5
2 X Illustration : Katy Lemay Tang, la boisson en poudre du matin, a longtemps été une des marques phare du géant agroalimentaire Kraft. Elle est devenue célèbre pendant les années 1960 lorsque la NASA l’a incluse dans les rations des astronautes américains. Mais en 2007, la marque traversait un cycle de rendements inférieurs. L’équipe de direction des marchés en développement de Kraft a alors désigné Tang comme l’une des dix principales marques qui nécessitaient une attention particulière. Elle a élaboré une stratégie inusitée pour propulser de nouveau les ventes de la boisson en poudre : les directeurs de la marque Tang dans des pays clés comme le Brésil ont reçu un «chèque en blanc». Cet encouragement les incitait essentiellement à voir grand et à ne pas se préoccuper des ressources. Les résultats ont été stupéfiants. Depuis, les CHèQUE EN BLANC LIBéRATEUR L’avis de Sophie Moreau Directrice Principale, Stratégie et Performance organisationnelle, Demers Beaulne «La liberté d’inspiration et d’exécution est un défi pour les modèles traditionnels de croissance. Dans ce texte, on présente une méthode qui libère les leaders des contraintes pour réveiller le potentiel latent des organisations. » Se donner les moyens de ses ambitions suffit parfois pour atteindre des résultats exceptionnels. Mais il faut d’abord se libérer des croyances et des principes que l’entreprise a acceptés aveuglément. . Auteurs : Sanjay Khosla et Mohanbir Sawhney STRATEGY+BUSINESS PREMIUM Stratégie

Article Premium Fev 2013

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Article Premium Fev 2013

2

X 3

X

Illustration : Katy Lemay

Tang, la boisson en poudre du matin, a longtemps été une des marques phare du géant agroalimentaire Kraft. Elle est devenue célèbre pendant les années 1960 lorsque la NASA l’a incluse dans les rations des astronautes américains. Mais en 2007, la marque traversait un cycle de rendements inférieurs. L’équipe de direction des marchés en développement de Kraft a alors désigné Tang comme l’une des dix principales marques qui nécessitaient une attention particulière. Elle a élaboré une stratégie inusitée pour propulser de nouveau les ventes de la boisson en poudre : les directeurs de la marque Tang dans des pays clés comme le Brésil ont reçu un «chèque en blanc». Cet encouragement les incitait essentiellement à voir grand et à ne pas se préoccuper des ressources. Les résultats ont été stupéfiants. Depuis, les

Chèque en blanC

libérateur

L’avis de Sophie MoreauDirectrice Principale, Stratégie et Performance organisationnelle,Demers Beaulne

« La liberté d’inspiration et d’exécution est un défi pour les modèles traditionnels de croissance. Dans ce texte, on présente une méthode qui libère les leaders des contraintes pour réveiller le potentiel latent des organisations. »

Se donner les moyens de ses ambitions suffit parfois pour atteindre des résultats exceptionnels. Mais il faut d’abord se libérer des croyances et des principes que l’entreprise a acceptés aveuglément.

.

Auteurs : Sanjay Khosla et Mohanbir Sawhney

Strategy+BuSineSS

PreMiuM   Stratégie

Page 2: Article Premium Fev 2013

4

X 5

X

Stratégie PreMiuM

l’équipe, la définition des objectifs et des projets, le lancement de l’initiative et le contrôle des résultats.

Sélection des meilleures hypothèses La première étape d’une initia-tive de chèque en blanc consiste à choisir les domaines de l’en-

treprise sur lesquels concentrer les efforts de développement. Les chèques en blanc sont conçus pour financer des initiatives impor-tantes. Il est donc crucial de bien les choisir. Les domaines d’affaires d’une entreprise peuvent être définis de différentes façons — un marché géographique (la Chine, par exemple), une marque (Tang), un secteur (service alimentaire), une catégorie (boissons), un segment de consommation (adolescents). Le domaine peut aussi être une combinaison de ceux-ci (Oreo en Chine). Les chèques en blanc peuvent également être appliqués à des secteurs fonctionnels tels que la chaîne d’approvisionnement ou la fabri-cation. Nous recommandons de choisir un maxi-mum de deux ou trois définitions pour le do-maine et de les utiliser pour façonner le contexte stratégique élargi dans lequel on trouvera des projets de chèque en blanc. Il faut que l’initiative soit motivée par la recherche de performance et fondée sur des valeurs, tout en respectant les lois fédérales et locales et les pratiques de confor-mité de l’entreprise.

Les dirigeants doivent se souvenir de trois critères lorsqu’ils choisissent les domaines pour

les initiatives de chèques en blanc. h Premièrement, l’entreprise devrait être très

dynamique. Il est toujours plus facile de tirer profit d’un domaine qui fonctionne bien que d’un domaine en difficulté. Pour réussir, il faut notamment viser l’or, c’est-à-dire trou-ver ce qui fonctionne, puis intensifier rapide-ment les efforts lorsque les facteurs de réus-site deviennent évidents.

h Un deuxième grand facteur de réussite est le potentiel de marge de profit de l’entreprise. Il est souvent risqué de considérer la croissance comme une fin en soi.

h Troisièmement, l’initiative doit être impor-tante, c’est-à-dire qu’elle doit avoir des retombées intéressantes avec le moins d’ef-forts possible.

Choix de l’équipeAu final, les chèques en blanc sont une sorte de pari sur les gens, en partant du principe qu’ils ont le potentiel, la passion

et la persévérance nécessaires pour transformer leur entreprise. Le choix du récipiendaire du chèque en blanc ira vers la personne responsable d’un certain secteur de l’entreprise où le chèque en blanc peut alimenter la transformation. Il in-combe à l’équipe de direction de trouver cette bonne personne. Les chefs d’équipe choisis ne sont pas nécessairement les plus anciens ou les plus expérimentés : ce sont ceux qui offrent le plus de potentiel. Ce n’est toutefois là que le cri-tère de départ.

L’avis de Sophie Moreau

L’être humain est au centre de

tout changement. Le développement

du leadership et la mise en place d’une équipe de

rêve (dream team) capable d’inspirer

les autres à faire les choses

différemment provoquent une transformation.

La passion, la persévérance et

la responsabilité donnent l’impulsion

nécessaire à la croissance.

Le « chèque en blanc » demande à

chacun de prioriser la coopération et

l’interdépendance afin de maximiser

le potentiel des organisations.

ventes de Tang ont doublé à l’extérieur des États-Unis et elle est devenue une marque ren-table de 1 milliard de dollars américains (en comparaison, Tang avait mis 50 ans à franchir le cap des 500 millions de dollars de revenus). La transformation de marques comme Tang a contribué à faire passer le chiffre d’affaires de Kraft dans les marchés en développement de six milliards de dollars en 2007 à plus de 15 milliards de dollars en 2011, ce qui a considérablement amélioré ses marges.

Le concept du chèque en blancLe « chèque en blanc » est une métaphore et re-présente la liberté accordée à une équipe de déci-der par elle-même des ressources financières dont elle a besoin pour atteindre une série d’ob-jectifs déterminés dans un délai défini. Cette li-berté d’action incite les équipes à « viser la lune », tout en leur donnant l’énergie nécessaire pour se libérer de la contrainte des budgets pré-déterminés et du statu quo. Le chèque en blanc n’est pas une autorisation de dépenser sans li-mites, sans directives ou sans conséquences. Les équipes doivent définir les ressources dont elles auront besoin, c’est-à-dire inscrire le montant laissé en blanc sur le chèque. Chaque initiative prise dans ce cadre doit être compatible avec la stratégie de gestion globale de l’entreprise. De plus, elle doit pouvoir produire une croissance rentable soutenue. Les chèques en blanc ne visent pas à produire des « bons coups isolés » qui dopent les résultats à court terme, mais plu-

tôt à faire germer de bonnes idées qui alimente-ront un cercle vertueux et changeront la trajec-toire de l’entreprise à long terme.

Par ailleurs, les équipes qui acceptent des chèques en blanc sont tenues pour entièrement responsables de l’atteinte de résultats quanti-fiables. Les chèques en blanc procurent une li-berté d’action à l’intérieur d’un cadre, mais un ensemble de règles de base est établi pour s’assu-rer que les initiatives respectent la stratégie et donnent des résultats. Par exemple, le cadre pourrait comprendre une série de priorités, des secteurs cibles, des plateformes d’innovation, de grandes hypothèses, voire une stratégie d’acqui-sition qui guide la stratégie ou la vision globale de l’entreprise. Chez Kraft, par exemple, le secteur des marchés en développement a une stratégie de croissance ciblée sur cinq grandes catégories (par exemple, biscuits et chocolat), dix marques populaires (par exemple, Oreo, Tang, Trident et Cadbury) et dix marchés prioritaires (par exemple, le Brésil, l’Inde et la Chine). La stratégie s’appelle 5-10-10. Kraft se sert de cette stratégie comme cadre de travail et donne aux dirigeants la liberté de choisir les équipes de l’organisation qui dirigeront le programme de croissance 5-10-10 au moyen de chèques en blanc.

Son fonctionnementPour appliquer le concept du chèque en blanc, les dirigeants d’entreprise doivent passer par un processus systématique qui comprend la sélec-tion des meilleures hypothèses, le choix de

L’avis de Sophie Moreau

Une concurrence accrue et

une vitesse de changement qui

va en s’accélérant créent une pression sans précédent sur

la performance des entreprises.

La nécessité d’optimiser, par

un effet de levier, l’utilisation de ses capitaux financier, humain et matériel devient un élément

essentiel pour développer

sa capacité de leadership.

Une stratégie qui mise sur

la performance et les valeurs de

l’entreprise permet de bâtir sur

ses forces et de générer

un momentum de croissance pour

davantage de profits

et d’impacts.

Cette liberté d’action incite les équipes à « viser la lune », tout en leur donnant l’énergie nécessaire pour se libérer de la contrainte des budgets prédéterminés et du statu quo.

Pour réussir, il faut notamment viser l’or, c’est-à-dire trouver ce qui fonctionne, puis intensifier rapidement les efforts lorsque les facteurs de réussite deviennent évidents.

1

2

Page 3: Article Premium Fev 2013

6

X 7

X

Stratégie PreMiuM

La culture des entreprises

formées à penser en termes

de limitations des dépenses est

en train de changer. Le « chèque en

blanc » exige une ouverture vers

l’abondance comme source de création de valeur. Il donne

une liberté d’action à l’intérieur

d’un cadre exécutif. Car la libération des contraintes

(financières, créatives et autres)

favorise le développement

d’un cercle vertueux

de croissance et l’atteinte de résultats

supérieurs dans un contexte

de concurrence mondiale.

Les dirigeants d’entreprise doivent aussi se poser une série de questions sur le candidat appelé à recevoir le chèque en blanc. Cette per-sonne est-elle un choix évident, selon ses res-ponsabilités actuelles et l’étendue de ses respon-sabilités ? Sera-t-elle disposée à accepter cette responsabilité sans se laisser paralyser par la peur ? Sera-t-elle capable d’envisager de nou-velles façons de penser ? Pourra-t-elle inspirer les membres de son équipe à procéder différem-ment ? A-t-elle un historique de réalisations intéressant ? Si la réponse à l’une de ces ques-tions est négative, les dirigeants doivent trouver un autre candidat. Et s’ils n’en trouvent aucun qui soit approprié, il est possible qu’ils décident que le secteur d’activité visé ne convient pas à un chèque en blanc.

Définition des objectifs et des projets Une fois que les dirigeants d’entreprise ont choisi le do-maine et les chefs d’équipe qui

recevront un chèque en blanc, ils doivent définir les cibles à atteindre. Les cibles doivent être quantifiées, audacieuses et délimitées dans le temps. Les objectifs quantifiés sont clairs, de sorte que tout le monde comprend parfaitement la nature et les buts de l’exercice. Ils doivent être mesurables selon des paramètres bien définis comme les revenus, les marges brutes et les flux de trésorerie de l’entreprise. Ils doivent aussi être audacieux : ils ne devraient pas être atteints simplement en apportant des améliorations pro-gressives. Les équipes sont tenues de mettre en doute les croyances qu’ils associent à leur en-treprise en plus de remettre en cause les prin-cipes que l’entreprise a acceptés aveuglément. Les initiatives de chèques en blanc doivent éga-lement avoir un échéancier court, de quelques

années au maximum. Il est absolument essentiel d’avoir un ensemble d’objectifs clairement défi-ni pour les 12 premiers mois. Un tel échéancier oblige les membres de l’équipe à produire des résultats rapidement. Ils n’ont pas la possibilité de poursuivre des améliorations progressives ou des initiatives qui ne produiront des résultats qu’à long terme.

À ce stade, on demande aux chefs d’équipe de soumettre un projet succinct (pas plus de deux pages) qui reflète les trois critères (voir plus haut dans le texte). Le temps accordé à l’équipe pour préparer la proposition d’affaires est assez court, ce qui évite que l’équipe se laisse paralyser par des analyses à outrance. Dans cer-tains cas, l’équipe peut prendre jusqu’à un mois pour préparer une proposition. Elle peut ainsi peser les choix qui s’offrent à elle afin de s’assu-rer qu’elle prend des décisions qui, quoique pru-dentes, n’en changeront pas moins la trajectoire de l’entreprise. Dans certains cas, l’équipe déci-dera de refuser le chèque en blanc. C’est une bonne chose, car un chèque en blanc doit tou-jours être accepté de plein gré.

La proposition d’affaires doit définir l’initia-tive et les principales étapes que l’équipe fran-chira pour produire les résultats convenus. Cela comprend les objectifs, leur délai de réalisation, la description détaillée de l’exécution du plan, les principales étapes et les résultats à atteindre, ainsi que les projections financières. À l’étape initiale de la proposition, les premières phases d’exécution peuvent être décrites, mais il n’est pas nécessaire de détailler tout le projet.

Parallèlement à la proposition, l’équipe doit également indiquer le montant sur le chèque en blanc, c’est-à-dire les ressources financières qu’elle demande. Les montants des chèques en blanc auxquels nous avons été associés ont varié de quelques millions de dollars à 20 millions de

L’avis de Sophie Moreau

De l’inspiration à l’exécution.

Pour réussir son « chèque en blanc »

et pour réveiller le potentiel latent

des équipes et de l’organisation, les auteurs nous

présentent une méthode toute

simple : adopter une stratégie

de croissance, s’attarder sur ce qui

compte, nourrir le potentiel

d’innovation, exploiter

la puissance des nouvelles technologies,

développer le leadership et

la coopération, et surtout… opter

pour la simplicité !

Les cibles doivent être quantifiées, audacieuses et délimitées dans le temps.

3

L’équipe de direction des marchés en développe-ment de Kraft a décidé d’émettre des chèques en blanc à une équipe de dirigeants de Tang dans de grands marchés mondiaux, en leur demandant de rejoindre les consommateurs locaux dans leur marché. Pour ce faire, elle pouvait faire appel aux ressources mondiales de Kraft.

L’équipe a vite proposé plusieurs innovations. En utilisant les ressources technologiques en recherche et développement, elle a élaboré pour Tang des saveurs adaptées à la région, comme le tamarin et l’horchata (une boisson traditionnelle au citron vert et à la cannelle) au Mexique, la mangue aux Philippines, le fruit de la passion et le corossol au Brésil, et l’ananas et le citron-menthe au Moyen-Orient. Bien que la saveur à l’orange originale du Tang arrive en tête des ventes à l’échelle mondiale, les ventes de ces saveurs locales ont rapidement augmenté pour atteindre environ 25 % des ventes de Tang dans les pays en développement.

S’appuyant sur le constat que le goût règne en maître et que l’alimentation des enfants présente souvent des carences, l’équipe a repositionné Tang comme une boisson nutritive abordable (quelques cents le verre), enrichie de vitamines et de minéraux. Fidèle à l’héritage de Tang comme source de vitamine C, l’équipe a pris l’idée de l’enrichissement appliquée mondialement et l’a adaptée pour répondre aux besoins régionaux en alimentation. Par exemple, l’équipe a enrichi le Tang de vitamine C dans tous les pays, mais au Brésil et aux Philippines, où les enfants présentent souvent des carences en fer, elle y a ajouté du fer de même que d’autres vitamines et minéraux.

L’équipe a également proposé une idée de commercialisation pour Tang afin de mobiliser les enfants du Brésil autour d’une campagne durable appelée Preparou, Bebeu, Faz (Préparer, Boire, Agir). De plus, l’équipe a normalisé la forme et les dimensions des sachets de Tang partout en Amérique latine afin de réduire de 3 millions de livres sa production annuelle d’emballage. Elle a étendu ce concept vert à des pays comme le Brésil, et elle a encouragé les enfants à recycler. Plus de 90 000 enfants ont recyclé plus d’un million d’emballages au Brésil au cours des premières années. Les emballages usagés ont été recyclés et utilisés pour la fabrication de ballons de soccer, de sacs et de matériaux de construction dont la vente permet d’amasser des fonds pour des écoles. Cette mobilisation des enfants a été étendue à d’autres marchés, dont l’Argentine et le Mexique.

L’équipe a également découvert le principal atout de Tang. Il a meilleur goût que l’eau, il est plus viable sur le plan écologique et coûte moins cher que les boissons gazeuses. Cette découverte a amené l’équipe à élargir le positionnement de Tang en le plaçant en concurrence avec l’eau plutôt qu’avec d’autres boissons en poudre. L’équipe a décidé de « s’attaquer à l’eau » avec le positionnement de la marque « Tang donne un meilleur goût à l’eau ».

Tang est maintenant la nouvelle marque milliardaire de Kraft. Ses ventes ont presque doublé en cinq ans et sont trois fois plus élevées que celles de son plus proche concurrent. En 2011, la boisson Tang a été servie 20 milliards de fois dans 90 pays.

Étude de cas

Le jour où Kraft a relancé Tang Pour vous aider à comprendre comment ces initiatives fonctionnent dans la pratique, et les résultats qu’elles peuvent produire, voici le cas de Tang. Objectif : doubler le chiffre d’affaires en cinq ans.

Page 4: Article Premium Fev 2013

8

X 9

X

Stratégie PreMiuM

rapidement faire face à la peur, celle de l’échec et celle des projecteurs. La crainte est souvent suivie d’une activité frénétique, et c’est alors que l’équipe tend à persister à faire les mêmes choses ou à les améliorer. Elle constate toutefois rapide-ment que cette pensée linéaire et extrapolative ne donnera pas les résultats révolutionnaires qu’elle doit obtenir. Il en résulte de formidables prises de conscience, parce que les membres de l’équipe sont obligés de se concentrer sur l’essence de l’entreprise, sur les marques et sur le marché.

Contrôle des résultats Au moment de lancer l’initia-tive de chèque en blanc, il est important de poser des jalons pour les principales réalisations

et de les contrôler de près au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Nous recommandons des jalons trimestriels afin que des corrections puissent être apportées rapidement. Comme c’est le cas dans la phase de démarrage d’une entreprise, les initiatives de chèques en blanc se déroulent rarement comme convenu. L’équipe

L’avis de Sophie Moreau

La nature des indicateurs

de performance (KPIs – key

performance indicators) a

évolué, ce qui permet un

ajustement continuel de

la stratégie et une remise

en question des façons de faire

traditionnelles. La mise en place

et la gestion dynamique

des indicateurs de performance

permettent un ajustement permanent en

fonction des résultats.

Ce monitoring en continu (mensuel,

trimestriel) est particulièrement

important pour les PME qui n’ont

pas d’obligation de publication

de résultats à intervalles

réguliers.

dollars. Le montant doit être amplement suffisant pour que l’équipe puisse mener à bien l’initiative sans craindre de manquer d’argent à investir.

Lancement de l’initiative Une fois le plan d’action ap-prouvé, les dirigeants de l’en-treprise doivent officiellement

émettre le chèque en approuvant le montant que l’équipe a demandé et en le transférant dans un compte auquel les chefs d’équipe ont accès.

Le scepticisme est habituellement la première réaction à une initiative de chèque en blanc. Dans les entreprises, les individus sont conditionnés à l’idée qu’il faut se battre pour obtenir la moindre ressource. Ils ont été formés à penser en termes de budgets, de compression des coûts et de res-trictions budgétaires. Ils n’ont probablement ja-mais connu de situation où ils pouvaient deman-der des ressources illimitées, et il se peut qu’ils trouvent l’idée si étrange qu’il leur sera difficile d’y croire. Une fois que l’équipe comprend que ses dirigeants sont sérieux, le scepticisme peut

L’avis de Sophie Moreau

Ouvrir les portes à la transformation

ressemble parfois à un acte de foi  ! Les entreprises

qui prennent des risques et qui n’ont pas peur de

se tromper sont celles qui

réussissent. L’important est

d’amorcer une action et

d’essayer de nouvelles voies de développement

qui s’alignent sur la stratégie globale. L’échec n’est qu’une partie du processus

d’apprentissage (Apple en est

un exemple)…

Se concentrer sur ce qui est important. Les chèques en blanc doivent toujours être axés sur ce qui compte pour l’entreprise. Dans le cas de Kraft, les chèques en blanc sont liés à sa stratégie Winning through focus (Gagner en concentrant ses efforts), qui attribue les ressources conformément à sa stratégie 5-10-10.

Créer un cercle de croissance vertueux. Les chèques en blanc peuvent engendrer une croissance phénoménale des revenus, mais cette

croissance doit être à la fois rentable et durable à long terme. Les dirigeants

d’entreprise devraient s’assurer que les équipes ne prennent pas d’initiatives qui dopent les ventes à court terme, mais qui nuiront à l’entreprise à long terme. Pour garantir une croissance rentable soutenue qui entraîne un cycle vertueux, les initiatives de chèques en blanc doivent avoir une incidence positive sur la marge brute. L’accroisse-ment de la marge peut provenir de la croissance des revenus, de la réduction des coûts ou de l’amélioration de la productivité.

Laisser libre cours à son imagination. Pour exploiter le plein potentiel de leur entreprise, les équipes doivent adopter une définition élargie de l’innovation, qui va bien au-delà de la création de nouveaux produits. Elles doivent innover en matière d’emballage, de promotions, de publicité, de distribu-tion et de partenariats.

Tout simplifier. Les entreprises sont souvent paralysées par la complexité de leur organisation et de leurs activités. La complexité ajoute

des coûts et ralentit la prise de décision. Les initiatives de chèques en blanc devraient chercher à simplifier, que ce soit le produit (par exemple, en réduisant son rendement ou ses caractéristiques pour les ramener à des niveaux « juste assez élevés » pour répondre aux besoins des consommateurs), le processus (fabrica-tion, distribution, ventes), l’organisation (éliminer des paliers et rapprocher le centre de prise de décision des marchés locaux) ou l’administration (prise de décision plus rapide et moins de réunions).Ne pas en faire trop. Il est facile de se laisser emporter par la réussite des chèques en blanc et d’en

approuver un trop grand nombre. Ces initiatives sont de puissants outils, mais elles exigent des ressources finan-cières importantes et beaucoup de leadership. Elles engendreront à long terme des augmenta-tions des revenus et des profits, mais elles exigent de gros investissements à court terme. Elles requièrent aussi beaucoup d’attention de la part des dirigeants d’entre-prise. À l’instar des investisseurs en capital de risque qui limitent le nombre d’investissements qu’ils font dans le démarrage d’entre-prises et le nombre de conseils d’adminis-tration auxquels ils siègent, les dirigeants

d’entreprise doivent limiter le nombre de chèques en blanc qu’ils émettent simultanément.

Créer un esprit de famille. Les initiatives de chèques en blanc exigent que chaque membre de l’équipe fasse passer l’intérêt de l’équipe avant son ego et sa vision personnelle. Pour encourager la coopération et l’inter-dépendance, l’équipe doit se considérer comme une famille. Il est possible de favoriser cette attitude en ajustant les mesures incitatives, de sorte que les membres y gagnent quand l’équipe tout entière réussit. Il est également utile de tenir des « repas en

famille » avant chaque importante réunion de direction de l’équipe. Chaque repas a un pro-gramme clair axé sur deux ou trois sujets qui nécessitent un apport de toute la « famille ». À la fin du repas, l’équipe arrive à un consensus sur les questions dont elle a discuté. Cette pratique procure aux membres de l’équipe une vision claire de ce qu’ils doivent faire et favorise également un sentiment de propriété partagée des résultats.

Maximiser vos chances de réussiteGrâce à l’expérience acquise au fil de plusieurs initiatives de chèques en blanc dans différentes catégories et divers marchés, nous avons fait certains constats. Voici quelques principes importants qui amélioreront vos chances de réussite.

45

Page 5: Article Premium Fev 2013

10

X

Stratégie

mènera des expériences et prendra des risques, et certaines de ces expériences échoueront iné-vitablement. L’échec fait partie du processus d’apprentissage. L’important, c’est de connaître l’échec au début et à un coût qui ne soit pas trop élevé, et d’apprendre rapidement de cet échec. Les paramètres des initiatives de chèques en blanc devraient être suffisamment simples pour permettre d’évaluer les progrès dans un rapport d’une page.

Stimuler la croissance interneIl n’est pas facile de trouver de la croissance in-terne rentable. Confrontés à une stagnation de la demande, à une intensification de la concurrence et à des pressions accrues sur les prix, les diri-geants d’entreprise estiment que leur croissance est limitée par l’environnement dans lequel ils se trouvent. Toutefois, ils s’imposent parfois eux-mêmes ces limites. Même des entreprises en ap-parence léthargiques ont un énorme potentiel inexploité. Si les dirigeants d’entreprise par-viennent à libérer leurs employés des restrictions en matière de budgets et de ressources, leurs employés les étonneront et s’étonneront tout autant eux-mêmes de leurs réalisations. C’est là le pouvoir des chèques en blanc.

Sanjay Khosla est président des marchés en développement chez Kraft.

Mohanbir Sawhney est directeur du Center for Research in Technology & Innovation à la Kellogg School of Management de la Northwestern University.

adapté de :

Périodique trimestriel du groupe new-yorkais Booz & Company, strategy+business rejoint un lectorat de près d’un demi-million de personnes. Sa mission : « Établir un pont entre la théorie et la pratique en affaires » pour les entrepreneurs de haut niveau. Reproduit avec permission. © 2012 Booz & Company Inc. Tous droits réservés. www.strategy-business.com