Article-Responsabilité Du Fait Des Bâtiments

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Responsabilit du fait des btiments

Responsabilit du fait des btimentsJrme JULIENProfesseur l'Universit de Brestseptembre 2009 (dernire mise jour : mars 2010)Table des matiresGnralits, 1 - 4Section 1 - L'article1386, isolment des autres responsabilits, 5 - 49Art. 1 - Conditions du texte, 6 - 31 1 - Un btiment, 7 - 13 2 - Une ruine, 14 - 21 3 - Origine de la ruine, 22 - 31Art. 2 - Mise en oeuvre du texte, 32 - 49 1 - Une responsabilit rattache la proprit, 33 - 40 2 - Causes d'exonration, 41 - 44 3 - Recours du propritaire, 45 - 49Section 2 - L'article1386, au sein des autres responsabilits, 50 - 73Art. 1 - Articulation des articles1386 et 1384, alina1er, 51 - 58 1 - Des articles exclusifs l'un de l'autre, 52 - 54 2 - Des articles en concours l'un avec l'autre, 55 - 58Art. 2 - Autres articulations, 59 - 73 1 - Articulation avec des rgles gnrales, 60 - 63 2 - Articulation avec des rgles spciales, 64 - 73

BibliographieA.BNABENT, Droit civil. Les obligations, 11ed., 2007, Montchrestien.- P.BRUN, Responsabilit civile extracontractuelle, 1red., 2005, Litec.- V.DEPADT-SEBAG, La justification du maintien de l'article1386 du code civil, prf. J.Huet, 2000, Bibl. droit priv, t.344, LGDJ.- M.FABRE-MAGNAN, Droit des obligations, t.2, 2007, PUF.- J.FLOUR, J.-L.AUBERT et E.SAVAUX, Droit civil. Les obligations, t.2, Le fait juridique, 12ed., 2007, Sirey.- F.GIVORD, C.GIVERDON et P.CAPOULADE, Coproprit, 2006/2007, Dalloz Action.- P.MALAURIE, L.AYNS et P.STOFFEL-MUNCK, Les obligations, 3ed., 2007, Defrnois.- P.MALINVAUD, Droit des obligations, 10ed., 2007, Litec.- A.SRIAUX, Droit des obligations, 2006, PUF.- F.TERR, P.SIMLER et Y.LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, 9ed., 2005, Dalloz.-P.leTOURNEAU, Droit de la responsabilit et des contrats, 2008/2009, Dalloz Action.- G.VINEY et P.JOURDAIN, Trait de droit civil. Les conditions de la responsabilit, 3ed., 2006, LGDJ.- Lamy Droit Immobilier.P.BRUN, Les cas particuliers de responsabilit du fait des choses prvus par le code civil, in Lamy Droit de la Responsabilit, tude265.- V.DEPADT-SEBAG, Faut-il abroger l'article1386 du code civil?, D.2006. Chron.2113 .- H.GROUTEL, Les rapports de l'article1386 et de l'article1384, alina1er, du code civil, RCA 1989. Chron.5.- S.HOCQUET-BERG, J.-Cl. Resp. civ. Ass., Responsabilit du fait des btiments, fasc.152.- P.ROUBIER, L'article1386 du code civil et sa porte dans le droit contemporain, JCP 1949. I. 768.- P.leTOURNEAU et J.JULIEN, L'immeuble et la responsabilit civile, Mlanges Saint-Alary, 2006, PUToulouseI, p.303.Gnralits1. Place au sein du code civil. - Le systme du code civil ne laissait gure de place une vritable responsabilit du fait des choses. Toute responsabilit dcoulant de la faute de son auteur, il n'y eut, pendant presque tout le XIXesicle, de responsabilit qu'en cas de faute. Si un dommage tait caus par une chose, l'obligation de rparation, si elle tait reconnue, ne pouvait alors que dcouler de la constatation, de la preuve plus exactement, d'un comportement fautif de son utilisateur, de son propritaire Pourtant, lire le code, dans sa version d'origine, deux articles semblent aller l'encontre de cette vision unitaire, dans laquelle l'article1382 formerait l'alpha et l'omga de toute responsabilit civile. Il s'agit des articles1385, sur la responsabilit du fait des animaux (V.Responsabilit du fait des animaux), et 1386, sur la responsabilit du fait des btiments en ruine. Sa lettre, demeure inchange depuis, dispose que le propritaire d'un btiment est responsable du dommage caus par sa ruine, lorsqu'elle est arrive par un dfaut d'entretien ou par le vice de sa construction. Une lecture rapide du texte semblerait faire de l'article1386 une application particulire du principe de la faute, puisqu'il voque le dfaut d'entretien ou le vice de construction. Nous verrons qu'il n'en est rien (V.infra, no29), et la faute n'est justement pas requise pour engager la responsabilit du propritaire. Lors des travaux prparatoires au code civil, certains s'taient mme interrogs sur la pertinence de ces articles, dans la mesure o ils ne semblaient que faire cho l'article princeps. L'une des justifications avances fut alors que les hypothses particulires de responsabilit dlictuelle prsentes la suite des articles1382 et 1383 (fait des btiments, fait des animaux, mais galement les diverses hypothses de responsabilit du fait d'autrui de l'art.1384: V.Responsabilit du fait d'autrui) correspondaient en ralit des cas historiques de responsabilit, que notre droit avait toujours connus, et qui remontaient pour l'essentiel au droit romain, voire au droit babylonnien. Leur prsence au sein du code civil se justifiait donc d'un double point de vue: d'une part, elle respectait le poids de la tradition historique, ce qui n'est pas ncessairement un argument convaincant; d'autre part, cette tradition historique dmontrait bien, au travers d'une telle constance, l'importance de ces hypothses, et la rgularit du contentieux: il n'tait donc pas totalement superflu que le code les mentionnt, et cet argument tait sans doute plus convaincant. L'exemple de la responsabilit du fait des btiments en ruine s'inscrit tout fait dans cette logique.2. Histoire de cette responsabilit. - L'histoire, si ce n'est de l'article1386 lui-mme, du moins de ce mcanisme de responsabilit, semble remonter au fond des ges juridiques. Le code d'Hammourabi ne prvoyait-il pas que si un architecte a construit pour un autre une maison, et n'a pas rendu solide son oeuvre, si la maison construite s'est croule, et a tu le matre de la maison, cet architecte est passible de mort? Il serait sans doute exagr d'y voir une parent directe avec notre texte actuel et la notion de vice de construction En revanche, le droit romain, droit technique et pratique s'il en ft, connaissait un mcanisme qui semblait se rapprocher davantage de l'article1386. En effet, le prteur fut assez rapidement attentif au sort des victimes d'accidents causs par l'effondrement d'un btiment, en totalit ou en partie seulement. L'action dite cautio damni infecti avait pour but la rparation de tels prjudices (V. V.DEPADT-SEBAG, La justification du maintien de l'article1386 du code civil, prf. J.Huet, 2000, Bibl. droit priv, t.344, LGDJ, nos7 ets.; J.-L.GAZZANIGA, Introduction historique au droit des obligations, 1992, PUF, no1999). Une action fonde sur la lex aquilia n'tant pas possible, en l'absence d'une vritable culpa (l'omission n'en tant pas constitutive), le prteur accorda une action tendant prvenir les dommages causs par les btiments menaant ruine. Par la cautio damni infecti, le propritaire (mais pas uniquement lui; il pouvait galement s'agir du constructeur) du btiment promettait de rparer le dommage qui pourrait survenir en cas d'effondrement de celui-ci. Si l'inspiration de cette action semble bien correspondre notre article1386, elle s'en loigne cependant par au moins deux caractres: d'une part, l'action tait prventive, puisqu'il s'agissait d'obtenir l'engagement de rparer un prjudice non encore ralis, et qui peut-tre n'adviendrait jamais et, d'autre part, la nature de cet engagement tait contractuelle, puisque dcoulant d'une promesse (cautio). En ralit, c'est l'Ancien droit qui vritablement va tracer les contours d'un dlit imposant la rparation du prjudice caus par le btiment en ruine (V. V.DEPADT-SEBAG, op.cit., nos24 ets.), et la trace s'en retrouve sous la plume de DOMAT, mme s'il rattache cette responsabilit la faute.3. Le code civil et l'volution ultrieure. - Lors des travaux prparatoires au code civil, la question fut pose de savoir si les articles1382 et 1383 ne se suffisaient pas eux seuls. D'ailleurs, TARRIBLE rattachait expressment les articles1385 et 1386 cette notion de faute, dans la droite ligne de DOMAT: C'est ce principe que se rattache la responsabilit du propritaire, relativement aux dommages causs par les animaux, ou par la ruine d'un btiment mal construit ou mal entretenu (cit par V.DEPADT-SEBAG, op.cit., no50). Toujours est-il que ces hypothses furent juges comme suffisamment reprsentatives d'un contentieux ancien et constant pour mriter l'onction du code civil - cette responsabilit se retrouvant d'ailleurs dans nombre de droits trangers, et notamment ceux qui ont t fortement influencs par le droit franais: ainsi, l'article1467 du code civil du Qubec dispose que le propritaire, sans prjudice de sa responsabilit titre de gardien, est tenu de rparer le prjudice caus par la ruine, mme partielle, de son immeuble, qu'elle rsulte d'un dfaut d'entretien ou d'un vice de construction (V.infra, no73). Ainsi, partir de 1804, le code prvoyait finalement trois sortes de responsabilit, du fait personnel, du fait d'autrui et du fait des choses, toutes tant plus ou moins rattaches au comportement du responsable, et en particulier sa faute. Il convient cependant d'tre plus prcis afin de mesurer pleinement l'importance originelle de l'article1386, qui tient une place un peu particulire dans les dlits et quasi-dlits. Le code ne connat donc l'origine que deux cas de ce que l'on appelle aujourd'hui la responsabilit du fait des choses: la responsabilit du fait des animaux (V.Responsabilit du fait des animaux) l'article1385, et la responsabilit du fait des btiments en ruine l'article1386. Il faudra en effet attendre la fin du XIXesicle et l'arrt Teffaine du 18juin 1896 pour qu'une valeur propre soit attribue l'alina1er de l'article1384, ouvrant ainsi la voie la reconnaissance d'un principe gnral de responsabilit du fait des choses (V. Responsabilit du fait des choses). Par consquent, avant cet avnement, on peut affirmer que le principe tait invers: il n'existait pas de responsabilit du fait des choses, hormis les deux cas cits. La conclusion s'impose alors d'elle-mme: le propritaire d'une chose, ou son gardien, n'encourrait pas de responsabilit en cas de dommage, sauf prouver contre lui une faute au sens des articles1382 et 1383. En revanche, le propritaire d'un btiment en ruine - tout comme le propritaire ou le gardien d'un animal - pouvait, de manire donc drogatoire, voir sa responsabilit engage dans des cas particuliers. Il en rsulte donc que la responsabilit du fait des btiments constituait incontestablement une charge particulire pour le propritaire, allant au-del du seul droit commun. L'article1386 tait donc un texte svre pour lui, puisqu'il pouvait voir sa responsabilit engage l o le propritaire d'une chose autre pouvait raisonnablement chapper toute condamnation. Nous verrons que, prcisment, l'volution jurisprudentielle conduisit un renversement complet de cette perspective, l'article1386 devenant peu peu un texte protecteur du propritaire (V.infra, no54)!4. Annonce des dveloppements. - La particularit de l'article1386, et ce en quoi il diffre profondment de l'article1385, rside dans le fait que cet article est demeur grandement insensible aux volutions gnrales de la matire, et de la responsabilit du fait des choses en particulier. Cette tanchit des textes est tout fait remarquable, mme si la priode contemporaine a progressivement battu en brche ce bastion du droit de la responsabilit dlictuelle. Afin de mieux en cerner le sens et la porte, l'article1386 sera d'abord tudi en lui-mme, avant d'envisager ses relations avec les autres sources de responsabilit.Section 1 - L'article1386, isolment des autres responsabilits5. Lettre du texte. - La comprhension de la responsabilit du fait des btiments en ruine dcoule en premier lieu de la lettre mme du texte, et ce d'autant plus que la jurisprudence, pendant longtemps - et c'est encore pour partie vrai - en eut une interprtation littrale. faire un peu d'exgse, cette responsabilit dcoule d'un dommage caus par un btiment, lequel doit tre en ruine, laquelle doit rsulter d'un dfaut d'entretien ou d'un vice de sa construction. Toutes ces conditions sont cumulatives, et contribuent sans doute restreindre la porte de cette responsabilit. Une fois remplies, elles permettent alors de mettre en jeu la responsabilit d'une seule personne: le propritaire. Ainsi, nous verrons, d'une part, les conditions du texte, et, d'autre part, sa mise en oeuvre.Art. 1 - Conditions du texte6. Trois lments. - L'article1386 n'est applicable que lorsque trois conditions sont remplies, lesquelles sont objectives: il faut tout d'abord tre en prsence d'un btiment au sens de l'article1386 du code civil. Il faut ensuite que ce btiment soit en ruine, et que ce soit cette ruine qui ait caus le dommage. Il faut enfin que cette ruine provienne soit d'un dfaut d'entretien, soit d'un vice de la construction. 1 - Un btiment7. vidence? - La premire condition d'application de l'article1386 est presque du ressort de l'vidence: il faut un btiment. Pourtant, derrire la simplicit de la proposition se cache une jurisprudence assez complexe, et qui a tendance (ou eut tendance) concevoir de manire large la notion de btiment. Une premire approche pourrait conduire ne considrer comme tel que les difices, autrement dit, les immeubles construits. Pourtant, trs tt, la jurisprudence fut conduite concevoir de manire large cette notion de btiment, pour une raison d'ordre historique qui se comprenait fort bien l'poque et un peu moins bien aujourd'hui. En effet, ainsi qu'il en a dj t fait mention (V.supra, no3), l'article1386 - avec l'article1385 - fut pendant presque tout le XIXesicle le seul texte permettant d'engager une responsabilit du fait des choses, sauf dans les autres cas prouver une faute du dfendeur au sens de l'article1382 du code civil. Par consquent, les juges, afin de favoriser le sort juridique des victimes, furent conduits, progressivement, tendre le champ d'application de l'article1386, pour prcisment permettre l'indemnisation de dommages qui, sans cela, seraient rests sans rparation, faute de pouvoir prouver une faute du dfendeur. Ainsi, et comme bien souvent en la matire, l'aspect protecteur de l'article1386 (en l'absence de tout principe gnral de responsabilit du fait des choses) eut un effet attracteur trs grand. Permettre la rparation d'un nombre plus important de dommages, sous le couvert de l'article1386 - pour viter aux victimes de s'aventurer dans la recherche et la preuve d'une faute parfois sans consistance - imposait donc que les tribunaux eussent une comprhension souple de ses conditions d'application. Et cela commenait par la premire d'entre elles, savoir la notion de btiment. La dfinition qui fut adopte en jurisprudence rsulte notamment d'un arrt de la cour d'appel de Paris du 26novembre 1946 (JCP 1947. II. 3444, concl. Dupin; V. P.leTOURNEAU, Droit de la responsabilit et des contrats, 2008/2009, Dalloz Action, no8028): construction rsultant de l'assemblage de matriaux qui, d'une part, sont relis artificiellement de faon procurer une union durable, et d'autre part, sont incorpors au sol ou un immeuble par nature. Le btiment est donc dfini par deux lments: une construction, et une incorporation au sol ou un immeuble par nature.8. Une construction. - Le premier lment de la dfinition rside donc dans l'exigence d'une construction, laquelle rsulte de l'assemblage de matriaux qui sont relis artificiellement de faon procurer une union durable. Deux lments sont donc requis: il faut un assemblage artificiel de matriaux, et que cet assemblage soit durable, prenne.9. Sont ainsi exclus du champ de l'article1386 du code civil les biens qui ne rsultent pas d'un assemblage de matriaux, tels que les vgtaux (arbres et autres plantations), ou encore des rochers ou mme le sol (G.VINEY et P.JOURDAIN, Trait de droit civil. Les conditions de la responsabilit, 3ed., 2006, LGDJ, no721). La construction rsulte donc d'un assemblage de matriaux, une composition, ce qui impose la prsence d'au moins deux lments constitutifs. De plus, ces lments doivent avoir t relis artificiellement de manire constituer une union durable. La main de l'homme, autant que sa volont, la recherche d'une cration prenne, sont donc autant d'lments constitutifs du btiment. En revanche, si ces lments constitutifs sont bien prsents, alors la voie de l'article1386 du code civil est ouverte, et cela quelle que soit la destination, la finalit du bien. En effet, la notion de btiment est purement matrielle, sans que l'usage attendu de la chose ait une quelconque influence sur la qualification. Bien entendu, un btiment usage d'habitation ou professionnel entre dans le champ du texte: il s'agit du btiment au sens commun du terme. Mais la jurisprudence a galement admis la qualification de btiment pour toutes autres choses, et notamment des lments constitutifs d'une construction plus vaste, tels qu'une dalle de bton (Nancy, 30mai 1945, D.1946.14); un portail (Civ.2e, 14dc. 1956, D.1957.7); un mur (Civ.2e, 14fvr. 1979, no77-11.284 , Bull. civ.II, no48); un muret (ft-il de parement: Civ.2e, 19oct. 2006, no05-14.525 , RCA 2006. Comm.369); un balcon (Civ.2e, 17nov. 1955, D.1956. 196, JCP 1956. II. 144, note P.Esmein); une trappe situe dans le couloir d'une maison (Limoges, 21janv. 1949, D.1949. 120); un barrage (Civ., 28nov. 1949, D.1950. 105, note H.Lalou); une digue (artificielle: Caen, 4mai 2005, Juris-Data, no278340); une balustrade (Montpellier, 25oct. 1949, JCP 1950. II. 5312); un volet (Montpellier, 23mai 2007, Juris-Data, no341013); un garde-corps (Rouen, 23janv. 2008, Juris-Data, no354599); une toiture (Paris, 27sept. 1994, JCP 1995. IV. 658); une rampe d'escalier (Civ. 2e, 19mai 1953, D.1953. 515); une porte (Civ.2e, 17oct. 1990, no89-14.124 , Bull. civ.II, no201, D.1990. IR261 ), voire une stle sur une tombe (Rennes, 6mars 2002, Juris-Data, no179698), etc. (sur ces lments, V. P.leTOURNEAU, op.cit., no8028). L'exemple le plus surprenant tant sans doute celui qui ressort d'une dcision du 30novembre 1988, aux termes de laquelle l'article1386 est appliqu au dommage caus par une poigne de porte (Civ.2e, 30nov. 1988, no87-18.768 , Bull. civ.II, no239, JCP 1989. II. 21319, note C.Giraudel).10. Encore faut-il que les matriaux, bien qu'assembls entre eux, forment une union durable, prenne. Ainsi, des juges du fond ont pu refuser d'admettre l'application de l'article1386 un mur de soutnement en pierres sches, ds lors que lesdites pierres avaient t seulement poses les unes sur les autres, sans liant entre elles, l'assemblage ne tenant que par le poids de l'ensemble (Besanon, 22nov. 2006, Juris-Data, no323511; Montpellier, 6aot 2008, Juris-Data, no004573). Il en est de mme de planches simplement poses sur la margelle d'un puits, afin de l'obstruer, et qui cdent sous le poids d'une personne, faute d'une union durable (Rennes, 2mai 2007, JCP 2007. IV. 3148), ou encore, de manire peut-tre plus surprenante, d'une vitre simplement fixe au chssis de la fentre (Paris, 12juin 2006, Juris-Data, no305724).11. Une incorporation. - La seconde condition qui est exige par la jurisprudence pour admettre la qualification de btiment est celle de l'incorporation au sol, ou dans un immeuble. Il en rsulte alors logiquement que seuls des immeubles peuvent entrer dans le champ d'application de l'article1386 mais que, l'inverse, tout immeuble n'est pas un btiment au sens du texte. Le propos est ais prciser: le btiment est une construction incorpore au sol ou un immeuble par nature: par consquent, entrent dans le champ du texte les immeubles par nature ainsi que par incorporation, au sens de l'article518, selon lequel les fonds de terre et les btiments sont immeubles par leur nature. Encore faut-il prciser que parmi les immeubles par nature le sol n'entre pas dans le champ de l'article1386, faute d'assemblage de matriaux (V.supra, no9), ni certaines plantations, pourtant admises la catgorie des immeubles (C.civ., art.520; V. P.MALAURIE et L.AYNS, Les biens, 3ed., 2007, Defrnois, no126, sur les incertitudes de certaines qualifications) De la mme faon, bien qu'il s'agisse d'immeubles selon les termes de l'article524, les immeubles par destination - qui ne sont pas des animaux - ne sont apriori pas non plus concerns par l'article1386, faute prcisment d'incorporation au sol, ou dans un immeuble par nature, comme les pressoirs, chaudires, alambics, cuves et tonnes sauf prouver prcisment une telle incorporation, ce qui n'est pas ncessairement vident.12. Il en rsulte que la jurisprudence refuse l'application de l'article1386 certaines constructions, faute prcisment d'une telle incorporation, comme par exemple une baraque de chantier, simplement pose sur le sol (Lyon, 30nov. 1953, D.1954. 172, note R.Rodire); de simples planches poses sur un puits (Rennes, 2mai 2007, JCP 2007. IV. 3148); une palissade reposant sur le sol (Civ.23oct. 1950, D.1950. 774) ou encore un bac en ciment, lui aussi simplement pos sur un balcon (Nancy, 2juill. 1945, DC1946. Somm.6). Parfois, l'apprciation des juges a pu varier pour un mme bien: ainsi en est-il des ascenseurs. Aprs avoir admis l'application de l'article1386, la jurisprudence l'a ensuite refuse, pour des raisons qui ne sont gure videntes (Civ.2e, 2avr. 1997, no95-16.531 , Bull. civ.II, no109). En effet, l'ascenseur semble bien rpondre aux critres qui ont t poss, sauf prcisment considrer que l'incorporation n'est pas suffisamment caractrise, puisque cette chose peut tre remplace Mais alors, c'est une grande part de la jurisprudence prcdemment cite qui pourrait tre conteste: un portail ou une simple porte sont-ils plus indissociables du bien dans lequel ils sont incorpors qu'un ascenseur?13. Retour une conception stricte? - La notion mme de btiment, pourtant la plus essentielle pour l'application de l'article1386, rvle une grande souplesse de la part des juridictions. Si une telle attitude pouvait aisment se comprendre durant le XIXesicle, c'est--dire avant l'avnement d'une vritable responsabilit gnrale du fait des choses, elle semble moins comprhensible aujourd'hui. En effet, le rsultat de ces volutions conduit soustraire du champ de l'article1384, alina1er, un certain nombre d'hypothses qui pourraient pourtant parfaitement en relever, et ce, par une interprtation souple de la notion de btiment. En attendant une disparition, sinon programme du moins espre de l'article1386 (V.infra, nos72 s.), les juridictions pourraient tre bien inspires d'en revenir une conception stricte des conditions de cette responsabilit, et notamment de la notion de btiment, afin de ne pas tendre plus que ncessaire la porte d'un texte aujourd'hui globalement dfavorable aux victimes. 2 - Une ruine14. Notion. - La deuxime condition d'application de l'article1386 rside dans la ruine dudit btiment. Il n'y a en effet de responsabilit que lorsque le dommage a t caus par la ruine du btiment: faute d'une telle constatation, l'article1386 est inapplicable, et il faut se tourner alors vers d'autres textes, l'article1384, alina1er, notamment (V.infra, no53). Il appartient du reste aux juges de vrifier cette condition (Civ.2e, 17oct. 1990, no89-14.124 , Bull. civ.II, no201, D.1990. IR261 , propos de la porte d'un hangar), et il ne faudrait pas dduire de l'effondrement du btiment sa ruine! Il en rsulte l'exigence d'une preuve qui peut parfois tre difficile tablir (Bourges, 28juin 2005, Juris-Data, no286389, propos de l'effondrement d'un plancher, la ruine du btiment n'tant pas avre). Comment dfinir cette notion de ruine? Il semble que la jurisprudence l'identifie l'effondrement du btiment, ou d'une partie de celui-ci, sauf prciser qu'il ne doit pas rsulter d'une action volontaire. Une formule revient souvent sous la plume des juges du fond, et elle rsume assez bien la notion: La ruine d'un btiment qui n'implique pas ncessairement sa destruction totale, peut tre une dgradation partielle de tout ou partie du btiment ou de tout lment mobilier ou immobilier qui y est incorpor de faon indissoluble (Douai, 22sept. 2005, Juris-Data, no298219).15. Effondrement total ou partiel. - La ruine rsulte donc de la chute d'un lment du btiment, voire de son ensemble - malgr certains dcisions de juges du fond qui admettent l'application de l'article1386 mme en l'absence d'effondrement (Rennes, 4janv. 2005, Juris-Data, no271640, propos d'infiltrations). Il aurait en effet t excessif de rduire la notion de ruine l'effondrement de l'ensemble de la construction. La jurisprudence admet donc depuis longtemps que l'effondrement partiel suffit, ou bien encore la chute d'un lment constitutif du btiment, la condition toutefois qu'il y soit bien incorpor. Certaines hypothses en ce sens ont dj t rencontres (V.supra, no8), qu'il s'agisse d'un volet ou d'une balustrade. Ajoutons prsent la chute d'une poutre (Riom, 16janv. 1962, D.1962. 140), d'une brique (Lyon, 15dc. 1955, D.1956. Somm.108), d'un escalier (Douai, 22sept. 2005, Juris-Data, no298219), de la faade d'un immeuble (Aix-en-Provence, 31oct. 2007, Juris-Data, no359671), la chute d'une pierre sur un toit (Reims, 29juill. 2003, Juris-Data, no242556), d'une tuile (Civ.2e, 4mai 2000, no98-19.951 , RCA 2000. Comm.218, note H.Groutel), d'une porte de hangar (Civ.2e, 8juin 1994, no92-20.412 , Bull. civ.II, no150, D.1994. IR181 ), d'une aile de moulin vent (Civ.1re, 22nov. 1983, no82-70.288 , Gaz.Pal. 1984.1. Pan.263, obs. F.Chabas), etc.16. En pratique cependant, la caractrisation de la ruine d'un btiment n'est pas toujours une chose aise. Ainsi, peut-on considrer que la vtust de la construction est assimilable une ruine? La jurisprudence semble ne pas y tre favorable, en l'absence prcisment de la chute d'un lment constitutif. Ainsi en est-il du mauvais tat des marches d'un escalier (Civ.2e, 30nov. 1977, no76-11.327 , Bull. civ.II, no227, D.1978. IR201, obs. C.Larroumet), ou encore de l'existence de fissures dans un conduit de chemine (Civ.2e, 3mars 1993, no91-19.694 , Bull. civ.II, no86, D.1993. IR83 ). Cette conception stricte de la notion de ruine semble tre constante dans la jurisprudence de la Cour de cassation, ainsi que le rvle un arrt du 16octobre 2008 (Civ.2e, 16oct. 2008, no07-16.967 , RCA 2009. Comm.6, D.2008. AJ2720 , RTDciv. 2009. 128, note P.Jourdain ). Dans cette affaire, les propritaires d'un immeuble agissaient l'encontre des propritaires de l'immeuble voisin dont l'affaissement ainsi que le basculement entranaient divers dsordres: les deux btiments tant accols l'un l'autre, les mouvements du premier avaient ncessairement des consquences sur le second. Les juges du fond avaient admis l'existence dans ce cas d'une ruine. Le pourvoi - qui critiquait prcisment la qualification de ruine, faute de la chute d'un lment - est rejet, mais la Cour de cassation procde une substitution de motifs, remplaant l'article1386 par l'article1384, alina1er. La Haute juridiction reconnat ainsi que la situation n'entre pas dans le champ d'application de l'article1386, en somme que l'affaissement et le basculement de l'immeuble ne caractrisent pas sa ruine. La conception stricte de la ruine est donc maintenue, mme si, en l'espce, elle n'a rien d'vident. Ainsi que l'a remarqu l'un des commentateurs de l'arrt (P.JOURDAIN, obs. prc.), l'absence d'effondrement tait sans doute lie au fait que les deux btiments taient solidaires l'un de l'autre et que, en l'absence d'une telle circonstance, la chute d'un lment du premier serait peut-tre advenue. N'y a-t-il pas quelque artifice considrer que la chute d'un volet constitue une ruine du btiment, et pas son affaissement ou son basculement? La solution s'explique sans doute par la volont de cantonner le plus possible cette responsabilit, mais sans que soient supprimes certaines incohrences: d'un ct, en effet, les juridictions conoivent strictement la ruine, mais de l'autre, elles ont une conception assez souple de la notion de btiment (V.supra, no13) Toujours est-il que certains juges du fond font preuve de plus de comprhension dans ce genre d'hypothse (Reims, 26nov. 2007, Juris-Data, no360796, qui admet que l'affaissement d'un pilier en bton soit constitutif d'une ruine).17. Absence d'intervention volontaire. - Certains auteurs ont justement mis en lumire que l'effondrement ne doit pas tre la rsultante d'une action volontaire (G.VINEY et P.JOURDAIN, op.cit., no722). Plus prcisment, l'effondrement doit tre spontan. La chute du btiment ou de l'un de ses lments doit rsulter d'un phnomne naturel, sans intervention humaine. Ainsi, l'article1386 n'est pas applicable lorsque l'effondrement est le rsultat d'une intervention humaine, par exemple, lors de travaux de construction (Montpellier, 13janv. 1954, JCP 1954. IV. 146; Toulouse, 27juin 1973, D.1973. IR262) ou de rnovation (Colmar, 12dc. 1972, D.1973. Somm.148). Bien entendu, la destruction volontaire du btiment exclut galement l'application de l'article1386. Toutefois, certains juges du fond n'admettent pas cette exigence pour l'application de l'article1386: ainsi, dans une affaire au moins, une cour d'appel a admis cette responsabilit pour le cas o la victime s'tait accroche une pierre sur le toit d'un btiment, laquelle avait cd sous son poids (Reims, 29juill. 2003, Juris-Data, no242556: il ne peut tre soutenu que l'article1386 du code civil ne peut s'appliquer qu'en cas de chute spontane d'un lment indissociable du btiment et non lorsque la chute est provoque par la victime). Cependant, cette position, isole, n'emporte pas la conviction, et l'absence d'intervention volontaire, en tant que condition d'application du texte, doit tre approuve.18. Menace de ruine. - Une question rcurrente en la matire est de savoir s'il est possible d'agir l'encontre du propritaire avant que le btiment ne s'effondre, en tout ou partie. En effet, si la vtust n'est pas une ruine, faute de chute d'un lment, elle peut dans certains cas (si la ruine provient d'un dfaut d'entretien, V.infra, no23) en tre le signe avant-coureur. Ds lors, les voisins notamment peuvent-ils agir en amont, afin d'viter prcisment la chute d'un lment, et le dommage? Rien dans le texte de l'article1386 ne le permet: il s'agit d'un pur texte de responsabilit civile, lequel requiert classiquement l'existence d'un dommage. Autrement dit, il n'y a pas de texte permettant de prvenir la ruine des btiments. Cela est d'autant plus curieux que l'action romaine cautio damni infecti (V.supra, no2) avait prcisment t cre dans ce but particulier, et que certains autres droits l'admettent (V. G.VINEY et P.JOURDAIN, op.cit., no722).19. Pourtant, deux remarques peuvent tre formules ce propos. La premire d'entre elles est relative l'existence d'une lgislation portant sur les btiments en ruine. En effet, quelques textes spciaux prennent en compte cette hypothse. Sans prtendre une quelconque exhaustivit, citons tout d'abord le code de la construction et de l'habitation, et son article L.511-2. Ce texte accorde au maire, l'issue d'une procdure contradictoire, le pouvoir de mettre en demeure le propritaire d'un immeuble menaant ruine de raliser des travaux de rparation, voire de dmolition, ainsi que de prendre toute mesure propre prserver les btiments contigus. De la mme faon, l'article L.451-2 du code de l'urbanisme prvoit que le permis de dmolir ne peut tre refus lorsque la dmolition est le seul moyen de mettre fin la ruine de l'immeuble. Dans le mme ordre d'ide, d'autres textes accordent aux autorits publiques le pouvoir de prendre des mesures de sret sur les monuments funraires en cas de danger grave ou imminent, s'ils menacent ruine (CGCT, art.L.2213-24, s'agissant du maire; art.L.2512-13, s'agissant du maire de Paris). Plus gnralement d'ailleurs, l'article L.2212-2 du code gnral des collectivits territoriales cite, au nombre des missions de la police municipale, la dmolition ou la rparation des difices et monuments funraires menaant ruine. Dans ces hypothses, cependant, la victime potentielle, ou du moins menace par l'tat de dlabrement de l'immeuble, ne dispose pas d'une action directe contre le propritaire. Tout au plus peut-elle alerter le maire du danger recel par l'tat du btiment.20. Serait-il alors possible pour elle d'agir sur un autre fondement? C'est la seconde remarque qu'il convient de formuler. La voie de droit pourrait-elle tre celle d'une action possessoire, et notamment la dnonciation de nouvel oeuvre? En effet, alors que la complainte a pour but de faire cesser un trouble actuel, la dnonciation de nouvel oeuvre, pour sa part, prsente un caractre prventif: elle permet un possesseur d'obtenir la suspension de travaux qui, s'ils taient poursuivis, risqueraient de causer un trouble de sa possession. Bien qu'il s'agisse l de l'une des rares actions finalit ouvertement prventive de notre droit, son application en l'espce se heurte deux obstacles, dont l'un semble majeur. D'une part, l'action n'est ouverte qu'au possesseur, ce qui, dans ce cas de figure, signifie gnralement un voisin, rduisant ainsi la porte de la solution. D'autre part, et surtout, la dnonciation de nouvel oeuvre a prcisment pour but de suspendre des travaux en cours de ralisation; or, ainsi qu'il a t vu (supra, no13), la notion de ruine, au sens de l'article 1386, est incompatible avec l'existence d'une activit volontaire, comme peut l'tre une opration de construction.21. C'est plus efficacement vers la thorie des troubles anormaux du voisinage qu'il conviendrait de se tourner. Sans invoquer directement un principe de prcaution, relevons cependant que la jurisprudence a de plus en plus tendance prendre en considration le risque de dommage, et en faire un trouble anormal du voisinage. La solution est dj en germe dans certaines dcisions, comme un arrt du 24fvrier 2005 (Civ.2e, 24fvr. 2005, no04-10.362 , Bull. civ.II, no50, JCP 2005. I. 149, obs. G.Viney, JCP 2005. II. 10100, note F.-G.Trbulle): dans cette affaire, un agriculteur avait entrepos de la paille en limite de proprit, proximit d'une habitation. La Cour de cassation admet que cela constitue un trouble anormal de voisinage, indpendamment de toute ralisation d'un dommage li un incendie. Ici, c'est le risque de voir dbuter cet incendie qui est considr comme un trouble. De la mme faon, une cour d'appel a pu retenir une semblable qualification propos d'arbres trs hauts qui n'taient pas entretenus (ni tts, ni lagus: Aix-en-Provence, 10dc. 2004, JCP 2005. IV. 2952). Et que dire des dcisions, dj quantitativement significatives, relatives des antennes-relais de tlphonie mobile, l'instar de l'arrt rendu par la cour d'appel de Versailles, le 4fvrier 2009 (D.2009. 499, note M.Boutonnet , JCP 2009. Actu.83, obs. C.Bloch, RCA 2009. Comm.75, note G.Courtieu). Dans toutes ces hypothses, le trouble anormal de voisinage est constitu, et il existe mme alors des prjudices actuels et certains, indpendants, du reste, du risque de dommage futur, ou de sa ralisation. En effet, les victimes de ces troubles subissent immdiatement un prjudice moral (la crainte de voir le risque se raliser), et mme patrimonial si le trouble conduit dprcier leur bien. Ces solutions, selon nous, sont parfaitement transposables au cas d'un btiment en ruine (V. P.leTOURNEAU, op.cit., no7170). Bien entendu, il faut encore que l'tat de ruine, ou plus exactement de dlabrement du btiment (encore que l'hypothse d'un premier effondrement, partiel, soit envisageable dans la mesure o il peut en faire craindre un autre) soit apparent afin de justifier l'action. Tel serait sans doute le cas d'un dfaut d'entretien, la solution tant plus incertaine s'agissant d'un vice de construction, lequel risque fort de se rvler au moment de l'effondrement! 3 - Origine de la ruine22. Double origine. - La troisime et dernire condition exige par l'article1386 est relative l'origine de la ruine. Elle doit provenir, selon le texte, d'un dfaut d'entretien ou d'un vice de la construction, et c'est la victime qu'il appartient d'en rapporter la preuve. Il ne serait pas possible, notamment, de dduire de la ruine du btiment, et donc de son effondrement total ou partiel, l'existence d'un tel dfaut ou d'un tel vice. C'est une condition part entire de cette responsabilit, un lment qui ne peut s'induire de l'existence des deux autres. Pourtant, la tentation peut tre forte, en pratique, de se contenter de peu de choses, et certains juges du fond peuvent y cder. C'est notamment le cas lorsqu'ils considrent que, du seul fait d'un effondrement, celui-ci ne peut tre d qu' un dfaut de surveillance et d'entretien, ds lors que le propritaire ne dmontre pas l'existence d'une cause trangre (Lyon, 23sept. 2004, Juris-Data, no252861). Ce mode de raisonnement, qui rappelle celui de la faute virtuelle (systme dans lequel la faute se dduit de la survenance du dommage) doit tre rejet, la preuve de l'origine de la ruine devant tre positivement rapporte.23. Dfaut d'entretien. - Aux termes du texte, il y a deux causes possibles la ruine du btiment, le dfaut d'entretien et le vice de la construction, lesquels soulvent en pratique des difficults, notamment de preuve, assez diffrentes. Le dfaut d'entretien est souvent allgu, et il peut prendre des formes diverses, et avoir des consquences varies. Cela va de l'effondrement d'une toiture (Chambry, 25janv. 2005, Juris-Data, no261876) la chute d'une chemine (Caen, 7fvr. 2006, Juris-Data, no312419), en passant par la rupture du barreau d'une chelle (Besanon, 28fvr. 2007, Juris-Data, no328571), ou l'croulement d'un mur (Dijon, 12fvr. 2008, Juris-Data, no358416), pour aller jusqu' l'abandon complet d'un immeuble (Amiens, 5avr. 2007, Juris-Data, no342433; Rennes, 4janv. 2005, Juris-Data, no271640). Au-del de ces exemples, deux prcisions doivent tre apportes en ce qui concerne le dfaut d'entretien.24. D'une part, les arrts font souvent tat de la vtust du btiment. Il a t vu (V.supra, no16) que la vtust n'tait pas assimile en jurisprudence la ruine du btiment, prcisment parce que la vtust n'implique pas ncessairement la chute de l'un de ses lments. Mais cela ne signifie pas que l'tat du btiment ne soit pas pris en considration, bien au contraire. Si la vtust ne peut caractriser elle seule la ruine d'un btiment, en revanche, elle permet d'identifier son origine, ce qui est un peu diffrent. Le raisonnement est alors le suivant: soit un btiment qui s'effondre, partiellement ou totalement; ce btiment, avant la survenance de la ruine, tait vtuste; cela permet alors de prsumer un dfaut d'entretien.25. D'autre part, et c'est presque la rsultante de ce qui prcde, se pose alors la question de la preuve du dfaut d'entretien. S'agissant d'un fait juridique, sa preuve est libre, et peut tre rapporte par tout moyen, notamment par le biais de prsomptions ou de tmoignages. Tel est le cas de la vtust, si elle est avre, qui permet de prsumer le dfaut d'entretien. Mais ici, tout est une question de fait, et il est sans doute difficile de faire la part du dfaut d'entretien et de l'usure normale des matriaux Un exemple sera donn avec une dcision dj cite de la cour d'appel de Caen du 7fvrier 2006. Lors de la tempte de 1999, la chemine d'une maison s'effondre, causant quelques dommages. La responsabilit de son propritaire est alors recherche sur le fondement de l'article1386 du code civil. Le fait qu'il s'agisse d'un btiment, et que celui-ci soit en ruine ne faisait pas dbat. Restait alors la question de l'origine de la ruine, et le dfaut d'entretien tait invoqu; une attestation fut mme produite lors des dbats, manant de visiteurs occasionnels, faisant tat prcisment du manque d'entretien par le propritaire. Pourtant, les juges du fond ne retiennent pas ici la responsabilit du propritaire, en raison du fait que celui-ci produisait des factures de ramonage! La cour prend la peine de prciser que si cette opration ne concerne pas la solidit de la chemine, elle tmoigne cependant du fait que le propritaire ne se dsintressait pas de l'entretien de son immeuble (et d'ajouter que le reste de la toiture avait parfaitement rsist la tempte, au contraire d'habitations voisines, ce qui tablissait le bon entretien gnral de la maison). La motivation vaut ce qu'elle vaut, mais elle a le mrite de mettre l'accent sur la ncessaire preuve du dfaut d'entretien, qui doit tre rapporte par la victime. Bien entendu, la preuve est grandement facilite si le dfaut d'entretien a pu faire l'objet d'une constatation non quivoque avant l'effondrement du btiment, par un huissier ou un expert et, condition qu'aucune remise en tat n'ait t effectue par le propritaire (Amiens, 5avr. 2007, Juris-Data, no342433).26. Vice de construction. - La question du vice de construction est sans doute plus dlicate, notamment du point de vue de la preuve. En effet, le dfaut d'entretien entrane une dgradation progressive du btiment, et peut-tre - parfois mais pas toujours - sinon apparente du moins visible, d'o la possibilit de le prouver par le biais d'une preuve de sa vtust, apporte par tmoignages ou autres. En revanche, cela est malais pour le vice de construction qui est, presque par nature, souvent cach aux yeux de tous, et ne se rvle que lors de l'effondrement! Par consquent, il sera souvent difficile de faire l'conomie d'une expertise afin de l'tablir.27. Le vice de construction peut rsulter d'une mauvaise fabrication du btiment, par exemple un montage ou des soudures dfectueuses (Lyon, 6juin 2005, Juris-Data, no279746, pour une porte de garage), une adhrence insuffisante d'un panneau dcoratif sur un mur (Civ.2e, 16mars 1959, D.1959. Somm.74) ou bien encore la prsence de fondations insuffisantes (Rouen, 9mai 2007, Juris-Data, no337488). Mais le vice de construction peut galement englober le dfaut de conception du btiment: ainsi en est-il de l'effondrement d'un mur li la prsence d'un coulement d'eaux pluviales se dversant directement au pied du mur: ici, c'est trs nettement la conception du systme d'coulement, et son emplacement, qui furent l'origine de la ruine du btiment (Angers, 12dc. 2006, Juris-Data, no349128). Enfin, comment ne pas citer un arrt de la cour d'appel d'Angers du 4novembre 1971 (D.1972. 169, note J.L.), se prononant sur le vice d'une construction ancienne. Dans cette affaire, un pont, appartenant un particulier, s'effondre sous le poids d'un camion. Le btiment, selon un expert, remonte au moins au XVIIIesicle. Les juges durent donc statuer sur l'existence d'un vice de construction, et aboutirent cette conclusion: Cette construction, plus que suffisante au XVIIIesicle, tait par contre [sic] inadapte aux transports effectus l'poque actuelle l'aide de vhicules beaucoup plus lourds et d'un emptement plus grand; que ce pont tait ds lors affect d'un vice de construction, lequel doit s'entendre en considration de l'usage actuel de l'difice et non pas en se rfrant celui existant l'poque de sa construction28. Hypothse de l'incendie. - Que se passe-t-il si la ruine du btiment est due son incendie? N'est-il pas envisageable d'appliquer l'article1386, surtout si l'incendie lui-mme est la consquence d'un dfaut d'entretien ou d'un vice de construction (par exemple, une installation lectrique dfectueuse)? Avant la loi du 7novembre 1922, l'application de l'article1386 pouvait tout fait se justifier, condition toutefois de rapporter la preuve du dfaut d'entretien ou du vice de construction. Cependant, il n'est plus possible de raisonner de la sorte. En effet, cette loi est venue, sous la pression des assureurs qui craignaient un dveloppement croissant de la nouvelle responsabilit gnrale du fait des choses, les conduisant ainsi devoir supporter des charges de garantie trs importantes (notons au passage la clairvoyance de ces professionnels, avant mme que les chambres runies ne rendissent l'arrt Jand'heur), imposer la victime la preuve d'une faute, selon le droit commun de l'poque. Dsormais, l'alina2 de l'article1384 dispose que toutefois, celui qui dtient, un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis--vis des tiers, des dommages causs par cet incendie que s'il est prouv qu'il doit tre attribu sa faute ou la faute des personnes dont il est responsable. Par consquent, mme dans l'hypothse o un incendie trouverait sa cause dans la ruine du btiment, les dommages causs aux tiers, par communication d'incendie, seront soumis aux dispositions de l'article1384, alina2, et non pas celles de l'article1386 (Req. 10fvr. 1925, DP1925.1. 97, note L.Josserand). La consquence en est donc pour la victime l'obligation de prouver une vritable faute du dtenteur de l'immeuble (qui n'est pas ncessairement le propritaire). La complexit de ce rgime doit conduire approuver sans rserve les appels une suppression pure et simple de l'alina2 de l'article1384, qui est devenu au fil du temps non seulement anachronique, mais encore source d'une jurisprudence complexe et peu heureuse - le rapport de la Cour de cassation pour 1999 suggrait la modification ou l'abrogation de ce texte (R.C.cass. 1999, p.31, repris dans R.C.cass. 2005, p.12).29. Indiffrence de la faute. - Quelle que soit l'origine de la ruine, dfaut d'entretien ou vice de la construction, la faute du propritaire est indiffrente. En effet, il est important de prciser que la responsabilit dicte par l'article1386 est une responsabilit objective, qui ne repose pas sur la faute du dfendeur (Civ.1re, 22nov. 1983, no82-70.288 , Gaz.Pal. 1984.1. Pan.263, obs. F.Chabas). Pourtant, premire vue, il serait tentant de considrer que le dfaut d'entretien, comme le vice de construction, sont constitutifs d'une faute civile au sens des articles1382 et 1383. D'ailleurs, la jurisprudence ancienne hsita quelque temps, considrant parfois que l'article1386 reposait bien sur la faute, prouve ou prsume - surtout au XIXesicle et au dbut du XXesicle (sur ces volutions, V. V.DEPADT-SEBAG, op.cit., nos159 ets.). Le bon pre de famille, tout comme le bon professionnel, entretient et construit sans vice: il est indniable que le dfaut d'entretien, tout comme le vice de construction, sont des fautes civiles, mais elles ne sont pas ncessairement imputables au dfendeur. En effet, l'action fonde sur l'article1386 du code civil est dirige contre le propritaire actuel du btiment (V.infra, no35), lequel peut parfaitement ne pas tre l'origine de la ruine: le dfaut d'entretien peut tre d un prcdent propritaire, et quant au vice de construction, il est gnralement imputable au constructeur ou l'architecte (mme s'il n'est pas exclu de considrer que le propritaire qui s'abstient d'entretenir le btiment commet une faute, tout comme celui qui ne rpare pas un vice connu, ou du moins ne tente pas d'y remdier).30. De plus, si la victime devait prouver la faute du propritaire, cette responsabilit ne prsenterait pas d'intrt par rapport au rgime qui dcoule des articles1382 et 1383: elle n'en serait alors qu'une application, une illustration particulire. Or, les rdacteurs du code civil ont prcisment voulu imposer une charge particulire aux propritaires, et aggraver leur sort par rapport au droit commun qui, pendant tout le XIXesicle, exigeait de la victime qu'elle prouvt une faute. Ainsi, la victime d'un btiment en ruine n'a pas prouver la faute du propritaire, mais doit simplement tablir un fait objectif, savoir, le dfaut d'entretien ou le vice de la construction. La consquence en est alors logiquement que le propritaire ne peut chapper sa responsabilit en tablissant que l'origine de la ruine ne lui est pas imputable, en somme, qu'il n'a pas commis de faute (V.infra, no41). Pendant tout le XIXesicle, il y eut donc deux niveaux de responsabilit civile: une responsabilit exigeante pour la victime, la responsabilit pour faute issue des articles1382 et 1383, et une responsabilit moins exigeante, la responsabilit sans faute issue de l'article1386. On mesure ainsi combien ce texte tait alors protecteur des victimes, et svre pour les propritaires, qui pouvaient tre responsables mme sans faute de leur part. Bien entendu, la donne fut compltement change partir de 1896 et de l'arrt Teffaine : l'apparition puis le dveloppement d'une responsabilit gnrale du fait des choses conduisit distinguer trois niveaux de responsabilit civile: la responsabilit pour faute prouve (C.civ., art.1382 et 1383); la responsabilit sans faute prouve, mais lie la preuve d'un fait objectif (le dfaut d'entretien ou le vice de construction de l'art.1386); la responsabilit sans faute prouve, lie au seul fait de la chose (C.civ., art.1384, al.1er). Dsormais, l'article1386, bien que toujours plus favorable pour les victimes que les articles1382 et 1383, se rvle cependant moins favorable que l'article1384, alina1er!31. Cette indiffrence de la faute conduit, plus gnralement, s'interroger sur le fondement de la responsabilit du propritaire. Bien que la doctrine classique y vt une faute prsume (V. J.FLOUR, J.-L.AUBERT et E.SAVAUX, Les obligations, t.2, Le fait juridique, 12ed., 2007, Sirey, no298), elle apparat aujourd'hui plutt comme une garantie due par le propritaire pour le fait de ruine de son btiment.Art. 2 - Mise en oeuvre du texte32. Simplicit et clart. - Le systme mis en place par les rdacteurs l'article1386 est remarquable de simplicit et de clart, bien que, comme souvent, ces qualits soient en mme temps la source de dfauts tout aussi importants L'ide des rdacteurs tait de mettre en place un systme drogatoire au droit commun, mais qui ne souffrait pas, ou peu, d'interprtation ou d'incertitudes. Par consquent, aucune faute ne doit tre tablie, ce qui vite de longs dbats sur l'attitude qu'a eue, ou aurait d avoir, le propritaire; de la mme faon, la dsignation du responsable ne devait laisser place aucune discussion: c'est donc le texte lui-mme qui dsigne le responsable. Il s'agit du propritaire du btiment, et de personne d'autre! En revanche, le texte ne dit rien sur les causes d'exonration, qui sont finalement - et c'est assez logique dans la perspective du texte - assez peu nombreuses, ni sur les ventuels recours dont disposerait le propritaire en cas de condamnation. 1 - Une responsabilit rattache la proprit33. Responsable dsign. - Le texte de l'article1386 ne laisse planer aucune ambigut, puisque c'est la loi qui dsigne ici le responsable: c'est le propritaire. Il en rsulte au moins deux consquences. D'une part, l'article1386 ne peut tre invoqu l'encontre d'une autre personne que le propritaire et, d'autre part, le propritaire ne peut tre assign que sur le fondement de l'article1386 (V.infra, no54).34. La responsabilit tant rattache la proprit, il importe donc peu que le propritaire n'utilise pas le btiment, ne l'occupe pas s'il s'agit d'un immeuble usage d'habitation Bref, la notion de garde, au coeur de la responsabilit gnrale du fait des choses, est ici sans utilit. De la mme faon, peu importe que le propritaire soit une personne physique ou une personne morale (ainsi, pour le syndicat des copropritaires, V.infra, nos40 et 64). De plus, il peut s'agir d'une personne prive mais galement parfois d'une personne publique, lorsque le btiment dpend de son domaine priv (Civ. 12juin 1901, DP1902.1. 372, concl. Lafferire). Ds lors, plusieurs situations peuvent tre distingues.35. Proprit unique. - Dans la situation la plus simple, dans laquelle le droit de proprit appartient une seule personne, la dsignation du responsable ne soulve pas de difficult. C'est le propritaire du btiment, au moment du dommage, qui sera responsable du dommage subi par la victime. Ainsi, si le propritaire est galement le gardien du btiment, par exemple, parce qu'il l'occupe, il sera responsable sur le seul fondement de l'article1386, puisque son application exclut celle de l'article1384, alina1er (V.infra, no54). Il en est de mme si le propritaire n'en est pas le gardien, parce qu'il en a concd l'usage une autre personne, par exemple, au moyen d'un contrat, comme le contrat de location. Le fait que ce soit le locataire qui soit gardien du btiment n'empche nullement l'action contre le propritaire, qui demeure seul responsable sur le fondement de l'article1386 du code civil. Cette responsabilit apparat donc bien comme une contrepartie du droit de proprit sur le btiment, plus que comme le revers d'un pouvoir matriel sur lui.36. Des difficults peuvent cependant surgir quant la dtermination prcise du responsable en cas de succession dans le temps de propritaires (sur ce point, V. G.VINEY et P.JOURDAIN, op.cit., no726). Ce sont les rgles habituelles du droit des biens, ou du droit des contrats qui donneront alors la rponse. Il s'agit simplement de dterminer qui, au moment du dommage, tait titulaire de ce droit rel sur la chose. En cas de transfert de proprit par contrat, comme un contrat de vente, c'est le jour de formation du contrat qui sera dterminant, puisque le transfert de proprit est un effet de la loi aux termes de l'article1583 du code civil (elle [la vente] est parfaite entre les parties, et la proprit est acquise de droit l'acheteur l'gard du vendeur, ds qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore t livre ni le prix pay). Si un avant-contrat a t conclu, classiquement s'agissant de ventes immobilires, l'acheteur devient propritaire au jour de conclusion de la promesse synallagmatique de vente (qui vaut vente selon l'art.1589 c.civ.), ou au jour de la leve de l'option en cas de promesse unilatrale de vente.37. Il convient galement d'voquer la situation rsultant d'une accession immobilire, telle qu'elle est conue aux articles552 et suivants du code civil. Ainsi, le propritaire du terrain devient galement propritaire de tout ce qui y est difi, et par l mme encourt potentiellement la responsabilit issue de l'article1386. Il en est de mme du cas de la construction sur le terrain d'autrui, question rgle par l'article555: si le propritaire du fonds dcide de conserver les constructions, tout en indemnisant le constructeur, il devient alors seul propritaire des btiments. La situation d'un fonds lou est cependant particulire. En effet, mis part certains baux qui accordent au preneur un vritable droit de superficie (comme le bail emphytotique ou le bail construction), la question de l'application de l'article555 au locataire est dlicate, non pas tellement sur le point de savoir si le propritaire du fonds devient propritaire des constructions, mais plutt quel moment. La logique voudrait qu'il en acquiert la proprit au fur et mesure de leur dification, comme il est de coutume en matire d'incorporation. Cependant, afin de protger le locataire durant le bail, la jurisprudence a pris le parti inverse: l'accession est diffre en fin de bail (Civ.3e, 4avr. 2002, no01-70.061 , Bull. civ.III, no82, D.2002. Somm.2508, obs. B.Mallet-Bricout , RTDciv. 2002. 114, obs. T.Revet ; V. P.MALAURIE et L.AYNS, op.cit. [supra, no11], no453). Il faut donc en conclure que c'est, de manire tout fait drogatoire, le locataire qui est responsable de la ruine du btiment qu'il a difi sur le terrain du bailleur, pendant le bail, le propritaire du fonds devenant propritaire du btiment son terme.38. Proprit dmembre et indivision. - Que se passe-t-il en cas de dmembrement de proprit, et notamment en cas d'usufruit? L encore, la situation est, du point de vue de l'article1386, assez claire. L'usufruitier, bien que disposant d'un droit rel, n'est pas propritaire du btiment, et ne peut donc pas tre responsable sur le fondement de l'article1386. Seul le nu-propritaire pourra donc tre tenu (V.ainsi Caen, 4mai 2005, Juris-Data, no278340). La question pourra cependant tre plus complexe s'agissant des recours mis la disposition du nu-propritaire condamn (V.infra, no48).39. Si le btiment est en tat d'indivision, l encore les choses sont relativement claires. Chaque indivisaire dispose de droits concurrents sur la chose et si l'indivision porte sur la proprit, cela signifie que tous sont propritaires en mme temps, disposant d'une quote-part sur l'ensemble. La consquence logique en est donc que tous les condivisaires sont responsables sur le fondement de l'article1386 du code civil, faute pour l'indivision d'avoir la personnalit morale. Telle est du moins la solution tant que dure l'indivision. Une fois le partage opr, chaque indivisaire se voit attribuer un droit privatif et exclusif sur un bien: celui qui se verra attribuer le btiment sera alors seul responsable de sa ruine.40. Coproprit. - Si le btiment fait l'objet d'une proprit divise, le principe de l'article1386 reste applicable. Si la ruine est issue d'une partie privative, c'est le propritaire du lot qui est responsable; si la ruine provient des parties communes, c'est alors l'ensemble des copropritaires qui sont tenus insolidum. Cependant, si la coproprit est rgie par la loi no65-557 du 10juillet 1965 (JO11juill.), la responsabilit en cas de ruine provenant des parties communes est assume par le syndicat des copropritaires. Plus prcisment, l'article14 de cette loi dispose qu'il [le syndicat] est responsable des dommages causs aux copropritaires ou aux tiers par le vice de construction ou le dfaut d'entretien des parties communes, sans prjudice de toutes actions rcursoires. Ainsi que l'a relev un auteur (V.DEPADT-SEBAG, op.cit., nos342 ets.), le lgislateur avait voulu transposer en la matire le principe de l'article1386, mais il le fit imparfaitement. En effet, le texte de la loi de 1965, s'il rappelle celui du code civil, n'intgre cependant pas la condition de ruine du btiment, ce qui conduit videmment accrotre le champ de la responsabilit du syndicat (V.infra, no64). 2 - Causes d'exonration41. Responsabilit de plein droit. - La responsabilit qui dcoule de l'article1386 est une responsabilit de plein droit (Civ.1re, 3mars 1964, D.1964. 245, note R.Savatier, JCP 1964. II. 13622, note P.Esmein). Premier rgime de responsabilit objective dans le code, elle a conserv jusqu' aujourd'hui ce caractre. Il en rsulte notamment, et peut-tre principalement, que le propritaire du btiment ne peut chapper sa responsabilit en tablissant son absence de faute, indiffrente en la matire (V.supra, no29). Du reste, s'il et t concevable que le propritaire chercht s'exonrer en prouvant que le vice de construction ne lui est pas imputable, cela aurait t plus dlicat avec le dfaut d'entretien. Certes, il n'est pas exclu que l'effondrement se produise immdiatement aprs l'acquisition du btiment, empchant alors matriellement le propritaire de procder des rparations (V.ainsi Civ.1re, 3mars 1964, Bull. civ.I, no125, D.1964. 245, note R.Savatier, JCP 1964. II. 13622, note P.Esmein; Civ.1re, 28juin 1972, no70-14.262 , Bull. civ.I, no169, JCP 1973. II. 17564, cits par G.VINEY et P.JOURDAIN, op.cit., no726; le dernier arrt cit est presque exemplaire en la matire: un immeuble est adjug aux enchres publiques un matin; l'aprs-midi, le notaire, charg de vendre les meubles du btiment, fait visiter les lieux des acheteurs potentiels lorsque le plancher s'effondre: le responsable est donc le propritaire qui ne l'tait que depuis quelques heures), mais la plupart du temps tel n'est pas le cas Le dfaut d'entretien qui est tel qu'il entrane la ruine du btiment serait alors facilement qualifi de faute.42. Faute de la victime. - Restent alors les causes gnrales d'exonration, force majeure, fait d'un tiers ou faute de la victime. Il convient sans doute de distinguer entre ces causes. S'agissant de la faute de la victime, il s'agit bel et bien d'une cause d'exonration pour le propritaire, qui conduira un partage de responsabilit (en sens contraire, V. Nancy, 24fvr. 2009, Juris-Data, no376017, n'admettant l'influence de la faute de la victime que si elle prsente les caractres de la force majeure), voire une exclusion de toute responsabilit. Les juges du fond ont d'ailleurs parfois l'occasion de le relever (Douai, 22sept. 2005, Juris-Data, no298219: dans cette affaire, un agent immobilier fait visiter une maison, en indiquant qu'il tait impossible de se rendre dans la cave, en raison de l'effondrement des dernires marches de l'escalier; l'un des visiteurs descend tout de mme et se blesse: jug que sa faute exonrait totalement le propritaire). Cependant, mme la question de l'exonration par preuve de la faute de la victime est dlicate en la matire. En effet, il ne peut y avoir de faute exonratoire que dans la mesure o, pralablement, les conditions d'application du texte sont runies. Autrement dit, la faute de la victime n'est admissible que ds lors que le btiment, notamment, tait en ruine, ce qui tait le cas dans l'exemple prcit. En revanche, si la ruine ne prexiste pas, et que la faute de la victime entrane l'effondrement, y a-t-il vritablement exonration? Dans ce cas, le dommage n'est pas tant caus par la ruine du btiment que par l'action de la victime elle-mme. Plus qu'une exonration, c'est une absence d'application de l'article1386 qu'il faudrait alors invoquer (V.ainsi Civ.2e, 16mars 1994, no92-12.216 , Bull. civ.II, no94; dans cette affaire, une personne pose le pied sur une verrire, qui cde sous son poids: la Cour carte justement l'article1386, en raison de l'absence de ruine du btiment). Certains arrts admettent tout de mme l'application du texte, et raisonnent du point de vue de l'exonration. Ainsi en est-il d'une dcision du 17fvrier 2005 (Civ.2e, 17fvr. 2005, no02-10.770 , Bull. civ.II, no36, RCA 2005. Comm.119): dans cette affaire, la balustrade d'un balcon s'tait effondre aprs qu'une personne s'y fut appuye; il fut jug que le propritaire tait responsable sur le fondement de l'article1386, aucune faute ne pouvant tre reproche la victime. Or, l'effondrement tait ici d, certes l'tat du btiment, mais surtout l'action de la victime. N'tant pas spontane (V.supra, no17), la chute de la balustrade n'aurait pas d, selon nous, entraner l'application de l'article1386, mais bien celle de l'article1384, alina1er, tant entendu que mme dans ce cas, la faute de la victime pouvait ne pas tre constitue.43. Force majeure. - Un semblable raisonnement nous semble devoir tre men s'agissant de la force majeure. Bien que la force majeure soit videmment admise au titre des causes d'exonration du propritaire, elle n'a en ralit que peu l'occasion de jouer ici. Cela peut s'expliquer par deux raisons au moins. La premire est que, incontestablement, l'obligation qui pse sur le propritaire du btiment est conue davantage comme une garantie due aux tiers, et qui est une charge de proprit - sous les rserves qui seront apportes (V.infra, no49), que comme une vritable responsabilit, ce qui conduit alors admettre de manire restrictive les possibilits d'exonration. La seconde raison est sans doute plus diffuse, et en mme temps plus technique. Comme prcdemment s'agissant de la faute de la victime, mais peut-tre ici de manire plus systmatique, il n'est pas sr que le cas de force majeure soit vritablement une cause d'exonration. Ainsi que l'ont fait remarquer certains auteurs (J.FLOUR, J.-L.AUBERT et E.SAVAUX, t.2, no299), la question n'est pas de savoir si un cas de force majeure a provoqu la ruine du btiment, car cela est insuffisant. En effet, si le cas de force majeure, par exemple une tempte (bien que cet exemple pourtant classique ne soit pas le meilleur, la condition d'imprvisibilit n'tant pas toujours remplie), provoque la chute d'un lment du btiment, il y a bien ruine au sens de l'article1386, mais qu'en est-il de l'origine de celle-ci? Il faut sans doute distinguer. Soit la tempte ne fait que parachever un tat de ruine prexistant, et dans ce cas l'application de l'article1386 est admissible (comp. Civ.2e, 17nov. 1955, D.1956. 196), car le dfaut d'entretien ou le vice de la construction tait avr avant l'effondrement. Soit la tempte est exclusivement l'origine de la chute de l'lment mais, dans ce cas, l'application de l'article1386 nous semble errone. En effet, il y a bien chute d'un lment du btiment, mais cette ruine ne trouve pas son origine dans un dfaut d'entretien ou un vice de construction. Faute de l'un de ses lments constitutifs, le texte ne devrait pas trouver s'appliquer (V.pourtant Lyon, 27oct. 2005, Juris-Data, no289573, raisonnant sur le fondement de l'art.1386, tout en reconnaissant expressment que la preuve que la chute du btiment ait t cause par sa ruine n'est pas rapporte). Ainsi, si le propritaire tait assign sur le fondement de l'article1386, il faudrait conclure une absence de responsabilit de sa part; le vritable fondement serait, selon nous, celui de l'article1384, alina1er; ses conditions d'application seraient ici runies (chose; fait de la chose; garde) et, dans ce cas, la tempte pourrait tre invoque comme vritable cause d'exonration.44. La force majeure, au sein de l'article1386, devrait donc avoir une place trs rsiduelle, et viser le cas dans lequel cet vnement aurait, non pas provoqu la ruine du btiment, mais empch le propritaire de l'viter, par exemple, en procdant des rparations. Une dcision au moins semble aller dans ce sens (Civ.3e, 8dc. 2004, no03-15.541 , Bull. civ.III, no232). Dans cette affaire, un mur s'effondra lors de la tempte qui ravagea une grande partie de la France en 1999. Les propritaires invoqurent alors la force majeure pour chapper leur responsabilit, ce que la Cour de cassation n'admit pas. En effet, elle releva, la suite des juges du fond, que la ruine tait en ralit due un dfaut d'entretien, lment attest notamment par le fait qu'un effondrement partiel s'tait dj produit quelques jours avant la tempte. Deux enseignements peuvent en tre tirs: d'une part, l'article1386 du code civil est justement applicable, puisqu'il y avait bien ruine et dfaut d'entretien; d'autre part, la tempte n'a pas empch le propritaire d'viter cette ruine, qui prexistait, et ne constitue donc pas pour lui un cas de force majeure. 3 - Recours du propritaire45. Multitude des hypothses. - La dernire question qui reste envisager est celle des recours ventuels dont dispose le propritaire du btiment en ruine. Ils sont en ralit assez nombreux, sans pour autant qu'ils puissent utilement prosprer dans tous les cas. Il est possible d'envisager ces recours du point de vue des personnes (contre qui agir?) ou du point de vue de l'origine de la ruine (dfaut d'entretien ou vice de construction?), les deux classifications se regroupant. Pour plus de clart, nous opterons pour la seconde.46. Vice de construction. - Si la ruine tire son origine d'un vice de construction, le propritaire condamn peut exercer plusieurs types de recours, si tant est, bien entendu, que les conditions propres chacun d'eux soient runies. Il peut s'agir tout d'abord d'une action dirige contre le constructeur et/ou l'architecte si le dfaut de construction tire son origine d'un dfaut de conception (comp. Caen, 16avr. 1947, D.1949.5, note H.Lalou). Le propritaire peut galement recourir contre son propre vendeur, le cas chant. Cette action sera alors fonde le plus souvent sur la garantie des vices cachs, le vice de construction prsentant bien souvent ce caractre. Bien entendu, encore faut-il dans ce cas que le contrat de vente ne contienne pas de clause de non-garantie des vices cachs, clause parfaitement valable et frquente en pratique (V. W.DROSS, Clausier, 2008, Litec, VoExclusive ou limitative de garantie). Si une telle clause est prsente, la seule solution consiste alors prouver la mauvaise foi du vendeur (il connaissait le vice de construction), seule apte paralyser le jeu de la clause (V. P.leTOURNEAU, op.cit., no8017).47. Dfaut d'entretien. - Si la ruine tire son origine d'un dfaut d'entretien, les choses sont la fois plus simples et plus dlicates. Le propritaire condamn peut en principe se retourner contre la personne charge de cet entretien, condition toutefois - et toute la difficult rside sans doute dans ce point - que ce soit bien ce dfaut d'entretien qui soit l'origine de la ruine. L'hypothse peut viser le locataire ou l'usufruitier. S'agissant d'un bien lou, la victime peut assigner seulement le propritaire sur le fondement de l'article1386 (V.infra, no54), lequel dispose alors thoriquement d'un recours contre son locataire (Poitiers, 4fvr. 1942, DA1942. J. 87). Cependant, encore faut-il que la ruine lui soit imputable; or le locataire n'est normalement tenu que de l'entretien courant du bien lou, le gros entretien relevant du seul bailleur. C'est le sens gnral de l'article1720 du code civil, pris en son alina2: Il [le bailleur] doit y faire, pendant la dure du bail, toutes les rparations qui peuvent devenir ncessaires, autres que locatives. Il peut alors tre raisonnable de penser que, apriori, si le btiment est en ruine en raison d'un dfaut d'entretien, cela est d plus vraisemblablement l'inaction du bailleur, du propritaire, que du locataire, ce qui priverait alors le recours de substance. La difficult rside cependant dans le fait que les dispositions de l'article1720 ne sont pas d'ordre public, et que le locataire peut tre tenu y compris du gros entretien (V. P.MALAURIE, L.AYNS et P.-Y.GAUTIER, Les contrats spciaux, 3ed., 2007, Defrnois, no681).48. L'hypothse du recours contre l'usufruitier suit la mme logique. L'article605 du code civil dispose que l'usufruitier n'est tenu qu'aux rparations d'entretien. Les grosses rparations demeurent la charge du propritaire, moins qu'elle n'aient t occasionnes par le dfaut de rparation d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit; auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu. Pour sa part, l'article606 fixe une liste, que la jurisprudence estime limitative (Civ.3e, 27nov. 2002, no01-12.816 , Bull. civ.III, no235): Les grosses rparations sont celles des gros murs et des votes, le rtablissement des poutres et des couvertures entires. Celui des digues et des murs de soutnement et de clture aussi en entier. Toutes les autres rparations sont d'entretien. La difficult, bien connue, d'application de ces textes rside dans le fait que l'usufruitier ne peut contraindre le nu-propritaire y pourvoir s'il reste passif. Par consquent, soit la ruine provient d'un dfaut d'entretien imputable l'usufruitier, et alors le propritaire dispose d'un recours, soit elle est imputable sa propre inaction, et il demeure seul responsable.49. Obligation et contribution. - Le rappel de ces recours permet en dfinitive de conclure que si l'article1386 peut effectivement tre considr comme une charge grevant la proprit, elle ne l'est qu'en apparence. Plus exactement, la remarque est juste au regard de l'obligation la dette, puisque le seul responsable dsign par la loi est le propritaire, peu important au fond que le vice de construction ou le dfaut d'entretien ne lui soit pas imputable. En revanche, au stade de la contribution la dette, les choses sont diffrentes, et le droit commun revient sur le devant de la scne. Sans tre vritablement fond sur la faute, il est cependant bien vident que le recours du propritaire repose sur l'imputabilit relle de l'origine de la ruine, ce qui lui permet d'esprer se dcharger de tout ou partie de son obligation de rparation. Peu importe au fond, puisque, au stade de l'obligation la dette, l'article1386 remplit son office, c'est--dire dsigner la victime un responsable clairement identifi.Section 2 - L'article1386, au sein des autres responsabilits50. Une le dans l'ocan. - L'article1386, tel qu'il vient d'tre tudi, apparat un peu comme une le au milieu de l'ocan Ses contours ont t prcisment dessins par le lgislateur ainsi que par une jurisprudence, certes quantitativement peu nombreuse et dclinante, mais nanmoins significative. Pendant longtemps, cette responsabilit fut considre en elle-mme et pour elle-mme, indpendamment des volutions majeures qui transformaient radicalement la visage du droit de la responsabilit civile. Une telle approche n'est plus possible aujourd'hui et il n'est pas permis de faire abstraction de l'ocan jurisprudentiel qui cerne de toute part l'lot de l'article1386 Il convient par consquent d'envisager cette responsabilit au sein des autres responsabilits, afin de dterminer les principes gouvernant l'articulation de plusieurs textes qui ont parfois tendance s'exclure les uns des autres, parfois entrer en concurrence les uns avec les autres. La principale articulation, source de difficults autant que d'interrogations, concerne les rapports entre l'article1386 et l'article1384, alina1er, ce qui ne doit pas pour autant masquer l'existence d'autres articulations possibles.Art. 1 - Articulation des articles1386 et 1384, alina1er51. Exclusion ou concurrence? - Les rapports existant entre l'article1386 et l'article1384, alina1er, du code civil ont rapidement t mis en lumire, ds que la jurisprudence donna au dernier texte cit une valeur propre, et tira de sa lettre un principe gnral de responsabilit du fait des choses. La particularit de la situation tint au fait que le cas spcial prcda le principe gnral, et cette chronologie explique, pour partie seulement, le sort particulier qui fut rserv l'article1386. La matire semble prsent gouverne par deux principes: les articles1386 et 1384, alina1er, sont parfois exclusifs l'un de l'autre, parfois concurrents, selon que le propritaire est en mme temps le gardien de la chose, ou bien que cette garde appartient une autre personne.Lire la mise jour51, 52s., 55 s. Articulation des articles 1386 et 1384, al.1er. - Si l'article 1386 du code civil vise spcialement la ruine d'un btiment, les dommages qui n'ont pas t causs dans de telles circonstances peuvent nanmoins tre rpars sur le fondement des dispositions de l'article 1384, alina 1er, du code civil, qui dictent une prsomption de responsabilit du fait des choses. Ds lors, un vhicule ayant t endommag par la chute de pierres provenant d'une vote, la responsabilit du propritaire de l'immeuble est engage en sa qualit de gardien de celui-ci (Civ.2e, 22oct. 2009, no08-16.766 , D.2010. 413, note Dolum ; RLDC 2010/68. 3706, note Julien). 1 - Des articles exclusifs l'un de l'autre52. Absence de cumul. - La situation la plus simple est celle dans laquelle le propritaire, au sens de l'article1386, est en mme temps le gardien du btiment, au sens de l'article1384, alina1er. Il cumule ainsi deux qualits, disposant d'un droit de proprit sur le btiment, tout en ayant sur lui l'usage, la direction et le contrle. C'est, somme toute, la situation classique du propritaire qui, par exemple, habite son btiment. Sa responsabilit pourrait donc en thorie dcouler de l'article1386, en tant que propritaire, et/ou de l'article1384, alina1er, en tant que gardien. Mme si ces deux responsabilits ont des effets similaires (deux responsabilits de plein droit), leurs conditions sont en revanche diffrentes, puisque le premier d'entre eux impose une ruine, ainsi qu'une origine dtermine (V.supra, nos6 ets.), alors que le second n'exige finalement qu'un fait de la chose. Autrement dit, la responsabilit gnrale du fait des choses est plus intressante pour la victime, puisque ses conditions sont moindres, que la responsabilit du fait des btiments en ruine. Pourtant, de jurisprudence constante, elle n'a pas le choix du fondement juridique: c'est l'un ou l'autre, et c'est l'un plutt que l'autre.Lire la mise jour51, 52s., 55 s. Articulation des articles 1386 et 1384, al.1er. - Si l'article 1386 du code civil vise spcialement la ruine d'un btiment, les dommages qui n'ont pas t causs dans de telles circonstances peuvent nanmoins tre rpars sur le fondement des dispositions de l'article 1384, alina 1er, du code civil, qui dictent une prsomption de responsabilit du fait des choses. Ds lors, un vhicule ayant t endommag par la chute de pierres provenant d'une vote, la responsabilit du propritaire de l'immeuble est engage en sa qualit de gardien de celui-ci (Civ.2e, 22oct. 2009, no08-16.766 , D.2010. 413, note Dolum ; RLDC 2010/68. 3706, note Julien).53. L'un ou l'autre. - Le premier critre de dtermination du texte applicable est sans aucun doute l'existence d'une ruine du btiment, tant entendu que les deux textes ne peuvent trouver s'appliquer simultanment. Soit la situation est rgie par l'article1386, soit elle l'est par l'article1384, alina1er: c'est l'un ou l'autre. Ainsi, si le btiment qui cause le dommage est en ruine, c'est vers l'article1386 qu'il convient de se tourner, alors que s'il ne l'est pas, l'article1384, alina1er, a vocation rgir la situation. Plus exactement, toutes les fois qu'une condition d'application de l'article1386 vient faire dfaut (btiment, ruine, origine de la ruine), l'article1386 ne doit pas tre applicable, malgr des interprtations parfois gnreuses de sa lettre - notamment en ce qui concerne le btiment (V.supra, no13) ou encore le rle attribuer la faute de la victime (V.supra, no42). Dans ces hypothses, c'est le droit commun qui doit s'appliquer, ne serait-ce qu'en vertu de l'adage speciala generalibus derogant (mme si, encore une fois, la matire prsente la particularit d'un principe chronologiquement postrieur l'exception). Cette rpartition ne suscite gure de difficults dans la mesure o la jurisprudence admet depuis longtemps que l'article1384, alina1er, puisse s'appliquer des immeubles (V. P.leTOURNEAU et J.JULIEN, L'immeuble et la responsabilit civile, Ml. Saint-Alary, 2006, PUToulouseI, p.303). C'est notamment le sens d'un arrt du 16octobre 2008 (Civ.2e, 16oct. 2008, no07-16.967 , RCA 2009. Comm.6, D.2008. AJ2720 , RTDciv. 2009. 128, note P.Jourdain ; V.supra, no16): Si l'article1386 du code civil vise spcialement la ruine d'un btiment, les dommages qui n'ont pas t causs dans de telles circonstances peuvent nanmoins tre rpars sur le fondement des dispositions de l'article1384, alina1er, du code civil qui dictent une prsomption de responsabilit du fait des choses.54. L'un plutt que l'autre. - La vritable difficult apparat lorsque toutes les conditions de l'article1386 sont runies, car alors, juridiquement, les conditions des deux textes sont, en mme temps, remplies. Ds lors, de deux choses l'une: soit l'option est ouverte la victime, soit elle lui est ferme. Il n'est donc pas surprenant que la jurisprudence se soit, de manire constante, oppose un tel choix. En effet, si la victime pouvait assigner le propritaire sur le fondement de son choix, il est bien vident qu'elle choisirait la voie de droit la plus simple pour elle, savoir l'article1384, alina1er. Il en rsulterait alors une disparition inluctable de l'article1386, non pas formellement bien entendu, mais dans les faits, faute d'application. L'hypothse spciale serait ainsi absorbe par le principe gnral. Par consquent, toutes les fois qu'un propritaire est en mme temps gardien du btiment, et si les conditions de l'article1386 sont runies, ce texte est le seul fondement invocable, le concernant. La solution est ancienne (Civ. 4aot 1942, DC1943.1, note G.Ripert) et constante. Notons cependant la curieuse destine de ce texte. Alors qu' l'origine, il tait conu comme un texte particulirement svre pour les propritaires (V.supra, no3), le voici devenu un texte protecteur du propritaire! En effet, si une victime s'aventurait l'assigner sur le fondement de l'article1384, alina1er, il ne lui suffirait plus alors qu' invoquer sa qualit de propritaire, pour se retrancher sous le couvert de l'article1386, lequel lui offre prsent une protection plus importante que la seule application du droit commun de la responsabilit du fait des choses Cette seule considration devrait justifier la disparition pure et simple de ce texte (V.infra, no70). 2 - Des articles en concours l'un avec l'autre55. Propritaire non gardien; gardien non propritaire. - Aux cts de la situation ordinaire dans laquelle le propritaire du btiment en est en mme temps le gardien (situation pour laquelle seul l'art.1386 est applicable), se trouve une situation moins ordinaire, bien que frquente: celle dans laquelle il y a dissociation entre les qualits de propritaire et de gardien. C'est le cas, notamment, du propritaire qui loue son btiment une autre personne. Dans cette hypothse, c'est le locataire qui se trouve investi, par contrat (mais on pourrait imaginer la situation de l'occupant sans titre) des pouvoirs de garde sur la chose. Il y a donc bien d'un ct un propritaire, et de l'autre un gardien. La question n'est pas de savoir si le propritaire peut tre assign sur le fondement de l'article1384, alina1er, puisque la jurisprudence s'y refuse (V.supra, no54). Elle n'est pas non plus de savoir si le gardien peut tre assign sur le fondement de l'article1386, puisque le texte ne vise que le propritaire. Elle est de savoir si le gardien peut dans ce cas voir sa responsabilit engage sur le fondement de l'article1384, alina1er. Aprs une grande constance en la matire, la Cour de cassation opra un revirement de jurisprudence en 2000, fixant une nouvelle solution, qui n'est pas sans inconvnients.Lire la mise jour51, 52s., 55 s. Articulation des articles 1386 et 1384, al.1er. - Si l'article 1386 du code civil vise spcialement la ruine d'un btiment, les dommages qui n'ont pas t causs dans de telles circonstances peuvent nanmoins tre rpars sur le fondement des dispositions de l'article 1384, alina 1er, du code civil, qui dictent une prsomption de responsabilit du fait des choses. Ds lors, un vhicule ayant t endommag par la chute de pierres provenant d'une vote, la responsabilit du propritaire de l'immeuble est engage en sa qualit de gardien de celui-ci (Civ.2e, 22oct. 2009, no08-16.766 , D.2010. 413, note Dolum ; RLDC 2010/68. 3706, note Julien).56. Solution traditionnelle. - La position traditionnelle de la Cour de cassation tait d'interdire l'action dirige contre le gardien non propritaire sur le fondement de l'article1384, alina1er. Du moins tait-ce ce qui transparaissait d'un arrt trs net du 30novembre 1988: Ce dernier texte [l'article1386] visant spcialement la ruine du btiment exclut la disposition gnrale de l'article1384, alina1er relative la responsabilit du fait de toute chose mobilire ou immobilire que l'on a sous sa garde (Civ.2e, 30nov. 1988, no87-18.768 , Bull. civ.II, no239, RTDciv. 1989. 333, obs. P.Jourdain, JCP 1989. II. 21319, note C.Giraudel, RCA 1989. Comm.42). En ralit, la solution, bien que critique et critiquable, pouvait cependant se comprendre, d'un certain point de vue. En effet, tout est ici question d'interprtation de l'article1386 et, sans faire d'exgse excessive, deux sens peuvent lui tre donns. En premier lieu, il est possible de faire une interprtation ratione materiae du texte: ce dernier est donc relatif la matire responsabilit du fait des btiments en ruine. Autrement dit, si un dommage est caus par un tel bien, la loi ne dsigne qu'un seul responsable possible: le propritaire. Et si d'aventure les conditions de sa responsabilit ne sont pas remplies, la victime ne peut alors pas se tourner vers une autre personne. C'est le sens qu'il faut, selon nous, donner l'arrt de 1988. Cette interprtation est relativement cohrente avec la place que les rdacteurs ont voulu lui donner en 1804 et c'est prcisment l o le bt blesse. une poque o la satisfaction de la victime est une priorit, au point de dformer les rgles classiques du droit de la responsabilit (cela est flagrant avec la causalit), est-il admissible que l'article1386 devienne un bastion inexpugnable d'anciennes rgles, en application desquelles la victime serait prive de recours contre le gardien non propritaire? D'o, en second lieu, la possibilit de recourir une interprtation ratione personae du texte: ainsi entendu, l'article1386 du code civil n'est plus relatif la matire, mais uniquement la personne du propritaire. Par consquent, en cas de dommage caus par un btiment en ruine, et si l'action est dirige contre le propritaire, alors elle doit suivre les prescriptions de ce texte. En revanche, si l'action est dirige vers une autre personne que le propritaire, par exemple, le gardien, alors l'article1386 cesse de rgir la situation et un autre texte est applicable.57. Nouvelle solution. - La Cour de cassation ne resta pas sourde aux critiques qu'une doctrine unanime lui avait adresses en 1988. Elle opra un revirement de jurisprudence en 2000 (Civ.2e, 23mars 2000, no97-19.991 , Bull. civ.II, no54, D.2000. Somm.467, obs. D.Mazeaud , D.2001. 586, note N.Garon , RTDciv. 2000. 581, obs. P.Jourdain , JCP 2000. II. 10379, note Y.Dagorne-Labbe) en ces termes: Le premier de ces textes [art.1386] n'exclut pas que les dispositions du second [art.1384, al.1er] soient invoques l'encontre du gardien non propritaire. La solution, cette fois-ci, fut unanimement salue par la doctrine, et elle accorde dsormais la victime un choix: soit agir contre le propritaire sur le fondement de l'article1386, soit contre le gardien sur le fondement de l'article1384, alina1er. la suite de la dcision de 2000, la solution fut reprise, tant par les juges du fond (Paris, 12juin 2006, Juris-Data, no305724: hypothse dans laquelle une personne vend sa maison, tout en conservant, pendant plusieurs mois, la jouissance titre gratuit, devenant ainsi gardien non propritaire), que par la Cour de cassation (Civ.2e, 8fvr. 2006, no04-19.371 , RCA 2006. Comm.110; Civ.2e, 16oct. 2008, no07-16.967 , RCA 2009. Comm.6, note H.Groutel).58. l'vidence, la protection des victimes d'un btiment en ruine fut grandement amliore par cette solution. Dsormais, du point de vue de la victime, deux situations sont envisageables: soit le btiment n'est pas en ruine, et elle peut normalement agir sur le fondement de l'article1384, alina1er, contre le gardien, quel qu'il soit (propritaire, d'autant plus qu'il est prsum en tre le gardien; gardien non propritaire). Soit le btiment est en ruine, et alors la victime peut agir contre le propritaire et/ou contre le gardien, mais sur des fondements juridiques diffrents. Pourtant, la solution ne nous parat que faussement satisfaisante, et une injustice (l'absence de recours supplmentaire, fond sur le droit commun, pour la victime) risque d'tre rpare au dtriment d'une autre (action dirige contre le gardien non propritaire). En effet, l'hypothse est celle d'un btiment en ruine, due un dfaut d'entretien ou un vice de construction. Dans un cas comme dans l'autre, le gardien non propritaire (prenons l'exemple d'un locataire) n'est vraisemblablement pas l'origine de cette situation (V.supra, no47). Or, la solution de 2000 fait finalement peser sur la tte du gardien non propritaire les consquences d'une insuffisance due gnralement (s'agissant du dfaut d'entretien) au propritaire! En effet, il est bien vident que dans ce cas, la victime prfrera agir l'encontre du locataire plutt que contre le propritaire, et l'ide ancienne selon laquelle le propritaire serait plus solvable n'est plus de mise aujourd'hui. Effectivement, la souscription d'une assurance responsabilit civile est prsent obligatoire pour les locataires. La victime est donc globalement bien protge, ce qui est l'vidence une bonne chose. L'effet pervers de cette jurisprudence est de mettre dsormais le gardien non propritaire en premire ligne. Entendons-nous bien: la solution est logique et sans doute justifie en elle-mme, mais elle devient incohrente en contemplation de la situation du propritaire, qui continue d'tre protg par l'article1386. La meilleure solution aurait consist, selon nous, admettre un recours contre le propritaire sur le fondement de l'article1384, alina1er, ce qui n'est pas ncessairement impossible (V.infra, no73).Art. 2 - Autres articulations59. Autres hypothses. - La question de l'articulation des articles1386 et 1384, alina1er, est sans doute la plus importante, mais elle ne doit pas masquer l'existence d'autres articulations possibles, qu'il s'agisse de rgles gnrales, comme de rgles spciales. 1 - Articulation avec des rgles gnrales60. Droit commun de la responsabilit. - Il existe un certain nombre d'articulations entre l'article1386 et certains autres textes fondant des rgles gnrales de responsabilit. Il s'agira d'actions intentes contre le seul propritaire, tant entendu, videmment, que la victime a toujours la possibilit d'assigner une autre personne sur un fondement diffrent, si les conditions de cette action sont runies.61. Le propritaire peut ainsi toujours tre assign sur le fondement des articles1382 et 1383 du code civil, et cela, selon nous, mme si les conditions d'application de l'article1386 sont runies. En effet, non seulement les articles1382 et 1383 sont les seuls pouvoir tre invoqus en toute circonstance (l'un des derniers vestiges de la suprmatie de la faute dans notre droit), mais encore ne voit-on pas pourquoi la victime ne pourrait pas invoquer une faute du propritaire, dans la mesure o ce rgime est moins protecteur encore pour elle. Malgr tout, l'occurrence ne semble pas se prsenter souvent en jurisprudence, pour des raisons de preuve videntes. Il faut cependant excepter un arrt important du 7mai 1969, la formulation de principe: La responsabilit institue l'article1386 du code civil n'exclut pas l'application de la responsabilit dlictuelle ou quasi dlictuelle lorsqu'une faute est prouve contre le propritaire de l'immeuble (Civ.2e, 7mai 1969, no68-10.017, Bull. civ.II, no141, D.1969. Somm.81; V. V.DEPADT-SEBAG, op.cit., no124). Si, en revanche, les conditions de l'article1386 ne sont pas runies (par exemple, la construction n'est pas qualifie de btiment), l'invocation des articles1382 et 1383 par la victime est bien entendu admise sans difficult (Besanon, 22nov. 2006, Juris-Data, no323511), mme si apriori cette voie de droit parat trange par rapport aux facilits que permet l'article1384, alina1er.62. Les principes complmentaires de non-cumul et de non-option des ordres de responsabilit interdisent en revanche la victime lie par un contrat d'invoquer l'encontre du propritaire l'article1386. L'hypothse la plus courante sera celle d'un gardien non propritaire li par contrat au propritaire, tel le locataire vis--vis de son bailleur. Si la ruine du btiment lui cause quelque dommage, son action contre lui devra emprunter la voie contractuelle (Lyon, 16oct. 2007, Juris-Data, no348619).63. Enfin, prcisons que lorsque les conditions de l'article1386 ne sont pas runies, pas plus que celles de l'article1384, alina1er, la thorie des troubles anormaux de voisinage constituera une voie d'action intressante pour la victime. L'hypothse ne doit pas tre nglige, d'autant plus que la juri