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Annick Poumellec La sous-capitalisation : évolution des enjeux et actualité Janvier 2011 1 La sous-capitalisation : évolution des enjeux et actualité L’article 212 du Code général des impôts a fait l’objet de modifications significatives au cours de ces dernières années. Réformé en profondeur par la loi de finances pour 2006 1 en vue d’adapter le dispositif à la réalité économique des groupes de sociétés et d’inclure dans son champs d’application les intérêts reversés par une entreprise à l’occasion de remboursements de prêts intragroupes, la loi de finances pour 2011 2 inclut dorénavant les intérêts afférents aux prêts hors groupes, contractés auprès d’établissements tiers mais garantis par une société du groupe selon un mécanisme couramment appelé « back to back ». Sur cet aspect, le droit fiscal français s’aligne sur la majorité des pays de l’OCDE. Les enjeux financiers de la sous-capitalisation ont en effet conduit beaucoup d’Etats à adopter des politiques législatives et fiscales en la matière. D’une part, prise isolément, la disproportion entre les fonds propres et l’endettement d’une société peut être signe de crise de solvabilité de celle-ci et donc présenter un risque économique pour l’ensemble de ses créanciers, dont l’Etat, « associé (en France) à concurrence de 33,1/3% à toutes les sociétés françaises soumises à l’impôt sur les sociétés, du moins quand elles sont bénéficiaires » 3 pour lequel la sous-capitalisation représente une perte de recettes fiscales. D’autre part, le recours à l’emprunt en tant que mode de financement des sociétés au détriment de l’augmentation de capital ainsi que les flux d’intérêts afférents à l’emprunt, éventuellement reversés dans des pays à fiscalité privilégiée, ont rapproché les enjeux de la sous-capitalisation de ceux des déplacements de bénéfices vers l’étranger. Plus récemment, le contexte de réduction du déficit public a amené le législateur français à réformer plusieurs dispositifs d’optimisation fiscale et, notamment, le dispositif applicable à la sous-capitalisation. L’évolution de l’article 212 du Code général des impôts a donc suivi, au cours des années, l’évolution des enjeux en la matière. L’approche antérieure à la loi de finances pour 2006 Pendant longtemps, le droit fiscal français a envisagé la sous-capitalisation sous l’angle de l’acte anormal de gestion et l’abus de recours à l’emprunt auprès des associés, personnes physiques ou personnes morales. En effet, l’emprunt auprès des associés présente certains avantages par rapport à d’autres modes de financement, tels l’augmentation de capital ou les dividendes laissés en compte courant. Pour la société, l’emprunt génère des intérêts et donc une charge déductible de ses résultats venant diminuer l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Pour l’associé prêteur, investir sous forme de prêt rémunéré par un taux d’intérêt lui garantit un retour fixe et certain sur investissement, contrairement à l’augmentation de capital dont le retour sur investissement sous forme de dividendes reste sujet aux aléas des bénéfices futurs dégagés par la société. De plus, en cas de procédure collective, ces derniers bénéficient d’un meilleur rang eu égard à leur créance de prêt, tandis que leurs parts du capital social les place au dernier rang des créanciers. Les sociétés sont généralement financées par un assortiment de ces différents moyens et le choix de la répartition relève de la liberté de gestion. Mais il eût été tentant de maintenir la société en situation de sous-capitalisation et, en préférant l’emprunt auprès des associés et actionnaires à l’augmentation de capital, d’appliquer des taux d’intérêts élevés tant pour minorer le résultat imposable de la société que pour augmenter la rémunération ainsi garantie des associés ou actionnaires prêteurs. L’article 212 du Code général des impôts prévenait ces éventuels abus en fixant, d’une part, une limite de taux d’intérêts déductibles plafonnée à un taux dit « taux fiscal » en référence à l’article 39-1-3° du Code général des impôts 4 et, d’autre part, en fixant un ratio de sous-capitalisation simple, le montant des sommes empruntées ne devant pas excéder une fois et demie le montant du capital social. 1 L. fin. 2006, n°2005-1719 : JO 31 déc. 2005 2 L. fin. 2011, n°2010-1657, art. 12 : JO 30 déc. 2010 3 Droit des sociétés - Maurice Cozian, Alain Viandier et Florence Deboissy - Litec, 21 ème édition 4 « Les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu'ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable aux entreprises, d'une durée initiale supérieure à deux ans. Cette déduction est subordonnée à la condition que le capital ait été entièrement libéré. »

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  • Annick Poumellec La sous-capitalisation : volution des enjeux et actualit Janvier 2011

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    La sous-capitalisation : volution des enjeux et actualit

    Larticle 212 du Code gnral des impts a fait lobjet de modifications significatives au cours de

    ces dernires annes. Rform en profondeur par la loi de finances pour 20061 en vue dadapter le dispositif la ralit conomique des groupes de socits et dinclure dans son champs dapplication les intrts reverss par une entreprise loccasion de remboursements de prts intragroupes, la loi de finances pour 20112 inclut dornavant les intrts affrents aux prts hors groupes, contracts auprs dtablissements tiers mais garantis par une socit du groupe selon un mcanisme couramment appel back to back . Sur cet aspect, le droit fiscal franais saligne sur la majorit des pays de lOCDE.

    Les enjeux financiers de la sous-capitalisation ont en effet conduit beaucoup dEtats adopter des politiques lgislatives et fiscales en la matire. Dune part, prise isolment, la disproportion entre les fonds propres et lendettement dune socit peut tre signe de crise de solvabilit de celle-ci et donc prsenter un risque conomique pour lensemble de ses cranciers, dont lEtat, associ (en France) concurrence de 33,1/3% toutes les socits franaises soumises limpt sur les socits, du moins quand elles sont bnficiaires 3 pour lequel la sous-capitalisation reprsente une perte de recettes fiscales. Dautre part, le recours lemprunt en tant que mode de financement des socits au dtriment de laugmentation de capital ainsi que les flux dintrts affrents lemprunt, ventuellement reverss dans des pays fiscalit privilgie, ont rapproch les enjeux de la sous-capitalisation de ceux des dplacements de bnfices vers ltranger. Plus rcemment, le contexte de rduction du dficit public a amen le lgislateur franais rformer plusieurs dispositifs doptimisation fiscale et, notamment, le dispositif applicable la sous-capitalisation.

    Lvolution de larticle 212 du Code gnral des impts a donc suivi, au cours des annes, lvolution des enjeux en la matire. Lapproche antrieure la loi de finances pour 2006 Pendant longtemps, le droit fiscal franais a envisag la sous-capitalisation sous langle de lacte anormal de gestion et labus de recours lemprunt auprs des associs, personnes physiques ou personnes morales. En effet, lemprunt auprs des associs prsente certains avantages par rapport dautres modes de financement, tels laugmentation de capital ou les dividendes laisss en compte courant. Pour la socit, lemprunt gnre des intrts et donc une charge dductible de ses rsultats venant diminuer lassiette de limpt sur les socits. Pour lassoci prteur, investir sous forme de prt rmunr par un taux dintrt lui garantit un retour fixe et certain sur investissement, contrairement laugmentation de capital dont le retour sur investissement sous forme de dividendes reste sujet aux alas des bnfices futurs dgags par la socit. De plus, en cas de procdure collective, ces derniers bnficient dun meilleur rang eu gard leur crance de prt, tandis que leurs parts du capital social les place au dernier rang des cranciers.

    Les socits sont gnralement finances par un assortiment de ces diffrents moyens et le choix de la rpartition relve de la libert de gestion. Mais il et t tentant de maintenir la socit en situation de sous-capitalisation et, en prfrant lemprunt auprs des associs et actionnaires laugmentation de capital, dappliquer des taux dintrts levs tant pour minorer le rsultat imposable de la socit que pour augmenter la rmunration ainsi garantie des associs ou actionnaires prteurs.

    Larticle 212 du Code gnral des impts prvenait ces ventuels abus en fixant, dune part, une limite de taux dintrts dductibles plafonne un taux dit taux fiscal en rfrence larticle 39-1-3 du Code gnral des impts4 et, dautre part, en fixant un ratio de sous-capitalisation simple, le montant des sommes empruntes ne devant pas excder une fois et demie le montant du capital social.

    1 L. fin. 2006, n2005-1719 : JO 31 dc. 2005 2 L. fin. 2011, n2010-1657, art. 12 : JO 30 dc. 2010 3 Droit des socits - Maurice Cozian, Alain Viandier et Florence Deboissy - Litec, 21me dition 4 Les intrts servis aux associs raison des sommes qu'ils laissent ou mettent la disposition de la socit, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la socit, dans la limite de ceux calculs un taux gal la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqus par les tablissements de crdit pour des prts taux variable aux entreprises, d'une dure initiale suprieure deux ans. Cette dduction est subordonne la condition que le capital ait t entirement libr.

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    Toutefois, le dispositif de larticle 212 du Code gnral des impts visait les associs ou actionnaires , personnes physiques ou personnes morales, possdant, en droit ou en fait, la direction de l'entreprise ou dtenant plus de 50% des droits financiers ou des droits de vote de la socit sous-capitalise. Ce champ dapplication sest rapidement rvl trop troit pour apprhender la ralit conomique des groupes de socits et, en particulier, des groupes internationaux. Lenjeu de la sous-capitalisation dans les groupes de socits internationaux

    Dans lhypothse o les flux dintrts taient reverss ltranger, ils chappaient doublement ladministration fiscale. En effet, contrairement aux dividendes distribus, les intrts rmunrant les prts dassocis taient dabord dduits des rsultats de la socit en France, puis imposables hors de France, dans le pays de rsidence fiscale de lassoci prteur. Ainsi, certaines structures de financement intra-groupe ont t perues comme des mcanismes dvasion fiscale susceptibles de dissimuler des transferts de bnfices vers ltranger, dautant plus si le pays destinataire des flux dintrts savrait tre un pays fiscalit privilgie. Il en rsultait des pertes de recettes fiscales que ladministration peinait apprhender aux vues de la rdaction de lancien article 212 du Code gnral des impts.

    En effet, au regard des diffrentes entits composant un groupe de socits, seules celles possdant, en droit ou en fait, la direction de l'entreprise (emprunteuse) ou dtenant plus de 50% des droits financiers ou des droits de vote taient viss par ledit article. Ainsi, un prt intra-groupe entre deux socits surs chappait aux rgles de larticle 212 du Code gnral des impts. Quant aux socits vises, en particulier les socits tte de groupe, elles taient susceptibles de bnficier dune exception dapplication dudit article si elles possdaient, au regard de lentit emprunteuse, la qualit de socit mre au sens de larticle 145 du mme Code.

    Lune des conditions pour bnficier de cette exception tant que la socit mre soit soumise limpt sur les socits au taux normal , ladministration fiscale tendait faire une application restrictive de cette condition en ne reconnaissant pas aux socits mres trangres le statut de socit soumise limpt sur les socits franais. Lventuelle similitude de leur rgime fiscal ltranger avec le ntre ntait pas prise en compte. Par consquent, une socit mre trangre se voyait appliquer le dispositif de larticle 212 du Code gnral des impts tandis quune socit mre franaise, assujettie limpt sur les socits franais, bnficiait de lexception dudit article. La diffrence de traitement ainsi avre entre socits mres franaises et trangres a t sanctionne par le Conseil dEtat dans deux dcisions en date du 30 dcembre 2003, tant au regard du droit communautaire quau regard du droit conventionnel.

    La premire dcision concernait les rectifications apportes aux rsultats de la SARL Coral Gestion5, dtenue majoritairement par une socit de droit allemand, sur le fondement des articles 39-1-3 et 212 du Code gnral des impts. Le Conseil dEtat a prononc lincompatibilit de ce redressement avec le principe communautaire de libert dtablissement nonc larticle 43 du Trait instituant la Communaut europenne6. La Cour de justice des Communauts europennes7 stait prononce en ce sens peu de temps auparavant concernant une pratique similaire en Allemagne. En lespce, une socit mre nerlandaise avait consenti un prt important sa filiale allemande, la socit Lankhorst-Hohorst GmbH8, en difficults financires. Les intrts reverss par cette dernire ont t qualifis de dividendes occultes taxables 30% et ce alors que, selon la lgislation allemande, ces mmes intrts, sils avaient t reverss une socit mre allemande, aurait t admis en dduction des rsultats de la filiale.

    La seconde dcision du Conseil dEtat impliquait une socit mre autrichienne dont la filiale franaise stait vue redresse au titre de larticle 212 du Code gnral des impts. A lpoque, lAutriche navait pas encore intgr la Communaut europenne mais disposait dune convention fiscale avec la France contenant une clause de non discrimination en vertu de laquelle le Conseil dEtat a

    5 CE 30 dcembre 2003 n 249047 sect., min. c/ SARL Coral Gestion - conclusions de Guillaume GOULARD, Commissaire du

    gouvernement 6 Aujourdhui article 49 du Trait sur le fonctionnement de lUnion europenne 7 Aujourdhui Cour de justice de lUnion europenne 8 CJCE 12 dcembre 2002 aff. 324/00, Lankhorst-Hohorst GmbH - Conclusions de l'avocat gnral Jean Mischo - RJF 3/03 n391

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    sanctionn la pratique discriminatoire de ladministration fiscale franaise (arrt SA Andritz9). Cette jurisprudence a fait cho sur toutes les conventions fiscales conclues par la France contenant une clause de non-discrimination.

    La rforme de larticle 212 du Code gnral des impts simposait. La rforme de la loi de finance pour 200610 - sous-capitalisation et entreprises lies

    La nouvelle rdaction de larticle 212 du Code gnral des impts, entre en vigueur le 1er janvier 2007, a profondment rform le dispositif de sous-capitalisation en visant les entreprises lies , soit lensemble des entreprises places sous le contrle dune mme entreprise au sens de larticle 39-12 du Code gnral des impts11.

    Concernant le taux dintrts pratiqu intra-groupe, dans lhypothse o celui-ci tait suprieur au taux fiscal de larticle 39-1-3 du Code gnral des impts, les entreprises se sont vues accorder la possibilit de dmontrer que le taux pratiqu correspondait un taux de march similaire celui quelles auraient pu obtenir auprs dtablissements de crdit indpendants dans des conditions analogues. En effet, une entreprise sous-capitalise prsente des risques crdit susceptibles dinciter un tablissement bancaire pratiquer un taux dintrt suprieur la moyenne annuelle des taux effectifs moyens utilise en rfrence dans le dispositif antrieur.

    Une fois vrifi que le taux dintrts intra-groupe correspond au taux fiscal ou au taux de march , les intrts sont susceptibles dtre rintgrs aux rsultats de la socit emprunteuse si la sous-capitalisation est rvle au regard de trois critres cumulatifs : (i) un ratio dendettement : lendettement global de la socit devant rester infrieur une fois et demie le montant de ses capitaux propres entendus au sens comptable du terme, et non plus de son capital social12 ; (ii) un ratio de couverture dintrts : les intrts verss aux socits lies devant rester infrieurs 25% du rsultat courant de la socit avant impt et avant dduction des dotations aux amortissements et desdits intrts ; et (iii) un ratio dintrts servis par des entreprises lies : ces derniers devant rester infrieurs aux intrts perus de telles entreprises.

    Llargissement du champ dapplication de larticle 212 du Code gnral des impts tel quissu de la rforme de la loi de finances pour 2006 reste toutefois un dispositif relativement souple. Dune part, seule la fraction dintrts excdentaire la plus leve de trois limites prcites, et donc la plus favorable la socit, nest pas dductible de ses rsultats. Cette fraction peut toutefois tre dduite des exercices suivants dans la limite de 25% du rsultat courant avant impt, avec toutefois une dcote de 5% par an compter de la deuxime anne de report. Et ce, seulement dans lhypothse o cette fraction est suprieure 150 000 euros, ce qui exclut la plupart des PME du dispositif. Au-del de ce seuil de 150 000 euros, les socits peuvent encore se soustraire au dispositif de larticle 212 du Code gnral des impts en dmontrant que leur endettement global est infrieur ou gal celui du groupe auquel elles appartiennent. Enfin, dans lhypothse dun groupe fiscalement intgr, la fraction excdentaire de chaque socit est reporte sur les rsultats de la socit tte de groupe qui peut, sous certaine conditions, les dduire de son rsultat densemble.

    Perspectives europennes

    De nombreux Etats europens ont adopt des dispositifs de lutte contre la sous-capitalisation. Certains Etats, dont le Royaume-Uni, assimilent simplement la problmatique des prts intragroupes celle des prix de transfert. La mthode la plus rpandue toutefois est celle adopte par le lgislateur franais de plafonner la dductibilit des intrts demprunts, soit uniquement dans lhypothse de sous-capitalisation comme cest le cas en France, soit de manire globale, comme cest le cas en Allemagne. Paralllement ces politiques lgislatives fixant des limites, le lgislateur belge, quant lui, a adopt une mthode incitative laugmentation de capital qui consiste appliquer aux apports en capital social un

    9 CE 30 dcembre 2003 n 233894 sect., SA Andritz - Conclusions de Gilles Bachelier, commissaire du gouvernement - RJF 2004 10 L. fin. 2006, n2005-1719 : JO 31 dc. 2005 11 Des liens de dpendance sont rputs exister entre deux entreprises : a- lorsque l'une dtient directement ou par personne interpose la majorit du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de dcision ; b- lorsqu'elles sont places l'une et l'autre, dans les conditions dfinies au a, sous le contrle d'une mme tierce entreprise

    12 Sauf si le capital social est suprieur aux capitaux propres

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    intrt notionnel dductible par la socit, calcul par un pourcentage sur ses capitaux propres, et rduisant ainsi lun des attraits fiscaux de lemprunt. Les Pays-Bas appliquent un taux dimposition et de dduction identique aux flux dintrts intragroupes entrants et sortants, ce qui a pour effet, pour la socit emprunteuse, de rapprocher le traitement fiscal des intrts demprunt aux dividendes et, pour la socit prteuse, de voir ses rmunrations perues faiblement imposes.

    La diversit de ces dispositifs visant protger lassiette fiscale des Etats membres et pouvant les amener, par souci de protectionnisme et de lutte contre lvasion fiscale, oprer indirectement des diffrences de traitement en fonction du lieu de rsidence ou de la nationalit dune socit, le Conseil de lUnion europenne a pris une rsolution en date du 8 juin 2010 (2010/C-156/01) sur la coordination des rgles relatives aux socits trangres contrles et la sous-capitalisation au sein de l'Union europenne. Tout en reconnaissant la ncessit invoque par les Etats membres de lutter contre la sous-capitalisation, le Conseil de lUnion europenne rappelle que les lgislations nationales adoptes doivent sinscrire dans le cadre des liberts garanties par le trait sur le fonctionnement de lUnion europenne et respecter le principe de pleine concurrence. La rsolution suggre galement certains critres dvaluation de la situation de sous-capitalisation dune socit, auxquels les critres antrieurement fixs par la loi de finances pour 2006 font cho. Le dispositif anti abus - La loi de finances pour 201113

    Si loptimisation fiscale au sein des groupes de socits relve, en principe, de la libert de gestion, les pertes de recettes fiscales corollaires pour lEtat et le contexte gnral de rduction du dficit public ont conduit le lgislateur une nouvelle rforme expressment place sous lappellation de dispositif anti-abus14.

    Lobjectif du lgislateur tait dlargir le champ dapplication de larticle 212 du Code gnral des impts afin dapprhender les mcanismes de contournement dudit dispositif par linterposition dun tablissement tiers, permettant ainsi de substituer un prt intra-groupe un prt bancaire. La loi de finances pour 2011 vise donc dornavant les intrts rmunrant les sommes laisses ou mises disposition par un tablissement tiers mais garantis par une sret accorde par une socit lie, en prvoyant jusqu deux niveaux interposition dtablissements tiers.

    Le projet damendement tel que prsent initialement tait susceptible, du fait de sa rdaction trs large, de dpasser les objectifs strictement ncessaires la lutte contre les abus en matire de sous-capitalisation. Par consquent, la version finale de larticle 212 du Code gnral des impts exclut de la notion de sommes laisses ou mises disposition les avances accordes par des entreprises lies, fournisseurs ou client, dans le cadre de leurs relations commerciales normales de mme que certaines oprations, telles les missions dobligations publiques au sens de l'article L 411-1 du Code montaire et financier et les dettes rengocies loccasion de changement de contrle du groupe. Sont vises en particulier par cette exception les oprations dites de leverage buy-out (ou LBO) dans lesquelles un prt global peut financer ou refinancer lensemble de la dette du groupe cible et ltablissement prteur peut se voir accorder des garanties croises de la part des socits du groupe. Dautre part et afin de ne pas dstabiliser les structures de financement en cours, lentre en vigueur du nouveau dispositif fixe aux exercices clos compter du 31 dcembre 2010 prvoit une exception en faveur des emprunts contracts avant le 1er janvier 2011 loccasion dune opration dacquisition de titres ou de son refinancement.

    Le champ des srets concernes ncessitait galement quelques prcisions et seuls les emprunts garantis par le nantissement de titres ou des crances de la socit emprunteuse sont carts du nouveau dispositif, cette garantie se rapprochant du gage ou de lhypothque des actifs de la socit emprunteuse. Hormis cette exception, le nouveau dispositif inclut donc lensemble des srets personnelles et relles, mobilires et immobilires, tant prcis quen cas de prt garanti partiellement, seuls seront concerns les intrts affrents la partie garantie du prt. La valeur de la sret, susceptible dvoluer pendant la dure du crdit, est apprcie la date de loctroi de celle-ci.

    13 L. fin. 2011, n2010-1657, art. 12 : JO 30 dc. 2010 14 Projet de loi de finances pour 2011 : Les conditions gnrales de l'quilibre financier (Premire partie de la loi de finances) - Examen des articles

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    Un dispositif devenu rigoureux ?

    A lapparente souplesse de larticle 212 du Code gnral des impts tel quissu de la loi de finances pour 2006 se substitue un dispositif peru comme plus rigoureux. La modification de larticle 212 du Code gnral des impts introduite par la loi de finances pour 2011 nest pas sans consquence sur lvaluation des trois critres cumulatifs destins dterminer si une socit est, ou non, en situation de sous-capitalisation. En effet, lassimilation des prts hors groupe aux prts intra-groupe conduit additionner les premiers aux seconds et modifier ainsi les bases de calculs (i) du ratio dendettement, (ii) du ratio de couverture dintrts et (iii) du ratio des intrts servis par des socits lies par rapport aux intrts verss.

    Dautre part, en priode de crise conomique, les socits sont susceptibles dtre places mcaniquement en situation de sous-capitalisation. Les capitaux propres diminuent, les investisseurs sont plus prcautionneux et lappel lemprunt peut se prsenter davantage comme une solution ncessaire que comme un choix de gestion. De plus, dans ces circonstances, la socit souhaitant emprunter prsente plus de risques que dans un contexte conomique florissant. Le cot du crdit se voit augmenter en proportion et les garanties demandes peuvent tre plus importantes. Ainsi, les ratios de larticle 212 du Code gnral des impts destins dterminer si la socit est, ou non, en situation de sous-capitalisation sont susceptibles dtre dpasss du fait de laccroissement des pertes obrant les fonds propres. A cet gard, les socits dont le capital social savrerait suprieur aux fonds propres peuvent user de la facult antrieurement accorde par ladministration fiscale de se rfrer leur capital social pour le calcul de leur ratio dendettement.

    Certains praticiens relvent galement que le nouveau dispositif, expressment destin lutter contre les abus, nest pas assorti de prcisions relatives aux moyens dont les socits disposeront pour combattre la prsomption dabus. A ce jour, larticle 212 du Code gnral des impts maintient la possibilit pour la socit de renverser la prsomption de sous-capitalisation en dmontrant que le taux dendettement de la socit est infrieur ou gal celui du groupe auquel elle appartient. Ladministration fiscale aura loccasion, on lespre, de prendre position lavenir sur ce point.

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    Rfrences Ouvrages : Prcis de fiscalit internationale - Bernard Castagnde - PUF 3me d., 2010 Prcis de fiscalit des entreprises - Maurice Cozian - Litec Fiscal 30me d, 2006/2007 Droit fiscal des affaires - Daniel Gutmann - Montchrestien, d. 2010 Droit fiscal des affaires - Patrick Serlooten - Dalloz, 9me d., 2010 Mmento Fiscal - d. Francis Lefebvre Revues et articles : Revue de Droit Fiscal - Jurisclasseur n1 du 6 janvier 2011 Feuillets Rapides Francis Lefebvre FR 04/10 du 29 janvier 2010, FR 40/10 du 1er octobre 2010, FR 47/10 du 19 novembre 2010, FR 56/10 du 24 dcembre 2010 Sous-capitalisation : projet d'extension du rgime aux prts garantis par une socit du groupe par Sbastien de Mons, Julien Gayral, avocats associs, et Jean-Florent Mandelbaum, avocat, Bredin Prat - Feuillet Rapide Francis Lefebvre - Questions dactualits - FR 47/10 du 19 novembre 2010 La sous-capitalisation l'preuve des liberts de circulation Etude par Alexandre Maitrot de la Motte, Droit fiscal n 8, 25 Fvrier 2010, 196 Les rgles de sous-capitalisation l'preuve de la crise par Pierre-Yves Bourtourault, avocat associ, et Pascale Farey Da Rin, avocat, Baker & McKenzie, Droit fiscal n 8, 25 Fvrier 2010, 195 Travaux lgislatifs : Projet de loi de finances pour 2011 : Les conditions gnrales de l'quilibre financier (Premire partie de la loi de finances) - Examen des articles et Sance du 19 novembre 2010 (compte rendu intgral des dbats) www.senat.fr Adoption de la 1re partie du PLF 2011 par le Snat - Snat, 24 nov. 2010, Droit fiscal n 48, 2 Dcembre 2010, act. 459 Recommandations du Conseil de l'UE sur la coordination des rgles relatives aux socits trangres contrles (SEC) et la sous-capitalisation - Cons. UE, rs., n 2010/C-156/01, 8 juin 2010 - JOUE n C 156/1, 16 juin 2010 - Droit fiscal n 25, 24 Juin 2010, act. 241 Jurisprudence : CJCE 12 dcembre 2002 aff. 324/00, Lankhorst-Hohorst GmbH - Conclusions de l'avocat gnral Jean Mischo - RJF 3/03 n391 CE 30 dcembre 2003 n 249047 sect., min. c/ SARL Coral Gestion - conclusions de Guillaume GOULARD, Commissaire du gouvernement CE 30 dcembre 2003 n 233894 sect., SA Andritz - Conclusions de Gilles Bachelier, Commissaire du gouvernement - RJF 2004