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Guillaume Corbeil L’art de la fugue L’art de la fugue Nouvelles Extrait de la publication

Art de la fugue (L')… · 10 L’art de la fugue debout et ne serai rien d’autre que moi, oui, voilà, c’est ça. Je serai moi-même. Je serai vrai. À peine ai-je commencé

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J’aurais voulu partir et être le spectateur de mon propre départ, pour me regarder disparaître à l’horizon, debout sur le quai de la gare et en même temps assis dans le train, pour me voir rapetisser à mesure que le train s’éloignerait, jusqu’à me perdre de vue et disparaître, trop loin.

L’art de la fugue tient notamment de la répétition : les auditeurs prennent plaisir à la réapparition du sujet originel, la relance des voix, les modifi cations de texture qu’elles permettent, ainsi qu’aux subtiles inversions du contre-sujet. Chez Guillaume Corbeil, la fuite se confond volontiers à la poursuite : il n’est pas toujours possible de distinguer ce qui est devant de ce qui est derrière. Cherchant à se semer eux-mêmes, les personnages n’arrivent parfois qu’à revenir sur leurs pas et à se glisser dans des phrases familières. Les lecteurs prendront plaisir à la réapparition des motifs, aux échos diffractés, au jeu du mensonge et de la vérité qu’ils permettent. L’art de la fugue tient en haleine.

ILLUSTRATION DE LA COUVERTURE : MATHILDE CORBEIL

Guillaume Corbeil

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L’ART DE LA FUGUE

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GUILLAUME CORBEIL

L’art de la fugue

nouvelles

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Conception de la couverture : Guillaume Corbeil et Louis-Pierre Chouinard

Illustration de la couverture : Mathilde Corbeil

Photocomposition : CompoMagny enr.

Distribution pour le Québec : Diffusion Dimedia539, boulevard LebeauMontréal (Québec) H4N 1S2

Distribution pour la France : Distribution du Nouveau Monde

© Les éditions de L’instant même 2008

L’instant même865, avenue MonctonQuébec (Québec) G1S [email protected]

Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2008

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Corbeil, Guillaume

L’art de la fugue

ISBN 978-2-89502-253-4

I. Titre.

PS8605.O714A78 2008 C843’.6 C2008-940499-8PS9605.O714A78 2008

L’instant même remercie le Conseil des Arts du Canada, le gouvernement du Canada (Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition), le gouvernement du Québec (Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC), et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec.

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pour mon père et ma mère,grâce à qui je peux écrire et être irresponsable

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prologue

Aria

Je viens tout juste de cesser d’écrire. Pendant des années je me suis réfugié dans toutes ces fictions que j’écrivais, comme derrière des murs que j’aurais érigés autour de moi

pour me cacher. Mais aujourd’hui tout s’est effondré, et me voilà sans masque ni costume ni rien. Je me suis empressé d’essayer de les remettre en place : je me suis glissé sous eux et, pour ne pas me rompre le dos, j’ai déplié les genoux lentement. Rien à faire, ils pesaient trop lourd pour une seule personne. Et ils sont retombés. Ma dernière chance était sans doute de me laisser tomber moi aussi et de faire le mort, pour qu’en me regardant comme ça, étendu sur le sol, les bras de chaque côté du corps, on me prenne pour l’un d’eux. C’était ma fiction le squelette de ma personne. Elle, la charpente qui parvenait à me faire tenir debout. Il est donc normal qu’aujourd’hui je périsse avec elle. Ou plutôt comme elle. Que je périsse parce qu’elle a péri. Normalement je serais déjà en train de mettre en scène un autre personnage, de transformer ma voix pour le faire parler, mais maintenant que tu es partie, je refuse de faire diversion et d’encore une fois me défiler. Je me tiendrai

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L’art de la fugue

debout et ne serai rien d’autre que moi, oui, voilà, c’est ça. Je serai moi-même. Je serai vrai. À peine ai-je commencé à me relever et à chercher à être là comme je serais là, avec la plus grande authenticité possible, que déjà je me trouve grotesque. Ce visage neutre que j’essaie de prendre, n’est-ce pas une autre grimace ? Et ce geste, là, alors que je baisse la tête et ferme les yeux, comme si je me refermais pour ne pas pleurer, est-ce vraiment le mien ? Ou n’est-ce pas plutôt celui de quelqu’un d’autre, que j’emprunte à défaut d’en avoir qui ne serait propre qu’à ma seule personne ? Et cette façon que j’ai de porter mes mains devant mon visage maintenant, pour me cacher, ce n’est pas quelque chose que moi je ferais, non. Je suis en train de jouer, d’imiter quelqu’un qui ferait quelque chose comme ça. J’ai envie de crier ton nom, mais pour qui est-ce que je le ferais ? Il n’y a plus personne pour m’entendre. Plus personne pour être l’auditeur de mes hurlements, plus personne pour être le spectateur de mes gestes. Je voudrais rester couché sur le dos, les bras croisés sur la poitrine, et imiter un cadavre dans son cercueil pendant des jours, des semaines, des mois. Et attendre comme ça de mourir pour vrai.

Longtemps j’ai cru que c’était le monde que je cherchais à fuir chaque fois que je faisais ma valise. Je n’endurais pas les gens autour de moi, tout m’écœurait, et avec impatience je comptais les jours et les heures qui me séparaient de mon prochain départ. Bien vite j’ai compris que peu importe où je me trouvais, je finissais par être pris du même malaise. Je refaisais ma valise, et encore une fois pour aller n’importe où, par là que je disais, et mon index pointait dans n’importe quelle direction, simplement de l’autre côté d’où je venais. Je courais à la gare, sautais dans le premier train qui m’y mènerait, et dès que le train se mettait en marche, dans ma cabine je

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prologue

regardais par la fenêtre le paysage rapetisser derrière à mesure qu’il s’éloignait, pour finalement disparaître au loin. Je me laissais tomber dans le fond de mon fauteuil et, quand l’hôtesse venait me demander si je voulais boire quelque chose, un jus d’orange peut-être, je souriais. Ça y était, j’étais enfin parti. Je regardais en bas du wagon le sol défiler à toute vitesse, et je pouvais comme ça savourer la distance qui se creusait entre moi et l’endroit que je venais de quitter. Je sortais de mon sac quelques dépliants à propos de ma prochaine destination et les lisais, enthousiaste et curieux. En regardant les photographies des sites à ne pas manquer, il me semblait que c’était la terre promise. Oui, la vie était meilleure là-bas, c’était certain. Chaque fois que le train s’arrêtait en gare, je dévisageais les passagers qui montaient à bord, eux que je jugeais coupables de retarder un peu plus le moment où je descendrais enfin dans mon pays de rêve. Mais si l’un d’eux percevait quelque signe du mépris que je lui adressais, je voulais aller m’asseoir à ses côtés pour lui murmurer à l’oreille que j’étais désolé. Je ne lui en voulais pas, au fond. Même qu’en vérité, je lui étais reconnaissant. Je savais déjà qu’à peine débarqué du train, je serais repris par le même désir de partir. Devant toutes ces choses auxquelles j’avais rêvé en lisant les dépliants, je me serais déjà mis à penser à ma prochaine destination, celle que pointerait maintenant mon doigt alors que je dirais par là. Cet endroit que j’avais toujours rêvé d’atteindre, il n’existait que le temps où je n’y étais pas encore rendu. Il n’y avait que pendant cet instant où je n’étais encore nulle part, simplement devant le lieu que je venais de quitter et derrière celui que j’espérais, que je profitais d’un répit, parce que la véritable chose de laquelle on cherche à s’éloigner dans la fugue, ce ne sera jamais rien d’autre que soi-même. Ce n’était pas la présence des autres qui m’était intolérable, mais la mienne. Au début j’avais pensé

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L’art de la fugue

qu’en voyage, je devenais pratiquement quelqu’un d’autre : je parlais une autre langue, développais d’autres habitudes, dans un paysage complètement différent de celui de mon quartier. Mais chaque fois que je tournais la tête pour voir si enfin je m’étais semé, derrière j’apercevais toujours la pointe de mon épaule, me rappelant que cet imbécile m’avait suivi. Il était encore là, à s’asseoir dans les mêmes fauteuils que moi, à suivre les mêmes itinéraires que moi, à visiter les mêmes musées que moi. Oui, la seule ville dans laquelle j’aurais pu trouver un véritable repos, c’en était une où je n’aurais été nulle part pour me croiser par hasard, dans une vitre, le rétroviseur d’un taxi ou au-dessus du lavabo, le matin en me brossant les dents. J’aurais voulu partir et être le spectateur de mon propre départ, pour me regarder disparaître à l’horizon, debout sur le quai de la gare et en même temps assis dans le train, pour me voir rapetisser à mesure que le train s’éloignerait, jusqu’à me perdre de vue et disparaître, trop loin. J’imagine que c’est là que m’est venu le besoin d’écrire : pour créer des lieux qui me seraient pour toujours étrangers. Pour faire exister des endroits où je ne serais pas, et des personnes qui ne seraient pas moi. Pour décrire des gestes autres que les miens, et réfléchir à propos de choses qui ne me sont jamais passées par la tête. Si j’écris, c’est pour devenir quelqu’un d’autre que moi, pour me nier en consacrant ma tête à autre chose que mes tracas et mes pensées à moi. Au fond, tout ça est anti-biographique. Les mots de tous les personnages que j’ai créés sont avant tout la possibilité d’un silence pour ma personne, et leurs gestes, d’une immobilité. Les fictions que j’ai créées ne sont rien d’autre, finalement, que quelques lieux qui m’ont servi d’asile le temps de les écrire. C’est un suicide sans mourir. Une fugue. Mais maintenant que je n’écris plus, maintenant que je n’ai plus le moindre mensonge dans lequel me réfugier, ne me reste plus qu’à sortir dehors, courir jusqu’à

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toi pour te rattraper, te retourner et t’embrasser, te prendre dans mes bras et te ramener comme ça jusqu’ici, dans les ruines de ce qui a un jour été notre pays à nous deux, notre petit empire comme je l’appelais. Mais je sais, au fond, que je ne ferai rien de tout ça. Je vais rester ici, à ne pas bouger, assis devant cette page sur laquelle je suis toujours en train de ne pas écrire, les yeux toujours fixés sur la fenêtre à travers laquelle il n’y a plus rien à voir, sinon la noirceur de la nuit, comme une photographie de ton absence que j’aurais accrochée au mur pour me rappeler que tu n’es plus là.

Je voudrais écrire une histoire dans laquelle tu ne serais pas partie, et passer tout mon temps à y ajouter des chapitres et à les retravailler encore et encore. J’y consacrerais tous mes jours et toutes mes nuits. J’abandonnerais tout le reste. Je décrirais des rêves quand je serais fatigué, de grands festins quand j’aurais faim, et le soir je raconterais un grand bal, dans lequel toi et moi danserions sous des lustres magnifiques. Pour te faire plaisir, je pourrais prendre des pages juste pour la description de ta robe. Ce serait une histoire qui ne finirait jamais. La fin s’ouvrirait sur le début, et les pages ne seraient pas numérotées. Le livre aurait la forme d’un cercle, et il n’y aurait aucune couverture, si bien qu’il y aurait toujours une page à tourner après celle qu’on est en train de lire. Je passerais mes jours et mes nuits à te raconter, mon amour, toi et ton sens du drame, ta façon de jouer, comme au théâtre, tout ce que tu es en train de vivre. Pour toi, le monde était une scène, et tu disais toujours les choses comme il fallait les dire, avec les bonnes intonations, en exprimant les bonnes émotions. Notre vie, tu la jouais, chaque chose qui nous arrivait comme l’acte d’une pièce, et je m’en doutais, un jour le rideau allait devoir tomber, et toi tu allais disparaître dans les coulisses, retirer ton maquillage et comme ça, lentement cesser d’être ce personnage qui me disait je t’aime et qui me

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L’art de la fugue

promettait les plus belles choses qu’on puisse promettre. Tes mensonges créaient la vérité plutôt que d’essayer de la cacher. Oui, tu utilisais le faux non pas pour fuir le vrai, mais pour mettre la vie à la hauteur de la fiction. Tu avais besoin de dire atchoum ! avant d’éternuer, et cela m’émouvait chaque fois, tu te souviens ? Tu savais pleurer quand il fallait pleurer, hurler quand il fallait hurler, et lorsque tu te fâchais tu lançais des assiettes comme on lance des assiettes quand on se fâche. Et tu le faisais tellement bien que je ne pouvais faire autrement que de rester là, immobile, à te regarder faire, espérant me mettre enfin à pleurer. Je voulais tellement pouvoir te suivre et vivre ces grandes émotions avec toi. Tu me dévisageais, fâchée que ta réplique t’ait ainsi abandonnée.

Maintenant je me lève et vais éteindre la lumière, pour cesser de voir tout autour de moi chaque endroit où tu n’es pas. Couchée sur le lit. Assise dans le fauteuil que tu avais trouvé dans un bazar et que tu aimais tant malgré une tache de café sur un coussin. Dans le corridor en train de courir, toute mouillée en sortant de la douche, une serviette autour de la tête. Il fait complètement noir, et en regardant là où se trouve la page sur laquelle je n’écris toujours pas, on pourrait croire que je l’ai recouverte d’encre. Que j’ai écrit tous les mots du dictionnaire et composé toutes les phrases possibles. Ce texte que je n’arrivais pas à écrire, dans l’obscurité il est devenu tous les textes imaginables.

J’adore me retrouver comme ça dans le noir. Il me suffit de penser à une chose pour qu’elle apparaisse, à toi pour que maintenant tu sois là. J’arrive même à t’entendre respirer, et je te parlerais si, tout au fond de moi, j’arrivais à oublier que ce n’est pas vrai et que je n’étais pas là à m’entendre parler tout seul comme un fou. La noirceur permet la même chose que la

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prologue

page blanche : on peut y créer tout ce qu’on veut. Ce sont des espaces vides, dans lesquels on peut ajouter ce qui est absent et oublier ce qui est présent, pour transformer la vie telle qu’onla connaît et nous la rendre tolérable. Ce sont des lieux de fugue, où nous pouvons quitter ce monde qu’on subit jour après jour sans que nous l’ayons jamais choisi pour en habiter un autre, qu’on aura créé à notre mesure. Mais aussi à notre image. Je m’en rends bien compte maintenant, tous ces mensonges avec lesquels j’ai cru me défiler constituent au fond les choses lesplus vraies que j’ai jamais dites. J’aurais beau prétendre le contraire, ils viennent de moi et sont l’expression de ma personne. La vérité est invisible, et il n’y a qu’en la recouvrant d’un voile de mensonge que nous pouvons en distinguer les formes. On ne peut la voir que si on la cache. L’entendre que si on la tait. Nous ne sommes rien, sinon l’ombre de nos mensonges, et il serait naïf de croire que nous pouvons arriver à nous dire dans une phrase ou dans un texte qui révélerait qui nous sommes. Ce qu’on dit être soi ne sera jamais plus qu’un mensonge qu’on a fabriqué comme tous les autres. Personnene sera jamais rien de plus qu’un canular sur deux pattes. Ceux et celles qui disent, comme si c’était un grand conseil, de rester soi-même, de ne jamais cesser d’être celui qu’on est et de nepas changer ne réalisent pas qu’au fond, ils nous invitent à ne plus bouger et à nous taire. À nous coucher sur le dos et à attendre comme ça la mort. Notre personne est une fabrication de toutes pièces. On lui a inventé une histoire, des passions et des phobies, mais tout pourrait aussi bien être différent, et nous, quelqu’un d’autre. Je veux me faire croisé du mensonge, et en prenant les armes s’il le faut, défendre le faux et l’illusion contre tous ces charlatans de la vérité et de l’autobiographique. Je vais rallumer la lumière et me remettre à écrire tout plein d’histoires à dormir debout, des histoires qui n’ont absolument

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Extrait de la publication

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L’art de la fugue

rien à voir avec moi, car il n’y a que là où l’on n’est pas qu’on peut espérer se trouver. Et que dans la fugue qu’on peut se sentir à la maison.

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Les deux valises de l’homme aux deux valises

Variation I

Seul au milieu de nulle part, un homme a beau plisser les yeux pour essayer de distinguer la forme ou les couleurs de quelque chose qui se trouverait devant lui, le bout de

son nez au moins, il pleut tellement sur ses lentilles qu’il ne peut voir par-delà le grain du verre. Par habitude sans doute, derrière ses épaisses lunettes, il les garde bien ouverts, ses yeux, et les fait cligner à l’occasion. Il pourrait croire qu’il est subitement devenu aveugle s’il ne voyait pas les montures de ses lunettes encadrer ce paysage invisible, comme les contours d’un écran où jouerait un film qu’on aurait tourné sans pellicule dans les caméras.

Il sent maintenant la pluie rouler sur la courbe de son nez, tomber sur le haut de ses lèvres, les contourner pour atteindre son menton, son cou, sa nuque. Elle sautille sous le col de son imperméable, descend son ventre à toute vitesse, se faufile sous la boucle de sa ceinture et va comme ça se perdre dans l’étoffe de son pantalon. En penchant la tête pour se regarder lui-même, l’homme qui est là apparaît comme effacé à ses propres yeux. Malgré tout, il demeure certain qu’il existe. Il peut sentir la

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L’art de la fugue

pluie glisser sur les contours de son corps, et en pensant à l’eau qui coule sur l’intérieur de son bras, sur son poignet, sur ses jointures, il a l’impression qu’elle le dessine, là, sur lanuit noire comme sur un tableau d’ardoise. L’eau de la pluie suit ensuite les formes de ses doigts, roule jusqu’au bout de ses ongles, puis dans ses poches, là où il garde ses billets de train. Il y plonge la main, se rend bien compte qu’ils sont toutpâteux, ses billets, comme les bouts de papier hygiénique qu’il faisait coller au plafond de la salle de bains quand il avait neuf ans. Tant pis, qu’il se dit, il faut que je le prenne, ce train. Je n’aurai qu’à leur donner mon billet dans un pot. Où va-t-il au juste ? Il ne s’en souvient plus, qu’il se rappelle. Il faut qu’il le prenne, c’est tout. Pour s’en aller. Être ailleurs. Dans chaque gare où il débarquera, tout de suite il embarquera dans unautre train, puis il en prendra un autre, puis un autre, et encore un autre. Il accumulera les escales, multipliera les poinçonssur son billet, les tampons dans son passeport, encore et ainsi de suite, sans jamais arriver à destination. On est si confortable dans les larges fauteuils, classe affaires, le petit chariot qui entre dans la cabine, la jolie hôtesse qui vous demande si vous nedésirez pas quelque chose à boire, monsieur, un jus d’orange peut-être ? Nulle part ailleurs on ne se sent chez soi comme dans la cabine d’un train, classe affaires, entre deux gares. Oui, il faut qu’il le prenne, ce train. C’est même tout ce qui compte : se rendre à la gare, faire déchirer ce qu’il reste de solide sur son premier billet, trouver le bon quai, faire attention à la marche, se faire souhaiter bon voyage par qui le voudra bien, puis le prendre. Embarquer, s’asseoir et demander un jus d’orange s’il vous plaît.

Sans toute cette pluie, à ses pieds on pourrait voir deux valises. L’une pleine, l’autre vide. Vide de tout à l’exception d’une brosse à dents. C’est qu’elle ne rentrait pas dans l’autre

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Les deux valises de l’homme aux deux valises

valise, même si l’emballage la présentait comme de voyage et que la valise était une valise du voyageur. Chez lui, juste avant de partir, il avait pourtant tout essayé. Ses bagages, il les avait réorganisés de toutes les façons possibles. Ceci, là. Cela, ici. Il n’y avait rien eu à faire. Elle ne pouvait tout simplement pas y tenir. C’était étrange, mais surtout incroyable, avait lancé son oncle au téléphone quand il le lui avait raconté.

C’est sa mère qui lui avait suggéré de faire appel aux conseils toujours judicieux de son frère. Dans la famille, on disait qu’il avait réponse à tout. Quand, donc, il lui avait téléphoné pour lui demander son aide, l’oncle lui avait dit de ne surtout pas s’inquiéter, il arrivait tout de suite. Il avait pris le premier train pour la Métropole, était embarqué dans le premier taxi qu’il avait aperçu, s’était agrippé au siège du conducteur pouréviter d’aller s’écraser contre la vitre arrière à la suite d’une puissante accélération, avait demandé de tourner, troisièmes feux, à droite, juste ici, voilà, il reconnaissait la maison, s’était agrippé au siège du conducteur pour éviter d’aller s’écraser contre le pare-brise à la suite d’un freinage brusque, avait remercié d’un généreux pourboire, avait monté l’escalier, avait claqué la porte derrière lui, avait lancé son chapeau melon sur la patère, avait manqué son coup, avait dit merde, au Collège, je le réussissais toujours, ce truc du chapeau melon lancé sur la patère, et juste comme ça, avait soudainement réalisé que les années avaient passé.

Il tenta d’aménager la valise de son neveu jusqu’aux petites heures du matin. Il fit même appel à ses copains du temps où il était au Collège. Du temps où il le réussissait toujours, ce truc du chapeau melon lancé sur la patère. Maintenant, ses amis travaillaient tous pour le Gouvernement ou pour l’Armée. De la petite bière, pour eux, une brosse à dents dans une valise, s’était-il dit. Mais le lendemain à la télévision, on apprenait que trois

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L’art de la fugue

généraux prenaient leur retraite parce que, disaient-ils, chaque jour on se réveille un peu plus vieux que la veille, et comme ça, soudainement, des p’tits trucs que l’on réussissait chaque jour, comme de lancer son chapeau melon sur une patère, on ne les réussit plus. À la radio, on annonçait que trois ministres avaient abandonné leur siège pour les mêmes raisons : les p’tits trucs qu’on réussissait chaque jour, le chapeau melon, la patère, bla-bla-bla. Dans son salon, le neveu de l’oncle trouva l’ami des généraux tout cerné, lançant et lançant son chapeau melon sur la patère et un chapeau melon, volant et volant, et tombant et tombant chaque fois sur le plancher. La brosse à dents était pendue comme un traître au bout d’un fil de pêche.

– Il faudra que tu l’acceptes. Cette valise, elle est trop petite. Mais d’une seule brosse à dents. Mon briquet peut y tenir, regarde. Mais cette brosse à dents, rien à faire. Écris à la compagnie. Ils t’en donneront une autre, de valise. Gratuitement. Tu verras. Ils n’ont sûrement pas le choix.

Après tout, il l’aimait bien, cette valise. Pourquoi ne pas en avoir une deuxième ? Il n’aurait qu’à apporter autre chose. Non, il n’avait pas autre chose. Pas même de porte-bonheur, de couteau à disséquer les grenouilles ou d’édition spéciale de Sergent Pepper’s Lonely Heart Club Band. Ton chandail de Saku Koivu ? lui avait proposé sa mère. Non, il était déjà plié, rangé dans l’autre valise. Tant pis. Elle allait rester vide, cette deuxième valise. Pleine de rien à l’exception d’une brosse à dents, seule comme lui est maintenant seul, ici, au beau milieu de toute cette pluie qui semble vouloir l’effacer du monde. En se regardant dans le miroir, juste avant de traverser la porte de la maison, il avait trouvé que cela était beaucoup plus symétrique, de transporter deux valises, comme ça, une dans chaque main. Il avait horreur de tout ce qui n’était pas symétrique.

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épilogue

d’écriture relèvera toujours de la fugue, parce qu’à l’intérieur de chaque page qu’on aura écrite se seront superposés au fil du temps des centaines d’états qu’on aura traversés, ici la trace d’une peine d’amour et là, celle d’une grande joie. Là, d’une nuit dans une chambre et ici, d’un matin dans un café. Et c’est la juxtaposition de toutes ces versions souvent contradictoires de qui on a été durant la création du texte qui lui donne richesse et vie, parce que la vie, ce n’est pas une musique où chaque note est jouée pour former des accords, qui s’enchaîneraient et se suivraient les uns les autres, mais une chorale sans personne à l’avant pour battre la mesure et où chaque chanteur serait sourd et suivrait une partition différente. L’art de la fugue consiste à savoir écouter tous les thèmes qui sont joués en même temps, à comprendre comment ils se conjuguent et, comme ça, à entendre les mélodies qui émanent du désordre des voix. J’imagine que c’est là la seule lutte que nous puissions mener contre l’absurde, et c’est pourquoi seuls ceux qui maîtrisent l’art de la fugue sau-ront survivre au chaos et ne sombreront pas dans la folie.

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prologue 9

Les deux valises de l’homme aux deux valises 17

L’œil droit du cyclope 27

Elles détestaient Madrid 39

L’île qu’on appelait L’Île 63

Annexe à la Genèse 75

Le relais 89

épilogue 137

art de la fugue-Final.indd 141art de la fugue-Final.indd 141 2009-09-16 08:12:132009-09-16 08:12:13

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Recueils de nouvelles parus chez le même éditeur :

Parcours improbables de Bertrand BergeronNi le lieu ni l’heure de Gilles PellerinMourir comme un chat de Claude-Emmanuelle YanceL’Atelier imaginaire. Nouvelles de la francophonie

(en coédition avec l’Âge d’Homme)L’araignée du silence de Louis JolicœurMaisons pour touristes de Bertrand BergeronL’air libre de Jean-Paul BeaumierLa chambre à mourir de Maurice HenrieCe que disait Alice de Normand de BellefeuilleLa mort exquise de Claude MathieuCircuit fermé de Michel DufourEn une ville ouverte, collectif franco-québécois

(en coédition avec l’Atelier du Gué et l’OFQJ)Silences de Jean Pierre GirardLes virages d’Émir de Louis JolicœurMémoires du demi-jour de Roland BourneufTransits de Bertrand BergeronPrincipe d’extorsion de Gilles PellerinPetites lâchetés de Jean-Paul BeaumierAutour des gares de Hugues CorriveauLa lune chauve de Jean-Pierre Cannet (en coédition avec l’Aube)Passé la frontière de Michel DufourLe lever du corps de Jean PelchatEspaces à occuper de Jean Pierre GirardBris de guerre de Jean-Pierre Cannet et Benoist Demoriane

(en coédition avec Dumerchez)Je reviens avec la nuit de Gilles Pellerin

art de la fugue-Final.indd 143art de la fugue-Final.indd 143 2009-09-16 08:12:132009-09-16 08:12:13

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Nécessaires de Sylvaine TremblayTu attends la neige, Léonard ? de Pierre YergeauLa machine à broyer les petites filles de Tonino Benacquista

(en coédition avec Rivages)Détails de Claudine PotvinLa déconvenue de Louise CotnoirVisa pour le réel de Bertrand BergeronMeurtres à Québec, collectifLégendes en attente de Vincent EngelNouvelles mexicaines d’aujourd’hui, traduites de l’espagnol et présentées

par Louis JolicœurL’année nouvelle, collectif (en coédition avec Canevas,

Les Éperonniers et Phi)Léchées, timbrées de Jean Pierre GirardLa vie passe comme une étoile filante : faites un vœu

de Diane-Monique DaviauL’œil de verre de Sylvie MassicotteChronique des veilleurs de Roland BourneufGueules d’orage de Jean-Pierre Cannet et Ralph Louzon

(en coédition avec Marval)Courants dangereux de Hugues CorriveauLe récit de voyage en Nouvelle-France de l’abbé peintre Hugues Pommier

de Douglas Glover (traduit de l’anglais par Daniel Poliquin)L’attrait de Pierre OuelletCet héritage au goût de sel de Alistair MacLeod (traduit de l’anglais

par Florence Bernard)L’alcool froid de Danielle DussaultCe qu’il faut de vérité de Guy CloutierSaisir l’absence de Louis JolicœurRécits de Médilhault de Anne LegaultАэлита/Aélita de Olga Boutenko (édition bilingue russe-français)La vie malgré tout de Vincent EngelThéâtre de revenants de Steven Heighton (traduit de l’anglais

par Christine Klein-Lataud)N’arrêtez pas la musique ! de Michel DufourEt autres histoires d’amour... de Suzanne Lantagne

art de la fugue-Final.indd 144art de la fugue-Final.indd 144 2009-09-16 08:12:132009-09-16 08:12:13

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Les hirondelles font le printemps de Alistair MacLeod (traduit de l’anglais par Florence Bernard)

Helden/Héros de Wilhelm Schwarz (édition bilingue allemand-français)Voyages et autres déplacements de Sylvie MassicotteFemmes d’influence de Bonnie BurnardInsulaires de Christiane LahaieOn ne sait jamais de Isabel Huggan (traduit de l’anglais

par Christine Klein-Lataud)Attention, tu dors debout de Hugues CorriveauÇa n’a jamais été toi de Danielle DussaultVerre de tempête de Jane Urquhart (traduit de l’anglais

par Nicole Côté)Solistes de Hans-Jürgen GreifHaïr ? de Jean Pierre GirardTrotski de Matt Cohen (traduit de l’anglais par Daniel Poliquin)L’assassiné de l’intérieur de Jean-Jacques PelletierRegards et dérives de Réal OuelletPost-scriptum de Vassili ChoukchineTraversées, collectif belgo-québécois (en coédition

avec les Éperonniers)Revers de Marie-Pascale HugloLa rose de l’Érèbe de Steven Heighton (traduit de l’anglais

par Christine Klein-Lataud)Déclarations, collectif belgo-québécois (en coédition

avec les Éperonniers)Dis-moi quelque chose de Jean-Paul BeaumierCirconstances particulières, collectifLa guerre est quotidienne de Vincent Engel

(en coédition avec Quorum)Toute la vie de Claire MartinLe ramasseur de souffle de Hugues CorriveauMon père, la nuit de Lori Saint-MartinTout à l’ego de Tonino BenacquistaDu virtuel à la romance de Pierre YergeauLes chemins contraires de Michel DufourLa mort en friche de Éric Fourlanty

art de la fugue-Final.indd 145art de la fugue-Final.indd 145 2009-09-16 08:12:132009-09-16 08:12:13

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Cette allée inconnue de Marc RochetteTôt ou tard, collectif belgo-québécois (en coédition

avec les Éperonniers)Le traversier de Roland BourneufLe cri des coquillages de Sylvie MassicotteL’encyclopédie du petit cercle de Nicolas DicknerMétamorphoses, collectif belgo-québécois (en coédition

avec les Éperonniers)Les travaux de Philocrate Bé, découvreur de mots,

suivis d’une biographie d’icelui, collectifDes causes perdues de Guy CloutierLa marche de Suzanne LantagneNi sols ni ciels de Pascale QuivigerBye-bye, bébé de Elyse Gasco (traduit de l’anglais par Ivan Steenhout)Le pharmacien de Sylvie TrottierDangers, collectif belgo-québécois (en coédition avec Images d’Yvoires)Nouvelles mémoires de Marie Claude MalenfantVers le rivage de Mavis Gallant (traduit de l’anglais par Nicole Côté)Peaux de Marie-Pascale HugloPornographies de Claudine PotvinClair-obscur, collectif belgo-québécois (en coédition

avec Images d’Yvoires)Arrêts sur image de Lise GauvinMémoire vive de Maurice HenrieLe dragon borgne de Gérard CossetteCarnet américain de Louise CotnoirLa route innombrable de Roland BourneufTrois filles du même nom de Suzanne LantagneLes noces de vair de Jean-François BoisvertÏ (i tréma) de Gilles PellerinLa Mort ne tue personne de France DucasseL’atelier des apparences, collectifOn ne regarde pas les gens comme ça de Sylvie MassicotteLes cinq saisons du moine de David Dorais5-FU de Pierre GagnonFemme-boa de Camille Deslauriers

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Par ailleurs de Réal OuelletIntra-muros de Nicole RichardLes cigales en hiver de Hélène RobitailleTrompeuses comme toujours de Jean-Paul BeaumierLes enfants de Manhattan de Marie-Jeanne MéouleSottises que tout cela de Anne Perry-BouquetL’amour est un carburant propre de Virginie Jouannet RousselLe feu purificateur de Claire MartinL’art de la fugue de Guillaume CorbeilJe jette mes ongles par la fenêtre de Natalie JeanDessins à la plume, suivi de Histoires entre quatre murs

de Diane-Monique DaviauIci et là de Stéphanie KaufmannPartir de là de Sylvie MassicotteLe cahier des villes de Louise Cotnoir

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ACHEVÉ D’IMPRIMEREN SEPTEMBRE 2009

SUR LES PRESSES DE MARQUIS IMPRIMEUR INC.SUR PAPIER SILVA ENVIRO

100 % POSTCONSOMMATION

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J’aurais voulu partir et être le spectateur de mon propre départ, pour me regarder disparaître à l’horizon, debout sur le quai de la gare et en même temps assis dans le train, pour me voir rapetisser à mesure que le train s’éloignerait, jusqu’à me perdre de vue et disparaître, trop loin.

L’art de la fugue tient notamment de la répétition : les auditeurs prennent plaisir à la réapparition du sujet originel, la relance des voix, les modifi cations de texture qu’elles permettent, ainsi qu’aux subtiles inversions du contre-sujet. Chez Guillaume Corbeil, la fuite se confond volontiers à la poursuite : il n’est pas toujours possible de distinguer ce qui est devant de ce qui est derrière. Cherchant à se semer eux-mêmes, les personnages n’arrivent parfois qu’à revenir sur leurs pas et à se glisser dans des phrases familières. Les lecteurs prendront plaisir à la réapparition des motifs, aux échos diffractés, au jeu du mensonge et de la vérité qu’ils permettent. L’art de la fugue tient en haleine.

ILLUSTRATION DE LA COUVERTURE : MATHILDE CORBEIL

Guillaume Corbeil

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