fréquente a été révélée par la DGCCRF, suite à une enquête

approfondie, consistant en la mise en avant de prix réduits qui étaient en réalité inaccessibles à la

plupart des consommateurs. En l’espèce, ces prix étaient réservés aux seuls utilisateurs de certaines

cartes de paiement, très peu répandues et inadaptées à ce type d’achat. Ces prix réduits pouvaient

d’ailleurs parfois être inférieurs à plus de la moitié du prix réel supporté par la quasi-totalité des

clients, de sorte que « ces prix annoncés trompent le consommateur et faussent les résultats des

comparateurs et donc la concurrence ». Certaines pratiques consistaient même à augmenter

automatiquement le prix à payer au moment même du paiement, au moment où le numéro de carte

de paiement est saisi par le consommateur et sans même qu’il n’en soit alerté. Le prix étant un

élément essentiel dans l’acte d’achat du consommateur, il est heureux que le présent arrêté ait pris

le soin d’assurer l’éclaircissement du consentement du consommateur à ce sujet en prévenant toute

pratique trompeuse susceptible de troubler son choix.

Sur l’information relative à « l’annulation » du voyage :

Le présent arrêté ministériel régit également l’information du consommateur relative à

« l’annulation » du voyage. Il prévoit que les taxes et redevances dont l’exigibilité procède de

l’embarquement effectif du passager sont remboursables de plein droit, c’est-à-dire

automatiquement, « lorsque le titre n’est plus valide et n’a pas donné lieu à transport »74. Ainsi, il

est prévu que le consommateur doit être informé de son droit au remboursement de certaines taxes

et redevances « dès lors que le consommateur n’a pas voyagé », cette mention devant figurer de

manière claire et apparente, à proximité immédiate du prix définitif à payer qui est mentionné juste

avant la conclusion de l’acte d’achat. Cette mention doit être complétée par un renvoi ou un lien

vers un document d’information portant sur les modalités de remboursement (notamment les frais

de remboursement pratiqués), et vers un formulaire de remboursement en ligne afin de faciliter les

démarches administratives que le consommateur doit accomplir pour obtenir le remboursement. On

remarque que ce remboursement est indépendant du motif de l’annulation du voyage : le simple fait

que le voyageur n’est pas effectivement utilisé son billet de transport suffit à obtenir le

remboursement. Cette mesure est particulièrement protectrice du consommateur dans la mesure où

le choix discrétionnaire opéré par le client d’utiliser ou non son billet de transport n’a aucune

incidence sur le remboursement effectif des taxes et redevances comprises dans le prix payé. Plus

que jamais, le consommateur est libre de son choix. Ce dispositif vise à lutter contre les infractions

identifiées par la DGCCRF lors de son enquête en 2016 au cours de laquelle ont été identifié des

informations trompeuses sur les droits auxquels les consommateurs pouvaient prétendre en matière

de remboursement de taxe d’aéroport75.

L’arrêté précise également les règles relatives à la proposition d’un contrat d’assurance au moment

de la réservation comportant une garantie relative à l’annulation du voyage. Dans ce cas, doivent

73

Communiqué de presse de la DGCCRF du 31 janvier 2017, n°167, « Pratiques trompeuses en matière d’affichage des prix des billets d’avion révélées par la DGCCRF » : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/presse/communique/2017/billets-avion-167.pdf 74

Article 7 de l’arrêté du 10 avril 2017 75 Communiqué de presse de la DGCCRF du 31 janvier 2017, n°167 : https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/presse/communique/2017/billets-avion-167.pdf

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27

être précisés de manière claire, apparente et à proximité immédiate de la mention de la prime

d’assurance :

- le prix à payer hors assurance ;

- le montant des taxes et redevances remboursables ;

- l’information selon laquelle ce montant est remboursable en toute circonstance si le

transport n’a pas lieu.

Enfin, dans le cas où le titre de transport ne serait pas remboursable, une mention doit être apposée

clairement à côté de la partie du prix à payer correspondante.

Toutes ces mesures d’information du consommateur participent à l’éclaircissement du

consentement du consommateur dans le but de le rendre Maître de son choix. Pour ce faire, il est

primordial de lutter contre toutes les pratiques ayant pour effet de tromper le consentement du

consommateur par l’utilisation de procédés déloyaux. C’est la raison pour laquelle une lutte contre

les faux avis en ligne a été engagée étant donné qu’ils participent à la désinformation du

consommateur touristique.

Titre 2. Une lutte engagée contre les faux avis en ligne,

source de désinformation du consommateur touristique

Les avis en ligne de consommateurs ont pour objet d’informer le consommateur qui souhaite

acheter une prestation touristique sèche ou un voyage à forfait. Le but étant d’éclairer son choix en

lui communiquant des opinions, positives ou négatives, de véritables consommateurs qui ont

effectivement profités de la prestation concernée.

À l’inverse, les faux avis ont pour effet de tromper le consentement du consommateur, et donc le

désinformer.

On désigne par le terme générique « faux avis » :

- un avis posté par un professionnel (qui n’est donc pas un consommateur au sens du Code de

la consommation), soit dans le but de nuire à un concurrent (dénigrement), soit pour

augmenter artificiellement sa note (par le biais de faux commentaires positifs) ;

- un avis posté par un non professionnel qui n’a pas effectivement consommé le service

touristique qu’il commente.

Selon la DGCCRF, le taux d’anomalies relatif aux avis en ligne serait de 44,4% en 2013, alors qu’il

s’élevait à 28% en 2010 76 . Dans un contexte où les faux avis en ligne de consommateurs

représenteraient près de la moitié des avis postés, on comprend la nécessité d’une lutte efficace à

l’encontre de ceux-ci.

La lutte contre les faux avis en ligne se manifeste non seulement par la création d’une norme

de bonnes pratiques en matière d’avis en ligne de consommateurs (Chapitre 1), mais également par

la diversité de sanctions applicables (Chapitre 2).

76

« Les faux avis de consommateurs sur internet », DGCCRF, 22 juillet 2014 : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/consommation/conso-par-secteur/e-commerce/faux-avis-consommateurs-sur-internet

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28

Chapitre 1. La création d’une norme de bonnes pratiques en

matière d’avis en ligne de consommateurs

L’AFNOR, l’Association Française de Normalisation, a publié une norme en Juillet 201377

fixant les règles applicables à la publication d’avis de consommateurs sur les sites de vente en ligne

ou sur les sites d’avis de consommateurs. Il s’agit d’un guide de bonne conduite encadrant la

collecte, la modération, et la restitution d’avis de consommateurs de produits ou de services sur

internet. Pour ce faire, la norme exige notamment que chaque personne à l’origine d’un avis soit

identifiable. Sont posés des principes tels que l’interdiction d’acheter des avis, l’impossibilité de

modifier un avis en ligne, ou encore l’affichage en premier des avis les plus récents.

Toutefois, cette norme n’impose pas une obligation de résultat, mais une simple obligation de

moyens. Cette norme a été élaborée avec le concours des acteurs du commerce en ligne, et prévoit

des règles applicables au « gestionnaire d’avis » : soit le vendeur ou le prestataire de services, soit

un tiers recueillant des avis pour le compte de ce dernier, soit un tiers totalement indépendant.

Source : Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur

touristique français, du 10 février 2015, page 79 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i2556.pdf

77 Norme NF Z74-501 « Principes et exigences portant sur les processus de collecte, modération et restitution des avis en ligne de consommateurs » de juillet 2013 : www.afnor.fr

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Bien que cette norme ne soit pas juridiquement dotée de la force obligatoire (Section 1), il

n’en demeure pas moins qu’elle contribue à éviter les pratiques néfastes pour le marché touristique

ayant pour effet de tromper le consentement du consommateur par la publication en ligne de faux

avis de consommateurs. Toutefois, pour être efficace, cette norme nécessite une autodiscipline de

l’ensemble des protagonistes du tourisme en ligne, autrement appelée e-tourisme (Section 2) : que

ce soient les consommateurs, les prestataires, ou encore les plateformes qui publient les avis

(plateformes de réservation en ligne, ou simples comparateurs).

Section 1. Une norme non obligatoire

La norme NF Z74-501 propose aux sites publiant des avis une liste de bonnes pratiques

destinées à rassurer les consommateurs sur la véracité des commentaires en ligne ; un avis en ligne

étant « vrai » s’il est rédigé par un véritable consommateur de la prestation touristique qu’il

commente. Il est en effet primordial pour le consommateur de s’assurer de la fiabilité de l’avis

qu’il consulte afin d’effectuer son choix en pleine connaissance de cause. Près de 90% des

consommateurs déclarent consulter les avis en ligne et les jugent utiles, alors qu’en 2013 ils étaient

75% à remettre en cause leur fiabilité 78 . Un organisme indépendant peut en outre établir une

certification destinée à attester le respect effectif de la norme par le gestionnaire du site. Toutefois,

l’application de ladite norme reste volontaire, de sorte qu’elle demeure juridiquement non

obligatoire au sens où les entreprises sont libres de la suivre ou non, et ce sans avoir à se justifier.

Les plateformes publiant des avis en ligne de consommateurs peuvent également s’autodéclarer

respecter la norme. Selon la DGCCRF, « cela laisse néanmoins la porte ouverte à des dérives, dès

lors que des entreprises déclarant respecter la norme développent en fait des pratiques non

conformes à celle-ci » 79 . Il s’agit d’après cette administration d’une pratique commerciale

trompeuse80.

Bien que cette norme reste facultative pour l’entreprise, elle contribue au renforcement de la

protection de l’information précontractuelle du consommateur. Une entreprise souhaitant avoir une

bonne e-réputation (réputation sur internet) aura tout intérêt à accepter les contraintes d’une telle

norme puisque cela constituera un élément probant permettant au consommateur de s’assurer du

sérieux de la plateforme. L’e-réputation étant fragile dans la mesure où elle peut se faire comme se

défaire en quelques clics, on comprend qu’une plateforme aura tout intérêt à prendre toutes les

mesures nécessaires pour conserver une bonne image vis-à-vis du consommateur. Toutefois, les

78

http://www.afnor.org/liste-des-actualites/actualites/2013/juillet-2013/afnor-publie-la-premiere-norme-

volontaire-pour-fiabiliser-le-traitement-des-avis-en-ligne-de-consommateurs

79 Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur touristique français, du 10 février 2015, page 79

80 « Les faux avis de consommateurs sur internet », DGCCRF, 22 juillet 2014 : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/consommation/conso-par-secteur/e-commerce/faux-avis-consommateurs-sur-internet

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plateformes qui font le choix de respecter la norme NF Z74-501 engagent leur responsabilité et

doivent démontrer leur conformité en cas de demande ou de contrôle d’une autorité.

Néanmoins, il nous semble peu probable que les grandes plateformes (comme TripAdvisor, le

leader des sites d’avis en ligne en matière de tourisme) acceptent de se soumettre à une telle norme

non obligatoire. En outre, selon M. Jean-Pierre NADIR, directeur général d’EasyVoyage, « certains

des engagements qu’elle prévoit sont impraticables, notamment le fait d’exiger une preuve de la

consommation effective d’une prestation pour pouvoir émettre un avis »81.

Dès lors que la norme NF Z74-501 demeure facultative pour l’entreprise, elle nécessite une

autodiscipline de la part de l’ensemble des protagonistes de l’e-tourisme pour s’avérer

effectivement efficace.

Section 2. Une norme nécessitant une autodiscipline des

protagonistes de l’e-tourisme

Cette norme n’étant pas dotée de la force obligatoire, suppose pour être efficace, une

autodiscipline de la part des différents protagonistes de l’e-tourisme : les consommateurs, les

prestataires, et les plateformes qui publient des avis en ligne de consommateurs.

Il est tout d’abord nécessaire que les consommateurs soient sérieux dans leur évaluation de la

prestation touristique, condition sine qua non de la fiabilité de leur avis. Sans cela, l’information

délivrée à l’internaute sera forcément erronée, et son consentement trompé. Il est donc

indispensable qu’il existe une sorte de solidarité entre consommateurs : un consommateur ayant

consommé une prestation touristique a déjà été dans la position de celui qui hésite entre plusieurs

prestations préalablement à la conclusion de son contrat, de sorte qu’il se doit de traiter autrui

comme il aurait aimé être traité.

Ensuite, les prestataires devraient faire l’effort de conserver une bonne e-réputation au lieu

d’augmenter artificiellement leurs notes ou de dénigrer leurs concurrents en postant des avis

négatifs les concernant.

Enfin, les plateformes qui publient les avis en ligne de consommateurs devraient tout faire pour

lutter contre les faux avis, et donc s’autoréguler. En effet, les faux avis ternissent également leur e-

réputation dans la mesure où cela manifeste le défaut de contrôle de leur part concernant les avis

publiés sur un site qui pourtant leur appartient.

81 Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur touristique français, du 10 février 2015, page 80

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Source : Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur

touristique français, du 10 février 2015, page 81 : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i2556.pdf

Poursuivant l’objectif de normalisation fixé par la norme NF Z74-501, l’AFNOR est à l’initiative

d’un projet de norme internationale (ISO 20488) relatif à l’e-réputation et qui comprendra une

partie sur les avis en ligne de consommateurs. Ce projet est toujours en cours de préparation, et la

France pilote le comité de l’ISO82 sur l’e-réputation ayant pour objectif de définir les outils et

méthodes internationaux de référence.

En plus de la norme NF Z74-501, la législation lutte contre les faux avis en ligne de

consommateurs en diversifiant les formes de sanctions.

Chapitre 2. Une diversité de sanctions applicables aux faux

avis en ligne de consommateurs

Le droit français sanctionne les faux avis en ligne de consommateurs de diverses manières,

aussi bien pénalement (Section 1) que civilement (Section 2). Cet arsenal juridique est destiné à

réprimer cette pratique sous toutes ses formes, de manière à prévenir tout vide juridique en la

matière.

Section 1. Un fait pénalement répréhensible

La directive communautaire du 11 mai 200583 prévoit que le fait de se présenter faussement

comme un consommateur84 constitue une pratique commerciale trompeuse. Il en est de même pour

le fait d’« utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d’un produit,

alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l’indiquer clairement dans le contenu

82

Organisation Internationale de Normalisation

83

Directive 2005/29/CE du parlement européen et du conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, JOUE n° 149 du 11 juin 2005, page 22

84 Annexe I, 22) de la directive 2005/29/CE

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ou à l’aide d’images ou de sons clairement identifiables par le consommateur (publi-reportage) »85.

En droit français, les faux avis en ligne de consommateurs sont pénalement répréhensibles depuis la

loi relative à la modernisation de l’économie de 2008 86 sur le fondement des pratiques

commerciales trompeuses.

L’article L. 121-2 du nouveau Code de la consommation dispose qu’une « pratique commerciale est

trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom

commercial ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature

à induire en erreur (…) ».

De plus, l’article L. 121-3, alinéa 1er du même code précise qu’une « pratique commerciale est

également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des

circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à

contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention

commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte ».

Ces pratiques sont pénalement sanctionnées d’un emprisonnement de deux ans et/ou d’une amende

de 300 000 euros 87 . On remarquera que cette amende a fortement été augmentée depuis

l’ordonnance du 14 mars 201688 puisqu’auparavant l’amende n’était que de 37 000 euros, ce qui

traduit une volonté manifeste du législateur de lutter plus sévèrement contre les pratiques

commerciales trompeuses, et donc notamment contre les faux avis en ligne de consommateurs. Par

ailleurs, cette amende est quintuplée89 lorsqu’il s’agit de personnes morales, et elle peut être portée

à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel (calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels

connus à la date des faits) ou 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la

pratique constituant ce délit90. Bien évidemment, ces peines constituent des peines maximales que

les juges peuvent appliquer. Peuvent également être ordonnées, la publication de la décision de

justice ainsi que la diffusion, aux frais du condamné, d’une ou plusieurs annonces rectificatives91.

Ainsi, le Tribunal de grande instance de Paris a rendu un jugement en date du 20 juin 201492,

condamnant Tripadvisor, une société gestionnaire d’un site d’avis en ligne de consommateurs, à

une amende de 7000 euros, et son gérant à une amende de 3000 euros, ainsi qu’à la publication d’un

communiqué sur le site internet de Tripadvisor à leur frais. Les faits incriminés sont la rédaction et

la publication de faux avis de consommateurs rédigés pour partie par une société domiciliée à

Madagascar et pour une autre par le gérant et des proches de son entourage. Cette condamnation

85 Annexe I, 11) de la directive 2005/29/CE 86 Loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, JORF n° 181 du 5 août 2008, page 12471, texte n°1 87

Article L. 132-2, alinéa 1er du nouveau Code de la consommation 88 Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, JORF n°0064 du 16 mars 2016, texte n°29 89

Article 131-38, alinéa 1er

du Code pénal 90

Article L. 132-2, alinéa 2 du nouveau Code de la consommation 91 Article L. 132-4, alinéa 1

er

du nouveau Code de la consommation 92 Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur touristique français, du 10 février 2015, page 78

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résulte des investigations menées par les agents de la DGCCRF. Cette décision frappant le leader

des sites d’avis en ligne de consommateurs dans le secteur du tourisme a permis de mettre en

évidence une volonté de lutte contre cette pratique virtuelle dont les conséquences sont pourtant

bien réelles.

En outre, il existe d’autres infractions pénales générales pouvant sanctionner les faux avis en ligne

de consommateurs telles que la diffamation ou encore l’injure publique en cas de stigmatisation

d’une personne en particulier, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale93.

Toutefois, l’infraction pénale se réduisant à une sanction purement pécuniaire en ce qui

concerne les personnes morales, et qui plus est d’un montant minime pour de très grandes

entreprises, la sanction pénale des faux avis en ligne de consommateurs ne peut être suffisante à elle

seule. Se sont donc développées des techniques juridiques permettant de sanctionner civilement

cette pratique. L’avantage de développer une sanction civile en parallèle d’une sanction pénale est

la suivante : le cumul des sanctions civiles et pénales est toujours possible, alors qu’en droit civil il

est interdit de cumuler la responsabilité civile délictuelle et la responsabilité civile contractuelle.

Section 2. Un fait civilement répréhensible

La sanction civile des faux avis en ligne de consommateurs a pour fondement la

responsabilité civile délictuelle instaurée à l’article 1240 du nouveau Code civil, que ce soit en ce

qui concerne le dénigrement, ou encore un manquement à une obligation spéciale d’information

précontractuelle. Dès lors, il incombe au demandeur de prouver l’existence d’une faute, d’un

préjudice, et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice pour obtenir des dommages et

intérêts.

Un fait qualifiable de dénigrement

Le dénigrement consiste à jeter le discrédit en répandant des informations malveillantes sur

les produits, le travail ou la personne d’un concurrent 94 . Ne constitue pas en soi un acte de

dénigrement la contestation par une entreprise de la validité des titres de propriété intellectuelle

d’un concurrent car ne sont mises en cause ni la qualité des produits et des services, ni la capacité

productive du concurrent95. Le dénigrement est donc notamment caractérisé par une intention de

nuire à la qualité des produits ou des services ou à la capacité productive de l’entreprise

concurrente. Toutefois, le dénigrement peut également exister entre des parties qui ne sont pas en

situation de concurrence96.

De plus, un dénigrement nécessite que la critique malveillante soit diffusée dans le public, peu

important l’ampleur de la diffusion. Ainsi, constitue un dénigrement le fait d’adresser, sous couvert

de demande de renseignements, des informations malveillantes à un seul client du concurrent97.

93

Crim, 12 octobre 1976, n°75-90.239 : Bull. crim. N°287 : l’action en diffamation est possible lorsqu’elle vise une personne physique ou morale. 94

Cour d’appel de Lyon, 21 mai 1974 : JCP 1974 IV page 336 95

Com, 9 juillet 2013, n°12-15.841 : RJDA 1/14 n°63 96

Com, 21 octobre 1997, n°95-20.233 : RJDA 2/98 n°237 97

Com ; 20 juin 1972 n°71-10.207 : Bull. civ. IV n°197

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34

Enfin, la victime du dénigrement doit nécessairement être identifiée ou identifiable par sa

clientèle98.

La Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt le 19 mars 200899 dans lequel elle a sanctionné un

concurrent au titre du dénigrement en raison de la publication en ligne d’avis exclusivement

négatifs émis par des consommateurs. En l’espèce, la société DDI a publié sur son site internet des

avis exclusivement négatifs sur les produits de la société L&S puis a publié, après retrait de ces

avis, une mention selon laquelle elle avait supprimé, à sa demande des avis jugés dénigrants par

cette dernière. La Cour d’appel a ainsi considéré que la société DDI a discrédité la qualité des

produits commercialisés par la société L&S, un fait aggravé par la mention publiée après le retrait

de ces avis. Dès lors, les avis en cause, ainsi que le message les ayant remplacés, ont été jugés

comme étant constitutifs d’actes de dénigrement fautifs.

Outre le dénigrement, une nouvelle sanction civile est rendue possible en cas de

manquement à l’obligation spéciale d’information précontractuelle incombant au gestionnaire de

site comportant des avis en ligne de consommateurs.

Un fait constitutif de manquement à l’obligation spéciale

d’information précontractuelle incombant au gestionnaire de

site d’avis en ligne de consommateurs

La loi du 7 octobre 2016100 a introduit à l’article L. 111-7-2 du Code de la consommation

une obligation spéciale d’information précontractuelle incombant au gestionnaire de site

comportant des avis en ligne de consommateurs. Il est ainsi prévu que « toute personne physique

ou morale dont l'activité consiste, à titre principal ou accessoire, à collecter, à modérer ou à

diffuser des avis en ligne provenant de consommateurs est tenue de délivrer aux utilisateurs une

information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des

avis mis en ligne ». On retrouve la triple exigence de loyauté, de clarté et de transparence de

l’information précontractuelle. Cette disposition étant d’ordre public, selon les dispositions de

l’article L. 111-8 du Code de la consommation, les parties ne peuvent y déroger.

Cette information doit notamment indiquer :

- si les avis font ou non l’objet d’un contrôle, et si tel est le cas, doivent être précisées les

caractéristiques principales du contrôle mis en œuvre ;

- la date de l’avis et ses éventuelles mises à jour ;

- au consommateur les raisons de rejet de l’avis en ligne qu’il a publié.

Il est également imposé au gestionnaire de mettre en place une fonctionnalité gratuite permettant

aux responsables des produits ou des services faisant l’objet d’un avis en ligne de lui signaler un

doute sur l’authenticité de cet avis, à condition que ce signalement soit dûment motivé.

Un décret fixera ultérieurement les modalités et le contenu de ces informations après avis de la

Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL).

98

Com, 19 juin 2001 n°99-13.870 : RJDA 12/01 n°1282 99

Cour d’appel de Paris, 19 mars 2008, RG 07/2506 100

Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, JORF n°0235 du 8 octobre 2016, texte n° 1

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35

Le législateur n’a pas prévu de sanction spéciale en cas de manquement à cette obligation

d’information précontractuelle, de sorte que l’on devra appliquer le droit commun de la

responsabilité civile délictuelle sur le fondement de l’article 1240 du nouveau Code civil, mais la

charge de la preuve est lourde puisque le demandeur devra prouver l’existence d’une faute, d’un

préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice pour espérer obtenir des dommages-

intérêts.

Par ailleurs, un consommateur qui aurait acheté un voyage à forfait ou une prestation touristique

sèche en ligne pourrait obtenir la nullité du contrat en raison d'un vice du consentement dû à la

dissimulation intentionnelle 101 (anciennement la réticence dolosive) du gestionnaire du site

comportant des avis en ligne de consommateurs qui a délibérément eu l'intention de tromper le

consommateur dans le but de provoquer l'acte d'achat par la rédaction et/ou la publication de faux

avis en ligne. La charge de la preuve incombe au consommateur qui doit prouver que son

consentement a été vicié. En l'espèce, cette démonstration suppose qu’il rapporte la preuve de la

rédaction et/ou de la publication d'un faux avis dans une intention dolosive 102 de la part du

professionnel. Cette preuve semble difficile à établir. Néanmoins, la simple condamnation du

professionnel pour rédaction et/ou publication d'un faux avis constitue une présomption simple, et

donc réfragable, en faveur de l'intention dolosive qui aura pour effet de renverser la charge de la

preuve : il appartiendra alors au professionnel de prouver qu'il n'a pas eu d'intention dolosive,

autrement dit qu’il n’a pas eu l'intention de tromper le consentement du consommateur, ce qui

semble extrêmement difficile à plaider. L’intention dolosive étant définie par la jurisprudence

comme une manœuvre destinée à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement du

contractant.

Cet arsenal juridique destiné à renforcer la protection du consommateur touristique en ligne

se combine nécessairement avec des règles de concurrence plus strictes dans le but d’une meilleure

régulation du marché touristique. Il est en effet indispensable que le droit de la concurrence et le

droit de la consommation touristiques soient en adéquation afin de garantir une véritable cohésion

du droit du marché touristique, condition sine qua non de son efficacité.

Partie 2. Un durcissement indispensable des règles de

concurrence touristique applicables aux plateformes en

ligne en faveur d’une meilleure régulation du marché

touristique

101

Article 1137, alinéa 2 du nouveau Code civil : « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ». 102

Civ.1ère

, 10 juillet 1995 : définit l’intention dolosive comme une manœuvre destinée à provoquer une erreur

de nature à vicier le consentement du contractant.

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36

Le durcissement des règles de concurrence touristique applicables aux plateformes en ligne

se déduit de la chronologie de l’encadrement juridique des activités des opérateurs touristiques en

ligne. La procédure d’engagements a été dans un premier temps considérée comme une méthode

d’encadrement concurrentiel privilégiée aux mesures coercitives (Titre 1) étant donné que des

mesures prises à l’initiative d’une entreprise sont forcément mieux appliquées en pratique car mieux

intégrées, contrairement aux mesures imposées par voie d’autorité qui représentent une véritable

sanction. Dès lors, une telle procédure contribuerait à une meilleure régulation du marché

touristique tout en écartant l’idée de sanction à l’encontre de l’entreprise. Puis, dans un second

temps, un nouvel encadrement juridique des activités des opérateurs touristiques en ligne est

intervenu afin de combler les carences résultant de la procédure d’engagements (Titre 2) jugée trop

souple et entraînant des différences de traitement injustifiées ainsi que des vides juridiques.

Titre 1. La procédure d’engagements, une méthode sui

generis d’encadrement concurrentiel privilégiée aux mesures

coercitives

La procédure d’engagements est une procédure prévue à l’article L. 464-2, I du Code de la

consommation qui permet à l’Autorité de la concurrence de privilégier les engagements pris par les

entreprises elles-mêmes lors des procédures contentieuses plutôt que d’imposer des mesures

coercitives. L’avantage pour l’entreprise étant qu’elle devra respecter des mesures qu’elle s’est elle-

même imposées, en échappant à toute sanction.

Il s’agit ainsi d’une technique juridique située entre la régulation et l’autorégulation.

La régulation se définit comme un « marché dont l’organisation spéciale tient compte de

ce que les intérêts essentiels de la collectivité des entreprises ou des consommateurs ne peuvent être

sauvegardés par le seul jeu des mécanismes naturels du marché, ni même par l’édiction de règles

particulières. Ces marchés sont alors « régulés » par une autorité »103.

Au contraire, dans l’autorégulation le marché se régule par lui-même : les intérêts

essentiels de la collectivité des entreprises ou des consommateurs est sauvegardé par le seul jeu des

mécanismes naturels du marché.

Ainsi, la procédure d’engagements se situe à mi-chemin entre la régulation et

l’autorégulation : l’idée étant que l’autorité de la concurrence privilégie les engagements pris par

l’entreprise dans le cadre d’une procédure contentieuse, mais qu’elle suit les évolutions des

conséquences de ceux-ci dans le marché pertinent par la réalisation de bilans destinés à mesurer

l’efficacité de ces engagements à échéances régulières.

Cette méthode sui generis d’encadrement concurrentiel se décompose en deux étapes : dans

un premier temps, l’entreprise prend l’initiative de proposer des engagements à l’Autorité de la

concurrence (Chapitre 1), puis dans un second temps, celle-ci dispose de la faculté de les accepter

ou de les refuser (Chapitre 2).

103 « Droit du maché », Claude Lucas de Leyssac et Gilbert Parleani, édition THÉMIS 2002, page 351

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37

Chapitre 1. Une proposition d’engagements à l’initiative de

l’entreprise

La procédure d’engagements est une procédure ouverte à l’initiative de l’entreprise qui

propose des engagements à l’Autorité de la concurrence de manière à mettre un terme à des

pratiques prohibées, laquelle peut les accepter ou les refuser. L’affaire Booking.com reflète les

préoccupations de concurrence susceptibles d’être compromises par les opérateurs touristiques en

ligne. Cette affaire s’inscrit en effet dans le contexte tendu opposant les hôteliers aux plateformes

de réservation en ligne, parmi lesquelles figure Booking.com. Cette OTA 104 s’est rapidement

rapprochée de l’Autorité de la concurrence afin de proposer des engagements (Section 1) dans le

but de mettre un terme aux pratiques prohibées (pratiques anticoncurrentielles ou pratiques

restrictives de concurrence). Toutefois, on remarque que cette proposition d’engagements, certes à

l’initiative de l’entreprise, a été influencée par un avis de la Commission d’examen des pratiques

commerciales (CEPC) qui avait mis en évidence l’illégalité des clauses de parité. Toutefois, on

remarque que Booking.com s’est émancipé de l’avis de la CEPC (Section 2) dans la mesure où ses

propositions d’engagements portent sur la limitation des clauses de parité tarifaire aux seuls

canaux directs de distribution des hébergements.

La vente de nuitées sur internet ayant connu un essor considérable au cours de cette dernière

décennie, la quasi-totalité de la clientèle hôtelière (93%) utilise aujourd’hui Internet pour rechercher

un hôtel. Les plateformes de réservation hôtelière servant d’intermédiaires entre les clients et les

hôtels représentent en Europe le principal canal de réservation en ligne, soit environ 70% des

réservations de chambres d’hôtels faites en ligne ; les 30% restants étant des réservations effectuées

directement sur les sites internet des hôtels (vente directe en ligne).

La France étant par ailleurs la première destination touristique mondiale105, on comprend à quel

point il est indispensable pour les hôteliers de recourir aux services de référencement proposés par

les plateformes de réservation en ligne dans la mesure où elles leur assurent une grande visibilité

dans le monde entier. Un hôtelier qui refuserait de tels services, prendrait le risque de perdre des

clients au profit de ses concurrents. Ce référencement est donc nécessaire à la compétitivité des

hôteliers. Booking.com étant leader sur le marché de la réservation hôtelière en ligne, près de trois

quarts des hôtels français sont référencés sur son site internet.106

Section 1. Une proposition d’engagements influencée par l’avis de la

CEPC

104

OTA = Online Travel Agency. Ce terme regroupe les plateformes de réservation en ligne ainsi que les agences de voyages en ligne. 105

http://www.gouvernement.fr/argumentaire/la-france-reste-la-premiere-destination-touristique-mondiale-4359

106

Source :http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=591&id_article=2460

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38

Plusieurs organisations représentatives des professionnels de l’hôtellerie ont demandé l’avis

de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC)107 sur la conformité au droit de la

concurrence de différents contrats conclus entre les hôteliers et les entreprises exploitant les

principaux sites de réservations hôtelières.

Les professionnels de l’hôtellerie dénoncent l’existence de pratiques anticoncurrentielles

entraînant une relation commerciale déséquilibrée entre fournisseurs et distributeurs. Est

particulièrement visée la clause de parité tarifaire obligeant les hôteliers à proposer le même prix

pour ses chambres, quel que soit le canal de distribution. Cette relation commerciale déséquilibrée

porterait également sur de nombreuses autres clauses visées dans l’avis rendu par la Commission

d’examen des pratiques commerciales en 2013108, notamment les clauses instituant un délai de

préavis ainsi que diverses possibilités de résiliation à effet immédiat qui sont contraires aux règles

de rupture brutale des relations commerciales établies, ou encore les stipulations octroyant la

possibilité de modifier le contrat unilatéralement aménagé au profit du seul OTA créant ainsi un

déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties constitutif d’une clause abusive.

On se concentrera toutefois uniquement sur le cas complexe de la clause de parité (parité tarifaire,

parité des conditions et parité des disponibilités), source abondante de contentieux.

Les clauses contractuelles dites « de parité » sont celles « en vertu desquelles les plateformes

exigent des hôteliers de bénéficier d’un tarif, d’un nombre de nuitées et de conditions d’offre

(conditions de réservation, inclusion ou non du petit-déjeuner, conditions d’annulation etc…) au

moins aussi avantageux que ceux proposés sur les plateformes concurrentes ainsi que sur

l’ensemble des autres canaux de distribution (en ligne et hors ligne), parmi lesquels les canaux de

distribution propres à l’hôtel (site Internet, téléphone, e-mail, au comptoir de l’hôtel, etc.) » 109

On distingue trois types de clauses de parité :

- La clause de parité tarifaire aux termes de laquelle l’hôtelier s’engage à assurer à

l’exploitant du site de réservation des tarifs de vente égaux ou plus favorables que ceux

disponibles auprès de l’hôtelier lui-même (directement ou via son site internet ou ses centres

d’appel) ou consentis à tout concurrent de cette OTA. En d’autres termes, cette clause oblige

l’hôtelier à proposer le même prix pour ses chambres, quel que soit le canal de distribution.

Cette clause interdit donc en l’espèce aux hôteliers recourant aux services de Booking.com

de pratiquer des prix de nuitées plus bas sur les autres plateformes de réservation en ligne.

- La clause de parité des conditions aux termes de laquelle l’hôtelier s’engage à assurer à

l’exploitant du site de réservation des conditions de vente égaux ou plus favorables que

ceux disponibles auprès de l’hôtelier lui-même (directement ou via son site internet ou ses

centres d’appel) ou consentis à tout concurrent de cette OTA. Les conditions visées peuvent

107

Lettre enregistrée le 12 juin 2012 sous le numéro 12-08 108

Avis n°13-10, CEPC, 16 septembre 2013 : http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cepc/avis/avis_13_10.pdf 109 Définition issue de la Décision Booking.com B.V n°15-D-06, Autorité de la concurrence, 21 avril 2015, page 7

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être des conditions de réservation, d’inclusion ou non du petit-déjeuner, des conditions

d’annulation etc …

- La clause de parité des disponibilités qui assure à l’exploitant du site de réservation que

les chambres disponibles sur son site de réservation seront au moins aussi favorables que

celles fournies à tout concurrent, cet engagement incluant parfois l’hôtelier lui-même.

On remarque que ces clauses ont pour effet de restreindre la liberté des hôteliers à fixer leur prix et

leur politique commerciale, non seulement à l’égard de leurs propres clients, mais également à

l’égard des autres plateformes de réservation en ligne concurrentes. C’est la raison pour laquelle la

CEPC a été saisie en juin 2012 par plusieurs organisations représentatives des professionnels de

l’hôtellerie afin de recueillir son avis sur la conformité au droit de la concurrence de différentes

clauses contenues dans les contrats conclus entre les hôteliers et les entreprises exploitant les

principales plateformes de réservation en ligne. Sont en cause des clauses imposées par les OTA.

S’est donc posée la question de la légalité des clauses de parité.

Sur l’élément d’extranéité :

La CEPC commence tout d’abord par préciser qu’« en dépit de la combinaison d’une clause

de désignation d’une loi étrangère et d’une clause donnant compétence à une juridiction étrangère,

le droit français des pratiques restrictives et, plus précisément l’article L. 442-6 du Code de

commerce, reste applicable, à tout le moins, lorsque l’action sur son fondement est intentée par le

ministre de l’Économie faisant usage des prérogatives prévues à l’article L. 442-6, III du Code de

commerce ».

Sur les pratiques restrictives de concurrence :

La loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite « loi LME »110, a inséré une

disposition encadrant de nouvelles pratiques restrictives de concurrence à l’article L. 442-6, II, d)

du Code de commerce, prévoyant que « sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un

producteur, un commerçant, un industriel ou une personne immatriculée au répertoire des métiers,

la possibilité (…) de bénéficier automatiquement des conditions plus favorables consenties aux

entreprises concurrentes par le cocontractant ».

Or, la CEPC relève que « les contrats comportent différentes stipulations en vertu desquelles

l’hébergeur s’engage :

- à assurer à l’exploitant du site de réservation des tarifs égaux ou plus avantageux ainsi que

des conditions égales ou plus avantageuses aux tarifs et conditions disponibles auprès de

l’hébergeur (directement ou via son site Internet ou ses centres d’appels), mais aussi auprès

de tout concurrent de la centrale de réservation (parité des tarifs et des conditions) ;

110

Loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, JO n° 181 du 5 août 2008, page 12471, texte n°1

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- à ce que les chambres disponibles à la réservation sur le site concerné soient au moins aussi

favorables que celles fournies à tout concurrent, cet engagement incluant parfois

l’hébergeur lui-même (parité des disponibilités) ».

Les « conditions » visées par l’article L. 442-6 II, d) du Code de commerce peuvent être tarifaires

ou non. Par conséquent, toutes les clauses de parité sont nulles dès lors qu’elles prévoient un

alignement automatique sur les conditions plus favorables accordées aux concurrents, que ces

clauses portent sur les tarifs, sur les disponibilités ou sur d’autres conditions. Tel est le cas en

l’espèce selon la CEPC.

La CEPC estime par ailleurs que « l’alignement, prévu par une partie des clauses, sur le

cocontractant lui-même ou l’obtention automatique de conditions encore plus favorables, s’ils ne

relèvent pas de cette interdiction, doivent en revanche être examinés au regard de la règle relative

au déséquilibre significatif ».

Sur la règle relative au déséquilibre significatif :

L’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce dispose qu’« engage la responsabilité de son

auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel

ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de soumettre ou de tenter de soumettre un

partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et

obligations des parties ». Le comportement visé est celui qui consiste à imposer sans négociation.

En l’espèce, les documents examinés sont des contrats-types proposés uniformément à l’ensemble

des hôteliers et qui ne semblent pas ménager de place pour la négociation. Ce sont en droit commun

des contrats, des contrats qualifiés d’adhésion.111

La CEPC commence par affirmer qu’il existe une incertitude sur le point de savoir si le déséquilibre

significatif doit être apprécié clause par clause ou doit donner lieu à une appréciation globale.

Toutefois, elle considère que les contrats conclus entre les OTA et les hôteliers comportent de

nombreuses stipulations apparaissant contraires à l’article L. 442-6, I, 2°, qu’elles soient appréciées

isolément ou globalement. En effet, elle remarque que ces clauses de parité sont à l’avantage de

l’OTA au détriment de l’hôtelier, et qu’elles ne sont pas assorties d’un avantage de même

nature ou d’une contrepartie suffisante au profit de ce dernier.

Certains auteurs se sont immédiatement félicités de la portée de cet avis, ouvrant la voie à « un

rééquilibrage des relations commerciales entre l’industrie hôtelière et les principaux exploitants

des sites de réservation en ligne, lesquels sont devenus un canal de distribution incontournable

pour les hôteliers et, notamment, pour les plus petits d’entre eux »112. Certes, cet avis n’est par

essence doté de la force obligatoire, de sorte que les parties sont libres de suivre ou non les

recommandations qu’il édicte, mais il n’en demeure pas moins qu’il contribue à l’interprétation de

111

Article 1110 alinéa 2 du nouveau Code civil : « le contrat d’adhésion est celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties ». 112

« Hôtellerie : les clauses de parité dans le viseur du législateur », Frédéric TEFFO, Dalloz actualité, 12 octobre 2013 : http://www.dalloz-actualite.fr/chronique/hotellerie-clauses-de-parite-dans-viseur-du-legislateur#.WM_iQBh7RR1

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la législation en vigueur, dont l’autorité de la concurrence pourrait s’inspirer pour prendre une

décision coercitive.

C’est pour éviter cela qu’un an plus tard, Booking.com a pris, de sa propre initiative, des

engagements envers l’autorité de la concurrence dans le but de réduire, voire de supprimer les effets

anticoncurrentiels néfastes de ces clauses de parité. Toutefois, Booking.com s’est émancipé de

l’avis rendu par la CEPC.

Section 2. Une proposition d’engagements s’émancipant de l’avis de la

CEPC

Un communiqué de l’Autorité de la concurrence en date du 15 décembre 2014113 indique

que Booking.com s’est engagé devant ladite Autorité à limiter le champ d’application des

clauses de parité tarifaire aux seuls canaux de distribution directs des hébergements, c’est-à-

dire aux seuls cas où l’hôtelier vend lui-même des nuitées sans recourir aux services d’un

intermédiaire, que ce soit par le biais d’un canal de distribution en ligne ou hors ligne. De telles

clauses obligent en effet les hôteliers à consentir à Booking.com des conditions tarifaires au moins

aussi avantageuses que celles consenties aux autres plateformes de réservation en ligne. Ainsi,

Booking.com propose de renoncer aux clauses de parité tarifaire dans les canaux indirects de

distribution, à savoir dans le cas où l’hôtelier aurait recours à un tiers intermédiaire pour vendre

des nuitées, que ce tiers soit une plateforme de réservation hôtelière ou non, de sorte qu’il serait

libre de pratiquer des prix différents entre les intermédiaires aux services desquels il a recours. Par

conséquent, les hôteliers ne pourront toujours pas proposer directement aux consommateurs des

tarifs plus attractifs que ceux pratiqués par Booking.com.

Il ressort de cet engagement que les hôteliers pourront désormais mettre en concurrence

Booking.com notamment avec les autres plateformes de réservation en ligne, ce qui permettrait de

faire baisser le montant des commissions perçues par ces dernières.

Toutefois, on remarque que la plateforme s’est uniquement engagée à limiter le champ

d’application des clauses de parité tarifaire. Cette restriction ne concerne donc pas les parités des

conditions et des disponibilités, de sorte que Booking.com se garde la liberté de conserver

l’application de ses clauses de parité des conditions et des disponibilités aux canaux de distribution

directs et indirects, de sorte qu’il s’émancipe de l’avis rendu par la CEPC en 2013, lequel relevait

que toutes les clauses de parité étaient illicites, sans distinction.

Dans le cadre d’une procédure contentieuse ouverte devant l’Autorité de la concurrence par les

principaux syndicats hôteliers114, une proposition d’engagements a été déposée par les avocats

113 Communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence du 15 décembre 2014 « Plateformes de réservation

hôtelière » http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=591&id_article=2460

114 L'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (l'« UMIH »), le Groupement National des Chaînes Hôtelières (le « GNC »), la Confédération des Professionnels Indépendants de l’Hôtellerie (la « CPIH »), le

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représentant Booking.com115. Ce faisant, la plateforme marque sa volonté de traiter cette affaire par

la voie d’une procédure d’engagements sur le fondement de l’article L. 464-2, I du Code de la

consommation, l’Autorité de la concurrence disposant de la faculté d’« accepter des engagements

proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de

concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1, L. 420-

2 (…) L. 420-5 . »

La plateforme s’est engagée à supprimer la clause de parité tarifaire interdisant aux hôteliers

recourant aux services de celle-ci de pratiquer des prix de nuitées moins élevés, et donc plus

attractifs, sur les autres plateformes de réservation en ligne.

Ces engagements permettraient ainsi de garantir la liberté de fixation des prix des hôteliers

référencés sur Booking.com puisqu’ils pourront proposer librement des chambres à des prix

différents selon la plateforme de réservation. En effet, l’article L. 410-2, alinéa 1er du Code de la

consommation pose le principe de liberté de fixation des prix puisqu’il prévoit que les prix « sont

librement déterminés par le jeu de la concurrence ». Il est toutefois prévu une exception : « sauf

dans les cas où la loi en dispose autrement ».

Ainsi, Booking.com s’est engagé à ne plus imposer aux hébergements, expressément ou par la mise

en œuvre de mesures incitatives, une obligation de parité tarifaire vis-à-vis des autres plateformes et

tous autres tiers fournissant un service de réservation.

Par ailleurs, Booking.com a proposé d’élargir cet engagement à l’ensemble des pays de

l’Espace économique européen (EEE). Ainsi, les engagements de la plateforme auront vocation à

s’appliquer à toute réservation effectuée par des consommateurs, quelle que soit leur localisation,

dès lors que cette réservation concerne des hébergements situés dans l’EEE. Cette proposition fait

suite à la saisine de sept autorités de concurrence en Europe (France, Allemagne, Suède,

Royaume-Uni, Italie, Autriche, Irlande) concernant le cas des plateformes de réservation

hôtelière. Les autorités nationales ont alors mis en place, sous l’égide de la Commission

européenne, une coopération renforcée afin d’harmoniser le traitement des dossiers ; la France, la

Suède et l’Italie étant chefs de file de cette coopération.

C’est alors que l’Autorité de la concurrence française, tout comme ses homologues suédoise et

italienne, a lancé une consultation auprès des acteurs du secteur hôtelier – test de marché116 – dans

le but de déterminer si la proposition d’engagements est suffisante pour remédier aux effets

anticoncurrentiels qu’elle a identifiés. Ce test de marché recueille les observations des acteurs du

Syndicat National des Hôteliers, Restaurateurs, Cafetiers et Traiteurs (le «SYNHORCAT»), et la Fédération

Autonome Générale de l’Industrie Hôtelière Touristique (la « FAGIHT »). 114 Courriers du 3, 26 juillet et 1

er

octobre 2013, numéros de saisine 13/0045F et 13/0071F 115

Proposition d’engagements de Booking.com, 11 décembre 2014, saisine n°13/0045F et 13/0071F : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/prop_enga_booking_dec14.pdf

116

Test de marché du 15 décembre 2014 « Plateformes de réservation hôtelière en ligne » : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=605&id_article=2461

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secteur : hôteliers, plateformes de réservation hôtelière concurrentes, comparateurs, consommateurs

etc…

L’Autorité de la concurrence relève deux principaux effets anticoncurrentiels provoqués par ces

clauses de parité :

- D’une part, ces clauses ont pour effet de réduire la concurrence entre Booking.com et

les plateformes de réservation concurrentes. En effet, indépendamment du taux de

commission pratiqué par Booking.com, les hôteliers se voient imposer de lui accorder des

tarifs de nuitées, un nombre de nuitées disponibles à la réservation et des conditions de

vente aussi favorables que ceux proposés sur les plateformes concurrentes.

- D’autre part, ces clauses peuvent conduire à évincer les plateformes les plus petites ou

de nouveaux entrants sur le marché de la réservation hôtelière en ligne. Ainsi, ces

plateformes ne peuvent pas se différencier en prix, ni même proposer des nuitées moins

chères à leurs clients, et ce même en pratiquant des taux de commission plus bas et plus

intéressants pour les hôteliers. En effet, ces plateformes ne peuvent « se développer en

proposant aux hôteliers des commissions plus basses, en échange de prix de nuitée moins

élevées »117.

« En présence d’une uniformité des prix, des conditions et des disponibilités, les consommateurs

étaient enclins à réserver sur les plates-formes à forte notoriété et offrant un large choix d’hôtels,

ce qui favorisait les opérateurs en place ».118

Il en résulte que les clauses de parité sont de nature à restreindre la liberté des hôtels dans la

définition de leur politique commerciale et notamment dans leur capacité à fixer librement les

prix des nuitées sur les différents canaux, ce qui pourrait constituer une restriction de concurrence

prohibée par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101, §1 du traité sur le fonctionnement

de l’Union européenne (TFUE). Par ailleurs, les pratiques litigieuses pourraient être considérées

comme étant constitutives d’un abus de position dominante contraire aux articles L. 420-2 du

Code de commerce et 102 du TFUE.

L’Autorité de la concurrence relève que grâce aux engagements proposés, les hôteliers pourront

faire jouer la concurrence entre les plateformes, ce qui permettrait de faire baisser le montant des

commissions, et donc le prix des nuitées, de sorte que ces engagements devraient bénéficier aux

hôteliers comme aux consommateurs.

Booking.com s’est engagé à mettre en œuvre ses engagements dans un délai de 6 mois à compter

de la date de notification de la décision d’acceptation par l’Autorité desdits engagements, sachant

que ces engagements resteront en vigueur pour une période de 3 ans à compter de cette date.

Suite à l’initiative de Booking.com de proposer des engagements destinés à résoudre les

problématiques de concurrence mises en évidence par la pratique des clauses de parité, l’Autorité de

la concurrence les a acceptés dans une décision de 2015.

117

Rapport Annuel 2015 de l’Autorité de la concurrence, édition La documentation française, 2016, page 158 118

Rapport Annuel 2015 de l’Autorité de la concurrence, édition La documentation française, 2016, page 158

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Chapitre 2. Une acceptation des engagements par l’Autorité de la

concurrence

L’acceptation par l’Autorité de la concurrence des engagements proposés par Booking.com

a pour effet de les doter de la force obligatoire (Section 1), de sorte que la plateforme est désormais

tenue de les respecter. Toutefois, le bilan de l’incidence de l’entrée en vigueur des engagements,

élaboré par l’Autorité de la concurrence, demeure difficilement évaluable (Section 2).

Section 1. Une acceptation dotant les engagements de la force obligatoire

Les principaux syndicats hôteliers 119 ont saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques

mises en œuvre par les principales plateformes de réservation hôtelière – dont les sociétés

Booking.com, Expedia, et HRS – à l’encontre des établissements hôteliers, qui seraient selon eux

constitutives d’entente et/ou d’abus de position dominante collective, en violation des articles L.

420-1 et L. 420-2 du Code de commerce, et 101 et 102 du TFUE.

Toutefois, seul Booking.com s’est rapproché des services d’instruction de ladite Autorité afin

d’envisager le traitement de cette affaire par la voie d’une procédure d’engagements. L’instruction à

l’égard des autres plateformes mises en cause se poursuit.

Les parties demanderesses estiment que les plateformes de réservation hôtelière, notamment

Booking.com, occupent une position incontournable dans la réservation de nuitées d’hôtels en ligne,

et leur reprochent d’imposer aux hôteliers, notamment des clauses de parité, et des commissions

(directes et indirectes) prohibitives.

Les demandeurs soutiennent que120 :

- ces clauses constitueraient des restrictions verticales de concurrence, prohibées par les

articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE, puisque ces clauses restreindraient

en droit et en fait la capacité des hôteliers à fixer librement leur prix et leur politique

commerciale selon le canal de distribution considéré ;

119 L'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (l'« UMIH »), le Groupement National des Chaînes Hôtelières (le « GNC »), la Confédération des Professionnels Indépendants de l’Hôtellerie (la « CPIH »), le Syndicat National des Hôteliers, Restaurateurs, Cafetiers et Traiteurs (le «SYNHORCAT»), et la Fédération

Autonome Générale de l’Industrie Hôtelière Touristique (la « FAGIHT »).

119Courriers du 3, 26 juillet et 1er

octobre 2013, numéros de saisine 13/0045F et 13/0071F

120

Saisines 13/0071F, cotes 1 à 65 et 13/0045F, cotes 1 à 33 et 111 à 144

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45

- l’identité de ces clauses entre plateformes, qui ne trouverait aucune explication rationnelle,

révèlerait l’existence d’une coordination tacite des agences de réservation en ligne,

prohibée par les articles L. 420-1 du Code de commerce et 101 du TFUE ;

- l’imposition de ces clauses constituerait un abus de position dominante de la part des

plateformes de réservation hôtelière en ligne prohibé par les articles L. 420-2 du Code de

commerce et 102 du TFUE.

Suite aux points relevés dans le test du marché121 et aux demandes de l’Autorité de la concurrence,

Booking.com a complété sa proposition d’engagements visant à améliorer ses pratiques

commerciales, s’engageant ainsi à :

- supprimer l’obligation de parité tarifaire, non seulement à l’égard des OTA

concurrentes, mais également à l’endroit des canaux hors ligne des hébergements ainsi

qu’aux tarifs non publiés ni commercialisés en ligne ;

- supprimer totalement l’obligation de parité des disponibilités ;

- ne pas mettre en œuvre de mesures équivalentes aux obligations de parité actuelle ;

- mettre en œuvre les engagements pour une durée de 5 ans à partir du 1er juillet 2015 au plus

tard ;

- établir un rapport sur la mise en œuvre des engagements qui devra être transmis à

l’Autorité de la concurrence au plus tôt le 1er juillet 2016 et au plus tard le 1er octobre 2016,

en vue de dresser un bilan contradictoire sur l’efficacité des engagements pris. Ce bilan

permettra à ladite Autorité d’effectuer un contrôle de l’efficacité des engagements pris,

c’est-à-dire de vérifier que ces engagements ont bien permis de dynamiser de manière

significative la concurrence et en particulier qu’ils ont eu pour effet de développer la

concurrence entre les plateformes de réservation en ligne, de diminuer le montant des

commissions perçues par celles-ci, et d’élargir l’offre concurrentielle. Cela profitera in fine

au consommateur touristique dans la mesure où la mise en compétition des plateformes de

réservation en ligne favorisera la réduction du prix facturé au client, ce dernier pouvant faire

jouer la concurrence pour choisir la plateforme sur laquelle il va réserver.

Les Autorités de concurrence française, italienne, et suédoise, qui ont travaillé en étroite

coopération avec la Commission européenne sur cette affaire, ont estimé que le maintien d’une

obligation de parité tarifaire à l’égard des sites internet des hôtels ne faisait pas persister de

problèmes de concurrence sur ce marché. L’Autorité précise par ailleurs que « ce maintien d’une

partie de la clause de parité tarifaire permettait en outre de limiter le risque que les

consommateurs ne soient trop nombreux à utiliser les services de recherche et de comparaison

d’hôtels de Booking.com puis à réserver directement leur nuitée auprès de l’hôtel, dans le cas où ce

dernier aurait le droit de proposer sur son site Internet des prix plus bas que Booking.com. Dans la

mesure où les plates-formes de réservation d’hôtels ne se rémunèrent que lorsqu’une réservation

121 Test de marché du 15 décembre 2014 « Plateformes de réservation hôtelière en ligne » : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=605&id_article=2461

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est effectivement effectuée sur leur site, une généralisation de ce comportement de parasitisme

pouvait menacer l’efficience du modèle existant des plates-formes de réservation en ligne. »122

Enfin, l’Autorité de la concurrence indique que ces engagements doivent s’apprécier

globalement et non séparément dans la mesure où ces « engagements se complètent et se renforcent

et forment un ensemble dont l’efficacité est supérieure à celle de chaque engagement pris

isolément : chacun d’entre eux doit donc être apprécié en tenant compte du dispositif global dans

lequel il s’insère. Le cumul de ces engagements apparaît ainsi proportionné et pertinent pour

répondre aux préoccupations de concurrence exprimées. Il construit un équilibre satisfaisant car il

permet d’améliorer à la fois la concurrence entre Booking.com et les OTA concurrentes et la

liberté commerciale des hôtels, tout en préservant les gains d’efficacité permis par le modèle

économique des OTA ».123

C’est la raison pour laquelle l’Autorité de la concurrence a accepté les engagements pris par

Booking.com124, lesquels sont dotés de la force obligatoire à compter de la notification de la

décision. Ainsi, Booking.com pourrait échapper à toute sanction des pratiques restrictives de

concurrence et des pratiques anticoncurrentielles mis en évidence par l’Autorité à la condition de

respecter ses propres engagements. À défaut, l’Autorité de la concurrence pourrait prendre des

mesures coercitives et appliquer des sanctions pécuniaires. L’autorité de la concurrence a ainsi

sanctionné à hauteur de 300 000 euros un groupement d’intérêt économique (GIE) pour

manquement à neuf engagements qu’il avait pris.125

Les engagements pris par Booking.com se sont traduits par la création d’une « Charte de bonnes

pratiques »126.

122 Rapport Annuel 2015 de l’Autorité de la concurrence, édition La documentation française, 2016, page 159 123 Décision Booking.com B.V n°15-D-06, Autorité de la concurrence, 21 avril 2015, page 75 124 cf. page 6 et suivantes 125

Décision n°15-D-02 du 26 février 2015, Autorité de la concurrence : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/15d02.pdf

126

http://fr.calameo.com/read/004747622abd16775f5ce

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Source : Communiqué de l’Autorité de la concurrence du 21 avril 2015

http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=606&id_article=2534

Suite à l’entrée en vigueur de la force obligatoire des engagements pris par Booking.com,

l’Autorité de la concurrence a été confrontée à la difficulté tenant à l’évaluation des bienfaits de

ceux-ci.

1Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie (UMIH), Groupement National des ChaînesHôtelières (GNC), Confédération des Professionnels Indépendants de l'Hôtellerie (CPIH),Syndicat National des Hôteliers, Restaurateurs, Cafetiers et Traiteurs (SYNHORCAT), FédérationAutonome Générale de l'Industrie Hôtelière Touristique (FAGIHT).2Source : Phocuswright Europe3Source : Coach Omnium4Source : Phocuswright Europe5Les commissions moyennes s'élèvent entre 10 et 30 % du prix de détail TTC selon lesplateformes et le modèle choisi (paiement au moment de la réservation ou paiement lors duséjour.)

> Consulter le texte intégral de la décision 15-D-06 du 21 avril 2015 sur les pratiques mises

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Section 2. Les bienfaits de l’entrée en vigueur des engagements

difficilement évaluables

L’autorité de la concurrence a réalisé, et publié sur son site internet le 9 février 2017, un

bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com127.

Les engagements pris par Booking.com permettent aux hôtels de proposer des tarifs inférieurs, et

donc plus compétitifs, sur des plateformes de réservation hôtelière concurrentes ainsi que sur leurs

propres canaux directs de distribution hors ligne, mais ne lui interdisent pas de conserver les

clauses de parité tarifaire restreinte à l’égard des canaux directs de distribution en ligne des

hôteliers.

De plus, la suppression des clauses de parité des disponibilités a permis d’ouvrir la possibilité

aux hôtels de fournir à Booking.com un nombre de nuitées inférieur à celui proposé aux autres

plateformes concurrentes et/ou sur leurs propres canaux directs de distribution, en ligne ou hors

ligne.

La décision de l’Autorité de la concurrence128 avait prévu la tenue d’une séance orale contradictoire

avant le 1er janvier 2017 afin de procéder à un premier bilan de l’efficacité de ces engagements.

Cette séance a eu lieu le 6 décembre 2016 devant le collège de l’Autorité de la concurrence.

Booking.com et les parties saisissantes, à savoir les principaux syndicats hôteliers et le Groupe

AccorHotels, y ont participé.

Néanmoins, l’Autorité de la concurrence a été confrontée à plusieurs difficultés dans le cadre de la

réalisation d’un tel bilan, de sorte que les résultats doivent nécessairement être interprétés avec une

certaine précaution. Plusieurs raisons ont compliqué la réalisation de ce bilan.

Tout d’abord, l’application des engagements porte sur une période brève. En effet, les

engagements sont entrés en vigueur le 1er juillet 2015, et les données soumises dans cette période

par les parties couvrent environ une année d’exercice d’activité hôtelière129, de sorte que l’étude de

la situation actuelle du marché de la réservation hôtelière ne prend pas totalement en compte les

effets de ces engagements dans la mesure où ceux-ci peuvent intervenir un certain temps après leur

entrée en vigueur en raison de la complexité de ce marché.

Ensuite, les attentats qui ont eu lieu en France130 ont également affecté ce marché. Ces

attentats ayant touché des zones touristiques majeures, qui plus est fortement médiatisés, ont

127

« Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017 : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/bilan_engagements_booking_final_9fev17.pdf 128

Décision Booking.com B.V n°15-D-06, Autorité de la concurrence, 21 avril 2015 129

« Les données étudiées par Booking.com au sujet de la mise en œuvre de la différenciation tarifaire s’interrompent en juillet 2016, soit environ 16 mois après la publication de la décision et 13 mois après l’entrée en vigueur des engagements. Celles étudiées par l’UMIH, le GNC et le Groupe AccorHotels s’interrompent à la date du 17 mai 2016, soit 13 mois après la publication de la décision et un peu plus de 10 mois après l’entrée en vigueur des engagements » : Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence, page 3, paragraphe 9 130

7 janvier 2015, 13 novembre 2015 et 14 juillet 2016

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49

indiscutablement entrainé une baisse de l’activité touristique en France, dont les effets sont

différenciés sur tout le territoire131. Un des piliers du tourisme étant la sécurité du pays, dès lors que

des événements ternissent cette image du pays, les touristes n’ont pas envie de le visiter.

Enfin, l’adoption de la loi Macron132 a affecté le secteur de la réservation hôtelière en ligne

étant donné qu’elle interdit toute clause de parité tarifaire, quel que soit le canal de distribution. Dès

lors, la clause de parité restreinte, autorisée par la décision Booking.com B.V n°15-D-06 de

l’Autorité de la concurrence, est désormais prohibée. L’article L. 311-5-1 du Code du tourisme

dispose ainsi que « l’hôtelier conserve la liberté de consentir au client tout rabais ou avantage

tarifaire, de quelque nature que ce soit, toute clause contraire étant réputée non écrite ». Par

conséquent, Booking.com a été contraint de supprimer ses clauses de parité tarifaire restreinte de

ses contrats conclus avec les hôteliers. L’Autorité de la concurrence relève alors que les

« engagements de Booking.com acceptés par l’Autorité n’étaient en vigueur que depuis un mois à

la date de publication de la loi Macron, étant noté que la loi prévoit l’application immédiate des

dispositions en objet. Dès lors, si l’on souhaitait mesurer les effets sur le marché de ces seuls

engagements, l’évaluation ne reposerait que sur un mois de données, durée pendant laquelle il

n’est guère possible d’identifier des effets pertinents, du fait de la saisonnalité de l’activité hôtelière

et de la latence à la manifestation des effets des engagements »133.

« Les engagements acceptés par l’Autorité de la concurrence devaient permettre de restaurer une

concurrence sur le marché des agences de réservation hôtelière en ligne, en permettant aux OTA

de se différencier à travers les prix et les conditions offerts et en rétablissant un lien entre les taux

de commission pratiqués par une OTA et le prix des hôtels sur cette OTA. En effet, la liberté

tarifaire et commerciale acquise par les hôteliers devait leur permettre d’octroyer de meilleurs prix

et/ou de meilleures disponibilités aux OTA qui leur offraient un meilleur service qualité/prix. En

retour, cette différenciation des conditions commerciales devait induire une pression

concurrentielle entre les OTA, susceptible de les conduire à baisser leurs taux de commission et/ou

à augmenter la qualité des services offerts aux hôtels afin de conserver leur attrait pour les

131

L’INSEE, dans ses Informations rapides n° 299 du 16 novembre 2016, indique que « les touristes étrangers

continuent de déserter les hôtels en région parisienne » au troisième trimestre 2016 et poursuit : « La baisse

des nuitées dans l’hôtellerie se prolonge au troisième trimestre (−4,1 % en glissement annuel, après −3,6% au

deuxième trimestre). La fréquentation de l’agglomération parisienne (−14,3 %) et celle du littoral (−1,2 %)

reculent, probablement sous l’effet des attentats de fin 2015 à Paris et Saint-Denis puis du 14 juillet à Nice. La

baisse s’accentue pour la clientèle étrangère (−10,6 % après −7,7 %), celle-ci continuant de déserter les hôtels de

l’agglomération parisienne (−18,0 %) et évitant le littoral (−7,0 %). La fréquentation progresse légèrement dans

les hôtels des zones urbaines de province et des espaces ruraux ou montagneux. Au total, le taux d’occupation

hôtelière (65,4 %) baisse de 2,6 points sur un an ». https://www.insee.fr/fr/statistiques/2490353

132

Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°181 du 7 août 2015, page 13537 133 « Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017, page 4, paragraphe 14

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50

consommateurs »134.

Sur le développement de la concurrence entre plateformes de

réservation hôtelière :

Concernant la différenciation en disponibilité entre plateformes de réservation

hôtelière, il ressort d’un sondage réalisé pour le GNI-SYNHORCAT que :

• 69% des hôtels interrogés estiment que leur liberté dans la mise en ligne de disponibilités

sur Booking.com est inchangée depuis 2015 ;

• 25% considèrent que l’évolution a été positive ou très positive depuis 2015 ;

• et 5% considèrent que cette évolution a été négative ou très négative135.

Concernant la différenciation tarifaire entre plateformes de réservation hôtelière, la clause de

parité tarifaire restreinte n’était pas remise en cause par la décision Booking.com B.V n°15-D-06.

Toutefois, l’entrée en vigueur de la loi Macron136 a eu pour effet d’interdire toute clause de parité

tarifaire, y compris restreinte. Cependant, depuis l’entrée en vigueur de cette loi, la clause de parité

tarifaire restreinte n’est appliquée par Booking.com en France qu’à l’égard des hébergements

partenaires dits « établissements préférés »137. L’Autorité de la concurrence relève que ces derniers

« représentent une portion limitée des hébergements partenaires de Booking.com en France ; ils

contribuent toutefois à une part significative des réservations effectuées sur Booking.com et donc

de son activité »138. La clause de parité tarifaire restreinte est également appliquée par Booking.com

dans l’ensemble des pays européens, excepté en Allemagne depuis une décision de l’Autorité

allemande de concurrence l’ayant prohibée139.

Les résultats produits par l’UMIH, le GNC et le Groupe AccorHotels montrent que le taux de

différenciation tarifaire est resté relativement stable depuis l’entrée en vigueur des engagements et

de la loi Macron. L’Autorité de la concurrence relève que « l’existence d’une différenciation

tarifaire entre les OTA ne saurait à elle seule témoigner d’une concurrence accrue entre les OTA. À

cet égard, les éléments transmis à l’Autorité dans le cadre de ce bilan ne donnent pas de signe

visible d’un développement de la concurrence entre OTA, en fonction d’autres critères plus

134 « Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017, page 5, paragraphe 16 135 « Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017, page 5, paragraphe 18 136 Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°181 du 7 août 2015, page 13537 137 Charte de bonnes pratiques de Booking.com publiée le 11 mai 2016 sur son site internet, bonne pratique n°14 : « Booking.com propose à ses partenaires un programme de partenariat « Établissements préférés » qui permet à certains établissements d’être recommandés par Booking.com en raison d’un excellent rapport qualité/prix et de la satisfaction des clients. La participation des partenaires hôteliers à ces programmes relève d’une démarche volontaire de l’hôtelier s’il répond à des conditions d’éligibilité liées à la qualité et à la performance de l’hôtel. Les « Établissements préférés » bénéficient d’un taux de commission identique à celui des hôtels standards dans les destinations les plus importantes. Les hôtels standards bénéficient d’un taux inférieur uniquement dans les destinations secondaires ou de plus faible fréquentation touristique ». 138 « Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017, page 6, paragraphe 19 139 Décision n°B 9-121/13 du Bundeskartellamt, 22 décembre 2015

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51

qualitatifs ou quantitatifs (parts de marché, qualité de l’offre, etc.) »140. « Le développement de ces

canaux de réservation directs était supposé permettre une limitation du pouvoir de marché des

OTA, et en particulier de Booking.com, vis-à-vis des hôtels »141. Toutefois, il ressort des chiffres

communiqués par l’UMIH, le GNC et le Groupe AccorHotels que la part des ventes réalisées en

ligne et la part des ventes réalisée via une OTA stagnent entre 2015 et 2016. De même, la part des

ventes en ligne réalisées via les sites internet des hôtels ne semble pas avoir augmentée malgré

l’entrée en vigueur de la loi Macron. Enfin, l’Autorité conclut que « conjuguée au maintien de ses

taux de commission, la stabilité voire le développement de la part de marché de Booking.com

suggère que la pression concurrentielle subie par ce dernier ne serait pas significativement

renforcée »142.

Sur la baisse des taux de commission :

Les taux effectifs de commissions pratiqués par Booking.com perçues sur les nuitées

hôtelières vendues n’auraient pas baissé depuis l’entrée en vigueur des engagements et de la loi

Macron selon l’ensemble des parties 143 . Booking.com explique le maintien de ses taux de

commission par le fait qu’il offrirait le meilleur rapport qualité/prix du marché aux hôtels144.

Toutefois, en raison des carences de la procédure d’engagements jugée trop souple, des

autorités publiques nationales et européennes sont intervenues afin d’encadrer plus strictement les

activités exercées par les opérateurs touristiques en ligne.

Titre 2. Un nouvel encadrement juridique des activités des

opérateurs touristiques en ligne comblant les carences de la

procédure d’engagements

Le nouvel encadrement juridique des activités des opérateurs touristiques en ligne comblant

les carences de la procédure d’engagements se manifeste non seulement par l’instauration d’une

disposition régissant les rapports entre les hôteliers et les plateformes de réservation en ligne

(Chapitre 1), mais également par la création inédite d’un groupe de travail européen de concurrence

sous l’égide de la Commission européenne ayant pour objectif l’harmonisation des remèdes adoptés

dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne (Chapitre 2).

140 « Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017, page 6, paragraphe 21 141 « Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017, page 7, paragraphe 24 142 « Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017, page 7, paragraphe 26 143 « Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017, page 8, paragraphe 27 144 « Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017, page 8, paragraphe 28

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Chapitre 1. L’instauration d’une disposition législative régissant

les rapports entre les hôteliers et les plateformes de réservation en

ligne

La nouvelle disposition législative régissant les rapports entre les hôteliers et les plateformes

de réservation en ligne met en évidence une intention régulatrice restreinte de la part du législateur

(Section 1) dans la mesure où ne sont visées que les clauses de parité tarifaire et non toutes les

clauses de parité. Toutefois, le législateur manifeste également une intention régulatrice novatrice

(Section 2) étant donné qu’il introduit l’application du régime du contrat de mandat dans les

rapports entre les hôteliers et les plateformes de réservation en ligne.

Section 1. Une intention régulatrice restreinte du législateur

Une proposition de loi n° 1947145 déposée par un groupe de députés de l'opposition le 14

mai 2014 et « visant à encadrer les méthodes pratiquées par les agences de réservation en ligne »

avait pour but de faire interdire les clauses de parité. Cette proposition de loi a finalement abouti

puisqu’elle a été intégrée dans la loi Macron du 6 août 2015146.

Certes, auparavant aucune réglementation ne visait expressément ces clauses de parité, mais il

existait des outils juridiques généraux, de droit commun, pour les appréhender sur le fondement des

pratiques restrictives de concurrence ou des pratiques anticoncurrentielles.

La loi Macron147 a introduit une nouvelle sous-section (Sous-section 2) dans le Code du tourisme

régissant les « rapports entre hôteliers et plateformes de réservation en ligne ». Cette sous-section

s’insère dans la section première « Des contrats relatifs à l’hôtellerie » du chapitre premier relatif

aux « hôtels », partie intégrante du titre premier « hôtels, restaurants, cafés et débits de boissons »,

le tout faisant partie du livre troisième « équipements et aménagement ». L’analyse de cette

insertion met en évidence la volonté du législateur de s’adapter à une nouvelle pratique, à savoir le

fait que les hôteliers recourent aux services des OTA dans le but d’une meilleure visibilité sur

internet (ce qui passe nécessairement par un meilleur référencement), pratique qui a créé des

contentieux qui n’existaient pas antérieurement à l’existence de telles OTA. Le législateur a donc

voulu mieux réguler cette activité en optant pour une législation spéciale régissant cette pratique,

plutôt qu’en ayant recours au droit commun des sanctions des pratiques anticoncurrentielles et des

pratiques restrictives de concurrence du Code de commerce. Cette législation spéciale est censée

être plus protectrice de l’intérêt des hôteliers que le droit commun car elle permet de contribuer à

une meilleure sécurité juridique en la matière dans la mesure où les OTA ne pourront plus négocier

avec l’Autorité de la concurrence à propos des clauses de parité tarifaire pour échapper à toute

145 http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion1947.asp

146 Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°181 du 7 août 2015, page 13537

147 Article 133, 3° de la Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°181 du 7 août 2015, page 13537

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sanction s’ils continuent d’insérer de telles clauses dans leurs contrats les liant aux hôteliers. Le

texte ne reprend pas la distinction opérée par l’Autorité de la concurrence selon que le canal de

distribution soit « en ligne » ou « hors ligne », de sorte que toute clause de parité tarifaire est

réputée non écrite, peu importe le canal de distribution en cause.

La sous-section 2 régissant les rapports entre hôteliers et plateformes de réservation en ligne

comprend les articles L. 311-5-1 et suivants du Code du tourisme.

On remarque que la loi Macron a répondu favorablement aux revendications des professionnels de

l’hôtellerie puisqu’elle sanctionne toute clause de parité tarifaire « quelle que soit sa nature »

comme étant réputées non écrite, selon les dispositions de l’articles L. 311-5-1 alinéa 2 du Code

du tourisme. Ainsi, il n’y a plus lieu de distinguer selon le canal de distribution : dans tous les cas,

une telle clause est réputée non écrite. Cette loi est donc en ce sens simplificatrice.

Toutefois, cette loi ne traite donc pas du cas des clauses de parité des conditions ou des

disponibilités. En ce sens, il s’agit d’une disposition restreinte dans la mesure où elle ne traite pas

des clauses de parité autre que tarifaires. Dès lors, la licéité de ces clauses restera à déterminer en

fonction du droit commun, c’est-à-dire sur le fondement des pratiques anticoncurrentielles et des

pratiques restrictives de concurrence. Par ailleurs, les OTA pourront toujours négocier avec

l’Autorité de la concurrence sur ces clauses par le biais de la procédure d’engagements.

Ces nouvelles dispositions s’appliquent aussi bien aux nouveaux contrats conclus entre les hôteliers

et les plateformes de réservation en ligne qu’aux contrats en cours entre eux. Il s’agit de

dispositions d’ordre public, auxquels nul ne peut déroger. Ces dispositions sont d’ailleurs

applicables quel que soit le lieu d’établissement de la plateforme, « dès lors que la location est

réalisée au bénéfice d’un hôtel établi en France ». Ainsi, une stipulation prévoyant la compétence

d’une juridiction étrangère alors même que la location est réalisée au bénéfice d’un hôtel établi en

France serait réputée non écrite.

En définitive, la loi Macron met un terme au contentieux de la clause de parité tarifaire. Toutefois,

le contentieux demeure s’agissant des clauses de parité des conditions et des disponibilités. Le

législateur n’est donc pas allé au bout de sa démarche de simplification et de renforcement de la

sécurité juridique dans les relations entre hôteliers et OTA. Une des dérives pourrait alors consister

au déréférencement abusif de la part des OTA à l’égard des hôteliers qui pratiquent effectivement

la différenciation tarifaire sur leurs propres sites internet de réservation : tel pourrait être le cas de

l’hôtelier qui pratiquerait sur son site internet un tarif moins élevé, et donc plus compétitif, que sur

celui de l’OTA ; l’hôtelier pourrait alors se voir sanctionné par l’OTA via un déréférencement. En

d’autres termes, l’OTA pourrait diminuer la visibilité de l’hôtelier sur sa plateforme, et donc réduire

le nombre de nuitées réservées dans son hôtel, ce qui aurait pour effet de baisser considérablement

son chiffre d’affaires. Tel serait le cas si l’hôtelier était référencé sur la première page de la

plateforme de l’OTA, et qu’il se retrouve in fine à la 10ème page. Cela pourrait alors dissuader les

hôteliers de pratiquer effectivement une différenciation tarifaire, et ce bien que la loi Macron148 les

148 Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°181 du 7 août 2015, page 13537

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y autorise.

Cette loi entrée en vigueur le lendemain de sa publication, soit le 08 août 2015, prend en

compte notamment d’un jugement du Tribunal de commerce de Paris du 7 mai 2015 qui avait

constaté la nullité de la clause de parité tarifaire.

Sur le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 7 mai 2015 :

Le tribunal de commerce de Paris, saisi par le Ministre de l’économie ainsi que par plusieurs

syndicats hôteliers, a considéré dans un jugement du 7 mai 2015149 que la clause de parité tarifaire

incluse dans les contrats conclus entre Expédia (une OTA) et les hôteliers français est constitutive

d’un déséquilibre significatif au sens de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce, de sorte

qu’a été prononcé la nullité de cette clause. Le fait générateur du déséquilibre significatif est

constitué selon ce jugement par l’absence de contrepartie suffisante à l’obligation de parité

tarifaire, l’OTA ne prenant aucun risque ni aucun engagement d’achat minimum.

Est également retenu que cette obligation de parité tarifaire peut être défavorable à l’hôtelier étant

donné que sa marge réelle sur les dernières chambres proposées à la vente à des tarifs

promotionnels se trouve fortement réduite alors même que celle de l’OTA ne se trouve pas

significativement impactée.

Malgré ces constations, le tribunal a refusé de prononcer la nullité de la clause « de la dernière

chambre disponible » par laquelle l’OTA se réserve automatiquement la possibilité de vendre toute

chambre encore disponible, estimant qu’elle représente la « contrepartie de la visibilité offerte »

par l’OTA à hôtelier sans rémunération fixe.

En définitive, la nullité prononcée par le tribunal de commerce de Paris concerne uniquement

les clauses de parité tarifaire, et non celles des conditions et des disponibilités. En effet, le

tribunal estime que « faute de contrepartie suffisante, les clauses visant à l’obtention automatique

de meilleures conditions tarifaires et promotionnelles, dans les contrats des hôtels incriminés situés

sur le territoire français, sont constitutives d’un déséquilibre significatif au sens de l’article L. 442-

6, I, 2° et sont nulles ». Ce faisant, la juridiction de première instance va au-delà de la décision

rendue en 2015 par l’Autorité de la concurrence à propos d’une affaire similaire dans laquelle est

mise en cause une société concurrente d’Expédia (Booking.com).

Comme l’affirment Maîtres Corinne HOVNANIAN et Sahra HAGANI, cette « décision reprend

ainsi les critères classiques du déséquilibre significatif dégagée par la jurisprudence dans le

secteur de la grande distribution pour l’appliquer à un nouveau secteur d’activité : soumission

d’un opérateur établie du fait des rapports de force existants, absence de contrepartie suffisante,

obligation en conséquence injustifiée et absence de rétablissement de l’équilibre par d’autres

stipulations contractuelles ». 150 En effet, il résulte de la jurisprudence que l’existence d’un

149 Tribunal de Commerce de Paris, 07 mai 2015, RG j2015000040 http://blog.selinsky-avocats.com/medias/shared/tgi-07052015.pdf 150

http://www.fidal-avocats-leblog.com/2015/06/lapplication-du-droit-pratiques-restrictives-concurrence-aux-relations-les-agences-voyage-en-ligne-les-hoteliers/

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déséquilibre significatif doit être apprécié au regard du contrat pris dans sa globalité151 et non

clause par clause dans la mesure où le déséquilibre créé par une clause peut être compensé par

d’autres clauses.

Le tribunal affirme également que le champ d’application de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de

commerce ne se limite pas au seul secteur de la grande distribution puisqu’il a pour objet d’assurer

la protection de la partie faible à un contrat. Cette analyse est conforme aux dispositions de l’article

L. 410-1 du Code de commerce qui prévoit que cette règle s’applique à « toutes les activités de

production, de distribution, et de services ». Or, les activités hôtelières sont des prestations de

services. Par ailleurs, l’article L. 442-6 I du Code de commerce vise « tout producteur,

commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ». Ce champ

d’application rationae personae très large du déséquilibre significatif permet à tout opérateur

économique d’être poursuivi sur ce fondement.

« Le déséquilibre significatif est ainsi utilisé par les juges comme un instrument de rééquilibrage

des relations commerciales entre opérateurs d’inégales puissances. La jurisprudence semble aller

dans ce sens en rejetant quasi systématiquement les demandes fondées sur le déséquilibre

significatif entre opérateurs d’égale puissance »152.

Ainsi, en sanctionnant de nullité la clause de parité tarifaire, le tribunal de commerce de Paris

entend protéger la partie faible au contrat, à savoir l’hôtelier, qui se voit imposer une obligation de

parité tarifaire sans contrepartie suffisante.

Pour rappel, la CEPC avait déjà considéré en 2013153 que les clauses de parité contenues dans les

contrats entre hôteliers et OTA étaient nulles sur le fondement de l’article L. 442-6, II, d) du Code

de commerce prohibant alignement automatique sur les conditions plus favorables consenties aux

concurrents, estimant que toutes les clauses de parité sont nulles dès lors qu’elles prévoient un

alignement automatique sur les conditions plus favorables accordées aux concurrents, que ces

clauses portent sur les tarifs, sur les disponibilités ou sur d’autres conditions. La CEPC visait

toutes les clauses de parité en général, sans distinguer selon qu’elles soient tarifaire, de

disponibilités ou de conditions.

De plus, en 2015154, l’Autorité de la concurrence a accepté l’engagement de la société Booking.com

de supprimer de ses contrats conclus avec les hôteliers les obligations de disponibilités. L’entreprise

s’est également engagée à supprimer les obligations de parité tarifaire, mais uniquement concernant

les canaux indirects de distribution en ligne des OTA concurrentes aux services desquelles ont

recours les hôteliers, et les canaux directs de distribution hors ligne des hébergements. Il en résulte

que Booking.com pouvait valablement conserver des obligations de parité tarifaire dans les canaux

directs de distribution en ligne des hôteliers.

151

Notamment Com, 03 mars 2015 n°13-27.525 et n°14-10.907, RJDA mai 2015 n°393 152

« L’application du droit des pratiques restrictives de concurrence aux relations entre les agences de voyage en ligne et les hôteliers » M

e

Corinne HOVNANIAN et Me

Sahra HAGANI, 19 juin 2015, FIDAL LE BLOG http://www.fidal-avocats-leblog.com/2015/06/lapplication-du-droit-pratiques-restrictives-concurrence-aux-relations-les-agences-voyage-en-ligne-les-hoteliers/ 153

Avis de la CPEC n°13-10 du 16 septembre 2013 154

Autorité de la concurrence, décision Booking.com n°15-D-06 du 21 avril 2015

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Par conséquent, on remarque que le présent jugement du tribunal de commerce de Paris va plus loin

que la décision de l’Autorité de la concurrence puisqu’il considère que toutes les clauses de parité

tarifaire sont nulles, y compris celles présentes dans les contrats liant les OTA aux hôteliers

concernant les canaux directs de distribution en ligne des hôteliers.

En outre, un jugement du tribunal de commerce de Paris, postérieur à la loi Macron, a mis

en évidence les lacunes de cette loi qui n’interdit pas l’ensemble des clauses de parité.

Sur le Jugement du Tribunal de commerce de Paris du 29

novembre 2016155 :

Le ministre de l’Économie ainsi que les principaux syndicats de la profession hôtelière ont

assigné les sociétés Booking.com France SAS dont le siège social est situé à Paris, et Booking.com

B.V dont le siège social est situé à Amsterdam, devant le tribunal de commerce de Paris.

Le tribunal commence par rappeler que Booking.com fournit un service de réservation

d’hébergements en ligne sur son site internet, lequel fait apparaître des hébergements partenaires

selon un classement obéissant à un certain nombre de critères ; cette intermédiation faisant l’objet

d’un contrat passé entre Booking.com B.V et chaque hôtel. Une fois que le client a quitté et réglé sa

chambre auprès de l’hôtelier, est prévu dans ce contrat le versement d’une commission payée par

l’hôtelier à l’OTA.

La loi Macron156 n’interdisant que les clauses de parité tarifaire, et non toutes les clauses de parité

indistinctement (qu’elles soient tarifaire, de conditions ou de disponibilités), le tribunal a sanctionné

ces clauses non pas sur le fondement de l’article L. 311-5-1 du Code du tourisme introduit par cette

loi, mais sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce relatif au déséquilibre

significatif.

Le tribunal relève que la garantie du meilleur tarif ne peut être mis en œuvre par Booking.com B.V

que grâce à la combinaison de plusieurs clauses :

• une clause d’engagement par l’hôtel que son offre de prix, de règlement et de conditions

de réservation figurant sur le site Booking.com garantisse un tarif au plus égal à celui

pouvant figurer sur toute autre annonce de prix, qu’elle émane d’un concurrent, de

l’établissement ou d’une tierce partie ;

• une clause de disponibilité permettant à Booking.com B.V de s’assurer que le site lui

offre un nombre d’hébergements au moins équivalent à celui proposé à la concurrence

ou à d’autres tiers partenaires de l’hôtel ;

• une clause d’engagement de l’hôtel d’ajuster ses tarifs en cas de réclamation du client

relative à la garantie du meilleur tarif ;

• une clause d’engagement par l’hôtel de compensation de Booking.com B.V si une

réclamation relative à la garantie du meilleur tarif non résolue fait l’objet d’une

indemnisation du client.

155 Tribunal de commerce de Paris, 29 novembre 2016, RG 2014027403 http://www.journaldunet.com/economie/pictos/appel/17/booking2.pdf

156 Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°181 du 7 août 2015, page 13537

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57

Cet ensemble d’obligations permet à Booking.com B.V de bénéficier des tarifs les plus

concurrentiels du marché. Booking.com affirme que ces clauses sont la contrepartie de la visibilité

offerte aux hôteliers. Or, Booking.com s’est engagé envers l’Autorité de la concurrence à modifier,

voire supprimer ces clauses. Par cette acceptation, Booking.com reconnaît, selon le tribunal, que

cette contrepartie n’est pas indispensable.

L’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce interdit de « soumettre ou de tenter de soumettre un

partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et

obligations des parties ». Le tribunal relève que cette disposition vise à assurer la protection de la

partie « faible » au contrat, le législateur ayant estimé que les règles fondamentales de la formation

et du consentement s’appliquant aux contrats commerciaux n’étaient pas suffisantes et qu’il était

nécessaire de renforcer le contrôle de l’équilibre et de la réciprocité.

Selon Booking.com cette obligation ne peut être considérée comme créant un déséquilibre

significatif, cette notion devant s’apprécier au regard de l’équilibre général du contrat. La notion du

déséquilibre doit s’apprécier, pour une clause précise, aux regards d’éventuelles autres clauses

venant rétablir un équilibre, sauf à créer, par la nullité d’une clause en faveur d’un contractant, un

nouveau déséquilibre en faveur de l’autre. Il convient à Booking.com d’apporter la preuve que la

clause litigieuse s’inscrit dans un contexte contractuel plus large, et que d’autres clauses rétablissent

l’équilibre contesté, ce qu’elle n’établit pas en l’espèce selon le tribunal.

Booking.com soutient que le prix le plus bas, est en fait celui in fine, accordé au consommateur. La

clause n’est pas à son bénéfice et n’est que la contrepartie des investissements importants qu’elle

consent et du modèle de rémunération à la réservation et non à la simple visite. Booking.com

n’achète ni ne revend les nuitées et ne supporte aucun risque lié à la réservation d’une chambre,

notamment l’OTA ne perd pas le prix de la nuitée si la réservation est annulée, ce qui démontre que

cette clause ne représente pas la contrepartie d’un risque ou d’un engagement d’achat minimum

justifiant un tel avantage.

En conséquence, le tribunal considère que les obligations des parties sont significativement

déséquilibrées et que la clause litigieuse, compte tenu de l’équilibre général du contrat, est

contraire à l’article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce. Le tribunal enjoint donc aux sociétés

défenderesses de cesser pour l’avenir les pratiques consistant à mentionner et mettre en œuvre de

telles clauses contractuelles et prononce la nullité des articles litigieux des conditions générales de

prestation (CGP) dans les relations contractuelles liant Booking.com B.V et les hôteliers.

En effet, la clause de parité tarifaire empêche l’hôtelier d’accorder en direct à ses clients un prix

plus avantageux sans être obligé immédiatement d’offrir ce même prix à Booking.com. L’hôtelier

est privé de sa liberté de déterminer une politique tarifaire selon les différents canaux de

commercialisation de ses chambres. Cette clause interdit également à l’hôtelier d’accorder à

certains de ses clients des avantages spécifiques, comme le petit-déjeuner offert ou un sur-

classement.

Par ailleurs, on remarquera que le tribunal de commerce de Paris a débouté le Ministre de

l’Économie de sa demande de condamnation d’une amende civile de 2 millions d’euros au motif de

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l’insuffisance des éléments produits qui ne démontrent pas le caractère intentionnel de la faute. Le

tribunal relève que Booking.com a accepté de rentrer dans une procédure d’engagements et de

modifier ses CGP, et que la plupart des clauses litigieuses ne sont plus en vigueur. La juridiction de

première instance a donc indirectement reconnu la bonne foi de Booking.com dans l’exécution de

ses engagements, et ce bien que toutes les clauses litigieuses n’aient pas été retirées de ses CGP.

Certes, la loi Macron n’a pas entendu régir toutes les clauses de parité. Néanmoins, elle

comporte une nouveauté importante qui est celle de l’instauration du contrat de mandat applicable

aux relations entre l’hôtelier et les plateformes de réservation en ligne.

Section 2. Une intention régulatrice novatrice du législateur

La loi Macron157 impose l’application du contrat de mandat de droit commun des articles

1984 et suivants du Code civil aux relations liant l’hôtelier aux plateformes de réservation en ligne,

que ces dernières soient exploitées par une personne physique ou morale, lorsque le contrat porte

sur la location de chambre d’hôtel aux clients. En effet, l’article L. 311-5-1, alinéa 1er du Code du

tourisme prévoit qu’un tel contrat est « conclu au nom et pour le compte de l’hôtelier », ce qui

caractérise le contrat de mandat, lequel devra alors fixer les conditions de rémunération de

l’OTA mais aussi le prix de la location des chambres ainsi que de tout autre service annexe.

L’hôtelier est alors qualifié de mandant, et l’OTA de mandataire. On notera toutefois la maladresse

du législateur dans la rédaction de l’alinéa 1er de cet article dans la mesure où c’est le contrat liant la

plateforme de réservation en ligne et le consommateur qui est conclu au nom et pour le compte du

l’hôtelier, contrairement à ce qu’indique expressément le texte.

Sous-section 2 : « Des rapports entre les hôteliers et plateformes de réservation en

ligne »

(Loi n°2015-990 du 6 août 2015158, article 133-3)

Article L.311-5-1 : Le contrat entre un hôtelier et une personne physique ou morale exploitant une

plateforme de réservation en ligne portant sur la location de chambres d'hôtel aux clients ne peut être

conclu qu'au nom et pour le compte de l'hôtelier et dans le cadre écrit du contrat de mandat

mentionné aux articles 1984 et suivants du code civil.

Nonobstant le premier alinéa du présent article, l'hôtelier conserve la liberté de consentir au

client tout rabais ou avantage tarifaire, de quelque nature que ce soit, toute clause contraire

étant réputée non écrite.

Article L.311-5-2 : Le contrat prévu à l'article L.311-5-1 fixe les conditions de rémunération du

mandataire ainsi que les prix de la location des chambres et de tout autre service.

La rémunération du mandataire est déterminée librement entre l'hôtelier et la plateforme de

réservation en ligne.

Article L.311-5-3 : Est puni d'une amende de 30.000 €, pouvant être portée à 150.000 € s'il s'agit

d'une personne morale, le fait pour le représentant légal de la plateforme de réservation en ligne

d'opérer sans contrat conclu conformément à l'article L.311-5-1.

Le non-respect de l'article L.311-5-2 est puni d'une amende de 7.500 €, pouvant être portée à

30.000 € pour une personne morale.

157 Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°181 du 7 août 2015, page 13537

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Les infractions précitées sont constatées par les agents mentionnés à l'article L.450-1 du code de

commerce et dans les conditions prévues au même article.

Article L.311-5-4 : La présente sous-section s'applique quel que soit le lieu d'établissement de la

plateforme de réservation en ligne dès lors que la location est réalisée au bénéfice d'un hôtel établi

en France.

Les contrats entre hôteliers et plateformes de réservation en ligne conclus avant la publication de la

loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques

cessent de produire leurs effets dès l'entrée en vigueur de la même loi.

Source : Code du Tourisme

L’OTA disposant d’un véritable savoir-faire en matière de réservation hôtelière en ligne, il va

pouvoir mettre ses connaissances et son réseau au profit de l’hôtelier. L’OTA mandataire exerçant à

la place du mandant sa volonté de conclure un acte juridique (la réservation de chambre d’hôtel) va

rendre un service de conseil au mandant ; l’OTA étant expert dans ce domaine, le contrat de mandat

représente un véritable avantage pour le mandant puisqu’il sera mieux protégé que s’il avait lui-

même accompli l’acte de réservation de chambre d’hôtel directement auprès du client.

De plus, une des particularités du contrat de mandat consiste en sa libre révocabilité : le mandant

peut, en principe, révoquer le contrat « quand bon lui semble » aux termes de l’article 2004 du

Code civil. L’idée étant qu’à tout moment, le mandant devrait pouvoir reprendre le pouvoir qu’il a

confié. Bien évidemment, le mandant engagera sa responsabilité en cas de révocation fautive

lorsqu’elle intervient de manière intempestive : cela peut être le cas en raison des motifs de la

révocation s’ils sont inexacts, voire diffamatoires. En effet, la jurisprudence a reconnu que le

mandant est libre de révoquer à tout moment son mandat, sauf s’il commet un abus de droit159. De

plus, elle a reconnu que la révocation anticipée du mandat à durée déterminée, pour des motifs

légitimes et sans abus de droit, n’ouvre pas droit à indemnité au profit du mandataire 160 . En

combinant ces deux jurisprudences, on en déduit que le contrat de mandant peut être révoquer

librement dès lors que les motifs de révocation sont légitimes et qu’ils ne sont pas constitutifs d’un

abus de droit.

Une autre particularité du contrat mandat résulte de son caractère intuitu personae qui explique le

caractère temporaire de ce contrat. Il s’agit en effet d’un contrat de confiance puisque le mandant

accepte que l’acte d’autrui produise un effet sur son patrimoine. Ainsi, dès lors que la confiance

cesse, le mandat cesse également. De même lorsque le mandant ou le mandataire disparaissent ou

lorsqu’ils sont en faillite.

Par ailleurs, le contrat de mandat est caractérisé par les obligations du mandataire à l’égard du

mandant. La première de ses obligations consiste à exécuter la mission qu’il lui a été confiée : il

s’agit d’une obligation de résultat. De cette obligation principale découle deux obligations

accessoires : l’obligation de conseil et l’obligation de loyauté.

L’obligation de conseil est liée à la professionnalisation de l’une des parties au contrat. Non

seulement le mandataire doit accomplir les actes qui lui sont confiés, mais il doit également éclairer

le consentement du mandant en lui précisant les conséquences de l’acte, c’est-à-dire en lui indiquant

159 Civ.1

ère

, 2 mai 1984 : Bull. civ. I, n°143 160 Civ.1

ère

, 28 janvier 2003 : Bull. civ. I, n°27

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60

les avantages de l’acte à accomplir, mais aussi les conséquences néfastes, les inconvénients. Le

devoir de conseil n’est pas seulement un devoir de mise en garde, il va beaucoup plus loin puisqu’il

peut aller jusqu’à déconseiller l’acte.

A travers l’obligation de loyauté, on sanctionne la situation de conflit d’intérêt. Le

mandataire est en faute toutes les fois où il est en situation de conflit d’intérêt, autrement dit s’il

accepte de se mettre dans une situation dans laquelle il risque de ne pas être au service de l’intérêt

du mandant, c’est-à-dire s’il est dans une situation où il sert son propre intérêt. Il est à noter que le

double mandat n’est pas interdit, mais la jurisprudence impose un devoir d’information : chaque

mandant doit être averti de l’existence du double mandat161.

En outre, la responsabilité du mandataire envers le mandant est une responsabilité pour faute

selon les termes de l’article 1992, alinéa 1er du Code civil ; toute faute étant susceptible d’engager la

responsabilité du mandataire. Toutefois, l’alinéa 2 précise que « la responsabilité relative aux

fautes est appréciée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit

un salaire ». Or, en l’espèce, le contrat de mandat lie deux professionnels (l’hôtelier et l’OTA) de

sorte que ce contrat est nécessairement à titre onéreux. On en déduit qu’une faute simple de l’OTA

suffira à engager sa responsabilité à l’égard de l’hôtelier.

Bien évidemment, l’agence de voyages en ligne qui vend un forfait touristique comprenant une

location de chambre d’hôtel ne sera pas tenu par le régime de responsabilité pour faute du contrat de

mandat, mais par celui de la responsabilité de plein droit prévu à l’article L. 211-16 du Code du

tourisme. Toutefois, si l’agence de voyages en ligne vend une prestation touristique sèche, telle

qu’une prestation d’hébergement sèche, ce régime ne s’applique plus en vertu des dispositions de

l’article L. 211-17 du Code du tourisme, de sorte que l’agence de voyages en ligne est qualifiée de

simple mandataire, et se voit donc appliquer le régime de responsabilité pour faute du contrat de

mandat.

En somme, on remarque donc qu’en instaurant un véritable contrat de mandat dans les relations

liant l’hôtelier à l’OTA, le législateur a entendu renforcer la protection d’un acteur traditionnel, en

l’occurrence l’hôtelier. L’hôtelier étant la partie faible au contrat, il était nécessaire de renforcer sa

protection afin de rééquilibrer le contrat, et par voie de conséquence d’instaurer une concurrence

saine dans le marché de la réservation hôtelière en ligne dépourvue de toute pratique

anticoncurrentielle, telle que l’abus de position dominante.

La création du contrat de mandat dans les relations entre hôteliers et OTA participe au

renforcement des règles de concurrence à l’égard des opérateurs touristiques en ligne. Ce

durcissement des règles concurrentielles se manifeste également par la création inédite d’un groupe

de travail européen de concurrence qui a pour objectif d’harmoniser, au sein de l’Union

européenne, les remèdes adoptés dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne.

161 Com, 27 février 1996, n°94-11.241, publié au bulletin

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61

Chapitre 2. La création inédite d’un groupe de travail européen de

concurrence dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne

L’Autorité de la concurrence a publié162, le 6 avril dernier, les résultats des travaux163 menés

par la Commission européenne en collaboration avec l’Autorité française de concurrence et 9 autres

autorités nationales de concurrence, toutes membres de l’Union européenne. Ces travaux évaluent

les effets des remèdes adoptés dans l’Union européenne dans le secteur de la réservation hôtelière

en ligne, l’objectif étant in fine l’harmonisation des remèdes. On remarque qu’il est mentionné

« groupe de travail européen ». Certes, les 10 pays, représentés par leur autorité de concurrence,

présents au sein de ce groupe de travail appartiennent tous à l’Union européenne. Toutefois, dans la

mesure où tous les États membres de l’Union européenne ne font pas partie de ce groupe de travail,

on comprend le choix du terme « européen », plutôt que celui d’«Union européenne». Cette

précision semble nécessaire puisque le terme de « groupe de travail européen » sortit de son

contexte pourrait laisser entendre qu’il s’agit d’un groupe de travail créé au sein des pays membres

du Conseil de l’Europe, ce qui n’est bien évidemment pas le cas. À titre de rappel, deux droits

distincts s’appliquent à l’Union européenne et au Conseil de l’Europe. Il ne faut donc pas se

méprendre sur l’intention de ce groupe de travail qui a bien pour objectif ultime d’arriver, dans

l’idéal, à une harmonisation des remèdes au sein de l’Union européenne. Pour ce faire, il a préféré

procéder par étape en se fixant à moyen terme pour objectif d’harmoniser, dans 10 pays membres

de l’Union européenne, les remèdes adoptés dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne, ce

qui constitue déjà une innovation en la matière, et une avancée notable pour le droit de la

concurrence.

Ce groupe de travail européen de concurrence dans le secteur de la réservation hôtelière en

ligne a eu pour mission d’évaluer de manière concertée les remèdes adoptés par les différents pays

membres de l’Union européenne appartenant à ce groupe dans un but, in fine, d’harmonisation

(Section 1). Néanmoins, on constate déjà l’existence d’une véritable harmonisation franco-

allemande de ces remèdes (Section 2) qui résulte des positions communes adoptées en la matière

par la France et l’Allemande.

162 Communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence, 6 avril 2017 : http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=662&id_article=2967&lang=fr

163 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », the participating authorities are the Belgian, Czech, French, German, Hungarian, Irish, Italian, Dutch, Swedish And UK National Competition Authorities and DG Competition : http://ec.europa.eu/competition/ecn/hotel_monitoring_report_en.pdf

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Section 1. Une évaluation concertée des remèdes révélatrice d’une volonté

d’harmonisation

Le groupe de travail européen de concurrence (que l’on appellera « le groupe de travail » par

soucis de simplification) dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne, sous l’égide de la

Commission européenne, a procédé à l’évaluation concertée les remèdes adoptés par les différents

pays membres de l’Union européenne appartenant à ce groupe (que l’on appellera « les pays

participants »).

Le groupe de travail met en évidence que la clause de parité étendue oblige l’hôtelier à offrir le

même prix de chambre à toutes les OTA aux services desquelles il a recours, de sorte qu’il ne peut

récompenser une OTA qui lui accorde un taux de commission moins élevé en lui offrant un prix de

chambre moins élevé. De même, l’hôtelier ne peut pas non plus pénaliser une OTA qui perçoit un

taux de commission plus élevé en lui imposant un prix de chambre plus élevé. Au contraire, la

clause de parité restreinte a pour effet de préserver la restriction de concurrence causée par la

parité étendue, car elle réduit l’incitation pour les hôtels d’offrir des prix de chambre qui diffèrent

selon l’OTA164. En effet, en application de la clause de parité restreinte, si un hôtel souhaite

pratiquer une différenciation tarifaire entre les OTA partenaires, il se voit imposer un prix de

chambre sur son propre site internet plus élevé que sur au moins une OTA partenaire.

Par conséquent, le groupe de travail s’est concentré sur trois aspects essentiels dans les relations

entre les hôteliers et les OTA :

- la différenciation tarifaire pratiquée par les hôtels selon le canal de distribution ;

- la différenciation en disponibilité des chambres pratiquée par les hôtels selon le canal de

distribution ;

- et enfin, le taux de commission des OTA165.

Au cours de ces travaux, un questionnaire électronique identique a été envoyé à un échantillon de

16 000 hôtels situés dans les 10 pays participants. Le questionnaire portait sur la période comprise

entre janvier 2013 et juin 2016, avec une attention particulière sur la période antérieure et

postérieure au passage des clauses de parité étendue aux clauses de parité restreinte opéré par

Booking.com et Expedia mi-2015166.

On notera que les résultats de ces trois aspects sont relativement similaires en France et en

Allemagne.

164 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 3), page 5 165 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 4), page 5 166 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 5), page 6

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63

Sur la différenciation tarifaire selon le canal de distribution :

Le remède adopté consistant au passage des clauses de parité étendue aux clauses de parité

restreinte était destiné à favoriser la concurrence entre les OTA en accordant aux hôtels la

possibilité d’offrir des prix de chambres différents pour chaque OTA partenaire (c’est ce que l’on

appelle la différenciation tarifaire).

❖ Sur la différenciation tarifaire entre les OTA :

Dans les 10 pays participants, 79% des hôtels ayant répondu au questionnaire électronique

ont affirmé ne pas pratiquer de différenciation tarifaire entre les OTA167. Les explications les plus

fréquemment données sont les suivantes168 :

- les hôtels ne voient pas de raison de traiter différemment les OTA partenaires ;

- les contrats conclus entre les hôtels et les OTA en permettent pas de pratiquer une

différenciation tarifaire ;

- la difficulté de gérer différents prix en fonction de l’OTA concerné ;

- et enfin, la peur d’une sanction de la part des OTA s’ils ne proposent pas le prix le moins

élevé.

Cette dernière raison est particulièrement légitime. En effet, même si le droit accorde aux hôteliers

la possibilité d’offrir des prix différents à chaque OTA, les hôtels n’osent pas forcément pratiquer

effectivement la différenciation tarifaire entre les OTA de peur d’être déréférencés par ceux-ci et

donc de perdre en visibilité sur internet, et par conséquent de perdre du chiffre d’affaires. Le

déréférencement abusif pourrait par exemple prendre la forme suivante : un hôtel classé en

première page d’une OTA pourrait se retrouver classé en 10ème page, de sorte que sa visibilité en

serait fortement affectée étant donné que la plupart des consommateurs n’iront pas aussi loin dans

leur consultation à visée informative en amont de l’acte d’achat.

Pour les 21% des hôtels restants qui pratiquent la différenciation tarifaire entre les OTA169, les

raisons les plus fréquemment invoquées pour favoriser une OTA en lui accordant un prix moins

élevé sont les suivantes170 :

- améliorer la visibilité de l’hôtel sur l’OTA en question (apparaître dans la première page du

site de l’OTA par exemple) ;

- il peut également s’agir d’une contrepartie à un taux de commission moins élevé que perçoit

l’OTA par rapport aux autres OTA.

En combinant les résultats obtenus en France et en Allemagne, on remarque que 27% des hôtels

affirment pratiquer la différenciation tarifaire entre les OTA, ce qui est plus élevé que le résultat

comprenant les 10 pays participants (21%).

167 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 19), page 10

168

Voir Annexe 3 169 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 20), page 11 170 Voir Annexe 4

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64

Cette analyse reflète donc l’impact positif sur la différenciation tarifaire entre les OTA du passage

des clauses de parité étendue aux clauses de parité restreinte. Ces effets étant d’autant plus

importants pour les chaînes hôtelières et pour la catégorie comprenant tous les hôtels que pour les

hôtels indépendants171.

❖ Sur la différenciation tarifaire entre les sites internet des hôtels et les OTA :

Dans les 10 pays participants, 40% des hôtels affirment avoir pratiqués des prix moins

élevés sur leur propre site de réservation que sur celui de leurs OTA partenaires172. 57% de ces

hôtels affirment même le pratiquer la plupart du temps, autrement dit plus de la moitié du temps. En

combinant les résultats obtenus en France et en Allemagne, on note que 59% des hôtels pratique

une telle différenciation tarifaire, et 74% le font la plupart du temps. La différenciation tarifaire est

donc plus importante en France et en Allemagne que dans les autres États participants.

Les raisons invoquées par les hôtels pour ne pas pratiquer de différenciation tarifaire sont les

mêmes que celles indiquées précédemment.

De plus, 80% des hôtels ayant répondu au questionnaire électronique ont affirmé ne pas offrir de

prix moins élevé à au moins une OTA par rapport au prix pratiqué sur leurs propres site internet de

réservation durant la période postérieure à l’entrée en vigueur des clauses de parité restreinte173. Ce

résultat est identique pour la France et l’Allemagne réunies. Les plus fréquentes raisons invoquées

par les hôteliers sont les suivantes174 :

- ils ne veulent pas que leur propre site de réservation en ligne soit plus cher que celui d’une

OTA ;

- ils ne veulent pas détourner les ventes réalisées sur le canal direct de distribution en ligne de

l’hôtel vers le canal indirect de distribution en ligne de l’OTA ;

- et enfin, une telle différenciation tarifaire est trop difficile à gérer.

Sur la différenciation en disponibilité selon le canal de distribution :

171 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 21), page 13 172 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 24), page 14 173 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 25), page 14

174 Voir Annexe 5

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65

Il est nécessaire de distinguer la différenciation en disponibilité selon le canal de

distribution :

- non seulement entre les canaux indirects de distribution en ligne (c’est-à-dire entre les

OTA) ;

- mais également entre les canaux directs de distribution en ligne et les canaux indirects de

distribution en ligne (c’est-à-dire entre les sites de réservation en ligne des hôteliers et les

OTA).

❖ Sur la différenciation en disponibilité entre les OTA :

Dans les 10 pays participants, 69% des hôtels ayant répondu au questionnaire électronique

ont affirmé ne pas pratiquer de différenciation en disponibilité entre les OTA durant la période

postérieure à l’entrée en vigueur de la clause de parité restreinte175.

Seulement 3% des hôtels affirment attribuer une plus grande quantité de chambres disponibles à la

réservation à une OTA en contrepartie d’un taux de commission moins élevé.

Les résultats pour la France et l’Allemagne réunie montrent que 37% des hôtels ont répondu

pratiquer une différenciation en disponibilité entre les OTA, alors que seulement 31% des hôtels ont

donné une telle réponse sur l’échantillon des 10 pays participants.

Les explications les plus fréquemment fournies par les hôteliers contre la pratique de la

différenciation en disponibilité entre les OTA sont les suivantes176 :

- ils ne voient pas de raison de traiter différemment les OTA partenaires ;

- la peur d’une sanction de la part de l’OTA à qui ils offriraient une plus faible disponibilité ;

- la différenciation en disponibilité est trop difficile à gérer ;

- et enfin, les contrats conclus entre les hôteliers et les OTA ne permettent pas de pratiquer

une différenciation en disponibilité.

❖ Sur la différenciation en disponibilité entre les sites internet des hôtels et les OTA :

À titre d’exemple, un hôtel pourrait réserver une certaine catégorie de chambres à son propre

canal direct de distribution en ligne, ou ne pas offrir de chambres disponibles à la réservation sur

une ou plusieurs OTA alors même qu’il reste des chambres disponibles à la réservation sur son

propre site internet.

Dans les 10 pays participants, 30% des hôtels ayant répondu au questionnaire électronique ont

affirmé ne pas accorder, la plupart du temps, de chambres disponibles à la réservation aux OTA

alors même qu’elles sont encore disponibles à la réservation sur leurs propres canaux directs de

distribution en ligne177. Les résultats obtenus sont encore plus élevés pour la France et l’Allemagne

réunies (44%).

175 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 28), page 16 176 Voir Annexe 6

177 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 29), page 17

Page 66: Archives de la DGE - MÉMOIRE · 2017. 12. 19. · 5 Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au titre de l’année 20162

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Néanmoins, plus des trois quarts des hôtels ayant répondu au questionnaire électronique ont affirmé

ne pas avoir changé leur pratique depuis l’entrée en vigueur de la clause de parité restreinte.

Concernant les grandes chaînes hôtelières, presque aucune d’entre elles ayant répondu au

questionnaire électronique ont affirmé pratiquer une différenciation en disponibilité entre les OTA,

et seulement un tiers pratiquent une telle différenciation au profit de leurs propres canaux directs de

distribution en ligne178.

Par ailleurs, les OTA ont répondu utiliser plusieurs mesures incitatives destinées à ce que les hôtels

leur accordent une meilleure disponibilité de chambres, telles que le programme « hôtel

préféré »179, l’octroi d’une meilleure visibilité en ligne180.

Sur les taux de commission des OTA :

Certes, les taux de commission des OTA sont susceptibles d’être affectés par divers facteurs.

Toutefois, le groupe de travail a procédé à l’étude de ces taux afin de savoir s’ils ont varié dans la

période antérieure et postérieure à l’entrée en vigueur des clauses de parité restreinte. 90% des

hôtels qui ont répondu au questionnaire électronique n’ont pas constaté de modification des

commissions de base perçues par les OTA dans la période comprise entre juillet 2015 et juin

2016181. Seulement 3% des hôtels ayant répondu au questionnaire électronique ont confirmé avoir

accordé aux OTA de meilleurs prix de chambres en contrepartie d’un taux de commission moins

élevé durant la période postérieure à l’entrée en vigueur des clauses de parité restreinte. De même, 3

% des hôtels ayant répondu au questionnaire électronique ont confirmé avoir accordé aux OTA une

plus grande disponibilité de chambres à la réservation en contrepartie d’un taux de commission

moins élevé.

En plus de la commission de base, certaines OTA pratiquent également une commission

supplémentaire en contrepartie de l’octroi aux hôtels de services optionnels supplémentaires, tels

qu’une meilleure visibilité sur le site de l’OTA ou le bénéfice du programme « hôtel préféré ».

Néanmoins, le taux moyen de commission demeure relativement stable ou en légère baisse dans

presque tous les pays participants durant la période comprise entre janvier 2014 et juin 2016. C’est

également le cas pour la France et l’Allemagne.

Cette évaluation concertée des remèdes constitue une première étape du processus

d’harmonisation, l’harmonisation des remèdes étant l’objectif ultime. La similitude des résultats de

178 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 30), page 17 179 Booking.com précise le programme “hôtel préféré” prévu à l’article 8 de ses conditions générales d’utilisation : « Participer au programme Hôtel Préféré signifie que votre établissement bénéficie d’un meilleur classement dans les résultats d’une recherche pour une destination précise. Les établissements qui participent au programme Hôtel Préféré s’engagent à proposer une part minimum au cours de l’année et à répondre à nos critères de performance. Les Hôtels Préférés bénéficient du logo « Hôtel Préféré » sur notre site » : https://www.booking.com/content/hotel-help.fr.html

180 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 31), page 17 181 « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016 », 32), page 18

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67

cette évaluation des remèdes en France et en Allemagne reflète d’ores et déjà l’effectivité de

l’harmonisation franco-allemande des remèdes.

Section 2. Une harmonisation franco-allemande des remèdes déjà effective

L’autorité allemande de la concurrence (Bundeskartellamt) a interdit la clause de parité

tarifaire restreinte pratiquée par Booking.com en décembre 2015182, soit 4 mois après l’entrée en

vigueur de la loi Macron183 qui a également prohibé ce type de clause puisqu’elle répute non écrite

toute clause de parité tarifaire, sans distinction selon son étendue (large ou restreinte).

On constate donc une harmonisation franco-allemande des remèdes adoptés par ces deux pays

contre la pratique des clauses de parité tarifaire dans les contrats conclus entre les hôteliers et les

plateformes de réservation hôtelière en ligne dans le but de renforcer l’efficacité de la lutte contre

de telles pratiques anticoncurrentielles et restrictives de concurrence.

On pourrait a priori penser que l’autorité allemande de concurrence s’est inspirée de la loi Macron

pour adopter une position similaire. Pourtant, tel n’est pas le cas. En effet, l’autorité allemande avait

déjà prohibé cette pratique dans une décision incriminant HRS en décembre 2013 et lui avait enjoint

de supprimer ces clauses de ses contrats184.

Toutefois, l’avis de la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) avait mis en

évidence pour la première fois l’illicéité de telles clauses dans un avis de septembre 2013 185

puisqu’elle estimait que toutes les clauses de parité devraient être nulles dès lors qu’elles prévoient

un alignement automatique sur les conditions plus favorables accordées aux concurrents, que ces

clauses portent sur les tarifs, sur les disponibilités ou sur d’autres conditions. On en déduit que cet

avis de la commission française a sûrement inspiré l’autorité allemande de concurrence à interdire

ce type de clause.

En conséquence, ces décisions participent à garantir un marché franco-allemand de réservation

hôtelière en ligne sain, et au renforcement de la sécurité juridique en matière de clause de parité

tarifaire aussi bien dans l’intérêt des professionnels que des consommateurs.

Dans le contexte de crise économique actuelle, il est primordial de renforcer la coopération entre la

France et l’Allemagne étant donné qu’ils constituent, ensemble, une véritable locomotive de la

182

Décision B9-121/13 du 23 décembre 2015, Bundeskartellamt, 9ème

division : https://www.bundeskartellamt.de/SharedDocs/Entscheidung/EN/Entscheidungen/Kartellverbot/B9-121-13.pdf?__blob=publicationFile&v=2 183

Loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, JORF n°181 du 7 août 2015, page 13537 184 Décision B9-66/10 du 20 décembre 2013, Bundeskartellamt, 9

ème

division : https://www.bundeskartellamt.de/SharedDocs/Entscheidung/EN/Entscheidungen/Kartellverbot/B9-66-10.pdf%3F__blob%3DpublicationFile%26v%3D3

185 Avis n°13-10, CEPC, 16 septembre 2013 : http://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cepc/avis/avis_13_10.pdf

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68

stratégie économique de l’Union européenne. On ne peut effectivement atteindre une quelconque

harmonisation au sein de l’Union sans une étroite coopération entre ces deux pays. En ce sens, on

peut légitimement considérer que l’harmonisation franco-allemande des remèdes adoptés contre la

pratique des clauses de parité tarifaire dans les contrats conclus entre les hôteliers et les OTA

représente un début d’harmonisation prometteur au sein de l’Union européenne, de sorte que cela

pourrait aboutir, in fine, à une harmonisation de ces remèdes étendue à l’ensemble de l’Union

européenne.

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69

Bibliographie

Ouvrages :

- « Droit du maché », Claude LUCAS DE LEYSSAC et Gilbert PARLEANI, édition

THÉMIS, 2002

- « Principes de concurrence », A. BIENAYMÉ, édition ECONOMICA, 1998 - Mémento Pratique « Concurrence Consommation », édition Francis Lefebvre, 2017

- « Aspects du XXe siècle », André SIEGFRIED, Librairie Hachette, 1955

- « Cas en marketing », Sylvie HERTRICH et Ulrike MAYRHOFER, édition EMS 2008

- « Rapport Annuel 2015 » de l’Autorité de la concurrence, édition La documentation

française, 2016

- « Droit du Tourisme », Christophe LACHIÈZE, édition LexisNexis, 2014

- « Le Droit du Tourisme », Laurence JÉGOUZO, édition Lextenso, 2012

- « Droit et Politique du Tourisme », Jean-Marie BRETON, Juris éditions, Dalloz, 1ère

édition, 2016

- « Droit des obligations », Philippe MALAURIE, Laurent AYNÈS et Philippe STOFFEL-

MUNCK, LGDJ, 8e édition

Sites internet :

- Rapport d’information n°2556 de l’Assemblée Nationale sur « l’impact du numérique sur le

secteur touristique français », du 10 février 2015 : http://www.assemblee-

nationale.fr/14/rap-info/i2556.asp

- « Mémento du tourisme», DGCIS, édition 2010 :

https://archives.entreprises.gouv.fr/2012/www.tourisme.gouv.fr/stat_etudes/memento/mem

ento_2010.html

- « Mémento du tourisme », DGE, édition 2016, page 24 :

http://www.entreprises.gouv.fr/files/files/directions_services/etudes-et-statistiques/stats-

tourisme/memento/2016/2016-Memento-tourisme.pdf

- Communiqué de presse de la DGCCRF : « Refonte du Code de la consommation :

publication de l’ordonnance de recodification » :

https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/refonte-code-consommation-publication-lordonnance-

recodification

- Communiqué de presse de la DGCCRF du 13 avril 2017 :

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/presse/communique/201

7/DGCCRF-info-conso-transports13042017.pdf

Page 70: Archives de la DGE - MÉMOIRE · 2017. 12. 19. · 5 Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au titre de l’année 20162

70

- Communiqué de presse de la DGCCRF du 31 janvier 2017, n°167 :

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/presse/communique/201

7/billets-avion-167.pdf

- « Rapport d’activité 2001 », Conseil de la concurrence, La documentation française, 17

juillet 2002 : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-

publics/024000476.pdf

- « Les faux avis de consommateurs sur internet », DGCCRF, 22 juillet 2014 :

https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/consommation/conso-par-secteur/e-commerce/faux-

avis-consommateurs-sur-internet

- Norme NF Z74-501 « Principes et exigences portant sur les processus de collecte,

modération et restitution des avis en ligne de consommateurs » de juillet 2013 :

www.afnor.fr

- « Hôtellerie : les clauses de parité dans le viseur du législateur », Frédéric TEFFO, Dalloz

actualité, 12 octobre 2013 : http://www.dalloz-actualite.fr/chronique/hotellerie-clauses-de-

parite-dans-viseur-du-legislateur#.WM_iQBh7RR1

- Communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence du 15 décembre 2014 « Plateformes

de réservation hôtelière » :

http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=591&id_article=2460

- « Bilan de l’efficacité des engagements pris par Booking.com devant l’Autorité de la

concurrence », Autorité de la concurrence, 9 février 2017 :

http://www.autoritedelaconcurrence.fr/doc/bilan_engagements_booking_final_9fev17.pdf

- « L’application du droit des pratiques restrictives de concurrence aux relations entre les

agences de voyage en ligne et les hôteliers », Me Corinne HOVNANIAN et Me Sahra

HAGANI, 19 juin 2015, FIDAL LE BLOG : http://www.fidal-avocats-leblog.com/2015/06/lapplication-du-droit-pratiques-restrictives-

concurrence-aux-relations-les-agences-voyage-en-ligne-les-hoteliers/

- Communiqué de presse de l’Autorité de la concurrence, 6 avril 2017 :

http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?id_rub=662&id_article=2967&lan

g=fr

- « Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by

EUcompetition authorities in 2016 », the participating authorities are the Belgian, Czech,

French, German, Hungarian, Irish, Italian, Dutch, Swedish And UK National Competition

Authorities and DG Competition :

http://ec.europa.eu/competition/ecn/hotel_monitoring_report_en.pdf

Annexes

Page 71: Archives de la DGE - MÉMOIRE · 2017. 12. 19. · 5 Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au titre de l’année 20162

71

Annexe 1

Page 72: Archives de la DGE - MÉMOIRE · 2017. 12. 19. · 5 Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au titre de l’année 20162

72

Page 73: Archives de la DGE - MÉMOIRE · 2017. 12. 19. · 5 Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au titre de l’année 20162

73

Source : Directive (UE) 2015/2302 du parlement européen et du conseil du 25 novembre 2015

relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, JOUE L 326 du 11 décembre

2015, page n°25, 26, 27

Page 74: Archives de la DGE - MÉMOIRE · 2017. 12. 19. · 5 Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au titre de l’année 20162

74

Annexe 2

Page 75: Archives de la DGE - MÉMOIRE · 2017. 12. 19. · 5 Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au titre de l’année 20162

75

Source : Directive (UE) 2015/2302 du parlement européen et du conseil du 25 novembre 2015

relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, JOUE L 326 du 11 décembre

2015, page n°12 et 13

Page 76: Archives de la DGE - MÉMOIRE · 2017. 12. 19. · 5 Le tourisme représentant une part non négligeable de l’économie de la France – 7,27% du PIB au titre de l’année 20162

76

Annexe 3

Source : Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU

competition authorities in 2016, page 11

Annexe 4

Source : Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU

competition authorities in 2016, page 12

11

difficulty of managing different prices on different OTAs, and not wanting the hotel's

website to appear as more expensive than the OTAs (see Figure 1). In France and

Germany taken together, more hotels said that they had price differentiated between

OTAs (27%), however this difference was not confirmed by an analysis of pricing data

scraped by the monitoring working group from major OTA websites, which showed no

significant variation between any of the participating Member States.33

Figure 1. Reasons for not price differentiating between OTAs

Source: Replies to the electronic hotel survey (all ten Member States).

20) For the 21% of respondent hotels that had price differentiated between OTAs during this

period, the most frequent reasons given for favouring an OTA with lower prices were to

increase the hotel's visibility on the OTA in question (for example, in the display ranking)

and because the OTA charged a lower commission rate (see Figure 2). Across the ten

Member States, only 3% of hotels said that they had granted lower room prices to an

OTA in return for a lower commission rate.34

33 The methodology used for this analysis is described in Section 4.1 of Appendix 1 of this report.

34 This share was 5% for France and Germany taken together. Hotels were asked whether they had granted

lower room prices in return for a lower basic commission rate. This result therefore does not exclude the

possibility that some hotels take into account already existing differences between OTA commission rates

when they make decisions on pricing their rooms across OTAs.

12

Figure 2. Reasons for price differentiating between OTAs

Source: Replies to the electronic hotel survey (all ten Member States).

21) The monitoring working group also carried out a difference-in-differences analysis of

room price data obtained from one or major metasearch websites, using hotels in Canada

as a control group.35

This analysis suggests that the switch from wide to narrow parity

clauses by Booking.com and Expedia produced a positive effect on room price

differentiation between OTAs.36

The effect is statistically significant in Belgium, the

Czech Republic, Germany, Hungary, Ireland, Italy, Sweden, and and the UK, and is

predominantly driven by chain hotels.37

A statistically significant positive effect on price

differentiation between OTAs was also found in France following the switch to narrow

parity clauses and the entry into force of the Loi Macron.38

Lastly, the analysis also

35 The metasearch website(s) provided pricing data derived from searches by consumers on their website in

periods before and after Booking.com and Expedia switched to narrow parity clauses. The data related to

consumer searches in respect of a sub-set of hotels from the main hotel sample in each of the ten participating

Member States. The methodology of the analysis is set out in Appendix 1 of this report.

36 A difference-in-differences analysis calculates the effect of a treatment on an outcome by comparing the

average change over time in the outcome variable for the treatment group, compared to the average change

over time for the control group (which is not affected by the treatment). Here, the treatments are (i) the switch

from wide to narrow parity clauses by Booking.com and Expedia, (ii) the Loi Macron, and (iii) the BkartA ’s

Booking.com decision. The outcome is the frequency of observed room price differentiation between OTAs,

where price differentiation is defined as a difference of at least 5%. The control group is hotels in Canada,

where there were no changes to OTA parity clauses that the monitoring working group is aware of. This

allows a comparison of countries where changes to parity clauses took place (the treatment group) against a

country where no such changes took place (the control group).

37 Italy is the only Member State where independent hotels increased their price differentiation between OTAs

to a statistically significant extent following the switch to narrow parity clauses.

38 The analysis does not distinguish between these two measures, as they took effect almost simultaneously

(July-August 2015).

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77

Annexe 5

Source : Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU

competition authorities in 2016, page 15

Annexe 6

Source : Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU

competition authorities in 2016, page 16

15

channel to OTAs, and that such price differentiation was too difficult to manage (see

Figure 3).

Figure 3. Reasons for not price differentiating in favour of an OTA vs hotel website

Source: Replies to the electronic hotel survey (all ten Member States).

26) As regards large hotel chains, the majority of respondents to the monitoring questionnaire

said that they do not price differentiate, either between OTAs or between the hotel chain

website and OTAs. The reasons most frequently given were that their OTA contracts do

not allow them to do so or that their chain website does not enable this.

4.3 Room availability differentiation between sales channels

Room availability differentiation between OTAs

27) The antitrust remedies (narrow parity and prohibition of parity clauses) also sought to

promote competition between OTAs by allowing hotels to differentiate between OTAs in

respect of the type and number of rooms they offer (room availability).45

For example,

under both remedies, a hotel may now offer a certain category of rooms on one OTA and

not on another, or offer more favourable booking conditions to a particular OTA (for

example, with breakfast or cancellation rights), or may offer no rooms on a particular

OTA while still making rooms available on another. Again, this type of differentiation

was prohibited by wide parity clauses. The purpose of monitoring this parameter was

therefore to determine the extent to which hotels now use this possibility.

45 By contrast, Article 133 of France's Loi Macron does not regulate room availability parity.

16

28) Across the ten Member States, 69% of the hotels that responded to the electronic survey

said that they had not differentiated between OTAs as regards room availability in the

period since Booking.com and Expedia switched from wide to narrow parity clauses.

90% of respondents said that they had not changed their practice in this respect relative to

the preceding twelve month period, when wide parity was in force. Of those hotels that

did differentiate between OTAs for room availability, 31% did so most of the time. Only

3% of hotels said that they had granted better room availability to an OTA in return for a

lower commission rate.46

In France and Germany taken together slightly more hotels said

that they had differentiated for room availability (37% of respondent hotels, compared to

31% in the ten Member States as a whole).47

The reasons most frequently given by hotels

for not differentiating between OTAs for room availability were that they saw no reason

to treat their OTA partners differently; that they feared penalization by OTAs to which

they gave less favourable availability; that differentiating for room availability was too

difficult to manage, and that their OTA contract did not allow this (Figure 4).

Figure 4. Reasons for not differentiating between OTAs for room availability

Source: Replies to the electronic hotel survey (all ten Member States).

46 Hotels were asked whether they had granted more favourable room availability in return for a lower basic

commission rate. This result therefore does not exclude the possibility that some hotels take into account

already existing differences between OTA commission rates when they allocate their rooms between OTAs.

47 47% of these French and German hotels said that they differentiated between OTAs for room availability most

of the time.