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Aristote - Prohairesis, choix et responsabilité - 1

Aristote - Prohairesis, choix et responsabilité · Ainsi, à partir de ces quelques éléments, la pensée d'Aristote semble pouvoir être déployée sans difficulté : la prohairesis,

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Aristote

- Prohairesis, choix et responsabilité -

1

Notes préliminaires

Dans certains passages cités, nous avons remplacé les diverses traductions

françaises de prohairesis et de ses dérivés, par les termes grecs correspondants eux-

mêmes qui sont alors indiqués entre crochets et en italique.

Parfois, nous avons également modifié certaines traductions : les termes

substitués à ceux initialement choisis par le traducteur sont alors indiqués entre

crochets.

2

Introduction

Aristote, dans l’Éthique à Nicomaque, discrimine entre les actions hekousiai,

c'est à dire réalisées de plein gré et celles qui sont akousiai, c'est à dire réalisées

contre gré. À travers ce couple de contraires, le philosophe entend clairement donner

le moyen de déterminer la responsabilité de celui qui agit, c'est à dire de déterminer

dans quelles circonstances ce dernier a à être récompensé ou puni pour ce qu'il fait,

réflexion utile pour le législateur chargé d'établir, à travers la loi, les modalités de la

justice rétributive dans la cité.

« Puisque la vertu (aretès) a rapport à la fois à des affections (pathè) et à des actions (praxeis),

et que ces états peuvent être soit de [plein gré] (hekousiois), et encourir l'éloge ou le blâme,

soit [contre gré] (akousiois), et provoquer l'indulgence et parfois même la pitié, il est sans

doute indispensable, pour ceux qui font porter leur examen sur la vertu (aretès), de distinguer

entre [ce qui est de plein gré] (to hekousion) et [ce qui est contre gré] (to akousion); et cela est

également utile au législateur (tois nomothetousi) pour établir des récompenses et des

châtiments »1.

Or, au sein de sa description de ce processus qu'est l'action humaine (praxis),

c'est la prohairesis qui intègre un élément de choix au sein de l'agir. En effet, ce choix

intervient d'abord dans le cadre d'une délibération (bouleusis) au terme de laquelle il

se réalise dans une prohairesis, c'est à dire dans un désir (orexis), principe de

mouvement vers un désirable, accordé à ce qui a été décidé lors de la délibération.

« [La prohairesis] sera un désir délibératif (bouleutikè orexis) des choses qui dépendent de

nous (eph' èmin) ; car une fois que nous avons décidé (krinantes) à la suite d'une délibération

(ek tou bouleusasthai), nous désirons (oregometha) alors conformément à notre délibération

(kata tèn bouleusin) »2

De plus, c'est par la prohairesis que l'action (praxis), au sens strict, se différencie du

simple mouvement animal (kinesis) : « le principe (arkhè) de l'action morale (praxeôs) est

ainsi [la prohairesis] »3.

1 Aristote, Éthique à Nicomaque, bibliothèque des textes philosophiques, traduction par Jules Tricot, Paris, Librairie

philosophique Vrin, édition révisée de 2007, livre III, chapitre 1, 1109b, p.127.

2 Ibid., livre III, chapitre 6, 1113a, p.147.

3 Ibid, livre VI, chapitre 2, 1139a, p.298.

3

Ainsi, à partir de ces quelques éléments, la pensée d'Aristote semble pouvoir

être déployée sans difficulté : la prohairesis, en tant qu'elle intègre de la décision au

mouvement pour en faire une action, permet de faire découler le caractère de plein gré

(hekousia) ou contre gré (akousia) de l'action et, par suite, la responsabilité de l'agent.

Pourtant, si cette interprétation a le mérite de la cohérence et de la simplicité,

elle n'est rien d'autre qu'un énorme contresens relativement à la philosophie pratique

du stagirite. En effet, et c'est là toute la difficulté, le couple de contraires de plein gré

(hekousion)/ contre gré (akousion) ne se pense pas à partir du concept aristotélicien de

prohairesis, mais à l'inverse, c'est la prohairesis qui est pensée à partir de de lui, en

tant qu'elle est une espèce de mouvement accompli de plein gré :

« [la prohairesis] est manifestement quelque chose [qui est de plein gré] (hekousion), tout en

étant pas cependant identique à l'acte [de plein gré] (ou taouton de), lequel a une plus grande

extension (epi pleon) »4.

Et pour preuve supplémentaire de cela, les autres animaux et les enfants, qui n'ont

pas part à la prohairesis, voient pourtant leur mouvement qualifié de de plein gré

(hekousia) par Aristote, qui qualifie de la même manière les mouvements spontanés,

dont toute délibération est absente :

Tandis qu'à l'action [de plein gré] (tou hekousiou) enfants (paides) et animaux (ta alla zôia)

ont part, il n'en est pas de même pour [la prohairèsis ; plus exactement, le texte grec dit de

manière concise : proaireseôs d'ou] ; et les actes accomplis spontanément (exaiphnès), nous

pouvons bien les appeler [de plein gré] (hekousia), mais non pas dire qu'ils sont faits par

[prohairesin] »5

Est-ce donc à dire que, pour le philosophe grec, la responsabilité de l'agent ne

repose en rien sur un élément de choix ? C'est ce que nous allons essayer de

déterminer.

4 Ibid., livre III, 4, 1111b, p.137.

5 Ibid.

4

I) Examen du concept de prohairesis

a) Que signifie « prohairesis » ?

Dans notre introduction, nous avons pris soin de ne pas traduire le terme

prohairesis et pour cause, traducteurs et commentateurs divergent quand au choix du

terme français par lequel il faudrait rendre ce dernier. Majoritairement, les

correspondants utilisés relèvent du vocabulaire du choix ou de la décision. Jules

Tricot, dans sa traduction de l’Éthique à Nicomaque en fait ainsi un « choix délibéré,

préférentiel » ou simplement « choix »6, à l'instar de Jean Voilquin qui parle de « choix

réfléchi », « choix » ou encore « choix délibéré »7, d'Olivier Bloch et d'Antoine Leandri

(« choix réfléchi »8), et de commentateurs comme Jean Frêre (« choix décisif », « choix

préférentiel »9) ou encore Laetitia Monteils-Laeng (« décision »10). Toutefois, un courant

plus minoritaire préfère traduire prohairesis par « intention », soit ponctuellement,

dans certains contextes où le sens du terme grec semble varier (c'est la position de

Pierre Aubenque, qui considère par exemple qu'il faut traduire prohairesis par

« intention » dans l’Éthique à Eudème, II, 11, 1128a 2-411), soit systématiquement (ce

que défend notamment Anne Merker qui affirme que « la prohairesis dans son concept

correspond aussi bien qu'il est possible à ce que le français nomme par le mot

« intention » » et « n'est en effet pas un « choix délibéré » ni un « choix préférentiel », et

encore moins une « décision » »12).

Ces désaccords relatifs à la traduction de prohairesis, qui, bien plus que de

6 Ibid., livre III, chapitre 4, note 1 p.137.

7 Aristote, Éthique de Nicomaque, classiques Garnier, texte traduit par Jean Voilquin, Paris, Librairie Garnier frêres,

1940, livre troisième, chapitre II, p.95.

8 Aristote, Ethique à Eudème, encre marine, texte traduit par Olivier Bloch et Antoine Léandri, Paris, Les Belles

Lettres, 2011, Livre II, X, 1225b, p.78

9 Jean Frêre, « Le volontaire chez Aristote », Intellectica, no 36-37 (2003) p. 261-274, Association pour la Recherche

sur les sciences de la cognition (ARCo), p. 268-269.

10 Laetitia Monteils-Laeng, « Aristote et l’invention du désir », Archives de Philosophie, no 76 (2013) p.441-457,

Centre Sèvres, p.442.

11 Pierre Aubenque, la Prudence chez Aristote, Quadrige, Paris, Presses universitaires de France, p.120.

12 Anne Merker, Une morale pour les mortels, L'Âne d'or, Paris, Les Belles Lettres, 2011, citations respectivement

tirées de la note 74 p.271 et de la page 270.

5

simples querelles de mots, sont autant de manifestations des divergences

d'interprétations occasionnés par le terme grec, témoignent de la difficile

compréhension de ce concept technique central dans la pensée pratique d'Aristote. De

notre côté, nous choisirons le décalque français « prise anticipée » du grec pro-hairesis,

qui a le mérite de la neutralité, puisqu'il ne prend a priori aucun parti sémantique en

faveur du choix délibéré, de la décision ou de l'intention13.

Un premier pas vers la compréhension du concept de prohairesis peut donc être

fait à partir de la lettre même du terme. En effet, la prise anticipée (prohairesis) se

comprend d'abord par contraste avec la prise, en grec hairesis (substantif dérivé du

verbe hairein, prendre). L'acte de prendre constitue le terme d'un mouvement orienté

vers un désirable. En effet, cette appropriation effective de l'objet de la poursuite par

le sujet poursuivant, parce qu'elle constitue le point d'aboutissement de son

mouvement finalisé par son désir, en est également le point d'arrêt. Ainsi, la prise

(hairesis) est l'étape terminale de ces deux processus apparentés que sont le

mouvement et l'action. La prise anticipée (prohairesis), quand à elle, comme le suggère

le terme lui-même, est une certaine saisie du désirable, logiquement et

chronologiquement antérieure à la prise proprement dite (hairesis). Mais comment

peut-on se saisir d'un objet avant que celui-ci ne soit à portée de main, de mâchoire, de

patte, de langue ou de tout autre organe capable de préhension effective ?

Comme nous l'avions déjà rapidement expliqué dans notre introduction à partir

de cette citation de l’Éthique à Nicomaque :

« [La prohairesis] sera un désir délibératif (bouleutikè orexis) des choses qui dépendent de

nous (eph' èmin) ; car une fois que nous avons décidé (krinantes) à la suite d'une délibération

(ek tou bouleusasthai), nous désirons (oregometha) alors conformément à notre délibération

(kata tèn bouleusin) »14

la prise anticipée (prohairesis) est une espèce de désir qui prend forme au terme d'une

délibération (bouleusis). Ce désir, parce qu'il est conforme à ce qui a été décidé à l'issue

13 C'est la seconde proposition d'Anne Merker dans son ouvrage précédemment cité Une morale pour les mortels pour

traduire le plus littéralement possible prohairesis, à partir de sa décomposition en pro (en avance) et hairesis (prise, au

sens de la saisie effective de quelque chose).

14 Aristote, Éthique à Nicomaque, traduction par Jules Tricot, opus cité, livre III, chapitre 1, 1109b, p.127.

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de cette dernière et intègre en lui-même les décisions qui ont été prises, est ainsi

qualifié par Aristote de « désir délibératif (bouleutikè orexis) ». De son côté, la

délibération, qui se prolonge et se réalise à travers la prise anticipée (prohairesis), est

décrite ainsi :

« Nous délibérons (bouleuometha) non pas sur les fins (peri tôn telôn) elles-mêmes, mais sur

les moyens d'atteindre les fins (alla peri tôn pros ta telè). [...] Mais une fois qu'on a posé la fin

(to telos), on examine (skopousin) comment et par quels moyens elle se réalisera ; et s'il

apparaît qu'elle peut-être produite par plusieurs moyens (dia pleionôn), on cherche

(episkopousin) lequel entraînera la réalisation la plus facile (hraista) et la meilleure (kallista). Si

au contraire la fin ne s'accomplit que par un seul moyen (di'henos), on considère comment

par ce moyen elle sera réalisée, et ce moyen à son tour par quel moyen il peut l'être lui-

même, jusqu'à ce qu'on arrive à la cause immédiate (to prôton aition), laquelle, dans l'ordre

de la découverte, est dernière (eskhaton). »15

La délibération (bouleusis) est donc une recherche intellectuelle du désirable, qui

précède la recherche effective de ce dernier. Concrètement, elle consiste en un

déroulement discriminant, dans la pensée, d'une chaîne de moyens, qui vient relier

causalement l'agent à la fin de son action.

Le point de départ de ce déroulement, c'est le terme de l'action, c'est à dire sa fin

(telos), qui apparaît déjà donnée et fixée. Cette dernière n'est pas définie à l'issue de la

délibération, bien au contraire, elle en est la condition de possibilité, c'est à dire ce à

partir de quoi on délibère et non pas ce dont on délibère. Ainsi, au cours de la

délibération, l'agent détermine d'abord le moyen dernier, celui dont dépend

immédiatement la réalisation de son but, puis le pénultième moyen dont dépend

immédiatement la réalisation du moyen dernier et ainsi de suite, remontant la chaîne,

de proche en proche, jusqu'au moyen le plus éloigné de la fin, mais dont la réalisation

est directement à la portée de l'agent.

La délibération envisage donc les étapes de la poursuite du désirable dans

l'ordre inverse de celui de la poursuite effective : le premier moyen déterminé

correspondant à la dernière étape du mouvement, qui sera celle de la prise (hairesis)

de l'objet. Les modalités de la poursuite sont ainsi déterminées à rebours, en partant

15 Ibid., livre III, chapitre 5, 1112b, p.144-145.

7

de la fin, chaque étape étant fixée par un examen en deux temps. Tout d'abord, l'agent

liste les différents moyens à sa disposition en vue de la réalisation de l'étape

supérieure, puis, dans un second temps, si plusieurs options sont possibles, il les

examine et choisit « la plus facile (hraista) et la meilleure (kallista) », autrement dit, la

plus efficace, celle qui allie économie de moyens (argent, temps, labeur, etc...) et

qualité de l'effet produit. Dans le cas où il n'y aurait qu'une seule option possible,

l'agent n'a pas à faire de choix et la délibération se poursuit automatiquement,

remontant immédiatement à l'étape suivante.

Au cours de la remontée des étapes de la poursuite et de la détermination de la

suite de moyens la plus efficace, il se peut que la délibération échoue à relier la fin à

l'agent. Cela arrive lorsque l'agent ne parvient pas à remonter jusqu'à un moyen dont

la réalisation est directement à sa portée :

« Si on se heurte à une impossibilité, on abandonne la recherche, par exemple s'il nous faut de l'argent et qu'on ne puisse pas s'en procurer »16.

Dans ce cas, le processus de délibération, ne pouvant être mené à son terme, cesse

simplement.

Grâce à ces explications, nous sommes désormais en mesure de mieux

comprendre la nature de la prise anticipée (prohairesis), puisque comme nous l'avons

vu précédemment, elle est ce qui résulte du processus de délibération (bouleusis). En

tant que désir délibératif (orexis bouleutikè), elle intègre en elle-même les acquis de la

délibération, c'est-à-dire la chaîne complète des étapes de la mise en mouvement à

venir, une vue d'ensemble de la poursuite de la fin, de la première étape directement à

la portée de l'agent jusqu'à la saisie (hairesis) du désirable. C'est pourquoi elle est une

pro-hairesis, une prise anticipée de l'objet de désir, qui se comprend comme une saisie

intellectuelle de la fin par la connaissance de la chaîne des moyens.

Or, cette prise anticipée (prohairesis) est le principe de la prise effective de

l'objet désirable (hairesis) qui advient au terme de l'action et cela d'une manière qui

lui est propre. En tant que désir (orexis), elle est une force motrice orientée pour

l'agent, elle recèle une efficacité causale corporelle intégrant de la finalité :

16 Ibid., 1112b, p.146.

8

« En effet, les affections préparent les membres de manière appropriée, le désir fait de même

avec les affections. »17

Le désir, par l'intermédiaire des affections, entraîne ainsi la mise en mouvement des

membres de l'agent, afin que celui-ci se porte vers son but. Mais en tant que désir

délibéré (bouleutikè orexis), c'est à dire, prise anticipée (prohairesis) de la fin par la

chaîne des moyens qui y conduit, elle est plus que cela. Portant en elle les fruits de la

délibération, la prohairesis guide l'agent, à chaque étape de sa poursuite effective du

désirable, vers la voie la plus simple et la meilleure, le portant le plus efficacement

possible vers la prise effective du désirable (hairesis).

À partir de cet examen approfondi, il est donc clair que la prohairesis n'est pas

réductible à un « choix », que celui-ci soit « délibéré », « préférentiel », « réfléchi »,

« préférentiel », ni à une « décision » et cela pour une raison simple : elle est le produit

d'une délibération (bouleusis) qui n'implique pas systématiquement un choix. Comme

nous l'avons vu, il peut en effet arriver qu'il n'y ait qu'une seule chaîne de moyens

possible pour relier la fin à l'agent, et dans ce cas, on remonte d'étape en étape sans

jamais en passer par un choix. De plus, de telles traductions, en insistant sur la

dimension délibérée de la prohairesis tendent à masquer sa parenté avec le désir. Elle

n'est pas non plus une « intention » si l'on entend derrière ce terme le fait de se

proposer délibérément un certain but. En effet, on délibère à partir d'une fin déjà

donnée et dont le caractère désirable s'impose à l'agent. Ce caractère n'est jamais

remis en doute au cours du processus délibératif, seules sont interrogées les modalités

de sa réalisation et sa possibilité. Aussi, le but de l'agir s'impose de la même manière

dans la prohairesis, simplement complétée de la chaîne des moyens qui doit conduire

l'agent jusqu'à sa réalisation. La prohairesis hérite donc d'une fin déjà pro-posée et qui

n'a pas été fixée par délibération.

b) Conséquences de l'examen du concept de prohairesis relativement au choix et à la

responsabilité

Relativement à la problématique du rapport entre responsabilité et choix qui est

la nôtre, on voit que la prise anticipée (prohairesis) assure parfois la transformation

17 Aristote, Le mouvement des animaux, collection GF, texte traduit par Pierre-Marie Morel, Paris, Flammarion, 2013,

chapitre 8, 702a, p.66.

9

des choix faits par l'agent lors de la délibération (bouleusis) en mouvements effectifs.

Pourtant, ce n'est pas systématique puisque l'agent qui délibère peut n'identifier

qu'une seule option possible pour atteindre sa fin et n'avoir donc aucun choix à faire.

De plus, la portée de ce choix est limitée. En effet, la fin à poursuivre ayant été posée

avant la délibération, elle ne fait l'objet d'aucun choix. Aussi, si il y a choix, ce dernier

ne peut porter que sur les moyens d'atteindre la fin. Responsabiliser l'agent en vertu

de ses choix reviendrait donc à considérer qu'il a uniquement à être loué ou blâmé

pour l'efficacité de son action et seulement dans le cas où cette efficacité est la

conséquence d'un choix qu'il a eu à faire lors la phase de délibération face à une

pluralité de moyens possibles. Cela impliquerait de déresponsabiliser l'agent pour le

dessein effectivement réalisé, puisqu'il n'a pas choisi la fin de son action, ainsi que

pour l'efficacité de sa réalisation dans le cas ou aucun choix n'a été nécessaire lors de

la délibération. Or, notre introduction l'a déjà rapidement montré, ce n'est pas du tout

ce que fait Aristote, qui considère que même des mouvements qui ne sont pas impulsés

par une prohairesis et qui ne résultent donc d'aucune délibération comme « les actes

accomplis spontanément (exaiphnès), nous pouvons bien les appeler [de plein gré]

(hekousia) mais non pas dire qu'ils sont faits par [prohairesin] »18, c'est à dire aussi en

rendre l'agent responsable et l'exposer à « des récompenses et des châtiments »19.

Comment Aristote pense t-il ce qui est de plein gré (hekousion) et contre gré

(akousion), et par suite la responsabilité de l'agent, indépendamment de la prise

anticipée (prohairesis) et du choix qu'elle implique parfois ? C'est ce que nous allons

essayer de comprendre dans notre deuxième partie.

18 Aristote, Éthique à Nicomaque, traduction par Jules Tricot, opus cité, livre III, 4, 1111b, p.137.

19 Ibid., livre III, chapitre 1, 1109b, p.127.

10

II) De plein gré (hekousion), contre gré (akousion) et non de plein gré (ouch'

hekousion)

a) Définition générale de l'acte contre gré et acte violent

Au début du livre III de l’Éthique à Nicomaque, Aristote cherche à différencier

les actes réalisés de plein gré et ceux réalisés contre gré, ce qui va l'amener à raffiner

cette première opposition.

Les actes contre gré y sont décrits comme « ce qui est fait sous la contrainte (tou

biai) ou par ignorance (di'agnoian) »20, ils correspondent donc à deux types d'actes

distincts : l'acte violent (biaia) et l'acte accompli par ignorance (di'agnoian).

L'acte violent se comprend comme « celui qui a son principe (aitia) hors de nous

(ektos), sans aucun concours de l'agent qui subit la contrainte »21. Il s'agit donc d'un

mouvement auquel le corps de l'agent a participé, mais en tant que ses membres

étaient irrésistiblement mus par une force motrice extérieure. Prenons un exemple :

quelqu'un est poussé par derrière et heurte une personne qui, de ce fait, trébuche en

arrière et se brise la nuque sur une pierre. Celui qui a subi la poussée a accompli un

acte violent en heurtant quelqu'un, puisque c'est une poussée dont il n'est pas à

l'origine qui a mis son corps en mouvement. Aussi, il a agi contre son gré et n'est pas

responsable de la mort de la personne qu'il a accidentellement heurtée.

b) L'acte accompli dans l'ignorance

L'acte contre gré accompli par ignorance, quant à lui, est plus complexe à saisir.

En effet, Aristote introduit une subtilité en le distinguant d'un autre type d'acte

extrêmement proche : l'acte accompli dans l'ignorance, qui, contrairement à l'acte

accompli par ignorance, est considéré par le philosophe grec comme étant de plein gré.

« Il y aussi, semble-t-il bien, une différence entre agir par ignorance (di' agnoian) et accomplir

un acte dans l'ignorance (tou agnoounta) : ainsi, l'homme ivre (methuôn) ou l'homme en

colère (hè orgizomenos), pense-t-on, agit non par ignorance (di' agnoian) mais par l'une des

causes que nous venons de mentionner, bien qu'il ne sache pas ce qu'il fait (ouch eidôs) mais

20 Ibid., livre III, chapitre 3, 1111a, p.135.

21 Ibid., livre III, chapitre 1, 1110b, p. 131.

11

se trouve en état d'ignorance (agnoôn). […] On a tort de vouloir appliquer l'expression [contre

gré] (to akousion) à une action dont l'auteur est dans l'ignorance (agnoei) de ce qui lui est

avantageux (ta sumpheronta) »22.

Cette distinction entre actes accomplis par ignorance et actes accomplis dans

l'ignorance, repose sur la distinction entre deux types d'ignorance : la première

pouvant être dite cause de l'action (par ignorance), la seconde ne faisant

qu'accompagner le mouvement (dans l'ignorance). Ainsi, ce n'est pas à cause de

l'ignorance que l'homme ivre ou l'homme en colère agissent, mais respectivement à

cause de l'ivresse et de la colère qui sont la véritable cause de leur état d'ignorance au

moment de l'action, deux états considérés par Aristote comme étant de plein gré,

comme le montre le développement du cas de l'ébriété que l'on trouve plus avant :

« Et, en effet, nous punissons (kolazousin) quelqu'un pour son ignorance (agnoein) même, si

nous le tenons pour responsable (aitios) de son ignorance (tès agnoias), comme par exemple

dans le cas d'ébriété (methuousin) où les pénalités des délinquants sont doublées, parce que

le principe (archè) de l'acte réside dans l'agent lui même, qui était maître de ne pas s'enivrer

(mè methusthènai) et est ainsi responsable de son ignorance (aition tès agnoias) »23.

L'agent qui agit dans l'ignorance et non par ignorance est non seulement responsable

de son acte, mais même doublement responsable, car son état d'ignorance et l'action

qu'elle accompagne, sont tous deux de plein gré. Le doublement des pénalités pour un

délinquant qui a commis un forfait en état d'ivresse apparaît donc juste puisque le

délinquant est responsable et de son état d'ivresse et de son forfait.

De manière plus générale, toute ignorance résultant d'une négligence (ameleia)

de la part de l'agent ne peut être jugée cause de l'acte. En effet, la négligence dépend

de l'agent, elle est de plein gré, l'ignorance qui en résulte est donc elle aussi de plein

gré, ce n'est pas elle qui est cause de l'acte, c'est l'agent négligent. L'acte accompli

dans l'ignorance est donc de plein gré et l'agent en est responsable.

« On punit (kolazousin) également ceux qui sont dans l'ignorance de quelqu'une de ces

dispositions légales dont la connaissance est obligatoire (dei epistasthai) et ne présente

aucune difficulté (mè chalepa). Et nous agissons de même toutes les autres fois où l'ignorance

22 Ibid., 1110b, p.132-133.

23 Ibid., livre III, chapitre 7, 1113b, p. 151-152.

12

(agnoein) nous paraît résulter de la négligence (di' ameleian), dans l'idée qu'il dépend des

intéressés de ne pas demeurer dans l'ignorance (mè agnoein), étant maîtres (kurioi) de

s'appliquer à s'instruire (epimelèthènai) »24

De la même manière, l'ignorance (agnoountas) de la loi (en tois nomois) résulte d'une

négligence de la part de l'agent. Il dépend de lui de l'apprendre et de la connaître.

Aussi, l'acte illégal accompli dans l'ignorance de la loi est de plein gré, ce qui est

cohérent avec cette affirmation d'Aristote, précédemment citée :

« On a tort de vouloir appliquer l'expression [contre gré] (to akousion) à une action dont

l'auteur est dans l'ignorance (agnoei) de ce qui lui est avantageux (ta sumpheronta) »25.

L'agent est responsable de ne pas savoir ce qui est bon et lui est profitable, car encore

une fois, cette ignorance résulte d'une négligence de plein gré : il dépend de lui

d'acquérir ou non la connaissance de ce qui lui est profitable et par suite, d'agir en

connaissance de cause ou dans l'ignorance.

c) L'acte accompli par ignorance

À la différence des actes accomplis dans l'ignorance, qui sont de plein gré,

puisqu'ils reposent ultimement sur une négligence (ameleia) imputable à l'agent, les

actes accomplis par ignorance, au contraire, ne sont pas de plein gré. En effet, dans ce

cas, l'ignorance est la véritable cause de l'action, elle n'est pas le fait de l'agent, ce

dernier la subit à la manière d'une contrainte extérieure sur laquelle il n'a aucun

pouvoir. Ce type d'ignorance est décrite par Aristote comme ignorance d'un objet

particulier :

« <ce qui rend l'action contre gré>, c'est l'ignorance des particularités de l'acte

(kath' hekasta), c'est à dire de ses circonstances et de son objet, car c'est dans ces

cas là que s'exercent la pitié (eleos) et l'indulgence (suggnômè), parce que celui qui

est dans l'ignorance (agnoôn) de quelqu'un de ces facteurs agit contre gré

(akousiôs) »26

C'est l'ignorance de certaines particularités de l'acte, de la singularité de son contexte

24 Ibid., 1113b-1114a, p.152.

25 Ibid., chapitre 2, 1110b, p.133.

26 Ibid., 1110b-1111a, p.133.

13

et de son objet ici et maintenant, qui dénie le caractère de plein gré au mouvement de

l'agent. Ce point nous permet ainsi de mieux comprendre la différence entre ce type

d'ignorance et celle vue précédemment. L'ignorance résultant d'une négligence,

consistait à chaque fois en un défaut de connaissance portant sur le général ou

l'universel : méconnaissance des lois, de ce qui est avantageux, des effets de la colère

ou de l'enivrement, connaissance qui peut donc s'acquérir au cours d'un apprentissage.

Ainsi, l'agent peut-être tenu pour responsable de ne pas s'être instruit et d'être dans

l'ignorance de cette connaissance générale ou universelle, dont la privation le pousse à

commettre de plein gré des actes blâmables. L'ignorance des particularités de l'acte,

au contraire, ne résulte pas d'une négligence, car elle est un défaut de connaissance du

singulier, autrement dit, de ce qu'une situation déterminée dans l'espace et le temps a

de contingent et ne peut être préalablement appris.

Les circonstances particulières de l'acte peuvent être de six types :

« elles concernent : l'agent lui-même (tis) ; l'acte (ti) ; la personne ou la chose objet de l'acte

(peri ti hè en tini) ; quelquefois encore ce par quoi l'acte est fait (tini) (c'est-à-dire l'instrument)

(organôi) ; le résultat qu'on en attend (heneka tinos) (par exemple sauver la vie d'un homme) ;

la façon enfin dont il es accompli (pôs) (doucement, par exemple ou avec force) »27

Mais Aristote précise que l'ignorance des particularités de l'acte, du moins pour un

homme qui n'est pas fou, ne peut porter sur tous les types en même temps, ni sur

l'agent (tis), car cela reviendrait à s'ignorer soi-même28. Pour les autres, l'ignorance est

possible et Aristote donne pour chacun des types des exemples.

Il commence par l'ignorance portant sur l'acte (ti) :

« L'ignorance (agnoèseien) peut porter sur l'acte, comme par exemple, quand on dit : cela

leur a échappé en parlant, ou ils ne savaient pas qu'il s'agissait de choses secrètes, comme

Eschyle le dit des Mystères, ou voulant (boulomenos) seulement faire une démonstration

(deixai), il a lâché le trait, comme le disait l'homme au catapulte (ton katapeltèn) »29.

Dans ces trois cas, l'agent croit accomplir un autre acte que celui qu'il réalise

27 Ibid., 1111a, p.133.

28 Ibid., 1111a, p.134.

29 Ibid.

14

effectivement. Ainsi, dans la première situation, alors qu'on croit agir en vue de garder

une information secrète, on la divulgue sans s'en rendre compte en parlant. Dans la

deuxième, on croit tenir un langage public, alors qu'en fait il s'agit d'un langage secret.

Et dans la troisième, alors qu'on avait simplement pour but de montrer comment

tendre la corde d'une machine de guerre, on a accidentellement fait partir le projectile.

Ainsi, l'ignorance portant sur l'acte se comprend soit comme une erreur portant sur la

nature véritable de l'acte, comme dans la deuxième situation, soit comme une erreur

portant sur la façon de réaliser l'acte qu'on s'est proposé, qui entraîne la réalisation

contre son gré d'un autre acte, comme dans la première et la troisième situation.

Vient ensuite l'ignorance portant sur la personne ou la chose objet de l'acte (peri

ti hè en tini) : « On peut aussi prendre son propre fils (huion) pour un ennemi

(polemion), comme Mérope »30. Ainsi, en prenant un être aimé pour un être hostile, par

exemple en raison de l'obscurité ou d'un accoutrement trompeur, on peut finir par tuer

un fils contre son gré alors qu'on croyait tuer un ennemi. Ainsi, en ignorant l'objet

véritable de son acte, c'est finalement la nature de l'acte lui-même qu'on ignore.

Aristote poursuit avec l'ignorance portant sur ce par quoi l'acte est fait (tini). On

peut ainsi prendre « une lance acérée (esphairôsthai) pour une lance (doru) mouchetée

(lelogkhômenon), ou une pierre ordinaire (lithon) pour une pierre ponce (kissèrin) »31.

Si l'on se trompe concernant l'instrument que l'on utilise pour réaliser l'acte, cela peut

avoir des effets que l'on avait pas prévu. Dans la première situation, on imagine des

jeunes hommes s’entraînant au lancer de javelot, l'un se trompe, croyant se saisir

d'une lance mouchetée, rendue inoffensive pour éviter les blessures, il se saisit en fait

d'une véritable lance, la projette et transperce l'un de ses camarades. Dans la seconde

situation, c'est le même genre d'erreur. Pensant jeter une pierre ponce, pierre

volcanique de faible densité et inoffensive, sur un ami pour chahuter, ou bien sur un

mendiant qu'il veut simplement éloigner, l'agent se trompe et lance en fait une pierre

ordinaire, qui atteint sa cible et la blesse grièvement.

Une autre circonstance particulière qui peut également être ignorée concerne le

résultat attendu de l'acte (heneka tinos), comme lorsqu'« avec l'intention de lui sauver la

30 Ibid.

31 Ibid.

15

vie (sôtèria), tuer quelqu'un (apokteinai) en [le faisant boire] (pisas) »32. Dans cette

situation, on croit par exemple qu'un peu d'eau ou une potion aura l'effet d'un remède

pour une personne dont la santé est en danger, alors qu'en fait cette eau ou cette

potion se trouve finalement agir comme un poison et la tue. Les erreurs médicales

pourraient par exemple produire des situations analogues. On peut néanmoins se

demander dans quelle mesure ces erreurs sont alors dues à l'ignorance des

circonstances particulières de l'acte (par exemple le patient a, sans le savoir, une

allergie grave à l'un des composants du mélange sensé le soigner) et dans quelle

mesure elles sont imputables à une négligence du médecin (par exemple il a fait une

erreur de dosage qui a tué le patient, parce qu'il n'a pas assez étudié la science

médicale).

Enfin, reste l'ignorance portant sur la façon dont l'acte est accompli (pôs).

L'exemple donné pour ce dernier type est celui de deux lutteurs, l'un portant un coup à

l'autre « en voulant (boulomenos) le toucher légèrement (thixai), comme dans la lutte à

main plate (akrocheirizomenoi) », finit, au lieu de cela, par « le frapper pour de bon

(pataxeien) »33. Dans cette situation, le lutteur s'est trompé quand à la force qu'il

croyait devoir mettre dans son coup pour réaliser son but, à savoir toucher légèrement

son adversaire, et au lieu de cela, il lui a asséné un coup violent. Or, cette erreur a bien

trait à une ignorance des conditions singulières de l'acte : l'adversaire n'est jamais à la

même distance, toujours en mouvement, avançant, reculant, s’apprêtant peut-être à

donner un coup, le lutteur ne peut donc jamais appliquer de règle générale pour

connaître la quantité de force à mettre dans son coup, il a à la réévaluer à chaque

instant et à traiter avec de la contingence.

Il est à noter que l'ignorance des circonstances particulières de l'action n'est pas

à comprendre comme le résultat d'une erreur de délibération (bouleusis), sans quoi

cette ignorance serait d'ailleurs de plein gré, puisque c'est de plein gré que l'agent

délibère. Aristote établit clairement ce point en affirmant la chose suivante :

« il faut exclure aussi les choses particulières (kath'hekasta), par exemple si ceci est du pain

(artos), ou si ce pain a été cuit comme il faut (pepeptai ôs dei), car ce sont là matières à

32 Ibid.

33 Ibid.

16

sensation (aisthèseôs) »34.

On ne délibère que sur l'universel ou le général, jamais sur le particulier, car c'est tout

simplement impossible. Le particulier ne peut être appréhendé autrement que par une

expérience sensible. On ne peut pas savoir si un objet est du pain avant de l'avoir

empiriquement constaté, de même qu'on ne peut être certain de la bonne cuisson d'une

miche qu'après avoir ouvert le four, l'avoir vue, touchée et éventuellement goûtée.

C'est donc à la sensation qu'il revient de discriminer entre les choses particulières.

Cela explique qu'il puisse y avoir un décalage entre le déroulement de l'action tel qu'il

est envisagé par l'agent dans la prise anticipée (prohairesis), constituée au terme de la

délibération, et le déroulement effectif de l'action. En effet, l'enchaînement des étapes

de l'action dans la prise anticipée se ramène à un enchaînement logique et nécessaire

de propositions déduites les unes des autres, tandis que l'enchaînement effectif des

étapes de l'action admet des éléments de contingence, imprévus et imprévisibles, qui

peuvent mettre en péril le déroulement initialement prévu, et faire manquer son but à

l'agent.

Mais, à strictement parler, un acte fait par ignorance de certaines circonstances

particulières de l'action, s'il n'est pas accompli de plein gré, ne peut immédiatement

être dit contre gré. Pour passer du ''non de plein gré'' (ouch' hekousion) au contre gré

(akousion), une condition supplémentaire est requise.

« L'acte fait par ignorance (di'agnoian) est toujours [non de plein gré] (ouch' hekousion) ; il

n'est [contre gré] (akousion) que si l'agent en éprouve affliction (epilupon) et repentir

(metameleiai). En effet, l'homme qui, après avoir accompli par ignorance une action

quelconque, ne ressent aucun déplaisir (duscherainôn) de son acte, n'a pas agi [de plein gré]

(hekôn), puisqu'il ne savait pas ce qu'il faisait, mais il n'a pas non plus agi [contre gré] (akôn),

puisqu'il n'en éprouve aucun chagrin (mè lupoumenos) »35.

Pour que l'acte accompli par ignorance puisse être authentiquement dit contre gré

(akousion) et non seulement non de plein gré (ouch'hekousion), encore faut-il que

l'agent éprouve de la peine à la suite de son acte et regrette son accomplissement.

34 Ibid., chapitre 5, 1113a, p.146.

35 Ibid., livre III, chapitre 2, 1110b, p.131.

17

Cette condition peut paraître étrange, mais on peut l'expliquer comme suit.

L'agent qui agit par ignorance n'agit pas de son plein gré, mais il arrive que ce qui

résulte de son action lui plaise après coup (par exemple si, cherchant à creuser à un

endroit précis pour trouver un point d'eau, il se trompe de lieu, à cause de la

pénombre, et déterre accidentellement un trésor). Dans ce cas, l'action n'est pas faite

de plein gré, mais elle ne peut non plus être dite totalement contre gré, car l'agent

montre par son plaisir, qu'il en accepte les conséquences a posteriori, comme des effets

qu'il aurait pu vouloir produire s'il avait agi de plein gré. Ainsi, la satisfaction d'un

l'agent, à la suite d'un meurtre accompli non de plein gré, même si elle ne suffit pas à

le rendre responsable de ce meurtre, révèle néanmoins la perversité de ses souhaits et

l'état de vice qui est le sien. La satisfaction que cause le résultat de l'acte non de plein

gré peut donc aussi être interprétée comme le signe d'une certaine propension de

l'agent à agir de plein gré, dans le futur, d'une façon similaire.

À l'issue de ce développement, on comprend que l'acte contre gré, est le fruit

d'une élaboration conceptuelle complexe et technique de la part d'Aristote. Ce dernier

regroupe les actes violents, dont le principe est une contrainte extérieure à l'agent,

ainsi que les actes accomplis par ignorance suivis de peine et de regrets, c'est à dire les

actes ayant pour principe l'ignorance des circonstances particulières dans laquelle

l'action se déploie. Ceux-ci, nous l'avons vu, sont à distinguer des actes accomplis dans

l'ignorance, où l'agent ignore de plein gré, du fait de sa négligence, des connaissances

générales, qu'il aurait pu apprendre. L'acte de plein gré, nous allons le voir, se

comprend à partir de l'acte contre gré, comme son pur et simple contraire.

d) Définition générale de l'acte contre gré

Toujours au livre III, Aristote définit l'acte de plein gré ainsi :

« ce dont le principe (archè) réside dans l'agent lui-même (en autôi) connaissant (eidoti) les

circonstances particulières (kath' hekasta) au sein desquelles son action (praxis) se produit»36.

Cette définition fait immédiatement sens à partir de notre analyse de l'acte contre gré.

L'agent, lorsqu'il agit de plein gré, est son propre principe de mouvement, il a son

moteur en « lui-même », contrairement à l'acte violent ou le principe moteur de l'acte

36 Ibid., livre III, chapitre 3, 1111a, p.135

18

lui est extérieur. De plus, il connaît les circonstances particulières de l'acte, ne se

trompe pas relativement à la nature de son acte, à son objet, à l'instrument dont il se

sert pour l'accomplir, au résultat qu'il va produire ou à la façon dont il l'accomplit, et

n'agit donc pas par ignorance. Que l'agent soit lui-même le moteur de l'acte et qu'il

agisse en toute lucidité des circonstances, voilà les deux conditions pour que son acte

soit de plein gré et qu'il puisse être tenu pour responsable de ses conséquences.

e) Rapport de la prohairesis à l'acte de plein gré.

Dans cette seconde partie, nous nous sommes intéressés à la manière dont

Aristote conçoit ce qui est contre gré, non de plein gré et de plein gré, et à travers ces

trois types, la responsabilité de l'agent.

On constate ainsi, à l'issue de cette analyse, que la conception aristotélicienne

de l'acte de plein gré est absolument indépendante de la prohairesis. Tout d'abord, le

principe moteur interne à l'agent, impliqué par l'acte de plein gré, n'a pas forcément à

être une prohairesis. Nous l'avons vu dans notre première partie, la prohairesis en

tant qu'elle est une forme de désir (un désir délibératif), est une force motrice, interne

à l'agent, qui le met en mouvement vers un désirable. Mais c'est aussi le cas de

n'importe quelle autre forme de désir, celle qui meut les enfants et les animaux par

exemple, d'où cette phrase déjà citée dans l'introduction :

« Tandis qu'à l'action [de plein gré] (tou hekousiou) enfants (paides) et animaux (ta alla zôia)

ont part, il n'en est pas de même pour [la prohairèsis ; plus exactement, le texte grec dit de

manière concise : proaireseôs d'ou]»37

Les enfants et les animaux agissent de plein gré, car, en tant que vivants possédants

la sensation, ils ont en eux-même un principe de mouvement : une forme de désir qui

n'est pas une prohairesis. De plus, nous l'avons vu, la connaissance des circonstances

particulières de l'acte, qu'implique l'acte de plein gré à titre de seconde condition, ne

découle en rien de la délibération (bouleusis), qui, elle, s'exerce uniquement sur le

général ou l'universel, mais de la sensation (aisthèsis). Cette connaissance particulière

ne suppose donc la possession d'aucune faculté intellectuelle, mais seulement la

faculté de sentir, qu'homme, enfant et animal ont en commun.

37 Ibid., livre III, chapitre 4, 1111b, p.137.

19

III) La responsabilité et la question du choix :

a) Rejet et réapparition de la question du choix dans la détermination de la

responsabilité : l'hypothèse d'un choix originaire

Au terme de notre seconde partie, nous avons vu que l'acte de plein gré

n'impliquait aucunement la prohairesis à titre de condition, c'est d'ailleurs pour cette

raison que les actes des animaux et des enfants peuvent être aussi dits de plein gré,

alors qu'ils n'ont pas de prohairesis. Par conséquent, l'acte de plein gré, n'implique pas

non plus un élément de choix, qui découlerait de la phase de délibération, qui précède

et constitue la prohairesis. Est-ce donc à dire qu'il n'implique pas de choix du tout ?

Nous allons voir que la chose mérite encore d'être discutée.

Si l'on reprend la distinction faite par Aristote entre l'acte accompli dans

l'ignorance, qui est de plein gré et l'acte accompli par ignorance, qui est non de plein

gré ou contre gré, on voit pour la première fois surgir ce qui ressemble à un choix,

comme critère de différenciation entre ce qui est de plein gré et ce qui est contre gré,

c'est à dire aussi entre ce dont l'agent est responsable et ce dont il n'est pas

responsable. Au chapitre 7 du livre III, certains passages laissent en effet entendre

que les actes accomplis dans l'ignorance, sont le fruit d'une négligence, qui semble

avoir été originairement choisie par l'agent :

« Il dépend des intéressés de ne pas demeurer dans l'ignorance (mè agnoein), étant maîtres

(kurioi) de s'appliquer à s'instruire (epimelèthènai) »38

Il dépendait tout autant de l'agent de s'instruire ou de ne pas s'instruire avant

d'agir et c'est pourquoi l'acte dans l'ignorance doit-être dit de plein gré. Aussi, apparaît

ici la thématique du choix à même la tentative de déterminer la responsabilité. Si

l'agent agit mal, parce qu'il est dans l'ignorance de ce qui est bien, il semble que ce soit

à cause d'un choix originaire, par lequel il a préféré l'ignorance à l'instruction, idée

étendue au vice et à la vertu en général un peu plus loin :

« De même que si vous avez lâché une pierre vous n'êtes plus capable de la rattraper, mais

pourtant il dépendait de vous de la jeter et de la lancer, car le principe de votre acte était en

vous (auton dunaton). Ainsi en est-il pour l'homme injuste (adikôi) ou intempérant

38 Ibid., livre III, chapitre 7, 1113b-1114a, p.152.

20

(akolastôi) : au début il leur était possible de ne pas devenir tels (mè ginesthai), et c'est ce qui

fait qu'ils le sont [de plein gré] (hekontes) ; et maintenant qu'ils le sont devenu (genomenois),

il ne leur est plus possible de ne pas l'être (mè einai). »39

On peut choisir de lancer ou non une pierre, car lancer ou ne pas lancer est en

notre pouvoir. Toutefois, si on a choisi de la jeter, il n'est plus en notre pouvoir de

choisir de la rattraper, on ne peut que subir les conséquences de notre choix antérieur

de jeter la pierre. De la même manière, « au début », on pouvait choisir d'agir

vicieusement ou vertueusement. Aussi, si l'on est devenu un homme vicié, c'est de

plein gré, car en choisissant originairement le vice, on a fait le premier pas vers

l’acquisition d'une disposition à mal agir (hexis), disposition, qui, par la suite, nous

entraîne irrésistiblement à commettre l'injustice.

Tout se passe donc comme si l'agent choisissait originairement entre l'ignorance

du bien et la connaissance de ce dernier, et plus généralement entre le vice et la vertu,

subissant par suite les conséquences de son choix. L'interprétation de ces passages

comme l'émergence de l'hypothèse aristotélicienne d'un choix originaire tient t-elle ?

Comment comprendre ce dernier ? Quand advient-il exactement et comment s'articule

t-il au reste de la théorie aristotélicienne de l'action ?

b) Les conditions de possibilité d'un choix originaire

Cette hypothèse du choix originaire, que l'on semble pouvoir tirer de ces

passages du livre III de l’Éthique à Nicomaque, pour pouvoir être prise au sérieux,

nécessite de montrer la possibilité de plusieurs de ses implications, au sein de la

théorie de l'action d'Aristote :

Tout d'abord, le choix originaire suppose également de pouvoir porter sur la

fin de l'acte, car il est choix d'un bon ou d'un mauvais objet de désir, il ne peut donc

pas émerger au terme d'une délibération (bouleusis), qui, elle, suppose que la fin soit

déjà donnée pour pouvoir s'exercer, et ne porte justement que sur les moyens.

Ensuite, l'agent, au moment de ce choix, ne doit pas être naturellement

poussé vers l'ignorance ou vers la connaissance, vers le vice ou vers la vertu . En

effet, s'il est poussé à agir par des inclinations innées, il ne choisit pas plus le vice à

39 Ibid., 1114a, p.153.

21

l'origine, que par la suite puisqu'il subit simplement son inclination naturelle.

Enfin, cette hypothèse suppose de rendre compte du dédoublement de la

définition de l'acte de plein gré qui semble s'opérer à travers elle. En effet, alors que

l'acte de plein gré avait été défini comme

« ce dont le principe (archè) réside dans l'agent lui-même (en autôi) connaissant (eidoti) les

circonstances particulières (kath' hekasta) au sein desquelles son action (praxis) se produit»40,

le principe en question étant, comme nous l'avons vu, la force motrice orientée qu'est

le désir, il devient ici ''ce qui résulte d'un choix originaire de l'agent''. Ce

dédoublement cache t-il une unité ou bien est il le signe d'une incompatibilité entre

l'hypothèse du choix originaire et la théorie de l'action d'Aristote ?

c) L'hypothèse du choix originaire face à la théorie de l'action

Dans le traité De l'âme, Aristote identifie le premier moteur de l'action à sa

fin, qui n'est autre que le désirable :

« Le désirable (to orekton) est antérieur à tout le reste (prôton pantôn) (car il meut (kinei) sans

être mû (ou kinoumenon) du fait qu'il est pensé (noèthènai) ou imaginé (phantasthènai)) »41.

Aussi, s'il doit y avoir un choix originaire, c'est à dire un choix portant sur la fin et

antérieur à toute constitution d'une disposition de l'agent à agir, il doit nécessairement

porter sur le premier désirable désiré par l'agent. En effet, dès lors que l'agent aura

accompli une première action, il aura en même temps initié la constitution d'une

disposition à agir, soit vertueuse (si son premier désirable était bon et sa première

action vertueuse), soit viciée (si son premier désirable était mauvais et sa première

action vicieuse), et ne pourra plus choisir : il sera simplement soumis aux effets de

cette disposition, née de son choix originaire. Or, le désirable est le point de départ de

l'action en tant qu'il est « pensé (noèthènai) ou imaginé (phantasthènai)) », ce à quoi on

ajouter ''ou en tant qu'il est objet de sensation (aisthèsis)''42, peut-être est-il donc

possible de situer le choix originaire dans le moment de cette internalisation du

40 Ibid., livre III, chapitre 3, 1111a, p.135.

41 Aristote, De l'âme, collection des universités de France, texte établi par A. Jannone, traduction de E. Barbotin, Paris,

Les Belles Lettres, quatrième tirage de 2009, livre III, chapitre 10, 433b, p.91.

42 Voir De l'âme, opus cité, livre III, chapitre 10, 433b, p.92.

22

premier désirable par la pensée, l'imagination ou la sensation ?

Il est impossible de placer le choix originaire dans la sensation d'un désirable.

En effet, Aristote affirme très clairement que « la sensation (aisthèsis) consiste à être

mû (kineisthai) et à pâtir (paschein) »43, on ne choisit pas de sentir, ni de sentir ce que

l'on sent comme étant désirable. On ne peut pas non plus le placer dans l'imagination

(phantasia) d'un désirable, puisqu'elle est « un mouvement produit par la sensation en

acte »44, c'est à dire qu'elle naît de l'exercice de la sensation. Aussi, un objet présenté

comme désirable dans l'imagination est un objet qui aura, au préalable, été présenté

comme désirable dans la sensation. L'imagination ne peut donc pas être le lieu du

choix originaire du premier désirable.

Reste la pensée intellectuelle (nous), dans laquelle on pourrait encore placer le

choix originaire. Toutefois, nul besoin de s’intéresser dans le détail à ses

caractéristiques pour voir que là encore c'est impossible. Nous allons voir pourquoi, à

partir d'un passage du traité De l'âme, dans lequel Aristote parle de l'emploi de la

pensée intellectuelle dans le processus désirant :

« L'intellect (nous) ne meut pas sans le désir (orexeôs) (car la volition (boulèsis) est une forme

de désir (orexis), et quand on se meut selon le raisonnement (kata ton logismon), on se meut

par volition (boulèsis)). En revanche, le désir (orexis) peut mouvoir hors du raisonnement

(para ton logismon), car l'appétit (epithumia) est une espèce de désir (orexis). Pourtant,

l'intellect (nous) est toujours droit (orthos), tandis que le désir (orexis) et l'imagination

(phantasia) peuvent-être droits (orthè) ou erronés (ouk orthè). – Voilà pourquoi c'est toujours

l'objet désirable (orekton) qui meut, mais ce peut-être un bien véritable (to agathon) ou

seulement apparent (to phainomenon agathon)»45.

La pensée intellectuelle (nous), combinée au désir, donne la volition (boulèsis), c'est à

dire un désir dont la fin est en accord avec ce qui a été déterminé comme

véritablement bon par le raisonnement. Toutefois, des désirs qui ne sont pas façonnés

par la pensée intellectuelle, mais par la sensation et l'imagination, comme l'appétit

(epithumia) qui est désir de ce qui a trait à ce qui procure le plus immédiatement du

43 Ibid., livre II, chapitre 5, 416b, p.43.

44 Ibid., livre III, chapitre 3, 429a, p.78.

45 Ibid., livre III, chapitre 10, 433a, p.90-91.

23

plaisir au corps, peuvent également mouvoir l'agent en sens contraire et le pousser à

rechercher des biens qui ne sont qu'apparents. Or, bien raisonner quand à ce qui est

véritablement un bien suppose un apprentissage, un exercice de son intellect, de

même que tenir ferme face aux désirs irrationnels qui nous agitent, n'est pas une

capacité innée, mais s'apprend à travers une éducation. La pensée intellectuelle ne

peut donc être ce par quoi l'agent choisit le premier désirable. Au moment du choix

originaire, il ne serait en effet qu'un nouveau-né, incapable de raisonner sur la vertu

et le vice et encore moins de se porter vers des biens véritables, plutôt que vers son

plaisir immédiat.

L'hypothèse d'un choix originaire n'a donc aucun sens, dans la théorie de

l'action aristotélicienne. En effet, l'agent ne choisit jamais le premier objet de son

désir, ce dernier lui est nécessairement donné par la sensation. De plus, l'agent n'est

jamais non plus dans un état originaire où il serait sans inclination naturelle. En effet,

jusqu'à ce que sa pensée intellectuelle se développe, et que l'agent soit capable de tenir

ferme sa volition (boulèsis), ce sont les désirs irrationnels, comme l'appétit, qui sont

les moteurs de ses actes.

e) Conclusion relativement à l'hypothèse d'un choix originaire

Ce que l'on semblait pouvoir extraire des passages du livre III, chapitre 7, de

l’Éthique à Nicomaque, se révèle finalement absurde. La théorie de l'action d'Aristote

ne permet de penser aucun choix originaire, et encore moins de faire découler l'acte de

plein gré d'un tel choix. Le problème d'un dédoublement de la définition de l'acte de

plein gré s'évanouit donc en même temps que l'hypothèse que nous avions formulée.

Ainsi, lorsqu'Aristote affirme :

« Ainsi en est-il pour l'homme injuste (adikôi) ou intempérant (akolastôi) : au début il leur

était possible de ne pas devenir tels (mè ginesthai), et c'est ce qui fait qu'ils le sont [de plein

gré] (hekontes) ; et maintenant qu'ils le sont devenu (genomenois), il ne leur est plus possible

de ne pas l'être (mè einai) »46,

Il semble qu'il veuille simplement souligner qu'il aurait été possible, dans un contexte

différent, pour l'homme injuste ou intempérant de ne pas devenir tel. Mais également

46 Aristote, Éthique à Nicomaque, traduction de Jules Tricot, livre III, chapitre 7, 1114a, p.153.

24

que, de toute manière, acquérir une disposition vertueuse ou une disposition vicieuse,

n'en reste pas moins le fruit d'une succession d'actes, dont le principe moteur réside à

chaque fois dans l'agent, et qui sont donc tous de plein gré. Le fait d'être disposé à

commettre le vice et ne plus pouvoir lutter contre cette disposition n'est donc pas un

argument pour déresponsabiliser l'agent, puisque cette disposition a été acquise de son

plein gré.

25

Conclusion

Tout au long de ce travail, nous avons cherché à savoir si, chez Aristote, la

responsabilité de l'agent pouvait reposer, d'une manière ou d'une autre sur un élément

de choix. Nous avons vu que si la prohairesis supposait parfois l'intervention d'un

choix lors de la délibération (bouleusis) qui la précède et au terme de laquelle elle se

constitue, ce choix ne permettait en rien de penser le caractère de plein gré ou contre

gré des actes de l'agent et donc sa responsabilité. Nous avons également constaté que

les conceptions aristotélicienne de ce qui est de plein gré, contre gré et non de plein

gré, ne faisaient intervenir le choix ni de façon manifeste, ni de façon subreptice, ce

que nous a montré l'aporie de notre hypothèse d'un choix originaire à partir duquel se

comprendrait la responsabilité de l'agent.

La mise en rapport de la responsabilité et du choix semble donc tout à fait

étrangère à Aristote. Et pour cause : la fin de l'action, en tant qu'elle est

systématiquement comprise comme objet de désir, est toujours quelque chose qui

s'impose à l'agent, que ce soit par la sensation, l'imagination, ou même la pensée

intellectuelle. Dès lors, aucune place n'est laissée au choix de l'agent et sa

responsabilité doit être établie à partir d'autres critères.

26

Bibliographie

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par Jules Tricot, Paris, Librairie philosophique Vrin, édition révisée de 2007.

- Aristote, Éthique de Nicomaque, classiques Garnier, texte traduit par Jean

Voilquin, Paris, Librairie Garnier frêres, 1940.

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Marie Morel, Paris, Flammarion, 2013.

- Aristote, De l'âme, collection des universités de France, texte établi par A.

Jannone, traduction de E. Barbotin, Paris, Les Belles Lettres, quatrième tirage de

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Association pour la Recherche sur les sciences de la cognition (ARCo).

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- Anne Merker, Une morale pour les mortels, L'Âne d'or, Paris, Les Belles Lettres,

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27