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ANNE-CAROLINE FIÉVET & ALENA PODHORNÂ-POLICKÂ Argot des jeunes et français contemporain des cités en didactique du FLE/S : motivations des jeunes et limites des dictionnaires pour une étude des divergences socioculturelles Introduction Cet écrit tentera de présenter des éléments de réflexion issus d'une coopé- ration franco-tchèque sur plusieurs projets concernant l'apprentissage du lexique substandard 1 pour des jeunes Tchèques qui suivent les cours de linguistique française à l'Université Masaryk de Brno en République tchèque. Nous passerons en revue différents projets, menés dans le cadre de l'enseignement universitaire de FLE/S 1 par Alena Podhorna-Policka, maître de conférences en linguistique dans cette université et nous ferons une syn- thèse d'ordre sociolinguistique et lexicographique des problèmes rencontrés qu'un conseiller natif, Anne-Caroline Fiévet, docteur en linguistique de l'Université Paris Descartes, contribue à résoudre en assurant la traduction appropriée de certains éléments linguistiques et extra-linguistiques. Du point de vue théorique, nous nous placerons plus particulièrement dans le cadre de la lexicologie et de la sociolinguistique urbaine. Notre objectif « Substandard >> est une notion que nous empruntons à la terminologie anglo- saxonne et qui est employée couramment en linguistique tchèque (cf. Krcmova, 2.002.). Le sens de « substandard >>est à rapprocher de celui de «non standard>> (Labov, 1978). 2. Le français étant à la fois une langue étrangère et une langue seconde pour la plupart de nos étudiants, nous optons pour la jonction des deux sigles.

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ANNE-CAROLINE FIÉVET & ALENA PODHORNÂ-POLICKÂ

Argot des jeunes et français contemporain des cités en didactique du FLE/S : motivations des jeunes et limites des dictionnaires pour une étude des divergences socioculturelles

Introduction

Cet écrit tentera de présenter des éléments de réflexion issus d'une coopé­ration franco-tchèque sur plusieurs projets concernant l'apprentissage du lexique substandard 1 pour des jeunes Tchèques qui suivent les cours de linguistique française à l'Université Masaryk de Brno en République tchèque. Nous passerons en revue différents projets, menés dans le cadre de l'enseignement universitaire de FLE/S1 par Alena Podhorna-Policka, maître de conférences en linguistique dans cette université et nous ferons une syn­thèse d'ordre sociolinguistique et lexicographique des problèmes rencontrés qu'un conseiller natif, Anne-Caroline Fiévet, docteur en linguistique de l'Université Paris Descartes, contribue à résoudre en assurant la traduction appropriée de certains éléments linguistiques et extra-linguistiques. Du point de vue théorique, nous nous placerons plus particulièrement dans le cadre de la lexicologie et de la sociolinguistique urbaine. Notre objectif

« Substandard >> est une notion que nous empruntons à la terminologie anglo­saxonne et qui est employée couramment en linguistique tchèque (cf. Krcmova, 2.002.). Le sens de « substandard >>est à rapprocher de celui de «non standard>> (Labov, 1978).

2. Le français étant à la fois une langue étrangère et une langue seconde pour la plupart de nos étudiants, nous optons pour la jonction des deux sigles.

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n'est pas d'entrer dans les théories didactiques actuelles, puisque nous n'en sommes pas spécialistes, mais nous souhaitons établir des passerelles entre les méthodes d'apprentissage du lexique par les étrangers et l'état de la lexi­cographie française concernant le substandard.

lnterculturalité et motivations : faire un pont entre les jeunes

Les travaux sur la pédagogie de la variation s'accordent pour dire qu'il y a des progrès à faire concernant les compétences sociostylistiques dans l'apprentissage du FLE/S.3 Bogaards rappelle que, dans les travaux des didacticiens, l'acquisition grammaticale a toujours été prioritaire par rap­port à l'acquisition du lexique et que dans la pratique, aujourd'hui encore, «les progrès en L2. sont presque exclusivement mesurés au moyen des critères grammaticaux » 4 (Bogaards, I994 : 6-7 ). L'expérience de nos activités, proposées aux étudiants dans le cadre de la troisième année de Licence (L3) ainsi que pendant les deux années de Master (MI et M2.), nous conduit à mettre en reliefl'importance de l'aspect variationniste dans la didactique et de la compétence « socio-culturelle » (Boyer, Butzbach, Pendanx, I990 : SI). Nous songeons notamment au rôle positif du point de vue de la motivation que l'apprentissage du français substandard peut avoir sur les étudiants. 5

Notamment, Mougeon, Nadasdi et Rehner (z.ooz.) qui constatent, dans leur rap­port sur l'état de la recherche sur l'appropriation de la variation sociolinguistique des apprenants avancés du fran~ais au Canada, que la maîtrise des contraintes stylistiques de la variation sociolinguistique est nettement inférieure à la maîtrise des contraintes linguistiques d'ordre grammatical.

4 Bogaards (1994: 7) paraphrasant Arnaud (1992.). s « Motiver sera faire croître l'intérêt pour tout projet à valeur affective qui maintient la

motivation initiale amplifiée, en faisant prendre conscience à l'élève de son potentiel intellectuel et de ses gouts (sic)». (Cuq, z.oo6: 171). Ainsi, les goûts musicaux des étudiants et leur affectivité exagérée à cette époque de la vie confirment pleinement

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Nous observons, tout comme Nadasdi et McKinnie (2.002.), que les compétences sociolinguistiques des apprenants de L2 sont inadéquates par rapport à leurs compétences grammaticales, souvent impressionnantes. Comment pallier alors un manque d'immersion réelle dans la culture actuelle dû au parcours trop académique des jeunes apprenants ? Une fois que les étudiants ont acquis le niveau du français fondamental, ils éprouvent le besoin tout à fait naturel d'étendre leurs compétences communication­nenes à l'oral et/ ou à l'écrit spontané des jeunes Français de leur âge. D nous semble alors important de leur proposer, même si l'on reste dans un cadre académique, des activités qui s'appuient sur le critère pragmatique et qui visent la sensibilisation aux écarts entre français standard et substandard ainsi qu'à leurs effets stylistiques dans la communication spontanée. Si l'on accepte l'idée que, dans l'enseignement du FLE/S,le vocabulaire doit être sélectionné en fonction de sa fréquence d'usage (Bogaards, 1994 : 99-142 ), on doit prendre en compte notamment le fait que les jeunes, quand ils com­muniquent avec leurs pairs français, rencontrent un tel nombre de lexèmes qui sont identitaires pour leur génération que le fait de ne pas connattre le sens exact de ces termes peut les conduire à se sentir exclus du groupe, à se sentir en insécurité linguistique.

Ainsi, l'apprentissage systématique du vocabulaire de ce que nous considérons comme méritant l'étiquette « argot des jeunes » 6 leur permet d'accéder plus facilement à cette culture qui est différente de la leur et cela permet à l'enseignant de développer aisément les aspects interculturels. Une fois que les étudiants se rendent compte qu'il existe - au moins dans

que la motivation, par l'intermédiaire de leurs contemporains, est une voie à appro­fondir, notamment en ce qui concerne les chansons, les films ou les romans pour

adolescents et post-adolescents. 6 Nous songeons notamment à une bonne maîtrise de « l'argot commun des jeunes »

{Fiévet, Podhorna-Polic.ka, 2.oo8: 2.13) qui est le plus fréquent: les jeunes trouveront une utilité pratique immédiate pour appliquer ce vocabulaire dans une situation con­crète vécue lors de leurs échanges avec leurs contemporains français. Puis, « l'argot des jeunes + épithete » fait allusion aux variantes d'ordre régional et social. Ce type d'argot est plus d'ordre réceptif que productif {notamment pour ce qu'on dénomme

l'« argot des jeunes des cités »).

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les représentations (Billiez, Krief, Lambert, 2003)- une scission entre les jeunes Français « de souche » et les jeunes issus de l'immigration habitant dans les banlieues - ils commencent à devenir sensibles à une différence sociale qu'ils n'ont jamais vécue en République tchèque.7 Les apprenants

vont acquérir des connaissances sur les jeunes des cités par l'intermédiaire des médias actuels français dans lesquels ces derniers sont particulièrement présents (surtout les jeunes de la région parisienne).

Les étudiants tchèques, futurs traducteurs, enseignants ou même diplo­mates, sont rapidement amenés à ressentir les écarts que les jeunes Tchèques

et les jeunes Français doivent assumer du fait de l'histoire coloniale et de l'histoire capitaliste. Le résultat au niveau des représentations identitaires des jeunes Tchèques est qu'ils se rendent compte que la différence généra­tionnelle dans leur pays, à la différence de cette « scission » française, est

liée tout d'abord à la différence régionale (par exemple les Brnois opposés aux Pragois), et éventuellement à une différence groupale (par exemple, jeunes qui se réunissent autour de la culture du hip-hop empruntée du modèle anglo-saxon, et non contestataire en soi, c'est-à-dire que les jeunes

recopient un modèle sans vraiment connaître de difficultés existentielles). Toujours est-il qu'en République tchèque, cette différenciation ne s'opère jamais à partir d'une réelle différence sociale. Cette rencontre- on peut plutôt parler d'un véritable choc - des cultures françaises et tchèques va s'opérer ainsi de façon naturelle, intra-générationnelle, et cette solidarité peut favoriser une solidarité plus large, interethnique.

7 Or, cette scission générationnelle est inexistante en République tchèque et ce, pour

plusieurs raisons: tout d'abord, il n'y a toujours pas de différences énormes entre les

couches sociales suite à la politique égalitariste des communistes pendant 40 ans et

les 19 ans qui se sont écoulés depuis la chute du régime n'ont pas signi6cativement

fait évoluer les représentations sociales. De plus, les cités sensibles sont inexistantes

{sauf pour le cas des ghettos de gitans). En6n,la République tchèque, à la différence

de la France, n'a pas connu le colonialisme et la dernière décennie a seulement fait

démarrer une vague d'immigration moitié slavophone, moitié hors-Europe (Irakiens,

Kurdes, russophones- Kazakhs, Géorgiens, etc.).

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Méthodologie : choix des activités et sélection du vocabulaire

Notre but de départ n'était pas seulement d'enseigner le français substan­dard mais, plus généralement, de donner un aperçu linguistique et socio­linguistique du français parlé actuel. Or, il s'est avéré que les étudiants tchèques ont montré un plus grand enthousiasme envers les activités qui touchaient plus particulièrement le monde des jeunes pour des raisons utilitaires. 8 Ainsi, il faut sensibiliser les jeunes apprenants notamment à la valeur identitaire qu'ont les lexèmes pour un groupe ou un locuteur observé. Il peut s'agir d'une revendication identitaire inconsciente : la fréquence importante d'un lexème dans le discours d'un jeune frappe l'observateur. Mais il peut également s'agir d'une revendication identitaire consciente: les locuteurs revendiquent volontairement leurs « mots identitaires » en public (Podhorna-Policka, 2009 : 225). En réalité, les jeunes apprenants tchèques déduisent souvent le sens des mots argotiques à partir du contexte mais il leur manque un recours lexicographique pour tester l'acceptabilité ou non de ces mots dans une situation donnée.

La possibilité de faire un premier pas vers l'appropriation des compé­tences sociostylistiques a été offerte à nos étudiants de L3,lors d'un ensei­gnement de « lexicologie et lexicographie ». Les étudiants ont dû faire un bilan des dictionnaires français afin de se familiariser avec la nomenclature, voir les différences entre les maisons d'édition, et réfléchir sur l'utilité des supports en ligne par rapport aux dictionnaires traditionnels. L'activité a consisté en un travail individuel suivi d'un travail en groupes. Tout d'abord, chacun a choisi un lexème dans une liste de mots substandard et a tra­vaillé sur différents aspects de sa présentation dans plusieurs dictionnaires d'époques différentes. Puis, les apprenants se sont regroupés en fonction du type de procédé linguistique qui était à l'origine de la formation de ce mot substandard (emprunt, glissement sémantique, troncations etc.). On

8 Cela leur permet de s'exprimer plus spontanément quand ils communiquent avec des francophones car, même si beaucoup ne viennent pas régulièrement en France, tous ont des contacts réguliers avec des Français par l'intermédiaire d'Internet.

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constate que cette activité sensibilise les élèves à la notion de registre car les marques lexicographiques sont différentes d'un dictionnaire à l'autre.9

Ainsi, les étudiants peuvent se rendre compte de l'évolution des diction­naires et des tabous qui existent au niveau du français substandard. Les étudiants peuvent également constater qu'il existe des différences entre les dictionnaires faits par les linguistes et les dictionnaires en ligne qu'ils utilisent très souvent.10 L'avantage de cette activité est qu'elle familiarise avec l'utilisation des dictionnaires comme support nécessaire pour une tra­duction appropriée. En revanche, cette activité est dépourvue de contexte puisque les étudiants travaülent sur des lexèmes isolés.11

Ainsi, ce type d'activité théorique doit être complété par une ou plu­sieurs activités pratiques et ce sont les activités de traduction qui sont, à notre avis, le meilleur moyen de mesurer si les étudiants ont compris le sens initial du texte, les nuances stylistiques et situationnelles. Ces activités de traduction ont été proposées aux étudiants11 de MI et de M2 et nous permettent de rassembler trois corpus différents du lexique génération­nellement {et ethno-géo-socialement) marqué qui feront l'objet de com­mentaires lexicographiques ultérieurement dans cette communication. Les

9 Les étudiants - et la situation se répète tous les ans - sont étonnés par ces différences, notamment par le fait que, d'une part, les marques ne sont souvent pas les mêmes (pédé est considéré comme vulgaire et injurieux dans le Petit Larousse (PL), mais seulement comme familier dans le Petit Robert (PR)) et, d'autre part, que l'histoire de l'adoption des vulgarismes est assez récente (par exemple, le lexème 'se branler' n'était adopté qu'en 1998 par le PL). Le dernier vulgarisme cité est d'ailleurs intégré dans le PR au moins dix ans avant le PL, ce qui nous amène à privilégier le PR pour ce type de recherches (cf. Pruvost, 2.oo6).

10 En observant ces dictionnaires « online >>,ils prennent ainsi conscience des faiblesses de certaines définitions et étymologie, mais, d'un autre côté, c'est dans ces diction­naires en ligne qu'ils peuvent trouver les néologismes en voie de lexicalisation.

11 Comme exemple de mauvaise compréhension de la tâche à effectuer, un étudiant pourtant brillant n'a pas compris que le lexème « net >> était à envisager, d'après nos consignes, comme l'aphérèse familière, voire même branchée d'Internet et non comme l'adjectif« net, nette>> au sens de clair« réglo, dean>>.

12. n s'agit du public qui doit, tout au moins théoriquement, se placer entre le niveau CI et C2. si l'on adopte l'échelle de six degrés proposée par le Cadre européen de référence pour les langues (CECRL).

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trois corpus présentés ci-dessous peuvent être rangés en fonction de leur difficulté pour analyser le sens du texte initial :

Le premier corpus est issu d'une activité de sous-titrage du film « La Squale» { « film de banlieue » français réalisé par Fabrice Genestal, 2.000 ).

Le grand avantage de ce type de travail est qu'au niveau de la compréhension, le visuel guide le traducteur et la seule contrainte de cette activité motivante est la réalisation technique.13 La recherche dans les dictionnaires n'est pas prépondérante parce que la situation, le contexte {image de la banlieue, façon dont les personnages des quartiers se comportent) aident pour la traduction. La recherche s'effectue majoritairement dans les dictionnaires spécialisés d'argot de différents types {voir plus loin dans le texte). Quelle que soit la région de France où le film se déroule, les jeunes ont tendance à traduire les dialogues dans l'argot des jeunes Tchèques et non dans l'argot de la pègre, même si parfois, les thématiques sont liées à la délinquance {trafic de drogue, violence), thématiques dont l'envergure a pu choquer les jeunes apprenants tchèques. Ceci constitue une preuve que, même si cette délinquance existe et qu'elle est souvent décrite dans ce type de film, l'argot de la pègre est indus dans l'argot des jeunes et c'est donc l'argot des jeunes qui l'emporte. Ainsi, à notre avis, le sous-titrage de films est l'activité la plus facile si on compare les trois corpus présentés et ceci résulte sans doute du caractère authentique d'un film pour 1 avec des jeunes.14 Les étudiants n'ont pas connu de difficultés majeures pour la compréhension et ils ont traduit de façon très fluide ; le recours au dictionnaire a été plutôt rare.

13 C'est-à-dire:, par exemple:, qu'il faut limiter le: nombre: de: mots pour que: le: sous-titre:

tienne: sur la ligne.

14 L'authenticité étant un des concepts de: base: de: l'interculturalité (De: Carlo, 1998:

ss-s9 ), notamment si le: matéric:l est séléctionné en fonction de: sa pertinence: (connais­sance: par contiguïté), de: sa pc:rformativité (qualité de: réception) et de: son exploita­

bilité (motivation des apprenants à effectuer les exercices- dans notre: cas de: figure,

il s'agissait non seulement de: sous-titrer, mais également de: justifier les écarts entre: les sous-titres français pour les malentendants et la transcription fidèle des tours de parole

(sur un extrait de 2. minutes par étudiant environ) qui devaient d'abord être fidèle­

ment traduits et, seulement après, abrégés en fonction des exigences formelles.

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Le deuxième corpus est issu de la traduction d'un roman qui con­tient en abondance des mots de l'argot des jeunes des cités : Boumkœur de Rachid Djaïdani ( 1999). Notre mission - motiver les étudiants pour cette activité - s'est révélée plus délicate. En effet, le manque de visuel rend la tâche plus complexe et, de plus, ceci est accentué par l'accumulation de lexique substandard et de syntaxe de l'oral mélangés aux constructions quasi-poétiques qui permettent à l'auteur de produire un effet stylistique inattendu. Compte tenu du déclin « global » de la lecture auprès de la jeune génération et malgré l'effet motivant de la « paralittérature » dans la didactique du FLE/S (Riquois, 2.008 : 6), tous ces facteurs ont pour con­séquence que beaucoup d'étudiants ne sont pas parvenus à lire le roman en entier.15 Du point de vue sociostylistique,les étudiants ont involontairement complexifié leur tâche pour la traduction d'un passage verlanisé. La phrase « Zi va, vrirou la teport » (Djaïdani, 1999: s8) 16 a amené certains étudiants à artificiellement inventer un verlan tchèque17 (qui ne convenait pas du tout pour le contexte social très marqué dans l'original et qui n'évoque rien aux lecteurs) ; d'autres ne sont pas arrivés- ou avec difficulté- à trouver un équivalent socialement et générationnellement acceptable pour ce type de procédé de codage à clef. La stylisation exagérée dans les dialogues est sinon plutôt rare et leur traduction s'est avérée très motivante, à la différence de la traduction des passages narratifs chargés d'intertextualité.

15 Ceci a eu des conséquences pour la compréhension des extraits à traduire. Par ailleurs, quatre courts extraits de ce roman ont également constitué un point de départ pour une compétition interuniversitaire de la traduction du français substandard, orga­nisée entre l'Université Masaryk de Brno et l'Université Charles de Prague (en L2.). Pour ces traductions, les variantes diatopiques bohémiennes (pragoises) et moraves (brnoises) ont apporté des éléments de refléxions plus importants que les variantes diastratiques pratiquemment consensuelles.

16 Ce qui signifie «vas-y, ouvre la porte » et remarquons que l'accumulation de ver­lanisations est très exagérée à cet endroit, de façon consciente, pour provoquer un effet ironique sur ce procédé qui stigmatise régulièrement les jeunes de cités.

17 Dans le tchèque, la verlanisation est quasiment impossible car il s'agit d'une langue flexionnelle.

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Le troisième corpus, issu d'une activité traductologique sur des textes de rap,18 s'avère le moins écologique19 et le plus exigeant quant aux com­pétences sociostylistiques des apprenants. Même si les clips des chansons peuvent aider à la compréhension des textes, la poétisation et l'arrière-plan des allusions, par exemple au vécu des rappeurs, posent problème. Par rapport au roman, il est parfois très difficile de comprendre ce qui est dit même pour un natif. ce qui met parfois en péril la traduction d'un couplet entier.10 Du point de vue lexicographique, l'accumulation impressionnante du lexique argotique fait que cette activité est la plus performante sur les étudiants quant à l'apprentissage de la capacité de distinguer non seule­ment différents registres, mais surtout les nuances du substandard pour les aspects néologiques et/ ou identitaires.

18 Il s'agissait de chansons de rap que les étudiants ont pu choisir librement {la seule contrainte était la présence d'une thématique « argotogène »),sorties entre 2.003

et 2.007 qui ont été largement diffusées par l'intermédiaire des radios jeunes natio­nales et qui ont donc connu un certain succès. On pourra citer, à titre d'exemple, les chansons de Diam's, Rohlf, 113, Sinik ou Booba.

19 On est apparemment loin de la spontanéité d'un enregistrement sur le terrain réel, mais il faut prendre conscience qu'un texte spontanément enregistré peut être démo­tivant pour les jeunes apprenants, du fait des difficultés pour transcrire un corpus sociolinguistique, de l'implicite et des renvois qui pourraient rester incompris.

2.0 Prenons par exemple le couplet : «j'compte sur Dieu et mon machtok, ... mon rap a mis la rue en cloque >> {Rohlf. La puissance, album Au-delà de mes limites, 2.oos) :

même en tant que native et après avoir consulté plusieurs sites Internet où les jeunes proposent plusieurs versions de paroles pour la même chanson, la signification de machtok {terme certainement à rapprocher de machin) reste obscure.

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Apprendre à découper en strates socioculturelles : synthèse des problèmes traductologiques et lexicographiques rencontrés

Traduire un texte écrit en français substandard ne nécessite pas seule­ment une bonne orientation dans la production dictionnairique actuelle, mais surtout un regard critique envers cette production qualitativement variable. Un conseiller natif doit impérativement intervenir dans la cor­rection finale des travaux des étudiants que ce soit pour la compréhension des vides sémantiques en tchèque, des allusions sous-jacentes et surtout pour la perception sociolexicale des valeurs identitaires pour les Français natifs. Le but idéal est d'atteindre une« maîtrise des implicites» qui, selon Porcher, « installe chez l'élève la véritable capacité à communiquer, celle qui lui permet de partager les comportements langagiers des indigènes et qui l'accoutume peu à peu à intérioriser de la même manière qu'eux les façons de s'exprimer » (Porcher, 1995 : 6;).

Les problèmes rencontrés par les étudiants tchèques au moment de la traduction des éléments substandard peuvent être classés selon trois strates socioculturelles que les étudiants doivent savoir dissocier :

La première strate est celle relevant de la culture générale française et de la culture jeune. n faut familiariser les apprenants avec des problèmes traductologiques bien connus: comment paraphraser des sigles/1 comment

2.1 Le cas de GIGN (sigle du Groupe d'Intervention de la Gendarmerie Nationale) dans le roman Boumkœur est révélateur de fautes récurrentes : en Republique tchèque, û existe le même type de groupe d'intervention connu sous l'acronyme URNA mais la transposition dans le milieu tchèque évoque des associations qui ne sont pas sou­haitables par rapport au texte français. Les étudiants ont tendance à transposer fidèlement, mais ils sont amenés à apprendre à utiliser des variantes qui ne sont pas connotées géographiquement. Ici, pour équilibrer le reste du texte chargé d'éléments argotiques, la meilleure solution pour la traduction a été de choisir une forme uni­verbisée familière, voire argotique de zdsahovd jednotka = zdsahovka.

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expliciter des noms propres, 11 comment combler des lacunes lexicales, etc. Nous n'avons pas l'espace pour détailler cette catégorie, mais contrairement à ce qu'on pourrait déduire à partir de la proportion accordée à chaque strate, c'est cette dernière qui est la plus représentée dans notre corpus si l'on tient compte des types d'activités évoquées et qui est la plus instructive du point de vue de la fréquence et de l'utilité pratique.

La deuxième strate concerne les problèmes relevant de la « culture des rues ». Ce qui pose le plus de difficultés pour la compréhension, ce sont les nombreux emprunts aux langues de l'immigration qui ne sont répertoriés dans aucun type de dictionnaire. Les étudiants doivent alors chercher dans les dictionnaires bilingues {arabe-tchèque en particulier), déduire le sens qui a d'ailleurs souvent glissé, ou plus simplement poser la question (le plus souvent sur les forums) à des natifs ; de plus, il faut noter que les emprunts sont souvent adaptés et qu'ils sont donc difficiles à repérer.13

Enfin, la troisième strate est finalement celle des problèmes relevant de la subculture des rappeurs. En effet, il faut avoir une culture rap suf­fisamment développée pour reconnaître des signes intertextuels, des ren­vois fréquents aux titres de chansons d'autres rappeurs.14 Les allusions aux

22 Dans ce type d'explicitation, il faut prendre en compte non seulement la personna­lité française désignée mais aussi la familiarité de sa désignation par les jeunes pour laquelle il faut trouver une compensation à un autre endroit dans le texte. Par exem­ple, il n'est pas possible de créer un néologisme apocopé du type Sarlw en tchèque mais la compensation peut s'opérer à un autre endroit par le biais d'un diminutif ou d'une coloration ironique (p.ex. « petit président » ), selon le contexte.

23 On pourra citer des exemples d'emprunts à l'arabe: kho 1 rho 1 ro (le frère), sabah 1 shah (l'ami, le copain),jèurtass 1 fortass (chauve/rasé) ; toutes ces unités lexicales apparaissent dans notre corpus de rap). Une liste utile des arabismes intégrés en français « des banlieues >>peut être consultée sur le site de SELEFA (www.selefa. asso.fr).

24 Par exemple, quand la rappeuse Diam's, dans sa chanson Big up (album« Dans ma bulle >>, 2006), explique qu'<< on n'a pas toutes eu la chance d'être nées sous la même étoile >>, il faut reconnaître ici un hommage à ses pères du groupe marseillais lAM (et leur tube Nés sous la même étoile de l'album << L'école du micro d'argent >> de 1997. De même, quand Diam's propose d'aller« éteindre la flamme>> (<<Viens, viens, allons éteindre la flamme ! >>) dans la chanson Marine du même album, cette « flamme >> peut à la fois faire allusion au logo du Front National mais aussi à la

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conflits entre rappeurs (les fameux « clashs ») sont encore plus difficiles à repérer et leur histoire est souvent expliquée, même aux Français natifs, sur Wikipédia ou ailleurs.15

En somme, les activités visant à développer des compétences sociosty­

listiques en FLE/S ne sont pas imaginables sans un contact régulier avec un/ des locuteur( s) natif( s ), de préférence de la génération qui corresponde au type d'activité, puisqu'on a affaire à « des argots dont beaucoup d'items

sont opaques ou éphémères ou d'usage très restreint - ce qui fait que letra­ducteur n'a pas toujours la certitude d'avoir saisi le mot d'argot dans toutes

ses résonances et quelquefois même, de l'avoir bien repéré» (Antoine,

2004: 13). Par contre, ces contacts pourraient devenir moins nécessaires si certaines lacunes dans la pratique lexicographique étaient comblées. Voici une petite synthèse qui résulte de l'analyse de nos trois corpus:

La néologie identitaire apparaît d'abord dans les dictionnaires « des jeunes » -lisons plutôt : « des jeunes des cités »,et citons ici quelques exemples de dictionnaires : Bien Ou Quoi ? (Laffitte et Younsi 2004), Dictionnaire de la zone de Cobra le cynique16 ou Lexik des Cités (Équipe Permis de vivre la ville 2007 ).17

Seuls les lexèmes stabilisés pénètrent dans la lexicographie officielle mais l'aspect identitaire est négligé ou, s'il est traité, ce n'est pas de façon systématique. Un exemple saisissant est le lexème « trop » 18

chanson du même nom du groupe Sinsemilia {album« Résistances», 1998), très connue par les jeunes.

15 Citons, à titre d'exemple, le cas du rappeur MC Gab'1 qui a critiqué tous les autres rappeurs dans sa chanson j't'emmerde {maxi CD sorti en 1001). Avant même de traduire en tchèque, il faut déjà comprendre à quels rappeurs MC Jean Gab'1 fait allusion, ce qui est expliqué en détails sur Wikipédia: http:/ /fr.wikipedia.orglwiki/

MC Jean_ Gab%171 16 www.dictionnairedelazone.fr 17 n est important d'apprendre aux étudiants à utiliser ce type de dictionnaire en cas de

doute : pour l'expression « avoir la banane » {Diam's - Big up ), qui signifie « être tout sourire » selon le Dictionnaire de la zone, une étudiante a traduit littéralement par le fruit « banane » puisque cette métaphore était absente du PR.

18 Dans son emploi adjectival du type « il est trop».

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qui est marqué comme jeune dans le PR alors que « kiffer » appa­raît seulement comme familier. Le sentiment de l'appartenance d'un lexème à un registre donné varie d'un lexicographe à l'autre de façon démesurée par rapport à la lexicographie tchèque : l'enseignant doit alors indiquer aux étudiants que, pour savoir mettre une frontière fixe entre le stan­dard et le substandard, ils doivent utiliser impérativement un seul dictionnaire de référence- dans notre cas le PR.19

Nous constatons finalement que certaines expressions stabilisées, très courantes dans l'argot des jeunes, ne sont répertoriées nulle part, ni dans les dictionnaires officiels, ni dans les dictionnaires semi-officiels. 30

En guise de conclusion

L'apprentissage de la variante« haute», prestigieuse, d'une langue est assuré de façon évidente dans le cadre académique. Mais il faut anticiper à des fins communicatives et interculturelles, et seule la variante « basse » de la langue (Dabène, 1994: 4 7) peut permettre d'atteindre ce type d'objectif. ll ne faut pas être découragé ni par l'instabilité du lexique et par les insuffisances lexi­cographiques qu'il reste à améliorer, ni par la tradition académique conserva­trice. Contrairement à ce que pensent beaucoup de Français, à savoir que ce type de travail ne peut intéresser que les jeunes des Zones d'Éducation

29 Comme exemple de divergence qui peut provoquer une confusion et qui s'explique diachroniquement, citons le cas de « rond » dans les expressions « ne pas tourner rond » ou « ne pas avoir un rond >> qui sont standard dans le PR alors qu'elles sont répertoriés comme argotiques dans le Dictionnaire de l'argot paru chez Larousse (1990).

30 On peut citer les cas frappants de « jarreter >> pour « jeter >> et de « ça déchire >>

dans le sens de « c'est très bien >>.

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Prioritaire,n la vraie richesse de l'interculturalité, du plurilinguisme et de la France cosmopolite qui sera présente dans les décennies qui arrivent se trouve dans l'argot des jeunes sous toutes ses formes. Bien qu'étant con­scientes que nous sommes loin de la communication in situ, nous voyons

l'importance de ce type de support didactique, tout comme Nadine Celotti qui affirme que « la consultation guidée [de dictionnaires d'argot des cités] pourrait représenter une voie qui permet aux jeunes apprenants d'entrer en contact avec le monde de leurs pairs français et de les sensibiliser à la langue en tant qu'expression identitaire » { Celotti, 2008 : 219 ).

Nous espérons que nos activités d'analyse didactico-lexicographique du substandard permettront de développer des compétences sociostylistiques, socioculturelles et surtout interpersonnelles pour mieux appréhender la France actuelle. Notre humble objectif est, en pratique, de bien former les

futurs traducteurs littéraires et les interprètes professionnels et, en théorie, de contribuer à combler certaines lacunes lexicographiques bilingues, voire même monolingues.

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31 À la suite de notre communication, une question nous a été posée au sujet du choix

des corpus (pourquoi n'avions nous pas choisi des corpus plus faciles, moins con­

notés ?). Notre propre expérience nous amène à constater que les universitaires

étrangers voient ce type de support beaucoup plus positivement qu'en France (cf.

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