76
art industrie Kelly Fene DNSEP Art 2014 esam-c2

art industrie

  • Upload
    doanh

  • View
    225

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: art industrie

art industrieKelly FeneDNSEP Art 2014esam-c2

Page 2: art industrie

2

Page 3: art industrie
Page 4: art industrie
Page 5: art industrie

5

La rencontre de l’art et de l’industrie représente un événement fondamental au XIX e siècle, la perception du monde, du travail, et de l’objet change. Le paysage se transforme avec l’essor manufacturier. L’usine est un nouveau lieu de travail ou l’ouvrier non qualifié exécute une tâche répétitive. C’est le moment ou l’on s’interroge sur le remplacement des gestes manuels par les machines que sollicite le nouveau mode de production. Effectivement, la révolution industrielle provoque le déclin des traditions artisanales et le travail en atelier pour laisser place à la machine et à l’usine.La mécanisation et la fabrication en grande série paraissent antinomiques avec le geste de l’artiste. On ne considère pas l’objet d’art comme le résultat d’une exigence technique provenant de la production en série. Cependant, les étymologies des termes artisan, ouvrier, artiste témoignent d’une histoire complexe faîte de croisements incessants. L’artisan définit l’homme qui exerce un métier considéré comme un art mécanique. Ainsi, l’artisan est un ouvrier mais l’ouvrier n’est pas un artisan. La distinction se fait autour de la question du savoir-faire, dans la façon de fabriquer : la machine est l’outil de l’ouvrier alors que l’artisan utilise essentiellement ses mains. L’ouvrier est tourné vers la production en série de biens et impose une certaine division du travail, contrairement à l’artisanat ou la même personne assure théoriquement l’ensemble des processus d’étude, de fabrication et de commercialisation. On retrouve la même étymologie dans artisan-artiste, longtemps synonyme jusqu’à ce que l’on remarque une distinction : le terme « artiste » s’applique à ceux qui créent une œuvre d’art pour le plaisir et l’artisan reste exclusivement lié à l’esprit commercial. Mais actuellement, ne pouvons-nous pas dire que l’artiste est parfois contraint par un thème de commande? A des fins commerciales, il se fait connaître et reconnaître. Il peut même créer une œuvre s’éloignant de sa démarche artistique habituelle pour vendre mais ce n’est pas là, une généralité.

Page 6: art industrie

6

Les réactions immédiates des artistes face à cette société qui devient de plus en plus industrielle sont plutôt hostiles. Prenons par exemple, le mouvement Arts and Crafts, né en Angleterre en 1860. C’est le premier Etat capitaliste, qui fait l’expérience d’une révolution industrielle sans précédant. Arts and Crafts, a pour chef de file William Morris et John Ruskin qui montrent leurs inquiétudes par rapport à l’avenir des artistes-artisans face au progrès. Il s’agit de réhabiliter le travail fait main, mais aussi de sauvegarder et de réapprendre les techniques traditionnelles de travail. C’est en 1875 que William Morris, crée sa propre firme où il dessine lui même des objets, des meubles qui sont ensuite réalisés à la main par des artisans pour tourner le dos à la fabrication industrielle. La volonté de ce mouvement est de dénoncer le travail de l’ouvrier, aliénant sa propre liberté créatrice en lui imposant comme objectif de générer des bénéfices et non pas de répondre à un désir de beauté. L’artiste et l’artisan sont prévenus du danger que répand l’industrialisation, la solution en 1860 est assez explicite : le monde industriel doit se dissocier de l’art. Aujourd’hui, cette opposition nous parait obsolète. Un autre exemple peut être évoqué, celui du design qui est indissociable de l’histoire de la révolution industrielle. Alors que le design de William Morris privilégie un savoir-faire artisanal, les industriels voient dans la production mécanique un nouveau départ pour les futurs objets de notre quotidien. En effet, la fabrication des biens de consommation a été contrainte de joindre le beau à l’utile et pour séduire une clientèle exigeante, l’industrie n’a pu éviter d’avoir recours à des artistes. Le Bauhaus revendique l’association de la méthode artisanale à celle de l’industrie pour parvenir à une création artistique idéale, tournée vers l’utilitaire. Cette école allemande apporte un enseignement de 1919 à 1933 du design, des arts plastiques et de l’architecture qui redonnent à l’art une place dans le quotidien. En effet, les formes artistiques comme le design d’objets (meubles, jouets…) sont pensés de manière à pouvoir être reproduites industriellement. Pour ce faire, les artistes du Bauhaus utilisent la technique du prototype que l’on appelle aussi modèle réel de l’objet, directement emprunté au milieu industriel pour entreprendre une fabrication en série. Par ailleurs, des nouveaux matériaux comme l’acier tubulaire par exemple sont employés pour créer des objets de la vie courante accessibles à toute personne. On peut penser au collectif suédois Front Design crée en 2003 qui représente un autre exemple de la création d’objet du quotidien soumis à une démarche artistique très personnelle. Les productions de ce collectif de quatre femmes questionnent sans cesse le rôle du concepteur dans les pièces qu’elles imaginent. Lorsqu’en 2004, elles conçoivent le design intérieur de la galerie d’art Kunsthall Tensta à Stockholm, elles laissent place à l’intervention des visiteurs dans leur propre création : l’usure du plancher liée au flot continu du public est visiblement accentuée pour dévoiler un passage, les traces d’un lieu habité. Aussi, le mobilier (chaises, tables, crochets pour manteaux…) ne sont pas fixés pour permettre aux visiteurs de jouer avec la composition de la galerie comme avec celle d’un tableau. Tove Adman, d’abord sculptrice et artiste suédoise, se tourne vers le design dans les années 90. Son travail mène à la recherche entre l’objet utile et le jeu du détournement. L’artiste fige le plus souvent des objets du quotidien avec son matériau de prédilection qui n’est autre que le béton.Ainsi, les objets deviennent pure décoration tout en restant chargés de sens : la fixation des objets dans le béton questionne la mémoire, la trace car il n’y a plus de possibilité d’usure, de rejet.

Page 7: art industrie

7

On peut remarquer dans l’histoire de l’art, que le matériel artistique peut servir au monde ouvrier, surtout lorsque l’on pense aux films du groupe Medvedkine. Effectivement, ces cinéastes militants comme Chris Marker ou Jean-Luc Godard, décident de mettre du matériel à la disposition des ouvriers et de les former aux techniques cinématographiques. De cette manière, les films réalisés entre 1967 et 1973 montrent pour la première fois la façon dont le travail en usine abîme les corps et affecte l’esprit des hommes. En dehors du groupe Medvedkine, d’autres cinéastes dévoilent la jonction entre le monde de l’usine et l’univers de la création comme La classe ouvrière va au paradis d’Elio Petri en 1971. Ce film dénonce les critères de productivité dont sont victime les ouvriers, les amenant vers une aliénation inconsciente. Ce qui m’intéresse est de voir comment les artistes qui ont pu se sentir menacés par la mécanisation, ont été capables de résister voire de faire de l’industrie une source de création. Ainsi, la dégradation des matériaux liés à l’industrialisation est compensée par une valorisation artistique. J’ai donc choisi dans un premier temps, de développer en quoi l’apparition de l’objet manufacturé dans le champ de l’art a-t-il bouleversé le concept même de l’art ? C’est-à-dire, qu’au moment ou l’objet est considéré comme médium pour les artistes, comment il remet en question la définition de l’art ? Avec Marcel Duchamp et l’invention du ready-made, l’artiste peut introduire dans l’oeuvre des objets qu’il n’a pas créé lui-même. Le processus créatif est donc réduit à son essentiel. Il me semble intéressant de faire une comparaison avec le travail de Brancusi ou la frontière entre l’œuvre et l’objet fonctionnel devient ténue. Ensuite, mon choix de réflexion se porte sur les artistes du nouveau réalisme et la sculpture britannique des années 80 qui produisent autant de gestes artistiques interrogeant l’objet ordinaire. Ce qui permet d’observer des artistes plus contemporain, comme Jean-Luc Mouléne, Simon Starling, en autres, ayant intégrés ces avant-gardes. Ensuite nous verrons comment la rencontre entre l’art et l’industrie change le processus de travail de l’artiste ? L’outil de production tel que la série ou encore la dépersonnalisation du geste deviennent des méthodes applicables à l’œuvre. On ne parle donc plus de création d’œuvre mais plutôt de production, de fabrication d’œuvres. Ainsi, la question de la reproductibilité en art, engendrée par la mécanisation industrielle interroge les artistes.Finalement, après avoir vu que l’objet industriel et les méthodes de fabrication sont utilisés par les artistes, nous pourrons voir que le statut de l’artiste lui même change. Une nouvelle notion d’artiste entrepreneur apparaît pour se rapprocher au mieux du modèle de l’entreprise le plaçant entre l’engagement et la dérision.

Page 8: art industrie

8

Usages et détournements de l’objet manufacturé

« L’aventure de l’objet » entre Duchamp et Brancusi

Le rapprochement que je fais ici entre Brancusi et Duchamp concerne une direction semblable qui fait entrer des objets ordinaires dans leurs œuvres. Comment ses deux artistes traitent la même question, celle de la relation entre la sculpture et l’objet ? Mais surtout, de constater que chacun emprunte des voies différentes alors que le point de départ est semblable. En effet, Duchamp utilise plutôt un processus de sélection d’objets fabriqués par des machines interrogeant ainsi le statut de l’artiste. A savoir si l’artiste peut produire de l’art avec quelque chose qui n’en est pas? En menant la problématique de l’objet manufacturé en art, je ne peux pas exclure l’œuvre de Duchamp qui est à l’origine de ce bouleversement. Dans son approche de l’art, Brancusi n’adopte pas ce coté radical et insiste sur l’importance de sa propre main dans la sculpture. Mon choix de ce dernier pour cette comparaison est davantage personnel puisque sa détermination à concevoir et à donner forme à l’objet à partir du matériau brut me séduit. La proximité de Duchamp et Brancusi me semble évidente puisqu’il est bien question de l’objet dénué ou privé de fonction utilitaire. D’ailleurs, leurs liens amicaux et leurs longues correspondances les montrent unis partageant leurs préoccupations de travail même si Brancusi cherche à créer une forme dans la matière alors que Duchamp radicalise son geste en utilisant des formes déjà existantes. L’intérêt dans cette réflexion est de voir de quelle manière ils se séparent et se rejoignent autour de la question de l’objet et de la sculpture dans l’art. « L’aventure de l’objet » commence avec Marcel Duchamp et son premier ready-made Fountain1 qui fait polémique après son refus à l’exposition de la Société des artistes indépendants à New York en 1917. Il s’agit d’un urinoir comme œuvre d’art, signée R.Mutt pour le pseudonyme

1 Fountain, Duchamp, 1917 (disparue) photographie originale d’Alfred Stieglitz 1917, épreuve aux sels d’argent, collection particulière.

Page 9: art industrie

9

et titrée Fountain. Ainsi Duchamp reste dans l’ombre de son œuvre et se défend également de façon anonyme dans un article de la revue The Blind man2 dont il est co-fondateur. Il est écrit : « M Mutt (…) prit un objet ordinaire de la vie et le plaça de telle manière que sa signification utile disparût derrière son nouveau titre et angle de vision, il créa une pensée nouvelle pour cet objet. »3 L’important n’est pas que l’artiste ait fabriqué cette sculpture avec ses mains ou non, mais qu’il ait choisi un objet de la vie quotidienne en lui retirant sa valeur d’usage. Voilà donc ce que Duchamp pensait lui-même de son innovation : affecter un objet courant avec une pensée nouvelle, transformer celui-ci en un autre type d’objet. Un objet d’art par exemple. Finalement, faire d’un urinoir une Fontaine est une interprétation par laquelle l’objet se voit transfiguré. Marcel Duchamp introduit l’objet réel dans le champ artistique de façon radicale, remettant en cause, par la même occasion, le statut et les limites de l’art au XXème siècle. L’artiste, nomme cette invention ready-made, qui fait passer l’objet du quotidien, détourné de sa fonction utilitaire, au domaine de l’art. André Breton parle « d’objet usuel promu à la dignité d’œuvre d’art par le simple choix de l’artiste »4. Le geste artistique change avec Duchamp. En effet, l’artiste introduit dans son œuvre des objets qu’il n’a pas crées, ni même transformés. Le savoir faire ainsi que la trace du créateur disparaissent pour laisser place au choix, désignant l’objet manufacturé en œuvre d’art. Il n’y a pas de travail, de manipulation de la part de ’artiste, aucune technicité particulière. C’est en cela, que l’on parle de bouleversement dans le champ artistique au XXème siècle, puisque la présence de la main du créateur artistique devient presque inexistante. Seul, le geste d’appropriation du réel réside dans cette démarche. Dans cette nouvelle approche, il ne s’agit pas de montrer que les objets usuels, qualifiés d’un manque de beauté, peuvent le devenir mais plutôt de questionner ce qui fait une œuvre d’art. L’objet a forcement joué un rôle dans ce déplacement. On se pose donc, la question suivante « peut-on faire des œuvres qui ne soient pas de l’art ? », et non plus « ceci est-il beau ? ». Finalement, l’objet industriel subit un geste de déplacement de la part de l’artiste, pour le déposer en objet d’art. C’est aussi, déplacer l’objet de l’usine vers le musée. Et encore, de l’objet industriel multiple vers l’objet unique. Duchamp, produit de la singularité à partir d’objets industriels : le tabouret est choisi parmi tant d’autre mais celui-ci se distingue par le simple choix de l’artiste, qui le met en lumière dans le musée.L’objet est comme révélé, libéré de son destin fonctionnel en lui attribuant de nouveaux critères esthétiques. Tout d’abord, l’objet est arraché de sa fonction d’usage puisqu’il devient une installation dans un milieu muséal. Dans un deuxième temps, le titre de l’objet-œuvre, lui confère une nouvelle signification, le qualifiant d’œuvre d’art. Le porte bouteille ou séchoir à bouteilles, en 1914 sera rebaptisée plus tard, Hérisson5 par Duchamp. C’est donc, lui attribuer une essence poétique par des jeux de mots, ce qui transforme l’objet usuel.Les rapprochements entre Duchamp et Brancusi me semblent intéressants, sachant que ces deux artistes, intiment liés dans leur vie personnelle, sont également tout deux, passionnés par la beauté des objets de l’industrie. Néanmoins, leurs pratiques artistiques se différencient clairement.Duchamp recouvre la question de l’acte de création minimale, c’est-à-dire, le processus créatif réduit à son essentiel. Les ready-mades sont des objets fabriqués par des machines, et non pas

2 The Blind Man, n°2, revue Dada, ed. Henri-Pierre Roche, Beatrice Wood et Marcel Duchamp, New York, mai 1917.3 Ibid.4 Dictionnaire abrégé du Surréalisme, André Breton, Paul Eluard, 1938.5 Hérisson, Duchamp, 1914, porte bouteille en fer galvanisé, 64,2 x 42 cm.

Page 10: art industrie

10

réalisés par l’artiste. Le seul changement que la matière (l’objet) subit est celui d’un changement en œuvre d’art. Alors que chez Brancusi, la matière (le marbre, la terre…) se métamorphose en objet d’art. D’ailleurs celui-ci, insiste sur l’importance de sa propre main dans la sculpture comme une détermination qui donne forme à l’objet à partir du matériau brut. Il utilise des techniques traditionnelles rarement pratiquées à cette époque comme la taille directe ou encore le polissage. Son œuvre questionne la répétition d’un même motif de forme simple notamment dans La Colonne sans fin, 1918, ou des interrogations sur la spiritualité d’une œuvre sont mises en rapport avec l’idée d’élévation du ciel à la terre. Pour ces deux artistes, l’objet qui est placé au rang de l’art quitte sa fonction usuelle, il est inutile: comme en témoignent les Coupes II6 1917-1918 non évidées ou le Vase plein de Brancusi, tout comme Fountain de Duchamp. Ce dernier le remarquait à propos de ses ready-made « le fonctionnalisme était (…) oblitéré par le fait que je l’enlevais de la terre et le plaçai sur la planète de l’esthétique ». De la même façon, chez Brancusi, un banc sert de socle pour une sculpture, perdant donc temporairement sa fonction traditionnelle. La Roue de bicyclette7 1913-1960, de Duchamp est semblable au travail de Brancusi dans le dialogue entre le socle et l’objet. Ils sont tout deux d’accord sur le fait qu’il est difficile de poser une sculpture à même le sol, car celle-ci s’apprécie péniblement dans l’espace d’exposition. De cette façon, l’idée que le socle doit faire partie de la sculpture se développe et disparait quasiment en tant que support traditionnel non intégré à l’œuvre. Cette question du socle est encore actuellement, l’une des préoccupations majeure dans la sculpture. Sa présence ou sa non présence : un outil pour la présentation de l’œuvre ou une intégration comme élément à part entière de l’œuvre. L’objet peut être également une source directe pour d’autre travaux de Brancusi qui cependant, ne transforme pas des objets fonctionnels mais citent les formes d’objet. Le Roi des rois8, 1938 par exemple, reprend plusieurs parties de différents objets : dans sa partie inférieure on retrouve les formes d’un tabouret et d’une vis de pressoir. Ou encore, la tête sculptée semblable à un masque Olthénien, couronné par la partie supérieure d’un pilier funéraire. Brancusi utilise des éléments formels directement puisés dans les arts populaires et les objets du quotidien, les citant dans ses formes sculptées et en les assemblant ensuite en une construction totalement nouvelle.Brancusi n’a pas utilisé directement l’objet dans son œuvre, pourtant sa présence est évidente. Ses formes sont parfois des allusions à nos objets du quotidien. La création ou l’adaptation d’objets utilitaires est d’ailleurs une pratique constante chez Brancusi : « Tout au long de sa vie, Brancusi a fabriqué les meubles, ustensiles, outils ou objets dont il avait besoin et qui formaient, avec ses sculptures, son environnement. Il faisait de même pour ses amis et relations. Entre son œuvre de sculpteur et le cadre de sa vie, il ne devrait pas y avoir de rupture.»9 Je parle ici, d’un aspect moins connu et moins visible de l’art qui caractérise Brancusi. Au moment où le sculpteur procède à la création de ces objets, il a sans doute l’intention de laisser indistincte la frontière entre leur

6 Coupes II, Brancusi, 1917-1918 érable, 19 x 36,5 x 29,5cm, Georges Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris; voir icônographie pages 18-19.7 Roue de bicyclette, Duchamp, 1913-1960, 4° version d’après l’original disparu de 1913. Ulfe Linde pour le Moderna Museet, Stockholm; voir icônographie page 20.8 Le Roi des rois, Brancusi, 1938, the Solomon R.Gggenheim Museum, New York.9 Pontus Hulten, Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati dans Brancusi, Paris, Flammarion, 1986, p.p 317.

Page 11: art industrie

11

esthétique et leur fonctionnalité. Par exemple, Moulin à café10 de 1930 est un véritable objet déjà fabriqué que l’artiste vient marteler. On retrouve des préoccupations semblables à celles de Duchamp par rapport à l’objet usiné même si Brancusi le modifie par la présence de sa main avec le martèlement. Une autre catégorie d’objet concerne un ensemble de petits outils pour la sculpture dont il se servait : Récipient pour couler le plomb et quatre formes11. Ici, on peut voir que l’artiste transforme des objets manufacturés pour créer des instruments adéquat à chacune des tâches. Il y a donc une intention de choisir l’objet banal pour l’ajuster, le modifier.Finalement, le matériau traditionnel de l’artiste est remanié par Brancusi, il fait référence à des formes d’objets usinés alors que Duchamp utilise totalement le produit industriel et fait du geste, de déplacement son œuvre. Cependant ces oppositions les ont réunis dans leur vie personnelle, ils se sont nourris de l’un et de l’autre dans leur travail et leurs réflexions. Duchamp à entraîné Brancusi sur l’aventure de la scène artistique américaine alors que son travail semble éloigné des préoccupations esthétique de celui-ci. On peut dire que Brancusi travaille sur la sublimation des formes, une recherche de la perfection sur la forme notamment avec l’utilisation du polissage pour parvenir à une forme nette. On comprend bien que Brancusi aime l’objet, la forme de l’objet puisqu’il est sans cesse cité dans son œuvre. Cependant, il intervient avec sa main d’artiste sur l’objet pour justement le sublimer et faire de lui une œuvre. Même ces outils de fabrication ou encore ces objets du quotidien sont transformés par l’artiste comme s’il ne pouvait résister à rechercher le sublime dans tout objet : Poêle à charbon12, 1928. Ce croisement entre la sculpture et l’objet industriel se poursuit avec d’autres artistes qui problématisent eux aussi cette question.

Le Nouveau Réalisme et la sculpture britannique

Associer ces deux courants artistiques est pour moi, le moyen de continuer une sorte d’historique de l’objet manufacturé en art. Je fais aussi l’impasse sur certains moments et certains artistes au vu de l’ampleur de la question. Le choix du nouveau réalisme et de la sculpture britannique constitue une sorte de sélection des artistes qui ont nourri mon travail. Il est question dans cette partie du travail notamment d’Arman et de César pour le Nouveau Réalisme ainsi que de Bill Woodrow et Tony Cragg pour la sculpture britannique. Ces quatre artistes de génération différente utilisent le produit standard et s’approprient l’objet réel. Cependant le contexte socio politique de chacun les départage entraînant des œuvres aux intentions bien distinctes.C’est en octobre 1960, que huit artistes signent « La Déclaration constitutive du Nouveau Réalisme »: Arman, R.Hains, Y.Klein, M.Raysse, D.Spoerri, J.Tinguely, F.Dufréne, J.Villeglé et le critique d’art

10 Moulin à café, Brancusi, 1930 Circa, Plaque de cuivre martelé, 34,5 x 5,5 cm.11 Récipient pour couler le plomb et quatre formes, Brancusi, 1949. Tôle, manche en fil de fer, plomb martelé. 4,3 x 6,2 cm, fil de fer : 14 cm et Canard : 16 x 7 cm, Chameau : 14 x 19 cm, Avion : 12 x 5,5 cm, crocodile : 9 x 14 cm. Ancienne col-lection Natalia Dumitresco et Alexendre Istrali, don de l’artiste par descendance à l’actuel propriétaire; voir icônographie pages 22-23.12 Poêle à charbon, Brancusi, 1928, tôle découpée et rivetée, 68,5 x 21,5 x 16 cm. Le poêle était placé dans le laboratoire photo de Brancusi sur un socle de pierre. Ancienne collection Natalia Dumitresco et Alexendre Istrali, don de l’artiste par descendance à l’actuel propriétaire; voir icônographie pages 24-25.

Page 12: art industrie

12

Pierre Restany, annoncent le Nouveau Réalisme comme un mouvement les réunissant. Deux autres invités, César et Rotella, absents, donneront ultérieurement leur accord à l’opération. Ces artistes ont en commun le même intérêt pour l’appropriation des objets et des images puisées dans le quotidien de la société de consommation. S’appropriant de la sorte, des objets banals, usés, récupérés essentiellement dans la ville pour les soumettre à diverses manipulations. L’objet est donc utilisé de la même manière que chez Duchamp, comme un médium, un matériau pour le travail artistique. Cependant, l’objet chez les nouveaux réalistes subit des manipulations pour révéler sa nature poétique, que l’on perçoit d’après eux difficilement lorsqu’il est dans son environnement industriel. Ou encore, lorsqu’il est estimé comme rebut car il ne fonctionne plus et donc, doit disparaitre de la société. Pierre Restany auteur du Manifeste des Nouveaux Réalistes en 1960 parle de renversement positif de Dada pour caractériser ce nouveau mouvement. Dada (1916-1923) motivé par un esprit destructeur remet en cause entre autre, la culture de la machine par la dénonciation. Alors que le nouveau réalisme questionne l’objet industriel sans réellement le critiquer, ce qui est symptomatique pendant cette période des Trente Glorieuses où l’on célèbre la culture de masse. C’est en cela que Pierre Restany parle de renversement positif de Dada : une exaltation de l’industrie et de tous les changements qu’elle implique en art.Arman, par exemple, considère les déchets de la société comme des reliques : « Je suis un témoin de mon époque, ce sont les décharges multiples qui peuvent le mieux renseigner sur la vie quotidienne. »13 Sa première expérience, consiste à marquer la surface d’une série de toiles avec un tampon encreur, recouvrant tout l’espace de façon répétitive. Puis, il décide d’utiliser directement les objets plutôt que leur empreinte : « J’affirme que l’expression des détritus, des objets possède sa valeur en soi, directement, sans volonté d’agencement esthétique les oblitérant et les rendant pareils aux couleurs d’une palette ; en outre, j’introduis le sens du geste global sans rémission ni remords. Dans les inutilisés, un moyen d’expression attire tout particulièrement mon attention et mes soins ; il s’agit des accumulations, c’est-à-dire la multiplication et le blocage dans un volume correspondant à la forme, au nombre et à la dimension des objets manufacturés. »14 L’artiste, réalise des accumulations d’objets comme la série des Poubelles (Poubelle des Halles15 par exemple) commencée en 1959, qui montre des déchets entassés dans des boites en plexiglas. Ce geste sculptural montre son goût pour la collection puisqu’il consiste à collecter des objets usagés de la société et de les enfermer, soit dans l’espace de l’exposition (la galerie), soit dans des boites de plexiglas ou encore de les mouler dans du bronze ou du béton. La vie à pleines dents16 en 1960 est également une accumulation de plusieurs dentiers définitivement inutilisables. L’esthétisation est obtenue par la quantité, le dupliqué pour la prolifération d’images fascinantes et horribles inspirées par la réalité quotidienne.César continue après 1960 des déclinaisons autour du langage de l’objet avec ses Compressions17 d’automobile par exemple qui développent les expériences du travail à l’aide de la presse industrielle

13 Extrait de texte « Réalisme des accumulations » d’Arman dans la revue Zéro n°3 en juillet 1961.14 Ibid.15 Poubelles des Halles, Arman, 1961, déchets dans boîte en verre, 63,5 x 43 x 12,5 cm.16 La vie à pleines dents, Arman, 1960, résine, métal, bois, 18 x 35 x 6 cm.17 Compression « Ricard », César, 1962, tôle peinte d’automobile, 153 x 73 x 65 cm.

Page 13: art industrie

13

« afin de tirer le langage de la matière à travers une technique. »18 L’usage des techniques industrielles fascine cet artiste et c’est ainsi que l’échelle de son œuvre devient monumentale. Il fait également l’expérience de nouveaux matériaux comme la mousse polyuréthane avec les Expansions19.La période dite des Trente Glorieuses est marquée par une prospérité économique importante dans les pays développés. Il s’agit aussi de la seconde révolution industrielle où les méthodes de production (Fordisme, travail à la chaîne, standardisation) sont définitivement adoptées. L’industrie publicitaire crée un désir de consommation chez l’homme. Et cette consommation grandissante permet la création de grandes firmes multinationales comme Renault par exemple. Ce contexte est nécessairement très influent sur les artistes du nouveau réalisme et l’on comprend notamment l’origine des Compressions de César. On y constate un véritable engouement pour les avancées techniques de l’industrie. Mais cette croissance économique décline dés 1974 pour laisser place aux Vingt Piteuses jusqu’en 1995. C’est une époque où le chômage augmente brutalement. Cette récession touche le Royaume-Uni entre autre, où une politique dure est mis en place par Margaret Thatcher que l’on surnommera la Dame de fer. Le travail artistique devient un outil témoin de cette période difficile : Tony Cragg, Bill Woodrow, Richard Deacon pour ne citer que quelques-uns, apparaissent de loin comme un groupe de sculpteur caractérisant la sculpture britannique des années 80. L’emploi d’objets abandonnés, trouvés dans la rue ou les nouveaux matériaux issu de l’industrie, reflète ce qu’était la vie à ce moment. Cet intérêt pour le matériau et pour le processus de travail est associé à la volonté d’une redéfinition de la sculpture : il ne s’agit plus de sculpter mais de fabriquer à partir d’objet récupéré ou de matière industrielle. La sculpture britannique des années 80 questionne la sculpture contemporaine à travers l’assemblage, la recomposition de formes déjà existantes. Cet intérêt particulier pour le produit et pour l’objet industriel fait apparaitre les notions de recyclage, de déchet et de la collection de détritus dans le travail de ses nouveaux sculpteurs. Il y a donc une conscience de la prédominance des matériaux industriels et préfabriqués dans notre société contemporaine. Il peut s’agir de matière synthétique comme le plastique, l’acier galvanisé ou de contreplaqué qui est utilisé pour créer des formes avec un procédé d’assemblage, de découpage ou de moulage. C’est donc un rejet des matériaux traditionnels de la sculpture comme le marbre, ou l’argile entre autre qui nécessitent un modelage ou un travail en taille directe. Mais il peut aussi s’agir d’objet réel, issus de l’industrie que l’on récupère pour réaliser un travail autour de la fragmentation et de la recomposition des formes en continuité avec les questionnements des nouveaux réalistes. L’artiste Tony Cragg utilise des matériaux ordinaires et des débris de la consommation : « Je trouve mes objets à l’endroit où j’habite (…) et une quantité de zones industrielles. J’explore ces zones, les terrains vagues, parfois même un site d’usine si on m’y autorise… »20 C’est une réaction à la société de production de masse. La démarche de l’artiste consiste à récupérer et accumuler des objets

18 César cité par Otto Hahn, L’Express, Paris, 8 novembre 1971.19 Expansion n°14, César, 1970, Coulée de polyuréthane expansé, stratifié et laqué100 x 270 x 220 cm.20 Entretien avec Germano Celant « Tony Cragg and Industrial Plastonism », Artforum, New York, novembre 1981, traduction extrait du catalogue d’exposition du Jeu de Paume, 1996, Un siècle de sculpture Anglaise sous la direction du commissaire Daniel Abadie.

Page 14: art industrie

14

usagés, du plastique coloré, cartons d’emballage, donc de réaliser une archéologie, une collection de détritus. Puis l’artiste exerce une phase de sélection dans l’idée du recyclage qui s’organise selon des critères de couleurs ou de famille. En 1978, Cragg réalise New Stones : Newton’s Tones21, œuvre constituée de fragments de plastique et de morceaux de détritus urbains colorés. Arrangés chromatiquement sur un rectangle à même le sol mais chaque élément reste séparé. Le titre fait référence au premier cercle chromatique proposé par Newton qui classe les couleurs, permettant ainsi un véritable outil de connaissance pour l’art. A l’inverse, Cragg propose un désenchantement de ce cercle chromatique qui devient un panel d’ordures colorées laissées par la consommation. En 1981, une exposition lui est consacrée à la Whitechapel Art Gallery de Londres. Et cette fois-ci, il fixe des éléments très colorés au mur, selon des formes reconnaissables comme Postcard Union Jack22 qui représente le drapeau Britannique. Il emploie donc des objets manufacturés qu’il décompose afin de les métamorphoser.Bill Woodrow, considère l’objet du quotidien comme matériau de la sculpture. La fragilité et le manque de poésie des objets qui nous environnent sont dévoilés, c’est la le premier stade de la narration, d’ordre critique et dénonciateur. C’est l’artiste qui détermine la forme, la couleur ou il peint à certains endroits en créant de nouvelle articulation et donc un nouveau langage pour l’objet. Il réalise des œuvres avec des produits manufacturés, délaissés car le plus souvent endommagés. Il transforme l’objet abandonné pour créer une sculpture : dans Standing Stones23 en 1979, il enferme un aspirateur dans du plâtre. On retrouve la volonté de transformer les biens de consommation pour en faire des objets étranges, hybrides. En 1981 à l’exposition « Objects and Sculpture »24 il présente quatre œuvres réalisées à partir de machines à laver dans lesquelles les formes d’une guitare, d’une tronçonneuse, d’un revolver et d’une bicyclette ont été découpés tout en restant rattachés aux machines au moyen d’une sorte de cordon ombilical métallique. Ces quelques exemples montrent un certain engagement de la part des artistes à critiquer ou dénoncer l’abondance excessive de l’objet jetable. Une comparaison peut se faire entre le nouveau réalisme et notamment le travail d’Arman et son intérêt pour l’accumulation : celui-ci utilise l’accumulation pour une question esthétique, obtenue par la quantité d’objet comme dans La vie à pleines dents, qui montre une fascination pour des images terrifiantes présentes dans notre quotidien pour dénoncer cette abondance d’objet.Richard Deacon tend vers des formes plus abstraites, il laisse visible le processus de création. Il souhaite montrer les traces de montage en laissant les charnières, les rivets ou les pièces d’assemblages. L’intérêt est dans la volonté de montrer que l’œuvre est fabriquée plutôt que sculptée. Les formes régulières évoquent la construction industrielle, les boulons rappellent la fabrication mécanisée. Prenons par exemple, The Back of my Hand n°625, qui montre son attention vis-à-vis des qualités pour les matériaux empruntés à l’industrie ou à l’architecture mais non associés habituellement à la sculpture comme l’acier, l’aluminium, le caoutchouc. Dans cette sculpture on peut voir l’alignement de rivets ou autre fixations alors que quelques-uns auraient suffi. Ici, il s’agit

21 New Stones, Newton’s Tones, Tony Cragg, 1982, fragments de plastique trouvés, 138 x 500 cm.22 Postcard Union Jack, Tony Cragg, fragments de plastique trouvés disposés sous la forme du drapeau britannique, 1981.23 Standing Stones, Woodrow, 1979, balai technique, aspirateur, béton, 133 x 80 x 125 cm; voir icônographie page 26.24 Exposition “Objects and Sculpture” à l’Arnolfini Gallery de Bristol.25 The Back of my Hand n°6, Richard Deacon, 1987, Los Angeles, Collection particuliére, bronze et mousse.

Page 15: art industrie

15

plus de questionner le rapprochement entre la fabrication industrielle et fabrication artistique. D’ailleurs, cette notion du travail industriel participant au travail de l’artiste se retrouve dans le documentaire Work comes out of work26 de Thierry Spitzer et Claude Picasso, qui filme Richard Serra surveillant l’élaboration de son œuvre qu’il fait faire dans une usine du Creusot. Il utilise ainsi l’outil industriel, une presse géante pour réaliser une sculpture monumentale installée ensuite à Chagny : Octogone pour Saint Eloi.27 Les pièces sont travaillées selon les règles de fabrication en usine et la démarche de se faire filmer pendant la déambulation de l’artiste dans cette usine montre l’importance de son attachement à la matière industrielle. Finalement, ces deux mouvements artistiques se caractérisent par le résultat de l’ère industrielle et d’une société de consommation démesurée. L’objet continu d’être le matériau de l’œuvre et c’est ce que l’on retrouve chez les Nouveaux Réalistes à partir des années 60. Les artistes appartenant à ce mouvement tentent de révéler la nature poétique de l’objet tout en le laissant dans sa réalité industrielle. Il s’agit d’ailleurs d’une réalité industrielle perçue comme exaltante pour le nouveau réalisme. La mouvance de la nouvelle sculpture britannique des années 80 poursuit l’utilisation de l’objet comme matériau de la même façon que le nouveau réalisme. Cependant, il s’agit davantage d’un désenchantement de l’objet jetable et d’apporter un sens critique pour dénoncer la place de l’objet dans la société actuelle. Le nouveau réalisme des années 60 et la sculpture britannique des années 80 poursuivent la nouvelle définition de la sculpture comme n’ayant plus besoin d’être sculptée mais plutôt fabriquée. L’objet industriel provoque toujours une fascination en art, considéré comme le spectre de notre société contenant trace et mémoire.

L’usage de l’objet industriel d’aujourd’hui L’invention du ready-made, par Marcel Duchamp désigne un objet déjà-fait, revendiqué et exposé comme une œuvre d’art. On y voit également un nouveau type de genre artistique ou le geste est plus significatif que l’objet plastique. Simon Starling développe par exemple des extensions et des contradictions au ready-made. Le travail de Deacon soulève des questions par rapport à l’intérêt de nouveaux matériaux issus de l’industrie mais aussi une nouvelle façon de fabriquer qui continue de questionner les artistes d’aujourd’hui. On retrouve aussi la notion du recyclage que pouvait déjà interroger Cragg ou Woodrow, qu’aborde actuellement Simon Starling ou Jean-Luc Moulène de façon différente bien évidement. Finalement, il s’agit de montrer dans cette partie que l’utilisation de l’objet industriel ne cesse d’être une matière de recherche et de création pour les artistes. Le ready-made, le produit industriel, le recyclage d’objet, la méthode de fabrication industrielle sont quelques exemples qui ont intéressé les artistes au début du XXème siècle et qui continuent de nourrir les démarches artistiques contemporaines. Il faut bien sûr, prendre en compte l’évolution de la société qui permet d’autres interrogations comme la notion de grève qui n’apparait pas chez les nouveaux réalistes ou dans la sculpture britannique mais qui fait partie du travail de Jean-Luc Moulène.

26 Work comes out of work de Thierry Spitzer et Claude Picasso, France, 1991, vidéo, noir et blanc, sonore.27 Octogone pour Saint Eloi, Richard Serra, 1992, acier de 2 x 2,40 m.

Page 16: art industrie

16

On peut parler du travail de Simon Starling avec le ready-made qui se caractérise par une succession de modifications, déplacements de l’objet et de l’image que renvoie cet objet dans la société. L’artiste questionne les formes sculpturales tout en s’ancrant dans une réalité politique, sociale, ou géographique. Développant une narration poétique autour de l’objet et interrogeant le processus de création: faire et refaire, déconstruire et reconstruire. Work, Made-ready28 inverse la notion du ready-made par un acte de transmutation : en effet, deux objets d’aluminium qui ne sont autre qu’une chaise et un vélo, sont chacun reconstruits à l’aide du métal provenant de l’autre objet. On obtient alors deux «mutations» fabriquées dans leur ancienne essence industrielle. Avec la fonte, il est possible de reproduire n’importe quel objet à partir d’un moulage. Cette technique permet au sculpteur de réaliser en plusieurs exemplaires sa pièce mais ce n’est pas ici pour cette œuvre le questionnement principal. Le rapport à l’assise est une référence au premier ready-made Roue de bicyclette de Duchamp. Ainsi que les questions par rapport à la fonction du socle : dans Work, Made-ready la chaise et le vélo ont « échangé » leurs socles, faits de la même dimension que leurs caisses de transport respectives alors que Duchamp utilise le tabouret comme support et œuvre, supportant la roue de bicyclette. Ils ont aussi en commun d’avoir dans leur histoire un déplacement qui les fait passer de l’univers domestique à l’univers artistique. Il s’agit donc ici, de dépasser le processus du ready-made puisque l’objet n’est pas utilisé « tel quel » mais sa matière est fondue pour transformer et l’inverser en un autre objet. Cependant, il est intéressant de noter que le vélo et la chaise sont re-fabriqués à l’identique avec la matière de l’un et de l’autre, nous ne regardons pas un vélo devenu hybride par exemple. Finalement, l’image d’origine de chacun de ces objets n’est pas transformée, le vélo ressemble toujours à un vélo.La question de la copie ce manifeste dans le travail de Simon Starling, je souhaite donc revenir la dessus : Rockraft29, en 2008 est un bloc de pierre trouvé que l’artiste fait voyager sur un radeau en bois, depuis l’embouchure de la rivière Avon jusqu’au port de Bristol. A son arrivé, le bloc de pierre est scanné et reproduit à l’identique, dans le même matériau, par une fraiseuse électronique. La copie est exposée à quelques mètres de son modèle sur un socle muséal reprenant les dimensions du radeau. Notons d’ailleurs, que le voyage de cette pierre depuis la carrière jusqu’à la salle d’exposition est un parfait ready-made : un objet non artistique est extrait de son contexte d’origine pour fonctionner après un déplacement comme une œuvre d’art. Le voyage, le déplacement sont également des notions importantes dans le travail de Simon Starling, permettant aux cours de ses marches de transformer les matériaux et les objets manufacturés qu’il utilise. La question du rapport entre le mode de fabrication industrielle et le mode de fabrication artistique que l’on retrouve chez Deacon avec les rivets de fabrication présent dans quelques unes de ses œuvres par exemple est aussi l’une des préoccupations de Jean-Luc Moulène, elle porte essentiellement sur la façon dont les images apparaissent dans notre société contemporaine. Cet artiste prend en compte toute la chaîne de fabrication des images : de la production-conception à

28 Work, Made-ready, Simon Starling, 1997 au centre d’art Kunsthalle à Bern, vélo, chaise, deux socles, dimensions variables.29 Rockraft, Simon Starling, 2008, radeau, socle (300 x 300 x 50 cm chacun), pierre de carrière et pierre usinée (65 x 100 x 110 cm chacune); voir icônographie page 27.

Page 17: art industrie

17

l’apparition-exposition en passant par la diffusion médiatique. Par exemple, dans Gauloises bleues30, il utilise véritablement la production industrielle pour réaliser plusieurs centaines de paquets de cigarettes. Sur le paquet entièrement bleu, n’apparaissent ni logo, ni marque. De cette façon, l’artiste intervient sur ce produit industriel puisqu’il lui retire son apparat habituel pour ensuite l’insérer dans le monde de l’art. C’est donc, comme Simon Starling, une sorte de contestation du ready-made, contre l’objet déjà fabriqué, exposé sans aucune modification. Par ailleurs, dans Plecnik, Union, en 2000 de Simon Starling, la question du processus de production est interrogée, celui du recyclage d’objets : l’artiste trouve par terre des bris de verre d’une bouteille de bière mêlés à ceux d’une lampe, il recolle les morceaux et redonne forme aux objets. Pour ce processus de création, il s’agit de refaire à la main de façon identique des objets manufacturés. La marque et le logo de la bouteille sont restitués comme à leur origine. L’image est donc affectée par l’artiste à un moment pour ensuite la restituer. On pense forcement au travail de Tony Cragg qui utilise des morceaux de détritus urbains mais par contre, pour susciter une autre forme (Postcard Union Jack représentant le drapeau Britannique).Jean-Luc Moulène, collecte lui aussi des éléments de rebut pour les élever au rang d’objets d’art. Il photographie des images de choses, objets trouvés dans la rue ou dans le commerce, en lumière naturelle dans son atelier. Objets de grèves, en 2003, est une série d’objets collectés, photographiés puis exposés. Cet ensemble d’objets est fabriqué par des grévistes pendant les périodes d’occupation d’usine. On les distingue des produits manufacturés courant puisqu’ils ne sont pas produit par l’entreprise, ni distribués en série pour satisfaire une consommation de masse. Ce qui intéresse l’artiste est de voir comment ces objets habituels que l’ouvrier transforme, peuvent servir à divulguer un message de manifestation. Toute la chaîne industrielle est remise en cause puisque les conditions de fabrication sont modifiées : c’est un réel détournement des moyens de production capitaliste à des fins d’occupations d’usines par les ouvriers. Les objets sont photographiés sur un fond neutre ce qui les coupe de leur contexte d’usage, de leur environnement habituel et les isole comme symbole pour mieux interroger leur signification. « Il s’agit de rendre le poids et la matière de l’objet car c’est sur cette matière que les ouvriers ont travaillé. Je fabrique un objet photographique, pas une photographie qui à tous les caractères d’un produit industriel. »31 Son processus de travail questionne et critique la production, la création et la diffusion des images, mis en rapport avec des enjeux sociaux, politiques ou encore, économiques. Dans cette œuvre, Jean-Luc Moulène révèle toute la complexité du mouvement de grève, depuis son organisation jusqu’à la reprise du travail. Au final, ces deux artistes, traitent de l’usage de l’objet et du processus industriel dans l’art. En effet, l’utilisation de l’objet comme matériau artistique ou comme inspiration à la création se poursuit. Il subit des transformations avant de devenir œuvre d’art. Le processus industriel apporte de nouvelles problématiques à l’artiste qui interroge le système de production d’objet et de production d’image pour Jean-Luc Moulène. Cette partie permet de voir comment l’usage de l’objet réel est introduit dans un processus artistique. Objet manufacturé qui relève d’un champ a priori non-artistique. Les Ready-made de Duchamp sont détournés de leur fonction utilitaire afin de devenir de l’art ainsi le champ artistique

30 Gauloises bleues, Jean-Luc Moulène, 2000, paquets monochromes de Gauloises Bleues, unité : 7 x 5 x 2 cm; voir icôno-graphie pages 28-29.31 Propos recueilli dans « Objets de grève, un patrimoine militant », de Jean-Charles Leyris, In Situ, en ligne, 2007.

Page 18: art industrie

18

s’agrandit. Brancusi n’est qu’un exemple d’artiste ayant conscience de la formidable source de création qu’apporte l’objet. La profusion offerte par l’industrie n’échappe pas aux courants du nouveau réalisme et de la nouvelle sculpture britannique qui interrogent et transforment l’objet ordinaire. On parvient donc à admettre que les objets deviennent de véritables médiums pour l’artiste. Le processus industriel appliqué au processus artistique peut être sujet à développements. En effet, l’utilisation de l’objet comme médium questionne sur la façon dont il est fabriqué puisque l’artiste ne fabrique pas l’objet directement mais s’approprie l’objet déjà usiné. Ainsi sa fabrication, sa production industrielle deviennent de nouvelles préoccupations chez les artistes. Jean-Luc Moulène par exemple interroge la production en chaîne avec les Objets de grèves détournés en objets de manifestation. On peut donc introduire la question de l’objet d’art reproduit, un processus artistique qui prend exemple sur un processus de production industrielle.

Page 19: art industrie

19

Page 20: art industrie

20

Page 21: art industrie

21

Coupes II, Brancusi, 1917-1918 érable, 19 x 36,5 x 29,5cm, Georges Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris.

Page 22: art industrie

22

Page 23: art industrie

23

Roue de bicyclette, Duchamp, 1913, original perdu, réplique de 1964, ready made, roue de bicyclette fixée sur un tabouret, 110 x 205 x 94

Page 24: art industrie

24

4 0 F O N D S C O N S T A N T I N B R A N C U S I - 3 0 N O V E M B R E 2 0 1 0 . PA R I S

98Constantin BRANCUSI(Hobita, 1876 - Paris, 1957)

RÉCIPIENT POUR COULER LE PLOMB, 1949Tôle, manche en fil de ferHauteur : 4,3 cm (15/8 in)Diamètre : 6,2 cm (21/2 in)Manche en fil de fer : 14 cm (51/2 in)

800 / 1 000 €

Provenance :Ancienne collection Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, don de l’artistePar descendance à l’actuel propriétaire

Bibliographie :Pontus Hulten, Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, “Brancusi”, Paris,1986, n°241, reproduit p. 320 (voir illustration ci-dessous, répertorié avec desdimensions erronées : h. 4,5 ; l. 7 ; p. 6,5 cm)

“CONTAINER FOR PLUMB”, SHEET METAL, GRIP IN IRON

99Constantin BRANCUSI(Hobita, 1876 - Paris, 1957)

QUATRE FORMES, 1949PlombCanard : 16 x 7 cm (61/4 x 23/4 in)Chameau : 14 x 19 cm (51/2 x 71/2 in)Avion : 12 x 5,5 cm (43/4 x 21/4 in)Crocodile : 9 x 14 cm (31/2 x 51/2 in)

2 000 / 3 000 €

Provenance :Ancienne collection Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, don de l’artistePar descendance à l’actuel propriétaire

Bibliographie :Pontus Hulten, Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, “Brancusi”, Paris,1986, n°242, reproduit p. 320 (voir illustration ci-dessous)

“FOUR FORMS”, PLUMB

Récipient pour couler le plomb et quatre formes, Brancusi, 1949. Tôle, manche en fil de fer, plomb martelé. 4,3 x 6,2 cm, fil de fer : 14 cm et Canard : 16 x 7 cm, Chameau : 14 x 19 cm, Avion : 12 x 5,5 cm, crocodile : 9 x 14 cm. Ancienne collection Natalia Dumitresco et Alexendre Istrali, don de l’artiste par descendance à l’actuel propriétaire.

Page 25: art industrie

25

4 0 F O N D S C O N S T A N T I N B R A N C U S I - 3 0 N O V E M B R E 2 0 1 0 . PA R I S

98Constantin BRANCUSI(Hobita, 1876 - Paris, 1957)

RÉCIPIENT POUR COULER LE PLOMB, 1949Tôle, manche en fil de ferHauteur : 4,3 cm (15/8 in)Diamètre : 6,2 cm (21/2 in)Manche en fil de fer : 14 cm (51/2 in)

800 / 1 000 €

Provenance :Ancienne collection Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, don de l’artistePar descendance à l’actuel propriétaire

Bibliographie :Pontus Hulten, Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, “Brancusi”, Paris,1986, n°241, reproduit p. 320 (voir illustration ci-dessous, répertorié avec desdimensions erronées : h. 4,5 ; l. 7 ; p. 6,5 cm)

“CONTAINER FOR PLUMB”, SHEET METAL, GRIP IN IRON

99Constantin BRANCUSI(Hobita, 1876 - Paris, 1957)

QUATRE FORMES, 1949PlombCanard : 16 x 7 cm (61/4 x 23/4 in)Chameau : 14 x 19 cm (51/2 x 71/2 in)Avion : 12 x 5,5 cm (43/4 x 21/4 in)Crocodile : 9 x 14 cm (31/2 x 51/2 in)

2 000 / 3 000 €

Provenance :Ancienne collection Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, don de l’artistePar descendance à l’actuel propriétaire

Bibliographie :Pontus Hulten, Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, “Brancusi”, Paris,1986, n°242, reproduit p. 320 (voir illustration ci-dessous)

“FOUR FORMS”, PLUMB

Page 26: art industrie

26

2 4 F O N D S C O N S T A N T I N B R A N C U S I - 3 0 N O V E M B R E 2 0 1 0 . PA R I S

89Constantin BRANCUSI(Hobita, 1876 - Paris, 1957)

POÊLE À CHARBON, 1928Tôle découpée et rivetée68,5 x 21,5 x 16 cm (267/8 x 81/2 x 61/8 in)

30 000 / 40 000 €

Provenance :Ancienne collection Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, don de l’artistePar descendance à l’actuel propriétaire

Bibliographie :Pontus Hulten, Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, “Brancusi”, Paris,1986, n°225, reproduit pp. 188 (sur un socle de pierre rectangulaire, voirillustration ci-dessous) et 318 (répertorié avec des dimensions erronées :h. 68; l. 22; p.19 cm)

Le poêle était placé dans le laboratoire photo de Brancusi sur un socle depierre et a été photographié par Brancusi.

“COAL STOVE”, CUT AND RIVET SHEET-METAL

Photo Brancusi, Archives Brancusi

Poêle à charbon, Brancusi, 1928, tôle découpée et rivetée, 68,5 x 21,5 x 16 cm. Le poêle était placé dans le laboratoire photo de Brancusi sur un socle de pierre. Ancienne collection Natalia Dumitresco et Alexendre Istrali, don de l’artiste par descendance à l’actuel propriétaire.

Page 27: art industrie

27

2 4 F O N D S C O N S T A N T I N B R A N C U S I - 3 0 N O V E M B R E 2 0 1 0 . PA R I S

89Constantin BRANCUSI(Hobita, 1876 - Paris, 1957)

POÊLE À CHARBON, 1928Tôle découpée et rivetée68,5 x 21,5 x 16 cm (267/8 x 81/2 x 61/8 in)

30 000 / 40 000 €

Provenance :Ancienne collection Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, don de l’artistePar descendance à l’actuel propriétaire

Bibliographie :Pontus Hulten, Natalia Dumitresco et Alexandre Istrati, “Brancusi”, Paris,1986, n°225, reproduit pp. 188 (sur un socle de pierre rectangulaire, voirillustration ci-dessous) et 318 (répertorié avec des dimensions erronées :h. 68; l. 22; p.19 cm)

Le poêle était placé dans le laboratoire photo de Brancusi sur un socle depierre et a été photographié par Brancusi.

“COAL STOVE”, CUT AND RIVET SHEET-METAL

Photo Brancusi, Archives Brancusi

Page 28: art industrie

28

Standing Stones, Woodrow, 1979, balai technique, aspirateur, béton, 133 x 80 x 125 cm.

Page 29: art industrie

29

Rockraft, Simon Starling, 2008, radeau, socle (300 x 300 x 50 cm chacun), pierre de carrière et pierre usinée (65 x 100 x 110 cm chacune).

Page 30: art industrie

30

Page 31: art industrie

31

Gauloises bleues, Jean-Luc Moulène, 2000, carton d’embalage, paquets monochromes de Gauloises Bleues, unité : 7 x 5 x 2 cm. Bleu gauloises bleues 441.

Page 32: art industrie

32

Objet produit, objet reproduit

La reproductibilité

L’objet auquel je m’attache est celui produit par l’industrie, c’est-à-dire l’objet fabriqué généralement en usine qui répond à une certaine destination et utilité. La réalisation d’objets fait appel à un système de production qui regroupe un ensemble d’activités, permettant d’accomplir une tâche qui satisfait des besoins à la fois qualitatifs et quantitatifs. L’ouvrier réalise cette action de production en tant qu’exécutant. Il n’est pas l’inventeur, ni le créateur de l’objet mais simplement la main d’œuvre, le producteur. Il est donc à différencier de l’artisan puisque celui-ci manie les idées, la création, la fabrication et la commercialisation lui-même. C’est l’une des raisons pour laquelle on rapproche difficilement le travail de l’ouvrier et de son objet produit à celui de l’art. Etant donné qu’il n’y apporte aucune intention personnelle mais il accomplit seulement son travail, sa besogne. Alors que l’on considère aisément le travail artisanal voisin de celui de l’artiste. Puisque l’artisan prend part personnellement à la conception et à la réalisation de son objet. Il est d’ailleurs le plus souvent unique. C’est un travail délicat à long terme qui demande de la dextérité et de la patience. L’ouvrier quant à lui, produit l’objet dans une entreprise, une usine à l’aide d’outils, de machines pendant une durée de temps préalablement définie par l’employeur. La production découle de la demande. Ainsi lorsque la consommation augmente, elle provoque un changement dans la production de fabrication permettant un plus grand rendement.De cette façon, nous passons d’une fabrication individuelle à une exécution mécanique d’objet fait à la chaîne, en série pour davantage de bénéfice en quantité associant une économie de temps. C’est ce que l’on appelle la production en série qui passe par la méthode de reproduction d’objets ou de pièces. La reproduction est l’action par laquelle on produit une copie, c’est la représentation plus ou moins fidèle d’un original par la technique. Cette technique est aujourd’hui très variée : il peut s’agir de reproduction par la photocopie, par le moulage, ou sur bande vidéo pour ne citer que

Page 33: art industrie

33

quelques exemples utilisés dans le champ artistique. En industrie, le moule est largement utilisé pour faire couler du métal en fusion par exemple, réalisant des pièces en série dans les fonderies. C’est le plus souvent les sous-traitantes qui sont chargées d’une partie de la production par l’usine qui ensuite assemble et fabrique le produit fini. Elles s’occupent de fournir un grand nombre de pièces que l’on appelle « produits semi-finis ». Pour se faire de nombreuses pratiques de moulage servant à la reproduction en série sont utilisées (la résine, le moulage contact, l’infusion..).La question de la reproductibilité peut s’appliquer au champ artistique, elle implique une ressemblance entre deux objets. Les copies et les répliques de peintures ou les moulages de sculptures sont semblables à leurs modèles. Par ailleurs, la copie d’après les maitres joua un rôle fondamental dans l’enseignement artistique. Cette pratique permettait aux étudiants d’incorporer la connaissance et d’acquérir une solide technique dans la création. De plus, en dupliquant son œuvre avec ou sans variantes, l’artiste répond au succès de la demande tout comme l’ouvrier répondant à la hausse de commande.Cependant mes questionnements, ne se posent pas sur la reproduction en tant que diffusion. C’est-à-dire, la diffusion d’œuvres littéraires ou plastiques, comme propagation d’idée, de connaissance à l’aide de la duplication. Mais ce sont plutôt des interrogations autour de l’objet industriel généralement récupéré, en état de rejet par le consommateur que je cherche à reproduire pour lui faire subir plusieurs transformations. La méthode de la reproduction d’objets par le moule est largement utilisée dans ma pratique. Cette méthode industrielle que j’adapte à une technique artistique pose évidemment quelques questions : Quelle est la différence entre l’objet d’art et l’objet dit banal ? La multiplication de l’objet artistique comme l’objet industriel ne fait-il pas de lui un objet en perte de sens, de signifiant ? Arthur Danto dans La transfiguration du banal différencie largement l’objet artistique de l’objet banal (industriel entre autre) : « Lorsque l’on compare des paires d’entités indiscernables dont l’une est un simple objet et l’autre une œuvre d’art, on constate que leur différence réside dans le fait que l’œuvre d’art possède une structure intentionnelle, c’est-à-dire qu’elle est à propos de quelque chose, contrairement au simple objet qui se borne à être ce qu’il est. Cette structure intentionnelle n’appartient pas naturellement à l’entité artistique, mais lui a été imposée par un être humain, en l’occurrence l’artiste : une entité donnée est donc une œuvre d’art si elle incarne une intentionnalité artistique. »32 Ce premier pas de l’analyse consiste à distinguer les œuvres d’art des simples objets quotidiens.Finalement, selon Danto, il s’agit bien de différencier deux types d’objets : le banal de l’œuvre. Cette différence réside dans la signification, le sens de l’objet créé. L’œuvre d’art possède une structure intentionnelle, nous pouvons l’interpréter puisqu’elle est à propos de quelque chose. L’artiste souhaite par exemple dénoncer ou faire état des lieux de quelque chose au travers de son œuvre. Le producteur d’objet banal, quotidien ne peut en aucun cas apporter sa « touche » personnelle ou un élément singulier puisqu’il n’est pas engagé pour cela mais au contraire pour respecter des normes d’usages. D’après le philosophe et critique d’art américain, ce sont les intentions qui élèvent

32 La transfiguration du banal : une philosophie de l’art, Arthur Danto, traduction de l’anglais par Claude Hary-Schaeffer. Paris : Seuil, 1989, p.12.

Page 34: art industrie

34

l’objet banal au rang d’œuvre et donc qui le transfigurent. On parle ici, de transfiguration dans le sens de transformer ou porter un objet banal vers quelque chose d’inhabituel pour le confronter à un nouveau regard et créer du sens. Pour caractériser cette transfiguration, Danto prend en exemple deux objets indiscernables tels qu’un urinoir banal et un urinoir, retourné, signé et rebaptisé Fountain par Marcel Duchamp. L’objet présenté est extrait de la vie quotidienne, il n’a rien d’original parce qu’il est produit en série, il n’est pas unique. Cependant nous agissons différemment face à l’un et à l’autre. L’objet banal ne questionne pas, il est seulement utile. Alors que l’objet banal transformé en œuvre d’art par son déplacement dans le musée nous incite à penser, à nous questionner sur le statut de l’art. Duchamp perturbe ainsi notre vision habituelle de cet objet et sur ce qui fait une œuvre d’art. C’est en cela qu’il interprète et que nous interprétons l’urinoir-objet banal en urinoir-objet d’œuvre d’art. Son intention étant de faire disparaitre la valeur d’usage de l’objet et de le redéfinir dans un contexte artistique. De cette façon, l’objet banal devient original, permis par la réinterprétation de l’artiste et du regardeur dans l’espace muséal.D’après Jean Baudrillard dans Le système des objets, la consommation des signes33, tous les objets se veulent fonctionnels par leurs couleurs, leurs formes, leurs matériaux ou encore l’espace qu’ils occupent, le rangement qu’ils apportent. De cette façon, l’objet s’accomplit dans son rapport exact au monde réel et aux besoins de l’homme. L’exemple de l’objet ancien vient contredire la fonctionnalité de l’objet utile, banal puisqu’il est le souvenir, le témoignage d’un sentiment pour devenir quelque chose de plus qu’une simple fonction. Jean Baudrillard rejoint la réflexion d’Arthur Danto par rapport à cette idée de valeur symbolique que l’on peut donner à certains objets et que l’artiste donne à son œuvre. Il s’agit donc de mythologie, de transfiguration de l’objet dans le sens de vouloir transformer, dénoncer, montrer, se souvenir de quelque chose. De réaliser le mythe d’un objet ou de le sublimer par exemple.L’objet industriel est une source majeure pour de nombreux artistes puisque cet objet banal produit en série manque d’une intention, d’une « interprétation » pour reprendre le terme d’Arthur Danto. Ce manque n’existe pas dans l’œuvre d’art car elle n’est pas un objet qui est donné et qu’on peut voir de manière neutre mais elle est construite dans et par l’interprétation. Dans La transfiguration du banal, l’idée que l’on ne peut apprécier une œuvre d’art sans l’interpréter est un jugement très radical puisque l’interprétation n’est pas la seule façon de déterminer les caractéristiques d’une œuvre. Il y a aussi l’observation, la description neutre de l’œuvre qui permet de l’analyser mais c’est ici, d’autre questionnement que je ne souhaite pas détailler. Finalement, si l’on considère la différence qu’apporte Arthur Danto à propos des œuvres d’art et des objets banals, doit-on considérer que la reproduction d’objet ne peut pas s’appliquer à une démarche artistique ? En effet, l’objet quotidien, industriel, banal est reproductible pour satisfaire une masse consommatrice grandissante. Cette série d’objets consommables n’est qu’utilité. Alors que l’objet d’art, a une valeur symbolique conférée par son unicité. Mais qu’en est-il des œuvres reproductibles, des artistes qui utilisent des moyens de reproduction d’objets similaires aux méthodes industrielles ? Walter Benjamin, critique et historien d’art écrit en 1936 un texte court : L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique. Il s’agit d’un essai, vif et polémique où il affirme que les œuvres

33 Le système des objets : la consommation des signes, Jean Baudrillard, Paris : Gallimard, 1968.

Page 35: art industrie

35

d’art ont toujours été reproductibles « En principe, l’œuvre d’art à toujours été reproductible. Ce que des hommes avaient fait, d’autres pouvaient toujours le refaire. »34 Dans la première section, il définit ce qu’est la « reproduction technique » des œuvres d’art par opposition à la copie manuelle. Ce sont les techniques de fonte, d’empreinte, de gravure, d’imprimerie, de photographie et de cinéma par exemple. Il s’interroge par exemple sur les bouleversements qu’apporte l’apparition du cinéma : « La deuxième conséquence réside en cela qu’en n’exposant pas lui-même, directement sa performance au public, l’acteur de cinéma perd durant la représentation la possibilité, réservée à l’acteur de théâtre, d’adopter son jeu au public. Ce dernier se retrouve alors dans la situation d’un expert que ne dérange aucune espèce de contact personnel avec l’acteur. »35 Cette phrase souligne que le spectateur n’est plus en contact direct avec l’acteur de cinéma contrairement au théâtre. L’intermédiaire devient un appareil qui n’est autre que la caméra. Il faut cependant noter, que Walter Benjamin ne condamne pas entièrement les nouvelles techniques de reproduction : en parlant du cinéma « (…) le cinéma a eu pour effet d’approfondir l’aperception dans toute l’étendue du monde optique et aussi, désormais acoustique. Il faut entendre ici le terme Apperzeption dans son sens classique, à savoir une perception accompagnée de conscience.»36 Il est plutôt enthousiaste sur les possibilités qu’apportent les nouvelles techniques de reproduction. Dans un deuxième temps, Walter Benjamin soutient l’idée que l’œuvre d’art est caractérisée par son authenticité, son statut original, c’est-à-dire unique. Donc l’essor de la reproduction technique affecte le statut de l’œuvre d’art. La diffusion des reproductions affaiblit l’original. Au moment où se développe une reproductibilité technique, différente de la copie manuelle, il pointe le doigt sur la différence entre l’original et sa copie : « Encore manque t-il à la reproduction la plus parfaite, une chose : le hic et nunc [l’ici et le maintenant] de l’œuvre d’art – l’unicité de son existence au lieu où elle se trouve. »37 C’est-à-dire que l’aura d’une œuvre d’art se caractérise par son authenticité, c’est un objet irremplaçable puisqu’il n’est créé qu’une seule fois et à un moment précis. Rien ne peut être produit de la même façon, chaque moment est différent ainsi que chaque émotion, c’est en cela qu’il parle d’œuvre unique. De cette façon, la reproduction est toujours privée de l’aura, « trame singulière d’espace et de temps », qui s’attache à l’original. Le concept de « l’aura » est le lien entre le divin et l’œuvre d’art. Les conditions techniques de reproduction qui diffusent à volonté l’œuvre d’art ou l’objet dévalorisent l’aura de celle-ci, détachent l’objet reproduit du domaine de la tradition (culte, aura). Les masses jouent le jeu du mode de production capitaliste, en consommant avidement des reproductions d’objets qui aboutissent à standardiser l’unique. C’est donc d’après Walter Benjamin la fin de l’aura et un bouleversement des conditions de production et de réception de l’œuvre d’art dans une société qui répond à une commande de masse.On peut par ailleurs, revenir sur l’œuvre de Duchamp pour qui le ready-made existe déjà sous forme multiple avant d’être approprié et transformé en œuvre d’art par la sélection de l’artiste. En effet,

34 L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Walter Benjamin, traduit de l’allemand par Lionel Duvoy, Paris : Allia, 2012, p.14.35 Ibid. p.48.36 Ibid. p.73.37 Ibid. p.18.

Page 36: art industrie

36

il s’agit d’un objet courant, préfabriqué par l’industrie que sélectionne l’artiste mais qui existe en plusieurs exemplaires. Ce qui implique que le soit disant « original » peut être facilement remplacé, dupliqué s’il est perdu ou détruit puisqu’il a été manufacturé industriellement. Duchamp avait prévu cette situation puisqu’il a lui-même autorisé des répliques réalisées par d’autre personne. Cependant, c’est un processus qui semble lui échapper puisque certaines répliques ne sont pas tout à fait semblables à l’original : en 1950, il autorise Sidney Janis à présenter une réplique de Fountain trouvée dans un marché aux puces et malgré quelques différences mineures, il accepte de signer le duplicata. Alors que les répliques du galeriste italien, Arturo Schwarz en 1964, sont fabriquées avec l’accord de Duchamp à la main par un procédé de moulage traditionnel. Ainsi le principe même du ready made comme objet manufacturé, récupéré pour ensuite l’élever au rang de l’art s’inverse. En effet, les répliques de l’urinoir d’Arturo Schwarz ne sont pas le résultat d’un travail industriel mais bien semblables au travail d’un sculpteur traditionnel, utilisant la technique du moulage. A ce moment là déjà, la question de la réplique dans l’œuvre d’art montre toute sa complexité. Les répliques d’Arturo Schwarz sont le parfait exemple du contre ready made et du glissement qui peut échapper à l’artiste. Après la mort de Duchamp, la demande des répliques continua, tant de la part des musées que des collectionneurs qui ne sont évidement plus vérifiées et approuvées par l’artiste.

Les artistes du multiple

Je souhaite parler des techniques de reproductions utilisées dans les industries, que l’on peut appliquer à une démarche artistique et de faire un lien entre la manière de produire un objet manufacturé et celle de fabriquer une œuvre. Ce rapprochement me semble intéressant car lorsque l’objet industriel a rencontré le monde artistique, notamment avec Duchamp, celui-ci a soulevé des questionnements sur le mode de fabrication. Une œuvre d’art peut-elle être produite de la même façon qu’un objet industriel en série et si oui, quel sens cela génère-t-il ?Dés les années soixante, l’objet-marchandise est vendu à la société par le langage publicitaire et les médias. Ainsi, de nombreux artistes comme Andy Warhol, artiste du Pop Art américain, se tournent vers de nouvelles formes de culture populaire : la publicité, les stars de cinéma. Le plus souvent, il s’agit pour ces artistes de faire une critique et d’insuffler une méfiance vis-à-vis de cette société devenue elle-même marchandise mais cela peut être aussi l’occasion de la célébrer. Andy Warhol reproduit à l’infini de façon identique l’image publicitaire par le procédé de la sérigraphie. C’est une technique utilisée dans l’industrie publicitaire qui permet de reporter mécaniquement une image. On peut également imprimer des couleurs vives sur différents supports tel que le plastique, le tissu, le carton, la toile et le papier. Avec cette technique du multiple, il transpose l’image publicitaire, la marque, ou encore la star dans le domaine du banal. En effet, c’est l’accumulation de la même image qui vient annuler l’importance de l’image d’origine. C’est donc, à l’inverse de Duchamp qui fait entrer l’objet du quotidien dans le champ de l’art, le moyen pour Warhol de faire de l’objet d’art un objet banal qui n’est même plus signé. De cette façon, la

Page 37: art industrie

37

reproduction en série d’objets ou d’images de marques devient une nouvelle esthétique qui est le miroir d’une société très consommatrice. Le sujet le plus important de l’artiste est la conscience commune, c’est-à-dire ce qui d’une manière générale est connu par tout le monde à ce moment là. La plupart des personnes ont accès à la télévision, aux magazines et donc à la vie des stars. Or, Warhol souhaite montrer que l’icône, la star n’est qu’une image et même l’image d’une image, qu’elle n’est qu’un objet de consommation. Ten Lizes38, 1963 est constituée de deux bandes de cinq portraits identiques de l’actrice américaine Elisabeth Taylor. Dans cette œuvre, l’image de la star est traitée comme un simple objet puisqu’elle est reproduite plusieurs fois de la même manière que la production d’un bien de consommation standard. Ainsi, l’unicité s’annule face à la multiplication d’une même image, faisant tomber les icônes du cinéma dans le domaine du banal. Warhol utilise une image de l’actrice vielle de quatre ans à l’époque du tournage de Soudain l’été dernier par Joseph.L Markiewicz. Au moment de la réalisation de la sérigraphie en 1963, le film Cléopâtre sort au cinéma, l’actrice est acclamée par son public malgré ses problèmes de santé et la succession de scandale dans sa vie privée. L’utilisation d’une image de son passé fige l’actrice au mieux de sa forme et fait abstraction d’une période difficile ou elle n’était plus la même icône de beauté. Comme pour la plupart de ces autres sérigraphies, il joue avec les hasards de la technique : traces de raclette, bavures de peinture, image saturée. La répétition de la même image est comme un clin d’œil à la production de masse, de la chaîne industrielle de montage. Les raccords irréguliers entre les portraits sont comme les bavures des objets moulés en série. Le Pop art américain n’est pas un mouvement à proprement parler mais ce sont des artistes qui se rejoignent sur une même cohérence de travail. On pense par exemple à Claes Oldenburg ou Roy Lichtenstein qui ont un intérêt commun pour l’objet ordinaire. Andy Warhol emprunte réellement la technique mécanisée de l’industrie pour reproduire une image. Et il va encore plus loin avec la Factory qui est un grand atelier à New-York où ses assistants et lui-même travaillent. L’image de l’artiste travaillant seul dans son petit atelier est donc révolue. Le lieu de création artistique est organisé comme le lieu de travail en usine. Campbell’s Soupe Cans39 est une œuvre composée de trente-deux peintures représentant chacune les boites de soupe de marque Campbell. Chaque peinture est réalisée avec le moyen de la sérigraphie pour se rapprocher des moyens de production industrielle dans lesquels sont produites les véritables boites de soupe. Il faut replacer le contexte de l’époque comme je l’ai dit précédemment, caractérisé par les Trente Glorieuses où la facilité de consommer par la société, entraîne une surconsommation.Il n’est bien sûr pas le seul artiste à questionner le concept de la reproductibilité de l’œuvre ni même à utiliser des outils issus ou influencés par le monde industriel. J’ai choisi d’étudier le travail d’Allan McCollum, issu également de cette culture du multiple et de la copie a aussi enrichi mon travail et mes réflexions. Celui-ci, crée des séries d’objets-sculptures dupliqués par le traditionnel système du moulage. Consistant en un marquage d’une forme originale sur un support qui peut être le plâtre, le ciment, la résine et bien d’autre encore pour ensuite faire plusieurs tirages. C’est finalement, un moyen mécanique pour obtenir des formes identiques. Cependant, le moulage qui

38 Ten Lizes, Andy Warhol, toiles sérigraphies, 5,65 X 2,01 m, 1963; voir icônographie pages 28-39.39 Campbell’s Soupe Cans, Andy Warhol, 1962, 51 x 41cm, toiles sérigraphies.

Page 38: art industrie

38

est une technique ancestrale de production, fait appel à des manipulations longues et délicates qui l’oppose à l’objet fabriqué industriellement. De plus, la répétition ne lui sert pas à fabriquer des objets semblables et cette nuance me semble des plus intéressantes. En effet, les objets sont différents par leurs combinaisons d’éléments ou par leurs couleurs alors qu’ils sont créés à partir d’un même moule. Il ne fabrique jamais deux objets semblables pour la même série. Il réalise tout lui-même avec ses assistants, rien n’est fabriqué de façon industrielle. Allan McCollum est attiré par la production d’objets manufacturés. Pour l’artiste, la copie n’est pas le seul fait de la production industrielle, Il s’intéresse donc à l’organique puisque la nature elle-même fonctionne par série et par copie. Ce rapprochement entre la copie naturelle et l’œuvre d’art lui permet de mettre en avant la complexité de nos rapports au monde. Dans Individual Works40 il s’agit d’une œuvre constituée environ de trente mille pièces d’apparence identique mais différentes en réalité. Ce sont de petits objets ménagers comme des outils de cuisine moulés, réalisé en gypse à partir d’un assemblage de moules. Il opère donc des milliers de combinaisons mais sans jamais les répéter. « Pour moi, faire des copies d’après un moule me fait penser à tenter sans cesse de faire revenir quelque chose qui était là mais qui n’existe plus (...) on remplit de plâtre, on retourne le moule et on dirait l’original, mais pas vraiment. Alors on recommence, et encore, et encore ».41 Cette réflexion montre l’importance pour Allan McCollum vers les notions du souvenir, de la mémoire dans son œuvre. C’est à l’objet comme fragment de notre vie auquel il s’attache. Jean Baudrillard dans Le Système des objets : la consommation des signes42 parle de ces objets auxquels on attache un souvenir. Allan McCollum tente de retrouver un passé, un souvenir rattaché à l’objet en opérant à une multitude d’opérations visant la reproduction en très grande quantité.The Shapes Project43, 2005 est une manière d’apporter la possibilité au public, à l’individu de créer des formes établies par l’artiste pour ensuite avec un jeu de combinaison, créer son propre objet. Il s’agit d’un système permettant de générer plus de trente et un milliards de formes différentes, à partir des combinaisons de six groupes d’éléments types. Chaque forme est destinée à un individu permettant à tous de posséder sa propre forme. The Book of Shapes est une publication datant de 2010 provenant du projet The Shapes Project constitué de deux volumes contenant tous les patrons puis le mode d’emploi pour réaliser les combinaisons possibles. On peut donc posséder l’une de ses formes pour créér une combinaison dans un matériau et une technique qui ne sont pas imposés par l’artiste (en la photocopiant ou en la fabriquant avec de la terre pour générer un volume par exemple). Finalement, cette œuvre ouvre plusieurs réflexions puisqu’il y a la volonté de rendre accessible à tous la possibilité de créer son œuvre d’art donc de distribuer à grande échelle. On est bien ici, dans un système de fabrication industrielle qui produit à grande ampleur. Cependant, l’artiste tend à créer une individualité dans cette méthode de production de masse. Effectivement, on compte des formes différentes en milliards et six groupes d’éléments types issus d’un même moule mais pas tout à fait identique.

40 Individual Works, Allan McCollum, gypse, quantité variable, 1987-1989; voir icônographie pages 40-41.41 Entretien extrait de deux conversations entre Allan McCollum et Thomas Lawson en 1992, propos recueilli dans le catalogue d’exposition en 1998 à Villeneuves- d’Ascq, Musée d’art moderne de Lille Métropole, p.31.42 Ibid.43 The Shapes Project, Allan McCollum, vue de l’installation à la Friedrich Petzel Gallery de New York, ensemble de 7056 impressions digitales uniques encadrées, 10,8 x 14 cm/pièce, 2006; voir icônographie page 42.

Page 39: art industrie

39

Pour terminer, je souhaite revenir sur une pièce en particulier de Simon Starling dont j’ai évoqué l’œuvre au début de ma recherche. Je rappelle que celui-ci mêle à la fois l’idée du voyage comme processus créatif aux techniques de production et de reproduction. L’histoire des doubles du bureau de Three White Desks44 (2008-2009) sont le parfait exemple des notions de voyage, de récit et de reproduction. Pour cette pièce, l’artiste est mis au courant que Patrick White regrette de ne plus posséder son bureau dessiné par Francis Bacon dans les années 1930 et qu’il a lui même commandé une copie d’après une photographie mais cette copie ne le satisfait pas. Simon Starling qui entend cette histoire, décide de scanner le cliché en 30 Mo et de donner le fichier en question à un ébéniste en Allemagne pour procéder à une nouvelle copie du bureau. Ensuite, cette copie est photographiée puis l’image transmise par téléphone portable en 84 Ko à un autre ébéniste en Australie. Il s’agit donc de la reproduction d’une reproduction du bureau. Puis une troisième copie est réalisée par un menuisier à Londres à partir d’une photographie envoyé par mail en 100 Ko de cette deuxième copie. C’est donc la reproduction d’une reproduction d’une reproduction du bureau conçu à l’origine par Francis Bacon. Les trois meubles obtenus sont exposés chacun sur sa caisse de transport par Simon Starling. Le résultat est étonnant puisque les trois reproductions sont différentes les unes des autres. Le procédé numérique comme outil de reproduction provoque une perte d’informations, une perte de qualité : les dimensions, les couleurs, l’assemblage, la texture ne sont pas les mêmes puisque la transmission numérique n’est pas toujours de bonne qualité. Finalement, l’artiste se nourrit de l’objet industriel comme médium puis il se nourrit des méthodes de fabrication qu’il applique à une fabrication artistique. Les quelques exemples de Warhol qui utilise les techniques mécanisées de l’industrie pour créer une image artistique montrent l’intérêt évident pour l’artiste d’associer la pratique industrielle a celle de l’art. Allan McCollum à recours également aux moyens de production industrielle avec la copie des ces pièces même s’il en détermine toujours des différences entre elles. Une fois l’objet et les méthodes de production industrielle utilisées, que reste t-il du statut de l’artiste ? Lui-même peut modifier son statut en devenant un travailleur à part entière, régi par les mêmes obligations de travail.

44 Three White Desks, Simon Starling, bois, peinture, vernis, acier inoxydable, acier chromé, caisses de transport, 2260 x 762 x 590 mm, 1800 x 750 x 600 mm et 1468 x 734 x 680 mm, vues de l’exposition du MAC/VAL, 2008-2009; voir icônogra-phie page 43.

Page 40: art industrie

40

Ten Lizes, Andy Warhol, toiles sérigraphiées, 5,65 X 2,01 m, 1963.

Page 41: art industrie

41

Page 42: art industrie

42

Individual Works, Allan McCollum, gypse, quantité variable, 1987-1989.

Page 43: art industrie

43

Page 44: art industrie

44

The Shapes Project, Allan McCollum, vue de l’installation à la Friedrich Petzel Gallery de New York, ensemble de 7056 impressions digitales uniques encadrées, 10,8 x 14 cm/pièce, 2006.

Page 45: art industrie

45

Three White Desks, Simon Starling, bois, peinture, vernis, acier inoxydable, acier chromé, caisses de transport, 2260 x 762 x 590 mm, 1800 x 750 x 600 mm et 1468 x 734 x 680 mm, vues de l’exposition du MAC/VAL, 2008-2009

Page 46: art industrie

46

Un nouveau statut pour l’artiste

L’entreprise d’artiste

La rencontre entre l’art et l’industrie a introduit l’usage de l’objet manufacturé par les artistes comme un nouveau matériau subissant ou non des transformations. Le milieu industriel enrichit ainsi le lexique artistique puisqu’il lui apporte de nouvelles formes de création, je pense notamment aux méthodes de production en série appliquées à l’œuvre d’art. Après avoir montré que l’objet industriel et que la façon de fabriquer ont bouleversé le travail de l’artiste, j’aimerais aborder le statut de l’artiste. de questionner la situation de l’artiste devenant un travailleur, exécutant une tâche semblable à l’ouvrier : de quelle façon le statut de l’artiste change-t-il ? Dans mon travail, j’essaie de créer des rapprochements entre le travail de l’ouvrier et celui de l’artiste. La source de mon travail vient du milieu industriel que je côtoie régulièrement en tant qu’employée. Je développe également une pratique artistique dans le cadre de mes études. Je cherche donc à rendre visible les déplacements que j’effectue. J’entends par déplacement, le lieu industriel qui vient nourrir un travail plastique et un travail plastique qui retourne dans ce lieu pour se nourrir davantage; ou encore l’utilisation du matériel industriel que j’applique à une démarche artistique.La notion d’artiste entrepreneur apparaît pour copier le modèle de l’entreprise. Ce modèle d’organisation de travail est soit un véritable engagement de la part de l’artiste, soit un moyen de tourner ce système en dérision. Cette partie questionne l’appropriation par les artistes du modèle de l’entreprise : son nom, son statut, sa marque identitaire, son mode de fonctionnement, ses stratégies commerciales ou encore sa production. Comment ont-ils investi ce champ ou ce lexique d’entreprenariat a priori bien éloigné des attributions du monde artistique ? Depuis les années 1960, une mouvance voit le jour où il s’agit pour les artistes d’intégrer la structure entrepreneuriale à leur travail, ce qui transforme leur relation à l’environnement. Je pense par exemple, à l’artiste Iain Baxter qui fonde en 1966 IAIN BAXTER& inscrivant le geste artistique dans le monde des affaires, le monde du business devenant un matériau de travail. Ainsi, on peut constater l’intégration de l’expérience entrepreneuriale dans la pratique de l’art. Cet artiste conceptuel crée une véritable structure artistique sous le modèle de l’entreprise, en faisant de l’art une entreprise et de l’artiste un entrepreneur. Il utilise dans sa production artistique le langage, les signes et les images dans

Page 47: art industrie

47

le même sens qu’une entreprise. Il adapte ainsi sa pratique artistique au monde des affaires avec logo, papèterie officielle, installe sa firme dans la National Gallery of Canada à Ottawa avec des bureaux, secrétaires et toutes autres installations du monde du travail. Iain Baxter&45 est une photographie de l’artiste tenant un module qui représente le logo de son entreprise. Son œuvre est constituée essentiellement de photographies, le moyen le plus simple pour divulguer un message et une image très rapidement à la société. De nombreux artistes se sont professionnalisés et constituent à eux seuls de véritables mini-entreprises. L’usage d’un nom de marque permet à l’artiste de donner du poids à son projet artistique et de trouver dans cette posture une forme d’abri. Dans le colloque de Katia Schneller et Vanessa Théodoropoulou46 qui à eu lieu en mai 2011, il est question des noms, des termes, des mouvements utilisés pour qualifier l’art utilisé depuis 1945 et qui prédit le changement du statut d’artiste. Ces courants regroupent des artistes sur certains critères communs, le plus souvent élaborés par des instances extérieures comme des critiques d’art par exemple lesquels rassemblent des artistes sous un même nom, un même mouvement et ce malgré le refus des artistes. Ainsi, le nom fonctionne comme une marque que le marché et les institutions muséales s’approprient. Cependant, Vanessa Théodoropoulou met en évidence qu’a partir des années 1960, certaines appellations sont délibérément choisies par les artistes permettant de former un groupe, un manifeste pour s’exprimer ensemble. Ils choisissent donc de travailler ensemble et d’adopter un nom commun. Cette nouvelle organisation questionne les moyens de production et de diffusion. En effet, l’artiste singulier n’existe plus, il ne produit plus seul mais avec son groupe. L’œuvre appartient à un ensemble, à plusieurs propriétaires. L’entreprise artiste devient une structure porteuse qui représente et met en valeur le travail proposé. C’est donc employer les mêmes stratégies de communication qu’une entreprise. Pour ce faire, l’artiste fait parler de lui ou de son entreprise d’artiste en investissant le champ de l’art par une omniprésence sur internet ou dans les médias, comme une sorte de publicité. Le nom, le logo, la marque l’entreprise d’artiste permettent la diffusion. Il s’agit donc de l’art comme entreprise.On peut de nouveau citer Andy Warhol, pour qui l’utilisation des marques et autres symboles de la société de consommation accèdent au répertoire icônographique de l’art tout en étant liés à l’économie de marché. En concevant son atelier comme une « usine », il s’approprie la logique industrielle et l’applique à sa production d’images en série. A partir de 1974, son lieu de travail sera connu comme « the office » (le bureau), montrant un glissement qui fait de l’artiste un entrepreneur à la tête de Andy Warhol Entreprises. Dans son livre Ma philosophie de A à B et vice versa, il commente en 1975 le business art [« art des affaires »] : « L’art des affaires est l’étape qui succède à l’art. J’ai commencé comme artiste commercial, et je veux finir comme artiste d’affaires. […] Faire de bonnes affaires, c’est l’art le plus fascinant […] faire de l’argent est un art, travailler est un art, et les bonnes affaires sont le plus beau des arts. »47 Par conséquent, l’artiste remplit les trois grands secteurs économiques : le secteur primaire qui concerne l’exploitation de la matière, le

45 Iain Baxter&, Villa Arson, 2006.46 Au nom de l’art : enquête sur le statut ambigu des appellations artistiques de 1945 à nos jours, sous la direction de Katia Schneller et Vanessa Théodoropoulou. Paris : Publication de la Sorbonne, 2013.47 Propos recueilli dans Andy Warhol d’Arthur Danto, Paris : Les Belles Lettres, 2011, p.125.

Page 48: art industrie

48

secteur secondaire qui se rapporte à la transformation de la matière puis enfin le secteur tertiaire qui regroupe des actions de service tel que l’administration par exemple. L’artiste crée, invente, travaille avec son imagination, c’est donc sa matière première. Ensuite, il exploite son idée, procède à la réalisation de la matière première par la transformation de celle-ci. De la même façon que le secteur secondaire, Andy Warhol fait exécuter la réalisation de son œuvre par ses assistants. Puis enfin, il est lui-même acteur du secteur tertiaire marchand puisqu’il est lui-même son entreprise, son vendeur, son administrateur. Il faut noter que les entreprises d’artistes évoluent pour la plupart dans une zone de faible visibilité marchande, ne s’installant pas réellement dans l’économie. Pour en revenir également à Marcel Duchamp avec ses ready mades, qui désacralise l’acte créatif et confronte l’œuvre d’art au produit industriel. Celui-ci cherche à assumer le rôle d’agent économique, en créant des documents financiers, le Tzanck Check48 chèque par exemple, qui confère à l’artiste le pouvoir de se substituer à une institution financière. A court d’argent, il propose de payer son dentiste, également collectionneur avec un chèque fait par lui-même en promettant sa valeur s’il le conserve. Le chèque, fabriqué à la main, servira à payer ses services. Pour le rendre recevable, Duchamp s’invente alors une institution financière, « The Teeth’s Loan & Trust Compagny Consolidated of New York », entité fictive. Finalement, ce n’est qu’une fiction et son chèque un geste artistique, cependant le concept donne la possibilité à l’artiste de prendre en main son économie. C’est ici l’inverse du ready-made puisqu’il ne s’agit pas d’un produit industriel devenant de l’art par le choix de l’artiste mais plutôt de transformer un dessin en monnaie. Cette œuvre est « l’imitation d’un ready made rectifié », un travail qui reproduit la production en série des véritables chèques. La question de la production est intéressante à soulever puisque si toute œuvre est création, elle est aussi production (une œuvre est un objet, un objet que l’on produit). Ces artistes entrepreneurs qui se veulent à la fois producteurs et créateurs tentent de ne plus dissocier ces deux termes « production » et « création ». C’est ainsi que les codes productivistes sont utilisés dans leurs pratiques artistiques et l’importance du geste opératoire. Ce lien avec la production installe donc l’artiste dans une nouvelle situation. Finalement, l’artiste entrepreneur ou encore l’artiste prestataire fournissant un service, un bien de consommation par exemple, imite seulement le statut d’entrepreneur ; en important dans le champ de l’art des pratiques qui sont d’ordinaire celles de l’univers de la production et de la gestion économique comme Marcel Duchamp avec Tzanck Check. Ou alors, l’artiste devient un authentique entrepreneur en prônant la valeur du travail comme un investissement, un accomplissement de soi. Dans le sens où l’économie est devenue dans notre société contemporaine le principal moteur de l’activité humaine et de notre quotidien. Nous avons besoin de travailler pour répondre à notre dépendance en biens de consommation mais aussi pour obtenir une reconnaissance sociale.

48 Tzanck Check, Marcel Duchamp, 1919, encre sur papier, 21 x 38.2 cm; voir icônographie page 52.

Page 49: art industrie

49

Portrait de l’artiste en travailleur

Je souhaite présenter dans cette partie le travail de trois artistes : Benjamin Sabatier, Ali Kazma et Conrad Bakker qui selon moi agissent sur le terrain des travailleurs. A eux trois, ils explorent de façon différente le rapport que l’homme entretient avec le travail : soit comme labeur, travail ennuyeux confondu dans la répétition où alors le travail comme manière d’être, c’est-à-dire comme investissement de soi. Hannah Arendt dans La Condition de l’Homme moderne49, met en évidence trois notions : le travail est l’activité qui correspond au processus vital du corps humain puisqu’il concerne tout ce qui est nécessaire à la consommation : « Le travail est l’activité qui correspond au processus biologique du corps humain, dont la croissance spontanée, le métabolisme et éventuellement la corruption, sont liés aux productions élémentaires dont le travail nourrit ce processus vital. La condition humaine du travail est la vie elle-même. »50 Le travail nourrit donc le corps et l’esprit de l’homme pour devenir un consommable essentiel à la vie de celui-ci. A contrario, la création d’œuvres est l’acte par lequel l’homme rend le monde habitable, en le modifiant par des objets qui vont le « décorer », non consommables : « L’œuvre fournit un monde « artificiel » d’objets, nettement différent de tout milieu naturel. C’est à l’intérieur de ses frontières que se logent chacune des vies individuelles, alors que ce monde lui-même est destiné à leur survivre et à les transcender toutes. »51 L’œuvre appartient donc au champ du durable puisque ce sont des objets dont on fait usage mais que l’on ne consomme pas contrairement aux produits du travail de nature périssable. Le travail artistique est donc « œuvre » d’art. Enfin, l’action représente l’ensemble des actes de l’homme libre, de montrer à ses semblables qui il est, notamment par la philosophie, l’histoire ou encore la politique. Selon Hannah Arendt, l’action est reliée à la parole révélant l’homme comme celui qui initie et régit le monde qu’il entreprend : « L’action, la seule activité qui mette directement en rapport les hommes, sans l’intermédiaire des objets ni de la matière, correspond à la condition humaine de la pluralité, du fait que ce sont des hommes et non pas l’homme, qui vivent sur terre et habitent le monde. Si tous les aspects de la condition humaine ont de quelque façon rapport à la politique, cette pluralité est spécifiquement la condition – non seulement la conditio sine qua non, mais encore la conditio per quam – de toute vie politique. »52 Arendt, souligne que le travail n’a de valeur que par son résultat, à condition que ce résultat soit œuvre. Or la société de consommation, au lieu de célébrer les œuvres, célèbre la gloire des objets de consommation, appelés à disparaître et à être indéfiniment reproduits. Certes, produire des œuvres implique du travail, mais une activité de travail véritablement créatrice et non pas seulement la répétition de tâches productrices.En plus de l’ouvrage d’Hannah Arendt, j’ai choisi de faire référence au Capital53 de Marx qui apporte également des informations et matières à réflexions sur le monde du travail. Il définit entre autres, de la même manière qu’Hannah Arendt, l’objet produit par le travail comme marchandise. Celle-ci détient une valeur d’usage puisqu’elle répond aux besoins utile de l’homme mais aussi une valeur

49 La condition de l’homme moderne, Hannah Arendt, traduit de l’anglais par Georges Fradier, Pocket Agora, 2002.50 Ibid. p.41.51 Ibid. p.41.52 Ibid. p.41-42.53 Le Capital, Livre I à IV, Karl Marx, traduction de J.Roy, ed. Flammarion, 2008.

Page 50: art industrie

50

d’échange produit par la force de travail par tiers personne : « La marchandise est d’abord un objet extérieur, une chose qui par ses propriétés satisfait des besoins humains de n’importe quelle espèce. Que ces besoins aient pour origine l’estomac ou la fantaisie, leur nature ne change rien à l’affaire. » ; « Métamorphosés en sublimés identiques, échantillons du même travail indistinct, tous ces objets ne manifestent plus qu’une chose, c’est que dans leur production une force de travail humaine a été dépensée, que du travail humain y est accumulé. En tant que cristaux de cette substance sociale commune, ils sont réputés valeurs. » ; « Pour produire des marchandises, il doit non seulement produire des valeurs d’usage, mais des valeurs d’usage pour d’autres, des valeurs d’usage sociales. Enfin, aucun objet ne peut être une valeur s’il n’est une chose utile. S’il est inutile, le travail qu’il renferme est dépensé inutilement et conséquemment ne crée pas de valeur. »54 La critique de Marx dans le Capital repose sur les conditions sociales et économiques de l’organisation du travail. Il dénonce le mode de production capitaliste dans lequel le travail de l’ouvrier est déshumanisé et déshumanisant : « Dans la manufacture et le métier, l’ouvrier se sert de son outil ; dans la fabrique il sert la machine. Là, le mouvement de l’instrument de travail part de lui ; ici il ne fait que le suivre. (…) En même temps que le travail mécanique surexcite au dernier point le système nerveux, il empêche le jeu varié des muscles et comprime toute activité libre du corps et de l’esprit. La facilité même du travail devient une torture en ce sens que la machine ne délivre pas l’ouvrier du travail mais dépouille le travail de son intérêt. »55 Il pointe donc du doigt un travail bien précis qui est celui du travail à la chaîne notamment. « Si la machine est le moyen le plus puissant d’accroître la productivité du travail, c’est-à-dire de raccourcir le temps nécessaire à la production des marchandises, elle devient comme support du capital, dans les branches d’industrie dont elle s’empare d’abord, le moyen le plus puissant de prolonger la journée de travail au-delà de toute limite naturelle. »56 Aujourd’hui, dans l’art contemporain des initiatives se multiplient pour revaloriser l’action de travailler. L’artiste en personne est également un travailleur et de cette façon, la distinction entre l’œuvre et le travail d’Hannah Arendt est obsolète. Selon l’expression d’Ali Kazma « (…) le travail de production est le lieu du travail dans lequel le rapport de l’homme à lui-même est le plus nu. »57 Les vidéos d’Ali Kazma s’appliquent à inventorier les lieux de travail, il démarche les usines ou même les petits ateliers de fabrication pour filmer l’homme au travail. Il passe donc par le travail du petit horloger dans son atelier privé à celui de l’ouvrier travaillant à la chaîne. L’artiste souhaite montrer les manières de travailler et les conditions de l’activité humaine d’aujourd’hui. Il ne travaille pas dans une démarche dénonciatrice mais plutôt démonstrative d’un travail comme une action dans le même sens que l’entend Hannah Arendt. Il filme seul, sans mise en scène sans aucune image en studio, sans lumières ajoutées, seulement celles du lieu de travail. Il estime nécessaire de s’immerger dans l’intimité des milieux auxquels il s’intéresse, pour en percevoir les fonctionnements le plus naturellement. L’artiste filme pendant de nombreuses heures pour ne conserver au final qu’une dizaine de minutes. Kazma s’intéresse au travail sur le corps, au moment où celui-ci devient

54 Ibid. p.57-60-63.55 Ibid. p.449-450.56 Ibid. p.430.57 Propos recueilli par Barbara Polla et Paul Ardenne dans Working Men, art contemporain et travail 2009.

Page 51: art industrie

51

objet. La machine est un intermédiaire entre l’homme au travail et l’objet sur lequel il s’emploie, la machine crée donc une mise à distance entre le fabriquant et son objet. C’est en cela que Karl Marx parle de travail déshumanisé. Les vidéos de l’artiste montrent la concentration d’une multitude de tâches et la fatigue des gestes opérés par l’ouvrier. Dans Household Goods Factory58 il s’agit de l’enchaînement des gestes du travailleur en usine avec une précision extrême, la coordination des machines, le travail lisse et régulier. La vidéo ne montre aucune esthétisation du travail en chaîne mais fait un constat, comme une sorte de documentaire, de montrer un savoir-faire la manière la plus neutre. Le nouveau statut de l’artiste entrepreneur, de l’artiste travailleur problématise le concept de production. En effet, les artistes qui traitent de ce sujet sont à l’origine d’œuvres créés en reprenant les codes productivistes initiés par l’industrie. C’est donc un moyen de questionner la place du travail artisanal dans l’œuvre, qui peu à peu disparaît pour tendre vers le monde productiviste. L’artiste Conrad Bakker se plaît à refaire des objets courants « Dans mon travail artistique, je cherche à comprendre et à révéler les relations existant entre les personnes et les choses, en réalisant et en peignant des copies d’objets existants. »59 Cet artiste propose donc des sortes de « remake » d’objets de consommation usuels comme les livres et les magazines par exemple. Ainsi la confusion est semée entre la réalité et le caractère factice de l’objet créé. Cette volonté de reproduire de façon grossière un objet (le plus généralement en bois et peinture pour donner un semblant de réalité), le rapproche véritablement de la technique artisanale. Conrad Bakker tente de faire le contre-pied de l’objet industriel multiplié et en perte d’identité. De plus, la machine est un intermédiaire entre l’homme au travail et l’objet sur lequel il s’emploie. La machine crée donc une mise à distance entre le fabriquant et son objet. C’est en cela que Karl Marx parle de travail déshumanisé. Par ailleurs, le client lui même ne sait plus par qui et dans quelle condition son bien est fabriqué. Pour faire un clin d’œil aux idées de Marx, l’artiste inspiré par le Capital, réalise de ce livre une copie en bois peint et le met en vente sur eBay. Finalement, l’artiste se charge d’une reproduction à la main d’objets réalisés à la chaîne et en grande quantité. Ce contraste marque son engagement à vouloir redonner une place, une identité à l’objet industriel. Dans la série Untitled Project : Librairie Genève60 il s’agit de la photo d’une sélection de livres réalisés en bois peints de façon réaliste à l’échelle 1 : 1 reproduisant à l’identique le modèle d’origine. La présentation de ses sculptures-peintures reprend le modèle d’une librairie où les visiteurs et les clients peuvent regarder et acheter les livres disponibles. L’artiste confond le lieu d’exposition où l’on peut regarder ses sculptures-peintures au lieu de consommation personnifié par l’espace de la librairie. C’est aussi les rôles qui se confondent entre l’acheteur, le consommateur et le spectateur, l’amateur d’art. Finalement, la notion du DIY : Do it yourself (faire par soi-même - bricolage) se retrouve dans la pratique de Conrad Bakker qui imite l’objet industriel en le fabriquant lui-même pour se le réapproprier. C’est aussi une façon de répondre à la déshumanisation que provoque la production mécanique d’objet industriel car l’objet de l’artiste est imparfait et ses strates de création visible.

58 Household Goods Factory, Ali Kazma, vidéo, 12min, 2008; voir icônographie page 54.59 Propos recueilli par Barbara Polla et Paul Ardenne dans Working Men, art contemporain et travail 2009.60 Untitled Project : Librairie Genève, Conrad Bakker, peinture à l’huile sur bois sculpté, dimensions variables, 2010; voir icônographie page 55.

Page 52: art industrie

52

Pour l’artiste Benjamin Sabatier, le DIY est une pensée en devenir car c’est en premier lieu, un moyen de réduire les coûts, mais aussi une manière de proposer une alternative à la production de masse. L’inquiétude principale de cet artiste est de rendre accessible son travail. Il fonctionne donc avec des objets et des matériaux associés à des procédures et des gestes que l’on côtoie régulièrement pour créer une esthétique du quotidien. Il fonde en 2001 son entreprise IBK (International Benjamin’s Kit) provenant d’un travail in situ qu’il ne pouvait diffuser comme le terme l’indique, qu’une seule fois. Il a donc conçu un système de reproduction inspiré des Kits telle que chez IKEA avec des notices de montages pour refaire soi-même son œuvre : Kit IBK- DIY 1361.61 La pensée traditionnelle fait de l’œuvre d’art un objet qui n’a pas réellement de fonction utilitaire. L’œuvre d’art n’a donc pas de valeur d’usage. Cependant, Benjamin Sabatier intègre ces questions à son travail en réalisant des kits d’assemblage. L’œuvre est utilisée par l’acheteur au sens strict de son terme. L’œuvre d’art devient donc une réelle marchandise, consommable puisque l’utilisateur peut une fois monté, jeter l’œuvre. Par ailleurs, l’œuvre en Kit répond totalement aux conditions de marchandisation puisqu’il se présente sous forme de boite légère et de taille réduite. Faisant d’elle un élément facilement transportable et un prix de production très faible donc très rentable. La mondialisation a complètement transformé les concepts d’art et de travail. Benjamin Sabatier intègre les concepts et les attributs propres à la marchandise à son œuvre pour adopter une posture critique. La notion de travail comme rapport d’un geste (le corps) à une matière (un outil) est également présent dans sa démarche artistique : 35 Heures de travail62 est une performance ou l’artiste taille des crayons sept heures par jour pendant cinq jours. Il s’agit de s’approprier un lieu car chaque jour la performance change l’espace de travail par des gestes répétitif et non productif. C’est la force de travail et l’aliénation du travail répétitif qui est représenté dans cette œuvre. Mais c’est aussi questionner la place de l’artiste au travail et la reconnaissance sociale de l’artiste : « En se confrontant continuellement à leur contexte d’énonciation, mes différents projets artistiques ont pour visée d’être compris comme de véritables gestes politiques. »63

61 Kit IBK- DIY 1361, Benjamin Sabatier, 2006, série spéciale Biennale de Paris, Boite en carton, manuel de montage, marteau, clous et patron; voir icônographie page 56.62 35 Heures de travail, Benjamin Sabatier, Palais de Tokyo, 2002; voir icônographie page 57.63 Propos recueilli dans Artistes & Entreprises de Toma Yann, Jamet-Chavigny Stéphanie, Devèze Laurent, 2012.

Page 53: art industrie

53

Au cours du XIXème siècle l’homme prend conscience de l’avènement industriel dans son quotidien : sa façon de travailler change avec la machine qui détermine de plus en plus ses gestes, l’objet de consommation produit-reproduit implique une nouvelle relation avec son fabricateur. En effet, le fabricant, l’ouvrier, est distant de son objet, il n’est que l’intermédiaire de plusieurs étapes. Nous distinguons le travail de l’artisan, de l’artiste par rapport à celui de l’ouvrier : ils sont tout trois producteurs d’objets mais leur façon de produire est bien distincte. L’artisan et l’artiste conçoivent leur objet, leur oeuvre de A à Z alors que l’ouvrier est la main d’oeuvre qui execute une tâche parmis tant d’autre. Comme nous l’avons vu dans quelques extraits cité du Capital de marx, l’industrialisation permet un changement dans les moyens de production. Mais c’est surtout le systéme, le systéme capitaliste qui tire profit de se changement pour justifier un nouveau type de travail : le travail à la chaîne. Celui-ci engendre une relation déshumanisante entre l’ouvrier et sa tâche. C’est le travail et même l’objet qui perdent de leurs valeurs, de leurs sens par cette relation déshumanisée. L’artiste va donc chercher soit à rendre compte du travail et des objets en perte de sens ou alors il va chercher un moyen de restituer la valeur du travail et de l’objet. Le rapport entretenu entre les objets et son possesseur est modifié par l’industrie qui réalise des objets consommables et jetables. Cette perdition est l’une des problématiques artistiques majeures de ce siècle. L’apparition de l’objet dans le vocabulaire artistique bouleverse et redéfinit l’art : l’objet ordinaire subit le déplacement dans l’espace muséal et devient œuvre. Ainsi l’objet perd sa valeur d’usage, il est transfiguré, transformé par l’artiste. L’exaltation de l’objet pendant la révolution industrielle a largement inspiré les artistes qui s’approprient les rebuts, les déchets. Ainsi, une redéfinition de la sculpture est donnée : il ne s’agit plus de sculpter mais plutôt de fabriquer l’œuvre, le geste devient plus significatif que l’objet. Le processus industriel devient également le processus possible pour une démarche artistique : de nouveaux moyens de création comme la production en série d’une œuvre ou encore l’intérêt de l’outil de fabrication. Le processus de travail qui prend une place importante et devient même l’œuvre à part entière. Cette notion du multiple questionne l’authenticité de l’œuvre. L’artiste influencé par les techniques de productions industrielles, copie ensuite le modèle même de l’entreprise : le statut, le logo, l’organisation commerciale et productive pour devenir un artiste entrepreneur. Ce qui permet de nous interroger sur le rapport que l’homme entretien avec le travail : considéré comme processus vital du corps, le travailleur produit des marchandises ayant une valeur d’usage et d’échange insufflées par le système capitaliste. Certains artistes cherchent donc à trouver une solution alternative à la production de masse pour dénoncer ce phénomène. L’objet se voit donc restitué d’une identité.

Page 54: art industrie

54

Page 55: art industrie

55

Ci-contre : Tzanck Check, Marcel Duchamp, 1919, encre sur papier, 21 x 38.2 cm.

Page 56: art industrie

56Household Goods Factory, Ali Kazma, vidéo, 12min, 2008.Ci-contre : Untitled Project : Librairie Genève, Conrad Bakker, peinture à l’huile sur bois sculpté, dimensions variables, 2010.

Page 57: art industrie

57

Page 58: art industrie

58

Kit IBK- DIY 1361, Benjamin Sabatier, 2006, série spéciale Biennale de Paris, Boite en carton, manuel de montage, marteau, clous et patron.Ci-contre : vues de la performances 35 heures de travail, palais de tokyo, paris, 2002

Page 59: art industrie

59

Page 60: art industrie

60

Page 61: art industrie

61

Supplément Table de rechercheMur de rechercheEditionExtraitLectureTourner autourSe déplacerObserverChoisirL’imaginerTourner autour

Page 62: art industrie

62

Page 63: art industrie

63

Page 64: art industrie

64

Page 65: art industrie

65

Page 66: art industrie

66

Des protections mécaniques (garde-corps, plots, ...) signalisations verti-cales et horizontales peuvent complé-ter le marquage au sol.Selon le code de la construction, (ar-ticle R.125.3.1), un marquage au sol composé de bandes jaunes et noires doit apparaître sur l’ « aire de débat-tement des portes automatiques »

Article 12 (extrait)« A l’intérieur des zones bâties de l’entreprise auxquelles le travailleur a accès dans le cadre de son travail, les obstacles susceptibles de provoquer des chocs ou des chutes de personnes et des endroits dange-reux, où notamment peuvent avoir lieu des chutes d’objets, doivent être signa-lés par des bandes jaunes et noires ou rouges et blanches. Les dimensions de cette signalisation doivent tenir compte des dimensions de l’obstacle ou endroit dangereux signalé ».

Article 13 (extrait)« Lorsque, en ap-plication des articles R.235.3 11 ou R.232.1.9 du code du travail, les voies de circulation doivent être clairement identifiées, ces voies doivent être bor-dées par les bandes continues d’une couleur bien visible, de préférence blanche ou jaune, compte tenu de la couleur du sol. Les voies permanentes situées dans les zones bâties doivent également être marquées, à moins qu’elles ne soient pourvues de bar-rières ou d’un dallage approprié ».

Code couleur

Les circulations intérieures sont à l’origine de deux risques principaux : les collisions, les heurts et chutes. Au niveau de la conception des bâtiments, une réflexion sur l’organisation des flux et la circulation des piétons doit permettre de prévenir ces risques.Dans la plupart des ateliers, les déplacements à prendre en compte concernent : les engins motorisés circulant dans les allées et desservant les postes de travail : chariots élévateurs, transpalettes électriques, les piétons circulant avec des charges comme les chariots à main, transpalettes manuels. Puis les piétons circulant sans charge.On distinguera clairement les allées de circulation permanente des allées de circulation non permanente permettant aux opérateurs d’aller d’un poste à un autre sans passer par l’allée principale. Les allées de circulation permanentes doivent être clairement identifiées, ces voies doivent être bordées par des bandes continues d’une couleur bien visible, de préférence blanche ou jaune, compte tenu de la couleur du sol.

Blanc (RAL 9016) : Marquage général : voie de circulation, zones stockage…

Jaune (RAL 1023) : marquer les avertis-sements et dangers.

Rouge (RAL 3020) : Danger / Interdic-tion.

Bleu (RAL 5017) : est utilisé pour si-gnaler des marquages de protection ou d’obligation.

Vert (RAL 6024) : Information / Direc-tion.

Orange (RAL 2009) : Stockage de pro-duits chimiques.

Gris (RAL 7045) : Efface les lignes exis-tantes sur le béton.

Noir (RAL 9017) Efface les lignes existantes sur l’asphalte, pour les zé-bra jaunes et noires situés devant les portes automatiques.

Page 67: art industrie

67

Page 68: art industrie

68

Définitions extraites du CNRTL Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales

MAIN, subst. fém.

[Organe d’un être animé] −[Chez l’homme] Organe terminal du membre supérieur, formé d’une partie élargie articulée sur l’avant-bras et terminé par cinq appendices (les doigts), eux-mêmes articulés en plusieurs points et dont un (le pouce) est opposable aux quatre autres, organe qui constitue l’instrument naturel principal du toucher et de la préhension et, par là même, un moyen spécifique de connaissance et d’action.

a) [Dans le travail manuel p. oppos. au travail de l’esprit] « Travailler de ses mains. Il serait impossible de séparer ces deux choses: la tête et la main. Une main habile sans la tête qui la dirige est un instrument aveugle; la tête sans la main qui réalise est impuissante » (Cl. Bernard, Introd. ét. méd. exp., 1865, p. 8).« Mais entre esprit et main les relations ne sont pas aussi simples que celles d’un chef obéi et d’un docile serviteur. L’esprit fait la main, la main fait l’esprit. Le geste qui ne crée pas, le geste sans lendemain provoque et définit l’état de conscience. Le geste qui crée exerce une action continue sur la vie intérieure. » Focillon, Éloge de la mainds Vie des formes, Paris, P.U.F., 1947, p. 121.

MAIN D’OEUVRE, subst. fém.

− Part du travail dans la fabrication d’un produit, considérée surtout par rapport au prix de revient de ce produit. « Cherté, coût de la main-d’œuvre; économiser sur la main-d’œuvre. La lutte est ouverte entre le prix des objets et celui de l’espace et de la main-d’œuvre. »(J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 142).- [Dans une production artistique, parfois opposé à art] Technique, savoir faire. « Non que (...) je n’admire bien souvent tout ce qu’il faut de verve, de jet vif et abondant, de récidive féconde, de main-d’œuvre habile et rapide pour occuper et amuser en courant (...) une société de plus en plus exigeante et affairée » (Sainte-Beuve, Virgile, 1857, p. 103).

− P. méton. Ensemble des salariés, et plus particulièrement des travailleurs manuels, d’une entreprise, d’une industrie, d’une région, d’un pays. Synon. employés, ouvriers, travailleurs.Main-d’œuvre étrangère, féminine, qualifiée, spécialisée, suffisante; déplacement, pénurie de main-d’œuvre; plein emploi, recrutement de la main-d’œuvre; direction (générale, départementale) du travail et de la main-d’Œuvre.

Acquérir du cal aux mains. Travailler dur: 28. « Qui te fournit la nourriture, l’éducation, l’habillement, et tous les moyens de figurer un jour, avec honneur, dans les rangs de la société! Mais il faut pour cela suer ferme sur l’aviron, et acquérir, comme on dit, du cal aux mains, fabricando fit faber, age quod agis. » Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 95.- (Homme) à toutes mains. (Personne) capable de faire toutes sortes de travaux, compétente dans plusieurs domaines.

b) [P. oppos. à tout autre moyen, surtout mécanique] À la main − « Arroser, fabriquer, faucher, semer à la main; brodé, creusé, fait, moulé à la main; lavage, repiquage à la main. De grandes parties de braconnage: pêches à la main, la nuit, pêches aux éperviers prohibés » (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 359).

Page 69: art industrie

69

Page 70: art industrie

70

Page 71: art industrie

71

Page 72: art industrie

72

Page 73: art industrie

73

BibliographieFilmographie Webgraphie

Page 74: art industrie

74

- Abadie, DanielUn siècle de sculpture anglaise, catalogue d’exposition du 6 juin au 15 septembre, Paris : Réunion des musées nationaux : Jeu de Paume, 1996, 504 pages. - Ameline, Jean-Paul Les Nouveaux Réalistes, Paris : centre Pompidou, 1992, 88 pages. - Ardenne Paul, Polla BarbaraWorking Men, art contemporain et travail, Bruxelles, 2009, 168 pages.- Arendt, HannahCondition de l’homme moderne, Pocket, 2013, 406 pages.- Baudrillard, JeanLe système des objets : la consommation des signes, Paris : Gallimard, 1968, 245 pages.- Benjamin, WalterL’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Paris : Allia, 2012, 94 pages.- Bon, FrançoisSortie d’usine, Les éditions de Minuit, 2011, 169 pages.- Bouhours, Jean-MichelArman, catalogue d’exposition, Paris édition du Centre Pompidou, 2010, 360 pages.- Busine Laurent, Gielen DenisLa répétition, Hornu : Musées des Arts Contemporain de la Communauté française de Belgique, numéros 15 de la revue Dits, automne-hiver 2010, 152 pages.- Clancy, GenevièveJean-Luc Moulène, Paris : Hazan, 2002, 112 pages.- Danto, ArthurAndy Warhol, Paris : Les Belles Lettres, 2011,158 pages.La transfiguration du banal : une philosophie de l’art, Paris : Seuil, 1989, 327 pages.-Guilmot, MarionAutoxylopyrocycloboros, Simon Starling, Vitry-sur-Seine : Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, 2007, 32 pages.- Linhart, RobertL’établi, Les éditions de Minuit, 1981, 178 pages.- Marx, KarlLe capital, livre I, sections I à IV, Flammarion, 2008, 664 pages.- Middelbos, Jan«Y a-t-il un artiste dans l’usine?» dossier, magazine Art21, num 32, hiver 2011-2013, pages 10 à 19.- Naumann, FrancisMarcel Duchamp : l’art à l’ère de la reproduction mécanisée, Paris : Hazan, 1999, 331 pages.- Saint-Jacques, CamilleLe mouvement ouvrier, une histoire des gestes créateurs des travailleurs, Max Milo édition, 2011, 250 pages.- SavineAllan McCollum, Villeneuve-d’Ascq : Musée d’art moderne de Lille Métropole, 1998, 100 pages.- Schneller Katia et Théodoropoulou VanessaAu nom de l’art : enquête sur le statut ambigu des appellations artistiques de 1945 à nos jours, colloque en mai 2011. Ed Paris : Publications de la Sorbonne, 2013, 273 pages.- Tabart, MarielleBrancusi & Duchamp, Paris : Centre Pompidou, 2000, 95 pages.- Toma Yann, Jamet-Chavigny Stéphanie, Devèze LaurentArtistes & entreprises, Paris : Jannink, 2012, 212 pages. - Vilar, Jean-François (pseud.)C’est toujours les autres qui meurent, Arles : Actes sud, 1997, 259 pages.

Page 75: art industrie

75

- Briest – Poulain – F.Tajan, Articurial, Fonds Constantin Brancusi, provenant de la collection d’Alexandre Istrati et Natalia Dumitresco, vente n°1932, Paris, 2010, http://www.artcurial.com.

- Galerie Chantal Crousel, Paris, artiste Jean-Luc Moulène, http://www.crousel.com.

- Galerie C24, New York, artiste Ali Kazma, http://www.c24gallery.com.

- Simon Starling THEREHERETHENTHERE « oeuvres 1997–2009 » 18 septembre – 27 décembre 2009 au Musée d’art contemporain du Val-De-Marne, http://www.macval.fr/francais/expositions-temporaires/expositions-passees/simon-starling.

- Leyris, Jean-Charles, mémoires industrielles : lieux et savoir-faire, objets de grève, un patrimoine militant, In Situ, revue des patrimoines, http://insitu.revues.org/3044.

- Outil de recherche, Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, http://www.cnrtl.fr.

- Exposition l’Homme de Vitruve, Centre d’art contemporain d’Ivry- le Crédac, 2012, http://slash-paris.com.

- Les affichistes, Musée des beaux-art de Rennes, www.mbar.org/services/ressources/affichistes.pdf.

-Article de Bernard Stiegler «LeRoi-Gourhan : l’inorganique organisé» dans Cahiers de médiologie n°6 Pourquoi des médiologues, coordonné par Louise Merzeau, ed Gallimard, 1998, www.mediologie.org.

- Galerie Analix Forever, Conrad Bakker «les révolutions de tous les jours», www.artactuel.com.

- Abonnenc, MathieuAn Italian Film (Africa Addio), première partie : cuivre, Film HD, 26 min, Production Pavillon, Leeds & Beaux-arts Nantes, 2012.- Forni, JérémyTrace de lutte : une histoire du groupe Medvedkine de Besançon, ESAV, 2006, dvd, 59min.- Godard, Jean-LucTout va bien, Boulogne-Billancourt : Gaumont vidéo, 1972, DVD 1h32 min.- Petri, ElioLa classe ouvrière va au paradis, Movietime, 1971 : Tamasa, 2011, DVD 1h50 min.- Pollet, Jean DanielLa mémoire des mondes : Pour mémoire, (la forge), Montreuil, 1978, 61 min.-Richter, HansDada cinèma «Le ballet mécanique» de Fernand Lèger et Dudley Murphy en 1924, edition du Centre Pompidou, dvd, 92 min.- Spitzer, Thierry, Richard Serrawork comes out of work, Paris: Prod. Arkadin, 1992, VHS 52 min.

Page 76: art industrie

76