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ASF-Belgium RECUEIL DE JURISPRUDENCE CONTENTIEUX DU GENOCIDE TOME III Ce Recueil a été réalisé par Avocats Sans Frontières-Belgique en partenariat avec le Département des Cours et Tribunaux de la Cour Suprême du Rwanda avec le soutien de l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie, de la Commission Européenne, de la Coopération Belge et de la Coopération Néerlandaise.

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TOME III Ce Recueil a été réalisé par Avocats Sans Frontières-Belgique en partenariat avec le Département des Cours et Tribunaux de la Cour Suprême du Rwanda avec le soutien de l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie, de la Commission Européenne, de la Coopération Belge et de la Coopération Néerlandaise. ASF-Belgium

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RECUEIL DE JURISPRUDENCECONTENTIEUX DU GENOCIDE

TOME III

Ce Recueil a été réalisé par Avocats Sans Frontières-Belgiqueen partenariat avec le Département des Cours et Tribunaux

de la Cour Suprême du Rwanda avec le soutiende l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie,

de la Commission Européenne,de la Coopération Belge et de la Coopération Néerlandaise.

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TABLE DES MATIERES

PREFACE………………………………………………………………………………………...5

PREMIERE PARTIE : TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCE ET CHAMBRES SPECIALISEES

A. T.P.I. BUTARE :

N°1 : Le 30/11/2001, Ministère Public C/NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts ……………..11

B. CS BYUMBA :

N°2 : Le 02/05/1997, Ministère Public C/KANYABUGANDE François et Consorts…………..55

C. CS CYANGUGU :

N°3 : Le 06/08/1998, Ministère Public C/RWAMULINDA Antoine et Consorts ………………95

D. T.P.I. GIKONGORO :

N° 4 : Le 20/02/2002, Ministère Public C/BIZIMANA Antoine……………………………….115

E. CS GISENYI :

N°5 : Le 26/06/1997, Ministère Public C/BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie………..143

F. CS GITARAMA :

N°6 : Le 02/04/1999, Ministère Public C/BUGIRIMFURA Emmanuel et Consorts …………159

G. CS KIBUNGO :

N°7 : Le 22/09/2000, Ministère Public C/BIZURU André et Consorts………………………..175

H. CS KIBUYE :

N°8 :Le 22/03/2000, Ministère Public C/BUREGEYA Edison et UWITONZE Bernard ……..193

I. CS KIGALI :

N°9 : Le15/01/1999 : Ministère Public C/MUKAKAYIJUKA Hadidja ………………………205

J. CS NYAMATA :

N°10 : Le 31/07/2000, Ministère Public C/MUKANSANGWA Pascasie……………………..221

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K. CS RUHENGERI :

N°11 : Le 12/12/2000, Ministère Public C/NTAHONDI Ildéphonse…………………………..229

L. CS RUSHASHI :

N°12 : Le 21/09/2000, Ministère Public C/GASANA Apollinaire et Consorts………………..239

DEUXIEME PARTIE : COURS D’APPEL

A. CA CYANGUGU :

N° 13 : Le 06/07/1999, MUNYANGABE Théodore C/Ministère Public……………………...255

B. CA KIGALI :

N°14 : Le 26/12/2000, KAYIJUKA Célestin C/Ministère Public……………………………...271

C. CA NYABISINDU :

N°15 : Le 20/03/1998, NEMEYIMANA Israël C/Ministère Public……………………………285

D. CA RUHENGERI :

N°16 : Le 25/11/1998, BARITIMA Jules C/Ministère Public………………………………….295

TROISIEME PARTIE : JURIDICTION MILITAIRE

CONSEIL DE GUERRE

N°17 : Le 26/11/1998, Auditorat Militaire C/SGT GD BARAYAGWIZA Ildephonse ……….309

ANNEXES

TABLE ALPHABETIQUE DES DECISIONS ……………………………………………381

INDEX ANALYTIQUE DES DECISIONS………………………………………………….383

LOI ORGANIQUE N°8/96 DU 30/08/1996 SUR L’ORGANISATION DESPOURSUITES DES INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU CRIME DEGENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE, COMMISES APARTIR DU 1er OCTOBRE 1990 ……………………………………………………………387

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PREFACE

Ce troisième tome du « Recueil de jurisprudence » concernant le contentieux du génocide et descrimes contre l’humanité tel qu’il est traité par les juridictions rwandaises est le fruit de lapoursuite d’un important travail, rendu possible grâce à la confiance que le Département desCours et Tribunaux de la Cour Suprême a accordée à Avocats Sans Frontières.

Depuis la parution du 1er tome, en janvier 2002, la méthode s’est affinée. D’une part,l’expérience a permis d’améliorer la qualité des traductions. D’autre part, les réactionsrecueillies de la part des acteurs judiciaires –magistrats, avocats et défenseurs judiciaires – nousont amenés à ajuster la méthode d’indexation, de manière à répondre au plus près à leurs attenteset à leurs besoins. Enfin, les contacts systématiques instaurés avec l’ensemble des juridictionsdu pays ont permis de recueillir des décisions émanant de chacune d’entre elles : c’est ainsi quece recueil rassemble des décisions prononcées par tous les Tribunaux de première instance,par le Conseil de Guerre, et par toutes les Cours d’appel. Dix-sept décisions qui nousparaissent représentatives de la justice rendue à ce jour par les tribunaux rwandais.

Elles sont présentées ici dans leur intégralité. Certaines d’entre elles sont très longues : c’est leprix de la pratique qui consiste à retranscrire l’ensemble des débats dans le corps du jugement,pratique grâce à laquelle le lecteur dispose d’une source d’information unique sur l’histoireet le déroulement du génocide et des massacres.

L’observateur relèvera également le souci grandissant des magistrats de motiver leurs décisionsen droit, d’entendre les victimes, de respecter les droits de la défense, de distinguer selon ledegré de responsabilité, mais également de sanctionner par un acquittement les accusationsabusives.

Le présent recueil paraît à l’heure où les juridictions gacaca ont entamé leur travail.

Dans l’immédiat, les juridictions ordinaires restent saisies des affaires qui leur avaient ététransmises par le Parquet avant le 15 mars 2001, date d’entrée en vigueur de la Loi organique du26 janvier 2001 portant création des « juridictions gacaca » et organisation des poursuites desinfractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité. Elles continuent,dans ces dossiers, à appliquer la Loi organique du 30 août 1996 (publiée ici en annexe).Certaines des dispositions contenues dans la Loi organique de 2001 sont cependantd’application immédiate : c’est le cas notamment de son article 96 qui supprime les Chambresspécialisées des Tribunaux de première instance et des juridictions militaires, et prévoit que lesaffaires dont elles avaient été saisies seront jugées par les juridictions dont faisaient partie cesChambres spécialisées : c’est ainsi que figurent, parmi les décisions sélectionnées, deuxdécisions postérieures au 15 mars 2001, prononcées par des Tribunaux de première instance, etnon plus par des Chambres spécialisées.

Rappelons par ailleurs qu’en vertu de la Loi organique du 26 janvier 2001 portant création des« juridictions gacaca » et organisation des poursuites des infractions constitutives du crime degénocide ou de crimes contre l’humanité, et la Loi du 22 juin 2001 qui la modifie et la complète,les personnes relevant de la première catégorie restent justiciables des juridictions ordinaires.

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A l’issue de l'«instruction » menée par les assemblées générales des juridictions gacaca decellules, les juridictions ordinaires seront donc prochainement appelées à appliquerintégralement la Loi organique de 2001.

La jurisprudence et l’expérience développées par les Chambres Spécialisées et les Cours d’appelsous l’empire de la Loi organique de 1996 constituera, à cet égard, une importante sourced’interprétation. En mettant à la disposition des praticiens du droit de nouvelles décisions, nousespérons leur offrir un outil de travail pertinent et nourrir le débat juridique.

Enfin, en poursuivant la publication de ces jugements qui témoignent du génocide et desmassacres et de leur répression, nous souhaitons rendre hommage à ceux qui, en âme etconscience, œuvrent au quotidien à rendre justice à toutes les victimes.

Caroline STAINIER,Responsable de projet,Avocats Sans Frontières.

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PREMIERE PARTIE

TRIBUNAUX DEPREMIERE INSTANCE

ET

CHAMBRESSPECIALISEES

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TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE

BUTARE

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N°1

Jugement du Tribunal de Première Instance de BUTAREdu

30 novembre 2001.

Ministère Public et parties civiles C/ NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts.

ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE (FONDEMENT; LIEN DE CAUSALITE) –ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281 ET 282CP) – AVEUX (COMPLETS; FORCE PROBANTE A L'EGARD DES TIERS) –CATEGORISATION (2ème CATEGORIE; ART. 2 L.O. 30/08/1996) – CRIME DEGENOCIDE – CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DESCENTE DU TRIBUNAL SURLE LIEU DES FAITS – DEVASTATION DU PAYS PAR MASSACRES, DESTRUCTIONET PILLAGE (ART. 168 CP) – DOMMAGES ET INTERETS(CONDAMNATION IN SOLIDUM) – DROITS DE LA DEFENSE (DROIT D'ETREASSISTE) – PEINE (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE ET DEGRADATIONCIVIQUE) – PREUVE (ABSENCE DE; FORCE PROBANTE DE) – PROCEDURED'AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (AVANT PUBLICATION DU NOMSUR LA LISTE DES PERSONNES DE PREMIERE CATEGORIE : ART 9 L.O.30/08/1996; RECEVABILITE: ART. 6 L.O. 30/08/1996) – RESPONSABILITE DEL’ETAT (ART. 91 L.O. 26/01/01) – TEMOIGNAGES (A CHARGE; A DECHARGE;CONCORDANTS) – VIOLATION DE DOMICILE ( ARTS. 304 ET 305 CP) – ZELE ETMECHANCETE EXCESSIVE ( ART. 2 CATEGORIE 1c L.O. 30/08/1996).

1. Droit d'être assisté d'un défenseur – remise. 2. Procédure – témoins tenus hors des débats avant déposition – descente du Tribunal sur le

lieu des faits. 3. 1er prévenu – défaut de preuve - témoignages à décharge – infractions non établies –

acquittement et ordre de libération immédiate. 4. 2ème prévenu – procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité avant publication du nom sur

la liste des personnes de première catégorie – conformité à l'article 6 de la Loi organique du30/08/1996 – infractions établies.

5. 2ème prévenu – zèle et méchanceté excessive – première catégorie déclassée en deuxième

catégorie (article 9 alinéa 2 de la Loi organique du 30/08/1996) – emprisonnement àperpétuité et dégradation civique (article 18 de la Loi organique du 30/08/1996).

6. Action civile – responsabilité civile de l'Etat dans le génocide (article 91 de la Loi organique

du 26/01/2001) – condamnation solidaire du 2ème prévenu et de l'Etat – dommages morauxex- æquo et bono – dommages matériels suivant la valeur du préjudice.

7. Action civile liée à une infraction non poursuivie – demande sans fondement – rejet. 8. Disjonction de l'action publique – prévenus non identifiés.

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1. L'audience est remise afin de permettre aux prévenus d'accomplir les démarches nécessairespour bénéficier de l'assistance d'un conseil.

2. Les témoins tant à charge qu'à décharge sont exclus de la salle d'audience jusqu'au moment

de leur déposition. Le Tribunal décide d'effectuer une descente sur le lieu des faits afind'interroger la population.

3. Ni les éléments produits par le Ministère Public, ni les témoignages à charge ne permettentd’établir la part de responsabilité que le 1er prévenu aurait eue dans le génocide.

- Doit être écartée comme inexacte l’allégation selon laquelle le prévenu aurait désigné uncomité de dix personnes chargé d’assurer la sécurité, comité dont certains membres ont ensuiteété impliqués dans des massacres, les témoignages recueillis établissant que ces personnesavaient été élues par la population.- Est également inexacte l’affirmation selon laquelle il ordonnait les assassinats, les témoignagesrecueillis lors de la descente sur le lieu des faits établissant au contraire qu’il a fait ce qui était enson pouvoir pour que les victimes soient épargnées, notamment en fournissant aux personnesmenacées des pièces d’identité en remplacement de celles qui faisaient mention de leur ethnieTutsi.

Il est acquitté de l’ensemble des infractions et sa libération immédiate est ordonnée.

4. La procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité du 2ème prévenu est acceptée tant par leMinistère Public que par le Tribunal comme conforme au prescrit de l'article 6 de la Loiorganique du 30/08/1996. Le prévenu est reconnu coupable de l'ensemble des infractions à sacharge.

5. Le zèle et la méchanceté excessive dont a fait preuve le 2ème prévenu, notamment en utilisant

une hache pour tuer une dame âgée avec laquelle il entretenait de bonnes relations,permettent de le ranger en première catégorie; en raison de son plaidoyer de culpabilitéintervenu avant la publication de son nom sur la liste des personnes relevant de la premièrecatégorie, il doit être rangé en deuxième catégorie conformément à l'article 9 alinéa 2 de laLoi organique du 30/08/1996. Il est condamné à l'emprisonnement à perpétuité et à la dégradation civique.

6. L’Etat, qui a reconnu sa responsabilité dans le génocide, doit être condamné au paiement des

dommages et intérêts alloués aux parties civiles, solidairement avec le prévenu reconnucoupable, selon les dispositions de l'article 91 de la Loi organique du 26/01/2001 portantcréation des juridictions Gacaca. Les dommages et intérêts moraux réclamés apparaissent excessifs; tenant compte des liens deparenté, ils sont fixés ex- æquo et bono car « un être humain n’a pas de prix ». Lesdommages matériels doivent être alloués en tenant compte de la valeur des biensendommagés.

7. Ne peut être reçue, l'action civile d'une partie qui est fondée sur une infraction dont le

Tribunal n'a pas été saisi. 8. L’action publique concernant les prévenus dont l’identification est restée incomplète est

disjointe.

(NDLR: L'appel du Ministère Public est pendant devant la Cour d'appel de NYABISINDU).

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(Traduction libre)

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE

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1er feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BUTARE EN ITINERANCE ANYANZA, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMESCONTRE L’HUMANITE, A RENDU LE 30/11/2001 LE JUGEMENT DONT LATENEUR SUIT :

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1. NTEZIRYAYO Emmanuel fils de KAJANGWE ET NYIRANDIMURWANGO, né en1950 à KIVUMU-BUSASAMANA-NYABISINDU-BUTARE, y résidant, marié àKABAGEMA, père de 8 enfants, Rwandais, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciairesconnus ;

2. NSANGANIRA Eugène fils de ZIKAMABAHARI et NYIRADURI, né en 1959 àKIVUMU-BUSASAMANA-NYABISINDU-BUTARE, y résidant, marié àNYIRAMARIZA, père de 6 enfants, Rwandais, cultivateur, sans antécédents judiciairesconnus ;

3. MUSAFIRI : non autrement identifié.

4. NKUNDABAGENZI : non autrement identifié.

5. HABIYAMBERE : non autrement identifié.

6. MUNYANKINDI : non autrement identifié.

7. SEMBU : non autrement identifié.

8. NTAGANZWA : non autrement identifié.

9. MASONGA François : non autrement identifié.

10. NDAGIJIMANA : non autrement identifié.

11. SEGEMA : non autrement identifié.

12. MPUNGIREHE Laurent : non autrement identifié.

13. MIKWEGE : non autrement identifié.

14. NCAMIHIGO Idrissa : non autrement identifié.

15. RUGAMBA : non autrement identifié.

16. BAJENEZA Damascène : non autrement identifié .

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE

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17. RUFANGURA : non autrement identifié.

18. JUMA : non autrement identifié.

19. MISAGO Vianney : non autrement identifié.

20. Gérard : non autrement identifié.

21. KAREGE Ildephonse : non autrement identifié.

22. MUNYAMBUGA Phénéas : non autrement identifié.

23. SHEMU : non autrement identifié.

PREVENTIONS :

A charge de NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène, NKUNDABAGENZIAlphonse, MPUNGIREHE Laurent, MIKWEGE, NCAMIHIGO Idrissa, RUGAMBA,BAJENEZA Damascène, RUFANGURA, JUMA, MISAGO Vianney, NDAGIJIMANAGérard, KAREGE Ildephonse et MUNYAMBUGA Phénéas :

- Avoir à KAVUMU, BUSASAMANA, NYABISINDU, BUTARE, République Rwandaise,entre avril et juillet 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par lesarticles 89, 90 et 91 du Code pénal, organisé et mis à exécution le plan du génocide etd’autres crimes contre l’humanité, infraction

2ème feuillet.

prévue par la Convention du 09/12/1994 sur la répression du crime de génocide, la Conventiondu 12/08/1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre et les ProtocolesAdditionnels, la Convention du 26/11/1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et descrimes contre l’humanité telles que ratifiées par Décret-loi n° 08/75 du 12/02/1975, ainsi que parla Loi organique du 30/08/96 en son article premier.

A)- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs oucomplices, commis l’infraction d’association de malfaiteurs prévue et réprimée par les articles89, 90 et 91 du Code pénal Livre I (sic).

B)- Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu, en date du 22/04/1994, comme auteurs,coauteurs ou complices, assassiné NYIRABANANI Cécile, NYIRABAKEKA, Pauline et sonenfant, MUKANGWIJE Suzanne, NGARAMBE, l’épouse de KADENESI et ses deux enfants,l’épouse de Gervais, l’épouse de NYAMBIRIRA, l’épouse de KANYABIHAHO Xavier , la fillede RUBINDO ainsi que NSABUMUKUNZI, infraction prévue et réprimée par l’article 3 de laLoi organique n° 08/96 du 30/08/96, les articles 89, 90 et 91 du livre I et 312 du Code pénalLivre II.

A charge de NSANGANIRA Eugène, HAVUGIMANA Mussa, BAJENEZA,NKUNDABAGENZI et SHEMU.

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE

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C)- Avoir, au même endroit que ci-dessus au cours du génocide d’avril à juillet, comme auteurs,coauteurs ou complices, commis l’infraction de dévastation du pays par les massacres, lesdestructions de maisons et de bétail ainsi que les pillages, infraction prévue et réprimée par lesarticles 89, 90 du livre I ainsi que les articles 169, 144 du livre II du Code pénal(sic).

D)- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis l’infraction de violationde domiciles d’autrui, infraction prévue et réprimée par les articles 304 et 305 du livre II duCode pénal.

PARTIES CIVILES.

1. MUSAYIDIRE Eugénie fille de BWICAMANUMA et MUKANGWIJE Suzanne, née le25/12/1952 à BUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE, résidantactuellement en Allemagne.

2. NYIRANTEGEYINKA Véronique fille de RUCEGE Charles et MUTWAKAZI Marie,résidant à BUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE.

3. MUNYANSHONGORE Mussa fils de NDEKEZI et NYIRABANAMA Cécile, résidant àBUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE.

4. MUKARUBAYIZA Virginie fille de NDEKEZI et NYIRABANAMA, résidant àBUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE.

3ème feuillet.

5. RWAGATARE Jean fils de KIMONYO Grégoire et MUKAMUZIMA, né à RUHASHYA,résidant à BUSASAMANA, ville de NYANZA.

LE TRIBUNAL,

Vu l’instruction préparatoire de cette affaire par le parquet de la République à BUTARE aprèslaquelle le dossier a été transmis pour fixation au Tribunal de Première Instance de BUTARE eta été inscrit au rôle sous le n° RP 84/2/2001 ;

Vu l’ordonnance du Président du Tribunal pris en date du 11/06/2001 fixant l’audience au22/11/2001 à NYANZA à 8 heures du matin ;

Vu que seuls deux des vingt-deux prévenus poursuivis par le Ministère Public ont été identifiés,NTEZIRYAYO Emmanuel et NSANGANIRA Eugène ont été régulièrement cités àcomparaître, qu’ils ont comparu à cette date en présence du représentant du Ministère Public etde quelques-unes des parties civiles ;

Vu que l’une des parties civiles à savoir MUSAYIDIRE Eugénie résidant à BUSASAMANA estaccompagnée par des journalistes allemands et par un journaliste rwandais de la télévisionnationale en la personne de RUTAREKA Alexis qui demandent au Tribunal de les autoriser àfaire un reportage sur le déroulement de l’audience, qu’après avis du Ministère Public, cetteautorisation leur est accordée dans le cadre des bonnes relations entre le Rwanda et l’Allemagne

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et notamment certains de ses Lands, que le reportage ne doit pas servir à des fins commerciales ;

Vu la lettre que NTEZIRYAYO Emmanuel a remise au Tribunal au cours de la matinée à 10heures dix minutes avant le début de l’audience et par laquelle il sollicite le report d’audience aumotif qu’il s’est adressé au Bureau de Consultation et de Défense du Corps des Défenseurs endate du 09/11/2001 pour solliciter une assistance judiciaire, qu’à la question de savoir s’il nepeut pas assurer personnellement sa défense, il répond par la négative et dit qu’il espère qu’undéfenseur sera disponible dans les prochains jours ;

Attendu qu’à la question posée à NSANGANIRA Eugène de savoir s’il accepte de plaider sacause, celui-ci répond qu’il le souhaite ardemment surtout qu’il entend plaider coupable ;

Attendu que la parole est accordée à quelques-unes des parties civiles pour émettre leur avis, queMUSAYIDIRE Eugénie dit qu’elle a accusé NSANGANIRA Eugène seul, mais queNTEZIRYAYO Emmanuel peut faire un effort pour assurer personnellement sa défense étantdonné qu’ils ont fait un long voyage à partir de l’Allemagne pour suivre l’audience, queNYIRANTEGEYINKA dit quant à elle qu’elle et MUSAYIDIRE Eugénie poursuivent la mêmeaction civile et qu’à ce titre, elle ne saurait s’en tirer seule au cas où cette dernière partirait sansque l’affaire soit clôturée ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public SHUMBUSHO Daniel demande au Tribunal detéléphoner au Bureau de Consultation et de Défense pour savoir si la lettre de demanded’assistance judiciaire de NTEZIRYAYO Emmanuel y a été reçue et si elle fera l’objet d’unesuite favorable ;

4ème feuillet.

Vu que l’audience est suspendue jusqu’à 14 heures pour que le Tribunal puisse entrer encommunication avec le Bureau de Consultation et de Défense avant de décider la date à laquellel’audience doit être reportée ;

Vu que le Bureau de Consultation et de Défense informe le Tribunal qu’il n’a pas reçu la lettrede NTEZIRYAYO Emmanuel datée du 09/11/2001 ;

Vu que l’audience est reportée au 27/11/2001 pour qu’une copie de la lettre de demanded’assistance judiciaire soit envoyée à KIGALI (au BCD et au CDDH) par FAX ;

Vu qu’en date du 27/11/2001 les deux prévenus comparaissent, NTEZIRYAYO Emmanuel étantassisté par Maître SAYINZOGA J. Pierre, NSANGANIRA Eugène étant quant à lui assisté parMaître SENDAMA Cyrdion, les parties civiles ayant pour Conseil Maître NKURIKIYIMFURAInnocent ;

Vu que d’autres parties civiles se sont constituées et qu’elles sont ainsi au total au nombre decinq ;

Attendu qu’il est fait lecture de l’identité des prévenus et des préventions libellées à leur charge ;

Attendu qu’à la question de savoir si des témoins tant à charge qu’à décharge se trouvent dans lasalle d’audience, l’Officier du Ministère Public dit qu’il y a des détenus qui ont été cités comme

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témoins à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’ils sont tous invités à sortir pour être appelésà la barre au moment opportun ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre demande lui aussi que les témoins à décharge soientexclus de la salle d’audience pour être entendus le moment venu ;

Attendu qu’après un rappel des préventions à charge des prévenus, NSANGANIRA Eugène estinvité à dire s’il maintient son recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité etqu’il répond par l’affirmative, que l’audience se déroule alors selon la procédure prévue parl’article 10 de la Loi organique du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide et des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 ;

Attendu que la parole est accordée au Ministère Public pour présenter son réquisitoire, quel’Officier du Ministère Public requiert que NSANGANIRA Eugène soit rangé dans la deuxièmecatégorie et bénéficie d’une diminution de la peine suite à son plaidoyer de culpabilité ;

Attendu que le greffier fait lecture de tous les procès-verbaux contenant les aveux deNSANGANIRA Eugène portant sur le lieu, les dates et les victimes de ses actes, l’identité de sescoauteurs ainsi que les excuses qu’il présente ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a volontairement recouru à la procédure d’aveu et s’il aété informé de la peine prévue par la loi pour les actes à propos desquels il plaide coupable, ainsique de l’impossibilité d’interjeter appel contre le jugement de condamnation consécutif à cetteprocédure, il répond qu’il a volontairement avoué mais que le Ministère Public ne l’a pasinformé de l’interdiction d’interjeter appel en pareille circonstance, qu’à la question de savoir

5ème feuillet.

s’il est prêt à accepter la peine qui sera prononcée par le Tribunal en vertu de la Loi organiquen°08/96 du 30/08/1996, il répond par l’affirmative mais dit que l’Officier du Ministère Public aété injuste à son égard en requérant qu’il soit rangé dans la première catégorie alors qu’il n’a pasagi en qualité d’autorité ;

Vu que NSANGANIRA Eugène est informé que la décision sur la recevabilité de ses aveux seraprononcée le 28/11/2001, qu’ensuite l’audience se poursuit ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit qu’il a desinquiétudes sur le cas de NSANGANIRA Eugène à cause de la méchanceté excessive dont il afait preuve lors du meurtre d’une vieille dame au cours duquel il a fait usage d’une hache quid’ordinaire est lourde et du fait qu’il ne précise pas le nombre de coups de hache qu’il a donnés àla victime, et que par ailleurs, tout en reconnaissant qu’ils ont gardé des gens pendant la nuit, ilne donne aucun renseignement sur les actes qu’ils ont commis sur eux, qu’il demande que lesprévenus soient poursuivis du chef de l’infraction de séquestration prévue par l’article 388 duCode pénal livre II, que la peine requise par le Ministère Public soit majorée dès lors quel’intéressé n’indique pas pourquoi il s’en est pris à cette vieille dame mais se plaint plutôt de ceque la peine requise par le Ministère Public est élevée ;

Attendu que Maître SEMANDA Cyrdion, Conseil de NSANGANIRA Eugène, dit qu’il parleraen temps opportun de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de son client, mais qu'il

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demande que la loi soit respectée car il ne comprend pas comment le Tribunal peut prononcerune peine non prévue par la loi, qu’il reconnaît le caractère extrêmement grave des infractionscommises par NSANGANIRA Eugène, mais qu’il en plaide justement coupable et notammentcelle d’avoir tué une vieille dame alors qu’il était en patrouille pendant la journée et que, selonl’entretien qu’il a eu avec son client, celui-ci a commis ce crime sur ordre deNKUNDABAGENZI Alphonse ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que l’action introduite par le Conseil des partiesciviles sur base de l’article 388 du Code pénal Livre II est irrégulière en la forme, car il devraitplutôt porter plainte auprès du Ministère Public dont l’inaction pendant une période de 6 moispourrait alors ouvrir la voie à la citation directe ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des partis civiles, dit que l’article 39de la Loi organique n° 08/96 dispose que toutes les formes de saisine des juridictions noncontraires aux lois ordinaires demeurent d’application en matière de génocide, qu'ainsi l'on nepeut empêcher les parties civiles de faire la citation directe et qu’il a d’autres éléments qu’ilsouhaite soumettre aux membres du siège dans cette affaire ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit qu’ils nes’opposent pas à la sanction de toutes les infractions qui ont été commises, mais qu’il fautrespecter la procédure ;

Attendu que la parole est accordée à l’Officier du Ministère Public pour qu’il donne son avis surl’incident soulevé par l’avocat des parties civiles, qu’il dit que le Ministère Public a libellé huit(8) préventions après l’instruction préparatoire, mais que l’Officier du Ministère Public estégalement compétent pour relever d’autres infractions non découvertes auparavant, qu’ildemande que cet incident soit examiné conformément à la loi et dit que NSANGANIRA Eugène,en faisant valoir être victime d’injustice de la part de l’Officier du Ministère Public qui le

6ème feuillet.

range dans la première catégorie alors qu’il n’était pas une autorité, fait semblant d’ignorer quecertains prévenus ont acquis une renommée à cause du zèle qui les a caractérisés en tuant lesvictimes à coups de petites houes usagées ;

Attendu qu’à la question de savoir le but qu’il vise en invoquant devant le Tribunal desinfractions dont celui-ci n’a pas été saisi et s’il souhaite que l’audience soit reportée pour que leMinistère Public puisse engager des poursuites du chef des infractions concernées, MaîtreNKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des partis civiles, répond que son objectif est lamanifestation de la vérité, qu’à celle de savoir si le Tribunal peut connaître de ces infractionssans en avoir été saisi il répond qu’il y a lieu de voir si les prévenus veulent présenter leursmoyens de défense sur le champ ou à une autre date mais qu’il vaudrait mieux que l’affaire soitexaminée rapidement ;Attendu qu’après examen des avis respectifs de l’avocat des parties civiles en la personne deNKURIKIYIMFURA Innocent, du Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel et de l’Officier duMinistère Public, le Tribunal constate que la détermination de la peine à charge deNSANGANIRA Eugène se fera selon le prescrit de la loi, spécialement la Loi organique surl’organisation des infractions constitutives du crime de génocide, que l’action relative aux faitsqualifiés de nouveaux par NKURIKIYIMFURA Innocent est irrecevable car elle est irrégulièreen la forme dès lors qu’il ne précise pas s’il s’agit d’une exception qui par ailleurs devrait être

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invoquée au seuil des débats sur le fond, qu’il décide à cet égard que l’audience doit sepoursuivre par la défense de NTEZIRYAYO Emmanuel ;

Attendu qu’interrogé sur les infractions qui lui sont reprochées, NTEZIRYAYO Emmanuel ditqu’il plaide non coupable ;

Attendu que le Ministère Public est invité à rapporter les preuves à la base des poursuites àcharge de NTEZIRYAYO Emmanuel pour lui permettre d’y répliquer ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO Emmanuel était conseiller desecteur et qu’il a agi en coaction avec un groupe de 10 individus qu’il a choisis lui-même pour lamise en exécution du plan de génocide ; qu’en date du 21/04/1994, ils ont mené une expéditionau cours de laquelle ils se sont saisis de 13 tutsi et les ont conduits à l’endroit où une barrièreétait érigée et où ils ont passé la nuit, qu’ils les ont tués le lendemain dans un boisement setrouvant à proximité, qu’il poursuit en disant que les intéressés, après avoir tué les victimes,incendiaient et détruisaient leurs maisons et mangeaient leur bétail, que NTEZIRYAYOEmmanuel reconnaît les faits et notamment la formation d’une association de malfaiteurscomposée de 10 personnes, que c’est lui qui donnait chaque fois l’ordre de tuer tel que celaapparaît dans les procès-verbaux portant les cotes 6 et 10 du dossier ;

Attendu qu’invité à présenter ses moyens de défense, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il y alieu d’interroger la population du secteur qu’il dirigeait sur sa conduite au cours du génocide,qu’il n’a fait aucune discrimination entre les Rwandais et qu’il s’est plutôt opposé aux massacrestel que NSANGANIRA l’a confirmé, qu’il poursuit en demandant au Tribunal d’interroger lapopulation de tout le secteur de BUSASAMANA et dit qu’il a en vain formulé le même souhaitauprès du Ministère Public, qu’il déclare avoir, à l’époque du génocide, secouruMUKAMURIGO et sa fille, KAMASHARA, les membres de la famille NZAYISOMA (celluleBUNYESHYIRA) si bien qu’ils ont même attrapé des tueurs auxquels ils ont pris une petitehache, qu’interrogé sur l’identité de ces tueurs il répond qu’ils ont établi un procès-verbal qu’ilsont remis au responsable de la cellule, et que parmi eux figuraient les nommés Chadrack,SHEMBU, le fils de MUNYENDAMUTSA, le fils de

7ème feuillet.

KIMONYO qui est mort, ainsi que celui de BIMENYIMANA, que cette liste se trouve entre lesmains de l’actuel conseiller de secteur qui était le responsable de cellule à l’époque des faits ;

Attendu qu’invité à s’expliquer sur la liste des tueurs qu’il lui est reproché d’avoir établie,NTEZIRYAYO Emmanuel répond qu’il ne l’a pas dressée et que ces individus ont été aucontraire choisis par toute la population pour assurer la sécurité dans tout le secteur ; queconcernant les quatre barrières il dit qu’elles ont été érigées par les militaires et qu’il necomprend pas pourquoi le Ministère Public l'en rend responsable, qu’à la question de savoir s’ila participé à la réunion relative aux massacres (réunion des conseillers de secteurs), il répond nepas avoir pris part à une quelconque réunion autre que celle qui a eu lieu un mercredi au cours delaquelle le commandant de gendarmerie s’est informé sur la situation sécuritaire et qu’on lui ademandé à cette occasion d’expliquer pourquoi il plaçait des tutsi aux barrières à l’exemple dupère de GISAGARA JMV qui a été tué parce qu’il s’opposait aux massacres ;

Attendu qu’à la question de savoir si KAREGE ne lui a pas fait parvenir un message émanant dubourgmestre, NTEZIRYAYO Emmanuel répond par la négative et dit que ces affirmations sont

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de pures inventions de la part des autres prévenus qui visent l’acceptation de leurs aveux, qu’ilpoursuit en disant que GISAGARA qui était bourgmestre à cette époque venait d’être tué alorsqu’ils s’étaient tous deux opposés aux massacres, que lui-même a subi à son domicile uneattaque à la grenade ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît avoirparticipé à une réunion au cours de laquelle les massacres ont été planifiés mais qu’il n’expliquepas pourquoi ceux-ci ont commencé dans le secteur immédiatement après cette réunion, que celaprouve qu’il a mis en exécution les décisions prises ;

Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit que le Ministère Public se fonde essentiellement surles déclarations des plaignants figurant dans différents dossiers sans daigner tenir compte du faitqu’il y avait d’autres personnes dans ce secteur qui peuvent confirmer que ladite réunion n’avaitpas pour objet la planification des massacres, qu’il est cependant vrai que ceux qui l’ont dirigéeétaient des tueurs si bien que quelques-uns d’entre eux avaient déjà commis des tueries etmenaçaient de s’en prendre à son secteur (le secteur de BUSASAMANA) dont la population nes’était pas impliquée dans les massacres ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J . Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que lebourgmestre GISAGARA JMV et NTEZIRYAYO E. étaient tous deux membres d’un mêmeparti politique (PSD) et s’opposaient aux massacres, qu’après la mort de GISAGARA JMV, lenommé MASONGA François a été désigné bourgmestre et s’en est pris à NTEZIRYAYOEmmanuel, lui en voulant de ne pas avoir pris part aux tueries, que les dix personnes dont il estquestion dans l’accusation ont été choisies par la population de toutes les ethnies au cours d’uneréunion convoquée par le conseiller de secteur mais sur ordre du bourgmestre GISAGARA JMVdans le but de veiller à leur sécurité, qu’il poursuit en disant qu’il était reproché au PSD decollaborer avec les INKOTANYI si bien qu’une réunion a eu lieu au cours de laquelle son clienta été réprimandé et que, en prenant ses fonctions, MASONGA François a vivement reproché àl’intéressé le fait que rien n’avait été fait dans son secteur relativement aux massacres, que lapopulation charge le conseiller d’avoir dirigé une réunion sans cependant indiquer une victimequ’il aurait tuée ou menacée, que l’acceptation des aveux d’un prévenu ne confère point à sesdéclarations la force probante et que, NSANGANIRA dit lui-même que NTEZIRYAYOEmmanuel était pourchassé parce qu’il cachait les tutsi, qu’il termine en demandant au MinistèrePublic de rapporter un quelconque acte répréhensible commis par NTEZIRYAYO Emmanuel ;Attendu qu’à la question de savoir quand GISAGARA JMV est mort, NTEZIRYAYOEmmanuel répond que c’est en avril, qu’à celle de savoir si des victimes n’étaient pas

8ème feuillet.

mortes auparavant il répond qu’elles ont été tuées par les militaires et des jeunes hommes, queconcernant le message émanant du bourgmestre dont il est question, il dit qu’il n’a jamais existéet qu’il est par ailleurs prêt à se plier à la sanction s’il est établi qu’il a désigné les 10 personnesqu’on l’accuse d’avoir réunies dans une association de malfaiteurs ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que Maître SAYINZOGA J . Pierre fait valoir quele Ministère Public n’a pas rapporté de preuves, alors que le prévenu n’a pas nié la tenue de laréunion incriminée et que les 10 personnes dont il est question qui ont été désignés pour assurerla sécurité ont plutôt contribué à l’insécurité ; que Maître NKURIKIYIMFURA Emmanuel,

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avocat des parties civiles, renchérit en disant que NTEZIRYAYO Emmanuel a demandé auTribunal d’entendre la population du secteur qu’il dirigeait sur sa conduite à l’époque dugénocide alors que ceux qui ont été interrogés, dont NSANGANIRA, en font partie et qu’ils ontaffirmé que c’est NTEZIRYAYO qui a formé un comité de 10 personnes auxquelles il a donnédes instructions et que, dans la soirée, celles-ci ont commencé à ériger des barrières et à tuer,qu’il devrait dès lors indiquer la nature du conflit qui l’oppose à ces personnes qui le mettent encause ; qu’il continue en disant que si des personnes qui étaient pourchassées et queNTEZIRYAYO Emmanuel aurait défendues sont encore en vie, elles devraient être citées àcomparaître aux fins de témoigner sur les circonstances dans lesquelles il les a secourues, qu’ilarrivait cependant que quelqu’un sauve certaines personnes et en tue d’autres plus nombreuses ;qu’il termine en demandant que NTEZIRYAYO poursuive sa défense sur les faits qui lui sontreprochés et que les personnes qu’il a sauvées puissent témoigner par la suite ; que relativementau moyen de défense du prévenu qui dit avoir été réprimandé lors des réunions pour l'inactivitéde son secteur dans les tueries, il demande que le prévenu produise le compte rendu de laréunion au cours de laquelle ces faits ont eu lieu ; que le prévenu rétorque cependant que lebourgmestre ne l'a pas invité à ladite réunion ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les nommés KABERA Adiel, RUKEBESHAAloys, HATEGEKIMANA et MPUNGIREHE qui ont été condamnés à la peine de mort dansl’affaire RMP 49457/S7 ainsi que DUSINGIZIMANA Israël (ex-conseiller) qui est encoreprévenu mais est passé aux aveux ont mis NTEZIRYAYO Emmanuel en cause ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que son confrère, Conseil des parties civiles,invoque comme preuves les déclarations figurant au dossier et faisant état de la réunion de lapopulation qui a eu lieu, que cependant NTEZIRYAYO Emmanuel ne nie pas la tenue de cetteréunion à laquelle a pris part la population de toutes les ethnies, que des gens peuvent se révélerbons lors de leur élection et changer par la suite, mais que NTEZIRYAYO Emmanuel ne sauraitaucunement répondre de ce changement, qu’il termine en demandant au Tribunal de bien vérifiersi les 10 personnes ont été désignées par NTEZIRYAYO E. ou choisies par la population et qu'ildit que l’Officier du Ministère Public s’appesantit sur les réunions comme preuves à charge sanscependant en indiquer la date ni démontrer ce qui y a été débattu, qu’il déclare également nepoint approuver les déclarations des détenus qui ont été définitivement condamnés ;

Attendu qu’interrogé sur les victimes que DUSABEMARIYA Marguerite l’accuse d’avoir tuéestel que cela apparaît à la cote 20 du dossier, NTEZIRYAYO répond que l’intéressée devraitexpliquer au Tribunal les circonstances des faits allégués et qu’il estime quant à lui que cetteaccusation relève de l’habitude que les gens avaient adoptée à la fin de la guerre en 1994 de fairede fausses dénonciations ;Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que ladéclaration de DUSABEMARIYA figurant à la cote 20 n’est point crédible car une seulepersonne ne peut pas en toute logique tuer d’aussi nombreuses victimes qui sont au nombre de15 personnes, qu’il demande au Tribunal d’en faire un examen avec délicatesse et de punir sonclient si les faits sont avérés ;

9ème feuillet.

Attendu qu’invité à répliquer aux déclarations des témoins à sa charge, NTEZIRYAYO dit queces témoins se fondent sur l’unique réunion qu’il a dirigée, qu’il estime que Israël peut le

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disculper s’il le veut, car il sait bien que les massacres ont commencé quand MASONGAFrançois est entré en fonction, qu’à la question de savoir s’il a envoyé à Hassan un message luiinterdisant de relâcher toute personne arrêtée même s’il ne s’agissait que d’un simple passant, ilrépond que c’est une fausse accusation et termine en disant qu’il n’a jamais pratiqué ladiscrimination ethnique et que le compte rendu de la réunion au cours de laquelle les 10personnes ont été choisies est gardé par le responsable de cellule qui est l’actuel conseiller desecteur ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO E, dit que le procès-verbal portant la cote 20 n’a aucune force probante car il n’a pas été établi conformément auxrègles de procédure et que le verbalisant n’est pas clairement identifié ;

Attendu qu’invité à présenter ses moyens de défense sur les preuves rapportées par le MinistèrePublic et spécialement les déclarations des détenus condamnés, il répond que même en prison oùils se trouvent, ces détenus lui en veulent beaucoup, notamment le nommé RUKEBESHA, carcelui-ci a été fortement ébranlé par la peine d’emprisonnement à perpétuité à laquelle il a étécondamné, que ces détenus ne supportent pas qu’il n’ait pas subi le même sort si bien que lorsdes séances dites Gacaca, RUKEBESHA a dit aux autres de lui attribuer faussement desinfractions, qu'il ne leur en tient cependant pas rigueur quant à lui, mais qu’il va prier pour eux ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les déclarations faites par les détenus avantleur condamnation doivent être considérées comme crédibles ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit queNTEZIRYAYO Emmanuel persiste à plaider non coupable alors qu’après l’élection des 10personnes il est resté avec elles et que par la suite des gens sont morts, qu’il n’explique nipourquoi il est resté avec eux ni comment il a fait un suivi des activités de ce comité ;

Attendu qu’invité à répliquer aux arguments du Conseil des parties civiles, NTEZIRYAYOEmmanuel dit que les 10 personnes ont été choisies par toute la population et qu’elles ontentretemps été utiles jusqu’à l’arrivée des militaires qui a provoqué une scission au sein de cecomité si bien que quelques-unes d’entre elles ont pris part aux massacres, qu’il a fait au mieuxpour faire un suivi de ses activités ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il est satisfait par la réponse donnée par le prévenuNTEZIRYAYO Emmanuel, NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit quec’est avant la mise sur pied du comité dont il est question que le prévenu a sauvé des gens maisque les victimes ont été tuées après la désignation dudit comité, que ses moyens de défense n’ontpour but que de semer le doute dans l’esprit du Tribunal ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il est resté avec les personnes qui venaient d’êtrechoisies, NTEZIRYAYO Emmanuel répond que c’était pour les enregistrer, que ce comité n'étaitpas destiné à exécuter les massacres et qu’il n’en faisait pas partie, qu’à celle de savoir s’il acollaboré avec MASONGA François après la mort de GISAGARA JMV il répond parl’affirmative et dit qu’ils avaient une réunion chaque vendredi et que MASONGA l’accusait deplacer les Tutsi à la barrière si bien qu’il lui est arrivé d’amener 6 militaires pour vérifier cetteaccusation, qu’il poursuit en disant que la population peut confirmer ce qu’il dit, que les gens quifréquentaient les cabarets où ils mangeaient de la viande grillée avaient pour objectif deperpétrer des tueries dans le secteur BUSASAMANA où la population s’était abstenue de lescommettre ;

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10ème feuillet.

Attendu qu’interrogé sur la façon dont MASONGA François l’a persécuté, NTEZIRYAYOEmmanuel répond qu’ils étaient en réunion au bureau communal quand il lui a demandépourquoi il place des Tutsi à la barrière et notamment le père de GISAGARA JMV, qu’ils l’ontmis à bord d’un véhicule pour aller vérifier le fait sur les lieux, qu’à la question de savoir s’il achangé de comportement à l’époque où MASONGA François était en fonction après la mort deGISAGARA JMV qui s’opposait aux massacres, il répond qu’il s’est gardé de participer auxméfaits, que la déclaration de NSANGANIRA selon laquelle le bourgmestre lui a envoyé unmessage est fausse, car GISAGARA JMV avait fui et qu’il a gardé ses distances à l’égard deMASONGA François si bien qu’il n’allait au bureau communal que les vendredi dans lesréunions hebdomadaires ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO a lui aussi supervisé lesmassacres car il reconnaît que MASONGA François est venu lui demander des informations ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre souhaite que NSANGANIRA E soit interrogé sur lescirconstances dans lesquelles il a entendu parler du message que le bourgmestre a envoyé àNTEZIRYAYO le menaçant de commencer par tuer les membres de sa famille s’il continuait às’abstenir de prendre part aux massacres ;

Attendu qu’invité à donner des éclaircissements sur ce message qui a été envoyé au conseillerNTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène dit qu’il a participé aux réunions comme ill’a déjà dit dans sa déclaration figurant au procès-verbal portant la cote 1 et que même Israël quiparticipait à cette réunion le charge, qu’à la question de savoir comment ce message a étécommuniqué à NTEZIRYAYO, il répond que c’est son collègue de service à la laiterie, en lapersonne de KAREGE, qui le lui a rapporté au moment où ils étaient au service ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il est satisfait par la réponse donnée par NSANGANIRA,Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il se peut que, contrairement à cette affirmation, cemessage n’ait pas été communiqué à NTEZIRYAYO ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il est sûr que ce message dont il a eu connaissance auservice à la laiterie est effectivement parvenu à NTEZIRYAYO, NSANGANIRA répond parl’affirmative et dit que NTEZIRYAYO s’est d’abord opposé aux tueries mais qu’il a par la suitefait preuve de faiblesse et a participé à une réunion au bureau communal, qu’interrogé sur lanature de cette faiblesse et sur les moyens dont disposait le prévenu, il répond que l’intéressé aune part de responsabilité dans les massacres car, dès qu’ils ont commencé, il n’a organiséaucune réunion en vue de demander pourquoi des gens étaient tués, qu’il doit ainsi en répondredevant le Tribunal ;

Attendu que Maître SENDAMA Cyrdion, Conseil de NSANGANIRA, demande queNTEZIRYAYO soit invité à expliciter son propos selon lequel aucun message ne lui est parvenuparce que le bourgmestre avait fui, que l’intéressé répond que ce message ne lui est pas parvenu,mais que le bourgmestre dont parle NSANGANIRA est GISAGARA qui avait fui car il étaitmenacé, que NSANGANIRA affirme quant à lui qu’il parle du bourgmestre MASONGAFrançois ;

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Attendu qu’à la question posée par Maître NKURIKIYIMFURA Innocent de savoir si lafonction de bourgmestre était assurée par GISAGARA ou MASONGA quand les victimes ontété tuées après la constitution du comité, NTEZIRYAYO répond que c’est à l’époque où cettefonction était exercée par MASONGA François ;

11ème feuillet.

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que lapopulation était divisée et que MASONGA François est allé rendre visite à NTEZIRYAYO,qu’ils se sont alors concertés et que celui-ci lui a obéi, que c’est à ce moment que les victimesinnocentes ont commencé à être tuées ;

Attendu que maître SAYINZOGA J. PIERRE, Conseil de NTEZIRYAYO, dit que durant lapériode où GISAGARA était encore bourgmestre, les gens n’ont pas été tués, que la population achangé de comportement et a participé aux massacres à l’époque où cette fonction était exercéepar MASONGA François qui a été un meurtrier, qu’il se peut que le message envoyé àNTEZIRYAYO ait existé mais qu’il ne lui soit pas parvenu, qu’il termine en disant que seul lebourgmestre doit répondre des tueries qui ont été commises étant donné que le conseiller nepouvait d’ailleurs rien faire pour résister à six militaires ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’il estime que c’est le conseiller qui aordonné les massacres car il est resté avec les membres du comité après sa constitution et que lesvictimes ont été tuées le lendemain ;

Attendu qu’invité à répliquer aux arguments de Maître NKURIKIYIMFURA Innocent,NTEZIRYAYO Emmanuel dit que ce comité a été constitué par la population, que cela peut êtreconfirmé par les militaires qui étaient en service à cette époque et qui sont encore en vie ainsique par la population qu’il dirigeait à l’exception de ceux qui ont commis les tueries quiactuellement le mettent injustement en cause ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît que lesindividus qui ont été élus par la population sont restés pour se faire enregistrer après la réunion,que Maître NKURIKIYIMFURA argumente que ces personnes sont restées pour recevoir desinstructions sans cependant indiquer comment celles-ci ont été données ni la voie par laquelle ilen a eu connaissance ;

Attendu qu’invité à dire quelque chose sur la réunion au cours de laquelle les personnes chargéesdu maintien de la sécurité dans le secteur BUSASAMANA ont été élues, l’Officier du Ministèrepublic répond que NTEZIRYAYO devrait lui aussi dire au Tribunal si cette réunion de sécurité aatteint ses objectifs ;

Attendu que NTEZIRYAYO dit que ce comité a mené ses activités dans la celluleBUNYESHWA de façon qu’il a même pris à un groupe de malfaiteurs une hache qui devaitservir à commettre les tueries, mais qu’il s’est dissout après que des gens ont été tués par balles àla laiterie par les militaires, que par ailleurs, des gens avaient reçu des grenades de sorte qu’il nepouvait pas les affronter, qu’il termine en disant que quelques- uns de ces individus ont commisles massacres mais qu’en ce qui le concerne, il y a lieu d’interroger la population qu’il dirigeaitpour qu’elle témoigne à sa décharge ; qu’à la question de savoir si quelques-uns des membres dece comité chargé de la sécurité n’ont pas pris part aux massacres il répond par l’affirmative et

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cite KAMATALI et AMULI, qu’interrogé sur l’ordre du jour des réunions hebdomadaires qu’ilstenaient au bureau communal à l’époque du génocide, il dit qu’ils examinaient des questionsrelatives à la sécurité ainsi que la situation qui prévalait aux barrières, qu’à la question de savoirsi des victimes ont été tuées aux endroits où des barrières étaient érigées dans son secteur, il ditque cela est arrivé aux barrières que surveillaient NSANGANIRA et sa bande, mais qu’aucunevictime n’a été tuée aux autres barrières où il a pu se rendre et notamment celle érigée chezKITUMVA ;

Attendu que NSANGANIRA dit qu’il ne connaît pas KAMATALI mais qu’il a vu AMULIportant une tenue militaire emmener des victimes, que NTEZIRYAYO relève que le recours à laprocédure d’aveu emporte le fait de dire toute la vérité, que si NSANGANIRA n’a pas dénoncéAMULI auparavant, cela est la preuve qu’il ment, que Maître SAYINZOGA J. Pierre demandeau Tribunal d’examiner attentivement le plaidoyer de culpabilité de NSANGANIRA

12ème feuillet.

étant donné qu’il ajoute de nouveaux éléments si bien qu’il y a lieu de se demander pourquoi iln’a pas fait ces révélations auparavant ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent demande que NTEZIRYAYO Emmanuelsoit interrogé sur le contenu des rapports qu’il faisait lors des réunions hebdomadaires quiavaient lieu chaque vendredi au bureau communal, que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’aucours de ces réunions, il lui était reproché de placer les Tutsi aux barrières et qu’on luidemandait de dire où se trouvait GISAGARA, que le conseiller du secteur GAHONDO peuttémoigner sur les persécutions dont il faisait l’objet ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA demande à NTEZIRYAYO Emmanuel s’il a, lors deces réunions, parlé des victimes qui ont été tuées dans son secteur ; que le prévenu répond queces victimes n’avaient pas encore été tuées et qu’il n’a appris l’identité de quelques-unes d’entreelles que lors des séances Gacaca en prison ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit que la responsabilité d’une personne nese limite pas aux seuls faits dommageables commis par elle, mais qu’elle s’étend également auxdommages causés par ceux qu’elle a la charge de diriger et qu’à cet égard le prévenu n’a faitaucun suivi des activités du comité de sécurité, qu’il termine en demandant queKANYANDEKWE, KANAZI et NYIRANTEGEYINKA soient admis à faire leur témoignage ;

Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il lui est reproché de n’avoir pas fait de rapportssur les crimes qui étaient commis alors qu’il en a fait une fois quand une victime avait été tuéepar balle mais que, l’ayant remis au commandant de place, celui-ci lui a dit qu’il ne voulait pasun quelconque rapport de ce genre au motif que c’était l’état de guerre ;

Attendu qu’invité à donner l’identité des victimes tuées et ayant des liens de parenté avec lui, lapartie civile KANYANDEKWE Eugène dit que ce sont son père KANYANDEKWE Canisius,ses oncles paternels NSABIMANA et NSHUNGUYINKA Jean, son beau-frère MBARAGAEgide, sa sœur MUGIRANEZA Renata, sa cousine KAYISIRE Béata, sa sœur UMUHOZA, sonpetit frère GISAGARA JMV, son petit frère KAYIRANGA J. Claude et sa mèreMUKANDUTIYE Vénantie, qu’à la question de savoir si toutes ces victimes ont été tuées dansle secteur BUSASAMANA il répond que les trois dernières ont été emmenées d’autres endroits

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pour être tuées à NYANZA, qu’à celle de savoir s’il vivait à cette époque à NYANZA il répondqu’il vivait à KIGALI et qu’il n’est arrivé à NYANZA que le 19/04/1994, qu’interrogé sur cequ’il a vu après son arrivée à NYANZA il répond qu’il a vu beaucoup de choses mais qu’ilentend principalement parler du cas du conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’il s’excusequand même pour ne pas s’être constitué partie civile auparavant car il ignorait queNTEZIRYAYO Emmanuel avait été retrouvé, qu’il poursuit en disant que l’exercice desfonctions de bourgmestre de la commune par son frère GISAGARA a été caractérisé par l’unitéde la population mais que tout a changé à partir du 24/04/1994 quand les massacres ontcommencé à MWOGO après une réunion qui a été dirigée à BUTARE par le Président dugouvernement intérimaire et à laquelle son petit frère a assisté, qu’entre temps GISAGARA estintervenu à MWOGO avec les policiers communaux pour mettre fin aux massacres qui étaientcommis par des gens venus de GIKONGORO pour rechercher à NYANZA les personnespourchassées qui y avaient trouvé refuge, qu’il dit avoir, du champ de sorgho où il se cachait, vuNTEZIRYAYO dans le véhicule qui a servi au transport de 7 personnes qui se trouvaient audomicile de la famille KANYANDEKWE et qui ont été conduites au stade et tuées, que lenommé RUKEBESHA Aloys, lors de sa défense devant le Tribunal dans l’affaire à sa charge, aégalement témoigné à charge du prévenu en affirmant que c’est lui qui lui a montré ces victimesqui ont été tuées au stade ; qu’à la question de savoir s’il sait quelque chose sur le cas deNSANGANIRA il répond qu’il ne le connaissait pas et qu’il l’a vu pour la première fois auTribunal ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que toute action doit être introduite dans laforme légale, qu’il estime que son client ne peut pas présenter ses moyens de défense sur cettenouvelle prévention qui n’a point été libellée par le Ministère Public, que la vérité doit triomphercar il se peut que le témoin ne mente pas mais, qu’ils doivent se borner à se défendre sur lescrimes faisant l’objet des présentes poursuites ;

13ème feuillet.

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que letémoignage de KANYANDEKWE est une façon de montrer les autres actes répréhensiblescommis par NTEZIRYAYO, qu’il demande au Tribunal d’en connaître car à son avisNTEZIRYAYO est accusé de peu d’infractions, que Maître SAYINZOGA J. Pierre, conseil duprévenu, dit qu’ils ne s’opposent pas à ce que d’autres plaintes soient déposées, mais qu’il fautrespecter la procédure prévue à cet effet ;

Attendu que la partie civile NYIRANTEGEYINKA Véronique dit que ses proches parents ontété tués à savoir sa belle-sœur Catherine MUJAWAYEZU, sa nièce KAYIREBWA, sa belle-sœur MUKARUZIGA Marguerite, sa belle-fille MUKARUSHEMA et ses quatre enfants ainsique UWAYEZU Alphonsine, qu’à la question de savoir si elle se trouvait dans la région lors desévénements qui ont coûté la vie à ces victimes elle répond qu’elle s’y trouvait au début desmassacres et dit que ce sont les prévenus qui dirigeaient les expéditions meurtrières et queNTEZIRYAYO a donné l’ordre d’ériger des barrières dont l’une se trouvait devant le domicilede sa famille (sur la route) ; qu’elle poursuit en disant que NSANGANIRA a dit au nomméTWAGIRAYEZU, le fils de KADENESI, que la barrière devait être déplacée et surveillée pardes personnes munies de cartes d’identité complètes ; qu’un samedi, un groupe de gens enprovenance de BUSASAMANA a emporté deux vaches, qu’ils sont revenus et ont pillé les biensse trouvant dans les maisons ; qu’interrogée sur la part de responsabilité du conseillerNTEZIRYAYO Emmanuel, elle dit que c’est lui qui envoyait des messagers mais qu’elle n’en a

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pas été témoin à part en avoir entendu parler, car même NSANGANIRA qui a déplacé la barrièrea dit que c’est sur ordre du conseiller qu’il le fait ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle a autre chose à ajouter à sa déclaration,NYIRANTEGEYINKA dit qu’elle n’était pas dans la région tout au long des massacres à partqu’elle s’y trouvait au début;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, déclare vouloirapporter quelques précisions sur les victimes car les renseignements que le Ministère Public adonnés sont incomplèts, qu’il dit que Pauline est l’épouse de NSABUMUKUNZI tandis que lemari de KADENESI est TWAGIRAYEZU, que le Ministère Public a parlé de deux enfantsvictimes alors qu’ils sont quatre, que MUKAMUZIMA est l’épouse de Grégoire et non deGervais, qu’il y a l’épouse de NYARUHIRIRA nommée MUJAWAYEZU Catherine, l’épousede KANYABIHORO qui est également la fille de RUBINDO et s’appelait KAYITESI, que lesnoms des enfants de KADENESI sont MUKASHYAKA Olive, KIBWANA,NKURIKIYIMFURA et SHEMA ;

Attendu que Maître SEMANDA Cyrdion demande si Véronique a vu NSANGANIRA Eugènelors des pillages ; qu’elle répond avoir dit au Tribunal qu’elle l’a vu portant une machette, qu’àla question de savoir si elle l’a vu porter un bagage, elle répond qu’ils étaient nombreux quandelle les a vus, qu’ils transportaient une vache morte et conduisaient d’autres encore en vie,qu’elle termine en disant qu’elle n’a rien à ajouter ;

Attendu qu’invité à témoigner sur les prévenus qui ont comparu, KANAZI dit queNTEZIRYAYO Emmanuel était un ami de la vieille dame MUKANGWIJE à qui il avaitd'ailleurs offert un poste radio à son retour d'Europe ; que le jour de l'assassinat, la victime avaitété rendre visite à KANAZI et que, en rentrant, elle a croisé les prévenus qui l'ont alors tuée,qu’il poursuit en disant que NSANGANIRA l'a tuée à un endroit où était érigée une barrière,qu’invité à faire des observations sur le moyen

14ème feuillet.

de défense de NTEZIRYAYO selon lequel la population peut le disculper, il dit qu’il ne peut pasle disculper et que ceux qui peuvent le faire sont ses coauteurs ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de Emmanuel NTEZIRYAYO, dit qu’il y alieu de demander à KANAZI s’il a été témoin oculaire de ce qu’il rapporte ou s’il l’a appris,qu’il répond que c’est son épouse qui le lui a dit et qu’elle ne peut pas lui mentir ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que la déclaration de NTWALI figurant à lacote 10 ne concorde pas avec celle de KANAZI en ce que NTWALI a dit que MUKANGWIJE aaccouru pour voir son fils qui avait été appréhendé et qu’elle lui apportait du thé ;

Attendu qu’invité à dire laquelle de ces deux déclarations différentes est véridique, KANAZI ditqu’elle a communiqué au Tribunal l’identité de la personne qui lui a appris les faits ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA, avocat des parties civiles, dit que les deuxdéclarations sont complémentaires car l’objectif de tuer MUKANGWIJE a été atteint ;

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Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que ces deux déclarations sont plutôtcontradictoires dès lors que selon l’une, cette vieille dame a été emmenée de la maison pour êtretuée et que selon l’autre, elle apportait du thé à la barrière, qu’il y a lieu de les examinerattentivement ;

Attendu que Maître Innocent NKURIKIYIMFURA, avocat des parties civiles, demande queNSANGANIRA qui a tué cette vieille dame en explique les circonstances ;

Attendu qu’invité à répliquer aux témoignages à sa charge, NTEZIRYAYO Emmanuel dit quetoux ceux qui témoignent à sa charge déclarent rapporter ce qu’ils ont entendu dire, queNDAHAYO est le gendre de ces témoins si bien qu’ils se sont entendus sur le témoignage àfaire, que la sœur de RUKEBESHA nommée Marie se trouvait à la barrière et donnait lesignalement des victimes et qu’il a quant à lui expliqué les circonstances dans lesquelles il a étéappréhendé, qu’interrogé sur la barrière dont il a ordonné le déplacement ainsi que sur deuxvaches qui ont été pillées, il dit qu’il n’en sait rien ;

Attendu que l’audience est suspendue pour continuer le 28/11/2001 par l’audition des témoins detoutes les parties c’est-à-dire à charge ou à décharge ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que chaqueprévenu devrait indiquer les faits sur lesquels il souhaite que les témoins le disculpent, qu’ildemande également au Tribunal de faire une descente sur les lieux des infractions en vue d’unemeilleure manifestation de la vérité, qu’à cette date six témoins en liberté ainsi que quatretémoins détenus présentés par le ministère Public ont comparu ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il revient en principe au Tribunal de déciderles faits sur lesquels il va interroger chaque témoin ou que le témoin à décharge répond selon lesquestions qui lui sont posées, qu’il désapprouve dès lors l’argument de MaîtreNKURIKIYIMFURA Innocent ;

15ème feuillet.

Vu que seul le Tribunal doit diriger les débats en audience en se conformant à la loi en vue d’unemeilleure manifestation de la vérité, qu’à cet égard NTEZIRYAYO Emmanuel est invité àpréciser les éléments sur lesquels il souhaite voir RWANDENZI Donatus le disculper, qu’ilrépond que l’intéressé peut témoigner à sa décharge sur les circonstances dans lesquellesMASONGA et les militaires sont venus à bord d’un véhicule et celles dans lesquelles il asecouru les personnes qui étaient sur le point d’être tuées dans un boisement, que l’une despersonnes sauvées peut le confirmer et que le témoin, peut par ailleurs parler de sa conduite àl’époque du génocide car ils sont voisins ;

Attendu que RWANDENZI Donatus prête serment de dire la vérité ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a des liens de parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel,RWANDENZI Donatus dit qu’il n’en a pas, qu’ils sont voisins, qu’il poursuit en disant quel’intéressé a été élu conseiller de secteur en 1991, qu’interrogé sur les crimes atroces commisdans son secteur il dit qu’il se trouvait à la maison et n'a pas suivi le déroulement de ces crimes,qu’interrogé également sur les circonstances dans lesquelles NTEZIRYAYO Emmanuel, en saqualité d’autorité, a défendu selon ses moyens les personnes qui étaient pourchassées, il répond

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qu’il a protégé MUJAWIMANA et UWAMAHORO Béatrice quant l’une d’entre elles lui a ditque ses beaux-frères étaient sur le point d’être tués, qu’il n’avait cependant pas les moyens de lessecourir sinon qu’il a requis l’intervention d’un gendarme qui avait accepté de l’aider, qu’ils sesont rendus ensemble dans un boisement où ils ont trouvé une vieille dame qui avait été tuée etque NTEZIRYAYO Emmanuel et MUJAWIMANA Collette y étaient, qu’à la question de savoirce que NTEZIRYAYO faisait dans ce boisement il répond que seul l’intéressé peut y répondre,qu’interrogé sur le rôle qu’a joué NTEZIRYAYO dans la protection de cette enfant il dit qu’il aempêché les tueurs de la tuer et l’a gardée près de lui jusqu’à ce qu’elle soit sauvée, qu’interrogésur les moyens qu’avait NTEZIRYAYO Emmanuel pour protéger les victimes, il dit qu’il n’enavait pas et que ce sont les militaires qui disposaient des moyens, qu’il poursuit en disant queNTEZIRYAYO se comportait bien en interdisant aux gens de s’entre-tuer et qu’il ne sait pas sil’intéressé a par la suite changé de comportement;

Attendu que RWANDENZI Donatus est interrogé sur l’endroit d’où son beau-frère qui allait êtretué a été emmené, qu’il répond que l’intéressé a été emmené de GATUMBA où la mère deMUNYESHYAKA avait été tuée, qu’invité à parler du véhicule qui a transporté les membres dela famille KANYANDEKWE et des circonstances de mise sur pied du comité chargé de lasécurité, il dit ne pas avoir vu ce véhicule car il n’était pas présent, qu’il n’était pas présent nonplus lors de la désignation des membres du comité de sécurité, qu’il dit cependant qu’il a apprisque ce sont dix personnes qui ont été désignées pour assurer la sécurité en faisant le tour etpourchasser les INYENZI ; qu’à la question de savoir si de son point de vue ces gens assuraientréellement la sécurité, il répond ne pas avoir eu le temps de le vérifier car les INKOTANYI sonttrès vite arrivés et que la population a fui ; qu’à celle de savoir pourquoi à son avis les massacresont tardé à commencer dans son secteur, il répond que c’est parce que NTEZIRYAYOEmmanuel empêchait les gens de s’entre-tuer, que même s’il y a eu des victimes, il a fait de sonmieux pour empêcher les gens de s’impliquer dans les tueries ;

Attendu qu’invité à faire ses observations sur les témoignages faits au cours de l’audience du27/11/2001 selon lesquels le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté aumoment où GISAGARA était encore bourgmestre et s’opposait aux massacres au point d'avoirété tué pour cette raison, mais que l’intéressé a changé de conduite quand MASONGA Françoisqui encourageait les tueries est entré en fonction,

16ème feuillet.

il répond qu’il ne l'a pas, quant à lui, vu changer de comportement à moins qu’il ait commis destueries ailleurs, mais qu’il n’entretenait pas de conversation avec lui, qu’à la question de savoirs’il connaît NSANGANIRA Eugène il répond qu’ils ne sont pas voisins et qu’il ne peut pas lecharger car il ne l’a pas vu, qu’il dit également qu’il ne connaissait pas la vieille dame nomméeMUKANGWIJE Suzanne ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, demande queRWANDENZI dévoile le nom du gendarme qui était son ami, que l’intéressé répond qu’ils’appelait MBARAGA, que l’avocat renchérit en disant que ce MBARAGA était un tueur etcollaborait avec le conseiller et qu’il en veut pour preuve la déclaration selon laquelleNTEZIRYAYO Emmanuel et MBARAGA se trouvaient dans un boisement où il y avait desvictimes tuées et d’autres en vie, que cela démontre le pouvoir qu’avait NTEZIRYAYOEmmanuel de tuer ou sauver qui il voulait, qu’il poursuit en disant que RWANDENZI est un amide NTEZIRYAYO Emmanuel car il semble le protéger dès lors qu’il dit d’une part qu’il ne sait

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pas s’il a commis des crimes et d’autre part qu’il empêchait aux gens de s’entre-tuer ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que le nommé RUKEBESHA Aloys a, dansl’affaire RMP 49457/S7 dont le jugement a été rendu le 27/11/2000, affirmé que NTEZIRYAYOEmmanuel se trouvait à bord du véhicule qui transportait les militaires ; que MaîtreSAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, relève que l’Officier duMinistère Public invoque des éléments de preuve qu’il n a pas versés au dossier pour qu’ilspuissent y répliquer, que l’Officier du Ministère Public rétorque que le jugement existe et qu’ilpeut être remis à quiconque le souhaite pour consultation ;

Attendu qu’invité à parler du cadavre qu’il a trouvé dans un boisement, NTEZIRYAYOEmmanuel dit qu’il y est arrivé après avoir été alerté et y a vu des gens qu’il n’approchait jamaiset qui ont tué cette vieille dame, que Maître NKURIKIYIMFURA l’accuse injustement car ilessayait au contraire de donner des pièces aux personnes pourchassées pour les aider à passeraux endroits où les barrières avaient été érigées ;

Attendu que RWANDENZI dit que ce n’est pas en compagnie de MBARAGA qu’il est allé dansle boisement mais bien un autre gendarme, qu’il a appris cependant que ce dernier est mort ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, ICYIMPAYE dit qu’il n’a aucun lien de parenté avecNTEZIRYAYO et que, au cours du génocide, il l’a vu une fois être conduit par des militairesdans leur camp, qu’interrogé sur le comportement de l’intéressé quand deux personnes n’ayantpas la même position sur les massacres ont successivement exercé les fonctions de bourgmestre,il répond que GISAGARA s’est opposé aux massacres, qu’il a été tué pour cette raison maisqu’il avait d’abord fui, qu’il ignore cependant quel a été le climat de collaboration entreNTEZIRYAYO et MASONGA, qu’il accuse le nommé DUSINGIZIMANA d’être arrivé dans lesecteur BUSASAMANA à bord d’une motocyclette en possession de deux fusils et d’avoir ditque rien n’y avait été fait alors qu’ailleurs les tueries étaient terminées, que les Interahamwe sontvenus le lendemain pour tuer, qu’à cette époque la fonction de bourgmestre était assurée parMASONGA François, qu’il poursuit en déclarant ignorer comment MASONGA Françoiscollaborait avec les conseillers NTEZIRYAYO Emmanuel et Israël DUSINGIZIMANA, qu’iln’a cependant jamais vu MASONGA François chez NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’interrogé surl’endroit d’où les militaires ont emmené NTEZIRYAYO Emmanuel et l’ont conduit au campmilitaire en vue de lui faire signer pour que les Tutsi soient tués, il répond qu’ils l’ont emmenéde chez lui par force et qu’il leur a dit qu’il n’y avait pas de Tutsi dans son secteur, qu’il estdirectement tombé malade à son retour du camp militaire de sorte qu'il ne l’a plus revu,

17ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir si des victimes n’ont pas été tuées là où il habite,ICYIMPAYE Z. répond qu’elles ont été tuées par des Interahamwe envoyés par le conseiller dusecteur MUSHIRARUNGU et qu’on affirmait que NTEZIRYAYO Emmanuel devait lui aussiêtre tué parce qu’il était un complice ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit queICYIMPAYE introduit dans son témoignage des éléments que le prévenu n’a pas fait valoir etqu’à cet égard il veut le protéger, que sa déclaration ne doit pas être considérée comme crédible,que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève qu’il ne revient pas à son confrère d’accorder unevaleur probante aux déclarations faites, mais que cela est de la compétence du Tribunal, que

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concernant les moyens de défense que NTEZIRYAYO n’a pas invoqués, il dit que l’audience sepoursuit et qu’il a donc encore le temps de s’en prévaloir ;

Attendu qu’invité à faire ses observations sur le témoignage et les arguments des deux avocats,NTEZIRYAYO Emmanuel dit que ICYIMPAYE dit la vérité, que relativement aux élémentsdont il n’a pas parlé, il dit que cela est dû au fait qu’il vient de passer un temps long en prison sibien qu’il oublie au fur et à mesure certaines preuves dont il devrait se prévaloir à sa décharge ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public souhaite que le Tribunal demande au prévenu s’ilparticipait aux réunions qui avaient lieu au bureau communal, que l’intéressé répond que c’estpar force qu’il prenait part aux réunions administratives mais qu’il se gardait de mettre enexécution les recommandations qui y étaient formulées et disait qu’il n’y avait pas de Tutsi dansson secteur ;

Attendu qu’à la question de savoir si les Tutsi n’ont plus été tués à son retour du camp militaire,il répond que quelques-uns ont été tués par les militaires et d’autres par les malfaiteurs qui sepromenaient pendant la nuit, qu’à celle de savoir s’il n’a pas eu de problème avec les militairesquand les gens ont commencé à être tués alors qu’il leur avait dit qu’il n’y avait pas de Tutsidans son secteur, il répond qu’il n’a plus paru en public pour cause de maladie ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a rien fait pour sauver MUKANGWIJE Suzannealors que les éléments recueillis au cours de l’instruction préparatoire et le témoignage deKANAZI Athanase montrent qu’ils entretenaient des relations amicales, NTEZIRYAYOEmmanuel répond que l’endroit où habitait cette vieille dame n’était pas très proche de chez luiet qu’il était par ailleurs malade, que concernant le témoignage de KANAZI, il dit qu’il n’est pasvéridique ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKASHARANGABO Bernadette dit qu’elle n’a pas delien de parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’à la question de savoir ce qu’elle a à dire surles préventions mises par le Ministère Public à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel d’avoirincité la population aux tueries et pillages et d’avoir désigné dix personnes dans le secteurchargés de pourchasser les gens menacés, elle répond que les dix personnes ont été désignées parla population en vue du maintien de la sécurité, mais qu’elle ignore comment ils sont finalementdevenus des tueurs, qu’elle était elle aussi présente lors de leur élection, qu’elle poursuit endisant que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté et qu’elle n’a entendu parler d’aucunevictime qu’il aurait tuée, mais qu’ils ne se promenaient pas ensemble, qu’à la question de savoirs’il y a des tueurs que NTEZIRYAYO Emmanuel envoyait commettre ces crimes, elle répond nepas en avoir entendu parler, qu’en réponse à la question de savoir si elle connaissaitMUKANGWIJE Suzanne,

18ème feuillet.

elle dit qu’elle la connaissait, mais qu’elle n’a appris sa mort que le lendemain de son assassinatet qu’elle n’a eu aucun renseignement sur les circonstances de ce crime tout comme celles del’assassinat d’autres victimes qui ont été tuées sur sa colline ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle faisait partie des Rwandais pourchassés,MUKASHARANGABO Bernadette répond par l’affirmative et dit qu’elle figurait au nombredes gens qui devaient mourir, qu’elle n’a été sauvée que par les INKOTANYI à leur arrivée à

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NYANZA, qu’à la question de savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel est arrivé là où elle setrouvait au cours de cette période elle répond par la négative ;

Attendu qu’interrogée sur le comportement de NTEZIRYAYO Emmanuel au moment oùMASONGA François était bourgmestre de leur commune, MUKASHARANGABO Bernadettedit qu’elle ignore quand NTEZIRYAYO Emmanuel et MASONGA François se sont vus, qu’à laquestion de savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel n’a pas changé de comportement à l’époque oùMASONGA François exerçait les fonctions de bourgmestre, elle répond qu’elle n’a remarquéaucun changement dans le chef du prévenu à son égard ; qu’à celle de savoir pourquoi le prévenuest resté avec les dix personnes qui venaient d’être désignées pour le maintien de la sécurité ellerépond que la réunion de la population a été immédiatement suivie par celle des membres descomités de cellule au cours de laquelle des instructions relatives à la sécurité ont été données,qu’en réponse à la question de savoir s’il est arrivé à NTEZIRYAYO Emmanuel d’être agressépour ne pas avoir exécuté les ordres des autres tueurs, elle dit que l’intéressé était convoqué aucamp militaire, mais qu’elle ignore quel était le motif de ces convocations, qu’elle l’a cependantvu une fois s’y rendre car elle habitait à proximité du camp militaire, qu’elle termine en disantque NTEZIRYAYO Emmanuel doit expliquer comment les victimes ont été tuées dans le secteurdont il avait la charge ;

Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il est difficile d’expliquer comment les victimesont été tuées, mais qu’il a fait de son mieux pour contrecarrer les tueurs comme le confirmeMUKASHARANGABO Bernadette, mais que les victimes sont quand même mortes, queBernadette le sait, car elle était membre du comité de cellule ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, demandeque MUKASHARANGABO soit interrogée sur le comportement du prévenu face au problèmeethnique, qu’elle répond que l’intéressé considérait les gens sur un pied d’égalité sansdiscrimination ethnique, qu’à la question de savoir si le conseiller de secteur a donné auxmembres des comités de cellules des consignes pour commettre les massacres lors de leurréunion, elle répond par la négative et dit qu’il leur a au contraire demandé de veiller à lasécurité pour éviter que des malfaiteurs sans pièces administratives n’entrent dans leurs cellules,qu’interrogée sur celui qui, de GISAGARA et MASONGA François, était bourgmestre àl’époque de cette réunion des membres des comités de cellule elle répond qu’il se peut que cesoit MASONGA François, mais qu’elle ne s’en souvient pas bien, que NTEZIRYAYOEmmanuel intervient et dit que c’est MASONGA François ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA, Conseil des parties civiles, souhaite qu’il soitdemandé à MUKASHARANGABO Bernadette si, quand elle a vu NTEZIRYAYO Emmanuel serendre au camp militaire, celui-ci était accompagné par des militaires, et si, quand il l’a informéde son renvoi, il lui en a appris le motif, qu’elle répond qu’aucun militaire ne conduisaitNTEZIRYAYO quand ils se sont rendus au camp militaire et que concernant son renvoi, il lui adit qu’il attendait l’acte émanant de l’autorité communale ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit qu’il estclairement établi que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est volontairement rendu au camp militaire,qu’il allait donc faire son rapport et que le fait que

19ème feuillet.

Bernadette a été exclue des dirigeants des cellules constitue lui aussi la preuve qu’elle était

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réellement pourchassée ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, avocat de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit qu’ilignore d’où Maître NKURIKIYIMFURA Innocent tire les arguments qu’il fait valoir car ils nefigurent pas au dossier comme par exemple celui consistant à dire que NTEZIRYAYOEmmanuel a apporté un rapport au camp militaire alors que le concerné dit qu’il y a été conduitpar les militaires, qu’il est faux de dire que MUKASHARANGABO a été exclue des membresdes comités de cellule car il l’a laissée assister à la réunion alors qu’il avait le pouvoir de l’enécarter, mais qu’il ne l’a pas fait car aucun conflit ne les opposait ;

Attendu que ICYIMPAYE est invité à dire si sa déclaration est plus véridique que celle deBernadette qui dit que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est rendu lui-même au camp militaire alorsqu’il affirme quant à lui qu’il était conduit par les militaires ; qu’il répond avoir vu lui-même cequ’il a dit car l’intéressé était conduit par deux militaires et qu’ils se trouvaient encore sur laroute et n’avaient pas encore atteint le camp militaire quand ils l’ont interrogé, que les victimesont été tuées par les gens qui sont actuellement en fuite et d’autres qui sont décédés, queMUKASHARANGABO termine quant à elle en disant qu’elle n’a rien à ajouter ;

Attendu qu’invité à donner l’identité de la personne qui l’a chargé de dire àMUKASHARANGABO qu’elle ne faisait plus partie des membres des comités de cellules,NTEZIRYAYO Emmanuel dit que c’était une façon de la protéger car on l’accusait de placerdes Tutsi aux barrières ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAMURINA Julienne dit qu’elle n’a pas de lien deparenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel ; qu’interrogée sur l’endroit où elle vivait à l’époque dugénocide et sur le comportement de NTEZIRYAYO Emmanuel qui était conseiller de secteur,elle répond qu’elle vivait à BUSASAMANA et qu’elle ignore la conduite du prévenu car dit-elle, après l’assassinat de son fils Emmanuel, elle a commencé à se cacher dans des boisementsavec d’autres membres de sa famille, qu’à la question de savoir de quoi elle disculpeNTEZIRYAYO qui l’a présentée comme témoin à décharge elle dit qu’à un moment, on a ditque la paix avait été rétablie et que ceux qui se cachaient sont sortis de leur cachette, qu’il y a eupar la suite une attaque au cours de laquelle elle a reçu un coup de hache, que ceux qui étaientavec elle sont morts sur le coup, mais qu’elle n’est pas morte quant à elle, que le nomméMUREGO est arrivé sur les lieux et que, constatant qu’elle respirait encore, il l’a conduite chezle conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel qui lui a donné une lettre de recommandation qu’elle aremise à BISOMA chez qui elle est restée jusqu’à l’arrivée des INKOTANYI à NYANZA ;qu’interrogé sur la conduite de NTEZIRYAYO Emmanuel avant la guerre elle répond que lasituation était bonne ;

Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit que MUKAMURINA Julienne a crié au secours etqu’il a accouru en compagnie des dix personnes chargées de la sécurité et élues par la populationsi bien qu’ils ont attrapé ceux qui lui ont donné les coups d’une petite hache, qu’ils en ont établiun procès-verbal, qu’il poursuit en disant que l’attaque avait été menée chez KAMASHARA etchez MUKAMURIGO la fille de NZAYISOMA ;

Attendu que l’avocat des parties civiles, Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, dit queNTEZIRYAYO Emmanuel sauvait qui il voulait et faisait tuer qui il voulait, que c’est ainsi qu’ildonnait des pièces à qui il voulait et que ceux à qui il les refusait étaient tués ;

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Attendu que Maître Jean Pierre SAYINZOGA, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit quesi Maître NKURIKIYIMFURA Innocent a besoin de plus amples explications, il peut s’adresserau Tribunal pour qu’il pose des questions y relatives, que le prévenu NTEZIRYAYO Emmanuela suffisamment et clairement dit que même ceux à qui il donnait ces pièces les présentaient encachette ;

20ème feuillet.

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAMAZINA dit qu’elle n’a pas de lien de parentéavec NTEZIRYAYO Emmanuel, mais qu’ils sont voisins, qu’interrogée sur ce dont elle ledisculpe puisqu’il l’a présentée comme témoin à décharge, elle dit qu’elle n’en sait rien, qu’à laquestion de savoir où elle se trouvait à l’époque du génocide elle répond qu’elle était à la maisonattendant de mourir, qu’interrogée sur l’origine de la chance qu’elle a eu elle répond qu’elle nedoit son salut qu’à Dieu, mais que le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel leur donnait despièces tenant lieu de cartes d’identité et attestant que celles mentionnant leur ethnie ont étéperdues, qu’elle poursuit en disant que NTEZIRYAYO ne refusait ces pièces à personne ;

Attendu qu’invitée à faire des observations sur les témoignages selon lesquels NTEZIRYAYOEmmanuel a bien agi au moment où GISAGARA assumait les fonctions de bourgmestre maisqu’il a changé quand ce poste a été occupé par MASONGA après l’assassinat du premier,MUKAMAZINA répond qu’ils l’ont vu être emmené de force pour signer en vue de l’exécutiondes massacres, qu’il est immédiatement tombé malade à son retour et qu’il n’a commis aucunméfait, mais qu’un militaire nommé MUSAFIRI s’est révélé méchant, qu’à la question de savoirsi NTEZIRYAYO Emmanuel n’a pas changé après avoir signé, elle répond par la négative et ditque les gens lui ont demandé des pièces, qu’il les leur a données et que le cachet de la communey était apposé et ce, dans le but de les protéger ;

Attendu qu’invité à dire ce qu’il pense du témoignage de MUKAMAZINA, NTEZIRYAYOEmmanuel dit que ce qu’elle affirme est vrai ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKARUGOMWA J. d’Arc dit qu’elle n’a pas de lien deparenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’elle vivait dans le secteur BUSASAMANA àl’époque du génocide et qu’elle faisait partie des personnes recherchées, qu’interrogée sur lescirconstances dans lesquelles elle a échappé aux massacres elle répond qu’ils se sont d’abordcachés, mais qu’il a été dit que ceux qui se cachent ont quelque chose à se reprocher, qu’ils ontquitté leurs cachettes et ont regagné leurs domiciles où ils sont restés, qu’interrogée sur lespréventions mises à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel par le Ministère Public dont celled’incitation au génocide, elle répond qu’elle ne l’a pas vu commettre ces infractions, qu’il n’estpas arrivé chez elle et qu’elle ne l’a pas vu emmener des gens, qu’à la question de savoir si ellen’a pas entendu après la guerre parler des faits répréhensibles qu’il aurait commis, elle répondqu’il exerçait les fonctions de conseiller de secteur, mais qu’elle n’a pas personnellemententendu parler d’une personne à qui il aurait fait du mal ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît des personnes qui étaient pourchassées et quele conseiller aurait protégées, elle répond qu’au début des massacres, elle lui a personnellementenvoyé son enfant à qui il a donné des pièces tenant lieu de cartes d'identité pour elle et leditenfant, qu’à la question de savoir si le conseiller ne fait pas partie de ceux qui les ont empêchésde se cacher, elle répond que c’est le nommé SEMBU qui le leur a interdit en disant qu’ils les

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trouveraient chez eux quand ils le voudraient ;

Attendu qu’invité à dire s’il a un démenti à apporter au témoignage de MUKARUGOMWA J.d’Arc, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il n’a rien à y ajouter, que MaîtreNKURIKIYIMFURA demande que NTEZIRYAYO Emmanuel dise si c’est lui qui a envoyéSEMBU aux personnes qui se cachaient, que le prévenu répond par la négative et dit quel’intéressé faisait partie des tueurs qu’il combattait ;

Vu que l’audience est suspendue pour reprendre à 15 heures par le prononcé de la décision duTribunal sur la recevabilité de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité deNSANGANIRA Eugène ;

21ème feuillet.

Vu qu’après examen du prescrit de l’article 6 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, leTribunal constate que la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de NSANGANIRAEugène est recevable en vertu de l’article 10 de cette même loi (sic);Vu qu’il y a des témoins qui ont été présentés par le Ministère Public qui ne peuvent pas êtreadmis à faire des dépositions car ils ont été définitivement condamnés à la dégradation civiqueprévue à l’article 66 du livre I du Code pénal à savoir les nommés KABERA, RUKEBESHA etHATEGEKIMANA, qu’il y a cependant lieu de faire recours aux procès-verbaux de leuraudition établis dans l’affaire à leur charge dont le jugement a été déjà rendu ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public, SHUMBUSHO Daniel dit qu’il y a également lieud’entendre les membres du comité de sécurité du secteur BUSASAMANA dont font partieMUKASHARANGABO Bernadette, KABANDA et KIMONYO Aaron ainsi que d’autrestémoins qui sont en liberté à savoir Antoine SIBOMANA, NAHAYO Hassan etSINDIKUBWABO ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que le Ministère Public a indiqué dans le dossierjudiciaire les témoins qu’il voulait faire citer devant le Tribunal et qui ont été entendus au coursde l’instruction préparatoire, que ceux qu’il présente actuellement auraient dû être entendus euxaussi de façon que les procès-verbaux de leurs déclarations soient versés au dossier, qu’il estimedès lors que le Ministère Public a eu un retard dans cette tâche du moment que l’affaire est déjàpassée en audience ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que la loi autorise le Tribunal à rechercher despreuves pour pallier à la carence du Ministère Public, qu’il peut à ce titre entendre ces témoinssurtout quand le Ministère public les lui indique ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J . Pierre dit que les témoignages déjà recueillis suffisent,mais que le Tribunal peut entendre d’autres témoins s’il le juge nécessaire, que MaîtreSEMANDA Cyrdion, Conseil de NSANGANIRA Eugène, dit qu’il y a des témoins que leMinistère Public a entendus, mais qu’il veut faire citer devant le Tribunal, qu’il estime que c’estune façon de faire traîner le procès, qu’il y a lieu pour le Ministère Public d’entendre ces témoinss’il le faut, et de verser au dossier les procès-verbaux subséquents ;Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que le Tribunal devrait faire une descente sur leslieux des infractions s'il le souhaite, que le Tribunal pourrait à cette occasion recueillir d’autrestémoignages qu’il estime nécessaires ;

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Attendu que le Tribunal estime nécessaire d’interroger le témoin DUSINGIZIMANA Israël, l’undes témoins présentés par le Ministère Public mais qui est prévenu dans une autre affaire nonencore jugée et qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité et était àl’époque des faits le conseiller du secteur MUSHIRARUNGU ; qu’après avoir prêté serment et àla question de savoir combien de fois GISAGARA qui était bourgmestre de la communeNYABISINDU a tenu des réunions avec eux, il répond que de nombreuses réunions ont eu lieumais que, au début des massacres, il a fui si bien qu’il n’a tenu aucune autre réunion,qu’interrogé sur l’identité de la personne qui les a conviés à des réunions après la fuite deGISAGARA, il répond que ce sont le capitaine BILIKUNZIRA, le conseiller remplaçant lebourgmestre en la personne de MASONGA François et le Sous-Préfet KAYITANA G. qui onttenu environ trois réunions, que le but desdites réunions était l’extermination des Tutsi et qu’ilsécoutaient les ordres donnés et les mettaient à exécution dès leur arrivée dans les secteurs sousleur autorité si bien que celui qui s’abstenait de le faire ne retournait pas à la réunion, mais étaitplutôt pourchassé et tué à l’exemple de

22ème feuillet.

MPIRWA Azarias qui était le conseiller du secteur GAHONDO et MUTAGANDA qui était leconseiller du secteur NYANZA qui ont été tués pour cette raison ;

Attendu qu’à la question de savoir comment NTEZIRYAYO Emmanuel se comportait lors deces réunions, DISINGIZIMANA Israël dit qu’ils étaient ensemble mais qu’ils ne prenaient pas laparole à part qu’un jour le capitaine BILIKIUNZIRA a donné l’ordre de rechercher GISAGARAque l’on soupçonnait de se cacher dans le secteur BUSASAMANA et que NTEZIRYAYOEmmanuel n’a rien dit sinon que l’intéressé serait retrouvé s’il se cachait réellement dans cesecteur ; qu’interrogé sur le temps pendant lequel il a exercé les fonctions de conseiller desecteur, il répond qu’il les a assumées depuis le 20/01/1990 en même temps que NTEZIRYAYOEmmanuel ; qu’à la question de savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel se caractérisait auparavantpar un esprit divisionniste, il répond par la négative et dit que cet esprit leur a été inculqué parles autorités qui leur ont fait comprendre que leur ennemi était le Tutsi ; qu’à celle de savoir siNTEZIRYAYO Emmanuel a lui aussi participé aux massacres il répond que chaque conseiller,après avoir reçu les ordres, essayait de faire quelque chose à son arrivée dans son secteur, quedans le cas où des victimes ne seraient pas mortes dans le secteur de BUSASAMANA, celasignifierait que NTEZIRYAYO Emmanuel n’a pas commis des tueries ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir si des listes des Tutsi pourchassés ou de ceux quiavaient été tués n’ont pas été établies, DUSINGIZIMANA Israël répond qu’ils n’en faisaient pasusage car chacun connaissait les Tutsi habitant dans son secteur surtout que la mention ethniquefiguraient sur les cartes d’identité ; qu’interrogé sur la façon dont ils obtenaient lesrenseignements sur l’identité des Tutsi qui étaient morts et ceux qui étaient encore en vie, ilrépond que ceux qui étaient morts étaient directement identifiés à part qu’ils ont été tués àdifférents endroits, qu’il dit que le comité de dix personnes chargées de la sécurité n’a pas existédans le secteur MUSHIRARUNGU et qu’il ne sait rien de ce comité dans le secteurBUSASAMANA ; qu’à la question de savoir s’il a entendu dire que NTEZIRYAYO Emmanuela été persécuté pour avoir placé des Tutsi aux barrières, il répond par la négative ; qu’à celle desavoir si NTEZIRYAYO Emmanuel était opposé à la manière dont le bourgmestre MASONGAFrançois exerçait ses fonctions, il répond qu’ils ont collaboré avec l’intéressé jusqu’à leur fuiteet que ceux qui étaient opposés à MASONGA ont été tués comme dit plus haut ;

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Attendu qu’à la question de savoir dans quelle partie il peut ranger les conseillers qui ont eu lecourage de sauver des gens malgré l’adhésion au plan des massacres comme il le dit, àl’exception de ceux qui ont été tués et notamment ceux des secteurs NYANZA et GAHONDO, ilrépond qu’il a commis des tueries et a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité, qu’il a sauvé certaines victimes mais en a tué d’autres ; qu’à la question de savoirdans quelle partie il classe un conseiller de secteur qui présente les victimes qu’il a sauvées etcontre lequel il n’existe pas la preuve qu’il a comploté contre une victime et n’a tué personnetout en ayant pris part aux réunions au cours desquelles des ordres de commettre le génocide ontété donnés, il répond que la participation aux réunions ne constitue pas une infraction, mais quedes gens ont commis les massacres dans le secteur BUSASAMANA dont certains sont en aveu àl’exemple de HATEGEKIMANA qui a mis en cause le conseiller NTEZIRYAYO affirmant quel’intéressé a dirigé l’attaque au cours de laquelle Madeleine et Languide ont été tuées ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il reviendra au Tribunal d’apprécier la validitédu témoignage de DUSINGIZIMANA Israël mais qu’ils estiment quant à eux qu’il n’est pascrédible dès lors que ICYIMPAYE a dit que c’est DUSINGIZIMANA Israël qui a déclenché lesmassacres dans le secteur BUSASAMANA quand il est arrivé là à bord d’une motocyclette etportant deux fusils ; qu’il ne peut pas dire la vérité surtout qu’il ne fait que rapporter ce qui lui aété dit par des détenus condamnés à l’emprisonnement à perpétuité, qu’il ne sait rien d’autre quece qu’ils lui ont dit, qu’il devrait plutôt se préoccuper des faits à sa charge même s’il n’a pasencore comparu pour présenter ses moyens de défense, qu’il n’était pas en mesure de savoir cequi s’est passé dans le secteur BUSASAMANA à part que c’est lui qui y a entraîné lesmassacres ;

23ème feuillet.

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les arguments de Maître SAYINZOGA J.Pierre semblent être une intimidation du témoin DUSINGIZIMANA pour le contraindre à serétracter dans son témoignage, qu’il aimerait néanmoins que le Tribunal demande au témoin dedire ce qu’il a fait lorsqu’il s’est rendu dans le secteur BUSASAMANA à bord d’unemotocyclette, ou si NTEZIRYAYO Emmanuel et lui se sont vus ;

Attendu que DUSINGIZIMANA dit que Maître J. Pierre SAYINZOGA devrait conseiller àNTEZIRYAYO Emmanuel de plaider coupable des infractions qu’il a commises ; qu’il est arrivéà BUSASAMANA à deux reprises, qu’il est cependant faux de dire qu’il portait deux fusils car iln’en avait pas encore reçu à cette époque, qu’il était effectivement à bord d’une motocyclette etétait allé voir le policier communal que le capitaine BIRIKUNZIRA l’avait envoyé chercherpour qu’il remette le fusil qu’il avait, qu’à la question de savoir si NTEZIRYAYO Emmanuelétait complimenté ou réprimandé au cours des réunions, il répond qu’on lui disait qu’il n’auraitpas de problème dans son secteur de BUSASAMANA car il pourrait bénéficier de l’interventiondes militaires dont le camp se trouvait là, que les conseillers demandaient plus de moyens engénéral ;

Attendu qu’à la question de savoir comment il a décidé de mettre sur pied un comité de dixpersonnes dans son secteur alors que cela ne se faisait pas ailleurs, NTEZIRYAYO Emmanuelrépond que cela a été fait à la demande de la population ;Attendu qu’interrogé sur l’objet des réunions qui avaient lieu tous les mercredis,DUSINGIZIMANA Israël dit que ces réunions qui se tenaient les mercredis ont eu lieu àl’époque où GISAGARA exerçait les fonctions de bourgmestre, qu’il a parlé plus haut de celles

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qui ont eu lieu au cours de la guerre, que NTEZIRYAYO intervient et dit que Israël ment card’autres conseillers qui sont en détention avec eux savent ce que l’intéressé disait auparavant ;

Attendu qu’invité à dire ce qu’il ajoute à sa déclaration, Israël DUSINGIZIMANA dit que cequ’il dit est vrai et qu’il conseille aux autres de plaider coupable sans crainte ;

Attendu que l’audience se poursuit sur les lieux des faits dans le secteur BUSASAMANA chezle conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel et que le Tribunal interroge par surprise la population ;

Que le Tribunal arrive dans le secteur BUSASAMANA dans la ville de NYANZA en provincede BUTARE et ce, en présence des prévenus et de leurs Conseils, celle des parties civiles et deleur avocat, ainsi qu’une population nombreuse de la colline où habite NTEZIRYAYOEmmanuel et où se trouve le boisement dans lequel a été tuée la vieille dame qui était l’épousede MUNYESHYAKA et où RWANDENZI a dit avoir trouvé NTEZIRYAYO Emmanuel encompagnie d’une jeune fille nommée Goretti MUJAWIMANA qu’ils devaient secourir ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il est arrivé dans ce boisement,NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il a été alerté par un militaire qui lui a dit que dans ceboisement se trouvaient des personnes qui allaient être tuées et qu’il devrait intervenir, qu’il s’yest rendu et y a trouvé des tueurs ayant en leurs mains MUJAWIMANA, qu’ils ontimmédiatement donné à une vieille dame un coup à la tête et qu’elle est tombée, que le militairea alors effectué les manœuvres de maniement de son fusil et qu’ils se sont sauvés en courant ;

Attendu que la question de savoir s’il y a quelqu’un qui a un témoignage à faire à charge deNTEZIRYAYO Emmanuel, l’ex- conseiller de secteur, est posée à la population présente ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, la nommée NYINAWINGERI dit que NTEZIRYAYOEmmanuel est leur protecteur car c’est à lui qu’ils doivent d’être encore en vie,

24ème feuillet.

qu’il a bien agi à leur égard en leur donnant des pièces tenant lieu de cartes d’identité qui leuront permis d'échapper au génocide, qu’elle produit sur le champ la pièce qu’il lui a donnée etdont lecture est faite en public, qu’à la question de savoir ce qu’elle dit sur les déclarations selonlesquelles NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté au moment où les fonctions debourgmestre étaient encore exercées par GISAGARA, mais qu’il a changé quand MASONGAFrançois est entré en fonction, elle répond que le prévenu n’a jamais mal agi à part que des gensl’ont contourné et ont déclenché les massacres dans le secteur BUSASAMANA, qu’elle n’acependant pas pu connaître leur identité ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUJAWIMANA Collette dit qu’elle n’a pas de lien deparenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel à part que c’est un voisin ; qu’interrogée sur letémoignage fait au Tribunal sur elle et selon lequel des malfaiteurs étaient sur le point de la tuerdans ce boisement, elle répond que de nombreuses personnes sont arrivées là dontNSABIMANA, Fidèle et NTEZIRYAYO, mais que celui-ci n’avait pas d’arme, qu’à la questionde savoir comment elle a finalement échappé aux massacres, elle répond qu’un militaire du nomde RWAKIBIBI Emmanuel et le sieur RUTEBUKA ont eu connaissance du plan de les tuer etles en ont avisé, qu’ils leur ont dit de sortir de leur cachette et que rien ne leur arriverait, qu’ilsont alors allés à la maison et qu’un jour, elle a été emmenée au cours d’une attaque, que

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NTEZIRYAYO Emmanuel la suivait de près, disant aux tueurs de ne pas la tuer ni la toucher,qu’ils ont été conduits dans un vallon où ils ont été sommés de s’asseoir par terre, qu’entretempsNTEZIRYAYO s’est empressé d’alerter le militaire qui était au camp concerné ainsi que sonbeau-frère RWANDENZI qui sont immédiatement accourus et sont arrivés après que la vieilledame MUKAMUGEMA Madeleine venait d’être tuée, que les tueurs se sont sauvés en courantet que c’est ainsi qu’ils ont échappé à ces crimes ; qu’elle continue en disant qu’elle témoigne àdécharge de NTEZIRYAYO Emmanuel car il l’a sauvée quand il a empêché les tueurs de latoucher au moment où le militaire et son beau-frère n’étaient pas encore arrivés là où elle setrouvait, qu’elle termine en disant que le prévenu leur avait donné auparavant des pièces tenantlieu de cartes d’identité au vu lesquelles ils étaient considérés comme étant de l’ethnie Hutu ;Attendu que l'heure est avancée, que l’enquête se poursuivra le 29/11/2001 à KAGURI dans lesecteur BUSASAMANA où des victimes ont été tuées et où habitait la vieille dameMUKANGWIJE Suzanne ;

Attendu que dans la matinée du 29/11/2001, le Tribunal se rend à KAGURI où de nombreusesvictimes ont été tuées dont la vieille dame MUKANGWIJE Suzanne, son fils NGARAMBE,NYIRABANAMA Cécile, NYIRABAHEKA, les membres de la famille KADENESI et d’autres,ce souhait ayant été exprimé par Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des partiesciviles, ainsi que par MUSAYIDIRE Eugénie qui a perdu des membres de sa famille ;

Attendu que NSANGANIRA Eugène relate les circonstances dans lesquelles ces victimes ont ététuées en disant qu’ils les ont emmenées en date du 22/04/9194, mais qu’ils ont d’abord tenu unepetite réunion à laquelle participaient MURINDABYUMA, SEBIRAZA, NSANGANIRA etd’autres à l’issue de laquelle ils ont convenu de ce que la décision finale appartenait au conseillerNTEZIRYAYO Emmanuel, que le messager qu’ils lui ont envoyé est revenu en disant que leconseiller venait de décider que les victimes devaient être tuées, que c’est alors queNKUNDABAGENZI Alphonse a ordonné aux victimes de se coucher par terre et a commencé àles tuer à coups de massue, qu’il a été relayé par les gens originaires de GIKONGORO quilogeaient chez MUHAMUDU, que NKUNDABAGENZI a donné à NSANGANIRA l’ordre detuer MUKANGWIJE Suzanne et que celui-ci s’est exécuté en donnant à la victime deux coupsde hache à la tempe, que le nommé NTWALI a été quant à lui sommé de tuer sa marâtre parcequ’il l’avait cachée et qu’il l’a tuée à coups de massue ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre demande la parole et dit que l’allégation selonlaquelle c’est NTEZIRYAYO Emmanuel, alors conseiller de secteur, qui a donné l’ordre

25ème feuillet.

de tuer ces victimes est un moyen de défense invoqué en désespoir de cause par les malfaiteursdont fait partie NSANGANIRA Eugène car ils ne produisent pas une pièce attestant cet ordrequ’il leur aurait donné surtout qu’il aurait pu se rendre sur les lieux lui-même, que la preuve queNSANGANIRA ment est qu’il n’a pas fait part de ce fait dans ses aveux qu’il a présentésantérieurement ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, demande laparole et dit que c’est avec une méchanceté extrême que NSANGANIRA a commis les faits à sacharge et que ses aveux sont incomplets dès lors qu’il ne précise pas si ceux qu’il met en causepour lui avoir donné l’ordre de les commettre lui ont également ordonné de se promener enportant une hache, qu’il veut ainsi se décharger de sa responsabilité dans les actes atroces qu’il a

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commis dont l’assassinat de la marâtre de NTWALI qu’il attribue faussement à ce dernier alorsqu’il est de notoriété publique que c’est lui qui l’a fait arrêter pour être mise en détention ;

Attendu qu’invité à répliquer au témoignage de NSANGANIRA Eugène, NTEZIRYAYOEmmanuel dit que ce que dit l’intéressé est faux car il ne leur a pas envoyé un messager, qu’ils’opposait quant à lui aux tueries comme le confirme la population ;

Attendu que l’enquête sur les lieux des faits est terminée et que l’audience se poursuit là où leTribunal siège en itinérance ; que l’avocat des parties civiles dit qu’une dame veut dire quelquechose sur la conduite de NTEZIRYAYO Emmanuel lors de l’assassinat des membres de lafamille GISAGARA, que la parole est accordée à cette dame nommée MUKESHIMANAMarthe qui dit qu’elle veut porter plainte contre NTEZIRYAYO Emmanuel pour avoir fait tuerson mari RURANGIRWA Emmanuel, que le Tribunal lui dit qu’elle devrait suivre la voie légalepour déposer sa plainte et lui conseille de s’adresser à l’Officier du Ministère Public ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, est invité àexpliciter les dommages et intérêts qu’ils réclament ainsi qu’à produire les preuves à la base deleur action, qu’il commence par faire la genèse des actes atroces qui ont eu lieu au Rwanda et quiont coûté la vie à de nombreuses victimes dont celles dont la mort sert de fondement auxdommages intérêts réclamés, qu’il dit que dès le début de la guerre de libération du pays en1990, la population de l’ethnie Tutsi a été persécutée par le régime en place, qu’elle a été tuée etfait l’objet de pillages et d’autres méfaits, qu’un plan de son extermination a été conçu et mis enexécution après la mort de l’ex-Président, que ce plan a été déclenché dans la province deBUTARE par le Président du régime qui s’est déclaré être un régime des sauveurs quand, dansun discours tenu à GISAGARA dans la commune NDORA, il a dit que la population deBUTARE se comportait comme si elle n’était pas concernée, ainsi que par le Premier Ministrede ce régime quand il a dit que toute la population doit pourchasser l’ennemi partout où il est,l’ennemi à cette époque étant le Tutsi, que c’est dans ce cadre qu’ont été institués des comités desécurité qui en réalité avaient pour mission de rassembler tous les Tutsi pour qu’ils soient tués,que le conseiller NTEZIRYAYO a agi de la même manière dans son secteur ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMLFURA dit que les dommages et intérêts réclamés par sesclients sont fondés sur trois motifs qui sont avoir perdu les moyens par lesquels ils subsistaient,avoir perdu toute valeur dans leur vie de sorte que quelques-uns sont désespérés et d’autresmènent une vie solitaire, que les actes de NTEZIRYAYO Emmanuel et sa bande dont fait partieNSANGANIRA Eugène en sont l’origine, et que c’est pour ce motif qu’ils doivent réparersolidairement les dommages causés ;

26ème feuillet.

Que concernant les preuves, Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’ils fondent leur actionsur le plaidoyer de culpabilité de NSANGANIRA qui a expliqué comment les massacres ont étéplanifiés et mis à exécution, sur le fait que le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel a reconnuque c’est lui qui a mis sur pied le comité qualifié comme étant chargé de la sécurité et ce, de sapropre initiative, ainsi que sur les témoignages recueillis tant par le parquet que par le Tribunaldont celui du conseiller DUSINGIZIMANA Israël qui a expliqué comment ils ont été autorisés àtuer les Tutsi et à s’emparer de leurs biens, qu’il relève que le Tribunal a effectué une descentesur les lieux des faits ;

Que Maître NKIRIKIYIMFURA Innocent dit qu’en droit, leur action est fondée spécialement

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sur les Conventions internationales dont celle du 09/12/48 relative à la répression du crime degénocide et des crimes contre l’humanité, celle de Genève portant sur la protection despersonnes civiles en temps de guerre ainsi que celle du 26/11/1968 relative à l’imprescriptibilitédu crime de génocide et des crimes contre l’humanité, de même que sur la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime degénocide et des crimes contre l'humanité commises entre le 1/10/1990 et le 31/12/1994, sur leCode pénal rwandais en ce qui concerne les infractions d’assassinat, de destruction des biens etd’animaux, de pillage, de violation de domiciles, d’enlèvement et séquestration et d’autres ;Que l’action en dommages et intérêts est fondée sur les articles 135 et 136 du Coded’organisation et compétence judiciaires, sur les articles 71 et 72 du Code de procédure pénale,sur l’article 91 de la Loi organique n° 40/2000 du 26/01/2001 portant création des juridictionsGACACA, sur les articles 27 à 32 de la Loi organique n° 08/96 du 30/01/1996 sur la répressiondu génocide, sur les articles 258, 259 et 260 du Code civil livre V ainsi que les articles 197 à 211du Code civil livre I ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit qu’ellesréclament des dommages moraux fondés sur la douleur ressentie suite à la perte des parentsproches qui leur étaient chers ainsi que des dommages matériels fondés sur la perte de leursbiens qui ont été pillés, détruits, et des maisons incendiées, ces dommages étant conçus ainsicomme suit :

1. DOMMAGES MORAUX

LIENS DE PARENTE DOMMAGES MORAUX RECLAMES Perte d’un parent, père ou mère 10.000.000 Frw Perte d’un enfant 8.000.000 Frw Perte d’un frère ou sœur 5.000.000 Frw Perte de tout autre parent proche (neveu ounièce, oncle paternel, tante maternelle, …)

3.000.000 Frw

1. DOMMAGES MATERIELS

BIENS ENDOMMAGES DOMMAGES MATERIELS RECLAMES1. Une vache d’origine rwandaise (sic)

27ème feuillet

2. Une vache d’origine étrangère 300.000 Frw3. Une chèvre 20.000 Frw4. Une poule 2.000 Frw5. Un lapin 1.000 Frw6. Une maison en bois couverte de tôles 2.000.000 Frw7. Une maison en briques cuites avec des portes métalliques 5.000.000 Frw8. Articles ménagers 5.000.000 Frw9. Récoltes 1.000.000 Frw

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Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’il réclame en faveur deMUSAYIDIRE Eugénie des dommages moraux de 10.000.000 Frw pour la perte de sa mèreMUKANGWIJE Suzanne, 5.000.000 Frw pour la perte de son frère NGARAMBE, 3.000.000Frw pour la perte de sa tante maternelle MUKARUBUGA ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent réclame en faveur deNYIRANTEGEYINKA Véronique des dommages moraux de 3.000.000 Frw pour la perte deMUJAWAYEZU Catherine l’épouse de NYAMPIRIRA qui était sa belle-sœur, 3.000.000 Frwpour la perte de KAYITESI la fille de RUBINDO qui était sa nièce, ainsi que des dommagesmatériels de 23.200.000 Frw ;

Attendu que l’avocat des parties civiles réclame en faveur de MUNYANSHONGORE10.000.000 Frw pour la perte de sa mère NYIRABANAMA, 10.000.000 Frw en faveur deMUKARUBAYIZA pour la perte de sa mère NYIRABANAMA Cécile, qu’il ne réclamecependant pas de dommages matériels en faveur de ces deux parties civiles ;

Attendu également que le Conseil des parties civiles réclame en faveur de RWAGATARE Jeandes dommages moraux de 10.000.000 Frw pour la perte de sa mère MUKARUZIMA qui étaitl’épouse de KIMONYO G., 5.000.000 Frw pour la perte de sa sœur UWAYEZU qui étaitl’épouse de KANYABIHOHO, 3.000.000 Frw pour la perte de chacune des victimes suivantes :sa belle-sœur MUKARUSHEMA Grâce l’épouse de KADENESI et ses quatre enfantsMUKASHYAKA Olive, KIBWANA, NKURIKIYIMFURA et SHEMA, ainsi que desdommages matériels de 15.342.000 Frw, tous étant à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel etNSANGANIRA Eugène ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, poursuit en disantque sur base de l’article 207 du Code d’organisation et compétence judiciaires il demande auTribunal de leur accorder le bénéfice de l’exécution provisoire, qu’il termine en demandantégalement au Tribunal de déclarer recevables et fondées l'action du Ministère Public et l’actioncivile, les prévenus reconnus coupables devant être condamnés au paiement des dommagesintérêts en fonction de la catégorie à laquelle ils sont rattachés ;

28ème feuillet.

Attendu qu’invité à présenter son réquisitoire, l’Officier du Ministère Public dit qu’il ne peutrien dire d’autre sinon faire ses réquisitions à charge des prévenus, qu’il poursuit en disant queNTEZIRYAYO Emmanuel était une autorité au niveau du secteur à l’époque du génocide, qu’ilfait dès lors partie des organisateurs et des exécutants du génocide, que c’est ainsi qu’il a prispart à deux réunions après lesquelles il a érigé des barrières et mis sur pied des comités soi-disant chargés de la sécurité dont les membres ont tué de nombreuses victimes tel que cela figureau dossier, qu'il a personnellement pris part aux attaques comme le dit MUJAWIMANA quiaffirme que NTEZIRYAYO Emmanuel dirigeait l’attaque qui a été menée chez eux, qu’ildisposait du droit de vie et de mort dans son secteur ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public poursuit en disant que NSANGANIRA plaidecoupable et met en cause son coprévenu, que même si NTEZIRYAYO ne pouvait pas sortir de lamaison, il doit cependant répondre des actes qui ont été commis par les personnes qu’il avait lacharge de diriger, que même s’il plaide non coupable il reconnaît avoir mis sur pied le comitéprétendument chargé de la sécurité, qu’il requiert que l’intéressé soit rangé dans la première

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catégorie et puni de la peine de mort, que NSANGANIRA Eugène ayant recouru à la procédured’aveu et de plaidoyer de culpabilité qui a été acceptée, il requiert qu’il soit rangé dans ladeuxième catégorie et puni de la peine d’emprisonnement à perpétuité, qu’il requiert enfin queNTEZIRYAYO et NSANGANIRA soient condamnés au paiement des frais d’instance et qu’il yait disjonction des poursuites à charge des prévenus non identifiés ;

Attendu qu’invité à présenter sa défense sur l’action civile, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’ilne peut pas payer les dommages intérêts car il n’a commis aucune infraction, que si cependant leTribunal estime sa culpabilité établie, des dommages intérêts peuvent être alloués aux partiesciviles ; qu’à la question de savoir s’il n’y a pas une exagération dans les dommages intérêtsréclamés relativement aux maisons, il répond que c’est la vérité et qu’il ne peut formuler aucunecontestation sur ce point, qu’il dit que ce que dit l’Officier du Ministère Public est faux car lecomité dont il est question a été désigné par la population qui l’a d’ailleurs confirmé lors destémoignages, qu’il n’a pas procédé par discrimination dans la délivrance des pièces aux genscomme le dit l’Officier du Ministère Public car, il délivrait ces pièces à ceux qui avaient perduleurs cartes d’identité et à ceux qui le lui demandaient, qu’il termine en disant que lacatégorisation d’un prévenu doit être faite en fonction des infractions commises par lui, qu’ilrevient au Tribunal d’examiner s’il en a réellement commis ;

Attendu qu’invité à présenter sa défense sur l’action civile, NSANGANIRA Eugène dit qu’il n’apas suffisamment de connaissances juridiques, et qu’il demande à son Conseil d’intervenir, quele Tribunal lui dit que celui-ci peut l’assister mais qu’il faut qu’il présente sa défense d’abord,que l’intéressé dit alors qu’il plaide coupable d’avoir mangé du bétail et emporté des tuiles, destôles, ainsi que la baratte de MUKANGWIJE, qu’il doit en principe répondre des dommagesqu’il a causés, qu’il demande au Tribunal d’examiner attentivement les faits et qu’il est prêt à seplier à sa décision à part qu’il se demande comment il pourra payer les dommages intérêts dèslors qu’il est en prison ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit au Tribunal de leur accorder uneexécution provisoire en ce qui concerne les dommages et intérêts car les actes qui ont étéperpétrés sont atroces ;

Attendu que Maître SEMANDA Cyridion, Conseil de NSANGANIRA Eugène, invité à faire saplaidoirie, commence par rappeler les infractions pour lesquelles NSANGANIRA Eugène estpoursuivi et le fait qu’il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité ; qu’il ditque cela est un acte courageux de sa part, que les aveux de son client concordent par ailleursavec les éléments que le Ministère Public a recueillis au cours de l’enquête et que c’est pourquoiil les a acceptés, qu’il ne comprend cependant pas comment il est qualifié de tueur de renomalors qu’il n’a tué qu’une seule victime étant donné qu’en général, le tueur de renom est celui quia eu une renommée à cause du zèle qui l'a caractérisé et qui a tué beaucoup de victimes tel quecela figure dans le commentaire de Daniel de BEER sur la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996relative à la répression du génocide ;

29ème feuillet.

Attendu que Maître NSANGANIRA Emmanuel dit que son client devrait être rangé dans la

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deuxième catégorie et bénéficier d’une diminution de la peine, qu’il mérite à ce titre d’êtrecondamné à la peine allant de 7 à 11 ans car il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité avant les poursuites et que cela constitue une circonstance atténuante qui devraitentraîner une diminution de la peine jusqu’à un an d’emprisonnement en vertu de l’article 83, 3°du livre I du Code pénal ;

Attendu que relativement aux dommages intérêts réclamés, Maître SEMANDA Cyridion ditqu’ils doivent être alloués en fonction de l’économie du pays, que les biens qui ont fait l’objet deréparation ne doivent pas être pris en compte, que les parties civiles doivent en outre prouver lesliens de parenté qu’ils ont avec les victimes tuées ainsi que le lien de causalité entre lesdommages subis et les actes commis par les prévenus ; que chacun des prévenus doit êtreresponsable des dommages qu’il a causés sans que ceux-ci soient l’objet d’une évaluationexcessive, que celui qui réclame des dommages intérêts en faveur des orphelins doit produirel’acte attestant que c’est lui qui a la charge de les éduquer, que des dommages intérêts nepeuvent pas être alloués pour les biens qui ont été endommagés mais dont la valeur n’est pasclairement déterminée ;

Attendu que Maître SEMANDA Cyridion termine en demandant au Tribunal de déclarer queNSANGANIRA a été entraîné dans les massacres par les autorités, et de lui accorder le bénéficed’une diminution de peine car il a dit la vérité sur les événements de 1994 et a ainsi facilité latâche au Tribunal ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, après avoirrappelé les préventions mises à charge de l’intéressé, dit qu’il en a plaidé non coupable car il n’aà aucune fois pratiqué la discrimination, qu’au contraire, en 1994, l’ex-conseiller du secteurBUSASAMANA en la personne de NTEZIRYAYO Emmanuel, en collaboration avec lebourgmestre GISAGARA JMV, a poursuivi les miliciens Interahamwe et de la CDR si bien queGISAGARA a été tué pour cette raison, que face à cette situation la population deBUSASAMANA a demandé au conseiller de convoquer une réunion au cours de laquelle 10personnes ont été choisies pour être chargées du maintien de la sécurité, mais que le nomméMASONGA François, après avoir accédé au poste de bourgmestre, s’en est mêlé et a persécutéNTEZIRYAYO au motif qu’il a refusé de tuer les Tutsi ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre poursuit en disant que les preuves sur lesquelles leMinistère Public fonde ses poursuites à charge de NTEZIRYAYO ne sont point fondées dès lorsque les témoignages invoqués ne font pas ressortir clairement la part de responsabilité de sonclient, qu’ils évoquent seulement le fait qu’il a dirigé la réunion au cours de laquelle les dixpersonnes ont été désignées alors que cela ne constitue pas une infraction étant donné que cespersonnes ont été élues par la population comme le témoin SINKUNDWANABOSE V. présentépar le Ministère Public l’a confirmé dans son audition figurant à la cote 17 du dossier, que lenommé NAHAYO Hassan parle de cette réunion sans en indiquer l’objet, que d’autrestémoignages sont divergents à l’exemple de ceux de KANAZI Athanase et NTWALI Selemanirelativement à l’assassinat de MUKANGWIJE Suzanne ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre continue en demandant au Tribunal de ne pointprendre en considération le témoignage du détenu DUSINGIZIMANA Israël, l’ex-conseiller dusecteur MUSHIRARUNGU, qui veut attribuer à NTEZIRYAYO Emmanuel les actes qu’il apersonnellement commis tels qu’ils sont confirmés par les rescapés qui, tout en affirmant quel’intéressé tuait les victimes et s’abreuvait de leur sang, remercient cependant NTEZIRYAYO de

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les avoir sauvées, qu’une personne dont les mains sont tâchées de sang ne peut nullementsouhaiter à quelqu’un d’autre de vivre en toute tranquillité, surtout que l’intéressé est allé dans lesecteur que dirigeait le prévenu comme les témoins entendus l’ont confirmé ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’environ 9 témoins entendus par le Tribunal etdont la majorité est constituée de rescapés, ont affirmé qu’ils doivent d’être encore en vie àEmmanuel car il les a aidés en

30ème feuillet.

leur délivrant des pièces qui les faisaient passer pour des personnes de l’ethnie Hutu, qu’il l’afait pour MUKASHARANGABO Bernadette qui était responsable de cellule qui a dit n’avoirconnaissance d’aucun méfait de la part du prévenu, ainsi que pour MUKAMAZINA E. ,MUKAMURIGO Julienne, MUKARUGOMWA Jeanne d’Arc, NYINAWINGERI etMUJAWIMANA qui ont toutes affirmé que le conseiller NTEZIRYAYO les a aidées,MUKAMAZINA ayant d’ailleurs remis au Tribunal la pièce qu’il lui a donnée dans ce but, quela déclaration de NSANGANIRA Eugène qui plaide coupable par laquelle il dit que c’est leconseiller qui, par l’intermédiaire du nommé Enéas, a autorisé l’assassinat des victimes dontfaisait partie MUKANGWIJE Suzanne est une pure invention, car il n’a pas fait cette révélationlors de son recours à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité figurant aux cotes 6, 7 et8 du dossier, que les témoignages des détenus définitivement condamnés ne peuvent êtreexaminés dès lors qu’ils sont frappés par la dégradation civique prévue à l’article 66 du Codepénal et sont donc déchus du droit de témoigner ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre termine en demandant au Tribunal de déclarer queNTEZIRYAYO a protégé sa population jusqu’au moment où il a été surpassé par les attaquesvenues d’autres secteurs, de déclarer non fondée l’action du Ministère Public, d’ordonner lalibération immédiate de NTEZIRYAYO et de mettre les frais d’instance à charge deNSANGANIRA Eugène qui plaide coupable ;

Vu qu’en date du 30/11/2001, les parties ont dépose au Tribunal des conclusions écrites, queMaître NKURIKIYIMFURA a saisi l’occasion pour remettre les pièces portant sur les liens deparenté existant entre les parties civiles et les victimes et sur les biens endommagés ou pillés,toutes ces pièces ayant été délivrées par la mairie de la ville de NYANZA le 29/11/2001 ;

Vu que les débats sont clos et que la date du prononcé est fixée au 30/11/2001 à 13 heures, quel’affaire est mise en délibéré ;

Constate que l’action du Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme ;

Constate que l’action civile est elle aussi recevable car elle est régulière en la forme ;

Constate que le Ministère Public a engagé les poursuites à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel,NSANGANIRA Eugène et 21 autres prévenus non identifiés pour les infractions suivantes :

A charge de NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène, NKUNDABAGENZIAlphonse, MPUNGIREHE Laurent, MIKWEGE, NCAMIHIGO Idrissa, RUGAMBA,BAJENEZA Damascène, RUFANGURA, JUMA, MISAGO Vianney, NDAGIJIMANA

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Gérard, KAREGE Ildephonse et MUNYAMBUGA Phénéas :

- Avoir à KAVUMU, BUSASAMANA, NYABISINDU, BUTARE, République Rwandaise,entre avril et juillet 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par lesarticles 89, 90 et 91 du Code pénal, organisé et mis à exécution le plan du génocide etd’autres crimes contre l’humanité.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs oucomplices, commis l’infraction d’association de malfaiteurs

- Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu, en date du 22/04/1994, comme auteurs,coauteurs ou complices,

31ème feuillet.

assassiné NYIRABANAMA Cécile, NYIRABAKEKA Pauline et son enfant,MUKANGWIJE Suzanne, NGARAMBE l’épouse de KADENESI et ses deux enfants,l’épouse de Gervais, l’épouse de NYAMBIRIRA, l’épouse de KANYABIHOHO Xavier , lafille de RUBINDO ainsi que NSABUMUKUNZI.

A charge de NSANGANIRA Eugène, HAVUGIMANA Mussa, BAJENEZA,NKUNDABAGENZI et SHEMU :

- Avoir, au même endroit que ci-dessus, comme auteurs, coauteurs ou complices, commisl’infraction de dévastation du pays par les massacres, les destructions de maisons et de bétailainsi que les pillages

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis l’infraction de violation dedomiciles d’autrui.

Constate que seuls ont comparu NTEZIRYAYO Emmanuel et NSANGANIRA Eugènerespectivement assistés par Maître SAYINZOGA J. Pierre et Maître SEMANDA Cyridion duCorps des Défenseurs de KIGALI, que les 21 autres prévenus ne sont pas identifiés ;

Constate que 6 parties civiles se sont constituées à savoir MUSAYIDIRE Eugène,NYIRANTEGEYINKA Véronique, MUNYANSHONGORE Mussa, MUKARUBAYIZA,RWAGATARE Jean et KANYANDEKWE Eugène, toutes étant assistées par MaîtreNKURIKIYIMFURA I. lui aussi du Corps des Défenseurs de KIGALI ;

Constate que NSANGANIRA Eugène a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité qui a été acceptée par le Ministère Public et ensuite reçue par le Tribunal ;

Constate que les infractions pour lesquelles NSANGANIRA Eugène plaide coupable à savoircelles de génocide, d’association de malfaiteurs, d’assassinat et spécialement les assassinats dela vieille dame MUKANGWIJE Suzanne et d’une autre dame dont il n’a pas pu connaître lenom, de pillage, de destruction de bétail et de maisons, de violation de domiciles, sont enconcours idéal et qu’elles le rangent dans la catégorie 1 c à cause du zèle et de la méchancetéexcessive qui l’ont caractérisé (L.O 08/96 art.2 cat.1c) ;

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Constate que même si les infractions commises par NSANGANIRA Eugène le rangent dans lapremière catégorie, son nom n’avait pas encore été publié sur la liste des personnes de lapremière catégorie tel que prévu par l’article 9 alinéa 2 de la Loi organique ci-haut citée, que sonplaidoyer de culpabilité ayant été reçu, il doit être classé dans la deuxième catégorie et puni envertu de l’article 18 de cette Loi organique ;

Constate que le Ministère Public fonde ses poursuites à charge de NTEZIRYAYO Emmanuelsur les témoignages affirmant que c’est lui qui a mis sur pied une association de malfaiteurscomposée de 10 personnes dans le secteur dont il était le conseiller (BUSASAMANA) chargéesde pourchasser les tutsi et qu’il a décidé les massacres de ces derniers, ces témoignages émanantprincipalement de NTWALI Selemani, NAHAYO Hassan, SINKUNDWANABOSE Vérédianneet NSANGANIRA Eugène qui plaide coupable, et d’autres dont l’un a été condamné dansl’affaire RMP 49457/S7/NKR/MSD ;

32ème feuillet.

Constate que NTEZIRYAYO Emmanuel plaide non coupable de toutes les infractions en disantque le Ministère Public n’a pas accédé à son souhait exprimé de voir mener une enquête dans lesecteur qu’il dirigeait, qu’il affirme n’avoir tué ou agressé personne, mais qu’il a au contraireprotégé de nombreuses personnes parmi celles qui étaient pourchassées et cite comme témoins àsa décharge quelques-unes d’elles notamment MUKASHARANGABO Bernadette qui étaitresponsable de cellule KIVUMU dans le secteur BUSASAMANA, MUKAMURIGO Julienne,MUKAMAZINA Eustochie, MUKARUGOMWA Jeanne d’Arc, et d’autres qui ont été témoinsde sa conduite dont RWANDENZI et ICYIMPAYE ;

Constate que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, affirme queNTEZIRYAYO Emmanuel a été un bon dirigeant à l’époque où les fonctions de bourgmestreétaient exercées par GISAGARA JMV qui a été tué au motif qu’il avait rejeté toutediscrimination au sein de la population sous ses ordres, mais qu’il a changé quand MASONGAFrançois a accédé à ce poste et s’est joint aux malfaiteurs, cette affirmation étant égalementsoutenue par KANYANDEKWE Eugène le frère de feu GISAGARA ;

Constate que le Tribunal, lors de son enquête faite dans le secteur BUSASAMANA, ville deNYANZA, où une population nombreuse étai présente, a demandé si quelqu’un a quelque choseà dire sur NTEZIRYAYO Emmanuel qui exerçait les fonctions de conseiller à l’époque dugénocide, que seuls des témoins à décharge ont pris la parole à savoir NYINAWINGERI qui aaffirmé qu’elle lui doit la vie et a produit la pièce tenant lieu de carte d’identité qu’il lui a donnéele 27/05/1994 mentionnant qu’elle est de l’ethnie Hutu pour la protéger en cas de nécessité, ainsique MUJAWIMANA Collette qui a affirmé que NTEZIRYAYO Emmanuel l’a aidée jusqu’à ceque le militaire du nom de RWAKIBIBI Emmanuel intervienne ;

Constate que les preuves invoquées par le Ministère Public en soutien aux poursuites contreNTEZIRYAYO Emmanuel ne sont pas fondées car aucun des témoignages produits ne montre lapart de responsabilité du prévenu dans le génocide et les autres infractions qui ont été commisdans le secteur qu’il dirigeait, l’accusation d’avoir désigné les 10 personnes dont il est questionétant fausse, car les personnes entendues dont des rescapés affirment que ces personnes ont étéélues par toute la population sans distinction, qu’il est également faux de dire que c’est lui quidécidait de tuer les victimes, car au contraire, la population a affirmé qu’il a tout fait pour lesprotéger en leur donnant des pièces, en remplacement de cartes d’identité qui mentionnaientl’ethnie menacée à savoir celle des Tutsi ;

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Constate qu’il est aussi faux de dire que NTEZIRYAYO Emmanuel a changé quandMASONGA François a accédé au poste de bourgmestre et s’est joint aux malfaiteurs car il a étéétabli qu’il n’a jamais été caractérisé par des idées discriminatoires, surtout qu’il a délivrés lespièces susmentionnées à l’époque où MASONGA François était en fonction ;Constate que l’argument de Maître SEMANDA Cyridion tendant à obtenir que NSANGANIRAEugène puisse bénéficier d’une diminution de peine jusqu’à un an d’emprisonnement en vertudes articles 15 de la Loi organique n° 08/96 et 83 du Code pénal au motif qu’il a été entraînédans les massacres par les autorités et qu’il ne peut être rangé dans la première catégorie car iln’a tué qu’une seule victime n’est pas fondé car son client a avoué avoir tué deux victimes encompagnie d’autres tueurs et qu’il a fait preuve d’une méchanceté excessive en faisant usaged’une arme particulière que les autres ne portaient pas (une hache) lors de l’assassinat d’unevieille dame avec laquelle il avait vécu en très bonnes relations ;

Constate que l’argument de Maître SAYINZOGA J. Pierre tendant à obtenir l’acquittement deNTEZIRYAYO Emmanuel pour défaut de preuves tangibles est fondé tel que dit aux 13ème et14ème exposés des motifs ;

33ème feuillet.

Constate que les dommages intérêts réclamés doivent être alloués en fonction des liens deparenté existant entre les parties civiles et les victimes tuées, mais qu’ils doivent être évalués exæquo et bono car ceux qui sont réclamés sont excessifs alors qu’en principe l’être humain n’apas de prix, et que les dommages matériels doivent être alloués en fonction de la valeur réelledes biens endommagés, pillés ou détruits, que ces dommages intérêts doivent être missolidairement à charge des personnes reconnues coupables et de l’Etat qui reconnaît saresponsabilité dans le génocide et ce, conformément à l’article 91 de la Loi organique n°40/2000 du 26/01/2001 portant création des juridictions GACACA ;

Constate que des dommages intérêts ne peuvent être alloués à KANYANDEKWE qui s’estconstitué partie civile en cette affaire car le Tribunal n’a pas été saisi de l’infraction à la base deson action ;

PAR CES MOTIFS ;

Vu la Convention du 09/12/1948 sur la répression du crime de génocide, la Convention deGenève du 12 août 1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre et celle du26/11/1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ;Vu la Loi fondamentale de la République Rwandaise, spécialement la Constitution du 10 juin1991 telle que modifiée et complétée à ce jour, spécialement aux articles non modifiés, 12, 14,16, 22, 34, 86-88, 91,95 et le Protocole des Accords de Paix relatifs au partage du pouvoir,spécialement aux articles 25-26 ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Code d’organisation et de compétencejudiciaires, spécialement les articles 6-12, 47, 57, 76, 77, 85, 87, 88, 104, 107, 108, 118, 119,129, 135, 136, 199, 201 ;

Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990, spécialement les articles 1, 2, 4, 6, 8, 9, 10, 17, 18, 24, 29, 36, 37, et 39 ;

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Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,spécialement les articles non modifiés à savoir 16, 19, 20, 24, 25, 26, 37, 40, 41, 59, 61, 63, 71,73, 80, 81, 90, 130, 138 ;Vu le Décret-loi n° 21/77 du 18/08/1977 instituant le Code pénal tel que complété à ce jour,spécialement les articles 28, 30, 32, 33, 34, 39-39, 66,(1°,3° et 5°), 90-92, 93, 94, 95, 168, 281,-283, 304, et 311 ;

Vu l’article 258 du Code civil livre III ;

Vu la Loi n° 03/97 du 19/03/1997 portant création du barreau rwandais, spécialement les articles1, 2, 6, 49-50 ;

34ème feuillet.

Vu la Loi n° 40/2000 du 26/01/2001 portant création des juridictions GACACA spécialementl’article 91 ;

STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;

Déclare recevables, l’action du ministère Public et l’action civile car elles sont régulières en laforme, et les déclare partiellement fondées ;

Déclare établies à charge de NSANGANIRA Eugène les infractions qui lui sont reprochées,qu’elles le rangent dans le première catégorie et sont en concours idéal, qu’il doit en être puni telqu’expliqué du 6ème au 8ème exposés des motifs, qu’il doit être puni par la peine la plus sévère ;

Déclare non établies à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel les infractions qui lui sontreprochées tel qu’expliqué du 12ème au 14ème et au 16ème exposés des motifs ;

Déclare que des dommages intérêts doivent être alloués à MUSAYIDIRE Eugène,NYIRANTEGEYINKA Véronique, MUNYANSHONGORE Mussa, MUKARUBAYIZA etRWAGATARE Jean car ils ont produit les attestations qui leur ont été délivrées par la mairie dela ville de NYANZA sur leurs liens de parenté avec les victimes tuées tel qu’expliqué eu 17ème

exposé des motifs ;

Déclare que NSANGANIRA Eugène perd la cause, que NTEZIRYAYO Emmanuel obtient gainde cause ;

Ordonne à NSANGANIRA Eugène de payer la ½ des frais d’instance s’élevant à 13.400 Frwdans le délai légal et édicte une contrainte par corps de 10 jours faute d’exécution volontaire,suivie de l’exécution forcée sur ses biens ;

Le condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité et à celle de dégradation civique prévueà l’article 66, 2°, 3°, et 5° du Code pénal ;

Acquitte NTEZIRYAYO Emmanuel des infractions qui lui sont reprochées et ordonne salibération immédiate ;

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Condamne NSANGANIRA Eugène au paiement solidaire avec l’Etat rwandais de dommagesmoraux de 34.000.000 Frw et de dommages matériels de 15.202.000 Frw tel que figurant autableau annexé à ce jugement, soit au total 49.202.000 Frw payables dans les trois mois et édicteune contrainte par corps d’un mois à l’encontre de NSANGANIRA Eugène faute d’exécutionvolontaire de sa part, suivie de l’exécution forcée ;

Ordonne à NSANGANIRA Eugène de payer le droit proportionnel de 4% équivalent à 1.196.080Frw : 2 = 984.040 Frw dans le délai légal sinon exécution forcée sur ses biens ;

Décide la disjonction des poursuites à charge des prévenus ci-après :

1. MUSAFIRI

35ème feuillet.

2. NKUNDABAGENZI Alphonse 13. RUGAMBA3. HABIYAMBERE 14. BAJENEZA Damascène4. MNYANKUNDI 15. RUFANGURA5. SEMBU 16. JUMA6. NTAGANZWA 17. MISAGO Vianney7. MASONGA François 18. Gérard8. NDAGIJIMANA 19. KAREGE Ildéphonse9. SEGEMA 20. MUNYAMBUGA Phénéas10. MPUNGIREHE Laurent 21. SHEMU11. MIKWEGE12. NCAMIHIGO

Rappelle que le délai d’appel est de 15 jours ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 30/11/2001 PAR LETRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BUTARE SIEGEANT EN ITINERANCE ANYANZA DONT LE SIEGE EST COMPOSE DE : MUHIZI Samuel, Président,RWENYAGUZA Emmanuel ET MUREKEZI Eugène, Juges, EN PRESENCE DEL’OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC SHUMBUSHO Daniel ET DU GREFFIERNAKAREMA Nadine.

JUGE PRESIDENT JUGE

RWENYAGUZA Emmanuel MUHIZI Samuel MUREKEZI Eugène (sé) (sé) (sé)

GREFFIER

NAKAREMA Nadine

Victimes tuées Liens deparenté

Dommagesmoraux

Dommagesmatériels

Condamnés aupaiement desdommagesintérêts

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1.Musayidire Eugénie

1.Mukangwije Suzanne

Sa mère 5.000.000 Frw 6.200.000 Frw NsanganiraEugène et l’Etatrwandais

2. Ngarambe Son frère 3.000.000 Frw - ‘’3.Mukarubuga Catherine

Sa tantematernelle

1.000.000 Frw - ‘’

TOTAL 9.000.000 Frw 6.200.000 Frw ‘’

2. Nyirantegeyinka Véronique

1. Mujawayezu Catherine

Sa bellesoeur

1.000.000 Frw ‘’

2. Kayitesi Sa nièce 1.000.000 Frw 5.240.000Frw ‘’TOTAL 2.000.000Frw 5.240.000 Frw ‘’3. Munyanshongore Mussa

1.Nyirabanani Cécile

Sa mère 5.000.000 Frw - ‘’

TOTAL 5.000.000 Frw

36ème feuillet.

4. Mukarubayiza NyirabanamaCécile

Sa mère 5.000.000 Frw - NsanganiraEugène et l’Etatrwandais

5. Rwagatare Jean 1.Mukamuzima

2.Uwayezu3.Mukarushema Grâce4.Mukashyaka Olive5.Kibwana

6.Nkurikiyimfura

7.Shema

Sa mère

Son frèreSa bellesœurSa bellesœurSon beaufrèreSon beaufrèreSon beaufrère

5.000.000 Frw

3.000.000 Frw1.000.000 Frw

1.000.000 Frw

1.000.000 Frw

1.000.000 Frw

1.000.000 Frw

3.962.000 Frw

TOTAL 13.000.000 Frw 3.962.000 Frw

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. 54

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE BYUMBA

. 55

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N°2

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de BYUMBAdu

02 mai 1997.

MINISTÈRE PUBLIC C/ KANYABUGANDE François et Consorts.

ACQUITTEMENT − ACTION CIVILE (DISJONCTION DE) − ASSASSINAT (ART. 312CP) − ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281 ET 282 CP) − ATTENTATAYANT POUR BUT DE PORTER LA DEVASTATION, LE MASSACRE OU LEPILLAGE (ART.168 CP) − AVEUX (COMPLETS; VALIDITE DE; RETRACTATIONDE) − CATEGORISATION (ART. 2 L.O. 30/8/96; 1ère CATEGORIE; PLANIFICATION,POSITION D'AUTORITE - TUEUR DE GRAND RENOM ; 2ème CATEGORIE) −CIRCONSTANCES ATTENUANTES − CONNEXITE -CONFLIT D'INTERETS DANSLA DEFENSE − CRIME DE GENOCIDE − DEGRADATION CIVIQUE −DEONTOLOGIE DES AVOCATS – DESTRUCTION VOLONTAIRE DECONSTRUCTIONS APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444 CP) − DETENTIONILLEGALE D'ARME A FEU (DECRET-LOI DU 7 MAI 1979) −DROIT DECOMPARUTION PERSONNELLE − DROIT DE LA DEFENSE - DROIT D'ETREASSISTE D’UN AVOCAT− ENQUETE (COMPLEMENT D’) - JONCTION DEDOSSIERS − MEURTRE - NON-ASSISTANCE A PERSONNES EN DANGER (ART.256 al.1 CP) − PEINES (DE MORT; EMPRISONNEMENT A PERPETUITE;EMPRISONNEMENT A TEMPS) − PREUVE (ABSENCE DE; TEMOIGNAGES;VALIDITE DE) -PROCEDURE D'AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE(AVANT POURSUITES; APRES POURSUITES ; POUR LA PREMIERE FOIS AL’AUDIENCE) − TENTATIVE D'ASSASSINAT (ARTS. 21, 22 ET 312 CP) −USURPATION DE FONCTIONS OU TITRES (ART. 217 CP) − VIOLATION DEDOMICILE (ART. 304 CP) − VOL AVEC VIOLENCE (ART. 401 CP).

1. Procédure - nouveaux dossiers liés au dossier initial − jonction des dossiers – complémentd’enquête - remise.

2. Défense des prévenus − conflit d'intérêts entre prévenus − déontologie - désistement del’avocat.

3. Droit de comparution personnelle des prévenus − droit de prendre part aux débats sur sacause.

4. 1er prévenu − infractions non établies (détention illégale d'armes à feu, usurpation defonctions ou titres pour ériger des barrières et vols à l'aide de violence).

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5. 1er prévenu − infractions établies (association de malfaiteurs, assassinat, tentatived'assassinat, pillage et destruction, non-assistance à personnes en danger, violation dedomicile).

6. 1er prévenu – position d'autorité au niveau de la cellule − première catégorie (article 2- 1 b,Loi organique du 30/08/1996) − peine de mort et dégradation civique totale et perpétuelle.

7. 2ème prévenu − infractions établies (crime de génocide, non-assistance à personnes endanger) − infraction non établie (détention illégale d'arme à feu).

8. 2ème prévenu − position d'autorité (conseiller de secteur) − organisateur, encadreur etsuperviseur du génocide − première catégorie (article 2-1 a et b Loi organique du30/08/1996) − peine de mort et dégradation civique totale et perpétuelle.

9. 3ème prévenu − infractions établies (association de malfaiteurs, complicité d'assassinat,violation de domiciles, pillage et destruction).

10. 3ème prévenu - position d'autorité (responsable du parti MRND au niveau de cellule) −première catégorie − peine de mort et dégradation civique totale et perpétuelle.

11. 4ème et 6ème prévenus − procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité avant poursuites 4ème

prévenu - tueur de grand renom (non) ; 4ème et 6ème prévenus − deuxième catégorie −10 ans de prison (article 15 Loi organique du

30/08/1996) et dégradation civique limitée (article 66, 2°, 3° et 5° CP).

12. 10ème, 12ème, 14ème et 16ème prévenus − infractions établies (associations de malfaiteurs,assassinat, violation de domicile, pillage et destruction) − deuxième catégorie −emprisonnement à perpétuité et dégradation civique totale et perpétuelle.

13. 5ème, 7ème, 8ème, 11ème 15ème et 17ème prévenus − procédure d'aveu et de plaidoyer deculpabilité pour la première fois à l’audience − 2ème catégorie − 12 ans de prison (article 16Loi organique du 30/08/1996) et dégradation civique limitée (article 66, 2°, 3° et 5° CP).

14. 18ème prévenu − infraction d'assassinat seule établie − deuxième catégorie − contrainte à laparticipation criminelle − circonstances atténuantes − 2 ans d'emprisonnement.

15. 9ème prévenu − absence de preuve du Ministère Public − témoignage à charge non crédible(vengeance) − prévenu ayant intercédé en vain pour les victimes − acquittement.

1. Le Ministère Public demande et obtient la jonction au dossier initial des dossiers connexesde personnes poursuivies comme coauteurs du prévenu principal et qui viennent de rentrerd'exil. Une remise est prononcée, afin de permettre au Ministère Public d’approfondir sesenquêtes.

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2. L’existence de conflits d’intérêts entre différents prévenus assistés par un même avocatjustifie que celui-ci se retire de la défense de ceux qui n’avouent pas et sont mis en cause pard’autres qui eux, sont en aveux. Une remise est prononcée, afin de permettre aux prévenusdépourvus d’avocat d’exercer leur droit d’être assisté d’un conseil.

3. Est écartée la demande du Ministère Public visant à ce que les prévenus qui n'avouent passoient exclus de la salle d'audience au moment des dépositions de ceux qui avouent; il estfait droit à l’argument de la défense selon lequel ces prévenus doivent pouvoir suivrel'affaire à leur charge et préparer ainsi leur défense, d’autant plus qu'ils sont mis en cause parceux qui avouent.

4. Les infractions de détention illégale d'armes à feu, d’usurpation de fonctions ou de titres parl’érection de barrières et celle de vols à l'aide de violence ne sont pas établies à charge du 1er

prévenu:

− La détention illégale d'armes à feu n'est pas établie, car le prévenu avait reçu le fusil qu'ildétenait des autorités compétentes.

− L'infraction d'usurpation de fonctions ou de titres par l’érection de barrières n'est pasétablie, car lesdites barrières ont été instituées par le régime de l'époque auquel il devaitobéissance en sa qualité de responsable de cellule.

− L'infraction de vol avec violences n'est pas établie, car le Ministère Public n'a pas spécifiéles objets qui auraient fait l’objet du vol et le prévenu n'en est pas accusé par les témoinsà l'exception d'une plaignante dont la seule déclaration ne peut emporter la conviction duTribunal.

5. Sont déclarées établies à charge du 1er prévenu, les infractions de :

− Association de malfaiteurs, car il est mis en cause par ceux qu'il dirigeait en sa qualité deresponsable de cellule, ainsi que par les membres des familles des victimes.

− Assassinat, car les accusations de ses coprévenus, des témoins résidant dans la celluledont il était responsable et des membres des familles des victimes concordent à établirque toutes les victimes ont péri dans des attaques qu’il dirigeait dans ce but.

− Tentative d’assassinat, car il est constant que c’est lui qui a donné l’ordre de tirer sur troispersonnes qui ont eu la chance de ne pas être atteintes.

− Pillage et destruction, car de nombreux témoins l'en accusent, ces actes ayant été commislors des attaques menées par le prévenu.

− Non-assistance à personnes en danger, car le prévenu, fort de sa qualité d’autorité etpossédant un fusil, aurait pu défendre les victimes s'il n’avait pas fait partie des attaques.

− Violation de domicile, car ses co-prévenus ont confirmé que les membres des attaquesqu’il dirigeait s’introduisaient dans les maisons à la recherche des victimes à tuer.

6. Le 1er prévenu a commis les infractions établies à sa charge en qualité de responsable decellule. Le Tribunal le range en première catégorie en tant que personne ayant agi enposition d'autorité et le condamne à la peine de mort et à la dégradation civique totale etperpétuelle.

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7. Les allégations du deuxième prévenu selon lesquelles les aveux qu’il avait formulés en coursd’instruction lui auraient été soutirés sous la contrainte ne sont pas crédibles, les aveux enquestion, consignés par écrit, proposant une description précise de la façon dont lesmassacres ont été organisés, et le prévenu ne fournissant aucune preuve de la torture qu’ilinvoque, comme des certificats médicaux indiquant qu’il aurait dû se faire soigner par lasuite. Le crime de génocide est établi à sa charge, le prévenu ayant organisé, encadré et mis àexécution le génocide en tenant des réunions, en tant que conseiller de secteur, avec lesresponsables de cellules, réunions au cours desquelles il ordonnait que lui soientcommuniquées les listes des victimes à tuer. L’infraction de non-assistance à personne endanger est établie, le prévenu ayant lui-même reconnu qu'il n'a pas mis fin aux massacresperpétrés dans le secteur dont il était le conseiller, et soutenant qu'il a défendu les biens de safamille au détriment de la population.

N'est pas, par contre, établie à charge du 2ème prévenu, l'infraction de détention illégaled'arme à feu, le fusil qu'il détenait lui ayant été remis par l'autorité compétente.

8. Le Tribunal range le 2ème prévenu en première catégorie en tant que personne ayant agi enposition d'autorité comme conseiller de secteur et en tant qu'organisateur, encadreur etsuperviseur du génocide. Il le condamne à la peine de mort et à la dégradation civique totaleet perpétuelle.

9. Sont déclarées établies à charge du 3ème prévenu, les infractions de :

− Association de malfaiteurs, car les personnes qu'il prétend avoir secourues lors del'attaque le mettent en cause, de même que ses propres témoins à décharge.

− Complicité d'assassinat, car les victimes ont été tuées par des gens qui étaient dans lemême groupe que lui, et il était responsable du parti MRND au niveau de la cellule

− Violation de domicile, car le prévenu et les gens de son groupe s’introduisaient dans lesmaisons pour en déloger les victimes.

− Pillage et destruction, car ces actes ont été commis publiquement par le groupe dont ilfaisait partie au moment du génocide.

10. Les infractions retenues à charge du 3ème prévenu ont été commises alors qu'il étaitresponsable du parti politique MRND au niveau de la cellule. Le Tribunal le range enpremière catégorie en tant que personne ayant agi en position d'autorité au sein d'un partipolitique au niveau de la cellule. Il est condamné à la peine de mort et à la dégradationcivique totale et perpétuelle.

11. Les aveux du 4ème et du 6ème prévenus qui ont recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyerde culpabilité avant les poursuites, sont acceptés. En dépit des réquisitions du Ministère Public visant le classement du 4ème prévenu enpremière catégorie en tant que tueur de grand renom, il est fait droit aux arguments de ladéfense selon laquelle les aveux d’un prévenu n’impliquent pas nécessairement lareconnaissance de la catégorisation proposée par le Ministère Public et l’acceptation de lapeine requise. Les nombreux témoignages à charge de ce prévenu ne peuvent suffire à lequalifier de tueur de grand renom, aucun élément n’indiquant qu’il se serait « caractérisé parun zèle ou une méchanceté particulière par rapport à ses coauteurs ».

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Les deux prévenus sont rangés dans la deuxième catégorie et en application des réductionsde peines prévues à l'article 15 de la Loi organique du 30 août 1996, ils sont condamnéschacun à 10 ans d'emprisonnement et à la dégradation civique limitée telle que prévue àl'article 66, 2°, 3° et 5° du Code pénal.

12. En dépit du fait qu’ils plaident non coupable, les infractions d'association de malfaiteurs,d’assassinat, de violation de domicile, de pillage et de destruction sont établies à charge des10ème, 12ème, 14ème et 16ème prévenus, car ils sont mis en cause par ceux qui, parmi leurs co-prévenus, ont recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité Ils sont rangés endeuxième catégorie et sont condamnés à l'emprisonnement à perpétuité ainsi qu'à ladégradation civique totale et perpétuelle.

13. En application de l'article 11 de la Loi organique du 30 août 1996, et nonobstant lesréquisitions contraires du Ministère Public, tout prévenu peut recourir à la procédure d'aveutant que son audition n'est pas close; le bénéfice de la procédure d'aveu et de plaidoyer deculpabilité présentée après poursuites est accordé aux 7ème, 8ème, 11ème, 15ème et 17ème

prévenus, qui avouent pour la première fois à l’audience et au 5ème prévenu qui a avouédevant le Tribunal, après avoir tenté de rétracter des aveux qu’il avait faits devant leMinistère Public . Ils sont rangés en deuxième catégorie et, en application des réductions depeines prévues à l'article 16 de la Loi organique du 30 août 1996, sont condamnés chacun à12 ans de prison et à la dégradation civique limitée telle que prévue à l'article 66, 2°, 3°, 5°,du Code pénal.

14. Seule l'infraction d'assassinat est établie à charge du 18ème prévenu. Il est rangé en deuxièmecatégorie. Mais pour avoir été contraint à la participation criminelle par ses coauteurs qui luiont donné un coup de machette pour l'obliger à tuer, il doit bénéficier de la clémence duTribunal. En raison de cette circonstance atténuante, il est condamné à 2 ansd'emprisonnement.

15. Doivent être écartés comme non probants les témoignages des personnes qui mettent encause le 9ème prévenu qui a toujours nié les faits, car il apparaît que leurs auteurs sont muspar la vengeance, le prévenu ayant tenté de les empêcher de tuer.

En l'absence de preuves du Ministère Public, et au regard des témoignages qui attestent de ceque ce prévenu a souvent intercédé, en vain, en faveur des personnes qui allaient être tuées,le Tribunal le reconnaît innocent et l'acquitte de l'ensemble des préventions à sa charge.

(NDLR: Par arrêt en date du 09/12/1997 la Cour d’appel de Kigali a déclaré irrecevablel’appel des prévenus et confirmé ce jugement).

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(Traduction libre)1er feuillet.

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DEBYUMBA, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMESCONTRE L’HUMANITE, A RENDU CE 02/05/1997 LE JUGEMENT DONT LATENEUR SUIT :

EN CAUSE :LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1- KANYABUGANDE François, fils de RWABUZISONI et GATO Alvère, né dans la celluleUMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, âgé de 40 ans, marié à GATOAnnonciata, possédant une propriété foncière, sans antécédents judiciaires connus,actuellement en détention préventive.

2- KAREKEZI Augustin, fils de KANGABO et NYIRAMAKUMI Daphrose , né en 1935 à

AKURUSIZI, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,République Rwandaise, y résidant, veuf, père de six enfants, de nationalité rwandaise,ancien conseiller du secteur GAKENKE, sans biens ni antécédents judiciaires connus,actuellement en détention préventive.

3- NSENGIYUMVA Abdu, fils de MPOGOMA Isidore et NYIRAMILIMA Astérie, né en

1964 à GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA , République Rwandaise,sans biens ni antécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive.

4- MUHOZI Samuel, fils de MPOGOMA et KANKINDI né en 1963 dans la cellule

UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA ,République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, père d’un enfant, cultivateur,sans biens ni antécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive.

5- NYILINKWAYA Pierre Damien alias Flèche, fils de GAKWAYA et KANZAYISA, né en

1960 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfectureUMUTARA, République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, père de 4 enfants,possédant une propriété foncière et une plantation d’eucalyptus, sans antécédents judiciairesconnus, actuellement en détention préventive.

6- RWAMAKUBA Hamada, fils de GAHILIMA et NYIRABAGENZI, né en 1960 dans la

cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié, père de deux enfants,cultivateur, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive.

7- MAKUZA Jean Damascène, fils de NGURUBE et KABAGWIRA, né en 1968 dans la

cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,République Rwandaise, père d’un enfant, de nationalité rwandaise, cultivateur, possédantune propriété foncière, actuellement en détention préventive.

2ème feuillet.

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8- GACACA Jérémie, fils de BINUGWA et NYIRAMPOGOMA, né en 1955 dans la celluleUMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,République Rwandaise, y résidant, marié, père de 8 enfants, de nationalité rwandaise,cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus, actuellement en détentionpréventive.

9- NTUYEHE Simon, fils de GATEGABONDO et NYIRAMASENGESHO, né en 1954 àKAWANGIRE, commune RUKARA, préfecture UMUTARA, résidant dans la celluleUMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA, denationalité rwandaise, marié à MUKANDANGA, père de 3 enfants, commerçant, possédantune maison et une propriété foncière, sans antécédents judiciaires connus, actuellement endétention préventive.

10- MUGABUSHAKA Jean Bosco, fils de RUKINGA Pierre et de MUKABAKUNDA Hélène,né en 1970 dans la cellule UMUREHE, commune GAKENKE, préfecture UMUTARA,République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à UWIZEYE Vestine,père d’un enfant, cultivateur, possédant une propriété foncière, sans antécédents judiciairesconnus, actuellement en détention préventive.

11- KARANGWA Jean, fils de GAKWAYA Cyprien et de KANSAYIZA Daphrose, né en1954 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfectureUMUTARA, République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié àMUKAKARANGWA Marie Jeanne, père de 6 enfants, cultivateur, possédant une propriétéfoncière, actuellement en détention préventive.

12- RUKESHA Obed, fils de GAHENE et MUKANDANGA Thérésie, né en 1968 dans lacellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,République Rwandaise, y résidant, marié à MUKAGAFURAMA Marianne, père d’unenfant, de nationalité rwandaise, cultivateur, possédant une propriété foncière, sansantécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive

13- NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney, fils de SEMBWA André et KAGAJU P., né en1964 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfectureUMUTARA, en République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié àMUKARUBAYIZA Bélancille, père de 4 enfants, cultivateur, possédant une propriétéfoncière, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive.

14- NTUYEMBARUSHA Jean Claude, fils de GAKWAVU Tharcisse et NIBAGWIREConsolée, né en 1968 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, communeMURAMBI, préfecture UMUTARA, République rwandaise, y résidant, de nationalitérwandaise, marié à MUKAGASANA Daphrose, père de 3 enfants, cultivateur, possédant unepropriété foncière et une maison, sans antécédents judiciaires connus, actuellement endétention préventive.

15- MUNYABUGINGO Augustin, fils de BINEGURO et de NYIRAMAREMBO, né en 1956dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfectureUMUTARA, République Rwandaise, y résidant, marié à MANIRAGUHA, père de 6 enfants,cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus, en détention préventive.

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3ème feuillet.

16- MBONABUCYA Cyprien, fils de GAKINGA et de NYIRABUHIHI, né en 1943 dans lacellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à MUKANGARAMBE,père de 9 enfants, cultivateur, possédant une bananeraie, un champ de caféiers et uneplantation d’eucalyptus, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en détentionpréventive.

17- HAVUGIMANA Jean Bosco, fils de GATARAYIHA et NIWEMUGORE, né en 1965 dansla cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à UWIMANA, père de 3enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus, actuellement en détentionpréventive.

18- KAGINA Félicien, fils de SEMBWA André et KAGAJU Thérèse, né en 1953 dans lacellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à UWIMANA Marcienne,cultivateur, possédant une propriété foncière, sans antécédents judiciaires connus,actuellement en détention préventive.

PREVENTIONS :

A) A charge de KANYABUGANDE François.

Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfectureUMUTARA, République Rwandaise, entre le 1er octobre 1990 et le 11 avril 1994, étantresponsable de la cellule UMUREHE, commis le crime de génocide, infraction prévue par laConvention internationale du 9 décembre 1948 relative à la prévention et la répression du crimede génocide, la Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnesciviles en temps de guerre et les Protocoles Additionnels et la Convention du 26 novembre 1968sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé, dirigé et supervisé un groupe demalfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi et les autres adversaires politiques au MRNDet à la CDR, infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loiorganique n° 08/96 du 30/8/1996, et les articles 281 et 282 du Code pénal rwandais.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, dirigé les expéditions meurtrières quiont coûté la vie à GATERA Claver, BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKULIYINDA,BAZIGAGA Thérésie, NZEYIMANA, les membres de la famille NJONGO, la sœur deSANKARA Aloys nommée UWIMANA, 6 fils de GATERA Claver qui se cachaient avec leurmère SUMWIZA Philomène, KAYIRANGA, et HABIMANA, infraction prévue et réprimée parles articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi organique supra-citée, et l’article 312 du Codepénal rwandais livre II. Avoir détenu illégalement un fusil, infraction prévue et réprimée par le Décret-loi n° 12/79 du 07mai 1979. Avoir, portant ce fusil, érigé une barrière à RUBILI où il a placé ses hommes pour intercepter les

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gens qu’il qualifiait de complices des INKOTANYI,

4ème feuillet.

infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi organique ci-hautcitée, et l’article 217 du Code pénal rwandais. Avoir tenté d’assassiner les nommés Charles, NTAGANZWA Yahaya et MUNYANEZASelemani sur lesquels il a tiré en les qualifiant de complices des INKOTANYI mais n’a pas pules atteindre suite aux circonstances indépendantes de sa volonté, infraction prévue et répriméepar l’article 2 de la Loi organique précitée, et les articles 21, 22 et 312 du Code pénal. Avoir mené deux attaques chez GATERA Claver entre les mois d’octobre 1990 et décembre1992 et y avoir commis des vols avec violences et menaces en traitant l’intéressé d'Inkotanyi,infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 4 de la Loi organique sus-citée, et l’article401 du Code pénal rwandais. Avoir, en compagnie de ses acolytes, en avril 1994, commis des actes de pillages et dedestructions, et mangé le bétail des victimes tuées, infraction prévue et réprimée par l’article 2catégorie 4 de la Loi organique sus-citée, et les articles 168 alinéa 1 et 444 du Code pénalrwandais. S’être abstenu de porter secours aux personnes menacées de mort alors qu’il en était capable etqu’il était chargé de leur sécurité, infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 2 et14(b) de la Loi organique sus-citée, et l’article 256 alinéa 1 du Code pénal rwandais. S’être introduit, hors les cas où la loi le permet, aux domiciles d’autrui, infraction prévue etréprimée par l’article 2 catégorie 3 de la Loi organique sus-citée, et l’article 304 du Code pénalrwandais.

B) A charge de KAREKEZI Augustin.

Avoir, dans le secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture d’UMUTARA,République Rwandaise, en avril 1994, étant conseiller du secteur GAKENKE, commis le crimede génocide, infraction prévue et réprimée par la Convention internationale du 9 décembre 1948sur la répression du crime de génocide, la Convention internationale de Genève du 12 août 1949sur la protection des personnes civiles en temps de guerre et les Protocoles Additionnels, ainsique la Convention internationale du 26 novembre 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes deguerre et des crimes contre l’humanité.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, organisé, encadré et mis à exécution lesactes de génocide en tenant des réunions des responsables des cellules de son ressort auxquels ila demandé de lui remettre les listes des victimes à tuer, infraction prévue et réprimée par l’article2 catégorie 1(a et b) et 14(a) de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, et par l’article 312 duCode pénal rwandais.

5ème feuillet.

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Avoir détenu illégalement un fusil, infraction prévue et réprimée par le Décret loi n° 12/79 du 7mai 1979.

S’être abstenu de porter secours aux personnes menacées de mort alors qu’il en était capable etqu’il était chargé de leur sécurité, infraction prévue les articles 2 alinéa 3 et 14 b de la Loiorganique sus-citée et par l’article 256 du Code pénal rwandais.

C) A charge de NSENGIYUMVA Abdu

Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfectured’UMUTARA, République Rwandaise, en avril 1994, étant le président du MRND au niveau dela cellule UMUREHE, commis le crime de génocide, infraction prévue par les Conventionsinternationales citées plus haut.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, fait partie d’une association desmalfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux personnes et à leurs propriétés, infractionprévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi organique supracitée, et parles articles 281 et 282 du Code pénal rwandais.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur ou complice , assassinéles nommés GATERA Claver, BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKULIKIYINDA,BAZIGAGA Thérèsie, NZEYIMANA , les membres de la famille Pie NJONGO, la soeur deSANKARA nommée UWIMANA, 6 fils de GATERA Claver, KAYIRANGA et HABIMANAen raison de leur ethnie, infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) dela Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 312 du Code pénal rwandais.

S’être, comme auteur ou complice, et hors les cas où la loi le permet, introduit dans les domicilesd’autrui contre leur gré dans l’intention de tuer; infraction prévue et réprimée par l’article 2catégorie 3 de la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 304 du Codepénal rwandais.

D) A charge de MUHOZI Samuel

Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, Préfectured’UMUTARA, République Rwandaise , au cours du mois d’avril 1994, commis le crime degénocide, infraction prévue par les Conventions internationales citées plus haut.

S’être distingué dans le milieu où il résidait et partout où il est passé à cause du zèle et de laméchanceté qui l’ont caractérisé dans les tueries, infraction prévue et réprimée par

6ème feuillet.

les articles 2 catégorie 1(c) et 14(a) de la Loi organique précitée, et par l’article 312 du Codepénal rwandais.

S’être, comme auteur ou complice, et hors les cas où la loi le permet, introduit dans les domicilesd’autrui contre la volonté des occupants avec l’intention de tuer et piller, infraction prévue etréprimée par l’article 2 catégorie 3 de la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et

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304 du Code pénal rwandais.

Avoir, comme auteur ou complice, commis des actes de pillage et de destruction et mangé lebétail appartenant aux victimes tuées. Infraction prévue par l’article 2 catégorie 4 de la Loiorganique précitée, et par les articles 89, 90, 91,168 al.1 et 444 du Code pénal rwandais.

E) A charge de : 1. NYILINKWAYA Pierre Damien alias FLECHE

2. RWAMAKUBA Hamada3. MAKUZA Jean Damascène4. GACACA Jérémie5. NTUYEHE Simon6. MUGABUSHAKA Jean Bosco7. KARANGWA Jean8. RUKESHA Obed9. NTIVUGURUZWA J.M.Vianney10. NTUYEMBARUSHA Jean Claude11. MUNYABUGINGO Augustin12. MBONABUCYA Cyprien13. HAVUGIMANA Jean Bosco14. KAGINA Félicien :

Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfectured’UMUTARA, République Rwandaise, comme auteurs ou complices :

- commis le crime de génocide, infraction prévue et réprimée par les Conventionsinternationales ci-haut citées.

- créé une association de malfaiteurs dans le but d’exterminer les Tutsi et d’autres personnesopposées au MRND – CDR, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90, 91, 281 et282 du 89, 90, 91 et 311 du Code pénal rwandais.

- assassiné les personnes précitées à cause de leur appartenance ethnique, infraction prévue etréprimée par les articles 2 catégorie 2 et 14(b) de la Loi organique précitée, et par les articles89, 90, 91 et 311 du Code pénal.

- Etre entrés illégalement dans les domiciles d’autrui contre la volonté des occupants avecl’intention de tuer et de piller, infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 3 de la Loiorganique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 304 du Code pénal.

- Avoir volé et tué le bétail de leurs victimes, fait prévu par la Loi organique précitée en sonarticle 2 catégorie 4, prévu et puni également par les articles 89, 90, 91, 168 alinéa 1 et 444 duCode pénal.

7ème feuillet.

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Le Tribunal,

Attendu que les enquêtes préliminaires terminées, le Ministère Public a transmis le dossier auTribunal en date du 04/12/1996 pour fixation, que ce dossier a été inscrit au rôle sous len°RP003/I/C.SP/96/BY ;

Vu l’ordonnance du Président de la Chambre Spécialisée du Tribunal de 1ère Instance deBYUMBA du 27/12/1996 fixant la date d’audience au 08/01/1997 à 8 heures du matin ;

Attendu qu’aux jour et heure indiqués, KANYABUGANDE François comparait assurantpersonnellement sa défense ;

Attendu que KANYABUGANDE François reconnaît comme sienne l’identité qui lui est lue parle greffier mais plaide non coupable de toutes les infractions ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public précise que d’autres personnes ayant participé avecKANYABUGANDE François à la perpétration des infractions poursuivies s’étaient exilées maisviennent de rentrer, qu’il estime mieux de joindre leur dossier et celui de KANYABUGANDEFrançois et demande au Tribunal de surseoir à statuer sur le fond de la présente affaire pourpermettre au Ministère Public de faire une enquête rapide et approfondie ;

Attendu que KANYABUGANDE François dit qu’à son avis l’audience devrait continuer car ilne sait pas si d’autres personnes seront impliquées dans cette affaire ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public indique que d’autres infractions ont été constatées,qu’il demande qu’elles puissent être examinées dans ce dossier et que les parties civiles aient lapossibilité de comparaître ;

Attendu que KANYABUGANDE François dit que le Ministère Public peut faire les enquêtesnécessaires pour qu’à son tour il puisse connaître l’identité de ces personnes ainsi que les faitsqu’elles vont mettre à sa charge ;

Attendu que l’audience est reportée pour permettre au Ministère Public d’approfondir lesenquêtes, qu’elle aura lieu lorsque ces enquêtes seront terminées ;

Attendu que le Ministère Public a transmis en date du 06/02/1997 à la Chambre Spécialisée unenote de versement des dossiers portant les numéros RMP 11513, 11527, 11301. 11414, 11324,11413, 11525, 11515, 11516, 11526, 11521, 11522, 11523, 11529, 11518 et11517/S3/CT/KBdans celui portant le n°10529/S3/ND/KB à charge de KANYABUGANDE François ;

Attendu qu’après la clôture des enquêtes sollicitées par lui, le Ministère Public a porté unenouvelle action devant le Tribunal par sa lettre n°1/0063 du 17/02/1997 ;Attendu qu’aucune nouvelle inscription au rôle n’a eu lieu et que le n°RP003/1/C.SP/96/BY aété seul maintenu ;

Attendu que les prévenus ont été régulièrement cités à comparaître en date du 09/04/1997 à 8heures du matin ;Attendu que les prévenus comparaissent au jour et à l’heure indiqués, KANYABUGANDEFrançois, KAREKEZI Augustin, MUHOZI Samuel et NSENGIYUMVA Abdu étant assistés par

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Maître Luc WALLEYN tel qu’attesté par l’autorisation de plaider n°1314/06.25 qui lui a étédélivrée en date du 08/04/1997 par le Ministre de la Justice, les autres prévenus étant assistés parBIMENYIMANA André, tandis que les parties civiles sont représentées par Maître JosetteKADJI, en présence de l’Officier du ministère Public MUSUHUKE François ;

8ème feuillet.

Attendu que KANYABUGANDE reconnaît comme sienne l’identité telle que lue par le greffier,que KAREKEZI Augustin relève qu’on a omis de mentionner les biens qu’il possède à savoir unbois de 5 ha, une plantation de caféiers, une bananeraie de 60 ares, un champ cultivable de 2ha,une maison au centre commercial de KIRAMURUZI et qu’il est père de 4 enfants, queNSENGIYUMVA fait observer qu’il a été omis dans son identité le fait qu’il est marié àMUKARUSAGARA et père de 3 enfants et qu’il possède 3 boisements sis à l’endroit où ilhabite, que MUHOZI Samuel dit quant à lui qu’il possède un bois et une bananeraie, queRWAMAKUBA Hamada reconnaît son identité mais précise qu’il est aussi marié, queGACACA Jérémie reconnaît que son identité telle que lue par le greffier est exacte mais ajoutequ’il est marié à NYIRANEZA E, que MAKUZA Jean Damascène reconnaît comme exacte sonidentité mais dit qu’il faut mentionner qu’il est marié à NIYONSABA Joséphine, queNTUYEHE Simon reconnaît que son identité est exacte mais dit qu’il n’est plus commerçant,que MUGABUSHAKA Jean Bosco, NTUYEMBARUSHA, NTIVUGURUZWA JMV,KARANGWA Jean Baptiste et RUKESHA Obed reconnaissent comme exacte chacun en ce quile concerne, l’identité lue par le greffier, que MUNYABUGINGO Augustin reconnaît commeexacte son identité ajoutant cependant qu’il possède une maison couverte de tôles et unebananeraie, que MBONABUCYA Cyprien, HAVUGIMANA Jean Bosco, KAGINA Félicien etNYILINKWAYA Pierre reconnaissent eux aussi comme exacte l’identité lue ;

Attendu que HABIMANA Aloys, fils de MAYIRA et MUKANGIRENTE, né en 1969 àKANOMBE, commune KANOMBE, préfecture de KIGALI NGALI, interprète de Maître LucWALLEYN , prête serment de remplir sa mission en honneur et conscience ;

Attendu que Maître BIMENYIMANA André déclare qu’il assiste les quatorze prévenusrestants ;

Attendu que Maître WALLEYN, ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit qu’il a demandéau Ministre de la Justice l’autorisation de plaider à BYUMBA mais qu’une erreur s’est glisséedans la réponse, qu’il se demande si celle-ci ne peut pas constituer un motif de remised’audience ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit avoir adresséau Ministre de la Justice en date du 2/4/1997 une lettre qui est parvenue dans ses bureaux le04/04/1997, que le délai de l’autorisation a commencé à courir à partir du 08/04/1997, date àlaquelle il a reçu la réponse à sa lettre ;Attendu que Maître WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète déclare qu’il avaitmandat d’assister 4 prévenus mais qu’il a constaté que des contradictions ressortent de leursmoyens de défense, qu’il ne peut pas assurer la défense des prévenus ayant des conflitsd’intérêt ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit queKANYABUGANDE est victime d’une certaine injustice, que MUHOZI Samuel avoue les faitsmis à sa charge et charge KANYABUGANDE, que la déontologie professionnelle interdit

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d’assister des personnes ayant des conflits d’intérêts ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit qu’il vaassister MUHOZI Samuel et qu’il va se charger de chercher un autre avocat pour assisterKANYABUGANDE et les autres qui ne sont pas assistés ;

Attendu que KANYABUGANDE François déclare qu’il ne peut plaider sans être assisté par undéfenseur, mais qu’il pourrait plaider pour éviter de retarder le procès ;

Attendu que BIMENYIMANA André dit qu’il ne peut pas lui aussi assister KANYABUGANDEFrançois et ses coaccusés sous peine de violer la déontologie professionnelle, et qu’il y a lieu deleur chercher un autre avocat ;

Attendu que SIBOMANA Modeste, fils de KARERA Simon et de NYIRAMBYUKO D., né àRUTONDE, commune RUTONDE, préfecture KIBUNGO prête serment d’accomplir samission en honneur et conscience en servant d’interprète à Maître KADJI Josette, avocat desparties civiles ;

Attendu que Maître KADJI Josette, ayant SIBOMANA Modeste pour interprète déclare que laliste des parties civiles n’est pas complète puisqu’il y a d’autres qu’elle n’a pas pu joindre,qu’elle demande le report d’audience en vue de permettre aux parties civiles constituées dechercher les pièces administratives requises pour soutenir leur action ;

9ème feuillet.

Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA Modeste déclare queseules 3 parties civiles ont été assignées et que les autres ont spontanément comparu, qued’autres enfin l’ont contactée après cette comparution et que c’est à ce moment qu’il leur adonné les formulaires à remplir, qu’elle demande que l’affaire soit renvoyée à une autre date,soulignant que les parties civiles ne sont pas instruites sur la procédure judiciaire ;

Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA Modeste dit qu’ellesouhaite d’abord obtenir les attestations à délivrer par l’autorité communale, que même lesparties civiles qu’elle devait représenter en ce jour n’en ont pas encore obtenu ;Attendu que Maître BIMENYIMANA André dit qu’il assiste les prévenus qui avouent etplaident coupables ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public demande que les prévenus qui plaident non coupablesoient invités à sortir de la salle d’audience au moment où ceux qui plaident coupable vont êtreentendus ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il n’estpas de l’avis du Ministère Public, car même les prévenus qui n’avouent pas doivent suivre lesdébats en audience et être informés des faits dont leurs co-prévenus les accusent pour pouvoirprésenter leurs moyens de défense le moment venu ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que l’objection de Maître WALLEYN n’est pasfondée car les prévenus qui avouent devront, le moment venu, être appelés à la barre pour

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témoigner à charge des prévenus qui plaident non coupable ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il necomprend pas pourquoi les prévenus qui plaident non coupable ne pourraient pas suivre lesdébats en audience sur l’affaire à leur charge ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les prévenus qui plaident coupable mettent encause ceux qui plaident non coupable, que c’est le motif pour lequel il estime que ces derniers nedoivent pas assister à l’audition de leurs co-prévenus, qu’il demande au Tribunal de prendre unedécision à ce sujet ;

Attendu que le représentant du Ministère Public dit que de tous les prévenus qui ont recouru à laprocédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, seuls MUHOZI Samuel, RWAMAKUBAHamada, MUNYABUGINGO Augustin et HAVUGIMANA Jean Bosco ont maintenu leursaveux que le Tribunal est appelé à examiner ;

Attendu que le Ministère Public dit que ces prévenus doivent être rangés dans la deuxièmecatégorie en vertu de la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 au vu de leurs aveux et plaidoyerde culpabilité, qu’il requiert la peine d’emprisonnement à perpétuité à charge de MUHOZISamuel au motif qu’il a été un tueur de renom, 15 ans d’emprisonnement à charge des autresainsi que la dégradation civique de chacun d’eux, de même que la condamnation au paiement desfrais de justice, les parties civiles pouvant se constituer ;

Attendu que MUHOZI Samuel dit qu’il plaide coupable comme il l’a fait devant le MinistèrePublic ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN, avocat de MUHOZI Samuel, ayant pour interprèteHABIMANA Aloys, dit qu’il existe une différence entre les faits infractionnels que son clientavoue et ceux dont parle le Ministère Public qui range l’intéressé dans la première catégorie, quele prévenu désapprouve la peine requise à son encontre par le Ministère Public, qu’il devrait êtrerangé dans la deuxième catégorie pour les deux motifs suivants : 1°. Il ne suffit pas de dire queson client est un tueur de renom, il faut en produire les preuves, et 2°, il a participé à deuxmeurtres et ce, faisant partie d’un groupe d’autres meurtriers, il doit être rangé dans la mêmecatégorie que les autres qui plaident coupables ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit que même aucas où MUHOZI Samuel aurait été un tueur de renom, il ne devrait pas être fait application del'article 5 al.3 mais plutôt de l'art. 9 al.2 qui dispose que la personne qui a recouru à la procédured’aveu et de plaidoyer de culpabilité avant la publication de son nom sur liste de la premièrecatégorie et dont les aveux sont sincères, doit être rangé dans la deuxième catégorie,

10ème feuillet.

qu’il ne devrait pas encourir la peine d’emprisonnement à perpétuité mais plutôt la peine de 12 à15 ans d’emprisonnement, qu’il ajoute par ailleurs qu’il devrait être fait application de l’article15 au lieu de l’article 16 car son client a spontanément avoué l’infraction avant toute poursuitequand il s’est livré lui-même à la gendarmerie en date du 26/12/1996, que ses déclarations du20/01/1997 ne sont appuyées par aucune preuve à part les faits qu’il avait avoués, qu’il a recouruà cette procédure depuis le début jusqu'à ce jour pour pouvoir bénéficier de l’avantage de ne pas

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être condamné à la peine de mort, qu’il doit être condamné à la peine prévue par l’article 15 (a) àsavoir 7 à 11 ans d’emprisonnement ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN, avocat de MUHOZI Samuel ayant HABIMANA Aloyspour interprète, demande au Tribunal de condamner son client à une peine réduite au motif qu’iln’a pas fait d’études, est jeune et a exécuté les ordres reçus des autorités, qu’il a rendu visite àl’intéressé en prison où il a constaté qu’il regrettait profondément ses crimes et était tellementtraumatisé qu’il n’a pas su lui dire l’âge de son enfant, qu’il poursuit en implorant la mansuétudedes juges, en leur demandant de tenir compte des excuses que MUHOZI continue à présenter etde lui appliquer une peine qui peut lui permettre de dédommager les victimes de ses actes ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public déclare qu’il n’est pas d’accord avec Maître LucWALLEYN, Conseil de MUHOZI, quand il dit que son client ne peut pas être rangé dans lapremière catégorie mais plutôt dans la deuxième, qu’en application de la Loi organique, ce sontses actes qui le rangent dans la première catégorie, lesquels actes sont rapportés par les témoins àsa charge et ont fait de lui un tueur de renom dans la région où il habitait, qu’il s’est renducélèbre par le zèle qui l’a caractérisé dans les tueries qu’il a perpétrées partout où il est passé,ceci étant par ailleurs attesté par les témoins à sa charge dont le nombre s’élève à plus de 13 etdont les déclarations sont consignées dans les procès-verbaux cotés 7, 14, 24, 34, 45, 66, 69,115, 138, 195, 197 et 227 dans le dossier, qu’ainsi l’avis selon lequel MUHOZI doit être rangédans la première catégorie est fondé sur ses actes, qu’il n’est pas exact de dire que l’article 9 n’apas été observé car ses actes le rangent dans la première catégorie mais que, suite à son recoursà la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité avant la publication de son nom sur la listedes personnes de la première catégorie, il a été rangé dans la deuxième catégorie, que leministère Public estime non fondée l’application de l’article 15 au lieu de l’article 16 telqu’invoqué par Maître Luc WALLEYN car il est faux de prétendre que MUHOZI a avoué deson propre gré étant donné qu’il était recherché quand il s’est livré à la brigade à son retourd’exil ;

Attendu que Maître Josette KADJI, avocat des parties civiles ayant pour interprète SIBOMANAModeste, demande au Tribunal d’appeler les témoins à charge à la barre pour qu’ils puissentappuyer le Ministère Public par leurs témoignages ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys, dit qu’il ne voitpas pourquoi SUMWIZA Philomène doit être interrogée comme témoin à charge dès lors queMUHOZI Samuel a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, qu’il ne peut yavoir de déposition de témoins en pareilles circonstances et que la partie civile ne doit rienréclamer ;

Attendu que l’audience est suspendue à 13 heures pour prendre un repos, qu’elle se poursuit à 14heures ;Attendu que RWAMAKUBA Hamada dit qu’il a avoué sans contrainte les faits qui lui sontreprochés et qu’il maintient ses aveux ;

Attendu que Maître BIMENYIMANA André, Conseil de RWAMAKUBA Hamada, dit que sonclient a effectivement avoué les infractions pour faciliter la tâche à la justice, que cela constitueun repentir et une façon de présenter des excuses aux victimes de ses actes, que l’intéressé estjeune et a été entraîné dans les crimes comme l’ont été beaucoup d’habitants de ce pays, queRWAMAKUBA Hamada est prêt à réparer les dommages qu’il a causés et à entretenir de bonnes

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relations avec ceux qui ont subi un préjudice résultant de ses actes, que c’est pour cette raisonqu’il insiste pour implorer la clémence du Tribunal, cette clémence pouvant se fonder sur descirconstances atténuantes consistant en ce que RWAMAKUBA Hamada a fait preuve d’unebonne conduite depuis sa naissance jusqu’au jour où il fut entraîné dans les crimes, qu’il n’a pasd’antécédents judiciaires, qu’il n’a pas pu résister aux ordres émanant de mauvais dirigeants quil’ont contraint à prendre part à des actes criminels, qu’ainsi le Tribunal peut faire preuve deperspicacité et de clémence dans la fixation de la peine, qu’il continue en disant queRWAMAKUBA Hamada et ses coaccusés sont des jeunes gens constituant les forces vives dupays et qu’à cet égard, ils ne faudrait pas qu’ils continuent à croupir en prison où ils doivent êtrenourris au lieu de reconstruire le pays dans ces mauvais moments où il a besoin de tous sescitoyens qui doivent resserrer les coudes pour que le Rwanda recouvre son image d'antan ;

11ème feuillet.

Attendu que MUNYABUGINGO dit qu’il continue à avouer les infractions à sa charge comme ill’a fait auparavant sans contrainte et qu’il présente ses excuses ;

Attendu que Maître BIMENYIMANA André, Conseil de MUNYABUGINGO, dit qu’ildemande au Tribunal, comme il l’a fait pour le cas de RWAMAKUBA Hamada, de faire preuvede mansuétude et de prononcer une peine réduite ;

Attendu que HAVUGIMANA dit qu’il maintient ses aveux tels que faits antérieurement sanscontrainte ;

Attendu que Maître BIMENYIMANA André, Conseil de HAVUGIMANA, implore la clémencedu Tribunal à l’égard de HAVUGIMANA pour qu’il puisse travailler pour le pays ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys, dit qu’il est prêtà assister n’importe quel prévenu dont les intérêts ne sont pas en conflit avec ceux desprévenus qu’il a assistés le même jour, mais qu’il compte quitter le pays à la fin de la semaine etqu’il vaudrait mieux que ces prévenus sollicitent l’assistance d’autres avocats lorsqu’ils aurontobtenu l’autorisation du Ministre de la Justice dans une semaine environ ;

Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA dit qu’elle demande undélai de deux semaines pour permettre aux parties civiles de se faire délivrer les attestationsrequises car elles habitent des endroits séparés et éloignés ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que compte tenu des souhaits des avocats, il y alieu de reporter l’audience dans deux semaines ;

Attendu que l’audience est remise dans deux semaines pour permettre aux prévenus qui plaidentnon coupable de chercher des avocats pour les assister ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il a desobservations à faire sur ce qu’a dit le Ministère Public, que concernant la catégorie dans laquelleson client doit être rangé, le contenu de l’article 2 dans son point c ne se réfère point à la gravitédes faits reprochés au prévenu mais plutôt au fait que le prévenu a été qualifié de meurtrier degrand renom, que s’il en avait été ainsi pour son client MUHOZI, celui-ci n’aurait pas étéchargé par 13 personnes seulement, mais par plus d’une centaine de personnes de sa région, de

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sa commune et voire même de tous les lieux où il est passé, que l’article 9 alinéa 2 doit êtreinterprété d’une seule façon relativement aux personnes de la première catégorie qui sontrangées dans la deuxième catégorie, que même en cas d’interprétations différentes de la loi, seulecelle qui est favorable au prévenu doit prévaloir, que relativement au recours à la procédured’aveu et de plaidoyer de culpabilité avant les poursuites, le Ministère Public allègue que sonclient était recherché avant qu’il ne se livre aux autorités habilitées mais que rien ne prouve cetteallégation car aucune pièce y relative ne figure au dossier, qu’il relève par ailleurs que le faitd’être recherché ne signifie pas être poursuivi et qu’à cet égard, il n’estime pas que son client aété poursuivi, que les lois pénales accordent aux Officiers de Police Judiciaire et Inspecteurs dePolice Judiciaire la compétence de constater et de rechercher les infractions, mais que lespoursuites relèvent de la compétence de l’Officier du Ministère Public, le parquet étant seulcompétent pour les exercer, qu’aucune pièce émanant du parquet et datée d’avant le 22/12/1997ne figure au dossier, que cela démontre que MUHOZI a avoué et présenté ses excuses avant lespoursuites ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il termineen demandant au Tribunal d’appliquer la loi et d’être clément à l’égard de son client MUHOZI,que cela constituera un signe d’encouragement aux autres prévenus à recourir à la procédured’aveu et de faciliter ainsi la tâche à la justice ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN, Conseil de MUHOZI, ayant pour interprète HABIMANAAloys explique qu’un meurtrier de grand renom doit être connu de tout le monde dans la régionoù il réside et doit avoir été caractérisé par le zèle et la méchanceté extrême avec lesquels il aperpétré les tueries, qu’il ajoute qu’il est regrettable que le législateur n’ait pas explicité ce qu’ilfaut entendre par un meurtrier de grand renom mais qu’en pareille circonstance, seulel’interprétation favorable au prévenu doit être retenue ;

12ème feuillet.

Attendu qu’à cette date l’audience est reportée au 24/04/1997 à huit heures du matin pourpermettre aux prévenus n’ayant pas d’avocats de pouvoir bénéficier d’une assistance judiciaire ;

Attendu qu’en date du 24/04/1997, l’audience reprend en présence des prévenus, de MaîtreGeorges RAYMOND qui a pour interprète RUBANGO Epimaque et assiste les personnesprécisées sur l’autorisation de plaider portant le n°1416/06.25 du 7/4/1997, ainsi que de MaîtreJosette KADJI, avocat des parties civiles ayant pour interprète NDIKUBWIMANA ;

Attendu que les interprètes prêtent serment d’accomplir leur mission en honneur et conscience ;

Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète RUBANGO Epimaque demande auTribunal de procéder à la disjonction de l’action civile au motif qu’elle ne s’est pas suffisammentpréparée ;

Attendu que KAREKEZI Augustin dit qu’il plaide non coupable de toutes les infractions qui luisont reprochées à l’exception de celle de détention d’une arme à feu ;

Attendu que KANYABUGANDE François, NSENGIYUMVA Abdu, MAKUZA, NTUYEHE,MUGABUSHAKA, KARANGWA Jean, RUKESHA Obed, NTIVUGURUZWA,NTUYEMBARUSHA, MBONABUCYA et KAGINA Félicien plaident non coupable tandis que

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GACACA Jérémie plaide coupable ;

Attendu que GACACA Jérémie dit qu’il a nié les faits en date du 09/04/1997 parce qu’il croyaitque son avocat allait venir avant la date d’audience de façon qu’ils puissent étudier le dossierensemble, que lui et ses co-prévenus pensaient que cet avocat pouvait leur être utile en vue d’uneéventuelle réduction de peine ;

Attendu que GACACA Jérémie dit que ce n’est pas volontairement qu’il a nié les faits à luireprochés lors de son interrogatoire par l’Officier du Ministère Public ;

Attendu que l’Officier du Ministère du Ministère Public relève que GACACA avait plaidé noncoupable lors de la dernière audience mais qu’il plaide coupable aujourd’hui, que son recours àla procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité peut être acceptée en application de l’article11 de la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 ;

Attendu que Maître Georges RAYMOND ayant pour interprète NDIKUBWIMANA dit qu’ilaccepte d’assister GACACA Jérémie et qu’il présente des excuses pour lui, qu’il demande auTribunal de ne pas considérer seulement le fait que l’intéressé a auparavant plaidé non coupablemais de faire application de l’article 15 de la Loi organique se rapportant à la procédure d’aveuet de plaidoyer de culpabilité ;

Attendu que concernant la réduction de la peine demandée par Maître Georges RAYMOND enfaveur de GACACA, l’Officier du Ministère Public dit qu’il y a lieu d’appliquer l’article 16 a)qui dispose que le prévenu qui recourt à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité aprèsles poursuites est puni de la peine d’emprisonnement de 12 à 15 ans, qu’il requiert à cet égard 15ans d’emprisonnement à charge de GACACA ;

Attendu que GACACA dit que chacun des prévenus est poursuivi individuellement pour lesinfractions qu’il a commises, qu’il n’était pas en compagnie de ses co-prévenus lors des faits ;

Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète NDIKUBWIMANA demande auTribunal d’autoriser les parties civiles à témoigner à charge des prévenus car elles sont sorties dela salle d’audience ;

Attendu que KAREKEZI dit que les aveux qu’il a faits lors de son interrogatoire lui ont étéextorqués au moyen des coups qui lui ont été administrés ;

Attendu que KANYABUGANDE François dit qu’il plaide non coupable de toutes les infractionset demande au Tribunal de procéder par chaque infraction pour qu’il puisse présenter ses moyensde défense, que concernant la première infraction d’organisation du génocide, il dit qu’il n’étaitpas en bons termes avec ceux qui l’en accusent car il a fait emprisonner celui qui a tiré, qu’il nepouvait donc pas oser aller commettre les infractions avec eux, qu’il plaide non coupable desassassinats dont il est question dans le dossier en disant que ce sont ceux qui l’en chargent quiles ont commis eux-mêmes car il n’était plus membre du parti politique MRND au moment desfaits, que le meeting dont il est question a été organisé par KAREKEZI qui était le conseiller desecteur,

13ème feuillet.

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car il avait quant à lui intégré le parti politique MDR, qu’il ne tranchait plus de litiges entre lesgens, que ceux qui l’accusent ont perdu des membres de leurs familles et s’en sont pris à luiparce qu’il était seul présent étant donné que les auteurs de ces crimes étaient en exil ;

Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il plaide non coupable de détention illégale d’arme àfeu, que le fusil dont il est question était détenu par le milicien Interahamwe du nom deMUSHIMIYIMANA Laurent et que le conseiller de secteur en était au courant, qu’il n’a pasérigé la barrière à RUBIRI car seule l’autorité communale décidait de l’endroit où il faut placerune barrière, qu’il ne pouvait donc pas s’opposer à ce que cette barrière soit érigée à cet endroitdès lors qu’il n’en était pas chargé ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité des personnes qui ont surveillé la barrière,KANYABUGANDE dit qu’il s’agit de KAGINA, NTUYEMBARUSHA, NTIVUGURUZWA,KARANGWA et d’autres, qu’il déclare ignorer les circonstances de la mort de KAYIRANGAqui a été tué par les gens qui se trouvaient à AKAMASINE ;

Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il n’a pas voulu tirer sur Yahaya et MUNYANEZASalomon qui ont été abattus par MUSHIMIYIMANA Laurent en sa présence et d’autrespersonnes, qu’il ne pouvait pas l’empêcher de le faire car il n’avait aucune autorité sur lui,l’intéressé étant sous les ordres des militaires ;

Attendu que KANYABUGANDE nie avoir mené une attaque au domicile de GATERA en letraitant de complice des INKOTANYI et dit que SUMWIZA l’en accuse faussement car il estinconcevable qu’il ait attaqué quelqu’un et que celui-ci n’ait pas fait appel à ses voisins pour lesecourir, qu’il y a lieu de demander au conseiller qui est présent si une plainte relative à cetteaccusation aurait été portée devant lui, qu’il continue en disant que ceux qui témoignent contrelui disaient à qui voulait les entendre quand ils étaient encore en exil en Tanzanie que, dès leurretour, ils impliqueraient les gens qu’ils trouveraient au Rwanda ;

Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il a sauvé les gens qu’il a pu secourir de façon qu’ilsont échappé au génocide, qu’il poursuit en disant que HABINEZA a emmené et livréSUMWIZA à ses acolytes Interahamwe pour qu’ils la tuent, que ces derniers l’ont cependantépargnée et n’ont tué que ses enfants, qu’il ignore l’identité des auteurs de ces crimes ;

Attendu que KANYABUGANDE nie avoir commis des pillages et avoir mangé le bétaild’autrui, qu’il dit qu’il en est accusé à tort ;Attendu que Maître Georges Raymond ayant pour interprété NDIKUBWIMANA, dit qu’il nepeut pas assister KANYABUGANDE, à moins que celui-ci le demande de façon expresse s’il ledésire ;

Attendu que KAREKEZI dit qu’il était malade à son arrivée et que c’est à la gendarmerie et à lacommune qu’il a rédigé les déclarations écrites que fait valoir le Parquet, que c’est suite auxcoups qui lui ont été administrés qu’il a fait ces aveux pour sauver sa vie, que ce qu’il a écrit luiétait même dicté au fur et à mesure, qu’à la question de savoir s’il dispose des pièces médicalesattestant qu’il s’est fait soigner il répond les avoir données à son avocat ;

Attendu que KAREKEZI dit qu’il réfute les témoignages à sa charge car leurs auteurs habitent

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dans le secteur UMUREHE qui est très éloigné de son domicile et dans lequel il n’est pas arrivé,que KANYABUGANDE qui était responsable de cellule peut le confirmer ;

Attendu que KAREKEZI dit qu’il n’a pas su que des personnes ont été tuées après la mort del’ex- chef de l'Etat HABYARIMANA, qu’il ne l’a appris qu’une fois en exil car, sitôt après lamort du président, un communiqué des Forces Armées interdisant toute sortie à la population aété diffusé et qu’il l’a observé en restant sur place avec ses voisins ;

Attendu que KAREKEZI dit qu’il détenait un fusil pour assurer sa sécurité et celle de lapopulation, qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas porté secours aux personnes qui étaienttuées, il répond qu’il n’était pas à la hauteur de combattre les militaires ;

Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il plaide non coupable des infractions qui lui sontreprochées, que ceux qui le chargent le font pour des motifs inavoués étant donné qu’il n’ajamais quitté son domicile, que les massacres ont été commis par KANYABUGANDE et songroupe de miliciens Interahamwe à l’exception de NTUYEHE Simon ;

Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il pense que c’est le nommé SANKARA qui le metinjustement en cause, que ZILINYINSHI et l’épouse de GATARE peuvent témoigner à sadécharge parce qu’il leur a sauvé la vie ;

Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit que BARAHIRA le charge par peur d’être poursuivicar il s’est approprié leurs biens de manière illicite et qu’il était jaloux du fait queNSENGIYUMVA avait une plus grande clientèle à l’époque où tous les deux vendaient del’essence ;

14ème feuillet.

Attendu que KAREKEZI dit qu’il ne sait pas si NSENGIYUMVA Abdu a participé auxmassacres car il n’est jamais arrivé dans la cellule UMUREHE ;

Attendu que NSENGIYUMVA dit que la famille de BUGINGO n’a jamais été en sécurité àpartir du moment où KANYABUGANDE a eu un fusil en sa possession , qu’il s’y est rendu enleur portant secours , que HAVUGIMANA dit qu’il n’a pas connaissance d’un quelconqueméfait que NSENGIYUMVA aurait commis ;

Attendu que MUHOZI Samuel dit que les déclarations de NSENGIYUMVA renferment desmensonges car il dirigeait lui aussi des expéditions meurtrières en compagnie du conseiller, queRWAMAKUBA dit que NSENGIYUMVA est victime d’injustice car il n’a aucune part deresponsabilité dans les massacres, que GACACA dit que NSENGIYUMVA est allé portersecours à la famille de BUGINGO tandis que NYILINKWAYA dit qu’il n’a pas vuNSENGIYUMVA tuer qui que ce soit à part qu’il l’a vu chez BUGINGO ;

Attendu que NSENGIYUMVA dit qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer les membres desfamilles de BUGINGO et de GATARE, qu’il y est allé pour leur porter secours car cette familleleur avait donné une vache en cadeau, qu’il est prêt à se reconnaître perdant si quelqu’un vient àaffirmer l’avoir vu commettre des pillages aux domiciles des victimes après leur assassinat oumanger leurs vaches ;

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Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il s’est réfugié en compagnie de ZIHINJISHI, quecelui-ci le charge sur l’instigation de SANKARA car ce dernier tient des réunions pour inciterses codétenus à porter des accusations;

Attendu que NSENGIYUMVA dit que le conflit qu’il a avec SANKARA vient du fait queSANKARA qui lui avait donné sa maison en location l'en a expulsé avant le terme parce qu'ilétait persécuté, qu'ils se sont tous exilés, mais que SANKARA est rentré d’exil avant lui et a faitassassiner les membres de sa famille ;

Attendu que SUMWIZA Philomène, après avoir prêté serment de dire la vérité, affirme quel’attaque qui a été menée à leur domicile était dirigée par NSENGIYUMVA qui a tué son mariGATERA Claver et qu’il n’a rien fait pour les protéger malgré qu’ils lui avaient donné unevache en cadeau ;

Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit que ce que vient de dire SUMWIZA n’a aucunfondement car si cela était vrai, sa belle-mère ZIHINJISHI n’aurait pas cherché refuge auprès delui si elle savait qu’il avait commis des crimes à leur encontre ;

Attendu que SUMWIZA dit qu’en date du 11/04/1994, NSENGIYUMVA Abdu, en provenancede chez son beau-père, est venu tuer ses enfants, qu’elle affirme disposer de témoins qui peuventconfirmer les faits ;

Attendu que SUMWIZA dit qu’elle a vu NSENGIYUMVA tuer son mari à coups de machette,que l’intéressé n’exerçait pas de fonction particulière dans la cellule sinon qu’il était le chef de lamilice Interahamwe ; Attendu que NSENGIYUMVA dit que SUMWIZA ne peut pas être rendue responsable de sesallégations car il y a des gens qui les lui dictent, qu’il n’aurait pas fui avec sa belle-mère si cequ’elle dit était vrai ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, ZIHINJISHI dit que NSENGIYUMVA a effectivementaccouru à leur secours mais qu’il faisait partie de l’expédition qui a coûté la vie à GATARE et àson mari ;

Attendu que dans sa défense, NYILINKWAYA dit qu’il n’a jamais rencontré ceux qui le mettenten cause et planifié les massacres avec eux, qu’il poursuit en disant être allé chez BUGINGOsous la contrainte de HABIYAKARE Froduald et KANYABUGANDE qu’il venait de croiser enchemin au moment où il allait pulvériser un pesticide sur ses tomates, qu’à leur arrivée sur leslieux, BUGINGO avait déjà été tué par MUHOZI et MUNYABUGINGO, ainsi queRUTAREMARA, MANIRAGUHA et HATEGEKA qui ne sont pas présents, qu’il a seulementaperçu NSENGIYUMVA mais ne l’a pas vu tuer ;

Attendu que NYILINKWAYA dit que NSENGIYUMVA le charge injustement car ils ne se sontvus que dans les circonstances qu’il vient de décrire et qu’il n’a par ailleurs pas commis d’actesde pillage ;

Attendu que Maître Georges RAYMOND, conseil de NYILINKWAYA, ayant comme interprèteNDIKUBWIMANA, demande à NYILINKWAYA s’il n’a pas de témoins à décharge, queNSENGIYUMVA dit avoir trouvé NYILINKWAYA chez BUGINGO mais qu’il n’a pasconnaissance d’un quelconque acte répréhensible sur son compte, tandis que NTUYEHE précise

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que ce qu’il peut dire sur le compte de NYILINKWAYA est que, quand le parquet l’a interrogésur la mort de BUGINGO, il a dit que l’intéressé y a pris part ;

15ème feuillet.

Attendu que l’Officier du Ministère Public demande la parole et dit qu’il voudrait réagir à lasuggestion de Maître Georges RAYMOND qui demande à NYILINKWAYA de produire destémoins à sa décharge, qu’il veut dire au Tribunal à ce sujet que des témoignages à charge duprévenu figurent aux côtes 7, 14, 26, 42, 66, 69, 78, 115, 139, 166, 167, 178, 187, 227 et 239 dudossier ;

Attendu que NYILINKWAYA dit qu’il ne connaît pas certains des témoins à sa charge, que lesaveux qu’il a faits lors de son interrogatoire lui ont été extorqués au moyen des coups qui lui ontété administrés ;

Attendu que NYILINKWAYA dit qu’il mérite d’être acquitté des préventions à sa charge, quec’est parce qu’il était dans un état critique qu’il a avoué les faits devant l’Officier du MinistèrePublic et qu’il demande au Tribunal de mener une enquête à ce sujet ;

Attendu que l’audience est suspendue pour prendre une pause et qu’elle reprend à quatorzeheures trente ;

Attendu que Maître Georges RAYMOND, Conseil des prévenus ayant pour interprèteNDIKUBWIMANA, dit qu’il y a d’autres prévenus qui veulent recourir à la procédure d’aveu etde plaidoyer de culpabilité à savoir KARANGWA Jean, MAKUZA Damien etNTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit qu’aux termes de l’article 11 de la Loi organique,les aveux et le plaidoyer de culpabilité de KARANGWA, MAKUZA et NTIVUGURUZWA nepeuvent pas être acceptés dès lors qu’il n’en ont pas formulé la demande directement après lalecture des préventions à leur charge par le greffier ;

Attendu qu’en réplique à l’intervention de l’Officier du Ministère Public, Maître RAYMONDGeorges, Conseil des prévenus ayant pour interprète NDIKUBWIMANA, dit qu’il estime queles aveux et le plaidoyer de culpabilité de ses clients peuvent être acceptés car le Tribunal n’apas encore clôturé leur interrogatoire ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit qu’en vertu de l’article 11 alinéa 2, lorsque leprévenu en fait la demande directement après la lecture des préventions à sa charge, le recours àla procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité est acceptée à l’exemple du cas de GACACA,que les concernés n’ont rien dit après la lecture des infractions à leur charge ;

Attendu que Maître Raymond Georges ayant pour interprète NDIKUBWIMANA dit que selonl’article 11 de la Loi organique, le prévenu peut présenter des aveux et plaider coupable àn’importe quelle étape de l’audience avant la clôture des débats, que le rejet par le Tribunal desaveux de ses clients peut avoir des conséquences préjudiciables au pays, qu’il demande dès lorsque leur procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité soit acceptée, que le retard mis pour yrecourir est dû au fait qu’ils n’a jamais eu d’entretien avec eux pour leur expliquer l’intérêt decette procédure, que si le Tribunal estime que l’acceptation des ces aveux est impossible sur base

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de l’article 12, il demande que l’affaire soit renvoyée à une autre date ;

Attendu que NYILINKWAYA dit qu’il a auparavant prétendu pouvoir produire des témoins à sadécharge mais que, après réflexion, il se rend compte qu’il ne peut pas en disposer, qu’il préfèredès lors avouer, que l’expédition meurtrière à laquelle il a pris part a causé la mort de GATERA,GATARE et BUGINGO, que ses coauteurs sont MUHOZI, HATEGEKA qui n’est plus en vie,KANYABUGANDE, NSENGIYUMVA et NTUYEHE Simon ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public demande à NYILINKWAYA de faire une descriptiondétaillée des faits conformément au prescrit de l’article 6 de la Loi organique ;

Attendu que Maître Georges RAYMOND, Conseil de NYILINKWAYA ayant pour interprèteNDIKUBWIMANA, dit que son client avait déjà avoué au parquet, qu’il demande au Tribunald’accepter ses aveux ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NYILINKWAYA avait présenté les aveuxmais qu’il s’est rétracté devant le Tribunal, que cela pourrait être envisagé également pour lesautres prévenus qui n’ont pas avoué devant le parquet ;

Attendu que KARANGWA dit avoir pris part en date du 07/04/1994, en compagnie deNSENGIYUMVA, à une attaque dirigée par HABIYAKARE le chef des miliciens, que lesvictimes ci-haut citées avaient déjà été tuées à son arrivée, qu’il a intercédé en faveur deZIHINJISHI, qu’il présente ses excuses pour avoir participé à cette attaque, que quand il estretourné à la maison, soucieux du sort des enfants qui s’étaient cachés à son domicile, il les y aretrouvés et qu’ils sont encore en vie ;

16ème feuillet.

Attendu que MAKUZA dit qu’il avoue avoir mangé des vaches et pillé des haricots chezKARASIRA, que les victimes NZEYIMANA et GATARE ont été tuées en sa présence parMUHOZI, RUTAREMARA, HATEGEKA et NTIRENGANYA, que sont eux qu’il a vus ;

Attendu que NTIVUGURUZWA dit qu’il reconnaît être parti en compagnie du responsable decellule en la personne de KANYABUGANDE et que, arrivés chez HABAMUNGU, ils ontconstaté que celui-ci s’était caché, qu’ils ont demandé à sa sœur où il était mais qu’elle leur arépondu qu’elle n’en savait rien, qu’ils ont dit qu’il n’y avait pas de différence entreNTIVUGURUZWA et les complices des INKOTANYI dès lors qu’il ne les aidait pas à tuer lesTutsi, qu’il a été emmené de force en compagnie de HABIYAKARE Froduald qui avait un fusilet que c’est dans ces circonstances qu’il a participé à l’attaque qui a coûté la vie à NJONGO Pie,KAMBANDA et NYAMULINDA, qu’après ces crimes qui ont été commis en date du07/04/1994 il est rentré chez lui où il est resté pendant la journée du 08/04/1994, qu’il a fui endate du 09/04/1994 vers KAWANGIRE en compagnie des personnes qui avaient trouvé refugechez lui et avec lesquelles il est rentré d’ailleurs, qu’il présente ses excuses pour avoir pris part àcette attaque mais qu’il n’a pas tué ;

Attendu que NTUYEHE Simon dit qu’il a lui aussi pris part à une expédition mais qu’il n’atoutefois tué personne, qu’il est allé au domicile de BUGINGO pour lui porter secours et qu’il asauvé des gens tels que ZIHINJISHI et SUMWIZA Philomène, que cependant ZIHINJISHI qui

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se trouve dans la salle d’audience affirme que NTUYEHE ne lui a été d’aucune utilité ;

Attendu que NTUYEHE dit qu’il a quitté son domicile suite au cri d’alarme poussé par un jeunehomme nommé Mustafa à cause d’une attaque qui était menée chez BUGINGO, qu’ils sontpartis ensemble et que GATERA avait déjà été tué quand ils sont arrivés sur les lieux, qu’il aalors intercédé auprès des tueurs en faveur de GATARE, ZIHINJISHI, le beau-frère deSUMWIZA et MUKANYILIGIRA qui étaient encore en vie, que les tueurs auxquels il s’estadressé sont NTEZIRYAYO John, NYILINKWAYA, MANIRAGABA et BAPFAKURERAmais que ceux-ci ont malgré tout tué GATARE, qu’il était en compagnie de NSENGIYUMVA,BARAHIRA, RUDASINGWA Mustafa et HABINEZA qui l’ont aidé à supplier les tueurs envue d’épargner les personnes citées ci-haut, que MUHOZI était sur les lieux et peut entémoigner, qu’il relève enfin qu’il ne figure pas sur la liste que ZIHINJISHI a établierelativement à l’identité des personnes qui ont tué les membres de sa famille, qu’il est prêt à sereconnaître perdant s’il est avéré qu’il figurait sur la dite liste ;

Attendu que SUMWIZA Philomène qui est dans la salle d’audience dit qu’elle n’a pas vuNTUYEHE à cette date où une attaque a été menée à leur domicile ;

Attendu que MUGABUSHAKA dit qu’il a entendu des cris dans la matinée du 07/04/1994, qu’ilest allé voir de quoi il s’agissait et a vu un groupe de gens dont faisaient partieKANYABUGANDE et MUHOZI, mais que NSENGIYUMVA n’a pas su quant à lui ce qu’il enétait, qu’il a constaté que c’était une attaque menée chez GATERA et que les intéressés étaienten train de rechercher son épouse, qu’il a, à son arrivée, intercédé en faveur des personnesmenacées en disant qu’elles n’ont jamais été complices des INKOTANYI, qu’ils les ont alorsenvoyées loger chez HABINEZA ;

Attendu que MUGABUSHAKA dit qu’il n’a tué personne mais qu’il avoue avoir pourchassé desgens, que c’est cette infraction qu’il estime établie à sa charge et que c’est pourquoi il enprésente ses excuses, qu’il poursuit en disant qu’il était en compagnie de RUTAREMARA,NTEZIRYAYO, MANIRAGABA, NTEZIRIZAZA, HATEGEKA et RUKESHA, qu’il n’ajamais chargé KANYABUGANDE, NYILINKWAYA, NTUYEHE et les autres dont il n’a pascité les noms plus haut ;Attendu que RUKESHA dit qu’il plaide non coupable des infractions qui lui sont reprochées cartout au long des faits, il s’était fait une foulure au moment où il se trouvait à l’endroit où étaitérigée la barrière que lui et KANYABUGANDE contrôlaient, qu’il n’a cependant pas en sapossession les ordonnances médicales qui lui ont été délivrées quand il s’est fait soigner, maisque KANYABUGANDE est au courant de son accident, qu’il poursuit en disant qu’il réfute ladéclaration de MUGABUSHAKA par laquelle il le met en cause car il n’est allé nulle part àcause de l’entorse dont il souffrait si bien que même ZIHINJISHI lui a demandé de la conduireaux Interahamwe pour qu’ils la tuent, mais qu’il lui a répondu par la négative parce qu’il étaitmalade, qu’il est prêt à accepter d’être puni si des gens viennent à l’inculper ;

Attendu que NTUYEMBARUSHA plaide non coupable des faits qui lui sont reprochés etpoursuit sa défense en disant qu’il n’a jamais pris part aux expéditions meurtrières, qu’il y a eudes cris en date du 07/04/1994 et qu’il a remarqué un va-et-vient ininterrompu de gens, quequelques instants plus tard, il a entendu des gens dire que les maisons de BUGINGO et deKARASIRA étaient en feu, que KANYABUGANDE le charge par vengeance par suite de sonrefus de surveiller la barrière, qu’il se trouvait au centre de RUBILI quand il appris tout cela, queles membres des familles de GATERA et BUGINGO ont été tués par MUHOZI qui a par ailleurs

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commis plusieurs infractions et est un voleur ;

Attendu que MBONABUCYA dit qu’il plaide non coupable des infractions qui lui sontreprochées car le génocide a commencé deux jours après sa sortie de l’hôpital deRWAMAGANA , qu’il a appris que HABYARIMANA qui était chef de l'Etat était mort et quevers 11 heures, un communiqué radiodiffusé a donné injonction à la population de rester chezelle, que c’est à ce moment qu’il a vu KANYABUGANDE et son fils commettre des tueries,que la raison qui pousse KANYABUGANDE à le mettre injustement en cause est qu’ilsn’étaient pas membres d’un même parti politique et que KANYABUGANDE le mettait souventen prison pour ce motif, qu’il poursuit en disant que les biens qui ont été retrouvés dans samaison appartenaient à KANYABUGANDE et à son fils qui les lui avaient confiés pour qu’il lesgarde pour eux ;

17ème feuillet.

Attendu que KAGINA dit que sa défense consiste en ce qu’il disposait de la bière de sorghoqu’il avait fait fermenter chez lui, qu’il n’est donc allé nulle part et n’a tué personne, qu’il n’apris part à aucune attaque, que cependant, RWAMAKUBA Hamada le charge d’avoir tuéMUHIRE et KARANGWA à KABARONDO, que dans sa défense, KAGINA dit que lesmiliciens Interahamwe l’ont trouvé à KABARONDO, l’ont traité de vaurien et lui ont donné uncoup de machette au cou, que c’est sous la contrainte qu’il a tué ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que KAGINA est mis en cause par de nombreuxtémoins d’avoir notamment, en compagnie de NTIVUGURUZWA, incendié la maison deNDAMAGE Protais et d’avoir commis beaucoup d’autres actes répréhensibles qui sontmentionnés dans le dossier ;

Attendu que KAGINA dit que tous les témoins qui le chargent le font injustement par hainesurtout qu’ils habitent dans les propriétés foncières de sa famille, qu’il n’était ni membre ducomité de cellule, ni conseiller de secteur ou une quelconque autre autorité, que RWAMAKUBAHamada le charge dans le cadre d’un complot ourdi contre sa personne et visant à ce qu’il soitmis en prison avec eux, que les rescapés du génocide savent très bien qu’il n’a pas pris part auxtueries ;

Attendu que le Ministère Public , sur base de l’article 2 de la Loi organique n°08/96 du30/8/1996, demande au Tribunal de ranger KANYABUGANDE dans la catégorie 1(b) pouravoir agi en position d’autorité au niveau de la cellule dont il était le responsable et requiert lespeines ainsi qu’il suit :

Pour l’infraction d’encadrement, incitation et supervision d’un groupe de malfaiteurs : 15 ansd’emprisonnement ;Pour l’infraction d’avoir dirigé les attaques ayant occasionné la mort des victimes : peine demort ;Pour l’infraction de détention illégale d’arme à feu : un an d’emprisonnement;Pour l’infraction d’avoir été un milicien et avoir érigé des barrières : 2 ans d’emprisonnement ;Pour l’infraction de tentative d’assassinat : peine de mort ;Pour l’infraction de vol commis à l’aide de violences ou menaces : 10 ans d’emprisonnement Pour les infractions de pillage, de destruction des biens et des animaux : 20 ansd’emprisonnement ;Pour l’infraction de non assistance à personnes en danger : 5 ans d’emprisonnement ;

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Pour l’infraction de violation du domicile : 2 ans d’emprisonnement, et en vertu de l’article 18de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, il requiert la peine de mort ;

Pour KAREKEZI Augustin, qu'il doit être rangé dans la catégorie 1 ( a et b) pour avoir étéincitateur, superviseur, encadreur du crime de génocide et avoir agi en position d’autorité en tantque conseiller de secteur. Que les peines requises à sa charge sont :

Pour les infractions d’organisation, supervision et encadrement du crime de génocide : peine demort ;Pour l’infraction de détention illégale d’arme à feu : 1 an d’emprisonnement ;Pour l’infraction de non assistance à personnes en danger : 5 ans d’emprisonnement, et, en vertude l’article 18 de la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996, il requiert la peine de mort.Pour NSENGIYUMVA Abdu, qu'il doit être rangé dans la catégorie 1(b) car il a commis lesinfractions citées plus haut en qualité de responsable du parti MRND au niveau de la cellule :

Pour l’infraction d’avoir été membre d’une association des malfaiteurs : 15 ansd’emprisonnement ;Pour l’infraction d’assassinat : peine de mort ;

18ème feuillet.

Pour l’infraction de violation de domiciles : 2 ans d’emprisonnement ;Pour les infractions de pillage , de destruction des biens et des animaux : 20 ansd’emprisonnement et, en vertu de l’article 18 de la Loi organique n° 8/96 du 30/8/96, il requiertla peine de mort.

Pour MUHOZI Samuel, qu'il doit être rangé dans la catégorie I (c) pour avoir été un meurtrierde grand renom qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou partout où il est passé à causedu zèle et de la méchanceté excessive qui l’ont caractérise dans les tueries.Pour l’infraction d’assassinat : peine mort ;Pour l’infraction d’association de malfaiteurs : 15 ans d’emprisonnement ;Pour l’infraction de violation de domiciles : 2 ans d’emprisonnement;Pour les infractions de participation criminelle, de pillage , de destruction des biens et desanimaux : 20 ans d’emprisonnement soit par cumul la peine de mort en vertu de l’article 18 de laLoi organique n° 08/96 du 30/8/96, mais, qu'en application de l’article 9 alinéa 2, il doit êtrerangé dans le 2ème catégorie car il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilitéavant que son nom soit publié sur la liste des personnes de la première catégorie et à cet égard, ilest requis la peine d’emprisonnement à perpétuité ;

A charge de :

MAKUZA, NTUYEHE, KARANGWA Jean , RUKESHA Obed, NTIVUGURUZWA Cyprien,KAGINA Félicien et NYILINKWAYA : ils doivent être rangés dans la 2ème catégorie car leursactes de participation criminelle ont causé la mort ;

Pour l’infraction d’association de malfaiteurs : 20 ans d’emprisonnement chacun ;Pour l’infraction d’assassinat : peine de mort chacun ;Pour l’infraction de violation de domiciles : 2 ans d’emprisonnement chacun ;Pour les infractions de pillage, destruction des biens et des animaux : 20 d’emprisonnementchacun et, en vertu des articles 14 (b) et 18 de la loi organique n° 08/96 du 30/8/96, il requiert la

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peine d’emprisonnement à perpétuité à charge de chacun ;

A charge de :

RWAMAKUBA Hamada, GACACA Jérémie, MUNYABUGINGO Auguste etHAVUGIMANA J. Bosco qui ont plaidé coupable. Ils doivent être rangés dans la 2ème catégoriecar leurs actes criminels ou de participation criminelle ont causé la mort :

Pour l’infraction d’association de malfaiteurs : 20 ans d’emprisonnement chacun ;Pour l’infraction d’assassinat : 20 ans d’emprisonnement chacun ;Pour l’infraction de violation de domiciles : 2 ans d’emprisonnement chacun ;Pour les infractions de pillage , destruction des biens et du animaux : 20 ans d’emprisonnement ,et, en vertu de l’article 18 de la loi organique n°08/96 du 30/8/96, la peine d’emprisonnement àperpétuité, mais étant donné qu’ils ont recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité, il requiert, sur base de l’article 16(a), 15 ans d’emprisonnement ;

Il requiert en outre que les frais d’instance soient mis à leur charge, la disjonction de l’actioncivile, la saisie de leurs biens, de même que la dégradation civique totale à charge deKANYABUGANDE François, KAREKEZI Augustin, NSENGIYUMVA Abdu et MUHOZISamuel tel que prévu à l'article 17 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, la dégradationcivique à charge de NYILINKWAYA alias Flèche, RWAMAKUBA Hamada, GACACAJérémie, MAKUZA J. Damascène, MUNYABUGINGO Augustin et HAVUGIMANA J. Bosco.

19ème feuillet.

Il demande par ailleurs au Tribunal d’allouer des dommages et intérêts aux victimes non encoreidentifiées (art. 30 alinéa 3 de a Loi organique du 30/08/96) ;

Attendu que MUHOZI dit qu’il n’a rien à ajouter à ses moyens de défense à part présenter sesexcuses ;

Attendu que MUNYABUGINGO , GACACA, NTIVUGURUZWA , NYIRINKWAYA etMAKUZA disent qu’ils présentent leurs excuses, tandis que KARANGWA dit qu’il a plaidécoupable mais que le Ministère Public l’a rangé dans une autre catégorie;

Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il est victime d’injustice et demande au Tribunald’examiner son cas ;

Attendu que KAREKEZI dit qu’il a rédigé ses aveux sous la torture à cause des coups qui luiétaient administrés, que le fusil qu’il avait lui avait été donné par l’autorité communale et qu’iln’a pas participé aux tueries ;

Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il réfute les déclarations de SANKARA, MUHOZIet NYILINKWAYA, que les faits dont ils parlent ne sauraient être établis à sa charge et qu’il n’apris part à aucune attaque ;

Attendu que NTUYEHE dit qu’il ne figure pas sur la liste de ceux qui ont commis des tuerieschez BUGINGO, qu’il ne faisait pas non plus partie des miliciens Interahamwe;

Attendu que MUGABUSHAKA dit qu’il n’a rien à ajouter sinon présenter ses excuses ;

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Attendu que RUKEBESHA Obed dit qu’il n’ajoute rien à ses moyens de défense et qu’il n’a prispart à aucune attaque ;

Attendu que NTUYEMBARUSHA dit qu’il réfute les déclarations de MUHOZI etKANYABUGANDE, qu’il est victime d’injustice ;Attendu que MBONABUCYA dit qu’il rappelle au Tribunal qu’il était malade; que KAGINA ditquant à lui qu’un conflit l’oppose à RWAMAKUBA , NDAMAGE, SANKARA, et Marie ;

Attendu que Maître Georges RAYMOND, Conseil de quelques-uns des prévenus et ayant pourinterprète NDIKUBWIMANA , dit qu’il n’est pas facile d’assister 14 prévenus à la fois, maisqu’ils ont beaucoup de points communs, qu’aucun d’entre eux n’était une autorité mais qu’ilsétaient de simples citoyens qui ont reçu les ordres de commettre les infractions, qu’ils nepouvaient pas agir autrement car toute résistance leur aurait coûté la vie, qu’après un examenattentif le Tribunal constatera que les intéressés n’ont eu aucune responsabilité dans les faits quiont eu lieu, qu’il estime lourdes les peines requises par le Ministère Public à l’encontre de sesclients, qu’ils devraient à son avis être rangés dans la 3ème catégorie eu égard à la responsabilitéde chacun, qu’il y a lieu pour le Tribunal de procéder à la catégorisation des 14 prévenus étantentendu qu’il doit être fait application de l’article 15 de la Loi organique aux 6 prévenus qui ontrecouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité car ils ont avoué avant leur poursuitepar le Ministère Public, mais non l’article 16 de cette Loi organique, que le Tribunal doit tenircompte des excuses qu’ils ont présentées, que concernant les prévenus qui ont cité des témoins àleur décharge, il y a lieu d’entendre ceux-ci, que pour ceux qui n’en ont pas produit il faudraconsidérer leurs propres témoignages, qu’ils ont participé aux attaques mais n’ont commis aucunacte criminel, qu’il y a des circonstances atténuantes en leur faveur, que la dégradation civiquedoit être prononcée par le Tribunal mais qu’il implore sa mansuétude car les prévenus n’étaientpas des autorités, qu’il demande au Tribunal d’entendre les témoins que KAGINA souhaiteprésenter à sa décharge ;

Attendu que le Tribunal, après examen des moyens de défense des prévenus, des argumentsdéveloppés par les avocats de la défense ainsi que des réquisitions du Ministère Public ;

Constate que l’action introduite par le Ministère Public est recevable car elle est régulière en laforme ;

Constate que la responsabilité des 18 prévenus diffère par les actes qu’ils ont commis et par lerecours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de quelques-uns qui ont en outreprésenté leurs excuses ;

20ème feuillet.

Constate que l’infraction reprochée à KANYABUGANDE et consistant dans le fait d’avoir créé,encadré, incité et supervisé un groupe de malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi etd’autres personnes qui étaient opposées au MRND et à la CDR et d’avoir mis ce plan enexécution est établie à sa charge sans aucun doute car, même s’il en plaide non coupable, il estmis en cause par ceux qu’il dirigeait en sa qualité de responsable de la cellule UMUREHE dansle secteur GAKENKE en commune MURAMBI et notamment les nommés MUHOZI Samuel,NYILINKWAYA Pierre Damien, NSENGIYUMVA Abdu, GACACA Jérémie, MAKUZA JeanDamascène, MUNYABUGINGO Augustin, RWAMAKUBA Hamada, NTUYEHE Simon,KARANGWA Jean Baptiste, BAPFAKURERA Innocent, RUKESHA Obed, ainsi que par les

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membres des familles auxquelles appartenaient les victimes qu’il a tuées ;

Constate que l’infraction d’avoir dirigé les attaques qui ont coûté la vie à GATERA Claver,BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKURIKIYINKA, BAZIGAGA Thérèse,NZEYIMANA, les membres de la famille de Pie NJONGO, la sœur de SANKARA Aloysnommée UWIMANA, 6 fils de GATERA Claver, KAYIRANGA et HABIMANA est égalementétablie à sa charge car toutes ces victimes ont péri lors des attaques dirigées par lui dans ce but,et il en est chargé par ses co-prévenus, les membres des familles auxquelles appartenaient lesvictimes qui ont été tuées ainsi que les témoins entendus qui résident dans la cellule dont il étaitresponsable ;

Constate que l’infraction de détention illégale de fusil reprochée à KANYABUGANDE F. n’estpas établie à sa charge car il l’a reçu des autorités compétentes ;

Constate que l’infraction de s’être comporté en milicien en érigeant des barrières alors qu’ilportait un fusil, et d’avoir placé des hommes sous ses ordres en vue d’intercepter ceux qu’ilqualifiait de complices des INKOTANYI n’est pas établie à sa charge car lesdites barrières ontété instituées par le régime de l’époque auquel il devait obéissance en sa qualité de responsablede la cellule UMUREHE, qu’ainsi aucune intention délictueuse ne peut lui être imputée dans lamise en place de cette barrière ;Constate que l’infraction de tentative d’assassinat de Charles NTAGANZWA, YAHAYA etMUNYANEZA Selemani est établie à charge de KANYABUGANDE car c’est lui qui a donnéau nommé BENDA Laurent l’ordre de tirer et que l’intéressé s’est exécuté, à part que lesvictimes visées ont eu la chance de ne pas être atteintes par les balles ;

Constate que l’infraction à charge de KANYABUGANDE d’avoir commis des vols à l’aide deviolences et menaces au préjudice de GATERA Claver en le traitant de complice desINKOTANYI entre octobre 1990 et décembre 1992 ne peut être retenue car le Ministère Publicn’a pas précisé les objets qu’il aurait volés et que les témoins entendus ne l’en chargent pas àl’exception de SUMWIZA Philomène qui est plaignante, cette seule déclaration ne pouvant pasêtre considérée comme crédible par le Tribunal ;

Constate que l’infraction d’avoir, en compagnie de ses acolytes, commis des actes de pillage, dedestructions des maisons et du bétail appartenant aux victimes qu’ils venaient de tuer telle quereprochée à KANYABUGANDE est établie à sa charge car de nombreux témoins l’en chargentet que ce bétail a été effectivement mangé et des maisons ont été détruites, qu’ainsi ces actes ontété commis lors des attaques menées par lui ;

Constate que l’infraction de non assistance à personnes en danger reprochée àKANYABUGANDE est établie à sa charge car, en sa qualité d’autorité et étant en possessiond’un fusil, il avait les moyens de s’opposer aux attaques et aurait pu défendre les victimes s’il nefaisait pas partie desdites attaques ;

Constate que KANYABUGANDE est coupable de l’infraction de violation de domiciles après lamort de Juvénal HABYARIMANA ancien chef de l’Etat (en avril 1994) car les membres desattaques dirigées par lui se sont introduits dans des maisons à la recherche des victimes à tuerainsi que dans tous les endroits où elles avaient trouvé refuge et se cachaient, ces actes ayant étéconfirmés par certains de ses co-prévenus ;

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Constate que toutes les infractions établies à charge de KANYABUGANDE sont en concoursréel ;

Constate que KAREKEZI est coupable de l’infraction à lui reprochée d’avoir organisé, encadréet mis en exécution le génocide en tenant des réunions des responsables des cellules du secteurdont il était le conseiller au cours desquelles il leur intimait l'ordre de lui communiquer la listedes victimes à tuer même s’il en plaide non coupable en alléguant que les aveux qu’il a faitsdevant l’Officier de Police Judiciaire lui ont été extorqués au moyen de coups, ce moyen dedéfense ne pouvant pas lui être utile dès lors que ses aveux rédigés

21ème feuillet.

en date du 18 janvier 1997 contiennent une description qui lève tout doute sur les circonstancesdans lesquelles les faits ont été organisés, et que rien ne prouve qu’il a rédigé ces aveux sous lacontrainte, que si même il avait été réellement battu, il n’a pas produit les ordonnances médicalesqui lui auraient été délivrées à l’occasion des soins médicaux reçus suite à ces coups ;

Constate que l’infraction de détention illégale de fusil n’est pas établie à charge de KAREKEZIcar il l’a reçu de l’autorité compétente ;Constate que malgré son changement de déclaration, KAREKEZI Augustin a auparavant acceptéde plaider coupable de non assistance à personnes en danger, que cette infraction est établie à sacharge car il reconnaît lui-même qu’il n’a pas mis fin aux massacres qui ont été commis dans lesecteur GAKENKE dont il était le conseiller, disant qu’il a défendu les biens de sa famille audétriment de la population ;

Constate que les infractions à charge de KAREKEZI Augustin sont en concours réel,

Constate que NSENGIYUMVA Abdu est coupable de l’infraction d’association de malfaiteursqui lui est reprochée car, même s’il prétend avoir porté secours à la famille de BUGINGO, cemoyen de défense ne peut pas lui être utile dès lors que les personnes qu’il dit avoir secouruessont les premières à le mettre en cause tout comme ses co-prévenus MUHOZI Samuel,NYILINKWAYA alias Flèche et HAVUGIMANA J.B, surtout que les témoins qu’il a présentésà sa décharge l’ont eux aussi mis en cause tel SUMWIZA Philomène et ZIHINJISHI ;

Constate que l’infraction de complicité d’assassinat de GATERA, BUGINGO, GATARE,RWABAGABO, NKULIKIYINKA, BAZIGAGA, NZEYIMANA, des membres de la familleNJONGO, UWIMANA, 6 fils de GATERA claver, KAYIRANGA et HABIMANA est établie àcharge de NSENGIYUMVA Abdu car ces victimes ont été tuées par des gens qui étaient dans lemême groupe que lui, et qu’il était par ailleurs le responsable du parti politique MRND dans lacellule UMUREHE, le fait de nier simplement les faits ne pouvant lui être d’aucune utilité ;

Constate que l’infraction de violation de domiciles est établie à charge de NSENGIYUMVA carles victimes ont été tuées après avoir été dénichées de leurs maisons où des endroits où ellesavaient cherché refuge et se cachaient, la preuve éclatante étant qu’il prétend avoir été chezBUGINGO pour porter secours à sa famille alors que l’épouse de la victime, en la personne deSUMWIZA, affirme que son objectif n’était point de leur porter assistance ;

Constate que l’infraction de pillage, destruction de maisons et de bétail est établie à sa charge carces actes ont été commis publiquement à l’époque du génocide par le groupe de malfaiteurs dont

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il faisait partie ;Constate que les infractions d’association de malfaiteurs dans le but de tuer les Tutsi et autresopposants au MRND-CDR, d’assassinat de GATERA et des autres victimes dont il est questionau 5ème exposé des motifs et ce, en raison de leur ethnie, de violation de domiciles dans le but decommettre des tueries, des pillages, ainsi que celles de pillage, destruction de maisons et debétail sont établies à charge de MBONABUCYA Cyprien, NTUYEMBARUSHA, RUKESHAObed et MUGABUSAHAKA Jean Bosco car ils sont mis en cause par leurs co-prévenus qui ontrecouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité ;

Constate que MUHOZI Samuel et RWAMAKUBA Hamada ont recouru à la procédure d’aveu etde plaidoyer de culpabilité avant les poursuites et qu’ils se sont livrés eux-mêmes à l’autoritécompétente à cause des infractions qu’ils ont commises ;

Constate que les infractions mises à charge de MUHOZI Samuel par le Ministère Public sont lessuivantes :1. Avoir été un meurtrier de grand renom, qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou

partout où il est passé à cause du zèle qui l’a caractérisé dans les tueries et de la méchancetéexcessive avec laquelle elles ont été exécutées ;

22ème feuillet.

2. Avoir fait partie d’une association des malfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux Tutsiet à leurs biens à l’époque du génocide ;3. Violation de domiciles en vue de piller et de tuer ;4. Pillage, destruction de maisons et de bétail ;que rien ne prouve cependant que MUHOZI Samuel a été un meurtrier de grand renom tel qu’ilen est accusé, les 13 témoignages à sa charge ne pouvant pas suffire pour qu’il soit qualifiécomme tel dès lors qu’aucun élément du dossier ne montre qu’il a été caractérisé par un zèle ouune méchanceté excessive particulière par rapport à ses coauteurs, qu’ainsi le Tribunal estimequ’il doit être rangé dans la deuxième catégorie tel que prévu par l’article 2 de la Loi organiquen°08/96 du 30/8/1996 ;

Constate que les infractions mises à charge de RWAMAKUBA Hamada par le Ministère Publicsont les suivantes :

1. Avoir formé une association de malfaiteurs dans le but de massacrer les Tutsi et d’autresadversaires politiques du MRND et de la CDR ;

2. Avoir tué avec préméditation les personnes citées plus haut en raison de leur ethnie ;3. Violation de domiciles d’autrui dans le but de tuer et de piller des biens ;4. Avoir pillé des biens, détruit des maisons, abattu le bétail appartenant aux victimes tuées en

raison de leur ethnie ;

Constate que les infractions reprochées à MUHOZI Samuel et de RWAMAKUBA Hamada etdont ils ont plaidé coupables sont en concours réel tel que prévu par l’article 18 de la Loiorganique n°08/96 du 30/8/1996 et par l’article 94 du code pénal, Livre I ;

Constate que MUNYABUGINGO Augustin, HAVUGIMANA Jean Bosco, GACACA Jérémie,NYILINKWAYA Pierre Damien alias « Flèche », KARANGWA Jean, MAKUZA JeanDamascène, NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney ont avoué et plaidé coupables desinfractions suivantes :1. Avoir formé une association de malfaiteurs dans le but de massacrer les Tutsi et d’autres

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adversaires politiques du MRND et de la CDR ;2. Avoir volontairement tué GATERA et ses six enfants, BUGINGO, GATARE,

RWABAGABO, NKULIYINKA, BAZIGAGA, NZEYIMANA, les membres de la famillePie NJONGO, KAYIRANGA, UWIMANA et HABIMANA ;

3. Violation de domiciles ;4. Pillage, destruction de maisons et de bétail appartenant aux victimes qu’ils venaient de tuer ;ces infractions étant en concours réel ;

Constate que seule l’infraction de meurtre de KARANGWA et MUHIRE à KABARONDO estétablie à charge de KAGINA Félicien car RWAMAKUBA et MUGABUSHAKA l’en chargent,que le Tribunal doit cependant faire preuve de clémence en sa faveur eu égard à la contrainte quia été exercée sur lui par ses coauteurs dont RWAMAKUBA qui le charge dès lors qu’ils lui ontd’abord donné un coup de machette au cou pour le forcer à accepter de tuer, qu’il doit êtreacquitté des autres infractions pour absence de preuves à sa charge ;

Constate que NTUYEHE Simon doit être acquitté de toutes les infractions à sa charge car leMinistère Public n’en a pas rapporté de preuves tangibles, qu’il apparaît clairement au contraireque c’est pour porter secours qu’il est arrivé au même moment que l’attaque, cela étant confirmépar le fait qu’il n’a pas hésité à intercéder en faveur des personnes qui étaient menacées d’êtretuées même si ses supplications n’ont servi à rien puisque ces personnes ont malgré tout étéemmenées et tuées, que par ailleurs les personnes qui le chargent parmi lesquelles figurentMUHOZI Samuel, MAKUZA, NYILINKWAYA et GACACA, le font par vengeance parce qu’illes empêchait de tuer, l’autre preuve de son innocence étant que la majorité de ses co-prévenusl’ont disculpé au cours des débats en audience et qu’il a lui-même nié les faits tout au long de laprocédure ;

23ème feuillet.

PAR CES MOTIFS ;

Vu la Convention internationale du 9/12/1948 relative à la répression du crime de génocide etdes crimes contre l’humanité ;

Vu l’article I de la Loi Fondamentale du 26/5/1995 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité spécialement en ses articles 1et 2, 1ère catégorie a et b, 2ème et 4ème catégories, 4, 6, 9, 19, 11, 14a, 15, 16, 17, 18, 30 alinéas 1et 2, 37 et 39 ;

Vu les articles 6, 12, 57, 1 04, 118, 119, 129, 199, 200 et 201 du Décret-loi n°09/80 du 7/7/1998portant Code d’organisation et de compétence judiciaires au Rwanda ;

Vu les articles 58, 59, 61, 62, 63, 71, 73, 75, 76, 80, 83, 90, 129, 130 et 138 de la Loi du23/3/1963 portant Code de procédure pénale tel que modifiée jusqu'à ce jour par le Décret-loin°07/82 du 07/01/1992 ;

Vu les articles 25, 66 al.2, 3 et 5, 68, 69, 82, 83, 89, 90, 91, 94, 168 al.1, 256 al.1, 281, 282, 304,311, 312 et 444 du Code pénal, livre I ;

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Vu l’article 81 al.2 de la Loi du 15/07/1964 portant Code de procédure civile et commerciale telque modifiée par la Loi n°32/85 du 08/11/1985 ;

Vu la Loi n°12/84 du 12/5/1984 relative au mandat de représentation ou d’assistance en justice ;

STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT

Déclare recevable l’action du Ministère Public car régulière en la forme et la dit partiellementfondée ;

Déclare KANYABUGANDE François coupable des infractions à sa charge mais l’acquitte desinfractions de détention illégale d’arme à feu et de participation à un groupe paramilitaire enérigeant une barrière, comme cela est expliqué dans les motifs et le range dans la premièrecatégorie (b) ;Déclare KAREKEZI Augustin coupable des infractions à sa charge mais l’acquitte del’infraction de détention illégale d’arme à feu comme expliqué dans les motifs et le range dans lapremière catégorie (a et b) ;

Déclare NSENGIYUMVA Abdu coupable des infractions à sa charge comme expliqué dans lesmotifs et le range dans la catégorie 1(b) ;

Déclare MBONABUCYA Cyprien, NTUYEMBARUSHA Jean Claude, RUKESHA Obed etMUGABUSHAKA Jean Bosco coupables des infractions à leur charge tel qu’expliqué dans lesmotifs et les range dans la 2ème catégorie ;

Déclare MUHOZI Samuel et RWAMAKUBA Hamada coupables des infractions à leur chargecomme expliqué dans les motifs, mais comme ils ont recouru à la procédure d’aveu et deplaidoyer de culpabilité avant les poursuites, ils doivent bénéficier d’une réduction de peinecomme prévu par la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 en son article 15 et sont rangés dans la2ème catégorie ;

Déclare que MUNYABUGINGO Augustin, HAVUGIMANA J.Bosco, GACACA Jérémie,NYILINKWAYA P. Damier alias Flèche, KARANGWA Jean, MAKUZA J. Damascène etNTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney ont eux aussi recouru à la procédure d’aveu et deplaidoyer de culpabilité mais après les poursuites, qu’ils doivent donc être punis en vertu del’article 16 de la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 et qu’ils sont rangés dans la 2ème

catégorie ;

24ème feuillet.

Déclare KAGINA Félicien coupable de la seule infraction de meurtre commis sous la contrainte,qu’il doit bénéficier d’une réduction de peine à cause de cette circonstance atténuante commeexpliqué dans les motifs et qu’il est rangé dans la 2ème catégorie ;Acquitte NTUYEHE Simon de toutes les infractions qui lui sont reprochées comme expliquédans le dernier exposé des motifs;

Déclare KANYABUGANDE François, KAREKEZI Augustin, NSENGIYUMVA Abdu,MBONABUCYA Cyprien, NTUYEMBARUSHA Jean Claude, RUKESHA Obed,MUGABUSHAKA Jean Bosco, GACACA Jérémie, NYILINKWAYA Pierre Damien aliasFlèche, KARANGWA Jean, MAKUZA Jean Damascène et NTIVUGURUZWA Jean Marie

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Vianney coupables, et NTUYEHE Simon innocent ;

Condamne KANYABUGANDE François à :- 15 ans d’emprisonnement pour la première infraction ;- la peine de mort pour la deuxième infraction ;- acquittement pour le troisième infraction ;- acquittement pour la quatrième infraction ;- la peine de mort pour la cinquième infraction ;- acquittement pour la sixième infraction ;- 20 ans d’emprisonnement pour la septième infraction ;- 5ans d’emprisonnement pour la huitième infraction ;- 2 ans d’emprisonnement pour la neuvième infraction ; Soit par cumul : la peine de mort et de dégradation civique totale et perpétuelle ;

Condamne KAREKEZI Augustin à :

- la peine de mort pour la première infraction ;- acquittement pour la deuxième infraction ; - 5 ans d’emprisonnement pour la troisième infraction ;Soit par cumul : la peine de mort et de dégradation civique totale et perpétuelle ; Condamne NSENGIYUMVA Abdu à :- 15 ans d’emprisonnement pour la première infraction ;- la peine de mort pour la deuxième infraction ;- 2 ans d’emprisonnement pour la troisième infraction ;- 20 ans d’emprisonnement pour la quatrième infraction ;Soit par cumul : la peine de mort et de dégradation civique totale et perpétuelle.

Condamne MBONABUCYA, NTUYEMBARUSHA, RUKESHA et MUGABUSHA à :- 20 ans d’emprisonnement chacun pour la première infraction ;- la peine d’emprisonnement à perpétuité chacun pour la deuxième infraction ;- 2 ans d’emprisonnement chacun pour la troisième infraction ;- 20 ans d’emprisonnement chacun pour la quatrième infraction ;Soit par cumul :peine d’emprisonnement à perpétuité et dégradation civique perpétuelle et totaleà charge de chacun.

Condamne MUNYABUGINGO, HAVUGIMANA, GACACA, NYILINKWAYA,KARANGWA, MAKUZA et NTIVUGURUZWA à 12 ans d’emprisonnement chacun et à ladégradation civique prévue par l’article 66, 2°,3°et 5° du Code pénal Livre I ;

Condamne MUHOZI et RWAMAKUBA Hamada à 10 ans d’emprisonnement chacun et à ladégradation civique prévue par l’article 66,2°,3° et 5° du Code pénal livre I ;Condamne KAGINA Félicien à 2 ans d’emprisonnement ;

25ème feuillet.

Déclare NTUYEHE Simon acquitté de toutes les infractions ;

Ordonne aux condamnés de payer solidairement les frais de justice correspondant aux 17/18 de

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45.775, soit 43.231 francs, dans le délai légal (15 jours), et édicte une contrainte par corps de 30jours chacun, suivie de l’exécution forcée sur leurs biens ;

Décide la disjonction de l’action civile ;

Dit que le délai d’appel est de 15 jours à partir du prononcé de ce jugement, mais que ceux quiont recouru à le procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité n’ont pas le droit d’interjeterappel ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 2 MAI 1997 PAR LACHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BYUMBACOMPOSEE DES MAGISTRATS : Président : RWAMAKUBA Laurent ; Juges :GWAKANDI Jean et RUSENGATABARO Isidore, en présence de BarnabéKABANDANA et François MUSUHUKE, Officiers du Ministère Public, et du GreffierNTAGWABIRA Innocent.

SIEGE

Juge Président Juge Greffier

GAKWANDI RWAMAKUBA RUSENGATABARO NTAGWABIRA Jean Laurent Isidore Innocent (sé) (sé) (sé) sé)

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94

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE CYANGUGU

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N°3

Jugement de la Chambre spécialisée du Tribunal de Première Instance de CYANGUGUdu

6 août 1998.

Ministère Public et parties civiles C/ RWAMULINDA Antoine et Consorts.

ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE – ARRESTATION EN COURS DE PROCES(NON ; ART. 55 CPP) – ARRESTATION ILLEGALE – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 et 283 CP) – AVEUX(COMPLETS; PARTIELS) – CATEGORISATION (ART. 2 L.O. 30/08/1996 ; 1ère

CATEGORIE ; 2ème CATEGORIE) – CRIME DE GENOCIDE– CRIMES CONTREL’HUMANITE – DESTRUCTION DE BIENS APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444CP) – DOMMAGES ET INTERETS –PEINE (DEGRADATION CIVIQUE ;EMPRISONNEMENT A TEMPS; EMPRISONNEMENT A PERPETUITE; PEINE DEMORT) – PROCEDURE D’AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (AVANTPOURSUITES : ART. 15 L.O. 30/08/1996 ; DEROULEMENT DE L’AUDIENCE : ART.10 L.O. 30/08/1996) –PREUVE (CHARGE DE LA) – REDUCTION DE PEINE –TEMOIGNAGES (A CHARGE; A DECHARGE; CONCORDANTS).

1. Procédure – 2ème prévenu – procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité – déroulementde l’audience (art. 10 L.O. du 30/08/1996).

2. 7ème prévenu – détention préventive – demande formulée par le Ministère Public en cours

de procès – rejet (art. 55 CPP). 3. 2ème prévenu – aveux et plaidoyer de culpabilité avant poursuites acceptés – infractions

établies (association de malfaiteurs, assassinat, génocide) – deuxième catégorie – réductionde peine (art. 15 L.O. du 30/08/1996).

4. 1er, 6ème et 7ème prévenus – charge de la preuve – absence ou insuffisance de preuve –

acquittement. 5. 7ème prévenu – arrestation provisoire intervenue – illégalité – libération immédiate. 6. 4ème et 5ème prévenus – preuve – aveux partiels – témoignages – infraction établies –

assassinat (art. 312 CP) – association de malfaiteurs (arts. 281, 282 et 283 CP) - génocide –catégorisation (art.2 L.O. du 30/08/1996)- deuxième catégorie – emprisonnement àperpétuité.

7. 3ème prévenu – témoignages - infractions établies – assassinat (art. 312 CP) – association de

malfaiteurs (arts. 281,282 et 283 CP) – génocide – catégorisation (art.2 L.O. du30/08/1996) – président des jeunes du MRND - première catégorie – peine de mort etdégradation civique.

8. Destruction volontaire d’habitations (art. 444 CP) – charge de la preuve – infraction non

établie. 9. Dommages et intérêts - préjudice moral – appréciation souveraine quant au montant.

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1- Le deuxième prévenu ayant recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilitéavant poursuites, l’audience est organisée à son égard conformément au prescrit de l’article10 de la Loi organique du 30 août 1996.

2- La demande du Ministère Public visant la mise en détention provisoire du 7ème prévenu quicomparaît librement est rejetée, l’article 55 du Code de procédure pénale exigeant que leprévenu demeure jusqu’à la fin du procès dans la condition qui était la sienne au momentoù le Tribunal a été saisi.

3- Le bénéfice de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité offerte avant les

poursuites est accordé au 2ème prévenu qui a confirmé ses aveux et ses excuses devant leTribunal. Les infractions d’assassinat, d’association de mafaiteur et de génocide ainsiétablies le classent dans la deuxième catégorie visée à l’article 2 de la Loi organique du 30août 1996. La réduction de peine prévue à l’article 15 de la Loi organique lui est accordée.Il est condamné à une peine de 7 ans d’emprisonnement.

4- Il appartient au Ministère Public de prouver les faits objet de la poursuite ainsi que leur

imputabilité aux prévenus. Les 1er, 6ème et 7ème prévenus sont acquittés aux motifs qu’aucunélément figurant au dossier répressif, et aucun des témoignages reçus à l’audience nepermet d’établir leur culpabilité.

5- L’arrestation du 7ème prévenu, intervenue au cours du procès en dépit même de la décision

contraire du Tribunal est illégale. 6- Il résulte de leurs aveux partiels et des témoignages recueillis que les 4ème et 5ème prévenus

ont participé aux attaques qui leur sont imputées. Les infractions d’assassinat,d’association de malfaiteurs et de génocide sont établies à leur égard. Leurs actes departicipation criminelle les rangent dans la deuxième catégorie. Ils sont condamnés à lapeine de prison à perpétuité et à la dégradation civique.

7- En dépit ses dénégations, les témoignages recueillis concordent à établir que le 3ème

prévenu était le chef des Interahamwe du secteur et qu’il a dirigé les massacres d’avril1994 au cours desquels l’ont tuait les Tutsi et ceux qui partageaient leurs opinions. Lesinfractions d’assassinat, d’association de malfaiteurs et de génocide sont établies à sonégard. Il est classé en première catégorie et condamné à la peine de mort et à ladégradation civique perpétuelle.

8- Ni les éléments du dossier ni les témoignages recueillis ne permettent de retenir la

prévention de destruction volontaire d’habitations à charge des prévenus. Ils sont tousacquittés de cette prévention.

9- Le Tribunal reçoit en la forme les actions civiles qui ont été introduites suivant les formes

prescrites. Les 2ème, 4ème et 5ème prévenus sont condamnés solidairement au paiement desdommages moraux dont le montant est fixé souverainement.

(NDLR: par arrêt de la Cour d'appel de CYANGUGU en date du 07/10/1999 ce jugement aété partiellement réformé :

− le 3ème prévenu classé en première catégorie et condamné à mort en première instanceest acquitté ;

99

− Sur appel du Ministère Public, le 7ème prévenu acquitté en première instance est rangé enpremière catégorie et condamné à la peine de mort.

− Sur appel du Ministère Public, le 6ème prévenu acquitté en première instance est rangé endeuxième catégorie et condamné à l'emprisonnement à perpétuité.

− L'appel du 2ème prévenu est déclaré irrecevable.

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101

(Traduction libre)1er feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE CYANGUGU, CHAMBRESPECIALISEE, Y SIEGEANT EN MATIERE D’INFRACTIONS CONSTITUTIVES DUCRIME DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE COMMISES APARTIR DU 1er OCTOBRE 1990, A RENDU EN DATE DU 06/08/1998, LE JUGEMENTDONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1. RWAMULINDA Antoine fils de NTAMFURAYINDA Léonard et KABAYUNDO Agathe,né en 1954 dans la cellule KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA,préfecture CYANGUGU, y résidant, marié à MUTUMWINKA Marie Immaculée, père de 4enfants, agriculteur, possédant un cochon et 2 chèvres, sans antécédents judiciaires connus,en détention préventive depuis le 10/11/1997 ;

2. GAHUNGU Célestin, fils de KAYONGA Ildephonse et MUKANYUNDO, né en 1958dans la cellule KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfectureCYANGUGU, y résidant, marié à MUKARUGINA Anastasie, père de 4 enfants, agriculteur,possédant une plantation de café, sans antécédents judiciaires connus, en détentionpréventive depuis le 01/12/1994 ;

3. UWIBAMBE Jean Pierre fils de KISHI Crispe et NYIRAMINANI Suzanne, né en 1963 àKARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, yrésidant, marié à MUKAKALISA Spéciose, père d’un enfant, agriculteur, sans biens niantécédents judiciaires connus, en détention préventive depuis le 17/11/1997 ;

4. HABIMANA Vénuste fils de NGARUKIYE Charles et NYIRAMUGOBOKA Geneviève,né en 1967 à KARENGE, RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, yrésidant, célibataire, agriculteur, sans antécédents judiciaires connus, en détention préventivedepuis le 13/08/1997 ;

5. TWAGIRAMUNGU Trojan fils de MAHURURU Athanase et KANKINDI Candide, né en1953 à KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU,y résidant, divorcé, père de 2 enfants, agriculteur, sans biens ni antécédents judiciairesconnus, en détention préventive depuis le 21/08/1995 ;

2ème feuillet.

6. RUHINGUBUGI Jean fils de NTAMFURAYINDA Léonard et KABAYUNDO Agathe,né en 1960 à KARENGERA, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfectureCYANGUGU, y résidant, marié à NYIRASHYIRAMBERE Marie Agnès, père de 2 enfants,agriculteur, sans biens ni antécédents judiciaires connus, en détention préventive depuis le10/11/1997 ;

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7. BAZABAZWA Déogratias fils de NTAMFURAYINDA Léonard et KABAYUNDOAgathe, né en 1948 à KARENGERA, secteur RWAMBOGO, commune GISHOMA,préfecture CYANGUGU, y résidant, marié à MUKAMUGEMA Antoinette, père de 4enfants, ex- inspecteur scolaire, sans biens ni antécédents judiciaires connus.

PARTIES CIVILES

1. NYIRANTIBIRAMIRA Cécile fille de RUSATSI Luc et NYARABAGWIZA Cansilde,née dans le secteur NTENYI, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, résidant dansle secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, mariée àMIRUHO Casimir fils de BIZERINKA et KANGEYO Cécile ;

2. NYIRANDARUHUTSE Eugènie fille de SEKAMANZI et NYIRANKIRE, née à NTENZI,commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU et résidant à RWIMBOGO, communeGISHOMA, préfecture CYANGUGU, marié à MUNYANKINDI fils de RUVURA etNYIRABAJUMBURA ;

PREVENTIONS :

1. Avoir, dans le secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU,République Rwandaise, en avril 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices, commis lecrime d’assassinat, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90, 91 et 312 du Codepénal ;

2. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs oucomplices commis le crime de génocide, infraction prévue et réprimée par les articles IIIa,IIIc, et IIIe de la Convention internationale du 9/12/1948 sur la prévention et la répression ducrime de génocide, et l’article 1b de la Convention internationale du 26/11/1968 surl’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, infraction prévue etréprimée également par les articles 1, 2, 3, 14, 17 de la Loi organique du 30/8/1996;

3ème feuillet.

3. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs oucomplices, volontairement détruit les maisons appartenant à autrui, infraction prévue etréprimée par l’article 444 du Code pénal et l’article 14d de la Loi organique du 30/8/1996;

4. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, crée une association de malfaiteurs,infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 du Code pénal;

LE TRIBUNAL,

Vu l’action publique introduite par le Premier Substitut du Procureur de la République àCYANGUGU par sa lettre n° 0120/RMP 78.868/S12/KRL du 29/04/1998 et l’affaire inscrite aurôle sous le n° RP 0010/98/C.S.C;

Vu l'ordonnance du Président de la Chambre Spécialisée fixant la date d’audience au21/05/1998;

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Vu que les prévenus se sont vus régulièrement signifier la date d’audience à laquelle ils ontcomparu, le Ministère Public étant représenté par KARANGWA R. Laurent et en présence desparties civiles ;

Attendu que le greffier fait lecture de l’identité de tous les prévenus et des préventions mises àleur charge à savoir celles d’assassinat, de génocide, de destruction volontaire des maisons etd’association de malfaiteurs, que les prévenus reconnaissent chacun en ce qui le concerne,l’exactitude de l’identité lue ;

Attendu que les parties civiles NYIRABATIRAMIRA Cécile et NYIRANDARUHUTSEEugènie déclinent elles aussi leurs identités ;

Attendu que le greffier fait lecture du procès-verbal de recueil des aveux de GAHUNGACélestin par l’Officier du Ministère Public, que GAHUNGA reconnaît comme sienne ladéclaration contenue dans ledit procès-verbal et confirme ses aveux tout en présentant sesexcuses, qu’il dit avoir avoué volontairement en toute conscience et sachant les avantages derecourir à cette procédure ;

Attendu que dans son réquisitoire, le Ministère Public dit que les vérifications faites ont établi lasincérité des aveux de GAHUNGA qui portent notamment sur le fait d’avoir, dans la cellule

4ème feuillet.

KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, le 21/04/1995 à 15 heures, donné uncoup de bâton (massue) à un jeune garçon nommé Révocate le fils de MIRUHO Casimir etNYRANTIBIRAMIRA Cécile, que HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan l’ontachevé ;

Attendu que NYIRANTIBIRAMIRA Cécile réclame à GAHUNGU des dommages morauxs’élevant à 20.000.000 Frw pour avoir tué son fils nommé Révocate qui était âgé de 25 ans, queGAHUNGU Célestin dit que ces dommages moraux sont fondés mais qu’il estime queNYIRANTIBIRAMIRA mérite 2.000.000 Frw de dommages-intérêts, qu’il ajoute être prêt à seplier à la décision du Tribunal ;

Attendu que lecture des préventions d’assassinat, de génocide et d’association de malfaiteursmises à sa charge lui faite, UWIBAMBE Jean Pierre est invité à présenter ses moyens de défensesur chacune d’elles ;

Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit qu'il n'a commis aucune des infractions qui lui sontreprochées, qu’il est victime de fausses accusations ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public affirme que UWIBAMBE Jean Pierre a tué le mari deNYIRANTIBIRAMIRA Cécile (MIRUHO Casimir), ses cinq enfants et ceux deNYIRANDARUHUTSE Eugènie, que UWIBAMBE réfute catégoriquement les faits en disantque les enfants de NYIRANTIBIRAMIRA à savoir Révocate et Samuel sont morts après sonarrivée sur les lieux mais qu’il ne les a pas tués, qu’il y a trouvé GAHUNGU Célestin etbeaucoup d'autres personnes en train de discuter sur le meurtre de ces enfants qui étaient chezHATEGEKIMANA Ladislas, qu’ils les ont tués sous ses yeux;

Attendu qu’interrogé sur l’identité des personnes qui ont tué les enfants de

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NYIRANTIBIRAMIRA Cécile, UWIBAMBE Jean Pierre dit que ce sont GAHUNGU Célestin,TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA Vénuste;

Attendu qu’à la question de savoir d’où il venait quand il est arrivé sur le lieu où ces enfantsRévocate et Samuel ont été tués et pourquoi il y est resté, UWIBAMBE J. Pierre répond qu’il setrouvait dans un centre de négoce local et que le vieil homme BAYAVUGE Cyprien les a alertésen disant qu’il était attaqué par des animaux, qu’ils ont accouru et ont constaté qu’il s’agissaitd'êtres humains et non des animaux ;

Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit que les témoins HATEGEKIMANA Ladislas,Madame Félicitée, NDEREYA, CYUMA et MUSHEDIYO résidant à GISHOMA peuventconfirmer ce qu’il dit ;

5ème feuillet.

Attendu qu’interrogé sur la part de responsabilité de BAYAVUGE Cyprien dans l’assassinat deces enfants, UWIBAMBE Jean Pierre dit que l’intéressé a alerté ceux qui les ont tués ;

Attendu qu’invité à présenter sa défense sur l’infraction d’association de malfaiteurs,UWIBAMBE Jean Pierre dit qu’il en plaide non coupable car il n’est pas parti en compagnie deceux qui ont tué Samuel et Révocate ;

Attendu qu’à la question de savoir si, comme le dit le Ministère Public, il était le chef desmiliciens Interahamwe au niveau du secteur, UWIBAMBE Jean Pierre répond qu’il était le chefde la jeunesse du MRND dans le cadre de l’animation ;

Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit qu’il y avait dans son secteur deux groupes de jeunesdu MRND, qu’il était le président de toute la jeunesse du MRND ;

Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit que TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANAVénuste font partie de la jeunesse dont il était le président ;

Attendu que lecture des préventions à sa charge lui étant faite, HABIMANA Vénuste dit qu’il adécidé de dire la vérité sans fatiguer inutilement les juges ;

Attendu que HABIMANA Vénuste dit qu’il plaide coupable de l’assassinat de REBAHINOSamuel et NGABONZIZA Révocate qu’il a commis en compagnie de GAHUNGA Célestin etTWAGIRAMUNGU Trojan ;

Attendu qu’il dit que sa part de responsabilité consiste en ce qu’il a donné des coups de massue àces enfants, que TWAGIRAMUNGU leur a quant à lui donné des coups de machettes;

Attendu que HABIMANA déclare n’avoir pas vu UWIBAMBE faire quoi que ce soit à cesenfants sinon qu’ils sont partis ensemble jusqu’à l’endroit où ils étaient ;

Attendu que HABIMANA Vénuste dit que ces enfants ont été tués à cause de leur appartenanceà l'ethnie Tutsi ;Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort des autres enfants de MIRUHO, Vénuste

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dit qu’il n’en sait rien ;

6ème feuillet.

Attendu qu’interrogé sur sa part de responsabilité dans l’assassinat des trois enfants deNYIRANDARUHUTSE Eugènie, HABIMANA Vénuste dit qu’il n’a pas participé à ce crime etqu’il n’en connaît pas les auteurs ;

Attendu qu’après lecture des préventions à sa charge, TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’ilplaide coupable d’avoir tué à coups de machettes deux enfants de MIRUHO Casimir à savoirREBAHINO Samuel et NGABONZIZA Révocate ;

Attendu qu’invité à dire la raison pour laquelle il s’en est pris à ces enfants, TWAGIRAMUNGUdit qu’il n’en sait rien, sinon qu’il avait entendu dire que ces enfants avaient pourchassé ceux deCyprien ;

Attendu que TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il entendait dire que les personnes qui étaienttuées à cette époque étaient des Tutsi ;

Attendu que TWAGIRAMUNGU Trojan nie catégoriquement avoir fait partie d’un groupe demalfaiteurs et dit qu'il ne pouvait pas refuser de tuer REBAHINO Samuel et NGABONZIZARévocate car la situation était mauvaise ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort des autres enfants de MIRUHO Casimir etde ceux de NYIRANDARUHUTSE Eugénie, TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il n’en saitrien ;

Attendu que lecture des préventions à charge de BAZABAZWA Déogratias lui est faite ;

Attendu que dans sa défense, BAZABAZWA dit qu’il n’a pas pris part au génocide, qu’il aplutôt été attaqué par les Interahamwe qui voulaient piller ses biens et tuer son épouse qui étaitde l’ethnie Tutsi et qui vivait dans un buisson où elle se cachait ;

Attendu que BAZABAZWA dit qu’en date du 13/04/94, il a été victime d’actes de pillage et dedestruction commis par la bande dirigée par MUGUNDA et dont faisaient partieTWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA Vénuste ;

Attendu que BAZABAZWA dit qu'il a encore été la cible de l’attaque du 16/04/94 dirigée parKANYAMAHANGA Vianney et dont faisaient partie TWAGIRAMUNGU Trojan etHABIMANA Vénuste, au cours de laquelle quelques-uns des membres de la famille deMIRUHO Casimir ont été tués ;

7ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir comment il ose nier faire partie des personnes qui ont tué lesenfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile alors qu’il a pris les devants pour s’approprier sapropriété foncière, il répond qu’elle lui a été octroyée par la commune et qu’une quittance lui aété délivrée à cet effet ;Attendu que dans sa défense sur l’infraction d’association de malfaiteurs, BAZABAZWA ditqu’il n’a pas pris part aux attaques et n’a pas appris comment elles étaient organisées ;

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Attendu que les témoins présentés à sa décharge par BAZABAZWA sont entendus à savoirHATEGEKIMANA Ladislas et MPIMUYE François, qu’ils disent que BAZABAZWA ne faitpas partie des personnes qu’ils ont vues prendre part aux massacres car il était tout le temps chezlui, qu’il était d’ailleurs seul à la maison car son épouse était pourchassée et se cachait dans desbuissons où BAZABAZWA lui envoyait à manger par l’intermédiaire de son petit frèreRWAMULINDA Antoine ;

Attendu que RWAMULINDA Antoine nie avoir commis les infractions qui lui sont reprochées,que les témoins HATEGEKIMANA Ladislas et MPIMUYE François, interrogés, affirment nejamais l’avoir vu dans une attaque ;

Attendu que dans sa déclaration, NYIRANTIBIRAMIRA Cécile n’apporte pasd’éclaircissements sur la part de responsabilité de RWAMULINDA Antoine dans les infractionsqui lui sont reprochées à savoir celles d’assassinat et d’association de malfaiteurs ;

Attendu que RUHINGUBUGI Jean plaide non coupable des infractions de génocide,d’assassinat et d’association de malfaiteurs en disant qu’il n’y a pas pris part, les témoinsentendus ayant affirmé ne pas l’avoir vu dans les attaques ;

Attendu qu’invitée à expliquer les dommages et intérêts qu'elle réclame,NYIRANTIBIRAMIRA Cécile dit que son action est dirigée contre BAZABAZWA Déogratias,GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste, TWAGIRAMUNGU Trojan, RUHINGUBUGIJean et RWAMULINDA Antoine, qu’elle réclame des dommages moraux de 20.000.000 Frw àBAZABAZWA au motif que celui-ci était à la tête de ceux qui ont tué les membres de sa familleà savoir KAYIRANGA Canisius, NGABONZIZA Révocat, REBAHINO Samuel,MURWANASHYAKA Théogène, RUGEMINTWAZA et son père Casimir ;

8ème feuillet.

Attendu que NYIRANDARUHUTSE Eugénie dit qu’elle réclame à TWAGIRAMUNGU Trojanet HABIMANA Vénuste des dommages moraux de 10.000.000 Frw pour la perte de ses enfantsNIYIBIZI Théoneste et HABIMANA Théodore, ainsi que des dommages matériels de 5.000.000Frw pour ses biens endommagés ;

Attendu que le Ministère Public fait un exposé des preuves à charge de GAHUNGA Célestin,TWAGIRAMUNGU Trojan, HABIMANA Vénuste, BAZABAZWA Déogratias,RUHINGUBUGI Jean et RWAMULINDA Antoine ;

Attendu que le Ministère Public requiert à l’encontre de UWIBAMBE Jean Pierre, HABIMANAVénuste, TWAGIRAMUNGU Trojan et BAZABAZWA Déogratias la peine de mort sur base del’article 14 de la Loi organique, ainsi que la dégradation civique perpétuelle sur base de l’article17 a de la Loi organique ;

Attendu que le Ministère Public requiert à charge de RUHINGUBUGI Jean et RWAMULINDAAntoine la peine d’emprisonnement à perpétuité sur base de l’article 14 de la Loi organique,ainsi que la dégradation civique perpétuelle sur base de l’article 66, 2°, 3°, 5° du Code pénal ;Attendu que le Ministère Public dit que GAHUNGA Célestin a recouru à la procédure d’aveu etde plaidoyer de culpabilité, qu’il requiert contre lui la peine d’emprisonnement de 11 ans surbase de l’article 15 de la Loi organique, ainsi que la dégradation civique perpétuelle prévue à

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l’article 66, 2°, 3°, 5° du Code pénal ;

Attendu que le Ministère conclut la présentation de ses réquisitions ;

Attendu que l'audience est suspendue pour reprendre le 22/05/1998;

Attendu que le 22/05/1998 toutes les parties comparaissent devant le Tribunal et que l'audiencecontinue;

Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre plaide non coupable en disant qu’il n’a pas pris part auxassassinats qui lui sont reprochés, mais qu’il en a été témoin oculaire car il se trouvait sur leslieux ;

9ème feuillet.

Attendu que UWIBAMBE dit que la preuve qu'il n'a pas commis ces crimes est qu’aucun de sescoprévenus ne l'en accuse ;

Attendu que relativement à l’action civile, UWIBAMBE dit qu’il ne peut pas être redevable desdommages et intérêts car il ne se reconnaît pas coupable ;

Attendu que HABIMANA Vénuste dit qu’il plaide coupable mais qu’il réfute le fait d’avoirdétruit un boisement et une bananeraie ;

Attendu que HABIMANA dit qu’il peut être rendu redevable des dommages et intérêts en faveurde NYIRANTIBIRAMIRA mais qu’il n’a pas les moyens de les payer ;

Attendu que la parole est donnée à TWAGIRAMUNGU Trojan qui dit qu’il plaide coupable del’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile mais qu’il rejette toute part deresponsabilité dans l’assassinat des enfants de NYIRANDARUHUTSE Eugénie ;

Attendu que concernant l’action civile, TWAGIRAMUNGU reconnaît qu’il est redevable dedommages moraux à NYIRANTIBIRAMIRA mais dit qu’il n’en a pas les moyens ;

Attendu que BAZABAZWA Déogratias dit qu’un conflit l'oppose au nommé KAYINAMURAqui a été présenté comme témoin à charge par le Ministère Public, que ce conflit est né du faitqu’il a acheté la propriété foncière de KAYINAMURA lors d’une vente aux enchères et qu’unsentiment de haine s’est installé entre eux ;

Attendu que le Ministère public émet le souhait que BAZABAZWA soit immédiatement mis endétention préventive parce qu’il y a lieu de craindre sa fuite après les réquisitions à sonencontre ;

Attendu que BAZABAZWA Déogratias demande au Tribunal de ne point prendre enconsidération l’argument du Ministère public et ce, sur base de la présomption d’innocencereconnue au prévenu par la loi tant qu’un jugement définitif de condamnation n’est pas encoreintervenu ;

Attendu que BAZABAZWA Déogratias dit qu’il sera redevable des dommages-intérêts s’il estreconnu coupable ;

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10ème feuillet.

Attendu que le Tribunal se retire en délibéré en date du 22/05/1998 sur l’incident soulevé par leMinistère Public concernant la mise en détention préventive de BAZABAZWA Déogratiasjusqu'au prononcé du jugement, que sur base de l'article 55 du Code de procédure pénale quidispose que le prévenu reste dans l’état où il se trouve au moment où la juridiction est saisiejusqu’au jugement, il déclare la requête du Ministère Public non fondée et que BAZABAZWAdoit rester en liberté jusqu'à ce que le Tribunal se prononce définitivement sur les infractions quilui sont reprochées ;

Attendu que quelques-uns des prévenus demandent que des témoins à leur décharge soient cités,que quelques-unes des parties civiles formulent une demande dans le même sens ;

Attendu que le Tribunal rend un jugement avant dire droit en date du 25/05/1998 et décide queles témoins présentés par les parties doivent être cités avant le jugement définitif, que laréouverture des débats est fixé au 11/06/1998 ;

Attendu qu’à cette date le prévenu BAZABAZWA ne comparait pas, que MeRUGERINYANGE Eloi et Me SINGENDA Gérard, avocats de la défense, disent que le défautde comparution de BAZABAZWA Déogratias est dû au fait qu’il est en détention au siège de lacommune GISHOMA, qu’ils ne peuvent pas le représenter en son absence ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public est invité à expliquer cette détention deBAZABAZWA et qu’il dit que le Ministère Public n’en est pas informé ;

Attendu que l'un des prévenus n’ayant pas comparu parce qu’il est en détention, l’audience estreportée au 26/06/1998;

Attendu que l’audience se poursuit en date du 26/06/1998 par l’audition des témoins à savoirMPIMUYE François qui dit qu'il ne sait rien sur les infractions reprochées à BAZABAZWAsinon qu’il le voyait chez lui entrain de veiller sur son épouse, HATEGEKIMANA Ladislas quidit avoir été témoin oculaire de l’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA à savoirNGABONZIZA Révocate et de REBAHINO Samuel qui ont été tués par TWAGIRAMUNGUTrojan, HABIMANA Vénuste et GAHUNGA Célestin mais que BAZABAZWA n'a aucune partde responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés, MUKANDOLI Candide qui dit qu'elle n'apas vu BAZABAZWA, RUHINGUBUGI et RWAMULINDA dans les expéditions meurtrières,qu’elle a cependant entendu dire qu’ils participaient aux rondes ;

11ème feuillet.

Attendu que tous les témoins n'ayant pas été entendus, l'audience est remise au 09/07/98;

Attendu qu'à cette date l'audience se poursuit en présence de toutes les parties par l'audition destémoins, que NSABIMANA André dit qu'il sait que les enfants de Casimir à savoirNGABONZIZA Révocate et REBAHINO Samuel ont été tués par TWAGIRAMUNGU Trojan,HABIMANA Vénuste et GAHUNGA Célestin ;Attendu que le témoin BARANZAMBIYE Jacques, invité à parler de la mort des enfants deNYIRANTIBIRAMIRA Cécile et de son mari ainsi que de celle des enfants de

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NYIRANDARUHUTSE Eugénie, dit au Tribunal qu’il a un lien de parenté avecNYIRANTIBIRAMIRA mais qu’il ne sait rien sur les circonstances de la mort des enfants et dumari de celle-ci, ainsi que de ceux de NYIRANDARUHUTSE Eugénie car il n’en a pas ététémoin oculaire, qu’il ne peut pas ainsi être utile au Tribunal ;

Attendu que Maître Boubou DIABIRA, Conseil des parties civiles, dit qu’il ne change rien surles déclarations des témoins entendus mais qu’il faudrait en entendre d’autres ;

Attendu que Me RUGERINYANGE Eloi et Me SINGENDA Gérard, avocats de la défense, ontété remplacés par Me Véronique et Me MANIRAGUHA Damien ;

Attendu que Me Véronique dit qu’aucune preuve sur l’implication de BAZABAZWA,RWAMULINDA et RUHINGUBUGI dans le génocide ou dans des actes de destruction neressort ni des débats ni des preuves rapportées par le Ministère Public, et encore moins destémoignages recueillis ;

Attendu que Me MANIRAGUHA P. Damien, Conseil de GAHUNGA Célestin, HABIMANAVénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan, dit que de tous les témoins entendus, seuleMUKANDOLI Candide a dit que ses clients ont tué les enfants de NYIRANTIBIRAMIRACécile et ceux de NYIRNDARUHUTSE Eugénie et qu’elle est la tante de ces enfants, qu’elle adonc un intérêt dans l’affaire et qu’à ce titre, elle ne peut pas être considérée comme témoin ;

Attendu que la parole est donnée en dernier lieu aux prévenus et que les débats sont ensuite clos,le prononcé étant fixé au 16/7/1998 ;

12ème feuillet.

Attendu qu’à cette date le prononcé n’a pas lieu car l’un des membres du siège est malade, qu’endate du 21/07/1998, le Tribunal reçoit un procès-verbal subséquent émanant du parquet et relatifau cas de BAZABAZWA Déogratias seul, faisant état du motif de détention du prévenu, qu'il ditque ce motif n'a aucun lien avec les faits criminels poursuivis en cette affaire, mais que leTribunal déclare que cela n'est pas fondé ;

Quant au pénal

Constate que l’action introduite par le Ministère public est recevable car elle est régulière en laforme et, après examen, constate qu’elle est partiellement fondée ;

Constate que GAHUNGA Célestin est poursuivi pour génocide, assassinat et association demalfaiteurs ;

Constate que GAHUNGA Célestin a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité ;

Constate que lors des débats en audience, GAHUNGA Célestin a confirmé son plaidoyer deculpabilité et présenté ses excuses ;Constate que les infractions pour lesquelles GAHUNGA Célestin est poursuivi sont en concoursidéal, qu’il doit être condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle de

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génocide ;

Constate que les infractions reprochées à GAHUNGA Célestin le rangent dans la 2ème catégorie ;

Constate que GAHUNGA a avoué et plaidé coupable du crime de génocide, qu’il doit bénéficierd’une réduction de peine tel que prévu par l’article 15 de la Loi organique n°08/96 du30/08/1996 ;

Constate que UWIBAMBE Jean Pierre est poursuivi pour assassinat, génocide et association demalfaiteurs ;

Constate que UWIBAMBE Jean Pierre a nié catégoriquement toutes les infractions à sa charge,mais qu’il ressort des témoignages de KAYINAMURA Callixte, MURANGA Faustin etHATEGEKIMANA Ladislas qui a été cité par BAZABAZWA, que UWIBAMBE J. Pierre étaitle chef des Interahamwe au niveau du secteur, et qu’il a dirigé les massacres en avril 1994 àl’époque où l’on tuait les Tutsi et ceux qui partageaient leurs opinions ;

13ème feuillet.

Constate que les infractions reprochées à UWIBAMBE sont en concours idéal, qu’il doit êtrecondamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle de génocide ;

Constate que les infractions à charge de UWIBAMBE Jean Pierre le rangent dans la premièrecatégorie ;

Constate que HABIMANA Vénuste est poursuivi pour assassinat, génocide et association demalfaiteurs ;

Constate que de toutes les infractions qui lui sont reprochées, HABIMANA Vénuste plaidecoupable de l’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile à savoir NGABONZIZARévocate et REBAHINO Samuel à cause de leur appartenance à l’ethnie Tutsi, qu’il plaide noncoupable des autres infractions, mais qu’il est établi qu’il a participé à l’attaque qui a coûté la vieà MIRUHO Casimir le mari de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et ses 3 fils KAYIRANGACanisius, MURWANASHYAKA Théogène et RUGEMINTWAZA Louis, et qu’il a participéégalement à l’assassinat des enfants de NYIRANDARUHUTSE Eugénie à savoir NIYIBIZIThéoneste et HABIMANA Théodore ;

Constate que ces infractions reprochées à HABIMANA Vénuste sont en concours idéal, qu’ildoit être condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle de génocide ;

Constate que les infractions reprochées à TWAGIRAMUNGU Trojan le rangent dans la 2ème

catégorie ;

Constate que RWAMULINDA Antoine est poursuivi pour assassinat, génocide et association demalfaiteurs ;

Constate qu’aucune preuve tangible de la culpabilité de RWAMULINDA ne se dégage ni deséléments du dossier établi par le Ministère Public ni des témoignages recueillis, qu’il doit en être

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acquitté ;

Constate que RUHINGUBUGI Jean est poursuivi pour assassinat, génocide et association demalfaiteurs ;

Constate cependant qu’il n’y a aucune preuve sur laquelle le Tribunal peut se baser pour ledéclarer coupable, qu’aucune infraction n’est établie à sa charge et qu’il doit être acquitté ;

14ème feuillet.

Constate que BAZABAZWA Déogratias est poursuivi pour assassinat, génocide et associationde malfaiteurs ;

Constate cependant qu’aucune preuve sur laquelle le Tribunal peut se baser pour le déclarercoupable ne se dégage ni du dossier établi par le Ministère Public ni des témoignages recueillis ;

Constate que concernant l’arrestation de BAZABAZWA Déogratias dont il est question dans leprocès-verbal subséquent transmis au Tribunal par le Ministère Public, il ressort de l'examen dece procès-verbal que cette détention de BAZABAZWA est illégale, qu’il doit être libéré;

Constate que l’infraction de destruction volontaire de maisons habitées n’est établie à charged’aucun prévenu car le Ministère Public n’en a pas rapporté la preuve et que les témoinsentendus ne l’ont pas confirmée ;

2° Quant à l’action civile

Constate que l’action introduite par NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et NYIRANDARUHUTSEEugénie est recevable car elle est régulière en la forme ;

Constate que HABIMANA Vénuste, TWAGIRAMUNGU Trojan et GAHUNGA Célestin ont euune part de responsabilité dans l’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et deNYIRANDARUHUTSE Eugénie, qu’ils doivent être condamnés au paiement des dommages-intérêts en cette affaire ;

Constate que GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojandoivent payer solidairement des dommages moraux s’élevant à 6.100.000 Frw à allouer àNYIRANTIBIRAMIRA Cécile, soit 1.000.000 Frw pour la perte de chaque enfant ainsi que1.100.000 Frw pour celle de leur père ;

Constate également que HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan doivent payersolidairement des dommages moraux s’élevant à 2.000.000 Frw à allouer àNYIRANDARUHUTSE Eugénie, soit 1.000.000 Frw pour la perte de chaque enfant ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;

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15ème feuillet.

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise, spécialement la Constitution du 10 juin1991 telle que modifiée à ce jour en ses articles 12, 14, 92, 93 et 94, et les Accords de Paixd’Arusha dans leur partie relative au partage du pouvoir spécialement en ses articles 27 et 33 ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Code d’organisation et compétence judiciairesau Rwanda tel que modifié à ce jour en ses articles 6, 12, 104, 123, 135, 136, 139, 199 et 200 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises depuis le 1er

octobre 1990 spécialement en ses articles 12, 14, 15, 17, 20, 21, 23, 30, 36, 37, 39 ;

Vu le Décret-loi du 23 novembre 1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à cejour en ses articles 16, 17, 19, 20, 58, 61, 71, 76, 83, 90 ;

Vu le Décret-loi n°21/77 du 18 août 1977 instituant le Code pénal rwandais tel que modifié à cejour spécialement en ses articles 82, 83 et 312 ;

Déclare recevable l’action introduite par le Ministère Public car elle est régulière en la forme et,après examen, la déclare partiellement fondée ;

Déclare que GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojanperdent le procès, que NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et NYIRANDARUHUTSE Eugènieobtiennent gain de cause ;

Déclare que RWAMULINDA Antoine, RUHINGUBUGI Jean et BAZABAZWADéogratias ne sont pas coupables ;

Condamne GAHUNGA Célestin à 7 ans d’emprisonnement ;

Condamne HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan à la peine d’emprisonnement àperpétuité et à la dégradation civique prévue à l’article 66, 2°, 3° et 5° du Code pénal ;

Condamne UWIBAMBE Jean Pierre à la peine de mort et à la dégradation civique perpétuelle ;

16ème feuillet.

Déclare RWAMULINDA Antoine, RUHINGUBUGI Jean et BAZABAZWA Déogratiasacquittés ;

Ordonne à GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste, et TWAGIRAMUNGU Trojan depayer solidairement à NYIRANTIBIRAMIRA Cécile 6.100.000 Frw de dommages moraux dansle délai légal sinon exécution forcée sur leurs biens ;

Ordonne à HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan de payer àNYIRANDARUHUTSE Eugènie 2.000.000 Frw de dommages moraux dans le délai légal sinon

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exécution forcée sur leur biens ;

Ordonne à HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan de payer solidairement le droitproportionnel de 4% équivalent à 80.000 Frw dans le délai légal sinon exécution forcée sur leursbiens ;

Ordonne à GAHUNGU Célestin, HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan de payersolidairement les frais d’instance s’élevant à 62.900 Frw dans le délai légal sinon exécutionforcée sur leurs biens ;

Rappelle aux parties que le délai d’appel est de 15 jours ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 06/08/1998 PARLE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE CYANGUGU CHAMBRESPECIALISEE DONT LE SIEGE EST COMPOSE DE HABIMANA Védaste,PRESIDENT, SEBAHIZI Alexandre ET BITSINDINKUMI Innocent, JUGES, ENPRESENCE DE KARANGWA Laurent, OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC, ET DUGREFFIER NYIRAHAGENIMANA Enatha.

SIEGE

JUGE PRESIDENT JUGE

SEBAHIZI Al. HABIMANA V. BITSINDINKUMI I. (Sé) (Sé) (Sé)

GREFFIERNYIRAHAGENIMANA E.

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TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE

GIKONGORO

116

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N°4

Jugement du Tribunal de Première Instance de GIKONGOROdu

20 Février 2002.

Ministère Public C/ BIZIMANA Antoine Alias MABUYE.

ACTION CIVILE (LIEN DE CAUSALITE) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET 283 CP) –CATEGORISATION (3ème CATEGORIE – ART 2 L.O. 30/08.96) – CRIME DEGENOCIDE – CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DESCENTE DU TRIBUNAL SURLE LIEU DES FAITS – DESTRUCTION DE MAISON D'AUTRUI (ART. 444 CP) – HUISCLOS – NON-ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER (ART. 256 CP) -PEINE (5 ANSD'EMPRSIONNEMENT; DEGRADATION CIVIQUE) – PREUVE (ADMINISTRATIONDE; VALIDITE DE) –– SUSPICION LEGITIME - TEMOIGNAGES (A CHARGE; ADECHARGE; CONTRADICTION ET FAUX TEMOIGNAGES; SUBORNATION DE) –VIOLATION DE DOMICILE (ART. 305 CP).

1. Saisine du Tribunal – renvoi par la Cour de Cassation suite à requête en suspicion légitime. 2. Descente sur les lieux.

3. Témoins – huis clos – dénonciation de faux témoignages organisés et de subornation detémoins.

4. Témoin ayant suivi les débats – témoin ayant un lien de parenté avec le prévenu – auditionhors serment.

5. Prévenu – infractions non établies (assassinat, violation de domicile, destruction de maison,non-assistance à personnes en danger, détention illégale d'arme à feu).

6. Prévenu – infraction établie (association de malfaiteurs) – troisième catégorie – cinq ansd'emprisonnement et dégradation civique.

7. Action civile – préjudice lié à des infractions non établies –action recevable mais non fondée.

1. Le Tribunal est saisi sur renvoi prononcé par la Cour de cassation qui a fait droit à la requêteen suspicion légitime introduite par le prévenu à l’encontre de la Chambre Spécialisée duTribunal de Première Instance de Butare devant laquelle l’examen de l’affaire avait étéentamé.

2. Le Tribunal procède à une descente sur les lieux des faits.

3. L’huis clos est accordé à un témoin qui dénonce l’organisation de faux témoignages, afinqu’il puisse dénoncer ceux qui ont l’ont incité à mettre en cause le prévenu.

118

4. Le Tribunal fait droit à la demande du prévenu visant à ce que un témoin à charge qui a suiviles débats lors des audiences précédant sa déposition ne soit pas entendu sous serment Il faitégalement droit à la demande de l'avocat des parties civiles visant à ce que un témoin qui a unlien de parenté avec le prévenu ne soit pas entendu son serment.

5. Sont déclarées non établies à charge du prévenu, les infractions de:

− Assassinat, car les témoins qui le mettent en cause ne précisent pas l’identité des victimes dela mort desquelles il serait responsable, et même son principal accusateur ne lui attribue pascette infraction. Les témoignages concernant l’arme dont il aurait fait usage ne peuvent êtreconsidérés comme probants dès lors qu’ils se contredisent.

− Violation de domicile, car les témoins entendus ne l’accusent pas d’être entré dans desmaisons.

− Destruction de maisons, dont il est disculpé par les différents témoignages recueillis,l’accusation restant en défaut de réfuter les affirmations du prévenu selon lesquelles lamaison en cause aurait été détruite avant son arrivée dans la région, et selon lesquelles lesmatériaux qu’il déclare avoir achetés ne provenaient pas des maisons détruites.

− Non-assistance à personnes en danger, car d'une part, l’accusation reste en défaut dedémontrer que le prévenu avait les moyens de porter secours aux victimes sans risque pourlui et se serait abstenu de le faire, et d'autre part, le prévenu ne peut se voir reprocher des’être abstenu de secourir les personnes dont il est en même temps accusé d’avoir voulu lamort.

− Détention illégale d'arme à feu car les infractions constitutives du crimes de génocide viséespar la Loi organique du 30 août 1996 sont celles prévues par le Code pénal. L’infraction dedétention illégale d’arme à feu n'étant pas prévue par le Code pénal, elle ne peut faire l’objetde poursuites dans un procès de génocide.

6. Est déclarée établie à charge du prévenu, l'infraction d'association de malfaiteurs, car mêmes'il n'a pas commis de meurtre, les témoignages entendus démontrent qu'« il avait l'habitudede se promener en compagnie de quelques-uns des tueurs» parmi lesquels figurait son petitfrère, qu’il a participé à des réunions, qu’il a pris part à une perquisition en compagnie desmalfaiteurs, et qu’il suivait de près les actes des tueurs. L’infraction établie range le prévenuen troisième catégorie. Il est condamné à 5 ans d'emprisonnement ainsi qu'à la dégradationcivique.

7. L’action des parties civiles est déclarée recevable mais non fondée, le préjudice qu’ellesinvoquent étant lié à la perte de membres de leur famille ou à des atteintes à leurs biens pourlesquels la responsabilité du prévenu n’a pas été retenue.

(NDLR: Par arrêt de la Cour d'appel de NYABISINDU en date du 11/12/2002, ce jugement aété réformé : l’appel du prévenu y est déclaré recevable et fondé, et il est acquitté del’ensemble des infractions).

RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO

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(Traduction libre) 1er Feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GIKONGORO SIEGEANT AGIKONGORO EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMES CONTREL’HUMANITE, A RENDU LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

BIZIMANA Antoine alias MABUYE, fils de KANYAMIGANDA André etMUKAGAKWAYA Marie, né en 1954 à NDOBOGO, secteur GIHINDAMUYAGA, CommuneMBAZI, Préfecture BUTARE, République Rwandaise, résidant dans la cellule KANSEREGE,secteur KAMUTWA, commune KICUKIRO, Préfecture de la ville de KIGALI, marié àMUKASINE Marie Claire, père de 3 enfants, ex-agent de l’Etat, possédant deux maisons sisesrespectivement à NDOBOGO et KACYIRU, sans antécédents judiciaires connus.

PREVENTIONS :

- Avoir, dans le secteur GIHINDAMUYAGA, Commune MBAZI, Préfecture BUTARE,République Rwandaise, entre avril et juillet 1994, comme auteur, coauteur ou complice telque prévu par l’article 3 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 et les articles 89, 90 et91 du Code pénal Livre I, commis le crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanitéprévus par la Convention du 09/12/1948 sur la répression du crime de génocide, laConvention de Genève du 12/08/1949 sur la protection des personnes civiles en temps deguerre ainsi que les Protocoles Additionnels, la Convention du 26/11/1968 surl’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, toutes trois ratifiéespar le Rwanda par le Décret-loi n°08/75 du 12/02/1975 ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur, coauteur oucomplice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commis desassassinats dans le but de détruire le groupe ethnique Tutsi, infraction prévue et réprimée parl’article 312 du Code pénal livre II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux comme auteur, coauteur oucomplice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, fait partie d’uneassociation de malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi, infraction prévue etréprimée par les articles 281, 282 et 283 du Code pénal livre II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, violé les domiciles d’autrui,infraction prévue et réprimée par l’article 305 du Code pénal livre II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur, coauteur oucomplice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, détruit les maisonsd’autrui, infraction prévue et réprimée par l’article 444 du Code pénal livre II ;

RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO

120

2ème Feuillet.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur, coauteur oucomplice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, omis de porterassistance ou de provoquer du secours en faveur des personnes en péril alors qu’il ne pouvaiten résulter aucun danger pour lui, infraction prévue et réprimée par l’article 256 du Codepénal livre II ;

LE TRIBUNAL :

Vu qu’après l’instruction préparatoire par le Parquet de la République à BUTARE, les pièces dela procédure ont été communiquées au Tribunal de Première Instance de BUTARE, quel’instruction d’audience qui avait commencé a dû être suspendue suite à la requête de renvoipour cause de suspicion légitime introduite à la Cour de Cassation ;

Vu que par arrêt de renvoi RPP006 du 24/10/2000 rendu par la section Cour de Cassation de laCour Suprême, l’affaire a été renvoyée pour connaissance au fond à la Chambre Spécialisée duTribunal de Première Instance de GIKONGORO ;

Vu l’inscription de la présente affaire au rôle en date du 10/12/2000 sous le N° RP0098/3/GIRO ;

Vu l’ordonnance du Président du Tribunal pris en date du 12/06/2001 et fixant l’affaire au18/09/2001 ;

Vu qu’à cette date l’audience n’a pas lieu car deux des magistrats du siège participaient à unséminaire de formation à KIGALI, qu’elle est reportée au 18/10/2001, date à laquelle elle a lieu,le prévenu BIZIMANA Antoine ayant pour Conseil Me GRACIAS NOUTAIS-HOLO del’association « Avocats Sans Frontières » et Me BIZINDORI Robert, les parties civiles étantreprésentées par Me RWANGAMPUHWE François, avocat au barreau du Rwanda ;

Attendu que BIZIMANA Antoine plaide non coupable et dit que les accusations portées contrelui sont de pures inventions, que ceux qui le mettent en cause n’ont pas été témoins oculaires dece qu’ils allèguent et qu’il y a de nombreux témoins qui peuvent le disculper ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il y a de nombreuses pièces irrégulières, soit celles quisont incomplètes, soit celles qui lui attribuent mensongèrement les faits qui lui sont reprochés,qu’ainsi les accusations portées à son encontre ne sont pas fondées ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit que l’allégation de l’Officier du Ministère Public selonlaquelle le prévenu avait accès à toute correspondance parvenue aux services du PremierMinistre est fausse dès lors qu’il n’était pas, en date du 20/06/1997, un agent de ces services, quemême la lettre écrite par le Bourgmestre de la commune MBAZI n’a pas de valeur dès lorsqu’elle n’a pas de destinataire ;

Attendu que BIZIMANA Antoine soulève l’irrégularité des procès-verbaux cotés de 285 à 289ainsi que ceux cotés de 298 à 303,

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121

3ème Feuillet.

en ce que les premiers ne mentionnent pas leur auteur et ne sont même pas signés, et que ce n’estpas la lettre envoyée au Premier Ministre qui a fait l’objet du rapport établi mais que c’est plutôtle procès-verbal dressé par le Sergent KABASHA qui a été envoyé sans cependant comporter laformule de serment de cet officier de police judiciaire, qu’il poursuit en disant qu’il contesteégalement les procès-verbaux cotés de 304 à 309 car le Procureur Général près la Cour d’Appelde NYABISINDU a relevé les noms des témoins à charge de BIZIMANA Antoine ainsi que lesfaits dont ils l'incriminent sans que les procès- verbaux de leurs auditions aient été établis et qu’ilest fait mention d’un Officier du Ministère Public inexistant nommé MUYOBOKE Félicien,qu’il dit qu’aucune force probante ne doit être attachée à ce procès-verbal dès lors que le dossiern’était pas encore au degré d’appel quand le Procureur Général à NYABISINDU l’a dressé ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’aucune force probante ne doit également être attachéeaux procès-verbaux cotés de 274 à 283 ainsi qu’à celui du Dr. RUCYAHANA même s’il nel’incrimine en rien, qu’il poursuit en disant qu’il n’était pas au Rwanda avant la guerre et n’a paspris part aux activités des partis politiques, qu’il en produit pour preuve un passeport et soulignequ’il aurait quitté le pays s’il avait réellement commis le génocide, qu’il dit qu’il avait reçu unéclat aux jambes de sorte qu’il était incapable de se livrer à des meurtres et produit desdocuments médicaux délivrés à BUTARE qui sont versés au dossier;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il existe des rapports établis par le Parquet de BUTAREqui confirment son innocence et notamment ceux cotés de 290 à 294 et de 295 à 297, que leurcontenu concorde avec celui des rapports établis par les services de renseignements ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il se trouvait à KIBABARA mais qu’il est accusé defaits perpétrés à GIHINDAMUYAGA, qu’il produit la carte portant sur les emplacements de cesendroits qui est versée au dossier ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit que l’autre preuve de son innocence est que quarante troispersonnes qui ont été interrogées par le parquet ont dit qu’il n’a pas participé au génocide, que lenommé "M" a par ailleurs indiqué dans un écrit que ceux qui accusent BIZIMANA Antoine luiont demandé un concours à cet effet ;

Attendu que l’audience est suspendue et reportée au 19/10/2001 ;

Attendu que l’audience continue le 19/10/2001 et que BIZIMANA poursuit sa défense en disantque les accusations à sa charge ne sont pas étayées par des preuves palpables, qu’il demande auTribunal d’inviter le Ministère Public à produire les preuves afin qu’il puisse présenter sesmoyens de défense en connaissance de cause ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public fait un exposé sur les circonstances de lieux desinfractions reprochées à BIZIMANA Antoine ;

Attendu que BIZIMANA dit que le crime de génocide est d’une très grande gravité si bien qu’ilfaudrait en produire des preuves formelles, que cela n’est cependant pas le cas de la part duMinistère Public ;

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Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il va aborder sa défense par le témoignage du Dr.RUCYAHANA Alexandre qui est à l’origine de toutes ces accusations, qu’il explique qu’il setrouvait à GISENYI avant la guerre et qu’il est venu à BUTARE pour la fête de Pâques maisque, arrivé à KIGALI, il a logé à KACYIRU jusqu’au 18/04/1994, date à laquelle un projectiletiré sur son domicile l’a blessé ainsi que son épouse, qu’ils sont passés par BUTARE mais que,suite aux nombreuses barrières qui jalonnaient leur itinéraire, le conducteur du véhicule à bordduquel ils se trouvaient a refusé de les conduire au Monastère de GIHINDAMUYAGA

4ème Feuillet.

où il a vécu chez son petit frère HABYARIMANA Joseph qui était le voisin du Dr.RUCYAHANA Alexandre et où ils sont arrivés dans la soirée du 19/04/1994, car ils devaient sefaire soigner et chercher comment survivre étant donné qu’ils n’avaient rien sur eux, que celadément les affirmations du Dr. RUCYAHANA selon lesquelles il est arrivé là le 15/04/1994,qu’il n’était donc pas sur les lieux quand des jeunes hommes ont commis, aux dates des 18 et19/04/1994, les faits dont parle le Dr. RUCYAHANA qui va jusqu’à affirmer que BIZIMANAétait présent ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas assisté à un quelconque meurtre durant son séjour àGIHINDAMUYAGA car même ceux qui sont morts à GIHINDAMUYAGA ont été tués en datedu 22/04/1994 au camp des jeunes en face du domicile de son petit frère où il se trouvait ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’ils sont allés se faire soigner à BUTARE le 20/04/1994et sont revenus le 21/04/1994, date à laquelle les miliciens Interahamwe venus de tous les coinsont encerclé RUGANGO, le camp des jeunes et SOVU sous la direction de REKERAHO, queBIZIMANA était à ce moment chez son petit frère en compagnie de celui-ci, et que c’est là où secachait Bonifride si bien que BIZIMANA était présent quand REKERAHO et les miliciensInterahamwe l’ont enlevée ;

Attendu que BIZIMANA dit que de nombreuses personnes étaient dans les différentes chambresde cette maison, que BIZIMANA se cachait car il était opposé aux miliciens Interahamwe etpouvait même être tué à cause des fonctions qu’il exerçait ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit que KAYITESI qui le charge d’avoir trempé dans lemeurtre de Bonifride se trouvait à cette date à KIGALI, qu’il relève que KAMPOGO Jeanne,dans son témoignage figurant à la cote 28, affirme avoir vu BIZIMANA dans l’attaque qui acoûté la vie à Bonifride au moment où elle se cachait dans des bambous mais change dedéclaration à la cote 140 et dit qu’elle ignore où la victime a été tuée, que cela prouve queKAMPOGO ment ;

Attendu que BIZIMANA dit que MUKAMULIGO Bonifride a vu REKERAHO amenerBonifride car elle a été tuée au camp des jeunes alors que BIZIMANA était toujours au lit pourcause de maladie, qu’il n'a pas parlé à REKERAHO et n’est pas arrivé à SOVU ou au camp desjeunes à cette date, qu’ils ne sont arrivés au camp des jeunes qu’en date du 26/04/1994 pourenterrer les victimes sur demande de l’Abbé Jean, qu’il ne sait rien sur les victimes qui y ont ététuées ;

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Attendu que BIZIMANA dit que KAMPOGO ment quand elle affirme l’avoir vu à SOVU le20/04/1994, car elle se trouvait chez MUKANTAGARA Jacqueline à cette date, que mêmeREKERAHO, lors de ses aveux des crimes commis à SOVU, n’a point dit que BIZIMANA en aété son coauteur ;

Attendu que BIZIMANA déclare être arrivé à la paroisse de RUGANGO en date du 26/04/1994juste à la fin de l’enterrement des victimes qui avaient été tuées le 22/04/1994, que c’est avantl’enterrement qu’on leur a dit qu’il y avait dans les cadavres un enfant encore en vie, que lapopulation a alors décidé de chercher le Dr. RUCYAHANA qui est venu et que l’enfant a ététransporté à l’hôpital, mais qu’ils ne sont pas arrivés là où se trouvait l’enfant ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il n’a eu aucune part de responsabilité dans lesassassinats de KAREMERA Vital, BUTERA J. Paul, BUTERA Marthe et BUTERA Antoine carl’auteur de l’assassinat de KAREMERA est mentionné dans les procès-verbaux cotés de 280 à294 et que le curé du monastère en a détaillé les circonstances, et que

5ème Feuillet.

MUKAMULIGO et SERUSATSI qui était le responsable de la cellule affirment queBIZIMANA n’a tué personne ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il se trouvait à KIBABARA lors de l’assassinat des enfants deMarceline en date du 25/04/1994 et que cela est confirmé par les témoignages deMUKAKARUTA, BAKUNDUKIZE Isaïe, NDASUBIRA Alphonse, BAGARAGAZA Thadéeet SEKAMANA Déo, qu’il continue en disant qu’il était également à KIBABARA lors del’assassinat des enfants de MBUNGIRA ;

Attendu que BIZIMANA dit que ce n’est pas lui qui a tué les moines car le curé a donnél’identité de leurs assassins et a bien spécifié que BIZIMANA n’en faisait pas partie, que mêmeles autres frères religieux ont dit que les auteurs de ces assassinats sont REKERAHO et lesmiliciens Interahamwe ;

Vu que l’audience est reportée au 24/10/2001, qu’à cette date BIZIMANA poursuit sa défense endisant qu’il ne pouvait rien faire pour défendre Bonifride étant donné que REKERAHO dirigeaitles attaques en appliquant les consignes qui lui étaient données par les autorités et étant avec desmilitaires ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il y a lieu d’entendre le médecin qui l’a soigné le 21/04/1994pour établir qu’il n’est pas personnellement arrivé au camp des jeunes à cette date car il avaitsubi un examen de radiographie le 20/04/1994 ;

Attendu que la partie civile UWIRINGIYE Agnès dit que les tueries qui ont été perpétrées aucamp des jeunes n’ont pas eu lieu le 22/04/1994 mais plutôt le 21/04/1994, qu’elle a vu, en datedu 25/05/1994, BIZIMANA en compagnie de REMERA et HABYARIMANA et que c’est àcette date que les 4 enfants de NYIRAMUKAMISHA ont été tués et jetés dans les latrines deMBUNGIRA, de même que deux fils de KARUYUNDO et les enfants deMUKARUTEGANYA, que la responsabilité de BIZIMANA réside en ce qu’il disait qu’il nevoulait plus les revoir et qu’il avait une massue ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il plaide non coupable d’association de malfaiteurs, car il est

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faux de dire qu’il se trouvait au camp des jeunes en date du 21/04/1994 en compagnie deREKERAHO et HABYARIMANA étant donné qu’il était allé voir le médecin à BUTARE ;

Attendu que BIZIMANA relève que tous ceux qui le chargent ne sont pas unanimes quant auxhabits qu’il portait quand ils l’ont vu ;

Attendu que MUKARUTEGANYA Spéciose déclare avoir vu BIZIMANA le 25/04/1994 dansl’attaque qui a eu lieu chez MBUNGIRA quand elle apportait de la nourriture aux enfants qui yavaient trouvé refuge, que l’intéressé n’avait rien à part qu’il avait un bandage au bras et qu’ilboitait ;

Attendu que BIZIMANA émet le souhait que le Tribunal demande à MUKARUTEGANYApourquoi, l’ayant vu dans cette attaque, elle ne l’a point dénoncé auparavant, queMUKARUTEGANYA répond l’avoir mis en cause après les inhumations qui ont eu lieu àMBAZI ;

Vu que l’audience est reportée au 26/10/2001, mais qu’à cette date, les parties sont informées dela décision ordonnant une enquête préalable, que l’audience est encore remise au 30/10/2001 ;

6ème Feuillet.

Vu qu’à cette date du 26/10/2001 le Tribunal fait une descente à KIBABARA, et à NDOBOGO,lieu de naissance de BIZIMANA Antoine et que, après une visite des lieux, il entend la mère deBIZIMANA en la personne de MUKAGAKWAYA Marie qui dit que la maison deHABYARIMANA a été construite en 1976, que les briques qui ont servi à la construction desmurs de la maison de BIZIMANA leur ont été données par un frère religieux blanc ;

Attendu que la sœur de BIZIMANA nommée NYIRAHABIMANA Antoinette dit que lesmaisons qui sont là existaient quand elle a atteint l'âge de raison, que les murs ont été construitsaprès, que celui se trouvant du côté méridional et sans crépissage a été construit en 1994 aumoyen des briques que Antoine a achetées à MATENE, BAKUNDUKIZE Isaïe etBAGARAGAZA Thadée qui les lui apportaient ;

Attendu que NYIRAHABIMANA dit qu’elle ne se souvient pas de la date à laquelleBIZIMANA est arrivé chez eux, mais qu’il avait été blessé et que les tueries avaient pris fin ;

Attendu que l’enquête s’est poursuivie à KABAKONO et que MUKANDEKEZI Vestine, aprèsavoir prêté serment, dit qu’elle connaît BIZIMANA et que celui-ci vivait à GISENYI, que lesmiliciens Interahamwe l’ont blessé à coups de machettes et que le nommé Joseph l’a fait soigner,qu’interrogée sur l’identité des victimes que BIZIMANA a tuées, elle répond qu’il ne vivait pasdans la région à moins qu’il n’ait commis des tueries à GISENYI ;

Attendu que UWIMANA Françoise, après avoir prêté serment, déclare ne pas avoir vuBIZIMANA en 1994 car il ne vivait pas dans la région, qu’elle n’entend pas dire queBIZIMANA s’est livré aux massacres ;

Attendu que NYIRASONI Madeleine, après avoir prêté serment, dit que son mari et ses enfants

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ont été tués à SOVU au cours des attaques dirigées par REKERAHO et KAMANAYO, que lesattaques qui ont eu lieu à NDOBOGO étaient dirigées par NDAGIJIMANA, NTAMUNOZA etBIHEHE, que HABYARIMANA s'est lui aussi mal comporté mais qu’elle ne connaît pasBIZIMANA et n’a pas connaissance des tueries qu'il aurait commis ;

Attendu que MUKANDEKEZI Anastasie, après avoir prêté serment, dit qu’elle a vu le nomméXavier originaire de NYANZA lors des massacres commis à SOVU, que BIZIMANA n’y est pasarrivé car il ne vivait pas dans la région et qu’elle ne sait rien sur lui à cette époque ;

Attendu que poursuivant son enquête, le Tribunal arrive à la paroisse RUGANGO où elle trouveSœur Suzanne qui lui dit qu’elle se trouvait au BURUNDI où elle avait été mutée à l’époque desfaits, que constatant qu’elle ne peut pas lui être utile, le Tribunal se rend à RUGANGO àl’endroit où se trouvait le domicile de MBUNGIRA avant les massacres ;

Attendu que MUKAMUSONI Thacienne, après avoir prêté serment, dit qu’elle était la voisinede MBUNGIRA et que celui-ci est mort en avril 1994 tandis que son épouse et morte des suitesd’une maladie avant le génocide, que les tueurs avaient cependant épargné MBUNGIRA et qu’ilest décédé environ une semaine après l’attaque à son domicile ;

Attendu que NYIRANSEKANABO Dorothée, après avoir prêté serment, dit que les sieursNYANDWI, NTIBAHANGANA et SINYAGIRA ont pris part à l’attaque qui a eu lieu audomicile de MBUNGIRA sous la direction de l’Adjudant REKERAHO Emmanuel, queHABYARIMANA n’en faisait pas partie ;

7ème Feuillet.

Attendu que MAYONGA Fidèle, employé du monastère de GIHINDAMUYAGA, après avoirprêté serment, dit qu’il était le voisin de MBUNGIRA et que celui-ci est mort des suites d’unemaladie à l’époque du génocide tandis que son épouse est décédée avant le génocide, quel’attaque au domicile de MBUNGIRA était dirigée par HABYARIMANA Joseph et un hommequi habite à KIGALI ;

Attendu que MAYONGA dit que ce sont REMERA et REKERAHO qui dirigeaient les attaques,qu’il ne connaît pas BIZIMANA à part entendre parler de lui ;

Attendu que l’enquête est clôturée à 16 heures et demie ;

Attendu que l’audience continue le 30/10/2001, que les témoins qui ont comparu sont priés derester en dehors de la salle d’audience et que BIZIMANA Antoine et les parties civiles sontinformées des résultats de l’enquête du 26/10/2001 ;

Attendu qu’invité à y répliquer, BIZIMANA dit que ce qui a été dit au cours de l’enquête est vraicar il n’a pas trempé dans des actes de génocide ;

Attendu que BIZIMANA dit que les actes de destruction de maison qui lui sont reprochés sontdes accusations mensongères car le Ministère Public n’indique ni les maisons détruites ni leurspropriétaires et qu’au contraire le nommé BAGARAGAZA est mis en cause parBAKUNDUKIZE d’avoir détruit la maison de MBARAGA à une date à laquelle BIZIMANA

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n’était pas encore arrivé à KIBABARA ;

Attendu que dans sa défense sur l’infraction de non assistance aux personnes en danger, il ditqu’il n’avait pas les moyens d’assister ces personnes étant donné qu’il était malade, qu’ilpoursuit en disant qu’il n’était membre d’aucun parti politique pour que des adeptes aient pul’aider à s’opposer aux actes qui étaient commis surtout que Bonifride a été tuée au cours d’uneattaque dirigée par REKERAHO et composée de nombreuses personnes armées de fusils demanière que BIZIMANA n’aurait pas pu lui barrer la route, qu’il ne pouvait pas non plusprovoquer du secours dès lors que ces actes étaient soutenus par les autorités ;

Attendu que concernant l’infraction de détention illégale de fusil, il dit qu’elle n’est pas fondéecar ceux qui l’accusent n’indiquent pas le type de fusil qu’il avait ou l’endroit où ils l’ont vu leporter et notamment à KIBABARA, alors que le nommé NYIRAMUKAMISHA a dit lors de sonaudition que BIZIMANA se promenait armé de massue d’une part, et qu’elle a dit d’autre partqu’il n’a jamais eu un fusil au moment où les uns parlent de gourdin, d’autres de massues etd’autres enfin affirment qu’il n’avait pas d’arme ;

Attendu que l’audience est suspendue pour reprendre le lendemain 31/10/2001 par lesdépositions des témoins ;

Attendu que BIZIMANA dit que MUKAKARUTA Spéciose peut témoigner à sa décharge surles tueries qui ont été commises au camp des jeunes et qu’elle sait que MUKARUTEGANYA aamené ses enfants chez MBUNGIRA où elle les a laissés et s’en est aussitôt allée ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAKARUTA Spéciose dit qu’elle se trouvait chezelle au moment des massacres commis au camp des jeunes, qu’elle a entendu des explosions degrenades mais qu’elle n’a pas vu les tueurs à part qu’elle a entendu par la suite parler deSEKUGABANYA et NYIRIMANA ;

8ème Feuillet.

Attendu que MUKAKARUTA dit que ceux qu’elle a vu emmener Bonifride sont NDANGAAlfred, SEKUGABANYA et de nombreux autres qu’elle n’a pas identifiés, que REKERAHOétait à la tête de ces assaillants ;

Attendu que MUKAKARUTA Spéciose dit qu’elle se trouvait sur les lieux lorsque BIZIMANAAntoine a été arrêté à MBAZI, que NZAMWITAKUZE Claire lui a demandé d’affirmer queAntoine porte les habits de son mari mais qu’elle a refusé, qu’elle termine en soulignant qu’aucontraire, Antoine n’a pas pris part au génocide ;

Attendu qu’interrogé sur les faits relatifs aux infractions dont peut le disculper "M",BIZIMANA dit qu’il peut parler du contenu de sa lettre ainsi que des tueries commises au campdes jeunes car il était sur les lieux et qu’à ce titre, il peut donner l’identité des personnes qu’il avues sur place ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, "M" dit qu’il était au camp des jeunes quand les massacresy ont été perpétrés, que cela peut être confirmé par son cousin DUSABE, sa mère Salomée et sesenfants qui étaient avec elle ;Attendu que "M" dit que NYIRAMARIZA ne sait pas ce qui s’est passé au camp des jeunes carelle a quitté le camp des jeunes auparavant tandis que Spéciose a emmené ses enfants et n’est

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revenue qu’une fois quand elle apportait à son mari des patates douces, qu’il est parti avec samère, mais que celle-ci est restée chez Suzanne, que "M" a poursuivi sa route avec sa grand-mère, DUSABE et DUSENGUMUREMYI, que NDAMAGE n’est pas quant à lui arrivé aucamp des jeunes même s’il a fui avec les autres personnes de chez lui ;

Attendu que "M" dit que, lors de l’attaque au camp des jeunes, il est sorti avec sa mère mais quecelle-ci a été tuée après des discussions, les uns disant qu’il ne fallait pas la tuer car elle a étémariée à un Hutu, que leur employé Fidèle a été tué, qu’il dit que son petit frère a été brûlé àl’intérieur de la maison car il l’a attendu mais en vain, qu’il a alors regagné leur domicile àMPUNGWE et est revenu après 6 jours, qu’il a croisé MUSENGAMANA qui avait alors forcéDUSABE Alice à s’unir avec lui et que celui-ci l’a poursuivi en courant, que quand ils sontarrivés à SOVU, l’intéressé lui a demandé pourquoi il ne lui a pas donné de l’argent alors qu’il abien tué sa mère ;

Attendu que NDAMAGE dit qu’il ne se trouvait pas au camp des jeunes au cours des tueriesmais qu'il se cachait près de là, qu’il a appris que "M" n’était pas sur les lieux ;

Attendu que "M" dit que les tueurs qui sont venus au camp des jeunes sont REKERAHO,KABAGEMA, RUGAMBWA, MUSENGAMANA, HABYARIMANA Joseph, NTIGURA etMACUMU, que BIZIMANA n’est pas arrivé au camp des jeunes ;

Attendu que "M" dit qu’il se trouvait sur les lieux au moment de l’arrestation de BIZIMANA àMBAZI car il était allé participer à l’inhumation des restes des victimes en compagnie deNDAMAGE, KAYITESI Béatrice, MUKAKALISA Régine et Gertrude, qu’il était environ dixheures et qu’ils étaient en train de causer en disant que VORIVORI a lui aussi été inhumé avecles leurs, que BIZIMANA est alors arrivé et les a salués, que NDAMAGE a dit que BIZIMANAest bon mais que HABYARIMANA Joseph est un meurtrier, qu'après la messe, le bourgmestre apris la parole et parlé des circonstances du génocide à MBAZI, que lorsque lecture de la liste destueurs a été faite, HABYARIMANA le petit frère de BIZIMANA a été mentionné et que c’estalors que Régine s’est adressée aux autres en se demandant ce qu’est venu faire son "salaud" degrand frère, qu’il était alors entre midi et quatorze heures, que Marie BUTERA est arrivée etque, ayant entendu de quoi ils parlaient, elle leur a demandé qui était BIZIMANA car elle ne leconnaissait pas ;

9ème Feuillet.

qu’ils le lui ont montré là où il se tenait debout, qu’elle leur a dit de faire en sorte qu’il ne leuréchappe pas, que la dame qui était avec Marie BUTERA a dit que c’est bien d’agir contre unepersonne de haut rang comme lui car les instances supérieures en seront informées et les aexhortés à le faire, que BIZIMANA est alors descendu de la tribune et que Marie BUTERA l’aattrapé de derrière en disant que même les habits qu’il portait appartenaient à son mari ;

Attendu que "M" dit que le militaire qui assurait la garde rapprochée de BIZIMANA a failli tirersur NDAMAGE et ceux qui étaient avec lui, mais que les agents de l’ordre se sont saisis deBIZIMANA et ont invité ceux qui ont des accusations à formuler contre lui à aller témoigner àsa charge, que Marie BUTERA est venue au moment où Marcella disait à "M" qu’elle ne saitrien sur BIZIMANA, et a demandé à sa camarade si elle a déjà oublié ses enfants qui ont été tuéset à "M" s’il a oublié sa mère, que Marcella a alors pleuré ;

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Attendu que "M" dit que Marcella est descendue et allée là où on avait conduit BIZIMANA etque, interrogée sur ce qu’elle sait sur son compte, elle a pleuré sans répondre, que les militairesl’ont alors chassée disant qu’elle est en état d’ivresse, qu’elle est rentrée aussitôt et que "M" en afait de même ;

Attendu que "M" dit qu’il a demandé à MUKARUTEGANYA ce qu’elle en sait et qu’elle lui arépondu qu’elle ne peut pas faire un faux témoignage à charge d’un fils rwandais, que c’est àcette date et en peu de minutes que le dossier de BIZIMANA a été ainsi monté, que par la suite,quand il croyait que l’affaire était terminée, "M" s’est vu contacter par des gens qui lui disaientde témoigner à charge de BIZIMANA, qu’interrogé sur l’identité de la personne qui l’a contacté,il répond qu’il ne peut pas le dire en audience publique, que le Tribunal décide alors del’entendre à huis clos ;

Attendu que "M" dit que toutes ces dames qui sont venues témoigner à charge de BIZIMANA yont été incitées par l’Association des Rescapés du Génocide, qu’ils sont arrivés àGIHINDAMUYAGA et ont invité "M" à venir témoigner à charge de BIZIMANA, qu’ils onttenu des réunions à cet effet, mais que tous ceux qui étaient avec "M" à MBAZI plaignaient leprévenu disant qu’il est victime des actes perpétrés par son petit frère HABYARIMANA Joseph,qu’il poursuit en disant que ce problème l’a brouillé avec sa sœur NYIRAMARIZA etNYIRAMUKAMISHA Marcella qui a dit une fois qu’il faut que BIZIMANA livre ses "salauds"d’enfants pour qu’on les tue afin qu’ils soient sur un pied d’égalité ;

Attendu que "M" dit qu’après avoir constaté qu’il n’adhérait pas à leur projet, elles sont alléesdire à l’Officier du Ministère Public nommé Azarias qu’il ne faut pas que "M" fasse untémoignage, que ledit Officier du Ministère Public est venu le voir au service à KIGALI et lui aenjoint de faire un témoignage écrit, qu’il l’a fait car l’autre croyait qu’il s’agit d’un témoignageà charge de BIZIMANA, mais que, constatant que ce n’est pas le cas, on a commencé à lemenacer d’emprisonnement ;

Attendu que "M" dit qu’aucune des personnes qui sont venues témoigner à charge deBIZIMANA n’était avec lui au camp des jeunes, que leur attitude est en grande partie guidée parla volonté de se voir allouer des dommages intérêts car, avant le début du procès à BUTARE,l’Association des Rescapés du Génocide leur a demandé de faire l’inventaire des biensendommagés auxquels ils ont affecté des sommes très élevées comme contre-valeur à leurallouer, que la majorité d’entre elles agissent par convoitise de l’argent car on leur promettaitd’être désintéressées sitôt après le procès, qu’il précise que ces témoins à charge sont lesmembres de sa famille ;

10ème Feuillet.

Attendu que BIZIMANA Antoine dit que MUKAMULIGO Bonifride peut témoigner en safaveur sur les tueries qui ont été commises au centre des jeunes tandis que Agnès peut le fairesur celles qui ont été perpétrées au domicile de MBUNGIRA ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, UMUHOZA Agnès déclare avoir demandé à Spéciose delui dire ceux qui ont emmené de chez son grand-père MBUNGIRA les enfants pour les tuer et

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qu’elle lui a parlé de NYIRIMANA et SEKAZUNGU, mais qu’elle ne lui a pas dit queBIZIMANA Antoine participait à cette attaque ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, DUSABE Alice dit qu’elle se cachait chezMUSENGIMANA lors de l’attaque qui a été menée chez son grand-père MBUNGIRA, que cetteattaque était composée de Fidèle, NSENGIMANA, Emmanuel originaire de RUGANGO,MINANI le fils de NDIMUBANZI, KALISA et MUSENGIMANA, qu’elle ne connaît pasBIZIMANA Antoine mais qu’elle a entendu dire que l’intéressé n’était pas présent lors del’assassinat des enfants de MUKARUTEGANYA ;

Attendu que DUSABE Alice dit qu’elle a cherché refuge au camp des jeunes après l’incendie dela maison de sa famille, qu’elle a quitté le camp un mercredi et que les tueries y ont étécommises un jeudi, qu’elle était avec "M" au camp des jeunes et que celui-ci n’aurait pasmanqué d’identifier une nouvelle figure si BIZIMANA avait pris part à cette attaque car celle-cin’était composée que des membres de la population locale ;

Attendu que MUKAMULIGO Bonifride prête serment et dit que c’est NYIRAMUKAMISHAqui lui a appris l’attaque qui a eu lieu chez MBUNGIRA en lui parlant de ses enfants tués, queles enfants de NYIRAMUKAMISHA ont été emmenés par SEKAZUNGU, MAREMBO, unpolicier du nom de MPOZENZA Charles, MUROGORO et NYIRIMANA, mais queBIZIMANA n’était pas présent tout comme REKERAHO et HABYARIMANA ;

Attendu que DUSABE dit que Spéciose n’était pas présente lors de l’assassinat de ses enfantscar elle s’en était allée, que DUSABE dit qu'il a suggéré à Spéciose d’aller chercher refuge pourses enfants chez KAMANZI, mais qu’elle lui a répondu qu’elle n’a pas à se préoccuper de ceuxdont le sort est réglé, qui vont inévitablement périr;

Attendu que MUKABONERA prête elle aussi serment et dit que SEKAZUNGU,SEKUGABANYA et NYANDWI sont passés à son domicile et ont perquisitionné sa maisonquand ils se rendaient chez MBUNGIRA, qu’à la question de savoir comment les enfants deSpéciose sont arrivés chez MBUNGIRA, elle répond que c’est Spéciose qui les y a conduits etque quand SEBAZUNGU lui a demandé pourquoi elle les amenait là, elle a dit que quand Dieuveut reprendre ce qu’il t’a prêté, tu ne discutes pas ;

Attendu que MUKABONERA dit qu’elle connaissait BIZIMANA mais qu’il n’est pas arrivé surles lieux, qu’il se peut que les gens lui en veuillent à cause de son petit frère HABYARIMANA ;

11ème Feuillet.

Attendu qu’après avoir prêté serment, NYIRAHABIYAMBERE Salomée déclare avoir réchappéaux massacres qui ont été commis au camp des jeunes où elle a passé deux jours car elle s’estcachée dans les chambres quand les tirs ont été déclenchés, que quand les tueurs se sontretrouvés à court de munitions, les victimes ont couru, qu’elle est sortie et que GAKURUEmmanuel lui a donné un coup de bâton, qu’il y avait là SORINYA, le fils deMUVUZANKWAYA, GAKURU, KALISA et d’autres qui tuaient, qu’elle connaît BIZIMANA,mais que celui-ci n’est pas arrivé au camp et qu’elle ne l’a vu aller chez lui que lorsque lestueries au camp des jeunes avaient déjà été commises ;Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKARWEGO Marguerite dit qu’elle connaîtBIZIMANA, que la maison de MBARAGA a été détruite à la fin du mois d’avril 1994, mais que

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BIZIMANA n’était pas encore arrivé à KIBABARA, que les maisons de MBARAGA avaientdéjà été détruites quand elle a vu BIZIMANA ;

Attendu que MUKARWEGO poursuit en disant qu’elle est arrivée chez BIZIMANA vers lemois de mai alors que le nommé HITIYAREMYE construisait un mur, qu’elle y a vu un petittas de briques ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAMBONYI Béata déclare avoir été témoin oculairede l’attaque qui a été menée chez MBUNGIRA et composée de SEKAZUNGU Joseph,KUBWIMANA Fidèle, MUSENGIMANA et d’autres, qu’elle se trouvait chez MBUNGIRA etqu’elle les a vus emmener les enfants de Marcella, que Spéciose n’était pas présente mais qu’ellese trouvait plutôt à MBOGO, qu’elle poursuit en disant que BIZIMANA ne faisait pas partie deladite attaque mais qu’elle a plutôt vu REMERA et REKERAHO ;

Attendu que l’audience est suspendue en vue de continuer le 06/11/2001 par l’audition destémoins à charge ;

Attendu que MUKANGENZI Aloysie, présentée comme témoin par les parties civiles, dit que cequ’elle sait est que, en 1994, BIZIMANA faisait partie d’un groupe de meurtriers à NDOBOGO,que c’est lui qui, au cours de la réunion qui a eu lieu chez BIHEHE et dont son pèreNZABAMWITA a été exclu, a précisé comment les choses devaient se passer, que les dirigeantsdes attaques qui ont été désignés sont BUCYANA Pascal, BIHEHE, MUTALI Pancrace et denombreux autres, que BIZIMANA dirigeait cette réunion mais qu’il est parti aussitôt et n’a pasdirigé d’attaque ;

Attendu que MUKANGENZI Aloysie dit que les victimes qui ont été tuées à NDOBOGO aprèscette réunion sont tous les Tutsi qui y résidaient tels NZABAMWITA, NGARAMBE Vincent etses 7 enfants, deux grandes sœurs de MUKANGENZI à savoir NIKUZE et HATEGEKIMANAainsi que les membres de la famille HABIMANA, qu’elle poursuit en disant qu’au cours de laréunion, BIZIMANA a dit qu’il faut tuer les victimes et détruire les maisons, mais qu’elle ne sesouvient pas de l’arme qu’il avait, qu’elle ne le connaissait pas et qu’elle a plutôt entendu parlerde lui, que d’autres réunions se sont tenues sous la direction de BIHEHE et ses acolytes ;

12ème Feuillet.

Attendu qu’invité à parler de la conduite de BIZIMANA à l’époque du génocide, NDAMAGEdit que l’intéressé s’est manifesté à GIHINDAMUYAGA comme incitateur au génocide, qu’il nevivait pas là, qu’à son arrivée la population de MBAZI était unie, qu’il est arrivé à BUTARE le19/04/1994 quand une réunion y avait été organisée, que SIBOMANA a transporté ceux quiétaient chargés du maintien de la sécurité aux limites des communes MBAZI et MARABA, queKABAGEMA est arrivé et quand il a entendu des cris, il a dit qu’il fallait séparer le bon grain del’ivraie, que KABAGEMA voulait s’approprier les vaches que NDAMAGE avait confiées àHABYARIMANA, mais que cela n’a pas marché, qu’il a dit que NYIRAMASUHUKO a décrétéla mort des Tutsi et que MABUYE est venu, qu’il s’en est suivi une chasse à l’homme, queNDAMAGE est allé en vain chercher refuge au monastère et que, regagnant son domicile, il aconstaté que les autres étaient allés se cacher dans des champs de haricots, qu’il est allé se cacherdans un buisson tout près du monastère dans la nuit du 19/04/1994, qu’il est allé chez MarieBUTERA dans la matinée du 20/04/1994, mais a regagné le buisson dans la soirée, que

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l’insécurité s’est maintenue le 21/04/1994 et qu’une attaque d’envergure a eu lieu là où il était,ceux qui la composaient poussant des cris, qu’ensuite sont venus BIZIMANA, REKERAHO,REBERO et HABYARIMANA qui se dirigeaient vers le camp des jeunes, que les gens deMBAZI étaient solidaires et que ce sont plutôt les attaques en provenance de MARABA quiétaient les plus dangereuses, qu’il est apparu que BIZIMANA est un planificateur du génocidecar REKERAHO l’en a chargé en disant qu’ils étaient ensemble dans toutes les réunions, qu’il aégalement joué le rôle de superviseur du génocide à GIHINDAMUYAGA ;

Attendu que NDAMAGE dit que les témoins qui ont déposé à décharge de BIZIMANA ont étécontactés par "M", que celui-ci était présent lors de l'arrestation de BIZIMANA ;

Attendu que BIZIMANA dit que c’est à tort que NDAMAGE le qualifie d’instigateur,planificateur et superviseur car il ressort de la copie du jugement à charge de REKERAHO quece dernier ne l’a point mis en cause ;

Attendu que l’audience est suspendue pour continuer le 24/11/2001, date à laquelle la partiecivile KARUYUNDO Stéphanie dit qu’elle ne s’est pas cachée, qu’elle habite àGIHINDAMUYAGA, qu’elle poursuit en disant que BIZIMANA a commis le génocide en mai1994, mais que par la suite elle se ravise et dit que BIZIMANA n’a pas tué mais a plutôt amenédes tueurs qui, après avoir tué les enfants de Marcella chez MBUNGIRA, sont venus chez elle etont tué ses petits enfants dont MUNYEBWATO Abel et son fils KANYAMUNEZA Innocent,que BIZIMANA avait une massue mais qu’il n’en a pas fait usage car il ne faisait que donner desordres, qu’elle ne l’a pas revu ailleurs dans des attaques ;

Attendu que KARUYUNDO dit qu’elle sait que Spéciose était présente lors des tueries qui onteu lieu au domicile de MBUNGIRA, qu’elle n’oublie rien sur le comportement de BIZIMANA ;

Attendu qu’à propos de l’audition de BAKUNDUKIZE, BIZIMANA dit que l’intéressé a assistéaux débats lors des audiences des 18 et 19/10/2001, qu’il ne peut donc être autorisé à faire unedéposition, que, quoique BAKUNDUKIZE nie avoir assisté à une quelconque audience, leTribunal décide que l’intéressé ne va pas déposer sous serment pour ce motif ;

Attendu que BAKUNDUKIZE déclare avoir vu REKERAHO Emmanuel, HABYARIMANA etBIZIMANA Antoine à NDOBOGO le 22/04/1994, que HABYARIMANA était armé d’un fusil,REKERAHO ayant une grenade alors que BIZIMANA n’était pas armé, que c’est à cette date

13ème Feuillet.

que les membres de la famille MBARAGA ont été tués mais que ces hommes étaient partis aprèsen avoir donné l’ordre, qu’il sait également que des gens se rencontraient chez BIZIMANA chezqui ils apportaient les matériaux provenant des maisons qu’ils détruisaient, que ces actes ont étécommis le 22/04/1994 et le 23/04/1994 sous la supervision de BIZIMANA, mais que lesvictimes de ces actes de pillage n’ont pas vu BIZIMANA et que c’est BAKUNDUKIZE quiassistait aux faits pour son compte ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, UMULISA Agnès dit qu’elle avait trouvé refuge au campdes jeunes de GIHINDAMUYAGA au moment du génocide, qu’elle a quitté les lieux aussitôtaprès son arrivée, mais qu’elle sait ce qui s’est passé à cet endroit, qu’elle poursuit en disant

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avoir vu BIZIMANA et HABYARIMANA à bord d’un véhicule de marque SUZUKI et decouleur blanche amener de l’essence, qu’elle a encore vu BIZIMANA, HABYARIMANA et denombreux autres se rendre au couvent des prêtres, qu’elle a également vu BIZIMANA et le Dr.RUCYAHANA Alexandre armés de fusils et que BIZIMANA a dit, en même temps que lesautres, qu’il faut intercepter UMULISA Agnès ;

Attendu que BIZIMANA relève que, compte tenu de ses déclarations faites au cours del’instruction préparatoire, UMULISA se contredit ;

Attendu que UMULISA dit qu’elle était présente lors de l’arrestation de BIZIMANA, qu’il a étéarrêté après la messe par Marie BUTERA, Jeanne KAMPOGO, MUKASHYAKA Josepha etNDAMAGE Théophile, que Marie BUTERA lui demandait ses enfants, que BIZIMANA a étéappréhendé par un garçon natif de KIBABARA, que UMULISA et d’autres se sont alors saisi delui et l’ont conduit à MBAZI ;

Attendu que l’audience est reportée au 05/12/2001 mais qu’elle n’a pas lieu pour caused’absence de l’Officier du Ministère Public, que l’affaire est renvoyée au 10/12/2001, date àlaquelle l’Officier du Ministère Public demande le report de l’audience pour permettre à l’avocatdes parties civiles de déposer ses conclusions car l’audience a commencé avant qu’il n’arrive ;

Attendu que Me ISSA, conseil du prévenu, demande au Tribunal de concilier les intérêts desdeux parties et de remettre l’audience à une date proche, qu’il ajoute cependant qu’il y a lieu depoursuivre les débats si le Tribunal l’estime ainsi ;

Attendu que les parties civiles UWIRINGIYE, MUKARUTEGANYA et NYIRAMARIZAdisent qu’il faut attendre leur avocat ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE, avocat des parties civiles dit que les témoins qui ont étéassignés n’ont pas comparu, qu’il demande ainsi au Tribunal d’accorder un crédit auxdéclarations qu’ils ont faites à BUTARE et précise qu’ils sont parties civiles ;

Attendu que l’audience est reportée au 17/12/2001 en vue de permettre la comparution de cestémoins faute de quoi l’audience devra continuer, l’avocat des parties civiles étant alors appelé àprendre ses conclusions ;

14ème Feuillet.

Attendu que l’audience reprend le 17/12/2001 par l’audition des témoins présentés à charge deBIZIMANA, mais qu’un doute sur la qualité de Marie BUTERA est soulevé pour savoir si elledoit être considérée comme témoin ou partie civile, qu’après avoir entendu les deux parties, leTribunal décide de l’entendre à titre de témoin ;

Attendu que Marie BUTERA dit qu’elle habitait et vivait à GIHINDAMUYAGA au moment dugénocide, que ce sont BIZIMANA Antoine, HABYARIMANA Joseph, REMERA,REKERAHO et KABANZA Innocent qui organisaient et exécutaient les massacres ;Attendu que Marie BUTERA dit qu’elle a cherché refuge chez le Dr. RUCYAHANA et y estrestée, qu’elle a eu connaissance des massacres commis au camp des jeunes car elle a entendules explosions des grenades et les détonations ;

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Attendu que Marie BUTERA dit que BIZIMANA est venu chez le Dr. RUCYAHANA encompagnie de HABYARIMANA et sa bande, qu’ils leur ont dit d’aller chercher de la chauxpour recouvrir les cadavres car ils avaient attiré une nuée de mouches, qu’elle les a entendus,qu’ils ont dit que Bonifride qui était chez HABYARIMANA a été tuée, que RUCYAHANA leura dit alors que Marie, l’épouse de Vital, se trouvait chez lui, qu’ils ont dit qu’il faut la cacher etque c’est alors qu’on l’a cachée dans le plafond ;

Attendu que Marie BUTERA dit que le jour où on est allé enterrer les cadavres à RUGANGO,les intéressés sont, à leur retour, passés chez Alexandre RUCYAHANA et lui ont dit qu’il y a unenfant encore en vie au milieu des cadavres, qu’elle a regardé à travers les fenêtres et a vuBIZIMANA mais qu’elle n’a pas vu les armes qu’ils portaient, que la participation deBIZIMANA dans les massacres lui a été rapportée par Alexandre ;

Attendu que Marie BUTERA déclare avoir quitté le domicile de RUCYAHANA le 27/04/1994après avoir mis au monde, qu’on l’a alors conduite à l’hôpital de BUTARE, qu’elle a revuBIZIMANA à MBAZI lors de l’inhumation des restes des victimes car elle vivait à NYAMATAau BUGESERA.

Attendu que Marie BUTERA déclare avoir entendu quelqu’un dire : « Voici BIZIMANA », cequi l’a surprise, qu’ils se trouvaient à MBAZI, que tous les rescapés de cette région ont alorspassé la ceinture des agents de l’ordre pour se saisir de BIZIMANA qu’ils ont remis aux mainsde ces mêmes agents de l’ordre, que Marie BUTERA était avec Jeanne, Béatrice, Agnès,Scolastique et Béatrice de GIHINDAMUYAGA, qu’elle dit que "M" était présent car c’est luiqui lui a rapporté les propos que tenaient les meurtriers à l’instar de MACUMU, queNDAMAGE également était présent ;

Attendu que Marie BUTERA dit qu’elle ne sait rien de ce qui est dit sur le fait que BIZIMANA,lors de son arrestation, portait les habits de son mari, que cela est possible mais qu’elle ne sauraiten témoigner car les vêtements peuvent se ressembler ;

15ème Feuillet.

Attendu que BIZIMANA dit que Marie BUTERA ment et en donne pour preuve que l’intéresséea, au cours de son audition au parquet, déclaré ne pas l’avoir vu parmi les personnes qui sontvenues chez RUCYAHANA car, répondant à la question qui lui était posée sur l’identité desauteurs des massacres à GIHINDAMUYAGA, elle a cité plus de vingt personnes mais n’a àaucun moment cité le nom de BIZIMANA.

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAKALISA Régine dit qu’elle est allée à la paroisseRUGANGO entre le 10 et le 15/04/1994, qu’il y régnait une insécurité telle qu’elle n’y a paspassé la nuit et a préféré se cacher sur la colline où elle dormait à la belle étoile, que voulant serendre à BUTARE, elle a dû se cacher dans les buissons au monastère où elle a passé un tempsassez long après le 15/04/1994, qu’elle a vu après le 18/04/1994 HABYARIMANA,NYANDWI, SEKUGABANYA, KIMWETERI et REKERAHO, qu’elle dit que ce sont eux quiont commis les massacres à RUGANGO et à GIHINDAMUYAGA ;

Attendu que MUKAKALISA Régine dit qu’elle s’est cachée seule du 18/04/1994 au27/04/1994, se nourrissant de peu de nourriture qu’elle avait emportée de la maison ;Attendu qu’interrogée sur la responsabilité de BIZIMANA dans le génocide, MUKAKALISA

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répond qu’il disait aux gens rassemblés sur les routes de ne pas avoir peur de tuer ;

Attendu que MUKAKALISA déclare avoir revu BIZIMANA à MBAZI quand Marie BUTERAet d’autres l’avaient arrêté, mais qu’elle n’a pas quant à elle participé à cette arrestation car elleattendait le début du procès au Tribunal pour dire ce qu’elle sait ;

Attendu qu’à la question de savoir si lors de son arrestation, BIZIMANA portait les habits dumari de BUTERA Marie, elle répond qu’elle ne le sait pas car les habits se ressemblent ;

Attendu que BIZIMANA relève que l’actuelle déclaration de MUKAKALISA diffère de cellequ’elle a faite devant l’Officier du Ministère Public, que par ailleurs, sa grande sœur Scolastiquea dit que MUKAKALISA n’est jamais arrivée à GIHINDAMUYAGA et que même NDAMAGEet NYIRAMUKAMISHA, eux aussi témoins à charge de BIZIMANA, affirment que les tueriesavaient pris fin quand elle y est arrivée ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, KAMPOGO Jeanne dit qu’elle est arrivée au camp dejeunes, à SOVU et à GIHINDAMUYAGA, qu’elle a cherché refuge à RUGANGO où elle alaissé son père, sa mère et son frère, qu’elle est arrivée au camp des jeunes avant les tueries etque celles-ci ont eu lieu un jour après son arrivée, qu’elle y a passé une seule nuit, qu’elle estallée à SOVU le 17/04/1994 et le 18/04/1994 où elle a trouvé de nombreuses personnes, quec’est pour cette raison qu’elle est revenue au camp des jeunes où elle a passé la nuit, qu’elle aquitté ce camp des jeunes le 19/04/1994, qu’elle dit que les tueries ont eu lieu le 21/04/1994après celles de RUGANGO, que lorsque les gens étaient en train de dépecer la vache de Claude àmidi, elle est allée s’asseoir sur des bambous se trouvant à environ 20 mètres du couvent desprêtres avec ses deux enfants, qu’elle a vu quelques instants après l’abbé Baudouin appeler Vitalmais qu’elle n’a pas vu ce dernier, que c’est à treize heures 20 minutes

16ème Feuillet.

qu’elle a entendu des coups de sifflets des Interahamwe qui battaient également le tambour en sedirigeant vers le camp des jeunes, qu’elle est restée là où elle était, essayant de calmer sesenfants qui avaient peur, que le nommé RUTAYISIRE se cachait également à cet endroit etqu’elle n’y a vu personne d’autre, que ces miliciens se sont alors livrés aux tueries, qu’elle a vuBIZIMANA, REMERA, NSHIMIYE, NYANDWI, MUSONI et REKERAHO circuler avecd’autres qu’elle ne connaît pas en provenance de chez HABYARIMANA, que BIZIMANA avaitune grenade, HABYARIMANA ayant un fusil, REKERAHO étant lui aussi armé d’un fusil alorsque REMERA avait un morceau de bois, que BIZIMANA n’a pas fait usage de la grenade qu’ilavait ;

Attendu que KAMPOGO Jeanne déclare avoir vu BIZIMANA à RUGANGO entre le 16 et le19/04/1994 chez HABYARIMANA, qu’elle l’a encore vu le 21/04/1994 quand il dirigeaitl’attaque, que l’intéressé avait été légèrement blessé à KIGALI quand elle l’a vu ;

Attendu que KAMPOGO Jeanne dit qu’elle a quitté sa cachette après les tueries au camp desjeunes et est allée passer la nuit au milieu des cadavres, que quand les miliciens Interahamwesubalternes ont donné des coups de sifflets, elle est allée à SOVU à 23 heures ;Attendu que KAMPOGO dit qu’elle a quitté SOVU en compagnie de ses enfants et a rejoint

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MAKOMBE à la CONFIGI et que celui-ci l’a mise dans une étable, qu’elle a entendu par lasuite Victor dire à Claude que des massacres ont été commis au camp des jeunes, queKAMPOGO est retournée à SOVU et a dit à ceux qui étaient là qu’elle ne va pas rester sur place,que les Interahamwe sont retournés chez MAKOMBE Siméon à huit heures et que KAMPOGOest allée derrière la maison de Victor, qu’elle a cherché refuge chez Jacqueline à KARUBANDAquand les militaires ont commencé à rassembler les gens ;

Attendu que KAMPOGO déclare ne pas avoir vu BIZIMANA lors de l’attaque qui a eu lieu àSOVU et qu’il y avait longtemps qu’elle l’avait vu, qu’elle l’a encore vu à MBAZI lors del’inhumation, que BIZIMANA a été appréhendé par elle, BUTERA et d’autres ;

Attendu que KAMPOGO dit avoir vu NDAMAGE au camp des jeunes, mais qu’elle ignore siMarie BUTERA était là ;

Attendu que KAMPOGO déclare avoir survécu en trouvant refuge chez JacquelineMUKANTABANA, que la bande à REKERAHO est venue la chercher à KARUBANDA maisqu’elle n’a pas vu BIZIMANA, qu’elle ne se souvient pas de la couleur des habits qu’il portaitau moment où elle l’a vu ;

Attendu que KAMPOGO Jeanne déclare avoir entendu dire que UMULISA Agnès et MarieBUTERA se cachaient ensemble au camp des jeunes, que NYIRAMALIZA était avec elle et quec'est la population qui l'a sauvée en disant qu’elle ignorait son ethnie ;

Attendu que KAMPOGO dit qu’il reviendra au Tribunal de déterminer laquelle de sesdéclarations faites devant le Ministère Public et devant le Tribunal est crédible ;

17ème Feuillet.

Attendu que BIZIMANA dit que, comparativement à sa déclaration faite devant le MinistèrePublic, KAMPOGO ment, étant donné que, ayant dit auparavant que BIZIMANA avait unemassue, elle dit au Tribunal qu’il avait une grenade et qu’elle est passée dans des buissonsjusqu’à KARUBANDA, affirmant que les faits ont eu lieu à la même date du 21/04/1994 ;

Attendu que l’audience est reportée au 20/12/2001, qu’elle se poursuit par l’audition destémoins ;

Attendu que RUTAYISIRE Innocent prête serment et dit qu’il ne peut que témoigner sur lesassassinats des frères religieux de GIHINDAMUYAGA ainsi que des voisins du monastère deGIHINDAMUYAGA car il ne sortait pas ;

Attendu que RUTAYISIRE Innocent dit que les Frères religieux de GIHINDAMUYAGA ont ététués au camp des jeunes avec d’autres membres de la population, qu’ils ont été emmenés de leurcouvent par REKERAHO Emmanuel, HABYARIMANA Joseph et un motard de haute taille quihabitait près du terrain de football, que BIZIMANA et REMERA sont arrivés sur les lieux ;

Attendu que BIZIMANA dit que RUTAYISIRE ment étant donné qu’il ne fait que reprendre lecontenu de la déclaration de RUCYAHANA comme le fait d’ailleurs Marie BUTERA, maisqu’ils ne le font pas fidèlement car le Dr. RUCYAHANA dit qu’ils étaient au nombre de 3 alorsque RUTAYISIRE dit qu’ils étaient deux, qu’il relève par ailleurs qu’il ne pouvait pas être chezHABYARIMANA et à la plantation de café au même moment ;

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Attendu que NZABIRINDA Benoît s’apprête à déposer sous serment comme témoin, mais quel’avocat des parties civiles, Me RWANGAMPUHWE, dit que l’intéressé a des liens de parentéavec BIZIMANA, que celui-ci dit que son neveu NDAKEMWA est le mari de la sœur deNZABIRINDA nommée MUKAKINANI Agnès, que le Tribunal décide de l’entendre sans luifaire prêter serment ;

Attendu que NZABIRINDA dit qu’ils se trouvaient au monastère quand les tueries ontcommencé à GIHINDAMUYAGA, qu’ils ont entendu des explosions de grenades mais n’ont paspu sortir, que les nommés REKERAHO, REMERA, HABYARIMANA et Alexandre sontarrivés et leur ont dit qu’un colonel voulait les voir, qu’ils ont eu un doute mais sont finalementpartis, qu’un peu en contrebas, ils les ont refoulés leur disant qu’ils voulaient parler à GATERAGaëtan, RUTAGWENA Innocent et Antoine, qu’ils emmenaient environ neuf personnes et qu’ilsleur ont demandé de leur montrer leurs pièces d’identité, mais que certains d’entre eux n’ont paspu les leur montrer car ils les avaient laissées au monastère, qu’ils ont dit que RUTAGWENA aexercé les fonctions d’inspecteur de police judiciaire et a un différend avec REKERAHO, qu’ilssont restés et que les autres ont été refoulés au monastère à coups de pierre, que c’est le groupedes personnes qu’il a citées qui a commis les massacres ;

Attendu que NZABIRINDA dit qu’il n’a pas vu BIZIMANA parmi ceux qui ont emmené lesFrères religieux et qu’il le connaissait ;

18ème Feuillet.

Attendu que l’audience est reportée au 27/12/2001, date à laquelle l’avocat des parties civilesprend ses conclusions ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE François dit qu’il n’a pas encore obtenu les pièces de sesclients dont le nombre s’élevait à 305 parties civiles, que la cause en est la réformeadministrative récente, qu’il demande également à être autorisé à poser des questions àBIZIMANA sur les témoignages, qu’il déclare disposer de ses conclusions mais qu’il ne les apas encore communiquées à la partie adverse, qu’il poursuit en disant qu’il pourrait déposer lespièces manquantes ultérieurement étant donné que les pièces dont dispose le Tribunal neconcernent pas plus de quarante parties civiles, qu’il lui est pourtant rappelé que le Tribunal n’aque des pièces de 9 parties civiles seulement ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE François dit que cinq cent personnes figurent sur la listedes parties civiles, mais que les pièces disponibles ne concernent que trois cent cinq d’entre ellesseulement ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que REKERAHO était l’épée et que BIZIMANAétait son cerveau, que BIZIMANA a fait suffisamment d’études si bien que l’ordre qu’il donnaitétait exécuté, que ce sont ses idées qui ont guidé le génocide à MARABA, MBAZI, HUYE etailleurs ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit qu’il existe des rapports qui disculpent BIZIMANA àtort car il est mis en cause d’avoir pris part aux massacres à certains endroits, qu’il a étévivement touché par la mort de NYIRAMUKAMISHA Marcelle qui était un témoin principal,qu’il espère qu’il y aura justice de sorte que le génocide ne se reproduira pas ;

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Attendu que Me RWANGAMPUHWE demande au Tribunal de lire le procès des sœursreligieuses de SOVU qui, quoique ayant donné de l’essence et commis plusieurs actes criminels,ne sont pas malgré tout inculpées de faits aussi graves que BIZIMANA ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que les miliciens Interahamwe détruisaient lesmaisons et en apportaient les matériaux à BIZIMANA qui s’en servait dans la construction deses maisons, qu’ils ont en vain demandé la jonction des dossiers à charge de BIZIMANA etREKERAHO, que la bande de BIZIMANA collaborait avec celle du Colonel MUVUNYI, duColonel SIMBA, NZEYIMANA et d’autres, qu’une liste de cinq cents personnes qui devaientêtre tuées à GIHINDAMUYAGA avait été établie ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que BIZIMANA a été depuis longtemps caractérisépar une idéologie discriminatoire tel que cela ressort du rapport établi par l’Association desRescapés du Génocide – MPUHWE, qu’il a même été un partisan du MDR Power ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que les parties civiles fondent leur action sur quatremotifs à savoir la perte d’un descendant, l’incapacité de travail, l’altération de la santé et la pertede considération qui se traduit par la solitude ;

19ème Feuillet.

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que l’allocation des dommages – intérêts devra sefaire sur base des articles 258 et 260 du livre III du code civil et d’autres éléments mentionnésdans les conclusions écrites qu’il va déposer ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’est pas nécessaire que Me RWANGAMPUHWE fasselecture de ses conclusions quant aux dommages-intérêts réclamés car il les connaît, qu’il ne vase préoccuper pour sa part que de produire les preuves de son innocence ;

Attendu que l’audience est reportée au 15/01/2002, qu’elle n’a pas lieu à cette date et est remiseau 12/02/2002, date à laquelle la parole est donnée à l’Officier du Ministère Public KANANIYEThéoneste pour présenter son réquisitoire ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public KANANIYE Théoneste, après l’énoncé despréventions, des circonstances des infractions et des preuves à la base des présentes poursuites,dit que BIZIMANA est rangé dans la première catégorie car il fait partie des instigateurs etencadreurs du génocide, qu’il requiert dès lors la peine de mort et la dégradation civique totale àcharge du prévenu, qu’il dit que l’intéressé doit être rendu responsable des dommages causés àtravers tout le pays et que le Ministère Public demande des dommages-intérêts de 100.000.000Frw en faveur des autres victimes non encore identifiées qui ont été tuées àGIHINDAMUYAGA et demande que BIZIMANA Antoine soit condamné au frais d’instance ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il a produit de nombreuses preuves de son innocence dès ledébut du procès, que le Ministère Public n’a pas rapporté de preuve de sa culpabilité à part lestémoignages mensongers et contradictoires à sa charge, qu’il poursuit en disant que l’action duMinistère Public s’appuie sur des procès-verbaux irréguliers ;Attendu que BIZIMANA dit qu’il existe des rapports établis par le Ministère Public lui-mêmesur son innocence et qui ont été communiqués au Ministre de la Justice, aux hautes instances du

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pays et autres, qu’un de ces rapports démontre qu’il n’a pas pris part au génocide et prouveplutôt que le Dr. RUCYAHANA Alexandre a remis à UMULISA Agnès et Marie BUTERA unécrit sur lequel elles se sont appuyées pour porter plainte contre lui ;

Attendu que BIZIMANA dit que les services de renseignements ont fait une enquête et que,ayant conclu à son innocence, il a été libéré ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis l’infraction de planification et d’incitation augénocide étant donné qu’il ne pouvait pas en sa qualité de diplomate, se livrer à des activitéspolitiques, qu’il ne pouvait pas quitter GISENYI où il était un agent de la CEPGL et dépasserKIGALI pour aller tuer un citoyen

20ème Feuillet.

à GIHINDAMUYAGA, qu’il a d’ailleurs dit au Ministère Public qu’il avait un éclat dans lajambe à son arrivée à BUTARE ;

Attendu que BIZIMANA dit que NYIRAMUKAMISHA, KAMPOGO et NDAMAGE qui lechargent affirment qu’il est arrivé à BUTARE au moment où la population fuyait, que même leDr. RUCYAHANA a dit que les massacres avaient été déjà organisés quand BIZIMANA estarrivé à GIHINDAMUYAGA et qu'il était blessé;

Attendu que BIZIMANA dit que REKERAHO et KAMANAYO ont été jugés par le Conseil deGuerre à BUTARE et ont plaidé coupables de certaines des préventions à leur charge, qu’il leura été demandé ce qu’ils savent sur la responsabilité de BIZIMANA dans les massacres perpétrésà GIHINDAMUYAGA, mais qu’ils ont répondu qu’ils n’ont pas connaissance de saparticipation au génocide, que plus de quarante personnes entendues par le Ministère Public ontbien dit que BIZIMANA n’a pas commis le génocide, qu’il ajoute que les autres éléments de sadéfense seront consignés dans les conclusions ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis d’assassinat, que l’Officier du MinistèrePublic n’a pas indiqué la victime qu’il a tuée et l’endroit du crime, que les plaignantsKANAMUGIRE, MUKAREMERA, KARUYUNDO et BAKUNDUKIZE Isaïe se sontcontredits et ont dit que BIZIMANA n’a tué personne ;

Attendu que BIZIMANA dit que le fait qu’il logeait chez son petit frère ne prouve pas qu’il acommis l’infraction d’association de malfaiteurs, que REKERAHO a été interrogé sur lesréunions supposées avoir eu lieu au domicile de HABYARIMANA, qu’il a répondu qu’ilsétaient des amis, mais que des réunions n’ont pas été tenues chez HABYARIMANA ;

Attendu que BIZIMANA dit que la prévention de violation de domiciles n’est pas fondée car, enparlant des personnes qui sont venues faire une perquisition à son domicile à la recherche deMarie BUTERA, le Dr. RUCYAHANA ne l’a point cité ;

Attendu que BIZIMANA dit que le Ministère Public l’accuse injustement, que la catégorie danslaquelle il est rangé ne convient pas car il n’avait aucun intérêt à détruire des maisons et tuer ;

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Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis d’actes de destruction, qu’il ne pouvait pas lefaire alors qu’il n’était pas présent ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il ne s’est pas rendu coupable de détention illégale de fusil car iln’en a jamais eu en sa possession ;

Attendu que BIZIMANA dit que les peines requises à son encontre n’ont pas de fondement dèslors qu’elles s’appuient sur des mensonges, qu’il demande au Tribunal de l’acquitter et de

21ème Feuillet.

déclarer l’action civile non fondée ;

Attendu que Me Laurent KENNES, Conseil de BIZIMANA, soutient que BIZIMANA dit lavérité et fait une plaidoirie à l’appui de cette affirmation, qu’il remet au Tribunal les conclusionsécrites ;

Attendu que Me BIZINDOLI, Conseil de BIZIMANA, dit qu’il se base sur les moyens dedéfense de BIZIMANA ainsi que sur ce qu’a dit Me Laurent KENNES, qu’il dit que ceux quitémoignent à charge de BIZIMANA mentent car ils ne font que rapporter ce qui leur a été dit etque leurs déclarations divergent, que tous ces éléments sont mentionnés dans ses conclusions ;

Attendu que Me BIZINDOLI dit que les dommages-intérêts réclamés par MeRWANGAMPUHWE ne sont plus d'actualité, qu’il devrait réclamer des dommages- intérêts«actuels et authentiques» ;

Attendu que Me BIZINDOLI demande au Tribunal d’acquitter purement et simplementBIZIMANA car toutes les accusations portées contre lui sont mensongères ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir s’il a quelque chose à ajouter, BIZIMANA ditqu’il a produit toutes les preuves de son innocence, que ses conseils en ont également rapporté,que la dernière preuve dont il entend se servir est qu’il a été réintégré au service sur demande duVice Président de la République et que, en date du 11/04/1996, un passeport diplomatique lui aété délivré et qu’il est allé en Belgique, en Suisse et en Allemagne, qu’il ne serait pas revenu aupays s’il avait ces crimes sur la conscience, qu’il termine en remettant au Tribunal leditpasseport ainsi que ses conclusions écrites ;

Attendu que les débats sont clos et que les parties sont informées que la date du prononcé estfixée au 20/02/2002 à 11 heures ;

Attendu que tous les moyens sont épuisés ;

Constate que dans cette affaire, BIZIMANA Antoine alias MABUYE est poursuivi pour avoir, àGIHINDAMUYAGA ex- commune MBAZI, Province de BUTARE, République Rwandaise,entre avril et juillet 1994, commis le crime de génocide constitué des assassinats dans le but dedétruire le groupe ethnique Tutsi, d’association de malfaiteurs, de violation de domiciles, dedestruction de maisons, de non-assistance à personnes en danger et de détention illégale d’arme à

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140

feu ;

Constate que le crime d’assassinat n’est pas établi à charge de BIZIMANA Antoine car aucundes témoins qui le mettent en cause n’indique aucune victime que BIZIMANA a tuée ou faittuer, même le Dr. RUCYAHANA Alexandre n’accuse pas BIZIMANA d’assassinat, lesallégations selon lesquelles il avait une arme étant fausses dès lors que les uns parlent de massue,d’autres parlent de grenade, d’autres enfin de fusil, une autre partie de témoins affirmant qu’iln’avait pas d’arme ;

22ème Feuillet.

Constate que l’infraction d’association de malfaiteurs est établie à charge de BIZIMANAAntoine car, même s’il n’a pas commis de meurtre, il avait l’habitude de se promener encompagnie de quelques-uns des tueurs tels que REKERAHO, REMERA, KAMANAYO etHABYARIMANA Joseph son petit frère que l’on dit avoir dirigé les attaques, cela ayant étéconfirmé par les témoins entendus tant au cours de l’instruction préparatoire qu’au cours desdébats en audience, ces derniers ayant également dit que BIZIMANA participait aux réunionsdont le but était d’organiser les massacres mais ne prenait aucune décision et qu’il a continué àaccompagner ce groupe de malfaiteurs notamment lors de la perquisition du domicile deRUCYAHANA Alexandre ou des réunions, surtout que BIZIMANA a dit au Dr. RUCYAHANAqu’il y avait un enfant qui n’était pas mort et qui se trouvait à la paroisse de RUGANGO, celaétant la preuve qu’il se promenait avec les tueurs car il suivait de près leurs actes ;

Constate que l’infraction de violation de domiciles n’est pas établie à charge de BIZIMANAAntoine car les témoins entendus n’ont pas dit, qu’il est entré dans des maisons surtout que lecrime d’assassinat n’est pas établi à sa charge ;

Constate que l’infraction de destruction de maisons n’est pas établie à sa charge car les témoinsentendus tant par le Ministère Public que par le Tribunal le disculpent, et que ceux qui l’accusentde cette infraction ne l'ont fait que quand ils ont vu les briques et les tôles dont il s’est servi pourconstruire et ont prétendu que ces matériaux proviennent des maisons qui ont été détruites, alorsque la maison de MBARAGA dont il est question a été détruite avant l’arrivée de BIZIMANAdans cette région et que BIZIMANA dit avoir acheté ses briques et tôles, ceux qui le chargentn’ayant pas prouvé que ces matériaux proviennent des maisons qui ont été détruites ou queceux qui ont détruit ces maisons étaient en compagnie de BIZIMANA Antoine ;

Constate que l’infraction de non-assistance à personnes en danger n’est pas établie à charge deBIZIMANA Antoine car rien ne démontre qu’il avait les moyens de porter secours à cespersonnes mais qu’il ne l’a pas fait, le Ministère Public et les plaignants étant restés en défaut deprouver qu’il pouvait le faire sans risque pour lui, et que, l’intéressé étant accusé de vouloir tuerces personnes, il s’ensuit qu’il ne pouvait pas porter secours à ceux dont il souhaitait la mort ;Constate que l’infraction de détention illégale de fusil n’est pas constitutive du crime degénocide car, aux termes de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996, les infractionsconstitutives du génocide sont celles qui sont prévues par le Code pénal, que cette infractionn’étant dès lors pas prévue par ce Code, il ne peut, pour cette raison, en être poursuivi dans unprocès de génocide ;

Constate que l’infraction retenue à charge de BIZIMANA Antoine le range dans la troisième

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catégorie ;

Constate que BIZIMANA Antoine ne peut pas être condamné au paiement de dommages-intérêtscar les parties civiles se fondent sur la mort des membres de leurs familles ou sur la perte desbiens qui ont été endommagés, et que BIZIMANA n’a pas commis d’assassinat ou unequelconque autre infraction qui aurait causé un préjudice aux parties civiles ;

23ème Feuillet.

Constate que tous les moyens sont épuisés ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT :

Vu la Convention du 09/12/1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise, le Protocole des Accords de Paixd’Arusha sur le partage du pouvoir aux articles 25 et 26, la Constitution du 10 juin 1991spécialement en ses articles 12, 33, 92, 93 et 94 ;

Vu le Décret-loi n°09/80 du 07/07/1980 portant Code d’organisation et de compétencejudiciaires spécialement en ses articles 8, 12, 57, 58, 76, 104, 125, 135, 136, 199, 200 et 201 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises à partir du01/10/1990 en ses articles 1, 2, 14, 17, 36 et 39 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,spécialement en ses articles 2, 16, 17, 19, 37, 39, 59, 61, 62, 63, 67, 80, 83, 90, 113, 123, 138,140, 144, et 145 ;

Vu les articles 1, 6, 7, 20, 25, 27, 35, 36, 48, et 90 du livre I du Code pénal, et les articles 281 et283 du livre II du Code pénal,

Déclare recevables l’action du Ministère Public et celle des parties civiles car régulières en laforme, mais déclare celle du Ministère Public partiellement fondée et celle des parties civiles nonfondée ;

Déclare établie à charge de BIZIMANA Antoine l’infraction d’association de malfaiteurs ;

Déclare que BIZIMANA Antoine et les parties civiles perdent le procès ;

Condamne BIZIMANA Antoine à 5 ans d’emprisonnement ;

Le condamne à la dégradation civique tel que prévu par la loi;

Ordonne à BIZIMANA Antoine de payer la moitié de 161.050 Frw de frais de justice soit 80.925Frw dans le délai de trois mois et à défaut, édicte une contrainte par corps de 30 jours suivie del’exécution forcée sur ses biens ;Met la moitié des frais à charge du Trésor Public ;

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24ème Feuillet.

Rappelle que le délai d’appel est de 15 jours à dater du prononcé ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 20 FEVRIER 2002 PARLE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GIKONGORO SIEGEANT AGIKONGORO ET COMPOSE DE : S. MUNYANEZA (Président), NTAMBARANDUSHABANDI Innocent (Vice- Président) ET TH. HABIYAMBERE (Juge) ENPRESENCE DE BUDENGELI Boniface (O.M.P.) ET J. Damascène NDABAGARUYE(Greffier- Huissier).

SIEGE

PRESIDENT VICE PRESIDENTSacto MUNYANEZA NTAMBARA N.Innocent (Sé) (Sé)

JUGE GREFFIERThadée HABIYAMBERE NDABAGARUYE J.Damascène (Sé) (Sé)

143

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE GISENYI

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N°5

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de GISENYIdu

26 juin 1997.

Ministère Public et parties civiles C./ BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie.

ACTION CIVILE (RECEVABLE) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DEMALFAITEURS (ART. 281 CP) - ATTENTAT AYANT POUR BUT LA DEVASTATION,LE MASSACRE OU LE PILLAGE (ART 168 CP) - CATEGORISATION ( 1ère et 2ème

CATEGORIE ; ART. 2 L.O. 30.8.96) ) - COMPLICITE - CONCOURS IDEALD'INFRACTIONS – CRIME DE GENOCIDE – DESTRUCTION DE BIEN IMMEUBLEAPPARTENANT A AUTRUI (ART. 444 CP) - DOMMAGES ET INTERETS (EX ÆQUOET BONO) – ENQUETE DU TRIBUNAL – PREUVE (MOYENS DE) – PEINE (DEMORT) – TEMOIGNAGES (CONCORDANTS).

1. Procédure – mise en continuation – enquête et comparution des parties civiles.

2. 1er prévenu – infractions établies (assassinat – génocide – attentant – association demalfaiteurs) - moyens de preuve (témoignages et enquêtes) – zèle – première catégorie –concours idéal – peine capitale.

3. 2ème prévenue – infractions établies (complicité d’assassinat et génocide) – moyens depreuve (témoignages et enquêtes) – deuxième catégorie.

4. Dommages et intérêts – sagesse du Tribunal.

1. L’affaire est mise en continuation afin de permettre au Tribunal de poursuivre ses enquêtes etd’assurer la comparution des parties civiles.

2. Se fondant sur les témoignages recueillis et les résultats des enquêtes effectuées et nonobstantses dénégations, le Tribunal déclare établies à l’encontre du 1er prévenu les infractionsd’assassinat, de génocide, d’attentat en vue de porter la dévastation, le pillage ou le massacreet d’association de malfaiteurs. Le 1er prévenu est rangé en première catégorie en raison duzèle dont il a fait preuve et des atrocités commises. Les infractions ayant été commises enconcours idéal dans le but d’exterminer une partie de la population, seule la peine la pluslourde est prononcée. Il est condamné à la peine de mort.

3. Se fondant sur les témoignages recueillis et les résultats des enquêtes effectuées et nonobstantses dénégations, le Tribunal déclare établies à l’encontre de la seconde prévenue lesinfractions de complicité d’assassinat et de génocide, car il apparaît que c’est elle qui est alléechercher l'une des victimes avant que les Interahamwe viennent chez elle pour l’y tuer. Sesactes la rangent en deuxième catégorie. (NDLR : le tribunal ne précise pas la condamnationprononcée à son égard).

146

4. Le Tribunal accorde des dommages et intérêts aux parties civiles constituées, statuant « danssa sagesse » ; les deux prévenus sont condamnés solidairement à leurs paiement.

(NDLR: Par arrêt de la Cour d’appel de RUHENGERI en date du 25/11/1998, ce jugement estpartiellement réformé. L’arrêt est publié dans le présent Recueil, décision n° 16).

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(Traduction libre)1er feuillet.

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DEGISENYI, Y SIEGEANT EN MATIERE DE CRIME DE GENOCIDE ET DES CRIMESCONTRE L’HUMANITE COMMIS A PARTIR DU 1ER OCTOBRE 19990, A RENDU CE26 JUIN 1997 LE JUGEMENT DONT VOICI LA TENEUR:

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE:

1. BARITIMA Jules, fils de SHYIRAKERA et de BAVUGABWOSE, né en 1950, résidantdans la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU, préfecture GISENYI, marié àNYIRARUGERO, menuisier de profession, de nationalité rwandaise.

2. NYIRASHAKO Lénie, fille de SEBARABONA et de NTACYOBAMPENZE, née àKIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU, préfecture GISENYI et y résidant, mariée àRUDAHINYURA, agricultrice de nationalité rwandaise,

PREVENTIONS :

− Avoir, entre le 07/04/1994 et le 17/07/1994, dans le secteur GISENYI, commune RUBAVU,préfecture GISENYI en République Rwandaise, comme auteurs, coauteurs ou complices telque prévu par les articles 89, 90, et 91 du Code pénal rwandais livre I, commis le crime degénocide tel que prévu par la Convention du 9/12/1948 en ses articles 1, 2, 3, et 4, laConvention du 12/08/1949 en ses articles 146 et 147 et la Convention du 26/11/1968 en sesarticles 1 et 2 toutes trois ratifiées par le Rwanda par le Décret-loi n° 08/75, et par la Loiorganique n°08/96 du 30/8/96 en ses articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 ;

A charge de BARITIMA Jules :

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur, coauteur oucomplice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal rwandais livre I, assassinéKARUHIMBI et RUTAYISIRE ;

A charge de tous :

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, assassinéKABALISA Dieudonné et sa mère KARUHIMBI, infraction réprimée par l'article 312 duCode pénal livre II;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteurs, coauteurs oucomplices, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commisl'infraction de dévastation, pillage et massacres, infraction réprimée par l'article 168 du Codepénal livre II;

- Avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, intentionnellement détruit et

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dégradé des maisons de particuliers, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90 et 91du Code pénal livre I, et par l'article 444 du Code pénal livre II;

LE TRIBUNAL :

Vu l’instruction préparatoire menée par le parquet de GISENYI au terme de laquelle le dossier,enregistré au rôle sous le n°R.P.33/R1/97/G, a été transmis à la présente juridiction pour fixationet jugement ;

Vu l’ordonnance du président de ce Tribunal du 26/05/1997 fixant l’audience au 05/06/1997 à 8heures du matin, date à laquelle l’audience n’a pas lieu pour cause de rôle chargé, d’où elle estreportée au 12/06/1997 à 8 heures du matin ;

Vu la notification par le greffier aux prévenus de leur citation à comparaître à la date fixée parordonnance du président, date à laquelle les prévenus sont effectivement présents ;

Attendu que l’audience a lieu le 12/06/1997, qu’invité à présenter ses moyens de défense sur lespréventions à sa charge, BARITIMA Jules déclare qu’il plaide non coupable ;

Attendu qu’invitée à présenter ses moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés,NYIRASHAKO Lénie répond qu’elle ne les reconnaît pas ;

Attendu qu’invité à expliciter les faits à charge des prévenus dès lors que ceux-ci plaident noncoupable, KAYITSINGA Emile qui représente le Ministère Public soutient que les deux

2ème feuillet.

prévenus ont perpétré le crime de génocide, commis des actes de pillage et tué KARUHIMBI,KABALISA et beaucoup d’autres victimes citées dans le présent dossier ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles les victimes qu’il est accusé d’avoirtuées ont trouvé la mort, BARITIMA répond que c’était le matin lorsqu'est arrivé un militaireaccompagné d’une personne qui allait lui montrer le domicile de KAREMERA, qu’ils ont détruitle plafond de la maison de ce dernier en y recherchant des victimes potentielles, que ne les ayantpas trouvées, le militaire et cet individu se sont rendus au bureau communal, que pendant cetemps KAREMERA et sa mère se trouvaient dans la famille de BARITIMA, qu’ils leur ontconseillés de fuir de peur qu’ils ne se fassent tuer par le militaire et son ami, que dans la foulée,des Interahamwe ont mené une attaque à laquelle prenait part le nommé KIGINGI, que lorsqueces miliciens sont arrivés chez NYIRASHAKO ils y ont délogé KABALISA qui leur a échappépar la suite, mais que celui-ci a finalement été tué par MUSSA à coups de massue, qu’enfin lamère de KABALISA aurait été tuée à la barrière par le nommé SEDERI ;

Attendu qu’à la question de savoir si MUSSA faisait partie d’un groupe d’assaillants qui sontvenus fouiller chez eux, BATITIMA Jules répond que MUSSA n’était pas présent lors de cetteattaque, car il était resté sur la route ;

Attendu que le Ministère Public demande que BARITIMA Jules explique les circonstances danslesquelles KABALISA est décédé et qu’il dit que, bien que mis en cause, MUSSA ne pouvaitpas prendre part à cette attaque parce que la victime était sa voisine;

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Attendu qu’invitée à expliquer les circonstances de la mort de KABALISA et sa mère,NYIRASHAKO Lénie répond qu’un jour, trois jeunes gens sont venus s’asseoir sur la vérandade sa maison, que lorsqu’elle est allée se mettre à leurs côtés elle a vu des Interahamwe qui setrouvaient déjà à l’intérieur de son enclos, qu'entre-temps KABALISA est venu frapper à saporte, qu’après lui avoir ouvert elle lui a conseillé de trouver refuge ailleurs, que cependant cedernier ne l’a pas entendu de cette oreille et disait qu’il ne pouvait aller nulle part ailleurs, que lelendemain à 11 heures, est arrivé un groupe d’assaillants qui a fouillé sa maison de fond encomble et délogé KABALISA, qu’elle a proposé 80.000 Frw à ces tueurs pour qu’ils laissent lavie sauve à KABALISA mais en vain, que ces assaillants l’ont sérieusement battue, qu’elle apréféré rester dans sa maison, que par la suite elle a entendu les enfants dire que ces assaillantsavaient assassiné KABALISA sur la route, qu’elle précise cependant ignorer tout de la mort dela mère de KABALISA à laquelle elle apportait de la nourriture dans sa cachette, mais qu’elle acessé de le faire lorsque elle ne l’a plus retrouvée dans ladite cachette, qu’elle a demandé àBARITIMA Jules l’endroit où elle pouvait bien se trouver et que celui-ci lui a répondu qu’elleavait été tuée à la barrière ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il aurait été interrogé par le Ministère Public, BARITIMArépond par l’affirmative ;

Attendu qu’à la question de savoir si ses actuelles déclarations ne contredisent pas celles qu’il afaites devant le Ministère Public, BARITIMA Jules répond par la négative ;

Attendu que pour sa part NYIRASHAKO Lénie dit que ce qu’elle vient de déclarer n’estaucunement en contradiction avec les déclarations qu’elle a faites devant le Ministère Public ;

Attendu que le Ministère Public affirme que NYIRASHAKO Lénie a reconnu qu’elle s’étaitrendue au domicile de FAYI pour inviter les membres de cette famille à venir se cacher chez elleet soutenu qu’elle se trouvait à RUHENGERI lorsque la mère de KABALISA fut tuée alors quesa fille affirme qu’elle était bel et bien à la maison ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle s'était rendue chez FAYI, NYIRASHAKO Lénierépond qu’elle n’y a jamais mis les pieds ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle a des liens de parenté avec KABALISA Dieudonné,elle répond par la négative ;

Attendu qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles KABALISA a trouvé refuge chezelle, NYIRASHAKO déclare que KABALISA s’est réfugié chez elle comme il pouvait trouverrefuge partout ailleurs où sa sécurité pouvait être assurée ;

Attendu que le représentant du Ministère Public est invité à apporter les preuves queNYIRASHAKO s’est rendue chez FAYI et qu’elle a tué KABALISA, qu’il explique que lespreuves se trouvent dans le dossier et que UWIMBABAZI FAYI a bien expliqué cela;

Attendu qu’interrogée sur l’endroit où elle se trouvait lorsque KABALISA a été emmené et surun conflit qui l’opposerait à FAYI, NYIRASHAKO Lénie répond qu’elle était chez elle parceque les assaillants venaient de la battre et de la dépouiller de 80.000 Frw, et qu’aucun conflit nel’oppose à FAYI ;

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150

Attendu qu’interrogée sur d’autres victimes qui auraient été tuées dans leur quartier,NYIRASHAKO répond qu’à sa connaissance il n’y a pas eu d’autres victimes sur leur avenuemais que sur d’autres avenues il y en a eu beaucoup ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi elle continue de dire qu’elle n’était pas à la maisonpendant cette période des massacres alors que le Ministère Public soutient que sa fille a bien ditqu’elle n’a jamais quitté son domicile, NYIRASHAKO répond qu’elle ne vivait pas là bas ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi elle a dit à KABALISA de retourner d’où il venaiten prétextant que les Interahamwe savaient qu’il y était, après quoi elle l’a mis hors de samaison, NYIRASHAKO répond que les Interahamwe sont venus la chercher ainsi que sondomestique sans savoir que KABALISA s’y trouvait ;

3ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir si personne d’autre ne se cachait dans sa maison et siBARITIMA était un voisin à elle, elle répond qu’il n’y avait personne d’autre dans sa maison etque BARITIMA était un proche voisin à elle ;

Attendu que BARITIMA Jules est invité à expliquer ses allégations selon lesquelles MUSSA atué KABALISA et à préciser l’endroit où il se trouvait lorsque cela a eu lieu, qu’il déclare qu’ilétait chez lui et précise qu’on peut voir ce qui se passe sur la route bitumée à partir de sondomicile ;

Attendu qu’invitée à produire les preuves tangibles attestant qu’elle a effectivement donné del’argent aux assaillants pour racheter la vie de KABALISA, NYIRASHAKO répond que tout lemonde est au courant de cette affaire ;

Attendu que le Ministère Public dit que NYIRASHAKO soutient que seul KABALISA secachait chez elle alors que dans son audition devant le Ministère Public( P.V.n°16) la nomméeVestine a déclaré que beaucoup de gens se cachaient chez NYIRASHAKO, que KABALISA aété tué sur la route et non chez cette dernière et que BARITIMA Jules était en compagnie desmeurtriers de KABALISA ;

Attendu qu’interrogé sur le nombre de coups de massue administrés à KABALISA, BARITIMAJules répond qu’il ne se trouvait pas sur le lieu des faits et qu’il suivait la scène de très loin ;

Attendu qu’invité à expliquer au Tribunal ce qu’il a fait en sa qualité de responsable de cellulepour mettre fin à ces exactions qui étaient commises dans la cellule qu’il dirigeait, BARITIMAJules répond que, sans arme, il ne pouvait rien faire face à des gens armés surtout qu’il s’agissaitdes militaires de la Garde Présidentielle, des Interahamwe, des partisans de la C.D.R et autres ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il n’organisait pas de réunions, il répond que c’est leresponsable en personne qui tenait des réunions et que son rôle à lui se limitait à superviser lestravaux communautaires (Umuganda) et à prodiguer des conseils à ceux qui l’entouraient ;

Attendu que le Ministère Public dit que BARITIMA ne dit pas la vérité, que les travauxcommunautaires ordinaires avaient cessé pendant cette période et que la seule activité qui étaitfaite en commun était celle de faire la chasse aux Tutsi et aux opposants au régime de l’époque ;

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151

Attendu qu’invité à réagir aux allégations du Ministère Public, il répond qu’il supervisait lestravaux communautaires (Umuganda) même avant la guerre ;

Attendu qu’interrogée sur les raisons qui l’ont poussée à ne prévenir que VESTINE tout encondamnant les autres à se débrouiller, NYIRASHAKO répond que l’épouse de MINGA qui estla tante maternelle de VESTINE a envoyé cette dernière se cacher au domicile deNYIRASHAKO ;

Attendu que le Ministère Public soutient que NYIRASHAKO a reconnu que les Interahamwesont venus à son domicile chercher sa belle-fille VESTINE, mais que ces miliciens y ont trouvéKABALISA au lieu de VESTINE, ce que NYIRASHAKO réfute catégoriquement ;

Attendu que le Ministère Public affirme que NYIRASHAKO s’est activement impliquée dans laperpétration du génocide et en donne pour preuve le fait que c’est le militaire qui vivait chezNYIRASHAKO qui, le premier, frappa KARUHIMBI, que NYIRASHAKO réagit à cetteaccusation en disant que ce militaire vivait chez elle parce qu’il y avait trouvé refuge ;

Attendu qu’à la question de savoir ce que ce militaire aurait dit à KARUHIMBI, si ce militairevivait dans la même maison qu’elle et ce qu’elle aurait fait pour voler au secours deKARUHIMBI lorsque ce militaire l’a battue au point de lui arracher les dents, NYIRASHAKOrépond qu’elle vivait effectivement avec ce militaire, qu’avant de fuir, KARUHIMBI lui a ditqu’elle se rendait au Zaïre et a pris pour toute provision de la bière de sorgho en se faisant passerpour une vendeuse, qu’elle a chauffé de l’eau pour masser KARUHIMBI à la suite des coupsqui lui avaient été administrés par ce militaire et qu’enfin elle a saisi de ce cas les autorités encommençant par celles au niveau de cellule;

Attendu qu’interrogé sur la manière dont on a arraché les dents à KARUHIMBI, BARITIMAJules explique qu’il l’a vue saigner mais qu’il n’a rien vu d’autre ;

Attendu que le Ministère Public soutient que ce militaire est sorti de la maison deNYIRASHAKO en disant que les minables Tutsi lui rendaient la vie difficile, queNYIRASHAKO était bien là, que ce militaire a aussitôt frappé KARUHIMBI, que celle-ci aappelé BARITIMA Jules à son secours mais en vain, que cependant Jules explique qu’il n’avaitpas les moyens de la secourir ;

Attendu qu’invité à émettre son avis, BARITIMA Jules répond que THERESE l’a fait arrêter àun endroit dit «ETAG » directement après son retour d’exil, que les témoins à sa charge à savoirNYIRANGIRUMPATSE, KAREMERA, UWIMBABAZI, MUKANYIRIGIRA,NZAYISENGA, NYIRAMABIRIKA, SAFARI et UZABUMUKOBWA se sont en mêmetemps constitués parties civile et qu’il ne connaît même pas les trois derniers témoins ;

4ème feuillet.

Attendu qu’invitée à émettre son dernier avis, NYIRASHAKO dit que sa belle-fille VESTINEl’accuse injustement parce qu’à l’époque des faits elle était séparée de son mari, qu’elle lui aconseillé d’aller chez sa tante maternelle qui est aussi l’épouse de MINGA parce que deuxenfants se cachaient déjà à son domicile et qu’elle craignait que les Interahamwe ne reviennent etne l’y trouvent, qu’elle ajoute que ceux qui l’accusent sont issus d’une même famille et qu’ils luien veulent parce qu’elle a plus de biens qu’eux, que dès lors, elle demande au Tribunal del’acquitter des infractions à sa charge ;

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152

Attendu que les parties civiles n’ont pas été invitées à se constituer dans les délais, que la seulepartie civile qui a pu se présenter à l’audience a demandé au Tribunal de leur accordersuffisamment de temps pour pouvoir se constituer et que le Tribunal a accédé à cette requête ;

Attendu que la parole est accordée à KATISIGA Emile qui représente le Ministère Public et quedans ses réquisitions il retrace l’historique du présent procès, qu’il clôture son réquisitoire endemandant que les deux prévenus en l’occurrence BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Léniesoient respectivement rangés dans la première et deuxième catégorie en application de la Loiorganique n°08/96 du 30/08/1996, qu’il requiert contre eux la peine capitale pour le crime degénocide et l’infraction d’assassinat, une peine d’emprisonnement de 20 ans pour l’infraction dedévastation du pays, de massacre et de pillage, une peine d’emprisonnement de 10 ans pourl’infraction d’association de malfaiteurs, une peine d’emprisonnement de 5 ans pour l’infractionde destruction et de dégradation de maisons d’autrui, une peine d’emprisonnement de 2 ans pourl’infraction de violation de domicile au moyen de menaces, la peine d'emprisonnement àperpétuité pour l’infraction de participation criminelle prévue aux articles 89 et 90, 3° du Codepénal Livre I, que dans la mesure où toutes ces infractions sont en concours idéal tel que prévupar l’article 93 du Code pénal Livre I, il requiert spécialement contre NYIRASHAKO Léonie lapeine d’emprisonnement à perpétuité et la dégradation civique prévue par l’article 66 du CodePénal Livre I, qu’il demande enfin que les frais d’instance soient mis à charge des deuxprévenus et que des dommages et intérêts soient alloués aux parties civiles ;

Vu qu’en date du 20/06/1997 le Tribunal décide de mener des enquêtes supplémentaires etreporte l’audience au 26/06/1997, date à laquelle l’audience est mise en continuation ;

Vu que les parties civiles se présentent à l’audience pour se faire enregistrer ;

Attendu qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, NDAYISENGA Clauderépond qu’il demande des dommages et intérêts sur base de la douleur qu’il ressent suite à laperte de sa mère KARUHIMBI et de son grand frère KABALISA, qu’il dirige son action contreceux qui les ont tués à savoir BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie, qu’il poursuit endisant que cette dernière a induit en erreur sa mère à laquelle elle a arraché les dents en luidemandant de trouver refuge ailleurs, que celle-ci a fini par partir mais que dans sa fuite elle estarrivée sur une barrière tenue par le frère de BARITIMA et que c’est là qu’elle a trouvé la mort ;

Attendu qu’à la question de savoir le nom du frère de BARITIMA, NDAYISENGA Claudedéclare qu’il ne connaît pas son nom mais que tout ce qu’il sait est qu’il était un militaire ;

Attendu que UWIMANA Jeanne d’Arc, fille de SAGATWA John et de MUKAMKUZAAnastasie, résidant dans la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, préfecture GISENYI, dit qu’elleaccuse BARITIMA d’avoir assassiné son oncle paternel qui s’appelle RINGA parce que c’estbien lui qui l’a emmené de son domicile après avoir pillé tout ce qu’il y avait dans la maison ;

Attendu que KAREMERA charge BARITIMA Jules d’avoir assassiné sa mère KARUHIMBI etson petit frère KABALISA avec l’aide de NYIRASHAKO Léonie et qu’il leur demande del’indemniser, qu’invité à produire les preuves de ce qu’il avance, il répond que NYIRASHAKOest venue à leur domicile et y a enlevé KABALISA et qu’une heure plus tard celui-ci a été tué,que RUTAYISIRE et lui se cachaient ensemble derrière le domicile de Jules, que lorsqu’ils ontvoulu se réfugier ailleurs, ils ont dû aider RUTAYISIRE à escalader la clôture mais que celui-cin’y est pas parvenu, que c’est de cette façon que Jules l’a trouvé là et l’a tué ;Attendu qu’invitée à expliciter les dommages et intérêts qu’elle réclame, MUREKATETE dit

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que ces dommages et intérêts résultent de la perte de sa mère tuée par BARITIMA, que celui-ci avu cette dernière lorsqu’il était venu piller des biens dans leur maison, qu’il est directement alléalerter les miliciens Interahamwe qui sont venus à bord d’un véhicule dans lequel ils ontemmené sa mère au bureau communal où il y avait une grande fosse au fond de laquelle desvictimes étaient précipitées, que son père à lui a passé trois jours dans cette fosse avant de rendrel’âme, mais que Jules y est retourné pour l’achever, et que Jules a tué beaucoup d’autres victimesen les brûlant avec du pétrole ;

Attendu qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, SAYIDI déclare que sonaction est dirigée contre BARITIMA Jules qui a assassiné sa tante paternelle KARUHIMBI quipayait ses frais d’études et au domicile de laquelle il passait ses vacances, qu’il soutient donc quec’est bien lui qui a tué sa tante puisqu’après son forfait il a changé la disposition de la porte de lamaison de cette dernière de manière à ce que celle-ci donne directement sur sa maison à lui etqu’après ces transformations il a mis la maison de sa tante en location ;

Attendu qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, SAFARI dit queBARITIMA a tué son père avec la complicité de l’Etat au service duquel il agissait, qu’il nedoute pas un seul instant

5ème feuillet.

que c’est bien lui et ses acolytes qui l’ont tué parce qu’ils les a vu l’emmener, car il était dans lesenvirons lorsque cela est arrivé, que pour cette raison il réclame les dommages et intérêtss’élevant à 50.000.000 Frw parce qu’il a perdu un père qui les nourrissait, lui et ses six petitsfrères à savoir DUSABIMANA, MUGABO, DIANE, DIDIER, BOBO et ASHIHE, et qu’ils onttous dû suspendre leurs études pour cause de manque de moyens ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a quelque chose à ajouter à sa demande, il demande auTribunal de leur rendre justice au plus vite dans la mesure où ils mènent actuellement une vietrès difficile ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, le nommé NGIRUMPATSE explique qu’il a vu de sespropres yeux, à partir de chez RUCANANKUBIRI où il se cachait, NYIRASHAKO conduireKABALISA chez elle d’où BARITIMA l’a ensuite emmené, après quoi ils l’ont directementtué ;Attendu qu’après avoir prêté serment, UMUTONI explique qu’elle se cachait tout près de chezNYIRASHAKO lorsqu’elle a vu KABALISA là où on l’avait fait asseoir, que plus tard elleentendra BARITIMA se vanter que l’ennemi KABALISA venait de mourir ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, NIWEMWANA explique qu’en date du 30/04/1994 elleétait avec d’autres personnes lorsqu’elle a croisé BARITIMA Jules en compagnie des miliciensInterahamwe armés de machettes, que ceux-ci leur ont demandé de présenter leurs cartesd’identité après quoi ils sont allés chercher un véhicule pour les emmener, qu’à l’arrivée duvéhicule ils ne les ont pas fait monter à bord pour des raisons qu’elle ignore, que cette opérationayant tourné court, BARITIMA est allé piller des biens dans leur domicile suite à quoi ils ont fui,que cependant il avait vu auparavant BARITIMA brûler avec du pétrole une femme inconnue,ainsi que le nommé Emmanuel qui faisait du commerce au marché, qu’elle soutient que toutesles attaques qui ont été menées dans cette région étaient dirigées par BARITIMA parce qu’ilétait responsable de cellule ;

Attendu qu’interrogé sur le montant des dommages et intérêts qu’il réclame, NDAYISENGA

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explique qu’étant donné leurs biens qui ont été pillés et l’importance des membres de sa familletués, surtout que ce sont eux qui payaient son minerval et subvenaient à ses autres besoins, qu'ildemande que l’Etat rwandais soit condamné solidairement avec les auteurs des faits qui lui ontcausé un préjudice à lui verser les dommages et intérêts de 22.000.000 Frw ;

Attendu qu’invitée à préciser le montant des dommages et intérêts qu’elle réclame,MUREKATETE dit qu’étant donné tout ce que son père représentait pour sa famille elledemande pour cette dernière des dommages et intérêts s’élevant à 15.000.000 Frw ;

Attendu qu’interrogé sur le montant des dommages et intérêts qu’il réclame, SAYIDI demandequ’il lui soit alloué des dommages et intérêts de 10.000.000 Frw ;

Attendu qu’invitée à préciser le montant des dommages et intérêts qu’elle réclame, UWIMANAJeanne d’Arc dit que son oncle RINGA subvenait à tous ses besoins et que pour cela ellevoudrait être indemnisée pour un montant de 12.000.000 Frw ;

Attendu qu’invité à réagir aux accusations portées contre lui par ceux qui le chargent et dontcertains se sont constitués parties civiles, BARITIMA Jules répond que toutes ces personnesl’accusent injustement, que concernant les dommages et intérêts, il dit qu’il ne saurait les payerparce qu’il n’a rien fait ;

Attendu qu’interrogé sur le sort qui serait le sien au cas où sa culpabilité serait retenue, il répondqu’il appartient au Tribunal de se prononcer et qu’en tout état de cause il ne possède passuffisamment de biens pour désintéresser ces parties civiles ;

Attendu que la parole est accordée à KATISIGA Emile qui représente le Ministère Public etqu’il dit que les preuves qu’il a pu rassembler contre les prévenus sont amplement suffisantes,qu’il trouve plutôt que les dommages et intérêts réclamés ne sont pas suffisants au vu des faitsaccablants reprochés aux prévenus ;

Attendu qu’invitée à réagir aux accusations dont elle fait l’objet de la part des personnes dontcertaines se sont constitués parties civiles, NYIRASHAKO Lénie répond qu’outre le fait d’êtreinjustement accusée elle trouve que les dommages et intérêts qui lui sont réclamés dépassentlargement les moyens dont elle dispose, qu’elle rappelle toutefois qu’elle n’a pas encore perdu lacause et demande que des enquêtes supplémentaires soient menées ;

Attendu que la parole est accordée à KAYITSINGA Emile qui représente le Ministère Public etqu'il dit que les enquêtes qui ont été menées jusqu’ici sont amplement suffisantes et qu’unenouvelle enquête serait sans objet, que quant aux dommages et intérêts demandés, il les trouvetrès en deçà du montant qui aurait dû être réclamé compte tenu du nombre des victimes tuées parBARITIMA, surtout que le nombre de parties civiles pourrait augmenter à l’avenir, que pourcette raison, il a ajouté 50.000.000 Frw au montant global des dommages et intérêts réclaméspar les actuelles parties civiles en faveur de celles qui sont présentement inconnues ;

Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner et qu’il y a lieu de seretirer pour dire le droit ;

Constate que l’action introduite par le Ministère Public ainsi que celle intentée par les parties

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civiles sont recevables parce que régulières en la forme ;

Constate que BARITIMA Jules et NYIRASHAKO ont régulièrement été cités à comparaître

6ème feuillet.

et qu’en date du 20/06/97 le Tribunal a suspendu l’audience pour mener ses propres enquêtespuis l’a renvoyée au 26/06/1997, date à laquelle les deux prévenus ont comparu et plaidépersonnellement leur cause ;

Constate qu’une fois devant le Tribunal, BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie ont étéinvités à se défendre sur les préventions dont celle de génocide mises à leur charge par leMinistère Public ;

Constate qu’en date du 07/04/1994 et du 1707/1994 BARITIMA Jules a assassiné KARUHIMBIet RUTAYISIRE ;

Constate que BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie ont tué KABALISA Dieudonné et samère KARUHIMBI, que la preuve en est les procès - verbaux d’audition transmis au Tribunalpar le Ministère Public ainsi que les déclarations des témoins en l’occurrence NDAYISENGA,SAYIDI, NIWEMWANA, MUREKATETE, NGIRUMPATSE, UWIMANA, UMUTONI etbeaucoup d’autres qui chargent BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie de ces atrocités,infractions qu’ils ont commises avec l’unique intention d’exterminer une partie de la population ;

Constate que ces témoins sont venus déposer à charge de BARITIMA Jules et NYIRASHAKOLéonie à l’audience du 12/06/1997, à celle du 15/06/1997 ainsi qu’à celle du 26/06/1997 et queleurs témoignages s’accordent sur un point, à savoir que les deux prévenus ont perpétré destueries ;

Constate que BARITIMA Jules est poursuivi pour génocide, assassinat, association demalfaiteurs et dévastation du pays, massacre et pillage ;

Constate que BARITIMA Jules a tué KARUHIMBI, RUTAYISIRE et KABALISA Dieudonnéavec le concours de NYIRASHAKO Lénie ;

Constate que la prévention d’assassinat est établie à charge de BARITIMA Jules tel qu’il ressortdes déclarations des témoins entendus, de l’instruction menée par le Ministère Public et desrésultats de l’enquête effectuée par le Tribunal ;

Constate que la prévention d’association de malfaiteurs est établie à charge de BARITIMA Julestel qu’explicité dans les précédents « Constate » ;

Constate que les préventions à charge de BARITIMA Jules sont en concours idéal tel que prévupar l’article 93 Code Pénal Livre I, qu'ainsi BARITIMA Jules doit être condamné pour laprévention la plus grave à savoir la prévention de génocide ;

Constate que BARITIMA a commis toutes ces infractions avec la ferme intention d’exterminerune partie de la population par exemple en portant atteinte à leur intégrité physique, qu’il acommis ces faits entre le 07/07/1994 et le 17 /07 /1994 avec une extrême méchanceté tel queprévu par les lois nationales et les conventions internationales ;

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Constate que NYIRASHAKO Lénie a fait tuer KABALISA Dieudonné avec le concours deBARITIMA Jules ;

Constate que des témoins chargent NYIRASHAKO Lénie d’avoir été complice de l’assassinat deKABALISA car, comme cela est soutenu par ces témoins, elle est allée le prendre à sondomicile, et que par la suite les Interahamwe l’ont trouvé chez NYIRASHAKO et lui ont donnéla mort ;

Constate que NYIRASHAKO est poursuivie pour avoir comploté contre KABALISADieudonné ;

Constate qu’aux dates susmentionnées les témoins se sont présentés à l’audience pour chargerNYIRASHAKO Lénie et qu’ils sont tous unanimes pour dire que cette dernière a fait tuerKABALISA Dieudonné ;

Constate que NYIRASHAKO Lénie a intentionnellement fait tuer KABALISA Dieudonné ;

Constate que cette complicité d’assassinat est établie à charge de NYIRASHAKO Lénie tel qu’ilressort des déclarations des témoins qui ont déposé à sa charge et qu’elle reconnaît que lesmiliciens INTERAHAMWE ont tué KABALISA après l’avoir délogé de son domicile à elle ;

Constate que NYIRASHAKO Lénie a fait tuer KABALISA Dieudonné par pure méchanceté etqu’ainsi elle est rangée dans la 2ème catégorie ;

Constate que pour toutes les raisons développées ci-dessus BARITIMA Jules est rangé dans la1ère catégorie ;

Constate que les dommages et intérêts réclamés par KARUHIMBI, MUREKATETE, SAYIDI etKAREMERA conjointement avec le Ministère Public pour la perte des membres de leur familleet de leurs biens sont fondés, mais que le Tribunal va les évaluer dans sa sagesse;

Vu la Convention du 09/12/1948 en ses articles 1, 2, 3 et 4, la Convention du 12/08/1949 en sesarticles 146 et 147, et la Convention du 26/11/1968 en ses articles 1et 2, toutes trois ratifiées parle Décret-loi n°08/75;

7ème feuillet.

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise spécialement la Constitution du 10 juin1990 en ses articles 14, 92, 93, 94, 95 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 spécialement en ses articles 1, 2, 14, 18, 20, 21, 29, 30, 39 ;

Vu le Décret-loi n°09/80 du 07/07/1980 portant organisation et compétence judiciairesspécialement en ses articles 199, 200, 201 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale en ses articles 16, 58, 59, 61, 71, 73,

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157

76, 90 et 138 telle que modifiée à ce jour ;

Vu la Loi n°21/77 du 18/08/1997 portant Code pénal en ses articles 89,90, 91, 93, 168, 281, 282,283, 304, 305, 312 et 444 ;

Décide de recevoir l’action intentée par les parties civiles énumérées ci-avant ;

Déclare que les infractions à charge de BARITIMA Jules sont en concours idéal, qu'ainsi il doitêtre condamné pour l’infraction la plus grave c’est à dire celle de génocide ;

Déclare que BARITIMA Jules perd la cause et le condamne à la peine capitale ;

Lui ordonne de verser au trésor public les frais d’instance équivalant à 4.000 Frw sous peine des’exposer, en cas d’inexécution, à une contrainte par corps de 30 jours suivie d’une exécutionforcée sur ses biens ;

Lui ordonne de verser au titre de dommages et intérêts, solidairement avec NYIRASHAKOLénie, à la famille KARUHIMBI la somme de 5.000.000 Frw, à MUREKATETE la somme de4.000.000 Frw, à SAYIDI la somme de 2.000.000 Frw et à UWIMANA Jeanne d’Arc la sommede 2.000.000 Frw, que le total des dommages et intérêts dont ils sont redevables est de13.500.000 Frw, qu’ils sont tenus de payer cette somme dans un délai de trois mois sous peine des’exposer, en cas d’inexécution, à une contrainte par corps de 10 jours suivie d’une exécution surleurs biens ;

Leur ordonne de payer dès le prononcé de ce jugement la somme de 78.000 Frw au titre de droitproportionnel de 4 % sinon exécution forcée sur leurs biens ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 26/06/1997 PAR LACHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GISENYIEN PRESENCE DES PREVENUS, DE BAMBANZA GREGOIRE (représentant duMinistère Public) ET DES PARTIES CIVILES.

PRESIDENT JUGE JUGE

RUMANZI Jean NKAKA Séraphin MUNYAKAYANZA MUNYAWERA Sophonie

Sé/ Sé/ Sé/

GREFFIER

BAYINGANA J.BSé/

158

159

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE GITARAMA

160

161

N° 6

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de GITARAMAdu

02 avril 1999.

Ministère Public C/ BUGIRIMFURA Emmanuel et Consorts.

ACTION CIVILE (LIEN DE CAUSALITE) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ART. 281 ET 282 CP) – AVEUX (COMPLETSET SINCERES ; PARTIELS) – CATEGORISATION (2ème CATEGORIE ; ART.2 L.O.30/8/96) – CRIME DE GENOCIDE – DOMMAGES ET INTERETS (EX- ÆQUO ETBONO) – EXCUSES – NON-ASSISTANCE A PERSONNES EN DANGER (ART. 256CP ; NON) – PEINE (DIMINUTION DE; EMPRISONNEMENT A PERPETUITE;EMPRISONNEMENT A TEMPS; DEGRADATION CIVIQUE) – PREUVE(ACCUSATIONS RECIPROQUES; TEMOIGNAGES) – PROCEDURE D'AVEU ETDE PLAIDOYER DE CULPABILITE (AVANT POURSUITES; ARTICLE 6 DE LALOI ORGANIQUE DU 30/08/1996) – TEMOIGNAGES (A CHARGE;CONCORDANTS).

1. Non – assistance à personnes en danger – incompatibilité avec l'assassinat constitutif ducrime de génocide – acquittement de l’ensemble des prévenus pour cette prévention.

2. 1er prévenu – procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité - aveux sincères et complets(conformité à l'article 6 de la Loi organique du 30/08/1996) – deuxième catégorie – aveuxavant poursuites – réquisitions contraires - réduction de peine – art. 15a de la Loiorganique du 30/08/1996 – 10 ans d'emprisonnement.

3. 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus – infractions établies (assassinat ; association demalfaiteurs ) – preuves (accusations des coaccusés et témoignages à charge).

4. 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus –concours idéal d'infractions – deuxième catégorie –emprisonnement à perpétuité et dégradation civique limitée.

5. Action civile – recevable et partiellement fondée - dommages et intérêts moraux -évaluation ex æquo et bono – dommages et intérêts matériels (non) – défaut de preuve etde lien avec les infractions poursuivies.

1. Les prévenus ne pouvant pas raisonnablement tuer les victimes et leur porter secours enmême temps, ils sont tous acquittés de l’infraction de non-assistance à personnes endanger, y compris le prévenu qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité pour l’ensemble des infractions.

2. Sont acceptés comme complets et sincères, conformément à l'article 6 de la Loiorganique du 30/08/1996, les aveux du 1er prévenu qui a reconnu les faits, indiqué lesnoms de ses victimes, dénoncé ses coauteurs et complices, et présenté ses excuses. Les

162

infractions avouées par le 1er prévenu le rangent en deuxième catégorie; contrairement auxréquisitions du Ministère Public qui soutient que le prévenu a avoué après poursuites etréclame une peine d’emprisonnement de douze ans, le Tribunal constate que le prévenu arecouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité avant poursuites, dès lapublication de la loi.

En application de l'article 15a de la Loi organique du 30/08/1996, il est condamné à unepeine d'emprisonnement de 10 ans.

3. Sont déclarées établies à charge des 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus, les infractionsd'assassinat et d'association de malfaiteurs, car :- certains prévenus ont avoué, lors de l'instruction préparatoire, avoir participé à

l'assassinat des victimes ;- les prévenus s'accusent mutuellement d'avoir participé aux assassinats ;- leur coprévenu qui a recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité les

met en cause ;- les prévenus sont accusés par de nombreux témoins entendus lors de l'instruction

préparatoire ;- même si certains prévenus disent être mis en cause injustement, ils n'indiquent pas la

raison pour laquelle ils auraient été accusés à tort ;

Les infractions établies sont constitutives du crime de génocide, car les victimes ont étévisées en raison de leur appartenance ethnique.

4. Les infractions établies à charge des 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus ont été commises enconcours idéal et les rangent dans la deuxième catégorie. Ces prévenus sont condamnés àl'emprisonnement à perpétuité et à la dégradation civique telle que prévue par l'article 66,2°, 3° et 5° du Code pénal.

5. L’action des parties civiles est recevable et partiellement fondée. Des dommages morauxdoivent être accordés tant à l’épouse et à la mère des deux victimes qu’aux enfantssurvivants. Les montants réclamés à ce titre sont cependant excessifs, et le Tribunalprocède à une évaluation ex æquo et bono. La demande visant l’allocation de dommageset intérêts matériels est rejetée, la partie civile restant en défaut de rapporter la preuve deces dommages, et les prévenus n’ayant pas été poursuivis pour destruction ou dégradationde biens, infractions auxquelles se seraient rattachés les dommages réclamés .

( NDLR : En date du 11/03/2001, la Cour d'Appel de NYABINSINDU a déclaré recevable,mais non fondé l'appel des prévenus).

RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA

163

(Traduction libre)1er feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GITARAMA, CHAMBRESPECIALISEE, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE OU D’AUTRES CRIMESCONTRE L’HUMANITE COMMIS ENTRE LE 1er OCTOBRE 1990 ET LE 31DECEMBRE 1994, A RENDU AU PREMIER DEGRE LE JUGEMENT DONT LATENEUR SUIT :

JUGEMENT DU 02/04/1999

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1. BUGIRIMFURA Emmanuel fils de GATORANO, né en 1952 à KARAMA communeMUSHUBATI, préfecture GITARAMA, Rwandais, cultivateur, marié à NYIRAMINANI,père de 3 enfants, sans biens ni antécédents judiciaires connus (détenu).

2. RUHANIKA Michel fils de MUREKEZI et MUKAKABANDA, né en 1963 à KARAMA,commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, y résidant, marié à NYIRANGIRENTE,sans enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus (détenu).

3. HABIMANA Célestin fils de GATORANO Dominique et MUKAMUZIMA Marthe, né àGIHEMBE, secteur KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA et yrésidant, marié à MUKAKAMANZI, père de 3 enfants, cultivateur, sans biens ni antécédentsjudiciaires connus (détenu).

4. MUSABYIMANA Théoneste fils de MPAKANIYE Athanase et NYIRARUMONDO, né àNYAMYUMBA, secteur KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, en1968, célibataire, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus (détenu).

5. FASHAHO Jean, fils de BICAMUMPAKA Dismas et NTAMUKIZA Xaverina, né àKARAMA en 1953 et y résidant, marié à MUKANSHAGAYE Dorothée, père de 7 enfants,maçon, sans biens ni antécédents judiciaires connus (détenu).

Préventions :

Avoir à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, République Rwandaise,comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénalLivre premier, l’article 3a de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation despoursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou d’autres crimes contrel’humanité, entre avril et juillet 1994, commis les infractions ci-après dans le cadre du génocidetelles que prévues par le Décret-loi n°08/75 du 12/02/1975, la Loi organique n°08/96 du30/08/1996 et la convention du 09/12/1948 ;

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2ème feuillet.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteurs, coauteurs oucomplices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal Livre premier et l’article 3ade la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996, assassiné NDAGIJIMANA Alexis et son filsSINGIZIMANA Léonard, infraction prévue et punie par l’article 312 du Code pénal Livre II ;

- Avoir, à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, RépubliqueRwandaise, formé une association de malfaiteurs, infraction prévue et punie par les articles 281,282 du Code pénal ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, alors qu’ils en étaient capables etqu’il ne pouvait en résulter aucun danger pour eux et pour les tiers, omis de porter secours auxpersonnes qui se trouvaient en péril, infraction prévue et punie par l’article 256 du Code pénalLivre II ;

PARTIES CIVILES :

NYIRAMASUKA Euphrasie fille de NTAMUHANGA et NYIRAMBUGUZA, originaire deKARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA et y résidant, mariée à feuNDAGIJIMANA Alexis en 1962 ;

NYIRAGARUKA Eularie fille de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,cultivatrice, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA,Rwandaise, née en 1969 ;

HAKIZIMANA Bertin fils de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, né en 1976,cultivateur, de nationalité rwandaise ;

MUKANYANDWI Annonciata fille de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKAEuphrasie, cultivatrice, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfectureGITARAMA, Rwandaise, née en 1979 ;

NIWEMWALI Adria fille de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,cultivatrice, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA,Rwandaise, née en 1984 ;

NKURUNZIZA Célestin fils de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,cultivateur, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, denationalité rwandaise, né en 1981 ;

MUZINDUTSI fils de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie, résidant àKARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, de nationalité rwandaise, né en1988, élève ;

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LE TRIBUNAL,

Vu qu’après l’instruction préparatoire par le Parquet de la République à GITARAMA, le dossiera été transmis à la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de GITARAMA pourfixation en date du 29/12/1998 par lettre n°03/516/D2/B/PRORE du Premier Substitut près leTribunal de Première Instance de GITARAMA ;

3ème feuillet.

Vu que le dossier de cette affaire a été inscrit au rôle sous le n° RP 70/GIT/CH.S/2/99 en date du04/01/1999 ;

Vu que le Président de la Chambre Spécialisée a pris l’ordonnance du 11/03/1999 fixant la dated’audience au 24/03/1999 à 8 heures du matin, que notification en a été faite au MinistèrePublic et aux prévenus ;

Vu que l’audience a eu lieu à cette date en présence de toutes les parties ;

Attendu que la parole est accordée au représentant du Ministère Public qui dit que le prévenuBUGIRIMFURA Emmanuel a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilitéprévue par la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites desinfractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité, qu’il a décrit lescirconstances des faits tout en indiquant les noms de ses coauteurs et a présenté ses excuses ;

Attendu qu’en vertu de la loi ci-haut citée, le représentant du Ministère Public requiert la peinede 12 ans d’emprisonnement à charge de BUGIRIMFURA Emmanuel ;

Attendu qu’invité à confirmer les déclarations rapportées par le représentant du MinistèrePublic, BUGIRIMFURA Emmanuel dit que certaines personnes, à savoir MUTARAMBIRWALéonidas, BUGUMYA Eulade, MURWANASHYAKA fils de NSENGIYAREMYE etMINANI fils de NTAWUGURANAYO, personnes qu’il a dénoncées pour avoir participé àl’assassinat des regrettés sont encore en liberté ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a avoué volontairement et en connaissance de cause,BUGIRIMFURA Emmanuel répond par l’affirmative et précise qu’il n’a pas voulu mentir alorsque les faits ont eu lieu publiquement ;

Attendu qu’invité à dire s’il ne va pas interjeter appel contre la décision qui sera prise par leTribunal sur son cas, il répond par l’affirmative ;

Attendu qu’il continue en disant qu’il est parti en compagnie de RUHANIKA Michel,KABANDA et MUSABYIMANA et qu’ils sont allés voir HABIMANA Célestin avec lequel ilsse sont rendus chez NDAGIJIMANA où ils ont trouvé son épouse et ses trois enfants, qu’à cemoment KABANDA a demandé à cette dame de lui présenter sa carte d’identité qu’il aexaminée, que RUHANIKA, MUSABYIMANA et HABIMANA Célestin sont entrés dans lacuisine d’où ils ont sorti NDAGIJIMANA Alexis qui avait entre ses mains un maïs grillé, queNCYUYUBUHORO Obald, KABANDA Edouard et Emile le fils de Balthazar ont sortiSINGIZIMANA Léonard d’une autre maison et l’ont placé à côté de son père NDAGIJIMANA,qu’ils leur ont demandé de leur donner leurs cartes d’identité mais que NDAGIJIMANA n’a paspu en produire tandis que SINGIZIMANA leur a montré la sienne ;

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Attendu qu’il déclare qu’ils ont dit à NDAGIJIMANA qu’étant donné que la carte d’identité deson fils porte la mention de l’ethnie Tutsi, il est lui aussi Tutsi, qu’ils les ont alors emmenés chezle nommé MPARAYE mais qu’ils n’avaient pas encore croisé FASHAHO à ce moment ;

Attendu que BUGIRIMFURA dit qu’arrivés chez FASHAHO, ils lui ont demandé sa carted’identité, qu’il n’a pas pu la leur montrer et leur a dit l’avoir égarée depuis longtemps, qu’ilslui ont demandé si NDAGIJIMANA n’était pas son oncle, mais qu’il a nié avoir une parentéquelconque avec lui, qu’il leur a dit être en possession de la carte d’identité de son grand frère etqu’il peut la leur montrer pour vérification de son ethnie, qu’ils ont alors constaté que laditecarte d’identité portait la mention de l’ethnie Hutu ;

4ème feuillet.

qu’ils n’en ont pas été convaincus et sont allés s’informer auprès de BICAMUMPAKA qui leura confirmé que MPARAYE est de l’ethnie Hutu, qu’ils ont emmené NDAGIJIMANA et son filsSINGIZIMANA Léonard et que, arrivés derrière le domicile de BUGUMYA, ils ont croiséplusieurs personnes en provenance de GATONGATI qui ont commencé à donner des coups àNDAGIJIMANA Alexis en exigeant qu’il produise sa carte d’identité ;

Attendu qu’il affirme que c’est à ce moment qu’il a suggéré à SINGIZIMANA Léonard de sesauver car son père allait être tué, que SINGIZIMANA est descendu en courant mais qu’il a étérattrapé et ramené, qu’il ne connaît cependant pas ceux qui l’ont rattrapé à part qu’ils étaientnombreux ;

Attendu qu’invité à préciser la part de responsabilité de FASHAHO dans l’assassinat deNDAGIJIMANA Alexis et son fils, il répond que FASHAHO faisait partie du groupe de gensqui ont emmené SINGIZIMANA Léonard et qu’il lui donnait des coups comme les autres, qu’ilsl’ont par la suite tué au même endroit que son père, que RUHANIKA et HABIMANA ont frappéet tué les victimes à coups de bâtons et de gourdins ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il plaide coupable des faits qui lui sont reprochés,RUHANIKA Michel avoue avoir participé à l’attaque qui a coûté la vie à NDAGIJIMANA etson fils, mais dit qu’il a agi sous la contrainte, qu’il n’a cependant rien fait à leur arrivée audomicile de NDAGIJIMANA, qu’il reconnaît seulement avoir fait partie du groupe de gens quiles ont emmenés et qui, arrivés derrière le domicile de BUGUMYA, ont croisé un groupe depersonnes en provenance de GATONGATI qui leur ont demandé où ils conduisaient lesvictimes, ce à quoi ils ont répliqué les emmener à KABGAYI où étaient les autres, que c’estalors qu’ils ont commencé à les rouer de coups et qu’il en présente ses excuses ;

Attendu que HABIMANA Célestin plaide coupable de non-assistance à personnes en danger etreconnaît avoir fait partie des personnes qui ont emmené les victimes pour aller lestuer, qu’ils ont commencé à leur administrer des coups au moment où ils ont atteint le boisementappartenant au nommé Sylvain et que c’est à ce moment que SINGIZIMANA

Léonard s’est sauvé en courant, que BUGIRIMFURA a donné l’ordre de le ramener et qu’ilsl’ont tué ;

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Attendu que MUSABYIMANA Théoneste dit qu’il plaide coupable d’association de malfaiteursseulement et précise qu’il a été incorporé dans ce groupe par des gens qui l’ont trouvé chez lui,que ce groupe de malfaiteurs n’avait pas pour but de sauver des gens mais plutôt de tuer et quec’est ainsi qu’il a tué NDAGIJIMANA Alexis et son fils SINGIZIMANA Léonard, qu’il n’a pasquant à lui pris part à ce crime auquel il assistait passivement pour cause de maladie car il venaità peine de quitter l’hôpital de NYARUSANGE, que c’est à tort que FASHAHO etBUGIRIMFURA le mettent en cause, mais qu’il ne saurait en indiquer le motif ;

Attendu que FASHAHO Jean plaide non coupable de toutes les infractions qui lui sontreprochées et dit qu’il n’était pas présent au moment de leur perpétration, que BUGIRIMFURAle met injustement en cause, lui en voulant de l’avoir vu chez NDAGIJIMANA Alexis qui venaitd’être tué avec son fils, qu’à la question de savoir ce qu’il allait faire chez NDAGIJIMANAalors que celui-ci était mort, il répond qu’il voulait voir ce qui s’était passé là ;

Attendu que RUHANIKA Michel, interrogé sur la présence de FASHAHO sur les lieux où setrouvaient les victimes, répond que l’intéressé était là et fait partie de ceux qui leur donnaient descoups ;

Attendu qu’à la question posée à MUSABYIMANA de savoir si FASHAHO fait partie des gensqui donnaient des coups aux victimes NDAGIJIMANA et son fils, il répond l’avoir vu sur leslieux mais qu’il est arrivé après la mort desdites victimes, que HABIMANA Célestin affirmequant à lui ne pas l’avoir vu à cet endroit ;

5ème feuillet.

Attendu que la parole est accordée au représentant du Ministère Public qui dit que les prévenusréfutent les faits qui leur sont reprochés alors qu’ils s’en sont rendus coupables, queRUHANIKA a avoué lors de son premier interrogatoire mais qu’il s’est rétracté par la suitealléguant avoir été soumis à la contrainte sans pouvoir le prouver, que le prévenu prétend qu’il setrouvait à l’hôpital alors qu’il était en compagnie de son frère KABANDA Edouard, que ses co-prévenus qui le mettent en cause n’ont pas confirmé la contrainte dont il aurait été l’objet ;

Attendu que le représentant du Ministère Public qualifie de mensongères toutes les allégations deHABIMANA car dit-il, dans sa déclaration du 04/03/1996, il a affirmé avoir croisé ceux quivenaient de tuer les victimes dont il est question dans le présent dossier, mais qu’il ne faisait paspartie de ce groupe, qu’il a par ailleurs reconnu devant le Tribunal avoir fait partie du groupe quia emmené les victimes, qu’ainsi son système de défense n’a pour but que d’induire le Tribunalen erreur, ignorant délibérément les témoignages faits à sa charge ;

Attendu qu’il poursuit en disant que dans sa défense devant le Tribunal, MUSABYIMANA ditqu’il était malade quand NDAGIJIMANA et son fils ont été tués, alors que, dans soninterrogatoire du 03/11/1997, il a affirmé qu’il venait de rendre visite à son petit frère quand ilest arrivé sur les lieux du crime, que cependant cette première déclaration ne saurait être prise encompte surtout que ses co-prévenus le chargent ;

Attendu qu’il dit que FASHAHO plaide non coupable alors qu’il se trouvait sur les lieux oùSINGIZIMANA a été tué et qu’il a participé à ce crime tel qu’il en est chargé par RUHANIKAet BUGIRIMFURA dans leurs déclarations respectives, que c’est en désespoir de cause qu’iladopte un tel système de défense qui ne saurait lui être utile, qu’il n’est pas étonnant par ailleurs

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que MUSABYIMANA et HABIMANA essaient de le disculper dès lors qu’ils ont eux-mêmescommencé par réfuter les faits à leur charge et n’ont avoué qu’une fois devant le Tribunal, quepartant, le système de défense de FASHAHO est sans fondement ;

Attendu qu’en réplique, FASHAHO demande au Tribunal d’entendre le nommé NYANDWIFaustin qui était son employeur car il sait qu’il est arrivé chez NDAGIJIMANA après avoirquitté son travail, ainsi que NYIRAMASUKA qui est membre de la même famille que lesvictimes, car elle l’a croisé au cours de sa fuite alors qu’il venait quant à lui du lieu où iltravaillait ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public prend la parole et dit que FASHAHO ne passait pastoute la journée au service de NYANDWI Faustin, qu’il estime que NYANDWI Faustin nepourrait apporter aucun éclaircissement au Tribunal, à moins qu’il soit au courant de l’heure dela mort de NDAGIJIMANA ;

Attendu que BUGIRIMFURA dit que FASHAHO ment car il est venu en compagnie deBUNANI, faisant partie des personnes qui sont allées emmener SINGIZIMANA Léonard pour letuer, et qu’il a appelé NYIRAMASUKA quand ils sont arrivés chez BUGUMYA ;

Attendu que Maître Véronique CHAUVEAU, Conseil des parties civiles ayant pour interprèteKAKUZE Joséphine se présente, que l’interprète prête serment de remplir fidèlement la missionqui lui est confiée ;

Attendu que Maître Véronique CHAUVEAU produit l’autorisation de plaider qui lui a étédélivrée en date du 11/03/1999 par le barreau du Rwanda en vue de représenterNYIRAMASUKA et ses enfants qui se sont constitués parties civiles dans cette affaire ;

Attendu que Maître Véronique CHAUVEAU est accompagné par l’interprète KAKUZEJoséphine qui prête serment de remplir fidèlement sa mission ;

6ème feuillet.

Attendu qu’invitée à expliciter les dommages-intérêts réclamés par les parties civiles ainsi queleur fondement, Maître Véronique CHAUVEAU dit que NYIRAMASUKA Euphrasie s’estconstituée partie civile en cette affaire suite à l’assassinat de son mari NDAGIJIMANA Alexis etde son fils SINGIZIMANA Léonard, ainsi qu’à la destruction de sa maison et la dégradation desa bananeraie et des arbres fruitiers, qu’elle dit que NYIRAMASUKA a perdu son mari quidevait l’aider à éduquer tous les enfants y compris ceux qui sont encore en bas âge, qu’elleprécise que leur action vise tant les dommages moraux que matériels ;

Attendu qu’elle dit que les dommages – intérêts qu’elle réclame pour NYIRAMASUKA et sesayants cause sont les suivants : 2.461.600 Frw de dommages matériels, 82.000.000 Frw dedommages moraux pour NYIRAMASUKA et ses enfants suite à l’assassinat de son mari et deson fils, soit au total 2.461.600 Frw + 82.000.000 Frw =84.461.600 Frw à allouer àNYIRAMASUKA Euphrasie par tous les prévenus ;Attendu que tous les prévenus présentent leur défense sur l’action civile, que BUGIRIMFURAdit qu’il n’a rien endommagé au préjudice de NYIRAMASUKA Euphrasie et que ses biens ontété plutôt détruits et dégradés par le groupe venu de GITONGATI, que RUHANIKA,HABIMANA, FASHAHO et MUSABYIMANA disent tous qu’ils sont incapables de réunir lessommes réclamées ;

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Attendu que la parole est accordée au représentant du Ministère Public qui remet au Tribunal lanote de fin d’instruction contenant l’exposé des faits et des preuves à charge de RUHANIKAMichel, HABIMANA Célestin, MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean et danslaquelle il requiert que BUGIRIMFURA Emmanuel soit rangé dans la deuxième catégorie et soitcondamné à la peine d’emprisonnement à perpétuité pour le crime d’assassinat, à 20 ansd’emprisonnement pour association de malfaiteurs, à 5 ans d’emprisonnement pour non-assistance aux personnes en danger, mais qu’il requiert en définitive la peine de 12 ansd’emprisonnement prévue par l’article 16 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 au motifque BUGIRIMFURA Emmanuel a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilitéaprès les poursuites et que ses aveux remplissent les conditions prévues à l'article 6 de la loi ci-haut citée ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public requiert que RUHANIKA Michel, HABIMANACélestin, MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean soient rangés dans la deuxièmecatégorie et soient condamnés à l’emprisonnement à perpétuité pour assassinat, 20 ansd’emprisonnement pour association de malfaiteurs, 5 ans d’emprisonnement pour non-assistanceà personnes en danger ainsi qu’à la dégradation civique et au paiement solidaire des frais de laprésente instance, l’action civile étant laissée à la diligence des parties lésées ;

Attendu que les prévenus sont invités à conclure, que RUHANIKA dit qu’il continue à plaidercoupable, que HABIMANA présente des excuses et dit qu’il a été entraîné dans un crime quin'était pas nécessaire, que MUSABYIMANA dit quant à lui qu’il est arrivé sur les lieux du crimemais n’y a pas participé,

7ème feuillet.

qu’il a fait une fausse déclaration au parquet en affirmant qu’il est passé à cet endroit en allantrendre visite à son petit frère, que FASHAHO demande au Tribunal de faire une enquête ;

Attendu que les débats sont clos, que la date du prononcé est fixée au 02/04/1999 à 14 heures etest annoncée publiquement et signifiée à toutes les parties, que le Tribunal prend l’affaire endélibéré ;

Constate que l’action du Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme et, aprèsexamen, constate que l’une des préventions n’est pas fondée ;

Constate que l’examen des infractions de génocide ou d’autres crimes contre l’humanité mises àcharge de BUGIRIMFURA Emmanuel et ses 4 co-prévenus par le Ministère Public doit êtreprécédé par celui de leurs éléments constitutifs ;

Constate que BUGIRIMFURA a, au cours de son interrogatoire par l’Officier du MinistèrePublic et des débats en audience, reconnu les faits qui lui sont imputés et présenté ses excuses,indiqué les noms de ses victimes tels que repris dans la prévention et ceux de ses coauteurs etcomplices et ce, conformément au prescrit de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 surl’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou des crimescontre l’humanité dans son chapitre III relatif à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité ;

Constate que BUGIRIMFURA Emmanuel s’est conformé sans contrainte à la loi susmentionnée

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dès sa publication tel qu’il l’a lui-même confirmé au cours des débats, qu’il doit ainsi bénéficierd’une diminution de la peine en vertu de l’article 15 a) de la loi organique n° 08/96 du30/08/1996 ci- haut citée ;

Constate que même s’il plaide coupable de toutes les infractions, BUGIRIMFURA Emmanuel nepeut être condamné du chef de non-assistance à personnes en danger étant donné qu’il ne pouvaitpas raisonnablement tuer les victimes et leur porter secours en même temps, qu’il doit ainsi êtrepuni pour les deux crimes restants qui constituent le crime de génocide ou autres crimes contrel’humanité ;

Constate que BUGIRIMFURA doit être rangé dans la deuxième catégorie ;

Constate que le crime d’assassinat commis sur les personnes de NDAGIJIMANA Alexis et sonfils SINGIZIMANA Léonard en raison de leur appartenance à l’ethnie Tutsi est établi à chargede RUHANIKA Michel, MUSABYIMANA Théoneste, HABIMANA Célestin et FASHAHOJean, car RUHANIKA Michel a, au cours de l’instruction préparatoire, avoué avoir, encompagnie de CYUBUHORO non poursuivi dans la présente affaire, tué NDAGIJIMANAAlexis à coups de massue, et qu’il est par ailleurs mis en cause par son co-prévenuFASHAHO Jean qui dit qu’ils ont tué SINGIZIMANA Léonard, ainsi que par les témoinsMINANI Pierre, MUTARAMBIRWA Léonidas, MURAGIJEYEZU Hélène, SEBYENDAVédaste, BUGUMYA Eulade, MPARAYE Emmanuel et NTAGUNGIRA Onesphore qui ont étéentendus par le Ministère Public au cours de l’instruction préparatoire ;

8ème feuillet.

Constate que les moyens de défense de FASHAHO Jean qui plaide non coupable sont nonfondés pour les motifs cités précédemment, surtout que, au cours des débats en audience, son co-prévenu BUGIRIMFURA Emmanuel qui plaide coupable l’a mis en cause en affirmant queFASHAHO Jean faisait partie du groupe des personnes qui ont ramené SINGIZIMANA Léonardpour le tuer au même endroit que son père et qu’il lui donnait des coups, FASHAHO n’ayant paspu contredire cette affirmation à part dire qu’il est injustement mis en cause sans cependantindiquer le conflit qu’il a avec tous ceux qui le chargent, qu’il ne peut dès lors échapper à lacondamnation car tous ceux qui le chargent, y compris BUGIRIMFURA Emmanuel, affirmentl’avoir vu parmi les assassins des victimes, les faits ayant été perpétrés en plein jour ;

Constate que l’infraction d’association de malfaiteurs est elle aussi établie à charge des prévenustel que ci- haut démontré car ils ont tous ensemble tué NDAGIJIMANA Alexis et son filsSINGIZIMANA Léonard, qu’ils doivent en être punis ;

Constate que toutes les infractions établies à charge des prévenus en cette affaire sont enconcours idéal car elles ont été commises dans l’intention de détruire le groupe ethnique Tutsi,ainsi que les Hutu opposés au régime de l’époque ;

Constate que BUGIRIMFURA Emmanuel doit bénéficier d’une diminution de la peine car il aplaidé coupable et présenté ses excuses ;

Constate que RUHANIKA Michel, HABIMANA Célestin, MUSABYIMANA Théoneste etFASHAHO Jean doivent être rangés dans la deuxième catégorie et que chacun doit êtrecondamné aux peines les plus sévères ;

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Constate que NYIRAMASUKA Euphrasie et ses enfants se sont tous constitués parties civilesdans la présente affaire, que leur Conseil, Maître Véronique CHAUVEAU, a démontré lefondement des dommages – intérêts et prouvé l’existence des liens de parenté entre les partiesciviles et les victimes, que des dommages-intérêts doivent leur être alloués ex aequo et bono parle Tribunal car ceux réclamés sont excessifs ;

Constate cependant que seuls les dommages moraux doivent être alloués en cette affaire car,relativement aux dommages matériels, Maître Véronique CHAUVEAU n’en a pas rapporté lapreuve et que le Ministère Public n’a pas initié l’action publique de destruction ou dégradationdes biens qui devrait en constituer la base ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;

9ème feuillet.

Vu la Loi Fondamentale, spécialement la Constitution du 10 juin 1991 en ses articles 12, 14, 16,33, 92, 93 et 94 ;

Les Accords de Paix d'ARUSHA dans sa partie relative au partage du pouvoir spécialement enses articles 25, 26 ;

Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou d’autres crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 jusqu’au 31/12/1994 en ses articles 2, 4, 6, 14, 15, 16, 17, 19, 24 ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 du 7 juillet 1980 portant Code d’organisation et compétence judiciairesau Rwanda en ses articles 6, 76, 77, 104, 199, 200 et 201 ;

Vu le Code de procédure pénale spécialement en ses articles 58, 73, 76, 80, 90 ;

Vu les articles 281, 282 et 312 du Code pénal, Livre II ;

Vu le livre III du Code civil spécialement en ses articles 258 et 259 ;

Déclare recevables l’action du Ministère Public et celle des parties civiles car elles sontrégulières en la forme ;Déclare que le contenu des 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 9ème, 10ème, 11ème et 12ème « constate » duprésent jugement doit être respecté ;

Déclare que BUGIRIMFURA Emmanuel, RUHANIKA Michel, HABIMANA Célestin,MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean perdent la cause ;Condamne BUGIRIMFURA à la peine principale de 10 ans d’emprisonnement ;

Condamne RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel, MUSABYIMANA Théoneste etFASHAHO Jean à la peine principale de 10 ans d’emprisonnement chacun pour la troisièmeinfraction ;

Condamne également RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel, MUSABYIMANA Théoneste

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et FASHAHO Jean à l’emprisonnement à perpétuité pour l’assassinat de NDAGIJIMANAAlexis et son fils SINGIZIMANA Léonard tel qu’explicité dans le 7ème « constate » du présentjugement, soit à charge de chacun, l’emprisonnement à perpétuité qui est une peine plus forteque celle prévue pour l’infraction d’association de malfaiteurs, car ces infractions sont enconcours idéal tel que dit dans le 11ème « constate » ;

Déclare tous les prévenus acquittés de l’infraction de non-assistance à personnes en danger ;

Condamne tous les prévenus à payer les frais de la présente instance s’élevant à 29.750 Frw dansle délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps de 30 jours suivie de l’exécution forcéesur leurs biens ;

Condamne RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel, MUSABYIMANA Théoneste etFASHAHO Jean à la dégradation civique prévue à l’article 66, 2°, 3° et 5° du Code pénal Livrepremier ;

10ème feuillet.

Condamne BUGIRIMFURA Emmanuel, RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel,MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean à allouer solidairement à NYIRAMASUKAEuphrasie les dommages moraux évalués à 2.000.000 Frw suite à l’assassinat de son mariNDAGIJIMANA Alexis et payables dès le prononcé du présent jugement sous peine d’unecontrainte par corps de 30 jours suivie de l’exécution forcée sur leurs biens ;

Les condamne en outre à lui allouer solidairement les dommages moraux évalués à 800.000 Frwsuite à l’assassinat de son fils SINGIZIMANA Léonard et payables dans le délai sous peined’une contrainte par corps de 30 jours suivie de l’exécution forcée sur leurs biens ;

Les condamne également à allouer solidairement à NYIRAMASUKA Euphrasie les dommagesmoraux de 500.000 Frw déterminés ex aequo et bono en faveur de chaque enfant encore en vie àsavoir NIWEMWALI Adrie, MUKANYANDWI Annonciata, HAKIZIMANA Bertin,MUZINDUTSI, NYIRAGARUKA, NIYOMUKESHA Vérène et NKURUNZIZA Célestin, soitau total 3.500.000 Frw payables dans le délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps de30 jours suivie de l’exécution forcée sur leurs biens ;

Leur ordonne de payer à NYIRAMASUKA Euphrasie tous les dommages moraux s’élevant à6.300.000 Frw dans le délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps de 60 jours suivie del’exécution forcée sur leurs biens ;

Leur ordonne de payer solidairement 252.000 Frw représentant le droit proportionnel de 4% desdommages intérêts dans le délai immédiat sinon exécution forcée sur leurs biens ;Rappelle que le délai pour interjeter appel est de 15 jours à compter du prononcé ; mais que celane concerne pas BUGIRIMFURA Emmanuel qui a plaidé coupable et présenté ses excuses telque prévu par la loi ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 02/04/1999 PAR

RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA

173

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DEGITARAMA, OU SIEGEAIENT : GAKWAVU Marc, Président ; MUJYAMBEREProsper et BIHIBINDI Isidore, Juges, EN PRESENCE DE ARIKA Fréderic, Officier duMinistère Public, et USHIZIMPUMU Sylver, Greffier.

SIEGE

Juge Président JugeMUJYAMBERE Prosper GAKWAVU Marc BIHIBINDI Isidore

(Sé) (sé) (sé)

GreffierUSHIZIMPUMU Sylvère (sé)

174

175

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE KIBUNGO

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N°7

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de KIBUNGOdu

22 septembre 2000.

Ministère Public C/ BIZURU André et consorts.

ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATIONDE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 et 283 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUT DEPORTER LA DEVASTATION DU PAYS, LE MASSACRE ET LE PILLAGE (ART. 168CP) – AVEUX (COMPLETS; PARTIELS) – CATEGORISATION (2ème CATEGORIE ;ART. 2 L.O. 30/08/1996) – CIRCONSTANCES ATTENUANTES (ART. 83 CP) –CONCOURS IDEAL D'INFRACTIONS – CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTREL'HUMANITE – DOMMAGES ET INTERETS (MORAUX; MATERIELS ; EX ÆQUOET BONO) – PEINE (DEGRADATION CIVIQUE; EMPRISONNEMENT A TEMPS;REDUCTION DE) – PREUVE (ABSENCE DE; VALIDITE DE) – PROCEDURED'AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (APRES POURSUITES : ART. 16L.O. 30/08/1996 ; AVANT POURSUITES : ART. 15 L.O. 30/08/1996 ; ACCEPTEEAPRES REJET DU MP : ART. 11 L.O. 30/08/1996) – TEMOIGNAGES(CONTRADICTOIRES; RECUSATION DE).

1. 1er prévenu – procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité examinée et reçue par leTribunal après rejet par le Ministère Public (article 11 de la Loi organique du 30/08/1996).

2. 1er,2ème, 3ème 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus – aveux - infractions établies (crimede génocide, assassinat, attentat ayant pour but de porter dévastation, massacres et pillage).

3. 1er prévenu – aveux – infraction de création d’une association de malfaiteurs établie 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus – aveux – infraction d’appartenance àune association de malfaiteurs établie.

4. 1er, 2ème, 3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus – intention délictueuse unique –concours idéal.

5. 1er prévenu – deuxième catégorie – procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité aprèspoursuites (article 16 de la Loi organique du 30/08/1996) - 15 ans d'emprisonnement etdégradation civique limitée.

6. 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus – deuxième catégorie – procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité avant poursuites (article 15 de la Loi organique du 30/08/1996) – 11 ansd’emprisonnement.

7. 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus – aveux pour la première fois devant le Tribunal –circonstances atténuantes (article 83 CP) – réduction de peines.

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8. 8ème, 11ème et 12ème prévenus – absence de preuve – infractions non établies – acquittementet ordre de libération immédiate.

9. Action civile – preuve du lien de parenté – preuve des dommages subis - dommages etintérêts ex æquo et bono.

1. En application de l’article 11 de la Loi organique du 30/08/1996, la procédure d’aveu et deplaidoyer de culpabilité réitérée à l’audience par le premier prévenu alors qu’elle avait étérejetée par le Ministère Public, est examinée par le Tribunal. Les aveux qui décrivent lescirconstances des faits mis à sa charge et indiquent l’identité des coauteurs et complices sontconformes à l’article 6 de la Loi organique du 30/08/1996 et sont reçus par le Tribunal.

2. Sur la base des aveux recueillis dans le cadre de la procédure d’aveux et de plaidoyer deculpabilité présentées par les 1er, 2ème, 3ème, 4ème et 5ème prévenus, et sur la base des aveuxpartiels que les 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus ont présentés pour la première fois àl’audience, sont établies à leur charge les infractions de :

- génocide, les prévenus ayant formé un groupe et mené des attaques dans l’intentionde détruire le groupe ethnique Tutsi, sachant que de tels actes étaient commis danstout le pays car il s’agissait de la mise à exécution de l’ordre de l’autorité suprême dupays;

- assassinat, les prévenus reconnaissant leur participation aux assassinat de certainesvictimes;

- attentat ayant pour but le pillage, les massacres ou la dévastation, les attaquesmenées ayant dévasté le secteur, et les tueries ayant été accompagnées d’actes depillage et de destruction.

3. La prévention de création d’une association de malfaiteurs est établie à l’égard du premierprévenu, qui reconnaît avoir appelé des membres du secteur à mener des attaques contre lesTutsi.La prévention d’appartenance à une association de malfaiteurs est établie à l’égard des 2ème,3ème, 4ème, 5ème, 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus, qui ont participé aux attaques dansl’intention d’exterminer les Tutsi.

4. Les infractions établies à l’encontre des prévenus procèdent d’une intention délictueuseunique, celle du génocide. Elles sont en concours idéal.

5. Les faits établis à charge du premier prévenu le rangent en deuxième catégorie. Ses aveuxétant intervenus après poursuites, il est condamné à une peine d’emprisonnement de 15 ansen application de l'article 16 de la Loi organique du 30/08/1996.

6. Les faits établis à charge des 2ème, 3ème, 4ème, et 5ème prévenus qui ont recouru à la procédured’aveux et de plaidoyer de culpabilité avant poursuites, et dont les aveux avaient été acceptéspar le Ministère Public, les rangent en deuxième catégorie, et en application de l'article 15 dela Loi organique du 30/08/1996, ils sont condamnés à 11 d'emprisonnement chacun.

179

7. Les infractions établies à charge des 6ème, 7ème, 9ème et 10ème prévenus les rangent endeuxième catégorie. Le fait d’avoir facilité la tâche du Tribunal par leurs aveux estconstitutif de circonstances atténuantes, et le bénéfice des réductions de peine prévues parl’article 83 du Code pénal doit leur être accordé. Les 6ème, 9ème et 10ème prévenus sont condamnés à une peine d'emprisonnement de 16 ans,tandis que le 7ème prévenu est condamné à une peine d'emprisonnement de 8 ans.

8. En l’absence de toute preuve tangible produite par le Ministère Public et eu égard au faitque leurs explications relatives aux conflits personnels qui auraient amené le seulcinquième coaccusé à persister dans sa mise en cause paraissent crédibles, les préventionsde génocide, d’assassinat, d’association de malfaiteurs et de dévastation ne sont pasétablies à l’encontre des 8ème, 11ème et 12ème prévenus qui plaident non coupable. Ils ensont acquittés et leur libération immédiate est ordonnée.

9. Le Tribunal ne peut faire droit à la demande de dommages moraux réclamés par unepartie civile restée en défaut de produire les pièces établissant son lien de parenté avec lavictime. Sont déboutées de leur action les parties civiles qui ne se sont pas présentéesdevant le Tribunal pour la soutenir. Les dommages et intérêts moraux et matériels sontfixés par le Tribunal ex æquo et bono.

(NDLR : ce jugement n'a pas été frappé d'appel).

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(Traduction libre).1er feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIBUNGO, CHAMBRESPECIALISEE, SIEGEANT EN MATIERE PENALE, A RENDU CE 22 SEPTEMBRE2000 LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE : Le Ministère Public

CONTRE :

1. BIZURU André fils de MUSASI Pierre et NYIRAMPFAKARAMYE, né en 1943, dansla cellule BUGARURA, secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture deKIBUNGO, y résidant, marié à NYABUHORO Félicité, père de 5 enfants, cultivateur, ex-conseiller, sans biens ni antécédents judiciaires connus.

2. MBWIRUWUMVA Claver fils de RUTAZIHANA Pierre et MUKAMUGANGA, né en1956, dans la cellule KIGABIRO, secteur KAGABIRO, commune GITESI, préfectureKIBUYE, résidant à RWANTERU, secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfectureKIBUNGO, veuf, père d’un enfant, de nationalité rwandaise, cultivateur, sans biens niantécédents judiciaires connus.

3. BUGINGO Célestin fils de RUTOZI Christophe et KAHIRE Valentine, né en 1968, dansla cellule RWANTERU, commune RUSUMO, Préfecture de KIBUNGO, y résidant,marié à MUREKEYISONI Clotilde, père d’un enfant, cultivateur, possédant unebananeraie, sans antécédents judiciaires connus.

4. KABAGEMA Célestin fils de NDABATEZE Augustin et MUKAMUZUNGU Léocadie,né en 1955 dans la cellule RWANTERU, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGOrésidant à RUGANDO, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, marié àMUKABATABAZI Agnès, père de trois enfants, cultivateur, sans biens ni antécédentsjudiciaires connus.

5. HABUMUGISHA François fils de NTAGASIGUMWAMI et KANYANGE, né en 1969à RWANTERU, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y résidant, marié àNYIRANSABIMANA Victoire, père de deux enfants, sans biens ni antécédentsjudiciaires connus.

6. NZIRORERA François fils de BARIGIRA et MUKANGWIJE , né en 1949 àMUSENYI, secteur MUSENYI, commune GISHYITA, préfecture de KIBUYE, résidant àMUSENYI, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, marié à MUKARUBUGA,sans enfant, maçon, sans biens ni antécédents judiciaires connus.

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2ème feuillet.

7. BUGINGO Wilson fils de GATARAYIHA et MBAMBAGWA, né en 1965, dans lacellule KAVUZO, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y résidant, célibataire,cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus.

8. SEBAGABO fils de BIGAHAGA et KANYANGE, né en 1943 à RWANTERU, secteurKIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y résidant, marié àMUKABEZA, père de deux enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciairesconnus

9. NDARUHUTSE fils de NYUZAHAYO et NYANGORE, né en 1958 à RWANTERU,secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, résidant à RUGANDO,secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, marié àMUKARUGINA , père de quatre enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciairesconnus.

10. RUGUMIRE fils de UWITONZE et KIBAZANYE, né en 1959 à BUGARURA, secteurKIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y résidant, marié àNYIRAMUYINGA, père de quatre enfants, cultivateur, sans biens ni antécédentsjudiciaires connus.

11. NSABIMANA Siméon fils de BUJEJE et NTIBATAMBE, né en 1962 à BUGARURA,secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y résidant, marié àIYAKAREMYE, père de six enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciairesconnus.

12. BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA fils de BITUNGWA et NYIRAWEJEJE, né en1959 à RWANTERU, secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, yrésidant, marié à ZIHINJISHI, père de cinq enfants, cultivateur, sans biens ni antécédentsjudiciaires connus.

Préventions :

Avoir à KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, République Rwandaise,entre avril et juillet 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices, tel que prévu par lesarticles 89, 90, 91 du Code pénal rwandais livre I, commis le crime de génocide et d’autrescrimes contre l’humanité, infractions prévues par la Convention internationale de Genève du09/12/1948 sur la répression du crime de génocide et la Convention internationale du26/11/1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité,toutes ratifiées par le Rwanda, par Décret-loi n° 08/75 du 12/02/1975, ainsi que par la Loiorganique n° 08/96 du 30/08/1996.

3ème feuillet.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis des assassinats,infraction prévue et réprimée par l’article 312 du Code pénal Livre II et par la Loiorganique n° 08/96 du 30/08/1996.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé une association de

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malfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281 et 283 du Code pénalrwandais Livre II et par la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis l’infraction d’attentatayant pour but de porter la dévastation du pays par les massacres ou les pillages,infraction réprimée par l’article 168 Code pénal rwandais Livre II et par la Loi organiquen° 08/96 du 30/08/1996.

LE TRIBUNAL:

Vu la lettre n° J/0805/D2/B-a/ND/PRORE par laquelle le Premier substitut du Procureur de laRépublique a transmis au Président de la Chambre Spécialisée du Tribunal de PremièreInstance de KIBUNGO pour fixation le dossier RMP n°80795/S4/ND à charge de BUGINGOCélestin, KABAGEMA Célestin, BIZURU André, MBWIRUWUMVA Claver,HABUMUGISHA François, NZIRORERA François, BUGINGO Wilson, SEBAGABO,NDARUHUTSE, RUGUMIRE Antoine, NSABIMANA Siméon et BUGINGO Célestin aliasKAYIJUKA ;

Vu que le dossier a été enregistré au rôle sous le n° RP 0152/EX/R3/00/KGO, que lePrésident a pris l’ordonnance fixant l’audience itinérante à la date du 11/09/2000 au CentreCommunal de Développement et de Formation Permanente de la commune RUSUMO, quenotification en a été faite aux prévenus et au Ministère Public ;

Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu assistés par Maître MUNYANKINDI, leMinistère Public étant représenté par MBAYIHA MUSAFIRI Pierre ;

Vu que dans cette affaire, la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité deMBWIRUMVA CLAVER, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin etHABUMUGISHA a été acceptée par le Ministère Public, que malgré le rejet par le MinistèrePublic des aveux de BIZURU André, celui-ci a confirmé sa volonté d’y recourir devant leTribunal qui le lui a accordé, tandis que BUGINGO Wilson, NZIRORERA François,SEBAGABO, NDARUHUTSE, RUGUMIRE Antoine, NSABIMANA Siméon et BUGINGOCélestin alias KAYIJUKA ont plaidé suivant la procédure prévue à l’article 76 du Code deProcédure Pénale ;

4e feuillet.

Attendu que le Ministère Public présente son réquisitoire à charge de MBWIRUWUMVA,BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et HABUMUGISHA ;

Attendu que le greffier fait lecture des procès verbaux des aveux de culpabilité deMBWIRUWUMVA, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, et HABUMUGISHA ;

Attendu que MBWIRUWUMVA, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin etHABUMUGISHA reconnaissent chacun qu’ils n’ont été soumis à aucune contrainte pourrecourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité et qu’ils ont commis cesinfractions sachant que de tels actes étaient perpétrés dans d’autres régions du pays, qu’ils ontété informés de la catégorie dans laquelle les rangent ces infractions et du fait que le jugementconsécutif à la procédure d’aveu n’est pas susceptible d’appel ;

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Attendu que BIZURU André décrit des circonstances des faits à sa charge et indique l’identitéde ses coauteurs et complices, qu’il plaide coupable d’avoir dirigé l’expédition au cours delaquelle NYIRANDORA a été assassiné, d’avoir encadré le génocide dans le secteur KIGINAet d’avoir fait partie de groupes de malfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux Tutsi et àleurs propriétés ;

Attendu que NZIRORERA François plaide coupable de génocide, d’assassinat, d’associationde malfaiteurs et d’attentat ayant pour but de porter la dévastation du pays par les massacreset les pillages en disant qu’il a pris part à l’expédition au cours de laquelle NYIRANDORA aété tuée sur ordre d’un militaire dont il ignore le nom, qu’il a prêté main forte à ceux qui onttué MUTYARA l’épouse de BUHANDA Louis, NYABUKUMI, GASHONGO et plus de 30autres victimes, qu’il a pillé des tôles chez MUDARA, qu’il a commis tous ces actes après enavoir entendu parler à la radio et qu’il y a été incité par BIZURU qui était conseiller desecteur, MBWIRUWUMVA, HABUMUGISHA, KABAGEMA et NYUZAHAYO ainsiqu’un militaire dont il ignore le nom ;

Attendu que BUGINGO Wilson plaide coupable des faits qui lui sont reprochés et dit qu’ilfaisait partie de l’attaque qui était dirigée par HABUMUGISHA et au cours de laquelleMUTYARA a été tuée ainsi que de celle qui a été menée chez sa marâtre qui était de l’ethnieTutsi, qu’il a fait partie d’un groupe de malfaiteurs quand, au lieu de se rendre à son travail àla paroisse, il s’est joint à HABUMUGISHA et d’autres pour tuer MUTYARA en raison deson ethnie, qu’il reconnaît sa part de responsabilité dans l’attentat ayant pour but de porter ladévastation du pays, mais nie toute participation aux actes de pillage ;

5ème feuillet.

Attendu que SEBAGABO plaide non coupable et dit qu’il était lui-même menacé par sesfrères utérins dont HABUMUGISHA qui lui en voulaient du fait qu’il est né d’un père Tutsiet en sont arrivés à le chasser pour cette raison, que c’est à cause de cette haine qu’ils ontenvers lui qu’ils l’ont mis sur la liste des auteurs du génocide alors qu’il n’y a pas pris part etne peut aucunement être inculpé de pillage ;

Attendu que dans sa défense, NDARUHUTSE plaide coupable d’avoir participé à l’attaque aucours de laquelle Vasta et ses deux enfants ont été tués sachant que le but était d’exterminerles Tutsi, ainsi qu’à celle au cours de laquelle GATARE, KAZINGO, NYIRABAJE etDaphrose ont été tués, qu’il plaide également coupable de dévastation de son secteur deKIGINA par les massacres et de participation au pillage ;

Attendu que RUGUMIRE Antoine plaide coupable d’avoir participé à l’attaque au cours delaquelle Litira a été tuée sous la direction de NGOBOKA et à celle au cours de laquelleZIHINJISHI et son enfant ainsi que GAKWAYA ont été tués, qu’il a agi sous l’influence dupouvoir en place ;

Attendu que NSABIMANA Siméon plaide non coupable et nie toute participation augénocide en disant qu’il était lui-même menacé car il était suspecté de verser des cotisationsau FPR, que HABUMUGISHA le met en cause par vengeance parce qu’il n’a pas honoré lapromesse qu’il lui avait faite en compagnie d’un militaire dont il ignore le nom de leur donnerune vache s’il parvenait à échapper au génocide, tandis que BUGINGO Wilson l’incriminepour qu’il soit emprisonné comme eux ;

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Attendu que dans sa défense, BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA dit qu’il reconnaît que legénocide a eu lieu mais nie son implication, qu’il dit qu’il était tout le temps à son travail à lastation service de RWANTERU où il était chargé de veiller sur les véhicules jour et nuit,faisait la garde jour et nuit, que HABUMUGISHA le charge à tort à cause des relationsconflictuelles entre leurs familles ayant pour origine le viol que HABUMUGISHA a commissur sa sœur ;

6ème feuillet.

Attendu qu’invité à présenter ses réquisitions, le Ministère Public requiert la peine de mort etcelle de dégradation civique à charge de BIZURU André, la peine de 20 ansd’emprisonnement à l’encontre de BUGINGO, KAYIJUKA (sic), NDARUHUTSE,NSABIMANA Siméon et SEBAGABO, 11 ans d’emprisonnement à charge de KABAGEMAet MBWIRUWUMVA, 12 ans d’emprisonnement à charge de NZIRORERA, 9 ansd’emprisonnement à charge de BUGINGO Célestin et HABUMUGISHA François, 8 ansd’emprisonnement à charge de BUGINGO Wilson alias KAYIJUKA (sic) ainsi que leurcondamnation au paiement des frais de justice, l’action civile étant laissée à la diligence desparties civiles ;

Attendu que les parties civiles en cette affaire disent que les dommages et intérêts réclaméssont fondés sur la perte des membres de leur famille qui ont été tués par les prévenus qui ontpar ailleurs dégradé leurs biens ;

Attendu que MBWIRUWUMVA Claver, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin,HABUMUGISHA et BIZURU sont invités à présenter leur défense sur l’action civile et quechacun dit qu’il n’a rien à ajouter sinon présenter des excuses, que les dommages-intérêtsréclamés sont justifiés ;

Attendu que BUGINGO Wilson, NZIRORERA François, NDARUHUTSE et RUGUMIREAntoine disent eux aussi qu’ils présentent leurs excuses et acceptent de payer les dommages-intérêts réclamés ;

Attendu que BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon,disent qu’ils sont victimes d’une injustice car ils n’ont commis aucune infraction, qu’ilsdemandent à être rétablis dans leurs droits ;

Attendu que Maître MUNYANKINDI Joseph, avocat de la défense, dit que ses clients sont endeux catégories à savoir ceux qui ont fait recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité et ceux qui ont plaidé selon la procédure ordinaire, que ceux qui plaident coupabledoivent bénéficier d’une réduction de peine et que ceux contre lesquels le Ministère Publicn’a pas rapporté de preuves doivent être libérés ;

Attendu que le Tribunal reçoit les aveux de BIZURU, MBWIRUWUMVA Claver,BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et HABUMUGISHA François ;

Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste qu’à dire le droit ;7ème feuillet.

Constate que le crime de génocide est établi à charge de BIZURU André, BUGINGOCélestin, KABAGEMA Célestin, MBWIRUWUMVA Claver, HABUMUGISHA François,

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NZIRORERA François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine carBIZURU André, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, MBWIRUWUMVA Claver etHABUMUGISHA François ont tous avoué tant devant le Ministère Public que devant leTribunal en disant qu’au début du génocide en 1994, ils ont formé un groupe et ont mené desattaques dans tous les coins du secteur KIGINA à la recherche des Tutsi qu’ils chassaientcomme des animaux partout où ils étaient, que leur intention était de détruire le groupeethnique Tutsi sachant que de tels actes étaient commis dans tout le pays car il s’agissait de lamise à exécution de l’ordre de l’autorité suprême du pays et qu’ils ne s’attendaient pas à subirles conséquences de leurs actes ;

Constate que le crime de génocide est établi à charge de NZIRORERA François, BUGINGOWilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine car, dans leur défense, ils avouent avoirparticipé aux attaques menées contre les Tutsi dans le secteur KIGINA, munis d’armestraditionnelles et sachant que de tels actes étaient commis dans tout le pays ;

Constate que le crime de génocide n’est pas établi à charge de BUGINGO Célestin aliasKAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car le Ministère Public ne rapporte pasde preuves tangibles de leur véritable part de responsabilité dès lors que, même siHABUMUGISHA François dit qu’ils ont participé aux attaques à ses cotés, il n’indique pasun quelconque acte répréhensible qu’ils auraient commis avec lui, et que mêmeMUKABUGINGO, partie civile, dit avoir vu NSABIMANA dans trois attaques sans indiquercependant l’acte criminel concret que l’intéressé aurait commis ;

Constate que l’infraction d’assassinat est établie à charge de BIZURU André,MBWIRUWUMVA Claver, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, HABUMUGISHAFrançois, NZIRORERA François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIREAntoine car chacun d’eux reconnaît sa participation aux assassinats des victimes qui ont ététuées à savoir NYIRANDORA, Vasta et ses trois enfants, MUTYARA l’épouse de Louis, 9membres de la famille de RITIRA, ZIHINJISHI et son enfant, GAKWAYA et beaucoupd’autres ;

8eme feuillet.

Constate que l’infraction d’assassinat n’est pas établie à charge de BUGINGO Célestin aliasKAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car le Ministère public n’a pas présentédes preuves tangibles à leur charge surtout que les prévenus ont rapporté au Tribunal lesraisons qui poussent HABUMUGISHA à les mettre en cause et notamment qu’il n’était pasen bons termes avec SEBAGABO au motif que celui-ci est son frère utérin si bien que mêmele mari de la mère de l’intéressé le persécutait en lui disant de quitter les propriétés foncièresde ses enfants, tandis que BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA a dit que HABUMUGISHAa violé sa sœur qui était encore mineure, ce que ce dernier a reconnu et qui a été à l’origined’un climat de haine entre les deux familles, NSABIMANA ayant quant à lui invoqué sonrefus de leur donner la vache qu’il leur avait promise pour qu’ils ne le tuent pas car ilsdisaient qu’il versait des cotisations au FPR ;

Constate que l’infraction de création d’une association de malfaiteurs est établie à charge deBIZURU André seul car il avoue avoir, à la demande d’un militaire dont il ignore le nom,appelé quelques-uns des membres de la population qui habitait le secteur dont il était leconseiller à prendre part aux attaques visant les Tutsi et notamment NYIRANDORA et

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d’autres, que MBWIRUWUMVA Claver, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin,HABUMUGISHA François, NIZIRORERA François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSEet RUGUMIRE Antoine ne sont coupables que d’avoir été membres d’une association demalfaiteurs car ils avouent avoir volontairement participé aux attaques qui ont coûté la vie àNYIRANDORA , MUTYARA, Vasta et d’autres victimes dans l’intention d’exterminer lesTutsi ;

Constate que l’infraction d’association de malfaiteurs n’est pas établie à charge deBUGINGO Célestin alias KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA car le MinistèrePublic n’a pas rapporté de preuves tangibles à leur charge mis à part la déclaration deHABUMUGISHA qui a fait recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité,qu’il est inconcevable qu’il soit le seul des 12 prévenus à affirmer que les intéressés ont prispart aux attaques alors que ses autres coprévenus ne les mettent pas en cause, surtout queBUGINGO qui au début incriminait NSABIMANA s’est rétracté par la suite et a ditpubliquement l’avoir mis injustement en cause ;

Constate que l’infraction d’attentat ayant pour but de porter la dévastation du pays par lesmassacres et les pillages est établie dans le chef de BIZURU André, MBIRUWUMVAClaver, HABUMUGISHA, RUGUMIRE Antoine, BUGINGO Wilson, NDARUHUSTE,NZIRORERA François, KABAGEMA Célestin et BUGINGO Célestin, car ils avouent tousque les attaques qu’ils ont menées ont dévasté le secteur KIGINA et que les tueriesauxquelles ils se sont livrés étaient accompagnées d’actes de pillage et de destruction ;

9ème feuillet.

Constate que l’infraction d’attentat ayant pour but de porter la dévastation du pays par lesmassacres et les pillages n’est pas établie à charge de BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA,SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car il ressort des déclarations sur lesquelles s’appuiele Ministère Public à savoir celles de BUGINGO Wilson et HABUMUGISHA, queBUGINGO dit au Tribunal qu’il a menti tandis que HABUMUGISHA maintient sa positionen affirmant qu’ils étaient ensemble dans les attaques, que cette contradiction entre les deuxdéclarations provoque dans l’esprit du Tribunal le doute qui doit profiter aux prévenus ;

Constate que pour les dommages et intérêts, ils doivent être alloués ex aequo et bono àquelques unes des parties civiles ainsi qu’il suit ;

1. A BUHANDA Louis et ses 5 enfants : les dommages moraux pour la perte de son épouse MUKAMUVARA Colette alias MUTYARA : 2.000.000 Frw

dommages matériels pour : deux maisons détruites 1.000.000 Frw le matériel ménager 200.000 Frw Total 3.200.000 Frw

a. A KAYITARAMIRWA Jeannette : dommages moraux pour la perte de sa mère MUKAMUVARA Colette 1.500.000 Frw

b. KARANGWA Diogène : dommages et intérêt moraux pour la perte de sa mère MUKAMUVARA 1.500.000 Frw

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c. KAYITESI Josiane : dommages moraux pour la perte de sa mère MUKAMUVARA 1.500.000 Frw d. KAYIRANGWA Louise : dommages moraux pour la perte de sa mère MUKAMUVARA 1.500.000 Frw

N.B : Total des dommages moraux alloués à ses 5 enfants 7.500.000 Frw

2. A KAGABO Augustin : dommages moraux pour la perte de :

-BARAMUKUNDA 800.000 Frw - Son grand frère GASHIRABAMBA 800.000 Frw - Son neveu MUDAHERAMWA 500.000 Frw - Son neveu NKURUNZIZA 500.000 Frw

Les dommages matériels pour : - Une maison 200.000 Frw - Le matériel ménager et récoltes 1.000.000 Frw - Le bétail 1.000.000 Frw Total des dommages et intérêts 3.900.000 Frw

3. A HAVUGIMANA Egide : les dommages moraux pour la perte de :

- Son père KABUTO 1.500.000 Frw - Sa mère NIBOGORE Vasta 1.500.000 Frw - Son petit frère NKURUNZIZA 800.000 Frw

10eme feuillet.

- Son petit frère BAVUGE 800.000 Frw - Sa sœur NIRERE 800.000 Frw - Sa sœur NIKUZE 800.000 Frw Dommages matériels pour : - Deux maisons 800.000 Frw - Le matériel ménager 80.000Frw - Le bétail (14 vaches et 15 chèvres) 555.000 Frw Le total de dommages et intérêts 7.630.000 Frw

4. BAZIZANE : les dommages moraux pour la perte de : - Son père GASHONGO 1.500.000 Frw - Son frère GISAGARA 800.000 Frw - Son frère HAKIZAMUNGU 800.000 Frw - Son frère MUREKEZI 800.000 Frw Les dommages matériels pour : - Deux maisons 250.000 Frw - Le matériel ménager 90.000 Frw Total 4.270.000 Frw

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5. MUKAMAHIRANE : Les dommages moraux pour la perte de :- Son frère GATARE 800.000 Frw- Son neveu MUGIRANEZA 500.000 Frw- Son neveu KAREKEZI 500.000 Frw- Son neveu NYIRANSABIYEZE 500.000 Frw- Son neveu UWINGABIRE 500.000 Frw- Son neveu MUKANDERA 500.000 Frw- Son neveu TWAHIRWA 500.000 Frw- Son neveu MUKAMWEZI 500.000 Frw- Son neveu MUKAMUSONI 500.000 Frw- Sa belle sœur CYIZA 500.000 Frw

6. MUGENDANEZA : les dommages moraux pour la perte de :- GASHIRABAMBA 2.000.000 Frw- Son fils GAKURU 1.000.000 Frw- Son fils BUTOTO 1.000.000 FrwLes dommages matériels pour :- Les biens endommagés 600.000 Frw- 15vaches, 15poules 765.000 Frw- Matériel ménager 40.000FrwTotal 5.405.000 Frw

7. MUKAGATARE :- Des dommages moraux ne peuvent lui être alloués pour la perte de NYIRABUKOKO

car elle n’a pas produit les pièces justifiant ses liens de parenté avec elle. Il lui estalloué des dommages matériels équivalent à ses 10.000Frw qui ont été pillés.

11eme feuillet.

7. MUKABUGINGO Claudine : Dommages moraux pour la perte de : - Sa mère NYABUKUMI - Son oncle GATARE 500.000 Frw Dommages matériels pour : - Une maison 80.000 Frw - 6 chèvres et 8 poules 70.000 Frw - Le matériel ménager30.000 Frw

- Des récoltes ( Haricot, arachide, 2sacs de sorgho) 60.000 Frw Total 2.240.000 Frw

8. NYAMURINDA Faustin : Dommages moraux pour la perte de : - Sa femme NIRERE 2.000.000 Frw - Son enfant MUSHIMIYIMANA 1.000.000 Frw - Son frère MUNANIRA 800.000 Frw - Son frère MUHIGIRWA 800.000 Frw - Sa sœur MUKABATABAZI 800.000 Frw Dommages matériels pour

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- Une maison en paille 40.000 Frw - 7 chèvres et 20 poules 55.000 Frw - Le matériel ménager et les récoltes 80.000 Frw Total 575.000 Frw9. NKUBA Ignace : Dommages moraux pour la perte de : - Son père GASHIRABAMBA 1.500.000 Frw - Son frère BUTOTO 800.000 Frw - Son frère GAKURU 800.000 Frw Dommages matériels pour : - Une maison 200.000 Frw - 5 chèvres 35.000 Frw - Le matériel ménager 18.000Frw Total 3.318.000 Frw Il n’y a pas de dommages et intérêts pour 15 vaches et 15 poules, car ils ont été alloués à samère MUGENDANEZA.

10. NGENDAHIMANA Justin : Dommages moraux pour la perte de sa mère NYABUKUMI 1.500.000 Frw Dommages matériels pour : - Une maison 80.000 Frw - 8 chèvres 70.000 Frw - Le matériel ménager 70.000Frw - Les récoltes (petits poids, sorgho, arachide et haricot) 50.000 Frw Total 1.770.000 Frw

11. MUKAKAMARI : Dommages moraux pour la perte de son mari GAKOBOGO 2.000.000 FrwDommages matériels pour :- Une maison 350.000 Frw- 5 vaches, 2 moutons, 8 chèvres 250.000 Frw- Matériel de couchage 30.000 FrwTotal 2.630.000 Frw

12eme feuillet.

Constate que des dommages et intérêts ne peuvent être alloués à MUKAMURUTA,MUSABYEMARIYA et KAREGEYA car ils ne se sont pas présentés pour soutenir leuraction ;

Constate que les infractions à charge de BIZURU André, MBWIRUWUMVA Claver,BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, HABUMUGISHA François, NZIRORERAFrançois, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE sont en concours idéal carelles procèdent de l’intention délictueuse unique du génocide ;

Constate que les infractions retenues à leur charge les rangent dans la deuxième catégorieprévue par l’article 2 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 ;

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Constate que sur base de l’article 15 de la même Loi organique, MBWIRUWUMVA Claver,BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et HABUMUGISHA François doiventbénéficier d’une diminution de peine et que BIZURU doit bénéficier d’une réduction de lapeine en vertu de l’article 16 de cette loi ;Constate que sur base de l’article 83 du Code pénal livre I, NZIRORERA François,RUGUMIRE, BUGINGO Wilson et NDARUHUTSE doivent bénéficier d’une diminution depeine car ils ont facilité la tâche du Tribunal par leur aveux ;

Constate qu’aucune infraction n’est établie à charge de BUGINGO Célestin aliasKAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon ;

PAR CES MOTIFS , STATUANT PUBLIQUEMENT ETCONTRADICTOIREMENT ;

Vu la Convention internationale du 09/12/1948 ratifiée par le Décret loi n° 08/75 du12/02/1975 ;

Vu la Convention internationale du 26/11/1968 ratifiée par le Décret loi n° 08/75 du12/02/1975 ;

Vu le Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda ;

13eme feuillet.

Vu la Loi fondamentale de la République Rwandaise, spécialement la Constitution du 10 juin1991 en ses articles 12, 14, 33, 91, 92, 93, 94, ainsi que les articles 25 et 26 du Protocole desAccords de Paix d’ARUSHA du 30/10/1992 sur le partage du pouvoir et l’article 6 de larévision de la Loi fondamentale du 18/01/1996 ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 portant Code d’organisation et compétences judiciaires tel queconfirmé par le Décret-loi n° 08/82 du 26/01/1982 modifié par la Loi organique n° 12/1985 etle Décret-loi n° 002/94 du 28/11/1994 spécialement en ses articles 6, 12, 77, 104, 129, 139,200 et 201 ;

Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide spécialement en ses articles 1, 2, 20, 21, 24, 30, 39, 15 ;16, 39 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée partiellementpar les Décrets lois n° 01/82 et n°12/84 respectivement du 26/01/1982 et du 12/05/1984,modifiée également par la loi n°31/85 du 08/11/1985, spécialement en ses articles 16, 17, 19,58, 59, 61, 62, 63, 73, 76, 90, 95, 121, 130, 133 et 138 ;

Vu les articles 281, 282, 93, 83, 168 et 450 du Code pénal rwandais ;

Déclare recevable l’action du Ministère Public et la dit fondée ;

Condamne BIZURU André à la peine d’emprisonnement de 15 ans et à la dégradation civiqueprévue par l’article 66 , 2°, 3° et 5° du Code pénal rwandais ;

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Condamne MBWIRUWUMVA Claver, HABUMUGISHA François, KABAGEMA Célestinet BUGINGO Célestin à la peine d’emprisonnement de 11 ans chacun ;

Condamne NZIRORERA François, RUGUMIRE Antoine et NDARUHUTSE à la peined’emprisonnement de 16 ans chacun ;Condamne BUGINGO Wilson alias KAJWIGIRA à la peine d’emprisonnement de 8 ans ;

14eme feuillet.

Ordonne à BIZURU André, NZIRORERA François, RUGUMIRE Antoine,MBWIRUWUMVA, HABUMUGISHA, KABAGEMA Célestin, BUGINGO Célestin,NDARUHUSTE et BUGINGO Wilson de payer 45.900Frs de frais de justice, soit 3.825Frschacun dans le délai légal et édicte une contrainte par corps de 35 jours suivie de l’exécutionforcée sur leurs biens, met 11.475Frs de frais à charge du Trésor Public ;

Ordonne la libération immédiate de BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA, SEBAGABO etNSABIMANA ;

Déclare que ce jugement n’est pas susceptible d’appel pour BIZURU André,HABUMUGISHA François, KABAGEMA Célestin, BUGINGO Célestin etMBWIRUWUMVA Claver qui ont fait recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité, et que le délai d’appel est de 15 jours à dater du prononcé pour NZIRORERAFrançois, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 22/09/2000 AUCENTRE COMMUNAL DE DEVELOPPEMENT ET DE FORMATIONPERMANENTE DE RUSUMO PAR LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DEKIBUNGO, CHAMBRE SPECIALISEE OU SIEGEAIENT : MUSAFIRI Ephrem,Président, MUKWAYA RUSATIRA Jean ET MUHIZI RUZEZWA Moïse, Juges, ENPRESENCE DE L’OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC MUSAFIRI MBAYIHAPierre ET DU GREFFIER NDACYAYISENGA Jean Paul.

JUGE PRESIDENT JUGE

MUHIZI R Moïse MUSAFIRI Ephrem MUKWAYA R. Jean (sé) (sé) (sé)

GREFFIER

NDACYAYISNGA Jean Paul.

193

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE KIBUYE

194

195

N° 8

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de KIBUYEdu

22 mars 2000.

Ministère Public C/ BUREGEYA Edison et UWITONZE Bernard.

ACQUITTEMENT − ASSASSINAT (ART. 312 CP) − ASSOCIATION DEMALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET 283 CP) − CATEGORISATION (4ème

CATEGORIE ; ART. 2 L.O. 30/8/96) − CRIME DE GENOCIDE − DOUTE (BENEFICEDU ; ART. 77 CP) − DROITS DE LA DEFENSE (DROIT D'ÊTRE ASSISTE PAR UNAVOCAT) − PEINE ( 5 ANS DE PRISON AVEC SURSIS) − PREUVE (ABSENCE DE;INSUFFISANCE DE) − RESPONSABILITE INDIVIDUELLE − TEMOIGNAGES (ACHARGE; A DECHARGE; CONTRADICTOIRES).

1. Remises − droit d'être assisté d'un avocat.

2. 1er prévenu − témoignages à charge contradictoires − absence de preuve du MinistèrePublic - doute sur la culpabilité - infractions non établies - acquittement et ordre delibération immédiate.

3. 2ème prévenu − témoignages à charge indirects − témoin oculaire inconstant et témoignagescontradictoires − infractions d'assassinat et crime de génocide non établies.

4. 2ème prévenu − aveu de consommation de la viande pillée − témoignage concordant à l'aveu- infraction d'association de malfaiteurs (en vue de piller) établie. − 4ème catégorie − 5 ansde prison avec sursis pendant 4 ans.

1. Le Tribunal décide de plusieurs remises afin de permettre aux prévenus d'être assistés d'unavocat.

2. Les infractions d'assassinat, d’association de malfaiteurs et de crime de génocide sont

déclarées non établies à charge du premier prévenu car:− Même si certaines victimes ont été tuées devant le domicile de ce prévenu, comme il le

reconnaît, rien ne permet de retenir qu'il porte une part de responsabilité dans ces crimesdès lors que les déclarations des témoins à charge divergent quant au rôle qu’il aurait joué.

− Les témoignages qui chargent ce prévenu ne sont pas probants, car ils émanent despersonnes que le prévenu a dénoncées auparavant pour les actes criminels qu'elles ontcommis.

− Le Ministère Public est resté en défaut de prouver que le prévenu a pris part aux attaquesvolontairement, et non sous la contrainte, et qu'il est arrivé au lieu de l'attaque. Lescontradictions dans les témoignages à charge et l'absence de preuve de la part du MinistèrePublic font subsister un doute quant à la culpabilité du 1er prévenu. Le Tribunal l'acquitteau bénéfice de ce doute et ordonne sa libération immédiate.

196

3. Les infractions d'assassinat et de crime de génocide ne sont pas retenues à charge du 2ème

prévenu car:− Les témoignages qui le chargent sont indirects, et aucun des témoins n'affirme l'avoir vu

parmi ceux qui ont emmené l'une des victimes qu'il est accusé d'avoir assassinée.− La déclaration d’un témoin poursuivi par ailleurs ne peut être tenue pour crédible car il est

lui-même poursuivi pour l'assassinat des mêmes victimes et se contredit, proposantplusieurs versions divergentes des faits. Ce même témoignage diverge d'avec celui de lapersonne qui cachait les victimes et qui ne met point en cause le second prévenu.

4. Le second prévenu a avoué avoir consommé de la viande des vaches qui ont été pillées chezles victimes, ceci étant confirmé par un témoignage. Le Tribunal retient comme établiel'infraction d'association de malfaiteurs (en vue de pillage). Au regard de la seule infractiond'association de malfaiteurs retenue à sa charge, le Tribunal range le second prévenu enquatrième catégorie, et le condamne à une peine de cinq ans de prison avec sursis pendantquatre ans.

(NDLR: cette décision n'a pas été frappée d'appel).

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197

(Traduction libre)1er Feuillet.

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DEKIBUYE, Y SIEGEANT AU PREMIER DEGRE EN MATIERE DE GENOCIDE ETD’AUTRES CRIMES CONTRE L’HUMANITE, A RENDU EN AUDIENCEPUBLIQUE CE 22/03/2000, LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1. BUREGEYA Edison, fils de MUHIZI et de NYIRAGUMIRIZA né en 1960 dans lacellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, résidant dans la celluleKINIHA, secteur BWISHYURA, commune GITESI, marié à NYIRAMARIZA, père de 3enfants, cultivateur, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en détentionpréventive ;

2. UWITONZE Bernard alias Ismaël, fils de NZABONIMPA et de KIDEDELI né en1953dans la cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, y résidant, marié àMUKAMISHA, père de 4 enfants, cultivateur, sans antécédents judiciaires connus,actuellement en détention préventive.

PREVENTIONS :

A charge de BUREGEYA Edison.

1. Avoir, dans la cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, préfecturede KIBUYE, République Rwandaise, comme auteur, coauteur ou complice deHABIYAKARE Frodouard, KARUTA Mathieu et BIMENYIMANA Jean, (prévenusdans le dossier RMP.N°50056/S4/HS) tel que prévu par les articles 89, 90 et 91du Codepénal Livre I, à une date inconnue, entre avril et juillet 1994, assassiné UWAMALIYANYIRACOROGO la fille de HITIMANA, et AKIMANA la fille de NTIHABOSE à causede leur appartenance ethnique, fait constitutif du crime de génocide tel que prévu parl’article 2 de la Convention Internationale du 09/12/1998, ainsi que l’article 1er de la Loiorganique n°08/96.

2. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, assassiné UWAMALIYANYIRACOROGO et AKIMANA, infraction prévue par l’article 312 du Code pénal LivreII ;

3. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé une association demalfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 du Code pénalLivre II ;

A charge de UWITONZE Bernard alias Ismaël

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1. Avoir, dans la cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, préfecturede KIBUYE, République Rwandaise, comme auteur, coauteur ou complice deSEBABUMBYI Gaspard, MUNYANDEKWE, NYAMPETA Amos et BUGURUSULéopold (prévenus dans le dossier RMP N°50056/S4/HS) tel que prévu par les articles 89,90 et 91 du Code pénal Livre I, à des dates différentes entre avril et juillet 1994, assassinéMUKARUSINE et NIWEMUKOBWA à cause de leur appartenance ethnique ;

2ème Feuillet.

et comme coauteur ou complice de HABIYAKARE Frodouard, MASHYAKA Abel,KURUTA Mathieu, GASANA Evariste, Alphonse MUNYANDEKWE et NDIKUBWAYOPascal, (prévenus dans le dossier RMP 50056/S4/HS), assassiné BAHIGANDE à cause deson appartenance ethnique, infraction prévue par l’article 2 de la Convention internationale du09/12/1948 et l’article 1er de la Loi organique n°08/96 et réprimée par l’article 14 de la Loiorganique n° 8/96 ;

2. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, assassiné MUKARUSINE,NIWEMUKOBWA et BAVUGANDE, infraction prévue par l’article 312 du Code pénalLivre II ;

3. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé une association demalfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 Code pénalLivre II ;

LE TRIBUNAL ,

Vu qu’après l’instruction préparatoire, le Premier Substitut a transmis pour fixation le dossierà charge de BUREGEYA et UWITONZE portant le n° R.M.P 56886/S4/BA/KRE/KBY/2000;

Vu que l’affaire a été inscrite au rôle sous le n° RP. CH.SP.002/01/2000 et que le Président apris l’ordonnance fixant la date d’audience au 09/02/2000 ;

Vu que la date d’audience a été signifiée aux prévenus ;

Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu mais que l’audience n’a pas eu lieu au motifqu’ils n’étaient pas assistés, que le même motif a été invoqué le 14/02/2000 et que l’audiencea été reportée au 21/02/2000 ;

Vu qu’à cette date l’affaire n’a pas été appelée et a été renvoyée au 22/02/2000, les prévenusen ayant été informés ;

Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu assistés par Maître NDONDERA Christian, leMinistère Public étant représenté par Monsieur NSENGIYUMVA Eugène ;

Attendu que BUREGEYA est poursuivi du chef des infractions de génocide, d’assassinat etd’association de malfaiteurs en rapport avec la mort de AKIMANA UWAMALIYA etNYIRACOROGO ;

Attendu que UWITONZE Bernard est poursuivi pour génocide, assassinat et association demalfaiteurs en rapport avec la mort de MUKARUSINE, NIWEMUKOBWA et

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BALIGANDE ;Attendu que l’Officier du Ministère Public prend la parole après que les deux prévenus aientplaidé non coupables de toutes les préventions mises à leur charge et dit que BUREGEYAavait requis l’aide d’un groupe de personnes qu’il avait placées chez lui en vue de protégerson épouse, que le jour où sa mère a été blessée par un Tutsi, ce groupe de personnes aaccouru en compagnie de BUREGEYA et que, à leur retour, ces personnes ont tué deuxenfants sur ordre de BUREGEYA et ce, à cause de leur ethnie ;

3ème Feuillet.

Attendu que dans sa défense, BUREGEYA dit qu’il est faussement accusé, car il ne pouvaitpas se rallier aux meurtriers alors que la première attaque a été menée à son domicile, queHABIYAKARE et KARUTA ne s’étaient rendus chez lui que pour piller ses biens, qu’il nieavoir ordonné le meurtre des victimes et affirme avoir eu au contraire des discussions avec lestueurs en vue de les empêcher de commettre ces crimes ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que BUREGEYA veut induire le Tribunal enerreur parce que ces personnes étaient ses proches parents, qu’il connaissait donc leursintentions surtout qu’elles fréquentaient son cabaret, qu’il a pris part à de nombreuses rondeset attaques, qu’il doit montrer les cicatrices dues aux blessures à lui causées par les coups delance qu’il prétend avoir reçus ;

Attendu que BUREGEYA dit qu’il n’a jamais exploité un cabaret, que c’est parce qu’ilhabitait à proximité du chemin qu’il a pu être au courant des intentions des tueurs, qu’il a parailleurs dit qu’ils l’ont brutalisé en le poussant et non qu’ils lui ont donné des coups de lancespour qu’il soit invité à en montrer les cicatrices ;

Attendu qu’il dit qu’il donnait souvent de l’argent à ces tueurs qui le mettent injustement encause pour qu’ils ne tuent pas son épouse ;

Attendu que UWITONZE Bernard présente sa défense à son tour en disant que ces gens quil’accusent d’avoir collaboré avec eux mentent, car il cachait 3 personnes, même si l’uned’elles a été tuée, qu’ils le qualifiaient de complice, que l’infraction de pillage de vaches luiest faussement attribuée étant entendu qu’après ledit pillage, ces vaches ont été abattues prèsde chez lui à la chapelle et qu'ils lui ont donné une part en prétendant que cela lui éviterait demourir d'envie;

Attendu qu’il poursuit en disant que le Ministère Public l’accuse d’avoir battu le tambourpour donner le signal aux tueurs, mais que ce sont plutôt ces tueurs qui l’ont fait après avoirtué la personne qui se cachait chez lui, que ledit tambour se trouvait à l’intérieur de lachapelle où MARANDINI l’a pris après avoir tué LANGUIDA ;

Attendu que UWITONZE Bernard dit qu’il n’a pas été au domicile de BUTORANO d’où lavictime BAHIGANDE a été emmenée, qu’il y a lieu de demander à ce sujet aux membres dela famille BUTORANO s’ils l’ont vu à cet endroit ;

Attendu que les témoins BUSHISHI et GAFURAFURA disent ne pas avoir connaissanced’un quelconque acte répréhensible que BUREGEYA aurait commis et que les membres de lapremière attaque ont au contraire fait pression sur l’intéressé pour le forcer à tuer, mais qu’il arefusé ;

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Attendu que NYINAWINTWARI Alvera, entendue comme témoin, dit que c’estHABIYAKARE qui a emmené l’enfant qu’elle portait au dos et qu’elle a entendu dire que,sur le lieu de crime, BUREGEYA a refusé de le tuer et que ce sont KARUTA etHABIYAKARE qui l’ont exécuté ;

Attendu que SEKABERA Jean, présenté comme témoin à charge par le Ministère Public, ditqu’il n’est au courant d’aucune infraction commise par BUREGEYA et UWITONZE et nieavoir dit que c’est UWITONZE qui a battu le tambour, que l’Officier du Ministère Public ditqu’il est bien clair que les témoins se sont concertés pour ne pas dénoncer les tueurs carSEKABARA a fait cette déclaration lors de l’audience publique relative à l’affaireHABIYAKARE ;

Attendu que les différents témoins présentés par les prévenus tel que MUNYANKINDIl’oncle paternel de la victime NYIRACOROGO, MUKAKARANGWA la fille deMUKARUSINE, NIWEMUKOBWA, UYAKUVUGA et AYINKAMIYE affirment tousqu’ils ne savent rien sur les infractions reprochées à BUREGEYA et UWITONZE, et qu’ilsn’ont rien entendu de mal sur leur compte ;

4ème Feuillet.

Attendu que BUREGEYA et UWITONZE déclarent successivement qu’ils n’ont rien à diresur les dépositions des témoins, qu’il appartient au Tribunal d’en faire une appréciation ; Attendu que l’Officier du Ministère Public demande au Tribunal de ne pas se fonder sur lestémoignages car aucun témoin n’affirme qu’il se trouvait sur les lieux où NYIRACOROGO etAKIMANA ont été tuées, qu’il faut plutôt prendre en considération les déclarations faites parHABIYAKARE et KARUTA qui se trouvent dans le dossier et selon lesquelles c’estBUREGEYA qui a fait tuer ces enfants qui étaient d’ailleurs membres de sa famille, que lapreuve de sa part de responsabilité est que les enfants n’ont pas été tués à l’endroit où ils ontété trouvés et que les tueurs ont dû les conduire chez BUREGEYA qui avait accouru ausecours de sa mère qui venait d’être blessée ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public, après une description des circonstances desinfractions reprochées à UWITONZE et BUREGEYA, dit que BUREGEYA est mis en causepar ses proches parents KARUTA, HABIYAKARE ainsi que MUZIGANTAMBARA qui parailleurs avoue avoir fait partie de l’attaque qui a été menée à GITWA, alors que ceux quitémoignent à sa décharge ne savent rien des faits poursuivis étant donné qu’ils n’ont pas étésur le lieu où les victimes ont été tuées, que UWITONZE est quant à lui mis en cause parMUNYANDEKWE qui affirme qu’ils sont allés chez BUTORANO ensemble ainsi que parSEBABUMBYI qui avoue qu’ils ont tué tous les deux les victimes MUKARUSINE etNIWEMUKOBWA, l’intéressé reconnaissant lui-même avoir mangé de la viande des vachespillées chez BUTORANO ;

Attendu qu’il dit que les infractions mises à charge des prévenus les rangent dans la 2ème

catégorie et qu’elles sont en concours idéal, qu’il requiert à leur encontre la peined’emprisonnement à perpétuité et celle de dégradation civique prévue par l’article 17 de laLoi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

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Attendu que BUREGEYA et UWITONZE disent qu’ils ne s’estiment pas mériter les peinesrequises à leur charge ;

Attendu que Me NDONDERA Christian, dans sa plaidoirie, fait un exposé détaillé desmoyens contenus dans les conclusions écrites qu’il a déposées et dit que les témoins àdécharge de BUREGEYA et UWITONZE sont nombreux et sont des parents proches desvictimes qui ont été tuées, que ce sont eux qui doivent servir de base à la manifestation de lavérité, qu’il termine en demandant que ses clients soient libérés ;

Vu qu’il ne reste rien d’autre à examiner sinon statuer sur les moyens invoqués, que leTribunal prend l’affaire en délibéré et rend le jugement ci-après ;

Constate que l’action du Ministère Public est recevable car régulièrement introduite ;

Constate que NYIRACOROGO et AKIMANA ont été tuées devant le domicile deBUREGEYA et en présence de l’intéressé dont la déclaration concorde à ce sujet avec cellesde KARUTA et HABIYAKARE, mais que rien ne permet d’affirmer sans aucun doute qu’il aune part de responsabilité dans ces crimes dès lors que les déclarations de KARUTA etHABIYAKARE divergent car, si tous parlent de sa responsabilité, l’un affirme que le prévenua donné l’ordre à KARUTA de tuer cet enfant et que celui-ci s’est exécuté, alors que l’autredit que BUREGEYA a tué de ses mains l’un des enfants après que HABIYAKARE venait derefuser d’exécuter l’ordre qu’il lui donnait dans ce sens ;

Constate que de tels témoignages émanant des personnes que le prévenu dénonce pour lesactes criminels qu’elles ont commis ne suffisent pas pour lever le doute quant à sa culpabilité,doute qui doit profiter au prévenu ;

Constate que le Ministère Public n’a pas rapporté la preuve que le prévenu a volontairementpris part aux attaques, et non sous la contrainte tel que le prévenu le dit dans sa défense, nimême la preuve que le prévenu est arrivé à GITWA ;

5ème Feuillet.

Constate que le fait que ces enfants ont été tués devant le domicile de BUREGEYA dont lamère venait d’être blessée ne constitue nullement une preuve tangible de la responsabilitépersonnelle de BUREGEYA surtout que les autres victimes tuées ont été emmenées de leursdomiciles et conduites à l’endroit où se trouvait un trou, et qu’il n’y a pas lieu de dire quetoutes ces victimes ont été tuées à cause du fait que la mère de BUREGEYA a été blessée ;

Constate que le crime de génocide commis sur la personne de BAHIGANDE et reproché àUWITONZE n’est pas établi à sa charge car les personnes qui se trouvaient chezBUTORANO d’où BAHIGANDE a été emmené n’affirment pas l’avoir vu, queMUNYANDEKWE dit qu’ils ont emmené ensemble et mangé les vaches pillées chezBUTORANO, que cependant aucune preuve n’a été rapportée sur son implication dans lemeurtre de BAHIGANDE ;

Constate que UWITONZE Bernard est coupable de l’infraction d’association de malfaiteursen vue de piller, car sa déclaration semble concorder avec celle de MUNYANDEKWE quandil avoue avoir mangé la viande de ces vaches qui ont été abattues devant son domicile, que saresponsabilité consiste en ce qu’il s’est joint à ces tueurs pour manger les vaches appartenantà la victime qui venait d’être tuée ;

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Constate que la seule déclaration de SEBABUMBYI, lui aussi poursuivi du chef d’assassinatde ces victimes (MUKARUSINE et NIWEMUKOBWA), ne peut être considérée commecrédible car elle renferme des contradictions flagrantes consistant notamment en ce qu’il ditd’une part que UWITONZE l’a emmené par contrainte, que d’autre part il déclare qu’il lui adit de l’accompagner pour récolter des régimes de bananes, qu’à un autre endroit il dit qu’iln’est pas entré dans la maison, mais qu’il change ensuite et dit qu’il a été soumis à lacontrainte pour tuer, sa déclaration et celle de la personne qui cachait les victimes avantqu’elles soient tuées sont divergentes car cette dernière ne met pas UWITONZE en cause ;

Constate que le tambour a été battu à la chapelle afin d’appeler les gens à se livrer aux tueriesmais que, à part SEBABUMBYI, personne d’autre n’affirme que c’est le prévenu qui battaitce tambour, qu’il y en a au contraire qui affirment que ce sont des Twa qui le faisaient ;

Constate que seule l’infraction d’association de malfaiteurs est établie à sa charge et le rangedans la 4e catégorie, qu’il doit en être condamné avec sursis ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise spécialement la partie des Accords depaix d’ARUSHA relative au protocole sur le partage du pouvoir en ses articles 25 et 26, laConstitution de la République Rwandaise telle que modifiée en date du 18/01/96 en sesarticles 12, 14,33, 91, 93 et 94 ;

Vu la Convention internationale du 9/12/1948 relative à la prévention et à la répression ducrime de génocide telle que ratifiée par le Rwanda en son article 2 ;

Vu le Décret-loi n°09/80 du 7/7/1980 portant Code d’organisation et compétence judiciairesen ses articles 6, 12, 76, 104, 129, 199, 200 et 377 ;

Vu la Loi du 23/02/63 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour en sesarticles 19, 20, 58, 61, 67, 76, 80, 86 et 90 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/96 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité en ses articles 16, 14 d, 19,20, 21, 36 et 39 ;

6ème Feuillet.

Vu les articles 97, 98, 99 et 283 du Code pénal rwandais ;

Vu la Loi n°03/97 du 19/03/1997 portant création du barreau en son article 50 ;

Déclare recevable l’action publique, car régulièrement introduite ;

Déclare non établies à charge de BUREGEYA les infractions de génocide, d’assassinat etd’association des malfaiteurs à lui reprochées, qu’il en est acquitté ;

Déclare non établies à charge de UWITONZE Bernard les infractions de génocide et

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d’assassinat, qu’il en est lui aussi acquitté ;

Déclare établie à charge de UWITONZE l’infraction d’association de malfaiteurs ;

Déclare que BUREGEYA Edison obtient gain de cause;

Déclare que UWITONZE Bernard perd la cause ;

Condamne UWITONZE à une peine d’emprisonnement de 5 ans avec sursis de 4 ans ;

Ordonne à UWITONZE Bernard de payer les frais de justice évalués à 12.450 Frw dans ledélai légal, sinon exécution forcée sur ses biens ;

Ordonne la mise en liberté immédiate de BUREGEYA Edison ;

Ordonne le sursis immédiat de la peine prononcée contre UWITONZE Bernard ;

Dit que le prononcé a lieu tardivement parce que les membres du siège étaient occupés parune autre affaire de 32 prévenus jugée dans la même période que celle-ci ;

Dit que le délai d’appel est de 15 jours à partir du jour du prononcé ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE PAR LA CHAMBRESPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIBUYE LE22/03/2000, DONT LE SIEGE EST COMPOSE DE : MASASU J. Jacques,PRESIDENT, KANYARUKIGA Jacques et UWIMANA J.Baptiste, JUGES, ENPRESENCE DE NSENGIYUMVA Eugène, Officier du Ministère Public et du GreffierBENIMANA Fidèle.

SIEGE

JUGE PRESIDENT JUGE

KANYARUKIGA Jacques MASASU J. Jacques UWIMANA J. Baptiste

(sé) (sé) (sé)

LE GREFFIERBIMENYIMANA Fidèle

(sé)

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205

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE KIGALI

206

207

N°9

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de KIGALIdu

15 janvier 1999.

Ministère Public C/ MUKAKAYIJUKA Hadidja.

ACTES DE TORTURE - ASSASSINAT (ART. 312) – ASSOCIATION DEMALFAITEURS (ARTS. 282 ET 283 CP) – CATEGORISATION (3ème CATEGORIE;ART. 2 L.O. N° 08/96 DU 30/08/1996) - CRIME DE GENOCIDE (ART. 1b L.O. N° O8/96DU 30/08/1996– CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DESCENTE SUR LE TERRAIN –DROITS DE LA DEFENSE (DROIT DE PRENDRE CONNAISSANCE DE SONDOSSIER; DROIT D'ETRE ASSISTE D'UN AVOCAT) – MENACE D'ATTENTATCONTRE LES PERSONNES (ART. 340 CP) – PEINE (DEUX ANSD'EMPRISONNEMENT) – PORT ILLEGAL D'ARMES (DECRET-LOI N° 12/79 DU 07MAI 1979) – PREUVE (ABSENCE DE; CONTRADICTION; FORCE PROBANTE;TEMOIGNAGES) -– RESPONSABILITE PENALE INDIVIDUELLE – VIOL (ART. 360CP) – VIOLATION DE DOMICILE (ART. 240 CP).

1. Procédure - droits de la défense (droit de lire son dossier et droit d'être assisté d'un avocat) -remise.

2. Recherche de la manifestation de la vérité – audition de nouveaux témoins – descente duTribunal sur le terrain.

3. Prévenue – infractions non établies ( assassinat, association de malfaiteurs, port illégald'armes, tortures et viol) – absence de preuves palpables et contradictions – responsabilitépénale individuelle.

4. Prévenue – infractions établies (menace d'attentat contre les personnes, persécution ,violation de domicile commis en relation avec le génocide) – témoignages.

5. Concours idéal d'infractions – troisième catégorie (article 2 Loi organique n° 08/96 du30/08/1996) – 2 ans de prison.

1. Une remise est accordée à la prévenue afin de lui permettre de lire son dossier et d’êtreassistée d'un avocat.

2. Aux fins d'une meilleure manifestation de la vérité, le Tribunal ordonne l’audition denouveaux témoins et décide d'effectuer une descente sur le terrain pour entendre un témoin.

208

3. Sont déclarées non établies à charge de la prévenue, les infractions de:

- assassinat, les preuves présentées par le Ministère Public et les témoignages étantcontradictoires d'une part, et aucun témoin n'affirmant avoir vu la prévenue commettredes tueries d'autre part;

- association de malfaiteurs, le Ministère Public et ceux qui mettent la prévenue en causene rapportant pas de preuves palpables; le seul fait que ses frères aient été desInterahamwe ne peut suffire à fonder sa culpabilité, dès lors qu’il n’est nullement établiqu’elle aurait commis un quelconque acte avec ce groupe;

- port illégal d'armes, de nombreux témoins affirmant que la prévenue ne portait pasd'armes et ceux qui la mettent en cause n'ayant pu rapporter les preuves tangibles de cetteaccusation;

- tortures et viol, les personnes supposées êtres victimes de ces faits ayant elles-mêmesdémenti qu'ils aient été commis.

4. Sont déclarées établies à charge de la prévenue, les infractions de:

- menace d'attentat contre les personnes et persécution, la prévenue ayant menacé de livreraux tueurs les personnes de l'ethnie Tutsi qu'elle soupçonnait d'avoir dérobé son bois dechauffe. Le Tribunal retient que de telles menaces proférées à cette occasion démontrent,sans aucun doute, que la prévenue avait coutume de menacer ses voisins de les livrer auxtueurs;

- violation de domicile, la prévenue ayant reconnu avoir fouillé des maisons à l'occasiondu vol dont elle avait été victime, comme l'en chargent des témoins;

- crime de génocide, les infractions établies à charge de la prévenue ayant été commises enrelation avec les événements entourant le génocide et les crimes contre l'humanité tel queprévu à l'article 1b de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996.

5. Les infractions retenues à charge de la prévenue sont en concours idéal et la rangent entroisième catégorie; elle est condamnée à une peine d'emprisonnement de 2 ans.

(NDLR: Ce jugement n’a pas été frappé d’appel).

RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.

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(Traduction libre) 1er feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIGALI, CHAMBRE SPECIALISEE,SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET AUTRES CRIMES CONTREL'HUMANITE, A RENDU LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT:

PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 15/01/1999.

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE:

MUKAKAYIJUKA Hadidja fille de MUSTAFA et NYIRABAFOROMA, née dans la celluleGAKONI, secteur KANOMBE, préfecture KIGALI NGALI, résidant à NYAKABANDA,cellule MUNANIRA, commune NYARUGENGE , préfecture de la ville de KIGALI, mère de 5enfants, en détention préventive;

PREVENTIONS :

1. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, secteur NYAKABANDA, commune NYARUGENGE,préfecture de la ville de KIGALI, République Rwandaise, entre 1990 et 1994, tenu despropos menaçants envers les Tutsi en leur disant qu'elle allait les livrer à tout moment,infraction prévue et réprimée par l'article 340 du Code pénal Livre II ;

2. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, secteur NYAKABANDA, commune NYARUGENGE,préfecture de la ville de KIGALI , République Rwandaise, en avril 1994, et à GITARAMAau mois de mai, commis le crime de génocide ou d'autres crimes contre l'humanité prévuspar la Convention de Genève du 09/12/1948 sur la répression du crime de génocide et laprotection des personnes civiles en temps de guerre (sic), la Convention du 26/11/1968 surl'imprescriptibilité des crimes de guerres et des crimes contre l'humanité, toutes troisratifiées par le Rwanda, infractions prévues et réprimées également par les articles 14 et 2,catégorie 2 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996;

3. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, secteur NYAKABANDA, en avril 1994, menacé lesTutsi de les livrer à la mort, infraction prévue et réprimée par l'article 340 du Code pénalLivre II ;

4. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, Secteur NYAKABANDA, commune NYARUGENGE,préfecture de la ville de KIGALI, République Rwandaise, comme auteur ou complice telque prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal, fait assassiner LIVILIYANI, AlexisKAYUMBA et GAHONGAYIRE qu’elle a trouvés dans leur cachette, infraction prévue etréprimée par l'article 312 du Code pénal Livre II ;

RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.

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2ème feuillet.

5. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, entre avril et mai 1994, fait partied'une association de malfaiteurs formant une milice et composée de Abdalah, SUGUTI,Silas, Charles, MATABARO le fils de BIZIMANA, Népo et BIZIMANA avec lesquels ellesurveillait une barrière et auxquels elle indiquait les filles à violer, infraction prévue etréprimée par les articles 282,283 et 360 du Code pénal Livre II ;

6. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, porté illégalement des armes(grenade, poignard et massue), infraction prévue et réprimée par le Décret-loi n° 12/1979 ;

7. S'être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, introduite dans les domicilesd'autrui sans autorisation et hors le cas où la loi le permet, infraction prévue et réprimée parl’article 304 du Code pénal Livre II ;

8. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, commis des actes de torture àl’encontre des enfants de MUKAWERA Isabelle. Loi organique n° 08/96, article 1 catégorie3 ;

LE TRIBUNAL,

Vu la lettre n° A/37 du 14/07/1997 par laquelle l'Officier du Ministère Public a transmis auPrésident de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de KIGALI pour fixationle dossier RMP 7049/S12/ME à charge de MUKAKAYIJUKA Hadidja ;

Vu l’inscription du dossier au rôle sous le n° RP 034/S5/ KIG, et vu que le président a prisl'ordonnance fixant la date d'audience au 05/09/1977, ce dont notification a été faite au MinistèrePublic ;

Vu la comparution volontaire de MUKAKAYIJUKA à la date d’audience, le Ministère Publicétant représenté par MUKARUSHEMA Epifrodosie ;

Vu la poursuite de MUKAKAYIJUKA du chef des infractions libellées aux préventions ci-dessus ;

Attendu que lecture de son identité lui ayant été faite, MUKAKAYIJUKA dit qu'elle ne peut pasplaider parce qu’elle n'a pas lu son dossier car elle est analphabète et précise qu’elle est encore àla recherche de quelqu'un qui lui en fera lecture, qu'ainsi l'audience est reportée au 14/10/1997 à8 heures du matin pour permettre à la prévenue de préparer son dossier ;

Attendu qu'à cette date MUKAKAYIJUKA comparait sans l’assistance d’un avocat, quel'audience a lieu publiquement, le Ministère Public étant représenté par MUKARUSHEMA ;

3ème feuillet.

Attendu que MUKAKAYIJUKA confirme que l'identité dont lecture vient d'être faite est bien lasienne, qu’à la question de savoir si elle va assurer personnellement sa défense, elle répondqu’elle aurait pu le faire mais qu'elle n'a pas lu le dossier car elle est analphabète, qu'elle souhaitequ'un délai lui soit accordé à cet effet ;

RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.

211

Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA aurait dû solliciter uneassistance judiciaire ou chercher quelqu'un pour lui faire lecture du dossier dès lors qu’elle estanalphabète car elle en a eu largement le temps ;

Attendu qu’après délibéré, l'audience est reportée au 14/10/97 en vue de permettre àMUKAKAYIJUKA Hadidja de chercher quelqu'un qui puisse lui faire lecture du dossier (sic),qu'à cette date la prévenue comparait assistée par Me BOUBACAR, les parties civiles et lestémoins n’ayant pas comparu ;

Attendu que MUKAKAYIJUKA dit qu'elle plaide non coupable, que la parole est accordée àl'Officier du Ministère Public qui dit que, forte du soutien de ses frères, MUKAKAYIJUKA a,entre avril et mai, menacé les Tutsi en leur disant qu’elle finirait par les livrer à ses frères quicollaboraient avec les Interahamwe, qu’elle voulait livrer SAWUDA aux malfaiteurs, qu'elle adécouvert LIVILIYANI, GAHONGAYIRE qui était venue de KIVUGIZA et Alexis dans leurcachette et les a signalés à BIZIMANA qui est actuellement en détention, qu'arrivée àGITARAMA, elle a tué une dame en la traitant d'Inyenzi, qu'elle a donné aux enfants d'un voisinde la bouillie contenant du sable fin;

Attendu qu’à la question de savoir si elle plaide coupable de la première infraction, HadidjaMUKAKAYIJUKA répond par la négative disant qu’elle n’avait pas d’autorité sur lesInterahamwe, que l'Officier du Ministère Public dit que le contenu du procès-verbal portant lacote 18 démontre qu'elle a incité ses frères à agresser la nommée Isabelle, qu'elle a par ailleurstenu des propos cyniques en ces termes: "qu'ils acceptent de mourir" ;

Attendu que MUKAKAYIJUKA nie tous ces faits et dit qu'elle est en conflit avec Isabelle àcause d’un homme avec lequel elle entretient des liens contre la volonté de cette dernière, quel'Officier du Ministère Public dit que les propos que la prévenue a tenus ont été confirmés parl'épouse de BIZIMANA qui les a rapportés à maman Pamela, que Hadidja réfute les faits et ditqu'elle n'était pas une autorité tout comme ses frères et qu’ainsi, elle ne pouvait pas commettreles faits qui lui sont reprochés; que l'Officier du Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKAHadidja était une amie de la nommée Christine et que c’est celle-ci qui lui rapportait lesnouvelles de M. SAWUDA dont le mari collaborait avec les Inkotanyi comme le dit Christineelle-même, que MUKAKAYIJUKA réplique en disant que Christine était une domestique de M.SAWUDA et que le mari de cette dernière ne collaborait pas avec les Inkotanyi ;

Attendu que Maître BOUBACAR dit que tous ces témoins devraient être entendus, spécialementle nommé BIZIMANA en vue de la manifestation de la vérité, qu’il y a également lieu de citer àcomparaître l’enfant de SAWUDA qui se trouvait sur les lieux, que Maître BOUBACARpoursuit en disant que relativement à l’infraction de viol et tortures, les dames supposées avoirété violées ainsi que le nommé Népo devraient être cités à comparaître pour témoigner sur la partde responsabilité de sa cliente, que l’audience devrait être reportée étant donné que sa cliente estpoursuivie pour plusieurs infractions pour que le Tribunal procède à la recherche d’autreséléments de preuves et que les témoins soient cités car, au retour de MUKAKAYIJUKA enprovenance de GITARAMA, ses enfants ont dit qu’elle y a tué d’autres dames, qu’il estimequant à lui qu’il y a doute et qu’à cet égard, ces enfants doivent être cités à comparaître pourfaire leurs dépositions ;

4ème feuillet.

Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que les arguments du Conseil deMUKAKAYIJUKA Hadidja sont pertinents, mais qu’il relève que certains des témoins dont il

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est question ont été entendus et notamment FAIDA, SALIMA et SAWUDA tel que cela ressortdu dossier, qu'il dit qu’il serait mieux d’entendre BIZIMANA et Népo, qu'il se demandecependant comment ces Interahamwe peuvent avouer alors que MUKAKAYIJUKA elle-mêmenie les faits qui lui sont reprochés, qu’il dit qu’il serait utile d’entendre les enfants de la prévenueainsi que la nommée maman SABINA ;

Attendu que tenant compte du souhait du Ministère Public, l'audience est reportée au 28/10/97,qu'à cette date MUKAKAYIJUKA et les parties civiles n’ont pas comparu et que la parole estaccordée à l'Officier du Ministère Public qui dit que la non comparution de MUKAKAYIJUKAest due au fait qu'elle n'a pas lu le dossier et que le surveillant de prison qui devait la conduire auTribunal est absent, qu’il demande le report d’audience ;

Attendu que l'audience est reportée au 03/12/1997, qu'à cette date MUKAKAYIJUKA comparaiten l’absence des témoins, que la parole est accordée à l'Officier du Ministère du Ministère Publicqui dit que ces témoins n'ont pas été cités et que la responsabilité en revient au Ministère Public,qu'il demande que l'audience soit reportée, qu'à peine vient-il d’exprimer ce souhait quequelques-uns des témoins à savoir les enfants de MUKAKAYIJUKA arrivent au Tribunal ;

Attendu qu’interrogée sur le nombre de témoins qu’elle souhaite présenter à sa décharge,MUKAKAYIJUKA dit que seuls deux ont comparu mais qu'il en manque trois à savoirMUKAMWEZI Sakina, Xaverine et maman J. Paul ;

Attendu qu'invité à donner son avis sur la demande de report d'audience exprimée par l'Officierdu Ministère Public pour citer les témoins et rechercher d’autres preuves, MUKAKAYIJUKArépond qu'elle estime que ces preuves n’existent pas dès lors qu'elles n'ont pas été réunies bienauparavant, que la parole est accordée à son Conseil en la personne de Me KADIDIA quidemande si d'autres témoins ont été entendus, qu'il lui est répondu que MUKAKAYIJUKA n'ena pas donné l'identification tel que prescrit par l'article 6 du Code pénal (sic);

Attendu que Maître KADIDIA dit qu'il y a lieu de suspendre l'audience aux fins de citer lestémoins à comparaître, qu'il demande aux voisins de MUKAKAYIJUKA présents à l’audiencede les aider à préciser l'identité des témoins, que l'audience est reportée au 09/12/98, qu'à cettedate la prévenue comparait assistée par Me KABAYABAYA et que les témoins sont présents,qu’interrogée sur l’infraction d’avoir menacé les gens de les livrer quand elle le voudra,MUKAKAYIJUKA Hadidja la rejette, que la parole est accordée à l'Officier du Ministère Publicqui, dans un bref exposé, dit comment MUKAKAYIJUKA a comploté contre MUBARAKA etGAHONGAYIRE et les a livrés aux tueurs, que relativement à l’infraction de menaces, elledisait à qui voulait l'entendre que ZAWADI et son frère, tous enfants de NYIRAMANZI, avaienten leur possession des photos des Inkotanyi ;

5ème feuillet.

Attendu qu’invitée à présenter ses moyens de défense, MUKAKAYIJUKA plaide non coupableen disant qu'elle n'était pas une autorité, que MUKAWERA Isabelle la met en cause parvengeance car elles en sont venues aux mains quand MUKAWERA voulait devenir la maîtressede son concubin, qu'elle a usé de sa fonction de responsable des dix ménage pour inciter les gensà faire de faux témoignages à sa charge, qu'à la question de savoir la nature du conflit qu’elle aavec les autres dames, MUKAKAYIJUKA répond que MUKAWERA a rassemblé les damesdans le but de réunir une somme d'argent devant servir à faire libérer une autre dame qui était en

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détention mais que MUKAKAYIJUKA s'y est opposée, que ces dames peuvent donc lui envouloir;

Attendu qu'à la question de savoir si elle connaît ABOUBACAR et Abdallah et si elle saitcomment ils se sont comportés au cours de la guerre, MUKAKAYIJUKA Hadidja répond que cesont ses frères mais qu'ils n'ont jamais fait partie des miliciens Interahamwe, qu’elle poursuit endisant qu'elle n'était membre d'aucun parti politique et qu'en cas de doute, il y a lieu d’entendre lanommée Maman J. Paul qui peut témoigner sur sa conduite, qu’interrogée sur ses liens deparenté avec UWIMANA elle répond que celle-ci est sa fille qu'elle a citée comme témoin car lapreuve avancée à propos de l’accusation selon laquelle elle aurait tué des personnes à BUTAREest que ce sont ses enfants qui s’en vantaient ;

Attendu que Maître KABAYABAYA relève qu'aucune infraction n’est établie à charge de sacliente, que le fait cependant qu'elle s'est disputée avec Isabelle à cause de son concubinconstitue un élément probant et qu’elle ne peut pas répondre du fait que ses frères faisaient partiedes Interahamwe, à moins qu'elle n'ait commis une infraction en usant de leur soutien ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA, armée d’une grenade, estallée fouillé des maisons en compagnie des Interahamwe, qu'elle ment quand elle prétend s'êtredisputée avec Isabelle car elle n'en a rien dit auparavant, que MUKAKAYIJUKA aeffectivement menacé les gens car elle s'est emparée des photos de MUBARAKA en disant quece sont celles des Inkotanyi, qu’interrogée sur ces faits, MUKAKAYIJUKA nie avoir vu lesphotos dont il est question et dit que MUBARAKA était un Interahamwe et qu'il surveillait labarrière si bien qu’il est actuellement en détention, que concernant les photos prises à MULINDIelle dit qu’elle comprend mal comment les intéressés les auraient gardées à la maison sachantque leurs voisins sont des Interahamwe, que ces gens n'étaient pas influents au sein du FPR aupoint d’avoir en leur possession des photos prises à KINIHIRA ;

Attendu que MUKAKAYIJUKA plaide non coupable d'avoir fait assassiner Révérien,GAHONGAYIRE et Alexis, que l'Officier du Ministère Publique prend la parole et dit queMUREKATETE Hamida affirme que MUKAKAYIJUKA a amené des Interahamwe dontCharles et SUGUTI qui avait une grenade et un poignard, faire une fouille au domicile deSAWUDA, qu'ils sont revenus par la suite et ont tué ces victimes, que MUKAKAYIJUKAréplique en disant qu'elle connaît ces miliciens Interahamwe mais nie avoir collaboré avec eux,qu’interrogée sur les circonstances de la mort de GAHONGAYIRE, elle répond avoir appris deMarie que cette victime avait été tuée chez SAWUDA par Charles et a été enterrée par cesmiliciens Interahamwe et les membres de la famille où elle avait été tuée , qu'elle n’a pas assistéà cet enterrement car elle ne connaissait pas la victime ;

Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit que c'est SAWUDA qui a tué GAHONGAYIRE,mais que SAWUDA l’accuse d’être responsable de la mort de celle-ci parce queGAHONGAYIRE s’était réfugiée chez elle à NYAMIRAMBO, et qu’elle l’avait envoyée chezelle à NYAKABANDA où elle lui faisait parvenir de la nourriture par l’intermédiaire de sonfrère, qu’elle affirme que SAWUDA a pris part à ce meurtre, qu'à la question de savoir pourquoielle ne l'a pas dit au Ministère Public et à la police judiciaire, elle répond l'avoir déclaré auparquet ;

Attendu qu'en réponse à la question de savoir pourquoi elle a nié auparavant avoir su queGAHONGAYIRE avait trouvé refuge chez SAWUDA, MUKAKAYIJUKA nie catégoriquement

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en avoir eu connaissance, que l'un des magistrats lui rappelle qu’elle a dit que GAHONGAYIREétait une amie de SAWUDA, et qu'il lui pose la question de savoir pourquoi elles se sontbrouillées par la suite, elle répond qu’elle ne sait pas pourquoi ;

Attendu qu'après avoir prêté serment, UMWALI M. Goretti est invitée à parler des circonstancesde la mort de GAHONGAYIRE, qu’elle dit que Hadidja est arrivée chez SAWUDANYIRAMANZI et a dit qu'elle allait amener des Interahamwe parce que sa maison avait étépillée, qu’un groupe de malfaiteurs composé de SUGUTI, KAGABA et d’autres esteffectivement arrivé et qu’ils ont tué GAHONGAYIRE, que UMWALI et d’autres ont fui encourant ;

6ème feuillet.

Attendu qu'à la question de savoir si MUKAKAYIJUKA savait que GAHONGAYIRE se cachaità cet endroit, UMWALI répond qu'elle le savait car elle y allait souvent et la voyait, qu'elle l'amême vue le jour de sa mort quand elle y est arrivée en criant, disant qu'elle avait été victime devol et qu'elle allait en informer les autorités ;

Attendu qu'interrogée sur ce qui la pousse à affirmer que c'est MUKAKAYIJUKA qui a amenéle groupe de tueurs, elle répond que c'est parce qu'elle venait de quitter à peine les lieux en disantqu'elle allait amener des miliciens Interahamwe que les membres de ce groupe sont arrivés endisant qu'il y avait une dame Inkotanyi qui se cachait à cet endroit, qu'elle termine en disantqu'elle ne sait rien d'autre concernant la prévenue à part qu'elle persécutait les voisins en lestraitant d'Inkotanyi et qu'elle n'a pas participé physiquement à cette expédition meurtrière ;

Attendu qu'interrogée sur ce qu’elle sait des infractions reprochées à MUKAKAYIJUKA,KANZAYIRE Rose répond après avoir prêté serment, que MUKAKAYIJUKA a complotécontre des gens dont elle-même et ses voisins en les traitant d’Inkotanyi et en leur disant qu'ilsdétenaient des photos des Inkotanyi, qu'elle racontait cela partout et même aux barrières, qu'ellea alors fui à GITARAMA et qu'à son retour, MUKAKAYIJUKA est venue chez elle portant unpoignard et une grenade, qu'elle est entrée dans la maison où elle a trouvé GAHONGAYIRE etqu'elle a aussitôt dit qu'ils cachent un Inyenzi, qu'elle est allé en aviser SUGUTI mais quel'intéressé étant absent, qu'elle est allée à un endroit où se trouvait une barrière et a amené desmiliciens Interahamwe dont Charles et d'autres, qu'ils se sont saisis de GAHONGAYIRE et l'onttuée, qu'elle a alors fui quant à elle en compagnie de Marie;

Attendu qu’à la question de savoir si elle a été effectivement en possession des photos dont il estquestion, KANZAYIRE répond par la négative et dit que MUKAKAYIJUKA le disait pour lafaire tuer, qu’interrogée sur ce qui s’est passé quand MUKAKAYIJUKA les a dénoncées auxmiliciens qui surveillaient la barrière, elle répond que ces miliciens les ont pardonnées et laisséessaines et sauves, qu'interrogée sur l'identité du témoin qui aurait entendu MUKAKAYIJUKA lestraiter d'Inkotanyi, elle dit que ce sont les miliciens Interahamwe et une vieille dame qui estdécédée, qu’elle poursuit en disant que GAHONGAYIRE a été trahie par Hadidja car c’est ellequi savait l’endroit où elle se cachait et racontait à qui voulait l’entendre que KANZAYIREcachait un Inyenzi, que la preuve la plus éclatante est qu’elle a emporté les vêtements de lavictime qu’elle n’a pas hésité à porter au vu et au su de tous, qu’elle termine en disant que laprévenue a pillé les vêtements des membres de la famille MULIGANDE après leur assassinat ;

Attendu qu'interrogé sur l'identité du témoin qui aurait vu Hadidja porter les vêtements pilléschez MULIGANDE ou ceux de GAHONGAYIRE, KANZAYIRE dit qu'il y avait à cette époquebeaucoup de tueries si bien que personne ne sortait, que c’est parce qu’elle vivait avec elle

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qu’elle l’a su, qu’à la question de savoir pourquoi elle était traitée d’Inyenzi au cours de laguerre, elle répond que toute personne de l’ethnie Tutsi ou opposée au régime de l'époque étaittraité comme tel ;

Attendu qu’invitée à présenter sa réplique à ce témoignage, MUKAKAYIJUKA dit queKANZAYIRE ne se trouvait pas à NYAMIRAMBO lors de l'assassinat de GAHONGAYIRE,que Rose l'accuse injustement de port de poignard et de grenade ainsi que de pillage devêtements, qu’elle termine en se demandant pourquoi KANZAYIRE ne l’a pas dénoncée dèsqu’elle l’a vue à son retour de l’endroit où elle s’était réfugiée porter les vêtements deGAHONGAYIRE ;

Attendu qu’après avoir prêté serment et à la question de savoir si MUKAKAYIJUKA a eu unconcubin après la guerre, KANZAYIRE répond par l’affirmative, qu’à celle de savoir si elle n’apas eu de relations avec ce concubin de MUKAKAYIJUKA, elle répond par la négative etprécise qu’elle avait le sien, que l’Officier du Ministère Public prend la parole et demande àRose KANZAYIRE comment ce concubin de MUKAKAYIJUKA les a menacées, qu’elle ditque ce concubin qui est un militaire leur en voulait parce qu’il ne voulait pas que sa concubinesoit traitée d’Interahamwe car il ne savait pas ce qu’elle avait fait au cours de la guerre ;

7ème feuillet.

Attendu que KANJISHI Agnès est invitée à témoigner sur les faits reprochés àMUKAKAYIJUKA Hadidja et que, après avoir prêté serment, elle dit qu'elle n'a pas longtempsvécu avec MUKAKAYIJUKA Hadidja sinon qu'elle sait que l’intéressée, à son retour deGITARAMA, s’est disputée avec Rose lui reprochant d’avoir volé son bois de chauffage, qu’à laquestion de savoir si elle faisait partie de la milice Interahamwe elle répond par la négative et ditque ce sont plutôt ses frères Abdallah et Aboubacar qui en faisaient partie, qu'à la question desavoir si c'est elle qui a conseillé à KANZAYIRE de fuir parce que Hadidja avait complotécontre elle auprès de SUGUTI, elle répond par l'affirmative;

Attendu que KANJISHI dit que SUGUTI était un milicien Interahamwe de renom dans cettelocalité, qu'elle ne sait cependant pas s’il collaborait avec MUKAKAYIJUKA Hadidja, qu’à laquestion de savoir si ce sont les Interahamwe qui tranchaient les litiges, elle répond que lesInterahamwe disposaient à cette époque du droit de vie et de mort;

Attendu que Maître KABAYABAYA relève que KANJISHI Agnès vient de dire que Hadidja estallée alerter SUGUTI à cause de son bois de chauffage que l'on avait volé alors que Rose etMarie affirment quant à elles avoir fui parce que Hadidja était allée alerter les Interahamwe pourles tuer, que d’autre part, Agnès dit qu’elle n’a pas connaissance d’une quelconque méchancetésur le compte de Hadidja, que ces déclarations sont dès lors contradictoires;Attendu qu'invité à dire ce qu’il sait sur les infractions reprochées à MUKAKAYIJUKA,KAYIHURA Vincent, après avoir prêté serment, dit que MUKAKAYIJUKA a causé del’insécurité en disant au milicien Interahamwe nommé BIZIMANA que SAWUDA s'était faitprendre en photo aux cotés des Inkotanyi et se rendait à KINIHIRA, qu'à la question de savoir siMUKAKAYIJUKA était membre de la milice Interahamwe, il répond qu’elle en faisait partie àcause des propos qu’elle tenait, qu’il termine en disant que les gens qu’elle menaçait en sontarrivés à lui demander de les épargner ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public demande à KAYIHURA de préciser si après ce geste,Hadidja a cessé de les menacer, que KAYIHURA dit qu'il n'en a rien été et qu'elle a poursuivi

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son œuvre, que Maître KABAYABAYA demande que KAYIHURA explique pourquoi il étaittraité d’Inkotanyi et que celui-ci répond que c'est parce qu'il écoutait la radio MUHABURAalors que c'était interdit, qu’interrogé sur l’endroit où les photos ont été retrouvées, il répond quecette photo a été découverte par la domestique de SAWUDA et qu’on pouvait y voir SAWUDAet un militaire avec lequel elle avait des liens de parenté ;

Attendu qu'à la question de Maître KABAYABAYA de savoir si Hadidja faisait partie del'attaque qui a coûté la vie à GAHONGAYIRE, KAYIHURA répond qu'il n'en sait rien car ils'est sauvé en courant dès qu'il a vu l'attaque arriver ;

Attendu que l'audience est suspendue pour continuer le 27/04/98, qu'à cette date elle est reportéeau 13/07/98 au motif que la prévenue n’a pas comparu, que l’audience a par la suite fait l'objetde plusieurs reports pour divers motifs, et que par la suite la prévenue comparait assistée deMaître KABAYABAYA ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public fait un exposé sommaire des circonstances desinfractions et dit que MUKAKAYIJUKA est mise en cause par des témoins oculaires qui n’ontaucune raison de le faire injustement car ils n’ont aucun litige avec elle, qu'il requiert la peined'emprisonnement à perpétuité pour la première infraction, la peine de mort pour la deuxièmeinfraction, sept ans d'emprisonnement pour la troisième infraction, huit mois d'emprisonnementpour la quatrième infraction, deux ans d’emprisonnement pour la cinquième infraction, un and'emprisonnement pour la sixième infraction et un an d'emprisonnement pour la septièmeinfraction ;

8ème feuillet.

Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit qu'elle rejette les infractions qui lui sont reprochéeset demande au Tribunal de faire preuve de perspicacité en vue de la manifestation de la vérité ;

Attendu que Maître KABAYABAYA, Conseil de MUKAKAYIJUKA Hadidja, dit que legénocide est un crime très grave et que ceux qui s'en sont rendus coupables devraient en êtrepunis, que ce crime ne devrait pas être pris à la légère étant donné qu'il y en a qui y ont pris partmais qui par la suite ont crié haut et fort disant qu'ils en ont réchappé, qu'il n'y a cependant pasde preuves palpables à charge de sa cliente dès lors que les armes qu’il lui est reproché d’avoirdétenues n’ont pas été produites et que l’infraction d’avoir aidé au viol n’est pas claire, qu’ils’agit simplement de grossir le nombre d’infractions, que Hadidja dit s’être disputée avec ceuxqui l’incriminent à cause de son concubin et qu’à son avis cela relève de la compétence desjuridictions civiles ;Attendu qu'il continue en disant que le grand problème est que l'Officier du Ministère Publicsemble minimiser le génocide, en déclarant que celui-ci visait seulement les Tutsi et non tout lemonde, alors que les acteurs de ce procès ne sont que des Hutu si bien qu’il se demande si sacliente a commis un génocide particulier contre les Hutu, qu'il demande qu’elle soit innocentéecar elle n'a commis aucune infraction, et qu’il dit que justice sera faite si elle était libérée ;

Vu que le Tribunal rend un jugement avant dire droit par lequel il décide d'entendre le témoinqui a été désigné sous le pseudonyme de maman Jean Paul pour une meilleure manifestation dela vérité ;

Attendu qu'en date du 16/12/1998, les délégués du Tribunal composés des juges NDIZIHIWE et

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UDAHEMUKA, accompagnés par le greffier AYINKAMIYE, font une descente àKABUSUNZU où ils trouvent MUKANDAMAGE Euphrasie (Maman Jean Paul) ;

Attendu qu'après avoir prêté serment, MUKANDAMAGE Euphrasie dit qu'elle ne sortait pas aucours de la guerre car elle n'avait rien à faire à l'extérieur, qu'elle n'a pas vu MUKAKAYIJUKAporter un poignard ou une grenade, qu'elle l'a seulement entendue dire à haute voix qu'elle allaitfaire quelque chose d'extraordinaire ce jour à cause du bois de chauffage qui lui avait été volé,qu'elle l'a entendue de ses propres oreilles, qu'elle a entendu également le nommé HABIBUdemander si Hadidja avait juré de tuer des gens, et qu’elle termine en disant que Hadidja a étépoursuivie à cause des mauvais propos qu’elle tenait ;

Attendu qu'à la question de savoir si c'est elle qui a entendu les enfants de MUKAKAYIJUKAdire que cette dernière aurait tué une dame inconnue à GITARAMA, MUKANDAMAGE répondpar la négative et précise qu'elle a entendu RUGINA et Peruth le dire, qu’interrogée sur lesvêtements que Hadidja a pillés et qu’elle portait à son retour du refuge, elle répond qu’elle nesaurait l’affirmer à part qu’elle en a entendu parler, qu’elle ajoute qu’elle est sa voisine maisqu’elle ne l’a jamais vue porter ces vêtements soit au cours de la guerre soit après ;

Attendu qu’à la réouverture des débats en date du 06/01/1999, MUKAKAYIJUKA Hadidjacomparait assistée par Maître Athanase RAUXYAO ayant pour interprète NIZEYIMANAValens, qu'il est fait lecture des procès-verbaux contenant les éléments recueillis au cours del'enquête pour permettre à Hadidja et au Ministère Public d'y répliquer ;

9ème feuillet.

Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja est invitée à répliquer après la lecture des résultats del’enquête, qu’elle dit que les déclarations de MUKANDAMAGE (Maman J. Paul), sontmotivées par la haine dont elle fait l’objet, qu’elle se demande comment cette dernière, qui étaiten cachette, l’a entendue dire à RUGINA qu’elle a tué une personne à GITARAMA,qu’interrogée sur le problème relatif au bois de chauffage, elle répond qu’effectivement elle n’ena pas retrouvé à son retour de GITARAMA, et qu’elle dit que si même ce bois n’était pas un biend’une grande valeur, il était logique qu’elle s’alarme, car à cette époque chaque personne s’enservait pour faire sa cuisson ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que le témoignage de MUKANDAMAGE n’estpas faux et qu’il corrobore d’autres témoignages selon lesquels l’accusée est responsable de lamort de GAHONGAYIRE, qu'il estime que c'est elle qui est à l’origine de la mort de la victimedès lors qu’elle était allée là où elle se cachait sous prétexte qu’elle cherchait le bois dechauffage et que l’attaque est arrivée immédiatement après son départ, que même le témoin àdécharge qu’elle avait fait citer l’a plutôt chargée, que donc la prévenue ne peut nullementprétendre que ledit témoin la met injustement en cause ;

Attendu que Maître RAUXYAO Athanase dit que d'autres avocats ont assisté la prévenue avantlui et qu'il n'est pas nécessaire qu'il reprenne tout ce qu’ils ont dit, que MUKANDAMAGE a étécitée par MUKAKAYIJUKA comme témoin à sa décharge et qu’elle semble la mettre en causesi l’on tient compte de ce qui a été dit, mais qu'il relève quant à lui qu'elle n'a à aucun momentspécifié un quelconque acte matériel qu'elle aurait commis sinon dire qu'elle tenait des mauvaispropos sans cependant indiquer les actes qui en ont découlé, que n'importe qui peut prononcer detelles paroles quand il est victime de vol et que cela ne signifie nullement passer aux actes

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concrets, que le fait que Hadidja avait un frère qui était un Interahamwe ne constitue pas uneinfraction pour elle, que le témoignage de MUKANDAMAGE ne suffit pas pour établir laculpabilité de Hadidja car elle ne l'a pas vue commettre une infraction, qu'il termine endemandant que l'intéressée soit acquittée ;

Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit qu'elle n'a rien à ajouter, qu'elle attend la décisiondu Tribunal ;

Attendu que tous les moyens sont épuisés ;

Constate que MUKAKAYIJUKA est poursuivie du chef des infractions suivantes:- menaces de livrer les gens aux tueurs,- persécution,- avoir fait assassiner Réverien, Alexis, KAYUMBA et GAHONGAYIRE- formation d’association de malfaiteurs avec Népo, SUGUTI, Abdallah ;- port illégal d'arme,- violation de domiciles, et- tortures exercées contre les enfants de MUKAWERA ;

Constate que l'infraction d’avoir fait assassiner Révérien, KAYUMBA, Alexis etGAHONGAYIRE n'est pas établie à sa charge car les preuves rapportées par le Ministère Publicainsi que les témoignages sont contradictoires et qu'aucun témoin n'affirme avoir vuMUKAKAYIJUKA commettre des tueries à part dire l'avoir appris de tiers sans indiquer leuridentité pour qu’ils puissent le confirmer ;

10ème feuillet.

Constate que l'infraction d'association de malfaiteurs n'est pas établie à sa charge car leMinistère Public et les témoins n'ont pas rapporté de preuves palpables, le fait que ses frèresétaient des Interahamwe ne pouvant signifier qu'elle a fait partie d'une association de malfaiteursdès lors qu'il n'y a aucun acte qu'elle aurait commis avec ce groupe de gens ;

Constate que l'infraction de port illégal d'arme n'est pas établie à sa charge car de nombreuxtémoins affirment qu'elle n’en a pas porté et que même les plaignants n'en ont pas apporté despreuves tangibles ;

Constate que l'infraction de tortures exercées contre les enfants de MUKAWERA n'est pas nonplus établie à sa charge, car MUKAWERA fonde son accusation sur les déclarations de Hadidjaselon lesquelles les filles de MUKAWERA ont été violées en sa présence chez elle, et queMUKAWERA pense que MUKAKAYIJUKA était au courant de ce viol qui était projeté contreses filles, mais que ses filles nient en avoir été victimes, que donc les déclarations deMUKAWERA ne peuvent être considérées comme vraies ;

Constate que l’infraction de menace de livrer les gens aux tueurs et de persécution sont établiesà sa charge car elle reconnaît avoir beaucoup crié à cause de son bois de chauffage qu’elle netrouvait pas, que les menaces qu’elle a proférés contre les gens ce jour sont constitutives de cesinfractions surtout qu’elle disait qu’elle allait alerter les Interahamwe pour qu’ils tuent les Tutsiqui se seraient emparés de son bois de chauffage si jamais celui-ci n’était pas retrouvé, quemalgré qu’elle n’a pas mis en exécution son intention parce que son bois de chauffage avait été

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retrouvé, les menaces qu’elle a proférés contre les gens ce jour là démontrent sans aucun doutequ’elle menaçait tout le temps ses voisins de les dénoncer aux tueurs ;

Constate que l'infraction de violation du domicile est établie à sa charge car, en plus destémoignages de ses voisins, elle reconnaît elle aussi avoir fouillé des maisons à la recherche deson bois de chauffage qui avait disparu ;

Constate que le crime de génocide est établi à sa charge car elle a menacé de dénoncer les genset a fait des fouilles aux domiciles des Tutsi à l'époque du génocide, ces actes étant constitutifsde ce crime tel que prévu par l'article 1b de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/96 sur larépression du crime de génocide ;

Constate que les infractions commises par MUKAKAYIJUKA la rangent dans la troisièmecatégorie, qu'elles sont en concours idéal et qu'elle doit être punie de la peine de deux ans qui estla plus sévère de celles prévues pour les infractions établies à sa charge ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT

Vu la Loi fondamentale de la République Rwandaise telle que modifiée le 16/01/96,1° les Accords de paix d'Arusha sur le partage du pouvoir entre le FPR et le GouvernementRwandais en ses articles 25, et 26 ;2° la Constitution de la République Rwandaise, en ses articles 12, 14, 33, 92 et 95 ;

11ème feuillet.

Vu les articles 6, 12, 76,104,129,199, 200 de la Loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Coded'organisation et de compétence judiciaires ;

Vu les articles 1, 2, 14, 29, 36 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l'organisation despoursuites des infractions constitutives du crime de génocide ;

Vu la Convention du 09/12//1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide;

Vu les articles 16, 17, 58, 59, 76, 83, 84, 90,138 du Code de Procédure Pénale ;

Déclare recevable l'action du Ministère Public car elle est régulière en la forme et la ditpartiellement fondée ;

Déclare que MUKAKAYIJUKA Hadidja perd la cause quant aux infractions précisées auxexposés des motifs ;

La condamne à une peine de deux ans d'emprisonnement ;

Ordonne à MUKAKAYIJUKA de payer les frais d'instance de 21000Frw dès le prononcé dujugement, sous peine d’une contrainte par corps de 15 jours suivie d’une exécution forcée sur sesbiens ;

Dit que le délai d’appel est de 15 jours à partir de la date du prononcé ;

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Dit que le prononcé a lieu tardivement suite au calendrier chargé du Tribunal ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 15/01/99 PAR LACHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIGALIOU SIEGEAIENT UDAHEMUKA ADOLPHE (PRESIDENT), MUDAGIRI ANDRE ETNDIZIHIWE L. FIDELE (JUGES), EN PRESENCE DE MUKARUSHEMAEPIFRODOSIE (OMP), ET DU GREFFIER BIKINO JEAN CLAUDE.

JUGE PRESIDENT JUGEMUDAGIRI André. UDAHEMUKA Adolphe. NDIZIHIWE L. Fidèle sé sé sé

GREFFIER BIKINO J. Claude. sé

221

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE NYAMATA

222

223

N°10

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance deNYAMATA

du31 juillet 2000.

Ministère Public C/ MUKANSANGWA Pascasie.

ACQUITTEMENT – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUTDE PORTER LA DEVASTATION, LE MASSACRE OU LE PILLAGE (ART. 168 CP) –CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTRE L’HUMANITE – PREUVE(INSUFFISANCE) – TEMOIGNAGE (CONTRADICTOIRE; INDIRECT; FAUX).

1. Procédure – non comparution des témoins – insuffisance des charges – descente sur les lieux– audition de témoins.

2. Preuves – témoignage contradictoire et non oculaire – témoignages motivés par lavengeance – faux témoignages.

3. Ministère Public – rétractation – réquisitions d’acquittement.

4. Acquittement.

1- Face à l’insuffisance des charges invoquées par le Ministère Public et la non comparutiondes témoins, le Tribunal décide d’office de procéder à une descente sur les lieux en vued’interroger les témoins et d’autres personnes dont l’audition lui paraîtra utile.

2- Ne constitue pas une charge suffisante, le témoignage d’une personne qui se contredit dansses déclarations et qui n’a pas personnellement vu les faits qu’elle relate. Il en est de mêmedes accusations portées contre la prévenue par deux sœurs, dont la plus jeune a reconnu encours de procès avoir agi de concert avec son aînée dans le dessein de faire condamner à tortla prévenue au motif qu’elle entretenait des relations de concubinage avec le mari de celle-ci.

3- Les poursuites ayant été engagées sur la base de témoignages qui se sont avérés noncrédibles ou faux, le Ministère Public renonce aux poursuites et demande au Tribunall’acquittement de la prévenue.

4- Le Tribunal prononce l’acquittement de la prévenue et ordonne sa libération immédiate.

(NDLR: Cette décision n'a pas été frappée d'appel).

224

RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA

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(Traduction libre)1er feuillet

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DENYAMATA, SIEGEANT A NYAMATA, A RENDU LE JUGEMENT SOUS LENUMERO RMP 101422/S1/CS/NMTA/K.V, RP 140/98/CS/Nmta Gde, COMME SUIT:

PRONONCE PUBLIC DU 31/07/2000

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

MUKANSANGWA Pascasie.

PREVENTIONS:

Génocide et crimes contre l’humanité;Assassinat;Attentat ayant pour but de porter la dévastation du pays, par le massacre et le pillage;

LE TRIBUNAL,

Vu la lettre n° A/290/D2/BA/Prore par laquelle le Premier Substitut près la chambre spécialiséedu Tribunal de Première Instance de NYAMATA, transmet au Président de la Chambrespécialisée dudit Tribunal le dossier numéro RMP 1422/S1/BA/Nmta dans lequel est accuséeMUKANSANGWA, pour fixation ;

Vu l’enregistrement du dossier au n° RP 140/98/CS/Nta/Gde, et que par ordonnance duPrésident de la Chambre Spécialisée, l’affaire est fixée au 25/07/2000, cette date étant signifiéeaux parties ;

Vu la comparution à cette date de l’accusé assisté par Me. SEMANDA Cyridion, le MinistèrePublic étant représenté par KAYINAMURA Vincent ;

Attendu que le Ministère Public énonce les préventions et produit les preuves à charge del’accusée ;

Attendu que MUKANSANGWA plaide non coupable, et dit que ceux qui la chargent le font àtort et demande au Tribunal de les faire citer pour qu’ils puissent lui être confrontés ;

Vu que les témoins à charge nommées NIKUZE, NYIRAMINANI et MUKAKIMENYI necomparaissent pas, et que le Tribunal prend la décision de procéder à une descente sur les lieuxet la fixe au 26/06/2000 afin d’interroger les dits témoins et d’autres personnes qu’il jugeranécessaire ;

RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA

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Attendu que Pascasie déclare que toutes les accusations portées contre elle par NIKUZEConsolée sont motivées par le fait qu’elle entretenait des relations de concubinage avec le maride Consolée nommé NSENGIYAREMYE ;

Attendu qu’en date du 27/06/200, au cours de la descente sur les lieux, la petite sœur deNIKUZE du nom de NYIRAMINANI est interrogée, et déclare qu’elle a accuséMUKANSANGWA à tort, conjointement avec sa grande sœur, pour la faire emprisonner ;

Constate que l’action publique est recevable, car elle régulière en la forme ;

Constate que MUKANSANGWA Pascasie est poursuivie pour les infractions de génocide,d’assassinat et d’attentat ayant pour but de porter la dévastation et le pillage ;

Constate que MUKANSANGWA Pascasie nie toutes les infractions à sa charge et dit qu’ellen’a pas participé au génocide qui a endeuillé tout le pays ;

2èmefeuillet.

Constate que lors de l’audience du 25/06/2000, le Ministère Public n’a pas pu fournir à charge del’accusée des preuves suffisantes, et qu’en plus les témoins à charge n’ont pas été entenduspuisqu’ils n’avaient pas comparu ;

Constate que même tous les témoins entendus au cours de la descente du 26/06/2000 àNYAGIHUNIKA où les infractions dont Pascasie est accusée ont été commises ont affirmé quecette dernière est innocente à l’exception de MUKAKIMENYI qui l’accuse d’avoir tuéDamascène au moyen d’une houe usée, mais que dans ses déclarations elle s’est souventcontredite, et qu’à la fin elle a fini par reconnaître qu’elle n’a pas été témoin oculaire ;

Constate que les déclarations de NYIRAMINANI ne sont pas fondées parce qu’elle déclareavoir, conjointement avec sa grande sœur NIKUZE, accusé faussement MUKANSANGWAPascasie, parce que le mari de sa grande sœur nommé NSEGIYAREMYE, entretenait desrelations de concubinage avec Pascasie, et que c’est pour cette raison qu’elles l’ont faitemprisonner ;

Constate que les déclarations de NIKUZE Consolée n’ont pas de fondement puisqu’ellereconnaît avoir comploté avec sa petite sœur NYIRAMINANI pour témoigner faussementcontre Pascasie, et qu’elle dit que sa petite sœur s’est trahie, que par conséquent elles n’ont plusde moyen de défense ;

Constate que même les témoins qui ont été interrogés à RIRIMA le 27/06/2000, à savoirNTEZIYAREMYE, SAFARI et MUNYAGIHE, n’ont pas mis en cause MUKANSANGWAPascasie ; que dans son témoignage, MUNYAGIHE a aussi affirmé qu’on pouvait croire quePascasie était la femme de NSENGIYAREMYE, et à la question posée à Pascasie de savoirpourquoi elle entretenait des telles relations avec le mari d’autrui, elle répond que c’était enguise de remerciement aux soldats de l’APR pour avoir vaincu l’ennemi ;

Constate que dans cette affaire aucune partie civile ne s’est constituée ;

Constate que dans ses conclusions, le Ministère Public s’est rétracté et a demandé que Pascasiesoit libérée ;

RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA

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PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;

Vu les articles 58,76 et 86 du Code de Procédure Pénale ;

Déclare que l’action publique n’est pas fondée car le Ministère Public lui-même le reconnaît ;

Déclare qu’il n’y a aucune preuve à charge de la prévenue, et qu’elle est acquittée ;

Déclare MUKANSANGA Pascasie innocente ;

Ordonne que soit libérée MUKANSANGA Pascasie immédiatement après le prononcé ;

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 31/07/200 PAR LETRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DE NYAMATA, CHAMBRE SPÉCIALISÉE,EN ITINÉRANCE À RIRIMA, COMPOSÉ DE KAYIRANGA JEAN , PRÉSIDENT,NGENDA BIZIMANA ET KAKIRA KAREKEZI, JUGES, ET EN PRÉSENCE DUGREFFIER NSENGIYUMVA IGNACE.

SIEGE

JUGE PRESIDENT JUGE

NGENDA BIZIMANA KAYIRANGA Jean KAKIRA K. David Sé Sé Sé

GREFFIER

NSENGIYUMVA Ignace Sé

Certifié conforme à la minute

Le greffier : MUKOBWAJANA Kanyange

228

229

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE RUHENGERI

230

231

N°11

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de RUHENGERIdu

12 décembre 2000

Ministère Public C/ NTAHONDI Ildéphonse Alias BIZIMANA.

ASSASSINAT (ART. 312 CP) − CATEGORISATION (2ème CATEGORIE ART. 2 L.O. du30/8/96) − CONCOURS IDEAL D'INFRACTIONS − CRIME DE GENOCIDE(ELEMENT INTENTIONNEL) − DESCENTE DU TRIBUNAL SUR LE LIEU DESFAITS − DIMINUTION DE PEINE − MINORITE (EXCUSE DE; ART. 77 CP) − PEINE(13 ANS D'EMPRISONNEMENT) − TEMOIGNAGES (RECUSATIONS DE; ACHARGE; A DECHARGE; CONCORDANTS).

1. Récusation de témoignages (conflits entre prévenu et témoins) − argument nonfondé(absence de preuve du conflit).

2. Infractions établies (assassinat et génocide) − témoignages et éléments recueillis lors de ladescente sur le lieu des faits − victime visée en raison de son appartenance ethnique.

3. Assassinat et génocide − concours idéal d'infractions − deuxième catégorie (article 2 L.O. du30/6/96).

4. Excuse de Minorité (article 77 Code pénal) − diminution de peine - 13 ansd'emprisonnement.

1. Le prévenu récuse les témoignages qui le chargent, soutenant qu'ils trouvent leur originedans le conflit qui oppose sa famille à celle des témoins; cet argument n'est pas retenu par leTribunal qui constate que plusieurs témoins dont la propre mère du prévenu démententl'existence d'une inimitié entre les deux familles.

2. Sont déclarées établies à charge du prévenu, les infractions d'assassinat et de génocide car:

- les témoins à charge et à décharge, dont sa propre mère, le mettent en cause dansl'assassinat de la victime ;

- les témoignages recueillis lors de la descente du Tribunal sur le terrain incriminent leprévenu ;

- les auteurs des attaques dans la région, cités par le prévenu et sur qui il rejette laresponsabilité de l'assassinat de la victime, reconnaissent avoir mené l'attaque qui aemporté d'autres personnes, mais soutiennent que la victime leur avait échappé et n'a ététuée que plus tard par le prévenu ;

- le Tribunal constate que la victime a été visée en raison de son appartenance au groupeethnique Tutsi.

232

3. Les infractions d'assassinat et de génocide retenues à charge du prévenu ont été commises enconcours idéal et le rangent en deuxième catégorie.

4. Le prévenu mineur au moment des faits bénéficie de l'excuse de minorité conformément àl'article 77 du Code pénal; sa peine est réduite à 13 ans d'emprisonnement.

(NDLR: Ce jugement n'a pas été frappé d'appel).

MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI

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(Traduction libre)1er feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE RUHENGERI, CHAMBRESPECIALISEE, SIEGEANT AU PREMIER DEGRE EN MATIERE DE GENOCIDE ETDES AUTRES CRIMES CONTRE L’HUMANITE, A RENDU CE 12/12/2000 LEJUGEMENT DONT VOICI LA TENEUR :

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

NTAHONDI Ildéphonse alias BIZIMANA fils de NSANZABARUNGU et de KASINErésidant à RWAKIRARI, secteur RUHINGA II, commune NYARUTOVU-RUHENGERI, enRépublique Rwandaise.

PREVENTIONS :

A charge de NTAHONDI Ildéphonse, MIKERI(non autrement identifié)

− Avoir, dans la cellule RWAKIRARI, secteur RUHINGA II, commune NYARUTOVU,préfecture RUHENGERI, en République Rwandaise, à une date inconnue, entre avril et juillet1994, comme auteur ou coauteur, tel que prévu par les articles 89,90 et 91 du Code pénal livreI et l’article 3 de la Loi n°08/96 du 30/08/1996, assassiné RUSHENZI à cause de sonappartenance au groupe ethnique Tutsi ; infraction constitutive du crime de génocide prévueet réprimée par la Convention du 09/12/1948 sur la prévention et la répression du crime degénocide, la Convention du 26/11/1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et descrimes contre l’humanité et la Convention de Genève du 12/08/1968 relative à la protectiondes personnes civiles en temps de guerre ; toutes trois ratifiées par le Rwanda par le Décret-loi n°08/75 du 12/02/1975 ; et par les articles 2 et 14 de la Loi organique n°08/96 du30/08/1996 ;

− Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur, coauteur oucomplice, assassiné RUSHENZI, infraction prévue et réprimée par l’article 312 du CodePénal livre II ;

2ème feuillet.

LE TRIBUNAL,

Vu la lettre n°H/293/RMP 39025/S4/SMJ que le premier substitut près le Tribunal de PremièreInstance a adressée au président de la Chambre Spécialisée qui a pris une ordonnance fixantl’audience au 10/10/2000, la présente affaire ayant été enregistrée au rôle sous le numéro RP :049/R1/2000 ;

Vu qu’à cette date l’audience est remise au 19/10/2000 à la suite du défaut du Ministère Public,qu’à cette date l’audience est une nouvelle fois remise au 26/10/2000, date à laquelle l’audiencen’est pas non plus tenue parce que l’un des membres du siège participe à une formation, que ce

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234

faisant elle est remise au 30/10/2000 ;

Qu’à cette date l’audience a lieu en présence du Ministère Public représenté par SEBUTUNDAEmmanuel et de NTAHONDI assisté de Maître Joséphine NYIRAHATEGEKIMANA ;

Attendu qu’invité à présenter ses moyens de défense sur la prévention d’avoir assassinéRUSHENZI à cause de son appartenance au groupe ethnique Tutsi, NTAHONDI aliasBIZIMANA répond qu’il plaide non coupable ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît les circonstances de l’assassinat de RUSHENZI,NTAHONDI répond qu’il connaissait RUSHENZI, que celui-ci a été tué par une attaque demiliciens Interahamwe en provenance de CYABINGO à laquelle prenaient part les nommésHATEGEKIMANA Vianney et MUTABARUKA Raphaël qui reconnaissent d’ailleurs les faits,qu’il a vu ces assaillants lorsqu’ils sont passés à proximité de leur domicile après avoirconsommé leur forfait, et qu’en compagnie d’autres personnes il est arrivé sur le lieu où gisait lecadavre de RUSHENZI ;

Attendu qu’invité à réagir aux déclarations des témoins MUKAMANA Justine, ZIBONUMWEet MANYINYA qui le chargent du meurtre de RUSHENZI, NTAHONDI répond qu’il étaitimpossible pour MUKAMANA Justine (la mère de RUSHENZI) d’être témoin de cet assassinat,que MANYINYA le charge injustement parce qu’il est le fils de ZIBONUMWE lequel estl’ennemi du père de NTAHONDI qui s’appelle NSANZABARUNGU car, soutient-il,ZIBONUMWE a soutenu par le passé les fils de NSANZABARUNGU (qui sont en fait les grandfrères de NTAHONDI) qui étaient en procès contre leur père, ce qui constitue à son avis uneraison suffisante pour ceux qui l’accusent de lui attribuer cet assassinat ;

Attendu que NTAHONDI dit au Tribunal que les gens qui peuvent corroborer sa thèse sontnotamment sa mère KASINE, ses sœurs ainsi que le nommé Daniel alias Innocent ;

3ème feuillet.

Attendu que le Tribunal lui fait remarquer que sa mère KASINE et Daniel l’ont chargé devant leMinistère Public et qu’il répond que Daniel n’a fait que rapporter les propos de MUKAHIRWAqui a également tenu le même discours à KASINE, qu’il poursuit en disant que le conseillerMUNYAMPENDA Simon et MUNYAMBIZI sont au courant de la mésentente qui existe entreZIBONUMWE et sa famille ;

Attendu que le Ministère Public dit que NTAHONDI Ildéphonse veut induire le Tribunal enerreur en prétendant que RUSHENZI a trouvé la mort chez son père MUNYAMPUNDU alorsqu’il a été tué par NTAHONDI dans un vallon, que NTAHONDI n’a pas précisé l’endroit oùleurs malentendus ont été débattus, qu’il continue en disant que RUSHENZI a trouvé la mortprès de chez NTAHONDI dans une parcelle appartenant au dénommé MUHIRIMA, à environ15 mètres à partir de chez NTAHONDI ;

Attendu que le Ministère Public procède à l’exposé des faits à charge de NTAHONDI et requiertcontre lui la peine d’emprisonnement de 20 ans ainsi que le paiement des frais occasionnés par laprésente procédure et les dommages et intérêts aux parties civiles qui pourront se constituer ;Attendu que NTAHONDI réagit au réquisitoire du Ministère Public, que MaîtreNYIRAHATEGEKIMANA qui l’assiste demande que son client soit déchargé par

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MUKESHIMANA et MUTABARUKA qui connaissent l’inimitié existant entre ZIBONUMWEet la famille de NTAHONDI, que le conseil de NTAHONDI poursuit en disant que le MinistèrePublic n’est pas parvenu à établir la culpabilité de son client pour lequel il demandel’acquittement ;

Attendu qu’invité à émettre son dernier avis, NTAHONDI répond qu’il n’a rien à ajouter à sonprocès, que l’audience est clôturée et le prononcé fixé au 06/11/2000, qu’à cette date le Tribunaldécide d’effectuer une descente sur les lieux du crime en dates du 16 et 17/11/2000 ;

Vu la remise de ladite descente au 22/11/2000 et au 23/11/2000 ;

Vu qu’à cette date le Tribunal se transporte à RWAKIRARI-RUHINGA II-NYARUTOVU oùNTAHONDI est accusé d’avoir perpétré des infractions ;

Attendu que la nommée HAKORIMANA Edith déclare ne rien savoir sur l’assassinat deRUSHENZI ;

4ème feuillet.

Attendu que ZIBONUMWE explique au Tribunal que l’assassinat de RUSHENZI lui a étérapporté par son épouse NDINDAYINO Florida, son fils NSABIMANA et MANYINYA qui luiont dit qu’ils ont vu NTAHONDI tuer RUSHENZI, qu’il déclare être sûr de la véracité de cequ’ils lui ont dit en ce sens qu’à son arrivée à la maison, ces derniers lui ont dit qu’ils avaient eupeur d’aller chercher de l’herbe pour le bétail parce que NTAHONDI avait tué RUSHENZI sousleurs yeux, qu’il poursuit en disant qu’il n’est pas en conflit avec NSANZABARUNGU, que parcontre il avait souvent l’habitude d’accompagner celui-ci du temps où il était en procès avecMUHIRIMA ;

Attendu qu’après avoir prêté serment de dire la vérité, NDINDAYINO Florida déclare qu’elle avu NTAHONDI tuer RUSHENZI à coups de gourdin, que RUSHENZI criait au secours endisant «toi aussi BIZIMANA tu me tues ? », qu’il montre l'endroit où NTAHONDI a donné lamort à sa victime et que NTAHONDI confirme que c’est effectivement à cet endroit queRUSHENZI a été assassiné tout en réfutant cependant sa responsabilité dans cet assassinat ;

Attendu que NSABIMANA alias MANYINYA explique que RUSHENZI a été tué parBIZIMANA alias NTAHONDI, qu'il a été témoin oculaire des faits, que lorsque la victime estsortie du buisson qui lui servait de cachette, NSABIMANA lui a dit de se réfugier àCYINTARE, que chemin faisant RUSHENZI a croisé NTAHONDI qui lui a demandé où ilallait, et que quelques instants après, NSABIMANA a entendu RUSHENZI appeler au secoursen disant « Toi aussi BIZIMANA tu me tues ? » ;

Attendu que dans sa défense NTAHONDI dit que la déclaration de NSABIMANA aliasMANYINYA ne devrait pas être prise en considération dans la mesure où celui-ci est arrivé surles lieux de l’assassinat 10 minutes après la mort de RUSHENZI et qu’il n’a démontré nulle partque NTAHONDI aurait participé à cet assassinat ;

Attendu que tous les autres témoins notamment UWIMANA Daniel, HAKUZIMANA,NZIHANA, NYIRAMAJANGWE, RUSHENZI ainsi qu’un membre de la familleMUNYAMPUNDU sont entendus, que Daniel reconnaît avoir pris part à l'enterrement de

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RUSHENZI et qu’à cette occasion, il a constaté que ce dernier avait succombé à des coups degourdin ou de massue, que NZIHANA qui abonde dans ce sens déclare l’avoir appris de Florida,qu’interrogé à ce propos MURAHIRWA dit que KASINE (la mère de NTAHONDI) lui a dit queRUSHENZI a été tué par NTAHONDI ;

Attendu que KASINE, la mère de NTAHONDI, explique au Tribunal qu’un procès a opposé lesgrands frères de NTAHONDI à leur père NSANZABARUNGU lequel a d’ailleurs eu gain decause et que ZIBONUMWE l’accompagnait toujours à ce procès et lui prodiguait des conseils ;

5ème feuillet.

Vu la remise de l’audience au 23/11/2000 et l’audition des témoins à décharge de NTAHONDIà cette date ;

Attendu qu’interrogé au sujet de l’assassinat de RUSHENZI, MUNYANDINDA Simon déclareignorer l’identité de son meurtrier dans la mesure où certains assaillants sont venus deCYABINGO tandis que d’autres ont lancé leurs attaques à partir de BURINGA ;

Attendu qu’interrogé au sujet de l’assassinat de RUSHENZI, MUTABARUKA Raphaël répondque c’est bien lui et ses compagnons qui ont massacré la famille MUNYAMPUNDU, qu’ils ontassassiné trois personnes et qu’un jeune homme leur a échappé, qu’il apprendra plus tard quecelui-là qui avait pris le large a par la suite été tué par NTAHONDI ;

Attendu qu’en réplique aux déclarations de MUTABARUKA, NTAHONDI dit que ce dernierment et qu’il nie les faits qu’il avait pourtant reconnus auparavant, que réagissant à ces propos,MUTABARUKA revient à la charge en affirmant que l’attaque dont il est question a coûté la vieà trois personnes et que l’autre leur a échappé en fuyant à travers la bananeraie, qu’ensuite ilssont partis sans rien laisser sur place ;

Attendu que HAKESHIMANA J.M. dit que la famille MUNYAMPUNDU a été attaquée, quetrois de ses membres ont été tués et que seul un jeune homme a pu échapper aux assaillants en sesauvant à travers la bananeraie, qu’il apprendra plus tard que ce dernier a été tué parNTAHONDI, que poursuivant sa déposition, HAKESHIMANA dit que les déclarations deNTAHONDI sont mensongères parce que cet enfant n’a pas trouvé la mort sur place, queNTAHONDI ment quand il soutient qu’il gardait le bétail lorsqu’il a vu ces assaillants passer àproximité de leur domicile, car il ne les connaissait pas, que l’audience est remise au 05/12/2000et qu’à cette date elle est en continuation ;

Attendu que NTAHONDI explique au Tribunal que les gens le chargent à tort et que les détenusqui le chargent le font pour se disculper, que pour sa part Maître NYIRAHATEGEKIMANAdemande que son client soit acquitté parce qu’aucune preuve n’a pu établir sa culpabilité et queceux qui le chargent le font parce qu’ils sont en aveu alors que son client plaide non coupable ;Vu qu’aucune partie civile ne s’est constituée ;

Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner, que le Tribunal prendl’affaire en délibéré ce 12/12/2000 et rend le jugement ci-après :

Constate que NTAHONDI Ildéphonse alias BIZIMANA est poursuivi par le Ministère Publicpour avoir assassiné RUSHENZI à cause de son appartenance au groupe ethnique Tutsi ;

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6ème feuillet.

Constate que NTAHONDI a plaidé non coupable aussi bien devant le Ministère Public quedevant le Tribunal, qu’il a même affirmé à l’audience du 30/10/2000 savoir que RUSHENZI aété tué par une attaque venue de CYABINGO et à laquelle prenaient part les nommésHAKESHIMANA Vianney, MUTABARUKA et MUNYAMPENDA et que c’est à cetteoccasion que la famille MUNYAMPUNDU a été massacrée, qu’il a vu ces assaillants lorsqu’ilssont passés chez eux et que HAKESHIMANA et MUTABARUKA détenus à la prison deRUHENGERI reconnaissent les faits dont il est accusé ;

Constate que les preuves dont le Ministère Public se prévaut sont notamment les déclarations deNDINDAYINO Florida qui a entendu le petit RUSHENZI appeler au secours en disant : « Toiaussi NTAHONDI (alias BIZIMANA) tu me tues ? » ainsi que celles de MANYINYA qui avouequ’il était avec RUSHENZI quand NTAHONDI a dit à celui-ci de les rejoindre en lui assurantqu’aucun mal ne lui arriverait, que RUSHENZI les ayant rejoints dans un vallon où ils étaient(endroit où le Tribunal s’est transporté et où NTAHONDI et MANYINYA soutiennent queRUSHENZI a été assassiné), il a entendu RUSHENZI s’étonner de ce que NTAHONDI voulaitégalement le tuer ;

Que cette version des faits est corroborée par les déclarations de ZIBONUMWE qui soutient queson fils MANYINYA lui a dit que RUSHENZI a été tué par NTAHONDI, que cela faisait suite àla question qu’il venait de lui poser de savoir pourquoi il n’avait pas rentré tôt le bétail dupâturage à la maison, que son fils lui a répondu qu’il ne l’a pas fait parce que RUSHENZI quigardait le bétail avec lui venait de se faire tuer et qu’il a eu peur ;

Constate que NTAHONDI assisté de Maître NYIRAHATEGEKIMANA Joséphine dit que lafamille ZIBONUMWE le charge parce que des conflits opposent leurs familles respectivesdepuis longtemps, que ces conflits sont nés de ce que ZIBONUMWE a incité les grands frères deNTAHONDI à engager un procès contre leur père à eux, qu’il trouve que ceux qui le chargentsont issus d’une même famille et que cela n’est pas normal ;

Constate qu’en date du 22/11/2000 le Tribunal s’est transporté sur le lieu du crime, qu’il aentendu les personnes qui sont au courant des procès qui ont opposé NSANZABARUNGU (lepère de NTAHONDI) et ses propres fils, qu’à la question de savoir le rôle que ZIBONUMWEaurait joué dans cette affaire, ces personnes ainsi que la mère de NTAHONDI ont niécatégoriquement que ces procès aient jamais eu lieu (sic) ;

Constate que la descente s’est poursuivie le lendemain le 23/11/2000, que le Tribunal a interrogéles nommés MUKESHIMANA J.M.V, MUNYAMPENDA Siméon et MUTABARUKARaphaël au sujet de l’assassinat de RUSHENZI, que ces personnes ont avoué avoir massacré lafamille de MUNYAMPUNDU, mais que RUSHENZI leur avait échappé ;

7ème feuillet.

Constate que NTAHONDI et son conseil n’ont pas pu contredire les preuves rapportées par leMinistère Public, qu'ainsi NTAHONDI doit être puni pour avoir assassiné RUSHENZI à causede son appartenance à l’ethnie Tutsi à l’image de ce qui se faisait partout dans le pays, que lesinfractions établies à sa charge (assassinat et génocide) sont en concours idéal, qu’il bénéficiecependant de la réduction de la peine parce qu’il était mineur au moment des faits tel que prévu

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238

par l’article 77 du Code pénal ;Constate que les infractions établies à charge de NTAHONDI Ildéphonse le rangent dans la 2ème

catégorie comme le prévoit la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

Constate qu’aucune partie civile ne s’est constituée dans la présente procédure ;

Constate que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise spécialement la Constitution du10/06/1991 telle que modifiée à ce jour en ses articles 12, 14, 33, 91-95 et le Protocole desAccords de Paix d'Arusha sur le partage du pouvoir en ses articles 25 et 26 ;

Vu le Décret-loi n°09/80 du 07/07/1980 portant organisation et compétence judiciaires confirmépar la Loi n°01/82 du 26/01/1982 ayant confirmé les Décrets-lois tel que modifiée à ce jourspécialement en ses articles 6, 9-12, 44, 85, 104, 129 al.1 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 19990 en ses articles 1, 2 2ème catégorie, 14b, 18, 19, 20, 21, 22 al.1, 24, 36, 37 et 37 ;

Vu les articles 77 et 312 de la loi n°21/77 du 18 août 1977 portant Code pénal

8ème feuillet.

Déclare recevable l’action du Ministère Public parce que régulière en la forme et la dit fondée ;

Déclare que les préventions à charge de NTAHONDI sont établies et le rattachent à la 2ème

catégorie ;

Déclare que NTAHONDI perd le procès ;

Le condamne à la peine d’emprisonnement de 13 ans ;

Condamne NTAHONDI à payer les frais occasionnés par la présente procédure équivalant à68.000 Frw ;

Décide la disjonction de l’action civile ;

Rappelle à toute personne désireuse d’interjeter appel que le délai d’appel est de 15 jours et qu’ily est statué sur pièces ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 12/12/2000, LEMINISTERE PUBLIC N’ETANT PAS REPRESENTE.

Juge Président Juge GreffierHITIMANA F. MUNYAMAHORO J. HABARUGIRI D. BAMURANGE Sé/ Sé/ Sé/ Sé/

239

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE RUSHASHI

240

241

N°12

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de RUSHASHIdu

21 septembre 2000.

Ministère Public C/ GASANA Appolinaire et Consorts.

ACQUITTEMENT − ASSASSINAT − ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS.281, 282, et 283 CP) − ATTENTAT AYANT POUR BUT DE PORTER LADEVASTATION (ART. 168 CP) − AVEUX − CATEGORISATION (2ème CATEGORIEART.2 L.O. 30/08/96) − CONCOURS IDEAL D'INFRACTIONS − CRIME DEGENOCIDE (ELEMENT INTENTIONNEL) − CRIMES CONTRE L'HUMANITE −DIMINUTION DE PEINE − DOUTE - EGALITE DES ARMES (DROIT DE FAIRECITER DES TEMOINS) − ENLEVEMENT (ART. 388 CP) − MEURTRE (ART.311CP) − PEINES (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE; 15 ANSD'EMPRISONNEMENT, DEGRADATION CIVIQUE) − PREUVES(ADMINISTRATION DE LA; ABSENCE DE) − PROCEDURE D'AVEU ET DEPLAIDOYER DE CULPABILITE APRES POURSUITES (ARTS. 6 et 16 L.O. 30/08/96− TEMOIGNAGES (RECUSATION DE; A CHARGE; A DECHARCHE).

1. 2ème prévenu − Procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité (après poursuites) −acceptée (article 6 Loi organique 30/08/1996) − deuxième catégorie − 15 ansd'emprisonnement (article 16, a, Loi organique du 30/08/1996).

2. 1er prévenu − infractions établies (génocide et crimes contre l'humanité, association demalfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation du pays) − preuves (témoignages àcharge et à décharge, moyens de défense contradictoires).

3. 1er prévenu − concours idéal d'infractions − deuxième catégorie − emprisonnement àperpétuité et dégradation civique.

4. 3ème et 4ème prévenus − absence de preuve suffisante du Ministère Public − témoignagenon crédible − bénéfice du doute (article 20 CPP) − acquittement et ordre de libérationimmédiate.

1. La procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité à laquelle le 2ème prévenu a recouruaprès poursuites, est acceptée tant par le Ministère Public que par le Tribunal compte tenude sa conformité à l'article 6 de la Loi organique du 30/08/1996.

Ce prévenu a fait des aveux complets et les infractions avouées (génocide et crimes contrel'humanité, association de malfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation du pays) lerangent en deuxième catégorie. En application de l'article 16)a de la Loi organique du30/08/1996, il est condamné à 15 ans d'emprisonnement.

2. En dépit de ses dénégations, les infractions de génocide et crimes contre l'humanité,

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association de malfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation du pays sont déclaréesétablies à charge du 1er prévenu, car:

- Il est mis en cause par le 2ème prévenu qui a avoué les faits, les déclarations de ceco-prévenu concordant avec celles d'autres témoins.

- Ses affirmations selon lesquelles ceux qui le mettent en cause n’auraient agi que pardépit ou vengeance n’apparaissent pas fondées.

- Les témoins à décharge qu'il a lui-même cités ne le disculpent pas.- Ses moyens de défense recèlent des contradictions. Il ne subsiste pas de doute

quant à sa participation au complot qui a abouti à l'assassinat de la victime et de sesquatre enfants.

3. Les infractions retenues à charge du 1er prévenu ont été commises en concours idéal etpermettent de le ranger en deuxième catégorie. Il est condamné à l'emprisonnement àperpétuité et à la dégradation civique.

4. En l'absence de preuves fournies pas le Ministère Public, le Tribunal accorde le bénéficedu doute aux 3ème et 4ème prévenus et ne retient aucune infraction à leur charge:

- Les déclarations du 3ème prévenu, qui explique sa présence sur les lieux où ont étédébusquées les victimes par sa crainte de voir attaquer des membres de sa familleparaissent plausibles ; le fait qu’il n’ait pas pris part aux assassinats paraît confirmépar le prévenu en aveu.

- Il apparaît que la déclaration du 3ème prévenu chargeant le quatrième d'avoir étéparmi les gens qui ont débusqué les victimes n’est pas conforme à la vérité et doitêtre écartée, car elle est fondée sur un conflit qui les oppose.

Le Tribunal acquitte ces deux prévenus et ordonne leur libération immédiate.

(NDLR: L’appel interjeté contre ce jugement est pendant devant la Cour d’appel de Kigali).

R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI

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(Traduction libre)1er feuillet.

LA CHAMBRE SPECIALISE PRES LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DERUSHASHI, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMESCONTRE L’HUMANITE AU PREMIER DEGRE A RENDU LE JUGEMENT CI-APRES :

JUGEMENT DU 21/09/2000.

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1- GASANA Appolinaire fils de BINYAVANGA et NTAKOBATAGIRA, né en 1959, dans lacellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture KIGALI NGALI,République Rwandaise, marié à NYIRANDASEZEYE, père de 4 enfants, sans antécédentsjudiciaires connus, sans biens, en détention préventive à la prison de KIGALI.

2- NTAWUMENYUMUNSI alias NIYONSHUTI fils de NSABABERA et AHORYIRIWE,né en 1976 dans la cellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfectureKIGALI NGALI, République Rwandaise, y résidant, Rwandais, cultivateur, célibataire, sansantécédents judiciaires connus, sans biens, en détention préventive à la prison de GIKONDO.

3- SEROMBA Michel fils de SENGABO et MBURABUZE, né en 1936, dans la celluleNYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture KIGALI NGALI,République Rwandaise, y résidant, Rwandais, cultivateur, marié à NYIRANGENDO, sans biensni antécédents judiciaires connus.

4- SINARUHAMAGAYE Jean fils de RWALINDA et NAGASANZWE, né en 1935, dans lacellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture KIGALI NGALI,République Rwandaise, y résidant, Rwandais, cultivateur, marié à NYIRABAKIGA, père de 5enfants, sans biens ni antécédents judiciaires connus.

PARTIES CIVILES :

PREVENTIONS :

Avoir, dans la cellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfectureKIGALI NGALI, République Rwandaise, en 1994, comme coauteurs tel que prévu par lesarticles 89,90 et 91 du livre I du Code pénal, commis le crime de génocide et d’autres crimescontre l’humanité contre les Tutsi et d’autres opposants au régime de l’époque qui étaientqualifiés de complices des INYENZI, infractions prévues et réprimées par :

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2ème feuillet.

- la Convention internationale du 09 décembre 1948 sur la répression du crime de génocide,- la Convention internationale du 26 novembre 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de

guerre et des crimes contre l’humanité, toutes ratifiées par le Rwanda,- la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide et des crimes contre l’humanité commises entre le 1er

10/1994 et le 31/12/1994.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, volontairement tué la nomméeMUKAKARASI Thérèse et ses 4 enfants, infraction prévue et réprimée par l’article 311 duCode pénal livre II.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, enlevé des personnes qu’ils sont allésnoyer dans la rivière, infraction prévue et réprimée par l’article 388 du code pénal livre II.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, commis l’infraction de dévastation dupays par les massacres, infraction prévue et réprimée par l’article 168 du Code pénal livre II.

QUALIFICATION LEGALE :

- Association de malfaiteurs :articles 281, 282, 283 du Code pénal livre II.- Meurtre : article 311 du Code pénal livre II.- Enlèvement : article 388 du Code pénal livre II.- Attentat portant la dévastation du pays : article 168 du Code pénal livre II.

LE TRIBUNAL,

Vu la lettre du 20/06/2000 par laquelle le Premier Substitut près la Chambre Spécialisée duTribunal de Première Instance de RUSHASHI a transmis pour fixation le dossier à charge deGASANA Appolinaire et consorts ;

Vu l’ordonnance du Président de la Chambre Spécialisée de RUSHASHI fixant la dated’audience au 13/09/2000 ;

3ème feuillet.

Vu que tous les prévenus ont été régulièrement cités à comparaître ;

Vu qu’après signification, les prévenus ont été, à leur demande, autorisés à consulter le dossier àleur charge,

Vu qu’à la date d’audience prévue, les prévenus ont comparu, chacun assurant personnellementsa défense, le Ministère Public étant représenté par l’Officier du Ministère Public NDEJEJEPascal tandis que RUVUZANDEKWE Seth, quoique régulièrement cité, n’a pas comparu ;

Attendu qu’après l’énoncé des préventions à leur charge, les prévenus sont invités à dire s’ilsplaident coupable ou non coupable, que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il plaide coupablecomme il a avoué les faits devant le Ministère Public et a par ailleurs recouru à la procédured’aveu et de plaidoyer de culpabilité, que GASANA Appolinaire, SEROMBA Michel et

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SINARUHAMAGAYE Jean plaident non coupable ;

Attendu que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il est allé rendre visite à sa grand-mère au coursd’une matinée au mois d’avril 1991(sic) et que, en cours de route, il a croisé GASANA etRUVUZANDEKWE qui lui ont dit que des Tutsi se cachaient à NYAMATO, qu’ils doivent lesdébusquer pour qu’ils soient tués, que c’est ainsi qu’ils sont partis ensemble et ont dénichéMUKAKARASI Thérèse et ses quatre enfants et sont allés les tuer ;

Attendu qu’il poursuit en disant qu’ils ont emmené MUKAKARASI Thérèse et ses quatreenfants à la rivière où ils leur ont donné l’ordre de se noyer, qu’il était en compagnie deGASANA et RUVUZANDEKWE mais qu’il nie avoir vu SINARUHAMAGAYE sur les lieux,qu’il affirme avoir vu SEROMBA portant une machette et une lance après qu’ils venaient dedébusquer les victimes mais qu’il n’a pas vu celui-ci à la rivière où ils ont noyé les victimes ;

Attendu qu’il déclare reconnaître sa responsabilité dans la noyade de MUKAKARASI et sesquatre enfants, qu’à la question de savoir pourquoi il a accepté de s’intégrer à un groupe demalfaiteurs qu’il a croisé en chemin sans avoir décidé avec lui de perpétrer des massacres, ilrépond qu’à son arrivée, GASANA venait de tenir une réunion au cours de laquelle il a demandéaux gens de lui porter secours car MUKAKARASI l’importune chaque nuit en venant luidemander à manger et qu’elle doit être recherchée et tuée, qu’il a accepté d’y prendre part dèsqu’il en a été informé car il était le moins âgé et pouvait s’exposer à des conséquences fâcheusess’il avait refusé ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il nie avoir vu SEROMBA à la rivière alors quecelui-ci s’y trouvait portant une machette et une lance et que cela est la preuve qu’il prenait partà cette expédition, il répond qu’il ne peut pas affirmer ce qu’il n’a pas vu, qu’il sait simplementqu’il l’a vu là où ils ont débusqué MUKAKARASI Thérèse et ses enfants, qu’il ne l’a vu nullepart ailleurs et qu’il ignore comment il est rentré ;

4ème feuillet.

Attendu qu’il demande au Tribunal d’accepter son plaidoyer de culpabilité comme l’a fait leMinistère Public car il dit la vérité ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTAWUMENYUMUNSI a recouru à laprocédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité conformément à la loi, que ses aveux se sontrévélés complets après vérification, que ses actes le rangent dans la deuxième catégorie, qu’ilrequiert à sa charge la peine d’emprisonnement de 15 ans en vertu de l’article 16 de la Loiorganique n° 08 du 30/08/1996 ;

Attendu qu’après les réquisitions du Ministère Public, le Tribunal prend l’affaire en délibéré etdécide de recevoir la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité deNTAWUMENYUMUNSI et de le classer dans la deuxième catégorie en vertu de l’article 16 dela Loi organique n° 08/96 du 30/8/96 ;

Attendu que SEROMBA Michel dit qu’il plaide non coupable et demande au Ministère Publicde produire les preuves à la base des poursuites exercées contre lui ;Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les infractions reprochées à SEROMBAMichel sont établies à sa charge car de nombreux témoins entendus le mettent en cause ainsi que

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ses co-prévenus, que NTAWUMENYUMUNSI qui a recouru à la procédure d’aveu et deplaidoyer de culpabilité affirme l’avoir vu armé d’une lance et d’une machette là où ils ontdébusqué MUKAKARASI et ses enfants, que cela est la preuve qu’il participait à l’attaque avecles autres tueurs ;

Attendu que SEROMBA Michel dit que le frère de MUKAKARASI est son gendre et qu’il secachait chez lui à l’époque du génocide, qu’en entendant une clameur, il a pensé que c’est songendre que l’on venait de découvrir, qu’il a accouru et a constaté que c’est plutôtMUKAKARASI Thérèse et ses enfants, qu’il ne participait donc pas à cette attaque maisredoutait que ce soit son gendre qui puisse être tué ;

Attendu qu’il dit qu’à son arrivée, il a vu SINARUHAMAGAYE, RUVUZANDEKWE Seth,MBYARIYEHE et NTAWUMENYUMUNSI ayant entre leurs mains les personnes ci-hautcitées à savoir MUKAKARASI et ses quatre enfants, qu’il a tenté d’intercéder en leur faveurmais qu’on lui a répondu qu’il ne doit pas intervenir en faveur des Inyenzi en perdant de vuequ’il en loge quelques uns chez lui, et qu’il devrait au contraire demander pardon pour ceux-là ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il veut nier les faits qui lui sont reprochés alors quedes témoins l’ont vu à l’exemple de NTAWUMENYUMUNSI alias NIYONSHUTI qui arecouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, il répond que MUKAKARASI étaitentre les mains des tueurs quand il est arrivé là où elle a été débusquée, qu’il a dit pourquoi ils’est rendu à cet endroit et qu’il ne portait pas une lance et une machette, queNTAWUMENYUMUNSI le met en cause par vengeance car il l’a dénoncé avec son pèreSAMVURA pour avoir pillé les maniocs de MUKAKARASI et qu’ils ont été punis à cet effet dupaiement de 1.000 Frw et de la bière de banane ;

5ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir s’il n’a pas vu GASANA Appolinaire, il répond par lanégative mais dit qu’il se peut qu’il se soit éclipsé après la réunion pour faire croire que ce n’estpas lui qui a indiqué la cachette de MUKAKARASI et ses enfants, qu’il y avait par ailleurs unefoule de gens si bien qu’il ne pouvait pas identifier tout le monde surtout qu’il avait peur ;

Attendu que SINARUHAMAGAYE Jean dit qu’il plaide non coupable, qu’il demande auMinistère Public de produire les preuves sur lesquelles il fonde ses poursuites ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les infractions reprochées àSINARUHAMAGAYE Jean sont établies à sa charge car SEROMBA affirme l’avoir vu sur leslieux parmi ceux qui ont débusqué MUKAKARASI et ses quatre enfants ;

Attendu qu’il nie être arrivé sur les lieux et dit qu’il a un différend avec SEROMBA contre quiun procès l’a opposé, mais qu’il croyait définitivement clos suite à la conciliation intervenueentre eux au sein de la famille de manière qu’il ne pensait pas que l’intéressé puisse lui attribuerfaussement l’infraction de génocide ;

Attendu qu’il demande que d’autres personnes que SEROMBA soient interrogées et dit qu’il estprêt à reconnaître sa responsabilité si quelqu’un d’autre le met en cause ;

Attendu que GASANA Appolinaire dit qu’il plaide non coupable et demande que le Ministère

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Public rapporte les preuves à la base des poursuites à sa charge ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que toutes les infractions reprochées à GASANAsont établies à sa charge car il est mis en cause par ses coauteurs à savoir RUVUZANDEKWESeth et NTAWUMENYUMUNSI qui est en aveu, que GASANA n’a aucun motif de les réfuter ;

Attendu que GASANA nie avoir pris part à l’attaque qui a coûté la vie à MUKAKARASIThérèse car il était malade du début à la fin du génocide, qu’il a au contraire vu MBYARIYEHEemmener les victimes alors qu’il se trouvait chez lui ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas porté secours à sa voisine qui allait êtretuée, il répond qu’il n’aurait rien pu faire faute de moyens, car il était faible et que l’attaque étaitcomposée de nombreuses personnes portant des armes telles que des massues et autres ;

Attendu que GASANA Appolinaire dit qu’il ne pouvait pas diriger une réunion alors qu’il n’étaitqu’un simple citoyen, que c’est après la guerre qu’il a eu la qualité d’autorité et que, surdemande du bourgmestre et des militaires, il a dénoncé les malfaiteurs, que c’est pour cetteraison que les gens le mettent injustement en cause, qu’il ne pouvait pas prendre part auxattaques à cette époque où il était traité d’Inyenzi ;

Attendu que GASANA dit que ce sont KARARISI Pascal et RUVUZANDEKWE Seth qui l’ontfait arrêter, le motif en étant que, après la mort de MUKAKARISA et ses enfants, KARARISI avoulu vendre la propriété foncière de la victime mais qu’il le lui a interdit en sa qualitéd’autorité, que c’est donc par vengeance qu’il l’accuse à tort d’avoir commis le génocide ;

Attendu qu’il dit que des différends divers l’opposent à RUVUZANDEKWE Seth et notammentle fait qu’il a tranché une affaire de vol à sa charge à l’issue de laquelle l’intéressé a été puni, quecela peut être la raison pour laquelle il l’accuse injustement, qu’il demande au Tribunald’entendre les témoins HABUMUGISHA, SEMANA et MURWANASHYAKA et se déclareprêt à se plier à leurs témoignages car ils savent bien qu’il a puni RUVUZANDEKWE dans uneaffaire de vol ;

Attendu que GASANA Appolinaire dit que NTAWUMENYUMUNSI le charge faussement etque cela a eu pour origine le fait que c’est lui qui a fait arrêter son coauteur MBYARIYEHEdans l’assassinat de MUKAKARASI, que constatant ainsi que son arrestation était imminente,RUVUZANDEKWE a décidé de le mettre

6ème feuillet.

en cause, qu’il demande au Tribunal d’entendre les témoins NZABAGERAGEZA etRIBAKARE qui pourront confirmer qu’il s’était foulé la jambe car il est passé à l’endroit où ilsse trouvaient quand il allait voir l’état de ses récoltes à KINUNGA, se servant d’un bâton pourse déplacer ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, les témoins AHIMANA, MURWANASHYAKA etBATUMYEHO disent que GASANA a effectivement connu de l’affaire de vol de régimes debananes à charge de RUVUZANDEKWE mais nient catégoriquement savoir où se trouvaitGASANA lors de l’assassinat de MUKAKARASI car ils n’ont appris la nouvelle que plus tard,tandis que le nommé AYIGIHUGU dit qu’il ne sait rien car il était malade ;

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Attendu qu’après avoir prêté serment, NZABAGERAGEZA et RIBAKARE, à la question desavoir s’ils ont, à l’époque du génocide, croisé GASANA quand il était malade et se rendait àKINUNGA, ils répondent par la négative et précisent qu’il n’a même pas de champs àKINUNGA ;

Attendu qu’invité à présenter ses réquisitions, le Ministère Public dit que les infractionsreprochées à GASANA sont établies à sa charge car il en a rapporté les preuves, qu’il requiert lapeine d’emprisonnement à perpétuité à sa charge ainsi que celle de 15 ans d’emprisonnement àcharge de NTAWUMENYUMUNSI qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité, qu’il requiert également la peine d’emprisonnement de 10 ans à charge deSEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean, tous les prévenus devant être condamnés aupaiement solidaire des frais d’instance ;

Attendu que la parole est donnée aux prévenus en vue de répliquer aux réquisitions du MinistèrePublic et aux témoignages, que GASANA dit que la peine requise est très élevée et qu’ildemande au Tribunal de lui rendre justice, que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il consent à êtrepuni car il a plaidé coupable, que SEROMBA et SINARUHAMAGAYE disent qu’ilsdésapprouvent la peine requise car ils sont certains de n’avoir rien fait et demandent au Tribunalde leur rendre justice ;

Attendu que les débats sont clos, que le Tribunal prend l’affaire en délibéré et rend le jugementdans les termes ci-après :

Constate que l’action du Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme ;

Constate que les aveux de NTAWUMENYUMUNSI doivent être acceptés car ils remplissent lesconditions prévues à l’article 6 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996 ;

Constate que les infractions de génocide et autres crimes contre l’humanité, d’association demalfaiteurs, d’assassinat, d’enlèvement et de dévastation du pays sont établies à charge deNTAWUMENYUMUNSI car il a avoué tant devant le Ministère Public que devant le Tribunal,avoir débusqué MUKAKARASI Thérèse et ses quatre enfants qui se cachaient à l’arrière dudomicile de GASANA Appolinaire, qu’ils les ont ensuite emmenés et noyés dans laNYABARONGO à cause de leur ethnie Tutsi ;

7ème feuillet.

Constate que les infractions établies à charge de NTAWUMENYUMUNSI sont en concoursidéal car elles ont été commises en vue du génocide ;

Constate que les infractions établies à charge de NTAWUMENYUMUNSI le rangent dans ladeuxième catégorie conformément à l’article 2 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/96 ;Constate qu’il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité après les poursuites,qu’il doit être puni des peines prévues à l’article 16, a) de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/96 ;Constate que les infractions de génocide et autres crimes contre l’humanité, d’association demalfaiteurs, d’assassinant, d’enlèvement et de dévastation du pays sont établies à charge deGASANA Appolinaire ;

Constate que NTAWUMENYUMUNSI qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité tant devant le Ministère Public que devant le Tribunal affirme que c’est GASANA

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qui a dirigé une réunion au cours de laquelle il a demandé aux gens d’aller rechercherMUKAKARASI et ses quatre enfants au motif qu’elle l’importune en lui demandant de quoimanger ;

Constate que le moyen de défense de GASANA Appolinaire qui nie avoir organisé la réuniondestinée à rechercher MUKAKARASI n’est pas fondé car il est inconcevable que des genshabitant loin de l’endroit où MUKAKARASI et ses 4 enfants se cachaient aient accouru enentendant des cris, mais que GASANA qui se trouvait à 800 mètres du lieu comme il le dit lui-même, n’est pas allé voir ce qui se passait près de son domicile ;

Constate que GASANA Appolinaire a usé d’une grande astuce et, qu'après avoir indiqué auxtueurs l’endroit où MUKAKARASI et ses enfants se cachaient, a disparu pour que sa part deresponsabilité dans ce crime reste incertaine ;

Constate que le fait que GASANA nie avoir conduit MUKAKARASI et ses enfants à la rivièreNYABARONGO où ils ont été noyés ne peut le disculper dès lors qu’il est à l'origine de tous cesméfaits car les victimes n’auraient pas été inquiétées s’il n’avait pas organisé la réunion etindiqué l’endroit où elles se cachaient ;

Constate que les allégations de GASANA selon lesquelles NTAWUMENYUMUNSI le met encause parce qu’il a dénoncé son coauteur MBYARIYEHE et que l’intéressé a réalisé que sonarrestation était elle aussi imminente, et que RUVUZANDEKWE Seth quant à lui le charge parvengeance car il a, alors qu’il était responsable de cellule, tranché une affaire de vol à sa charge,ne sont pas fondées car NTAWUMENYUMUNSI a avoué les faits qui lui sont reprochés tantdevant le Ministère Public que devant le Tribunal ;

Constate que les témoins présentés par GASANA à sa décharge à savoir MURWANASHYAKA,BATUMANYEHO et AYIGIHUGU affirment que GASANA a eu à trancher une affaire de volde régimes de bananes à charge de RUVUZANDEKWE, mais qu’aucun d’entre eux n’affirmeque c’est effectivement RUVUZANDEKWE seul qui a fait arrêter GASANA et qu'ils ne disentrien

8ème feuillet.

sur les circonstances de la mort de MUKAKARASI Thérèse, que leurs témoignages n’ont doncaucun rapport avec les faits reprochés à GASANA ;

Constate que les deux témoins NZABAGERAGEZA et RIBAKARE présentés par GASANApour confirmer l’avoir vu se rendre à KINUNGA le jour de l’assassinat de MUKAKARASIThérèse et de ses enfants ont nié ces allégations et ont affirmé que l’intéressé n’avait d’ailleurspas de champ à KINUNGA ;Constate que les déclarations de GASANA renferment des contradictions dès lors qu’il dit d’unepart qu’il souffrait du pied à l’époque des faits et qu’il dit d’autre part être allé voir l’état de sesrécoltes, que cela démontre sans l’ombre d’un doute qu’il a participé au complot sur l’assassinatde MUKAKARASI et ses quatre enfants ;

Constate que toutes les infractions reprochées à GASANA sont établies à sa charge et ont étécommises en concours idéal, qu’elles le rangent dans la deuxième catégorie en vertu de la Loiorganique n°08/96 du 30/8/1996 ;

R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI

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Constate que les infractions de génocide et autres crimes contre l’humanité, d’association demalfaiteurs, d’assassinat, d’enlèvement et de dévastation du pays ne sont pas établies à charge deSEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean ;

Constate que NTAWUMENYUMUNSI qui plaide coupable dit avoir vu SEROMBA Michel làoù MUKAKARASI Thérèse a été débusquée, que l’intéressé le reconnaît lui aussi mais affirmes’être rendu sur les lieux en entendant des cris pour voir ce qu’il en était car il a cru que c'étaientles membres de sa famille que l’on venait de découvrir et qui étaient eux aussi recherchés ;

Constate par ailleurs que NTAWUMENYUMUNSI affirme avoir vu SEROMBA Michel à cetendroit, mais non parmi les gens qui ont conduit MUKAKARASI et ses enfants pour les noyerdans la NYABARONGO ;

Constate que SINARUHAMAGAYE réfute avoir été là où MUKAKARASI et ses enfants ontété débusqués et dit qu’il ne connaît même pas ceux qui les ont emmenés car il ignore quand lesfaits ont eu lieu, NTAWUMENYUMUNSI qui plaide coupable l’ayant par ailleurs disculpé ;

Constate que l’affirmation de SEROMBA Michel selon laquelle il aurait vuSINARUHAMAGAYE parmi les gens qui venaient de débusquer MUKAKARASI est fausse caril est clair que, comme SINARUHAMAGAYE l’a dit devant le Tribunal, un conflit les oppose,que sa déclaration ne peut être considérée comme véridique ;

Constate également que même le Ministère Public n’a pas rapporté de preuves tangibles sur laparticipation de SEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean dans l’attaque qui a coûté lavie à MUKAKARASI et ses 4 enfants ;

Constate que les témoignages recueillis et les preuves fournies par le Ministère Public neparviennent pas à lever le doute ;

9ème feuillet.

Constate que le doute profite au prévenu, qu’ainsi les infractions qui lui sont reprochées ne sontpas établies à sa charge tel que prévu par l’article 20 du Code de procédure pénale ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ET PUBLIQUEMENT ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise spécialement en ses articles 12, 25, 86,94 ;

Vu les Conventions internationales sur la répression et l’imprescriptibilité du crime de génocide ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Code d’organisation et compétence judiciairestel que modifié à ce jour, spécialement en ses articles 6, 7, 12, 76, 118, 119, 199, 200 et 201 ;

Vu la Loi du 23/2/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,spécialement en ses articles 16, 17, 20, 58, 76, 61, 71, 76, 83, 130, 138, 140 ;

R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI

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Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises à partir du1er/10/1990 spécialement en ses articles 1, 2, 4, 5, 10, 14, 15, 19, 20, 22 et 39 ;

Vu le Code pénal rwandais en ses articles 1, 2, 26, 45, 50, 89, 90, 91, 92, 93, 168, 281, 282, 283,311, 312, 388, 444 ;

Vu l’article 258 du livre II du Code civil ;

Déclare recevable l’action du Ministère Public car elle est régulière en la forme ;

Déclare l’action du Ministère Public partiellement fondée c’est à dire en ce qui concerneNTAWUMENYUMUNSI et GASANA qui sont coupables ;

Déclare non fondée l’action du Ministère Public en ce qui concerne SEROMBA etSINARUHAMAGAYE pour absence de preuves ;

Déclare NTAWUMENYUMUNSI et GASANA Appolinaire coupables ;

Condamne NTAWUMENYUMUNSI à 15 ans d’emprisonnement ;

Condamne GASANA Appolinaire à la peine d’emprisonnement à perpétuité et à la dégradationcivique ;

10ème feuillet.

Leur ordonne de payer les frais d’instance de 17.375 Frw dans le délai légal sous peine d’unecontrainte par corps de 60 jours suivie de l’exécution forcée sur ses biens ;

Déclare SEROMBA et SINARUHAMAGAYE innocents ;

Ordonne leur libération immédiate dès le prononcé ;

Dit que le délai d’appel est de 15 jours à dater du prononcé ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE AU TRIBUNAL DEPREMIERE INSTANCE DE RUSHASHI,CHAMBRE SPECIALISEE COMPOSEE DE :

JUGE : PRESIDENT : JUGE : GREFFIER :BUNDOGO I. MUBWIRIZA A. NSABAYEZU E. TUBONYAMAHORO (Sé) (Sé) (Sé) (Sé)

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DEUXIEME PARTIE

COURS D’APPEL

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COUR D’APPEL

DE

CYANGUGU

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N°13

Arrêt de la Cour d'appel de CYANGUGUdu

06 juillet 1999.

MUNYANGABE Théodore C/ Ministère Public.

ACQUITTEMENT – APPEL (ERREUR DE DROIT OU ERREUR DE FAITFLAGRANTE; ART. 24 L.O. DU 30/08/1996) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ART. 281, 282 ET 283 CP) – ATTENTAT AYANTPOUR BUT DE PORTER LA DEVASTATION, LE MASSACRE ET LE PILLAGE (ART. 168 CP) – CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DOUTESUR LA CULPABILITE (BENEFICE DU) – DROITS DE LA DEFENSE (DROIT A UNJUGEMENT MOTIVE ; DROIT DE CITER DES TEMOINS A DECHARGE ; DROITD'ETRE ASSISTE D'UN AVOCAT ) – INCITATION AU SOULEVEMENT DESCITOYENS LES UNS CONTRE LES AUTRES (ART. 166 CP) – NON ASSISTANCE APERSONNE EN DANGER – PREUVE ( ADMINISTRATION DE LA; INSUFFISANCEDE ; VALIDITE DE LA).

1. Moyens d'appel – conformité à l'article 24 Loi organique du 30/08/1996 – violation article36 Loi organique du 30/08/1996 (droits de la défense) – défaut de motivation de lacondamnation au pénal et au civil - appel recevable.

2. Examen au fond – témoignages – déclarations de parties civiles – élément intentionnel –absence de preuve – doute sur la culpabilité de l'appelant – acquittement.

1. Est déclaré recevable l'appel du prévenu interjeté dans les délais et basé sur des violations dela loi et des erreurs de faits flagrantes:

- Constitue une violation de l'article 36 de la Loi organique du 30/08/1996, le refus duTribunal d'accorder une remise au prévenu qui souhaite se faire assister par un avocat, untel refus le privant de son droit à la défense.

- Constitue une erreur grave et une violation de la loi, le fait pour le Tribunal de condamnerle prévenu à la peine de mort sans avoir au préalable établi les infractions mises à sa charge.

- Constitue une erreur grave et une violation de la loi, le fait pour le Tribunal de condamnerle prévenu au paiement de dommages et intérêts, sans en préciser ni les bénéficiaires, ni lefondement.

2. Procédant à l’examen au fond, la Cour constate que :

- L’accusation n’a pas été en mesure de renverser les témoignages selon lesquels le prévenu nese trouvait pas à KARAMBI quand les massacres s’y sont produits.

- Les témoignages sur lesquels le Ministère Public se fonde pour arguer de la responsabilité duprévenu dans les massacres de KARAMBI sont imprécis, indirects ou non pertinents. Un

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écrit accusateur en contradiction avec l’ensemble des autres témoignages ne peut être tenu pourprobant.

- Les témoignages recueillis indiquent que le prévenu s’est rendu à MIBIRIZI en étantmandaté par le Préfet qui avait été alerté de l’attaque qui s’y déroulait. Le fait qu’il y soitarrivé séparément du responsable des tueries, qu’il ait privilégié la voie de la négociation,qu’il ait quitté les lieux dans un autre véhicule que lui, et qu’il n’ait pas partagé la bière avecles tueurs permet de douter de la thèse selon laquelle il aurait agi en concertation avec eux. Ilapparaît qu’il n’a pas lancé l’attaque en question mais qu’au contraire, il a tenté d’en secourirles victimes.

- Le Tribunal ne pouvait valablement se fonder sur les seules déclarations des parties civiles.Leurs accusations selon lesquelles le prévenu aurait participé à la sélection des réfugiés àtuer au stade peuvent d’autant moins êtres tenues pour probantes qu’elles sont contredites parles témoignages de rescapés qui s’y trouvaient, témoins à décharge qui n’avaient pas étéentendus.

En l'absence de preuve fournies par le Ministère Public et les parties civiles, il subsiste un doutesur la culpabilité de l'appelant; il est acquitté de l'ensemble des infractions mises à sa charge.

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(Traduction libre)1er feuillet.

LA COUR D’APPEL DE CYANGUGU, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDEOU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE COMMIS A PARTIR DU 1er OCTOBRE1990, A RENDU AU DEGRE D’APPEL EN DATE DU 06/07/1999, L’ARRET DONT LATENEUR SUIT:

EN CAUSE: Le Ministère Public

CONTRE :

MUNYANGABE Théodore fils de SEBUHORO Innocent et de NYIRABIJE Anathalie, nédans la cellule NYAMAVUGO, secteur BUNYANGURUBE, commune GAFUNZO, préfectureCYANGUGU.

La Cour d'appel,

Vu que cette affaire a été déférée au premier degré à la Chambre spécialisée du Tribunal dePremière Instance de CYANGUGU en date du 27/01/1997, mettant en cause le Ministère Publiccontre MUNYANGABE Théodore poursuivi pour:

1. Avoir, à KARAMBI, secteur CYATO, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU,République Rwandaise, en date du 10/04/1994, incité la population à commettre le crime degénocide, infraction prévue par la Convention du 09/12/1948 relative à la prévention et à larépression du crime de génocide, la Convention du 26/11/1968 sur l'imprescriptibilité descrimes de guerre et des crimes contre l'humanité, infraction également prévue et réprimée parles articles 2 et 14 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation despoursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes contrel'humanité.

2. Avoir, à MIBIRIZI, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU, République

Rwandaise, en date du 18/04/1994, encadré et supervisé le génocide, infraction prévue etréprimée par ;

a) la Convention du 09/12/1948 relative à la répression du crime de génocide et laConvention du 26/11/1968 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimescontre l'humanité;

b) les articles 2 et 14 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation despoursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes contrel'humanité.

1. Avoir, à SHANGI, commune GAFUNZO, préfecture CYANGUGU, RépubliqueRwandaise, en date du 27/04/1994, et au Stade KAMARAMPAKA, commune KAMEMBE,en date du 16/04/1994, pris part au crime de génocide comme coauteur, infraction prévue etréprimée par :a) la Convention du 09/12/1948 et celle du 26/11/1968 ;b) les articles 2 et 14 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 ;

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2ème feuillet.

1. Avoir, au Stade KAMARAMPAKA, commune KAMEMBE, préfecture CYANGUGU,République Rwandaise, en date du 16/04/1994, à MIBIRIZI, commune CYIMBOGO,préfecture CYANGUGU, République Rwandaise, en date du 18/04/1994, ainsi qu’àSHANGI, commune GAFUNZO, préfecture CYANGUGU, République Rwandaise, en datedu 27/04/1994, été coauteur dans les crimes d'assassinats, infraction prévue et réprimée parles articles 89, 91, et 312 du Code pénal rwandais ;

2. Avoir, à KARAMBI, secteur CYATO, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU,

République Rwandaise, en date du 10/04/1994, été coauteur dans des actes de dévastation dupays par les massacres et le pillage, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 91 et168 du Code pénal rwandais ;

3. Avoir, au Stade KAMARAMPAKA, commune KAMEMBE, préfecture CYANGUGU,

République Rwandaise, en date du 16/04/1994, et à SHANGI, commune GAFUNZO,préfecture CYANGUGU, République Rwandaise, en date du 27/04/1994, fait partie desassociations de malfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux personnes, infractionprévue et réprimée par les articles 281 et 282 du Code pénal ;

4. Avoir, à KARAMBI, secteur CYATO, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU,

République Rwandaise, en date du 10/04/1994, provoqué des troubles dans le but de souleverles citoyens les uns contre les autres, infraction prévue et réprimée par l'article 166 du Codepénal ;

5. Avoir, à CYANGUGU, République Rwandaise, en date du 18/04/1994, lors d’une réunion

qui a eu lieu au bureau de la préfecture, et à SHANGI, commune GAFUNZO, préfectureCYANGUGU, République Rwandaise, en date du 27/04/1994, omis volontairement de porteraux personnes en péril l'assistance que, sans risque pour lui ni pour les tiers, il pouvait leurprêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours, infraction prévue etréprimée par l'article 256, 2° du Code pénal rwandais ;

Vu que l'affaire a été inscrite au rôle sous le n° RP 001/97/S2/CSC, qu’elle a été appelée auxaudiences respectives des 14/02/1997, 17/02/1997 et 18/02/1997 et que le jugement a étéprononcé en audience publique du 26/02/1997 de la manière suivante :

"Déclare que les infractions mises à charge de MUNYANGABE Théodore sont en concoursidéal et en concours réel et qu'elles ont été commises dans l’intention délictueuse unique dugénocide, que la peine encourue est celle prévue pour l'infraction la plus grave et ce, en vertu del'article 18 de Loi organique n° 08 du 30/ 08/1996 ;

"Déclare que les actes d’incitation de la population aux massacres et au génocide alors qu’il étaitune autorité au niveau préfectoral rangent MUNYANGABE dans la première catégorie sur basede l'article 2 a, b de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 ;

"Déclare que MUNYANGABE Théodore perd la cause ;

"Le condamne à la peine de mort et à la dégradation civique prévue à l'article 66, 2°, 3° et 4° duCode pénal rwandais ;

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"Le condamne au payement des dommages intérêts comprenant les dommages moraux et lesdommages matériels dont le montant total s’élève à 34.200.000 Frw, dans le délai légal, sinonexécution forcée sur ses biens;

3ème feuillet.

"Le condamne à 79.300Frw de frais de justice payables dans le délai légal sinon exécution forcéesur ses biens ;

"Le condamne au payement de 1.368.000Frw représentant le droit proportionnel de 4% dans ledélai légal sinon exécution forcée sur ses biens ;

Attendu que MUNYANGABE Théodore, non satisfait de ce jugement, a interjeté appel à la Courd'appel de CYANGUGU le 11/03/1997, que cet appel a été inscrit au rôle sous le n° RPA003/R1/97 ;

Vu l'ordonnance du Président de cette Cour prise en date du 09/07/1998 et fixant la dated’audience au 07/09/1998, que le Ministère Public n'ayant pas encore transmis ses conclusions àcette date, l'affaire est renvoyée au 16/12/1998, date à laquelle l'Officier du Ministère Public, parrequête écrite, demande que l'audience soit encore reportée pour lui permettre d’effectuer uneenquête, ceci coïncidant avec la requête également écrite portant sur la même demande par leConseil de MUNYANGABE, que l'audience est par la suite successivement remise aux dates des19/02/1999, 30/04/1999, 15/05/1999, 28/05/1999 et enfin au 29/06/1999, date à laquelle la Cour,statuant sur pièces, examine les conclusions écrites du Ministère Public qui, estimant l'appel deMUNYANGABE régulier parce qu’interjeté dans les délais légaux, considère cependant que laloi a été respectée et qu'il n’y a pas eu d'erreur de fait flagrante, demandant ainsi à la Cour dedéclarer cet appel irrecevable en la forme et de ne point statuer sur le fond ;

Attendu que dans ses conclusions, Maître Etienne BALLO, Conseil de MUNYANGABE, ditque l'appel de MUNYANGABE est intervenu dans le délai de 15 jours et qu'il doit être examinéaux motifs qu’il y a eu violation du droit du prévenu d’être assisté par un défenseur de son choixet que le Tribunal n’a pas fait droit à sa demande de faire entendre les témoins présentés à sadécharge, mais que les témoins à charge ont été admis à faire leurs dépositions alors qu’ilsavaient suivi en audience les moyens de défense de l'intéressé, que le Tribunal n’a pas motivé sadécision, qu’il a statué "ultra petita" et modifié les témoignages en attribuant à leurs auteurs desdéclarations qu’ils n’ont pas faites en audience publique ;

Attendu que dans ses conclusions, MUNYANGABE Théodore dit que ceux qui l'accusent nerapportent pas de preuves à l'appui de leurs affirmations, qu'il a au contraire fait échec à uneattaque qui était menée à KARAMBI, qu’il a également essayé de faire de même à MIBIRIZImais a échoué à cause de BANDETSE qui est arrivé en tirant alors qu’il n’était point deconnivence avec lui, que c'est pour leur sécurité qu'il a conduit à CYANGUGU en date du20/04/1994 les personnes qui se trouvaient à SHANGI et que cela a réussi comme le confirmentquelques-unes d'entre elles, qu'il n'a jamais été au stade KAMARAMPAKA au moment du triagedes victimes à tuer ;

Attendu également qu’en résumé, MUNYANGABE Théodore invoque dans ses conclusions lesmoyens ci-après :

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- qu'il ne s'est pas rendu à KARAMBI en date du 10/04/1994 mais qu’il y était plutôt le09/04/1994 et qu'il n'a tenu aucun discours malveillant,

- que ceux qui le mettent en cause sont des parties civiles qui intentent contre lui uneaction en dommages et intérêts, que leurs déclarations sont non seulement divergentesmais sont aussi contradictoires alors qu’ils affirment avoir appris les faits de la mêmesource d’information, MUKANTAMATI reconnaissant ne pas en avoir entendu parlerelle-même tandis que MUKARUTAZA Léocadie et NSABIMANA Berchmans ontinventé les faits qu’ils ont déclarés au Tribunal sans en avoir parlé lors de leurinterrogatoire au parquet,

- qu’il est allé à SHANGI parce que les sœurs religieuses avaient requis l’intervention desautorités et qu’il leur a envoyé des gendarmes en vue du maintien de la sécurité commel’affirment d’ailleurs quelques-uns de ceux qui le mettent en cause à l’exemple deMUKAMUGEMA Francine et de l’Officier du Ministère Public, cela étant la preuve qu'ilne voulait pas y semer des troubles,

- qu'il n'a eu aucune part de responsabilité dans les massacres du 18/04/1994 commis àl’encontre des personnes qui avaient cherché refuge à MIBIRIZI, qu'il y avait été envoyépar le conseil de sécurité préfectoral, suite à la demande de secours formulée par lesresponsables de la paroisse en faveur de ces personnes,

4ème feuillet.

- Qu'il est allé là en compagnie de Pierre KWITONDA seul et que BANDETSE et NGAGIles y ont rejoints, qu’ils ignoraient d’où venaient les intéressés et n’étaient pas deconnivence avec eux comme l'affirment ceux qui le chargent dont l’Abbé MUCYO,TWAHIRWA et les autres,

- Qu'il a, en compagnie de l’Abbé BONEZA Joseph qui hébergeait ces réfugiés, procédé àdes négociations avec les auteurs de l’attaque étant donné que c’était la seule voiepossible, et que c’est l’Abbé BONEZA qui a demandé que ces réfugiés retournent dansl’enceinte de la paroisse tel que confirmé par la déclaration de TWAHIRWA,

- Que c'est BANDETSE Edouard et NGAGI qui ont été à l’origine des massacres car ilssont arrivés en tirant au moment où il était en train de négocier avec les assaillants quiétaient prêts à revenir à la raison,

- Qu'il n'était pas en collusion avec les auteurs de l’attaque car il n'aurait pas commencépar négocier avec eux pendant tout ce temps si tel avait été le cas,

- Que l’Officier du Ministère Public n’a rapporté aucune preuve que le but de la réunion duconseil de sécurité préfectoral du 18/04/1994 était d’organiser le génocide comme il l'adit au Tribunal, le procès-verbal de cette réunion pouvant être retrouvé au Ministère del'Intérieur,

- Qu'il ne s'est pas rendu à MIBIRIZI en date du 20/04/1994, cela étant confirmé parNKURUNZIZA qui le charge cependant, ainsi que par les rescapés des massacrescommis à SHANGI qui affirment qu’il se trouvait plutôt à SHANGI à cette date, qu'iln'était pas non plus à SHANGI en date du 27/04/1994 comme RUTABURINGOGA l’a

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affirmé par erreur,

- Qu'il n'a pas commis d'infractions en date du 20/04/1994 à l’encontre des personnes quiavaient trouvé refuge à SHANGI car, s’y étant rendu à la demande des sœurs religieuses,il a pu, par la voie des négociations, faire échec à l’attaque qui s'y préparait,

- Que le fait d'amener à CYANGUGU 40 de ces personnes qui avaient cherché refuge àSHANGI était motivé par le souci de protéger celles qui sont restées sur place, que c’estparce qu’il estimait que rien ne leur arriverait qu'il a accepté de les y évacuer après leuravoir expliqué qu'il allait les conduire au stade KAMARAMPAKA où se trouvaientd'autres réfugiés, jugeant que leur sécurité serait assurée par les gendarmes,

- Qu’il est de notoriété publique que RWIGARA Samuel a été tué à son domicile et enterré

dans sa parcelle, qu’il n’avait aucune raison de le séparer des autres, - Qu'il n'a jamais trié des victimes à tuer parmi les personnes qui avaient cherché refuge au

stade, qu'il n'est mis en cause pour cette infraction que par deux personnes avec qui il esten litige, l’une d’elles n’ayant pas comparu au Tribunal pour témoigner car elle savaitqu'il s'agit d'un mensonge,

- Que c’est par crainte de la manifestation de la vérité que le parquet et le Tribunal ont

refusé d'entendre les personnes qui étaient sur les lieux des faits et qui ont vu tout ce quis'y est passé, notamment un agent de la Croix-Rouge qui enregistrait toutes les personnesqui y cherchaient refuge ainsi que quelques uns des rescapés qu'il a présentés commetémoins à décharge, de même que les responsables du Centre pastoral, qu'en outre, leparquet a mal interprété le témoignage de KAMONYO, essayant par là de conclure à saculpabilité,

- Que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de faits flagrantes notamment en allouant desdommages intérêts aux personnes n’ayant été victimes d’aucune infraction, auxbénéficiaires qui ne se sont pas constitués parties civiles (à l’exemple de HABINEZAJ.B), et en accordant plus qu'il n’a été demandé, le Tribunal ayant alloué à TWAHIRWAdes dommages intérêts de deux millions de francs alors qu’il n’a réclamé qu’un million,

- Que l’absence de la copie d'assignation dans le dossier prouve que la procédure n’a pas

été respectée,

- Qu'il a communiqué au Tribunal la liste des témoins qu’il souhaitait faire entendre maisque cela n'a pas été fait,

Attendu que les conclusions du Ministère Public renferment les moyens ci-après:

5ème feuillet.

- Que le Tribunal de Première Instance a accordé à MUNYANGABE Théodoresuffisamment de temps pour présenter ses moyens de défense,

- Que MUNYANGABE Théodore, BANDETSE Edouard et KWITONDA Pierre ont agi

comme coauteurs car ils avaient tous l’intention d'exterminer les Tutsi qui avaientcherché refuge à la Paroisse de MIBIRIZI, surtout que c'est MUNYANGABE qui, par

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ruse, a détourné les Tutsi de leur point stratégique ( où ils avaient amassé des pierres dontils devaient se servir pour repousser ceux qui les ont attaqués) sous prétexte denégociations, ce qui a permis à BANDETSE et d'autres assassins de les attaquer et lesexterminer, que partant, le moyen invoqué par MUNYANGABE selon lequel le Tribunall’a condamné pour des infractions qui ont été commises par d'autres et qui par conséquentdevraient en répondre n’est pas fondé,

- Qu'il ne peut pas se prévaloir d’avoir été privé du droit de répliquer aux dépositions faites

au Tribunal par les témoins présentés par le Ministère public, car il revient au Tribunald’apprécier l’admissibilité et la pertinence des témoignages;

- Que MUNYANGABE ment en disant que le Tribunal a omis délibérément d'entendre les

témoins présentés à sa décharge car le Tribunal n’avait aucune raison de refuser de lesentendre ;

- Que MUNYANGABE disposait de beaucoup de moyens pour empêcher la perpétration

des tueries en raison de sa qualité d’autorité au niveau préfectoral qui était fort appréciétant par les instances dirigeantes que par la population, si bien que c’est lui qui étaitenvoyé là où il y avait des difficultés dans l'extermination des Tutsi et en revenait aprèsavoir résolu ces difficultés,

- Qu’aucune des huit infractions à sa charge n’est dépourvue de preuve irréfutable, que

partant tous les moyens d'appel de MUNYANGABE sont non fondés,

- Que relativement au moyen invoqué par le Conseil de MUNYANGABE qui dit que lesdroits de la défense ont été bafoués en ce que son client n’a pas été assisté par undéfenseur de son choix, le Ministère Public estime que lors du procès deMUNYANGABE, la route menant à CYANGUGU n'était pas fréquentée à cause del'insécurité qui régnait dans la région;

- Qu’il n’est pas fondé de dire que son client n’a pas été informé des préventions mises àsa charge ainsi que de la date et du lieu des faits incriminés, car MUNYANGABE a eutoutes ces informations tant sur la citation à comparaître que dans la copie du jugement,

- Que le moyen arguant de la modification des témoignages par le Tribunal n’est pas fondécar celui-ci ne saurait être partial jusqu’à déformer les témoignages reçus en audiencepublique,

- Qu’est également non fondé le moyen selon lequel le Tribunal a statué "ultra petita" encondamnant MUNYANGABE pour des infractions n’ayant pas été mentionnées sur lacitation à comparaître car le prévenu a été poursuivi du chef de huit préventions surlesquelles il a présenté sa défense pendant huit jours, que le fait pour le Conseil deMUNYANGABE de se fonder sur les dates des faits n’apporte aucun changement sur lesactes pour lesquels MUNYANGABE est poursuivi et ne les réfute nullement, sinon endonner une autre image,

- Qu’ainsi, par ces motifs, l'appel de MUNYANGABE est régulier car interjeté dans lesdélais, mais qu’il n’est pas fondé et qu’à cet égard, le jugement querellé doit êtreconfirmé ;

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Attendu que dans ses conclusions, l'Officier du Ministère Public dit qu’il n’y a pas lieud’examiner le témoignage écrit de KAMATALI Daniel au motif que, comme il l’a déjà dit dansses conclusions précédentes, la loi a été respectée et qu’il n'y a pas eu d'erreur de fait flagrante,que dans ce témoignage, KAMATALI Daniel parlait des bienfaits de MUNYANGABE à leurégard quand ils étaient à SHANGI, affirmant qu'il les a défendus pour qu’ils ne soient pas tués etce, même après leur arrivée à CYANGUGU;

Constate que MUNYANGABE Théodore a été privé du droit d’être assisté par un avocat de sonchoix tel que prévu à l'article 36 de la Loi organique du 30/08/1996 car, il ressort du procès-verbal d’audience du 14/02/1997, que le Tribunal a refusé de faire droit à sa demande de reportd’audience en vue de lui permettre de plaider en présence de son Conseil ;

6ème feuillet.

Constate que la Chambre spécialisée du Tribunal de Première Instance a condamnéMUNYANGABE Théodore à la peine de mort sans avoir préalablement indiqué les infractionsétablies à sa charge, et l'a condamné également au payement des dommages intérêts comprenantdes dommages moraux et matériels s’élevant à 34.200.000Frw sans en préciser les bénéficiaireset le fondement, qu'il y a eu ainsi violation de la loi et que des erreurs flagrantes de faits ont étécommises, que partant, il doit être statué sur le fond de cet appel du prévenu ;

Constate que contrairement à l’accusation du Ministère Public et à la condamnation consécutiveprononcée par le Tribunal, MUNYANGABE ne s'est pas rendu à KARAMBI en date du10/04/1994 pour inciter la population à commettre le génocide car, comme le confirment destémoins dont le nommé MUGENZI qui met le prévenu en cause, l’intéressé se trouvait àSHANGI à la date indiquée, le Ministère Public ayant été en défaut de prouver queMUNYANGABE se trouvait simultanément à KARAMBI et à SHANGI à cette date et auxmêmes heures ;

Constate que le prévenu est arrivé à KARAMBI le 09/04/1994 car sa déclaration concorde à cesujet avec celles des plaignants figurant dans la lettre du14/03/1995, mais qu'aucune preuve nevient étayer que des discours tendant à soulever les citoyens les uns contre les autres y ont étéprononcés à cette date ou qu'il y a eu des tueries car c'est à cette même date qu'il y a affecté desgendarmes en vue du maintien de la sécurité, et que par ailleurs, il est clair que le contenu de lalettre du 14/03/1995 à sa charge ne relève que d’une pure invention dès lors qu’il diffère desdéclarations faites devant l’Officier du Ministère Public par quelques-uns de ses signataires àl’exemple de MUKAMUGEMA Francine, MUKAYITESI Immaculée et d’autres, certains ayantaffirmé ne pas avoir quitté le milieu rural et ne rien savoir sur les tueries qui ont eu lieu àMIBIRIZI, tout comme ils ne connaissent pas autrement MUNYANGABE Théodore sinon qu'ilsont entendu dire que l’intéressé était Sous-Préfet ;

Constate que c’est en date du 08/04/1994 que MUNYANGABE Théodore s'est rendu àMIBIRIZI comme l'affirme l’un des prêtres qui étaient à MIBIRIZI en la personne de l’AbbéMUCYO Antoine qui déclare qu'une attaque y a été menée à cette date, et qu'ils ont directementtéléphoné au Préfet BAGAMBIKI Emmanuel qui a envoyé le Sous-Préfet MUNYANGABEThéodore en compagnie du Député KWITONDA Pierre, cela étant également confirmé par laSœur Maman Adeline MUKAZANA dans son témoignage écrit du 03/06/1997 qui déclare que leprêtre BONEZA et les sœurs religieuses de MIBIRIZI lui ont téléphoné, lui apprenant qu'ils

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étaient assiégés par une attaque d’envergure, qu'elle en a elle aussi directement avisé le Préfetpar téléphone, qu’il lui a répondu que cette demande de secours était bien parvenue à destinationet qu'il allait y avoir une intervention, que le conseil de sécurité a alors décidé d'envoyerMUNYANGABE Théodore et sa suite, qu'ainsi donc l'attaque était déjà en cours sur les lieux etn’y a pas été menée par MUNYANGABE Théodore qui n’est intervenu que pour porter secours,que par ailleurs, la Cour ne peut se fonder sur aucun élément de preuve pour affirmer que leconseil de sécurité a envoyé le prévenu avec mission d’exterminer ceux qui avaient demandésecours, le Ministère Public lui-même qui l'affirme n'ayant pas pu produire le procès-verbal duditconseil de sécurité pour en établir la preuve ;

Constate que MUNYANGABE Théodore a été envoyé en qualité de délégué de l’autoritépréfectorale, que KWITONDA Pierre représentait le parti politique MDR tandis queBANDETSE Edouard représentait la formation politique du MRND, mais qu'ils ne sont paspartis à bord d’un même véhicule et qu'ils ne sont pas arrivés en même temps sur les lieux ;

Constate que MUNYANGABE et KWITONDA sont arrivés à la paroisse de MIBIRIZI enavance et que, après concertation avec le Curé de la paroisse en la personne de l’Abbé BONEZAJoseph qui hébergeait les personnes menacées, et après avoir examiné comment empêcher lesmiliciens Interahamwe d’exterminer ces personnes, ils ont opté pour la négociation car elle étaitla seule voie possible dès lors qu’ils n’avaient pas à leur disposition des forces de sécurité etencore moins d’autres moyens, quelques-unes des personnes rescapées, dont notamment lanommée NYIRAZANINKA, ayant confirmé que l’intéressé prêchait la paix à son arrivée et quec’est pour cette raison qu’elles ont d’ailleurs accepté de se regrouper dans l’enceinte de laparoisse sur proposition du curé, qu'il subsiste ainsi un doute quant à la mauvaise foi prétenduedont MUNYANGABE Théodore aurait usé pour rassembler les victimes afin de les exterminer ;

7ème feuillet.

Constate qu’au moment où MUNYANGABE Théodore essayait de convaincre les auteurs del’attaque de renoncer à leur projet criminel et d’adopter une attitude pacifique en vue de larestauration de la sécurité, BANDETSE Edouard, également envoyé pour la pacification, estarrivé par après en compagnie du nommé NGAGI qui ne faisait point partie des membres de ladélégation, qu’ils ont directement tiré sur les victimes sans rien dire à MUNYANGABE etKWITONDA ou aux prêtres qui hébergeaient ces réfugiés, que MUNYANGABE etKWITONDA se sont immédiatement sauvés et ont regagné CYANGUGU pour en faire part àl’autorité, et que quand MUNYANGABE l'a dit au préfet, celui-ci lui a répondu avoir déjà apprisla nouvelle ;

Constate que, MUNYANGABE Théodore et BANDETSE Edouard n’étant pas partis à bordd’un même véhicule, que les deux n'ayant pas regagné CYANGUGU ensemble, queMUNYANGABE et KWITONDA Pierre n'ayant pas partagé avec BANDETSE Edouard lesboissons que ce dernier a offert à ceux qui venaient de l'aider dans ses actes ignobles, dont lenommé NGAGI qui n’était pas membre de la délégation et qui a été le premier à tirer sur lesvictimes, il subsiste un doute sérieux sur la connivence prétendue entre le prévenu et ces tueurs,surtout que le lendemain des faits, MUNYANGABE a téléphoné à l’Abbé BONEZA Josephpour lui dire qu’il avait passé une nuit blanche, bouleversé par les massacres des victimesinnocentes, ce sentiment ayant par ailleurs été confirmé par l’Abbé Antoine MUCYO qui s’estentretenu avec l’intéressé à ce sujet quand ils se sont rencontrés à KIGALI, entretien au coursduquel le prévenu a également dit à l’Abbé Antoine MUCYO qu’il a été aussi fortement ébranlé

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par l’assassinat de l’Abbé BONEZA ;

Constate que, contrairement aux accusations portées contre lui, MUNYANGABE Théodore n'estpas retourné à MIBIRIZI le 20/04/1994 pour prendre part aux actes d'assassinats, cela étantprouvé par les témoignages des personnes qu'il a amenées de SHANGI à cette date, dontNKURUNZIZA J. Pierre ;

Constate qu’à cette date du 20/04/1994, MUNYANGABE Théodore a été envoyé à SHANGIsuite à l’appel au secours adressé à l’autorité préfectorale par les Sœurs religieuses et qu’il a, àson arrivée sur les lieux, dirigé une réunion au cours de laquelle il a été décidé d’évacuer àCYANGUGU les personnes que les miliciens Interahamwe accusaient ouvertement d’être enpossession d’armes fournies par les INYENZI/INKOTANYI et de créer un climat d’insécurité enmilieu rural pendant la nuit, car on était en droit de croire qu’elles seraient en sécurité au stadeKAMARAMPAKA de CYANGUGU qui était gardé ;

Constate que toutes les 40 personnes que MUNYANGABE a amenées de SHANGI au stadeKAMARAMPAKA ont échappé au génocide comme le confirment KAMATALI Daniel etNKURUNZIZA J. Pierre, ainsi que d'autres qui étaient avec eux ;

Constate que ce n’est pas en date du 27/04/1994 que MUNYANGABE est allé à SHANGI d'où ila amené 40 personnes, que cela a plutôt eu lieu le 20/04/1994 comme le confirment lesintéressés, que ce n'est pas non plus MUNYANGABE Théodore qui les a choisies parmi lesautres, mais qu'elles ont été citées par ceux qui, étant à la tête de l’attaque, voulaient s’en prendreà elles, tout cela ayant été confirmé par RUTABURINGOGA Aloys dans son audition du17/01/1997 par l’Officier du Ministère Public et par le rescapé RUDAKUBANA Ephrem qui ontaffirmé tous que c’est grâce au Sous-préfet MUNYANGABE qu’ils ne sont pas morts car, nonseulement il les a évacués de SHANGI, mais il les a également sortis de la brigade de RUSIZI oùils étaient détenus et battus, pour les conduire au stade KAMARAMPAKA où ils ont puéchapper aux massacres ;

Constate que BUSHIRU Gaëtan est partie adverse de MUNYANGABE à qui il réclame desdommages matériels suite à la perte de ses biens qui ont été soit endommagés soit pillés par lesmiliciens Interahamwe, et qu'à cet égard, il affirme l'avoir vu au stade KAMARAMPAKA endate du 16/04/1994 en compagnie du préfet et d’autres en train de trier les victimes à tuer, maisqu’il n’en rapporte pas la preuve surtout que MUNYANGABE réfute les faits et que, tout enreconnaissant avoir été au stade à trois reprises, il en indique les raisons précises à savoiraccompagner le délégué du CICR venu de BUKAVU, y conduire les personnes qu’il venaitd’évacuer de SHANGI, et y chercher les clés de l'Ecole Normale Pédagogique de MURURU quiétaient entre les mains de la secrétaire de cette école qui y avait cherché refuge, que le voisin etami de BUSHIRU en la personne de KAYUMBA Sébastien met lui aussi le prévenu en causesans pouvoir cependant rapporter la preuve que l’intéressé est arrivé au stadeKAMARAMPAKA en date du 16/04/1994

8ème feuillet.

en compagnie des personnes qui, semble-t-il, étaient envoyées par le conseil de sécurité de lapréfecture pour trier les victimes à tuer, car il est établi que la réunion dudit conseil de sécurités’est tenue le 18/04/1994, date à laquelle MUNYANGABE a été envoyé à MIBIRIZI ;

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Constate que MUNYANGABE nie avoir été au stade le 16/04/1994 et a présenté des témoins quiétaient au stade à cette époque dont GATETE Gilbert mais qui n'ont pas été entendus, que dansson témoignage écrit du 17/06/1994, le Sous-Préfet KAMONYO affirme que MUNYANGABEne faisait pas partie des personnes qui sont allées au stade pour trier les victimes à tuer ;

Constate que les parties civiles ont été présentées comme témoins à charge et que c’est sur basede leurs témoignages que le Tribunal a rendu un jugement de condamnation à l’encontre deMUNYANGABE Théodore, qu'il est clair que le Ministère Public et les parties civiles n’ont pasrapporté la preuve de la culpabilité de MUNYANGABE, à l’exemple du nommé SIBOMANACharles, né à MURURU, commune CYIMBOGO qui, tout en affirmant faire partie despersonnes qui avaient cherché refuge à SHANGI quand MUNYANGABE s’y est rendu en datedu 20/04/1994, n’a cependant pas été interrogé par le Ministère Public et n’a pas été entendu lorsdes débats en audience publique, qui n'a comparu qu'à la date où il a réclamé les dommagesintérêts alors qu’il ne s’était pas constitué partie civile, et dont le nom a été enregistré en bas dela déclaration de NZISABIRA Joseph tout en apposant sa signature à la place réservée àNGARAMBE Alphonse à cet effet ;

Constate que, tel que cela a été confirmé par ses voisins, RWIGARA Samuel qui faisait partiedes personnes que MUNYANGABE a évacuées de SHANGI a débarqué du véhicule qui lestransportait à CYANGUGU et que, arrivé chez lui en milieu rural, il a été tué par les miliciensInterahamwe ;

Constate que la raison pour laquelle MUNYANGABE n'a pas laissé NKURUNZIZA J. Pierre enchemin est qu'il n'y avait pas de sécurité, que c'est pourquoi il a demandé qu'ils partent à bordd’un même véhicule alors que toutes les personnes qui étaient pourchassées se dirigeaient dansleur fuite au stade où elles espéraient se retrouver en sécurité, que s'il avait voulu le tuer ou lefaire tuer, il ne l’aurait pas conduit jusqu’à l’endroit où d'autres réfugiés s’étaient rassembléssous l'assistance de la Croix Rouge (CICR) ;

PAR TOUS CES MOTIFS, STATUANT SUR PIECES ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise, spécialement les articles 25, 26 et 33 duProtocole des Accords de paix d'Arusha sur le partage du pouvoir, et les articles 12,14 de laConstitution de la République Rwandaise du 10/06/1991 ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 du 07/07/19980 portant organisation et compétence judiciaires,spécialement en ses articles 13, 18, 109, 199 et 200 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,spécialement en ses articles 16, 19, 20, 83, 86 ;

Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l'organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou des crimes contre l'humanité commises depuis le01/10/1990, spécialement en ses articles 24,36 et 39 ;

9ème feuillet.

Déclare recevable l'appel de MUNYANGABE Théodore car interjeté dans les délais légaux etdéclare qu’il doit y être statué sur le fond car il est fondé sur les questions de droit, l’intéressé

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ayant été privé du droit d'être assisté par un défenseur de son choix, ainsi que sur des erreurs defaits flagrantes consistant en la condamnation du prévenu sans que le Tribunal se soit d’abordprononcé sur les infractions établies à sa charge et en la condamnation au payement de34.200.000Frw de dommages intérêts sans indiquer les bénéficiaires et le fondement de cesdommages et intérêts ;

Déclare que MUNYANGABE Théodore s'est rendu à KARAMBI le 09/04/1994 et y a laissé lesgendarmes chargés d’assurer la sécurité comme dit dans les exposés des motifs, et qu’en date du10/04/1994, il était à SHANGI comme l'ont confirmé les témoins dont le sieur MUGENZIEpimaque qui témoigne à sa charge;

Déclare que le 18/04/1994 MUNYANGABE Théodore s'est rendu à MIBIRIZI, non pour ymener une attaque, mais pour aller au secours de ceux qui l’avaient demandé, et qu'il a essayé decalmer les Interahamwe qui y menaient une attaque, ce qui laisse subsister un doute sérieuxquant à la connivence entre MUNYANGABE et ces miliciens, ainsi qu'avec BANDETSEEdouard, dans le but de commettre les massacres ;

Déclare que le 20/04/1994 MUNYANGABE Théodore était à SHANGI dans la communeGAFUNZO en réponse à l’appel au secours des sœurs religieuses qui hébergeaient les réfugiésmenacés par les Interahamwe, qu'il a, après y avoir dirigé une réunion de sécurité, évacué 40réfugiés qui ont été conduits au stade KAMARAMPAKA à CYANGUGU où l’on espéraitqu’elles seraient en sécurité, qu'il n'est nullement arrivé à MIBIRIZI en commune CYIMBOGOà cette date comme le confirment tous les rescapés qu’il a évacués de SHANGI;

Déclare que MUNYANGABE n'est pas allé au stade le 16/04/1994 en compagnie des personnesqui ont trié les victimes à tuer, car BUSHIRU Gaëtan et KAYUMBA Sébastien n’en ont rapportéaucune preuve ;Déclare MUNYANGABE Théodore acquitté des infractions mises à sa charge pour défaut depreuves et au bénéfice d’un doute sérieux ;

Déclare non fondée l’action civile intentée en cette affaire ;

Déclare que MUNYANGABE Théodore obtient gain de cause, que le Ministère Public perd lacause et que les parties civiles sont déboutées;

Dit que les frais de justice sont mis à charge du Trésor public;

Dit que le jugement R.P.001/97/CSC rendu par la Chambre spécialisée du Tribunal de Premièreinstance de CYANGUGU en date du 26/02/1997 est infirmé;

AINSI ARRETE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 06/07/1999 PAR LACOUR D'APPEL DE CYANGUGU, STATUANT SUR PIECES, DONT LE SIEGE ESTCOMPOSE DE : NZABONIMANA Cassien, PRESIDENT, MANGARA Pontien, VICE-PRESIDENT, ET RUDAHANGARA Jean, CONSEILLER, EN PRESENCE DEL'OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC RUSHINGANA Justin ET DU GREFFIERGATERA NYAKAGABO Charles.

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Vice-Président Président ConseillerMANGARA Pontien NZABONIMANA Cassien RUDAHANGARA Jean Sé Sé Sé

Greffier GATERA NYAKAGABO Charles

271

COUR D’APPEL

DE

DE KIGALI

272

273

N°14

Arrêt de la Cour d’appel de Kigalidu

26 décembre 2000.

Ministère Public C/ KAYIJUKA Célestin.

APPEL (DELAI ; RECEVABILITÉ ; ART. 24 L.O. 30/08/1996 ; ERREUR DE DROIT) –ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET283 CP) – CATEGORISATION (2ème CATEGORIE : ART. 2 L.O. 30/08/1996) –COMPLICITE (ARTS. 89 ET 91 CP) – CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTREL’HUMANITE – DISJONCTION DE L’ACTION CIVILE – DROITS DE LA DEFENSE –PEINE (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE ; DEGRADATION CIVIQUE) –PROCEDURE D’AVEU DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (DROIT D’ETREINFORME ; ART. 4 al.2 L.O.) – VIOLATION DE DOMICILE (ART. 304 C.P.).

1. Appel du prévenu – respect du délai légal (art. 24 L.O. 30/08/1996) - appel portantsur une question de droit – défaut d’information du droit de recourir à la procédured’aveu et de plaidoyer de culpabilité (art.4 al.2 L.O. 30/08/1996) – appel recevable(art.24 C.P.) – renvoi au Parquet pour respect du prescrit légal.

2. Examen au fond – refus de recourir à procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité– droits de la défense – nouvelles conclusions.

3. Peine – absence de recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité –appel non fondé - condamnation confirmée.

1. Est déclaré régulier quant aux délais, l’appel du prévenu intervenu 13 jours après leprononcé du jugement. L’appel est recevable, le fait que ne figure pas au dossier lapreuve que le prévenu aurait été informé de son droit et de l’intérêt qu’il avait derecourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité constituant une erreur dedroit au sens de l’article 24 de la Loi organique du 30/08/1996. Le dossier estrenvoyé au Parquet, afin que le prescrit de l’article 4 al.2 de la Loi organique soitrespecté.

2. La Cour d’appel procède à l’examen du dossier au fond après que le prévenu aitformellement refusé de recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité.Après avoir entendu le rapport du Conseiller rapporteur, la Cour d’appel offre à ladéfense la possibilité de déposer de nouvelles conclusions.

3. Aucune réduction de peine ne peut être accordée au prévenu reconnu coupable, dèslors qu’ayant été admis à avouer et à plaider coupable, il y a renoncé. Le jugement duTribunal de première instance est confirmé.

274

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

275

(Traduction libre)1er feuillet.

LA COUR D’APPEL DE KIGALI, SIEGEANT A KIGALI EN MATIERE DEGENOCIDE OU CRIMES CONTRE L’HUMANITE A RENDU EN AUDIENCEPUBLIQUE L’ARRET DONT LA TENEUR SUIT :

APPELANT : KAYIJUKA Célestin fils de MUTURA et MUKANDUTIYE, né en 1958 àGAHENGERI – BICUMBI- KIGALI NGALI, marié à KABAGENI, père de 3 enfants, sansantécédents judiciaires connus.

CONTRE : MINISTERE PUBLIC.

PREVENTIONS :

Avoir, dans le secteur GAHENGERI, Commune BICUMBI, Préfecture de KIGALI-NGALI,République Rwandaise, entre Octobre 1990 et Juillet 1994, en compagnie de MUYANGE,NDARUHUTSE, NZABONARIBA, GAHIGI et l’ex-conseiller NTIYAMIRA Denis nonautrement identifiés ainsi que d’autres, comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu parla Loi organique n°08/96 du 30/0/96 en son article 3 et par les articles 89, 90 et 91 du Code pénallivre I, commis le crime de génocide ou des crimes contre l’humanité prévus par la Conventioninternationale du 09/12/1948 sur la répression du crime de génocide, la convention de Genève du12/08/1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre et les ProtocolesAdditionnels, ainsi que par la Convention du 26/11/1968 sur l’imprescriptibilité des crimes deguerre et des crimes contre l’humanité, toutes trois ratifiées par le Rwanda, infractions prévues etréprimées par les articles 14 et 2 catégorie 1c de la Loi organique du 30/08/96 ;

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur ou complice tel queprévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, formé une association de malfaiteurs quise comportait en milice, infraction prévue et réprimée par les articles 282 et 283 du Code pénallivre II ;

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur ou complice,volontairement commis des actes de participation criminelle dans l’assassinat deRWASUBUTARE, MUHIRE, KABUBARE, MUKAGASANA, MUKANYARWAYA, Thérèseet deux enfants, Collette, infraction prévue par les articles 89, 90, 91 du Code pénal livre I et 312du Code pénal livre II ;

S’être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, introduit dans les domiciles d’autruisans leur permission et hors les cas où la loi le permet, infraction prévue et réprimée par l’article304 du Code pénal livre II ;

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

276

2ème feuillet.

Vu qu’après l’instruction préparatoire par le parquet près le Tribunal de Première Instance deKIGALI, le Premier Substitut a transmis au Tribunal pour fixation le dossier RMP6219/S11/NG/PRORE à charge de KAYIJUKA, que l’affaire a été inscrite au rôle sous len°RP027/CS/Kig, que les débats en audience ont eu lieu le 30/09/1997 pour voir le jugementprononcé en date du 24/10/1997 dans les termes ci-après ;

« Déclare recevable l’action du Ministère Public car régulière en la forme et la dit fondée ;

« Déclare établies à charge de KAYIJUKA les infractions qui lui sont reprochées ;

« Le condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité ;

« Le condamne à la dégradation civique prévue à l’article 66 points 2, 3, 5 du Code pénal àsavoir la privation du droit de vote, d’élection, d’éligibilité et, en général, de tous les droitsciviques et politiques et du droit de porter des décorations, l’incapacité d’être expert, témoindans les actes, et de déposer en justice autrement que pour donner de simples renseignements, laprivation du droit de port d’armes, du droit de servir dans les forces armées, de faire partie de lapolice, de tenir école, d’enseigner et d’être employé dans aucun établissement d’instruction àtitre de professeur, de moniteur, de maître ou de surveillant ;

« Lui ordonne de payer 3.250 Frw de frais d’instance dans le délai légal et édicte une contraintepar corps de 30 jours suivi de l’exécution forcée sur ses biens,

« Dit que le prononcé a lieu tardivement à cause du grand volume d’activités des juges ;

Vu qu’après notification du jugement aux parties, KAYIJUKA n’en a pas été satisfait et a relevéappel à la Cour d’appel de KIGALI en date du 07/11/1997, que cet appel a été inscrit au rôlesous le n° RPA 28/97/R1/Kig ;

Vu l’ordonnance du Président de la Cour d’appel de KIGALI fixant la date d’audience au30/04/1998 ;

Vu que l’exploit de signification de cette date a été envoyé aux parties ;

Vu que l’audience n’a pas eu lieu à cette date et a été reportée au 18/06/1998 et au 30/07/1998aux motifs respectifs de l’absence de l’Officier du Ministère Public et de non signification auprévenu, qu’elle a été une fois encore reportée au 17/09/1998, mais qu’elle n’a pas eu lieu nonplus au motif que l’un des magistrats a été appelé à d’autres fonctions, qu’elle a été remise au16/10/1998, date à laquelle le Ministère public est représenté par MUDAHERANWA S.J., leConseil du prévenu n’ayant pas comparu, que le Président du siège demande au greffier de fairel’énoncé de l’identité du prévenu et des préventions à sa charge ;

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

277

3ème feuillet.

Attendu que la parole est donnée au conseiller rapporteur qui dit que, par lettre n°A/25/RMP6219/S11/NG/PRORE du 16/06/1997, le Premier Substitut Près le Tribunal de Première Instancede KIGALI, KALISA Pascal, a transmis pour fixation le dossier RMP 6219/S11/NG/PRORE àcharge de KAYIJUKA C. lequel a été inscrit au rôle sous le n° RP 027/CS/KIG, que le Présidentde la Chambre Spécialisée a pris l’ordonnance fixant la date d’audience au 20/08/1997, qu’acette date, le Ministère Public était représenté par KALISA Pascal mais que KAYIJUKA ademandé le report d’audience en vue de lui permettre de chercher un conseil ;

Que l’audience a été reportée au 30/09/1997, qu’à cette date KAYIJUKA a comparu assisté parMe Absi HAMANI, le Ministère public étant représenté par NZIBONERA, que Me AbsiHAMANI a sollicité la remise de l'audience au motif qu’il n’avait pas pu lire le dossier qui luiest parvenu juste avant le début de l’audience et qu’il n’a pas pu s’entretenir avec son clientKAYIJUKA ;

Que le Tribunal a estimé non fondés les motifs invoqués et a décidé de siéger ;

Que l’audience a eu lieu à cette date et que, dans son jugement, le Tribunal s’est fondé sur lesmotifs suivants ;

- Association de malfaiteurs ; cette infraction est établie à charge de KAYIJUKA car il a étévu dans différentes attaques, dont les membres portaient des armes traditionnelles dont lesmachettes et les massues, ceci étant affirmé par des témoins oculaires qui disent l’avoir vu encompagnie des malfaiteurs, faits qu’il a initialement réfutés, mais a fini par reconnaître, lorsde l’enquête faite par le Tribunal, que ces malfaiteurs et lui se connaissaient, qu’ils étaientd’ailleurs ses voisins.

- Participation criminelle dans l’assassinat de personnes, fait qu’il a avoué devant le Ministèrepublic mais qu’il a contesté en audience ; cette infraction est établie à sa charge car il a étéétabli lors des enquêtes effectuées par le Tribunal, que KAYIJUKA a personnellement sortiRWASUBUTARE de sa maison et que lui et ses coauteurs l’ont tué à coups de massues ; parailleurs, l’assassinat de MUKANYARWAYA Thérèse et son petit enfant, ainsi qu’un autreenfant nommé KABWA est établi à sa charge étant donné que c’est lui qui les a dénichésdans un champ de sorgho et les a tués après leur avoir pris un poste de radio tel que cela estconfirmé par la personne qui était cachée par l’épouse de KAYIJUKA et qui le voyait de trèsprès.

- Violation de domiciles : cette infraction est établie par le fait de sortir RWASUBUTARE desa maison et celui d’être allé chercher chez HABARUGIRA la nommée Florida, fille deNAMANI, pour la tuer.

- Génocide : toutes ces infractions ayant été commises à l’encontre des Tutsi sans motif autreque le but de les exterminer, l’infraction de génocide est établie à sa charge ; ces infractionssont en concours et le rangent dans la deuxième catégorie, il doit ainsi être puni des peinesprévues à cet effet ; l’action civile est disjointe car KAYIJUKA n’est pas rattaché à lapremière catégorie ;

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

278

Attendu que le Conseiller rapporteur poursuit en parlant de l’appel et dit que l’affaire RP027/CS/Kig est passée en audience du 13/10/1997, que le prononcé du jugement a eu lieu le24/10/1997 ;

4ème feuillet.

Que Me Daniel WEBER en a relevé appel par lettre du 06/11/1997 adressée au Président de laCour d’Appel, lettre reçue au greffe de la Cour en date du 07/11/1997, que cet appel deKAYIJUKA a été inscrit au rôle sous le n° RPA 28/97/R1/Kig ;

Attendu qu’aux termes de l’article 24 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 surl’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimescontre l’humanité commises à partir du 1er octobre 1990, le délai d’appel contre les jugementsrendus par les Chambres spécialisées des Tribunaux de Premières Instance est de 15 jours, quel’appel de KAYIJUKA a été inscrit au rôle de la Cour d’Appel de KIGALI 13 jours après lejugement entrepris, qu’il n’est donc pas tardif ;

Attendu que concernant les moyens d’appel, le conseiller rapporteur dit que dans sa lettre du06/11/1997, Me D.WEBER, Conseil de KAYIJUKA, promettait de communiquer les moyensd’appel dès qu’il aurait à sa disposition la copie du jugement attaqué, et qu’en date du 23/04/98,Me KONARE TIECORO a déposé les conclusions contenant leurs principaux griefs relatifs à laviolation des dispositions légales ci-après ;

- en vertu de l’article 4 alinéa 2 de la Loi n°08/96 du 30/08/96, l’Officier du Ministère Publicchargé de l’instruction devait informer KAYIJUKA C. de son droit et de l’intérêt de recourirà la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, et en faire mention dans un procès-verbal ;

- l’article 90 du Code de procédure pénale prescrit que tout jugement doit indiquer le délaid’appel prévu par la loi, mais cette indication essentielle ne figure pas dans le jugement dontil est fait appel et, qu'à cet égard, la Cour d’appel doit examiner le fond de l’affaire ;

Attendu que dans les conclusions du Ministère Public, l’Officier du Ministère publicMUDAHERANWA Sande John dit que l’appel de KAYIJUKA est recevable car il a été interjetédans les délais, mais qu’il n’y a pas lieu d’en faire un examen dès lors que les moyens d’appel deKAYIJUKA n'ont pas été communiqués à la Cour avant l'audience et que l'intéressé a étécaractérisé par un zèle dans les massacres tel que cela figure au 5e exposé des motifs dujugement querellé ;

Attendu que la Cour met la cause en délibéré et rend l’arrêt dont la teneur suit ;

Constate qu’aucun procès-verbal ne montre que l’Officier du Ministère Public chargé del’instruction a informé KAYIJUKA Célestin, de son droit et de l’intérêt de recourir à laprocédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité tel que prévu par l’article 4 point 2 de la Loiorganique n°08/96 du 30/08/1996, qu’il faut donc d’abord respecter le prescrit de cet articleavant toute décision définitive ;

Constate que le dossier RMPA 1/0013/171/G, RPA 28/97/R1/Kig doit être retourné au MinistèrePublic en vue de la mise en application de l’article 4 point 2 de la Loi précédemment évoquée ;

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

279

Attendu qu’après la décision de la Cour du 26/10/1998 sur le retour du dossier au MinistèrePublic en vue d’informer KAYIJUKA Célestin de son droit et de l’intérêt de recourir à laprocédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, KAYIJUKA a, en date du 27/05/1999, réponduau Ministère Public en ces termes : « Je n’avoue pas avoir tué, je continuerai à plaider, onm’accuse à tort » ;

5ème feuillet.

Attendu que le Conseiller rapporteur a établi un rapport ainsi conçu ;

PHASE DE L’INSTRUCTION PREPARATOIRE PAR LE MINISTERE PUBLIC :

- En date du 10/01/1995, KAYIJUKA a reconnu devant KARASIRA Célestin, alors chargé dela sécurité dans la Commune Bicumbi, avoir tué MUKAGASANA, UWERA et MAYONDEà coups de massue.

- Il a réitéré ces aveux devant l’Officier du Ministère Public HABINSHUTI Floribert le18/1/1995, a dit que ses coauteurs sont MUSHUMBA, BYEMAYIRE et Claver qui avait unfusil, qu’ils tuaient les victimes à coups de machette et de massue et qu’il y a eu dans salocalité d’autres victimes et notamment BUZOYA, NDAMAGE et RUVUGABIGWI.

- Réinterrogé par l’I.P.J. KALISA Pascal le 07/10/1996 pour voir s’il maintenait sesdéclarations, le prévenu a nié les infractions et prétendu que les aveux lui avaient étéextorqués par des coups. A la question de savoir si l’Officier du Ministère PublicHABINSHUTI l’avait également battu, il a répondu par la négative mais a dit qu’il avaitperdu la tête à cause des coups qui lui avaient été administrés à BICUMBI, et il a demandéqu’il soit procédé à une enquête.

TEMOINS :

1. KANTAMAGE Victoire : dit que c’est KAYIJUKA qui a tué son mari RWASUBUTARE.Celui-ci se cachait en contrebas de son domicile, mais à un moment, il est allé chercher dufeu dans la maison pour fumer sa pipe. A sa sortie, KAYIJUKA l’attendait et l’a tué à coupde massue, et l’intéressé, armé également d’une machette, était en compagnie de nombreusesautres personnes, il a aussi tué ses deux beaux-frères MUHIRE et KABUTURA.

2. GASENGAYIRE Caritas ; voyait KAYIJUKA dans des attaques mais n’a pas vu les victimesqu’il a tuées lui-même, dit que KAYIJUKA faisait partie de l’attaque qui a tué environ 65victimes qui étaient chez elle et chez son beau-père, qu’elle n’a dû son salut qu’au faitqu’elle avait une carte d’identité portant la mention de l'ethnie Hutu et que ceux quiparticipaient à cette attaque ont dit qu’elle était des leurs.

3. MUKARUBAYIZA Dative ; a cherché refuge chez KAYIJUKA. Quand celui-ci a voulu latuer, son épouse lui a conseillé de se réfugier dans un champ de sorgho. Arrivée là, elle a vuKAYIJUKA débusquer MUKANYARWAYA et Thérèse qui étaient en compagnie de deuxenfants.

4. MUKAYISENGA ; arrivée chez MUTANGANIKA en fuyant, elle y a trouvé des victimesqui avaient été tuées. Elle est restée là en compagnie d’autres filles et dames. Une attaquedont faisaient partie KAYIJUKA et ses frères NDARUHUTSE et MUYANGO ainsi qued’autres est arrivée, NTIYAMIRA Aloys qui était conseiller de secteur a dit

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

280

6ème feuillet.

qu’il allait incendier la maison si nous ne sortions pas. Goretti est sortie ; elle a été tuée,MUKAYISENGA est sortie, elle aussi et MPIRIMBA a dit : « Celle-ci est des nôtres », ilsl’ont laissée en vie et ont tué les autres à coups de machettes. KAYIJUKA a lui aussiparticipé à ces tueries.

5. GAKARA Jean Pierre ; à cette époque, il voyait KAYIJUKA commettre des pillages, et il apar la suite commencé à tuer.

6. AYIRORA Agnès ; il était difficile de mettre les pieds dans la localité où habitaitKAYIJUKA, c’était un quartier des Interahamwe. Le nommé NGARAMBE qui vitactuellement à KIGALI connaît bien KAYIJUKA, il est connu que KAYIJUKA pillait.

7. MUKAKAMANZI Jeannette : KAYIJUKA s’est mal conduit, mais elle ne l’a pas vu tuer àpart que la nommée KANTAMAGA l’a trouvée dans sa cachette et lui a dit que KAYIJUKAvenait de tuer son mari RWASUBUTARE, qu’il était avec ses deux frères dans cette localité,qu’on dit que KAYIJUKA faisait partie de l’attaque qui a eu lieu chez TANGANIKA, maisqu’elle ne l’a pas vu car elle avait perdu la tête ;

8. MUKAMANA Béata : a vu KAYIJUKA, en compagnie d’autres, tuer personnellement lanommée MUKAGASANA devant sa maison. Il l’a tuée à coup de massue et a directementemporté sa vache qu’il a restituée à son retour d’exil.

Avis de l’O.P.J. KABANDANA Barnabé qui a fait une enquête dans la commune BICUMBI:

Il dit que l’examen des moyens de défense de KAYIJUKA qui affirme être victime de faussesaccusations, que ses premiers aveux lui ont été extorqués au moyen des coups, qu’il avait perdula tête lors de son interrogatoire au parquet à cause des coups qu’il avait reçu à BICUMBI mêmesi l’officier du Ministère Public ne l’a pas battu, ainsi que celui des témoignages de la populationà sa charge à commencer par ceux des témoins entendus, révèle que ces moyens de défense sontmensongers et sont faits en désespoir de cause. Il est dès lors établi que KAYIJUKA a été ungrand tueur et a commis de nombreux actes de pillage.

PLAIDOIRIE DE KAYIJUKA DEVANT LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DEPREMIERE INSTANCE DE KIGALI

- Le Ministère Public l’accuse de participation aux côtés d’autres dont son grand frèreMUYANGE et son petit frère NDARUHUTSE à des attaques qui ont tué des victimes dontfait partie RWASUBUTARE ; KAYIJUKA a tué MUKAGASANA, MUKANYARWAYA,Thérèse et ses deux petits-enfants après leur avoir ravi un poste de radio, KAYIJUKA a prispart à l’attaque qui, sous la direction du conseiller, a tué Goretti et d’autres.

- Dans sa défense, KAYIJUKA dit être faussement accusé et nie avoir tué ; il était lui aussipourchassé et cela l’a contraint à rester à la maison, se cachant près de son domicile, qu’ilignore l’identité de ceux qui ont mené des expéditions meurtrières car il n’était pas en leurcompagnie, qu’il ignore tout des victimes que le Ministère Public l’accuse d’avoir tué ;

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

281

7ème feuillet.

- A la question de savoir pourquoi il a, au cours de son interrogatoire au parquet, avoué avoirtué MUKAGASANA, UWERA et MAYONDE en compagnie de BYEMAYIRE,MUSHUMBA et Claver, il a répondu que le Ministère Public lui prête des aveux et qu’on luia fait signer sa déclaration sans lui en avoir préalablement fait lecture, que cela ne signifienullement qu’il collaborait avec eux dans des actes criminels.

- Me ABSI, conseil de KAYIJUKA, a demandé au Tribunal de poser à son client la questionde savoir s’il a à un moment avoué avoir tué. Interrogé, KAYIJUKA a répondu avoir étécontraint à avouer après avoir reçu de nombreux coups.

- A la question de savoir pourquoi il rétracte ses aveux faits à la brigade, il a dit que leMinistère Public l’accuse à tort, qu’il n’a pas tué car, n’étant pas une autorité, il n’en avaitpas le pouvoir, et cite les exemples de NTIYAMIRA Denis (Conseiller) et de MPILIMA quiétait un militaire.

- Invité à parler des circonstances de la mort de MUKAGASANA et d’autres victimes qui ontété tuées dans sa localité, il a dit qu’on rapporte que MUKAGASANA a été tuée par Samuel,que la vache de MUKAGASANA qu’on lui attribue d’avoir pillé est venue en suivantd’autres vaches et est arrivée chez lui, mais qu’il l’a remise au retour d’exil.

- A la question de savoir s’il approuve la déclaration du témoin qu’il a proposé à sa décharge,il répond que Agnès n’a pas été entendue mais qu’il est prêt à reconnaître sa culpabilité sielle affirme qu’il a pris part aux tueries.

- KANTAMAGA dit que KAYIJUKA était en compagnie de NZABONALIBA qui estactuellement en détention quand il a sorti son mari RWASUBUTARE qu’ils ont tué à coupsde massue, KAYIJUKA n’a rien dit d’autre à ce sujet sinon que se sont de faussesaccusations.

- AYIRORA dit qu’il voyait souvent KAYIJUKA armé d’un bâton, mais qu’il ne l’a jamais vupiller, à part qu’il l’a vu une fois transportant des biens qu’il venait de piller, que tout lemonde affirme que KAYIJUKA a tué les Tutsi, qu’il a vu KAYIJUKA et BYEMAYIREdans une attaque qui incendiait les maisons, que KAYIJUKA suivait ceux qui prenaient partà des attaques et qu’il a emmené chez lui une vache.

- GASENGAYIRE dit que KAYIJUKA se déplaçait, armé d’une machette, en compagnie destueurs lors de leurs expéditions, que KAYIJUKA et le conseiller Denis l’ont trouvé un jourchez HABARUGIRA, disant qu’ils étaient à la recherche d’une « Inyenzi » nommée Floridafille de NAMANI ;

- MUKARUBAYIZA dit que KAYIJUKA a tué MUKANYARWAYA, Thérèse et leurs deuxpetits-enfants et leur a pris un poste de radio, a tué MUKAGASANA et a emmené sa vache ;

- KAGARA dit que KAYIJUKA a pris part au génocide, mais, répondant aux autres questionsqui lui sont posées, il dit ne pas bien savoir les circonstances de la mort de son père mêmes’il l’avait affirmé auparavant ;

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

282

- La parole lui étant accordée, Me ABSI, conseil de KAYIJUKA, relève qu’il y a unecontradiction ;

· GAKARA a d’abord affirmé que sa mère a été tuée par KAYIJUKA, mais il a dit par lasuite qu’il ne le sait pas bien.

· KAYIJUKA a lui aussi avoué avoir tué des victimes et a cité leurs noms ainsi que ceux deses coauteurs, mais il a par la suite tout rejeté ; il termine en demandant d’en faire un examenattentif avant toute décision.

Attendu qu’après ce rapport du conseiller rapporteur, la Cour décide que le conseil deKAYIJUKA C. doit élaborer d’autres conclusions et en informer également le Ministère Public.

Attendu que Me Boubou DIABIRA, Conseil de KAYIJUKA, commence par les moyens relatifsà l’inobservation par le tribunal des articles 4 alinéa 2, 24, 36 de la Loi n°08/96 ;

8ème feuillet.

du 30/08/1996 et du Code de procédure pénale ; mais que lesdits moyens figurent dans lesconclusions déposées auparavant par Me KONARE TIECORO et dans le rapport du conseillerrapporteur ;

Attendu que Me Boubou DIABIRA dit que KAYIJUKA est inculpé de 4 infractions à savoir :1. association de malfaiteurs2. violation de domiciles3. participation criminelle aux assassinats4. génocide, mais que le Tribunal l’a malgré cela condamné à l’emprisonnement à perpétuité

alors qu’une telle sanction doit être prononcée en tenant compte à la fois des dispositions duCode pénal, du Code de procédure pénale et de la Loi organique du 30/08/1996 ;

Que les juges n’ont pas indiqué de façon explicite les cas d’assassinats imputés à KAYIJUKA etqu’il y a des circonstances atténuantes en ce que KAYIJUKA est un simple citoyen analphabètequi , comme de nombreux autres, ont été pendant plusieurs années soumis à une idéologie dehaine ethnique en leur promettant une meilleure existence, alors qu’ils étaient d’ordinaire debonne conduite, qu’ils ont été entraînés dans des massacres fondés sur une politique dediscrimination ethnique ;

Que KAYIJUKA a avoué avec un grand repentir mais que, au lieu de le condamner à une peinemitigée, le Tribunal lui a plutôt réservé une peine trop élevée sans base légale, qu'ainsi lajuridiction d'appel devrait en tenir compte dans l'examen de cette affaire, qu’il termine endemandant à la Cour d’infirmer le jugement dont appel et de condamner KAYIJUKA à unepeine inférieure à celle d’emprisonnement à perpétuité sur base de sa personnalité et du fait queceux qui ont commis des infractions à l’époque des faits étaient entraînés par le régime ;

Attendu que tous les moyens sont épuisés, la Cour prend la cause en délibéré et rend l’arrêt ainsiqu’il suit ;

Constate que l’appel de KAYIJUKA Célestin est recevable car il est régulier en la forme ;

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

283

Constate que Me KONARE TIECORO, Conseil de KAYIJUKA, a dans ses conclusions,invoqué deux moyens en soutien à l’appel de KAYIJUKA relativement aux questions de droit ence que :- lors de l’interrogatoire du 30/08/1996, l’Officier du Ministère Public devait informer

KAYIJUKA du droit et de l’intérêt de recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité et d’en faire état dans un procès-verbal,

- le Tribunal à contraint KAYIJUKA à plaider alors qu’il n’avait pas eu le temps des’entretenir avec son conseil et que les deux n’avaient pas pu bien lire le dossier ;

Constate que par décision du 26/10/1998, la Cour a retourné au Ministère Public le dossier deKAYIJUKA en vue de lui permettre d’accomplir les prescriptions de l’article 4 point 2 de la Loiorganique n° 08/96 du 30/8/1996, mais que consécutivement au procès-verbal d’information duprévenu de son droit et de l’intérêt de recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité du 27/05/1999, KAYIJUKA a répondu qu’il n’avoue pas avoir tué et qu’il vacontinuer à plaider, que cela démontre que le prévenu a refusé de recourir à cette procédure ;

Constate que, à la page 4 des conclusions déposées en date du 04/12/2000 par Me BoubouDIABIRA, Conseil de KAYIJUKA, il dit que le fait que son client était un simple citoyenanalphabète qui fait partie de nombreux autres qui ont été soumis à l’idéologie de haine ethniqueen leur promettant une meilleure existence constitue pour lui une circonstance atténuante;

9ème feuillet.

qu’ils ont été entraînés dans les massacres fondés sur une politique de discrimination ethnique,qu’il termine en demandant à la Cour de condamner KAYIJUKA à une autre peine que celle del’emprisonnement à perpétuité ;

Constate cependant que l’article 16 de la Loi sus évoquée dispose que le prévenu qui offre unplaidoyer de culpabilité après les poursuites est condamné à un emprisonnement allant de 12 à15 ans quand il est rangé dans la deuxième catégorie, qu’il est établi que, ayant été admis àavouer et plaider coupable en date du 27/08/1999, KAYIJUKA y a renoncé, que la diminution depeine demandée par Me Boubou DIABIRA est irrecevable et que la condamnation prononcéepar la juridiction inférieure doit être confirmée ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIRMEENT ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise telle que modifiée le 18/1/1996 :- la Constitution du 10/06/1991 en ses articles 93 et 94 ;- le protocole des Accords de paix d’Arusha sur le partage du pouvoir pendant le

gouvernement de transition à base élargie, articles 25 et 26 ;

Vu le Décret-loi n°09/80 du 70/07/1980 portant Code d’organisation et de compétencesjudiciaires, articles 18, 151, 199 et 200 ;

Vu les articles 4 alinéa 2, 16 et 24 alinéa 1 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 surl’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimescontre l’humanité commises à partir du 1er octobre 1990 ;

Déclare recevable l’appel de KAYIJUKA car régulier en la forme et après examen, le dit non

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

284

fondé ;

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement RP027/CS/Kig dont appel ;

Déclare que KAYIJUKA perd la cause ;

Lui ordonne de payer 10.500 Frw de frais de justice dès le prononcé, et édicte une contrainte parcorps de 14 jours en cas d’inexécution, suivie de l’exécution forcée sur ses biens ;

AINSI ARRETE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE PAR LA COURD’APPEL DE KIGALI LE 26/12/2000 COMPOSE DE KABEJA J.R. (PRESIDENT),NSENGIYUMVA F. ET RWAYITARE J. (CONSEILLERS), EN PRESENCE DEMUKANTAGANDA Emilienne (Greffier).

SIEGE

Conseiller Président ConseillerNSENGIYUMVA F. KABEJA J.R RWAYITARE J. Sé Sé Sé

GreffierMUKANTAGANDA E.

285

COUR D’APPEL

DE

NYABISINDU

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287

N°15

Arrêt de la Cour d'appel de NYABISINDUdu

20 mars 1998.

NEMEYIMANA Israël (sur opposition) C/ Ministère Public.

ACQUITTEMENT – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DEMALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET 283 CP) – COMPLICITE ( ARTS. 89, 90, ET 91 CP;ART. 3 L.O. DU 30/08/1996) – CRIME DE GENOCIDE – OPPOSITION (DE L'ARRETPAR DEFAUT; RECEVABILITE) – PREUVE ( DEFAUT DE; VALIDITE DE) – VOLAVEC VIOLENCE (ARTS. 396 ET 409 CP).

1. Opposition du prévenu à l'arrêt rendu par défaut – recevable.

2. Opposition fondée – complicité de génocide non établie – interprétation de l'article 3 de laLoi organique du 30/08/1996 et éléments de preuve non probants – acquittement.

1. Est déclaré recevable, car régulière en la forme, l'opposition faite par le prévenu à l'arrêtd'appel qui l'avait condamné par défaut.

2. N'est pas établie à charge du prévenu, la complicité de génocide qui avait été retenue par laCour d'appel, car l'article 3 de la Loi organique du 30/08/1996 qui définit la complicité vise:

- d'une part les personnes qui, ayant été convoquées par les autorités, soustraient à cesdernières des criminels ou omettent de fournir des renseignements à leur sujet ; or, il apparaîtque le prévenu, dès qu'il a été convoqué, a dénoncé les meurtriers et n'a jamais omis defournir les renseignements dont il disposait à leur sujet;

- d'autre part les personnes qui ont apporté une aide indispensable à la commission du crime degénocide; or, il n’est pas établi que le prévenu aurait apporté une telle aide, les témoignagesqui l'en accusent étant soit indirects, soit contradictoires, soit encore motivés par le désir devengeance de ceux qu'il a dénoncés. Il apparaît en outre que, contrairement aux affirmationsdu Ministère Public selon lesquelles le prévenu aurait reconnu avoir dénoncé l'appartenanceethnique de la victime, aucun élément du dossier ne l’indique.

L'opposition du prévenu est déclarée fondée et son acquittement prononcé.

288

RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDURMPA : 2/4150/ProgRPA : 29/1/97/NZARPA : 02/1/97/NZA

289

(Traduction libre) 1er feuillet.

LA COUR D’APPEL DE NYABISINDU SIEGEANT A NYABISINDU EN MATIERED’INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDE ET CRIMESCONTRE L’HUMANITE, A RENDU EN APPEL (NDLR: SUR OPPOSITION) L’ARRETDONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE :

Prévenu :

NEMEYIMANA Israël, fils de MFIZI et de NYIRANDIHANO, né en 1965 à MBOGO,secteur KARAMA, commune KINYAMAKARA, préfecture GIKONGORO, en détentionpréventive depuis le 20/09/1995 ;

Préventions :

- Avoir, en avril 1994, dans la cellule MBOGO, secteur KARAMA, communeKINYAMAKARA, préfecture GIKONGORO, en République Rwandaise, comme auteur,coauteur ou complice, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal Livre I et l’article3 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996, formé une association ayant pour but de porteratteinte aux personnes, infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 du Codepénal livre II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, volé de l’argent à MUREKEZI àl’aide de violences, infraction prévue et réprimée par les articles 396 et 409 du Code pénal livreII ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, assassiné MUREKEZI, infractionprévue et réprimée par l’article 312 du code pénal livre II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, participé aux massacres qui avaientpour but d’exterminer l’ethnie Tutsi et les opposants du régime de l’époque, et que c’est dans cescirconstances qu’ils ont tué MUREKEZI, infraction prévue par la Convention internationale surla prévention et la répression du crime de génocide, réprimée par la Loi- organique n° 08/96 du30 août 1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocideou de crimes contre l’humanité, commises à partir du 1er octobre 1990 ;

2ème feuillet.

Vu que l’affaire RMP 97426/S2/HAV-RP 0006/S2/GIRO a été introduite devant le Tribunal depremière instance de GIKONGORO, mettant en cause le Ministère Public contreNEMEYIMANA Israël et consorts pour l’infraction de génocide, que l’audience a eu lieu le11/02/1997 et que le jugement a été rendu de la manière suivante:

RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDURMPA : 2/4150/ProgRPA : 29/1/97/NZARPA : 02/1/97/NZA

290

"Déclare recevable l’action du Ministère Public, car régulière en la forme, mais la ditpartiellement fondée ;

" Déclare en plus recevable l’action civile de MUKANYANDWI, car régulière en la forme ;

" Déclare que RUKIMIRANA et HARELIMANA sont coupables de toutes les infractions à leurcharge et qu’elles sont en concours idéal, qu’ils doivent donc en être punis tel que prévu par laloi, et tel qu’expliqué ci-haut, que par contre NEMEYIMANA n’est coupable d’aucune desinfractions à sa charge pour manque de preuve ;

" Déclare non fondée l’action civile de MUKANYANDWI Alvera, car l’Etat Rwandais qui estcivilement responsable n’a pas été cité, que par conséquent l’action civile est disjointe ;

" Déclare que d’autres personnes qui sont poursuivies dans cette affaire, mais qui n’ont pas pucomparaître seront poursuivies ultérieurement ;

"Déclare que RUKIMIRANA et HARELIMANA perdent la cause et que NEMEYIMANAobtient gain de cause et qu’il est acquitté ;

"Condamne RUKIMIRANA et HARELIMANA à la peine d’emprisonnement à perpétuité ;

"Ordonne que RUKIMIRANA et HARELIMANA soient déchus définitivement des droits dontil est question à l’article 66, 2°, 3° et 5° du Code pénal Livre I ;

"Leur ordonne de payer solidairement les frais occasionnés par ce procès équivalant aux 2/3 de7000 Frw, c’est à dire 4668 Frw, et édicte une contrainte par corps de 30 jours en casd’inexécution, suivie de l’exécution forcée sur leurs biens, ces frais ayant été calculés commesuit:

- 200 Frw d’inscription au rôle,- 1.000 Frw de l’ordonnance du président fixant la date d’audience et celle autorisant la détention préventive,- 500 Frw de citations,- 2500 Frw de procès verbaux d’instruction préparatoire,- 1500 Frw de procès verbaux d’audience,- 900 Frw du jugement.

3ème feuillet.

"Ordonne que KANANI Népomuscène, MUGWIZA Elysée, SENTORE Edouard,NSABIMANA Esdras, SEBERA Ezéchiel, NYIRIDANDI Athanase, SIBOMANA,NDARUHUTSE, RUCYAHANA Claudien NDAYAMBAJE Aloys, NYABYENDA Benoît,KARANGWA et MURASANGABO soient poursuivis dès qu’ils seront appréhendés ;

"Ordonne la disjonction de l’action civile de MUKANYADWI Alvera ;

RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDURMPA : 2/4150/ProgRPA : 29/1/97/NZARPA : 02/1/97/NZA

291

Attendu que le conseiller rapporteur dit que NEMEYIMANA Israël a été acquitté par leTribunal de 1ère instance, raison pour laquelle le Ministère Public a interjeté appel avançant lesmotifs suivants :

1. Que NEMEYIMANA Israël a soustrait aux autorités les auteurs de la mort deMUREKEZI David tel que prévu par l’article 3 de la Loi organique n° 08/96 du30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime degénocide ou de crimes contre l’humanité ;

2. Et qu’il a prêté une aide indispensable à commettre l’infraction, en livrantMUREKEZI aux tueurs et en les informant qu’il était Tutsi de la famille royale carceux qui le conduisaient n’en était pas informés ;

Vu qu’en appel, en date du 24/03/1997, NEMEYIMANA Israël n’a pas comparu, que l’affaire aété jugée par défaut, et que la Cour a déclaré qu’il était coupable de complicité d’assassinat, caril était présent au moment de la commission du crime, et qu’il a reçu une somme de 5000 Frwqu'il devrait remettre à la femme de la victime, mais qu’il ne l’a pas fait, qu’il n’a même pasinformé les autorités des circonstances dans lesquelles ce crime a été commis, qu'ainsi il doit êtrepuni sur un pied d’égalité avec ses coprévenus et être condamné à la peine d’emprisonnement àperpétuité car il est classé dans la deuxième catégorie ;

Vu l’opposition formulée le 17/12/1997 par l’Association "Avocats sans Frontières", qu’en outreles conclusions du Ministère Public ont été déposées, et que la Cour a déclaré l’oppositionrecevable, car régulière en la forme ;

Constate que NEMEYIMANA est poursuivi par le Ministère Public pour les deux infractions ci-haut précisées, à savoir :

1. Avoir été complice en soustrayant aux autorités les meurtriers tel que prévu par lesarticles 89, 90 et 91 du Code pénal Livre I et l’art 3 de la Loi organique n° 08/96 du30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime degénocide ou de crimes contre l’humanité et avoir, avec d’autres personnes, formé uneassociation ayant pour but de porter atteinte aux personnes ;

2. Avoir prêté une aide indispensable en informant les tueurs que MUREKEZI était Tutside la famille royale, ce qui a occasionné son assassinat ;

Constate pourtant, que NEMEYIMANA n’est pas coupable de complicité du crime du génocidepour avoir soustrait les auteurs de la mort de MUREKEZI aux autorités, car il n’a pas omis deles dénoncer à tout degré d’instruction quand il a été convoqué, qu’il les a en plus mis en causelorsqu’il a été auditionné et que son interrogatoire figure à la page 14 du dossier, qu’en outred'éminents juristes confortent cela, parmi lesquels Daniel DE BEER qui dans son ouvrageintitulé Commentaire et Jurisprudence sur la Loi organique du 30 août 1996 sur l’organisationdes poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contrel’humanité, à la page 37, dit: « Il serait d’ailleurs inhumain de condamner une victime ou untémoin qui ne se serait pas spontanément rendu auprès des autorités pour porter plainte ou

RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDURMPA : 2/4150/ProgRPA : 29/1/97/NZARPA : 02/1/97/NZA

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témoigner » ;

Constate que le contenu de l’article 3 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, concerne lespersonnes ayant été convoquées par les autorités mais qui, dans leurs déclarations, soustraient àces dernières les criminels ou omettent de fournir des renseignements à leur sujet, qu’enrevanche NEMEYIMANA n’est pas concerné par cet article, car lorsqu’il a été convoqué par lesautorités, il n’a jamais omis de leur fournir des renseignements au sujet des auteurs demeurtres commis ;

4ème feuillet.

Constate que quant à l’infraction de complicité dans l’assassinat à charge de NEMEYIMANApour avoir prêté une aide indispensable à commettre cette infraction, en informant les meurtriersque MUREKEZI était un Tutsi de la famille royale, elle n’est pas établie à sa charge, car :

1. le témoin MUKANYANDWI Alvera qui l’a accusé a dit l’avoir appris deMUKANYANDWI Marie et pourtant cette dernière a nié en savoir quelque chose lors deson interrogatoire;

2. qu’un autre témoin nommé RUKIMIRANA s’est souvent contredit dans ses déclarations car

d’une part, à la côte 5 du dossier, il a dit n’avoir pas été témoin oculaire de la mort deMUREKEZI car il était à son domicile, que d’autre part à la côte 12 du dossier, il a dit queNEMEYIMANA a pris de la poche de MUREKEZI 5000 Frw, et qu’il dit en plus à la côte43, qu’il a ouï dire que ce dernier avait remis une autre somme de 5000 Frw àNEMEYIMANA afin qu’il la remette à son épouse ;

Que l’élément de preuve sur lequel le Ministère Public se fonde est que NEMEYIMANA s’estaccaparé de l’argent de MUREKEZI et qu’il a même reconnu avoir dit que MUREKEZI était unTutsi de la famille royale, mais qu’il n’est mentionné nulle part dans le dossier queNEMEYIMANA l’a reconnu, que même les déclarations de RUKIMIRANA devant le Parquetde la République ne sont pas les mêmes que celles faites devant le Parquet Général près la Courd’Appel, qu’au contraire RUKIMIRANA charge NEMEYIMANA par vengeance, ce quesoutient NEMEYIMANA, car ce dernier l’avait chargé ;

Constate que l’opposition faite par NEMEYIMANA est recevable car régulière en la forme et ladit fondée ;

PAR TOUS CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;

Vu la Loi Fondamentale surtout en ses articles 33, 29, 93 et 94 de la Constitution du 10/06/1991ainsi que les articles 25, 26al1, 27a, et 28b des Accord de Paix d’Arusha du 30/10/1992 ;

Vu les articles 1, 3 et 24 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation despoursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité,commises à partir du 1er octobre 1990 ;

Vu les articles 18,151,199 et 200 du Décret-loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Code

RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDURMPA : 2/4150/ProgRPA : 29/1/97/NZARPA : 02/1/97/NZA

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d’organisation et de compétence judiciaires ;

Vu les articles 20, 61 et 62 de la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale ;

Déclare recevable l’opposition introduite par NEMEYIMANA Israël représenté parl’Association "Avocats sans Frontières" car régulière en la forme, et la dit fondée ;

Déclare que NEMEYIMANA n’est coupable d’aucune des infractions à sa charge tel que libellédans les motifs ;

Ordonne que la moitié de frais de justice soit mise à charge du trésor public ;

Ordonne que l’autre moitié de frais de justice soit payée par MUKANYANDWI Alvera, c’est àdire la moitié de 3825 Frw équivalant à 1913 Frw dans les délais légaux sinon exécution forcéesur ses biens ;

5ème feuillet.

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 20/3/1998 PAR LA COURD’APPEL DE NYABISINDU COMPOSEE PAR KAYITARE Jean Pierre (président),MUHUMUZA François et MBONYI Japhet (conseillers), EN PRESENCE DE KAMANZIKIBIBI(substitut) ET MUNGANYINKA Spéciose (greffier).

SIEGE

Conseiller Président ConseillerMUHUMUZA François KAYITARE J. Pierre MBONYI Japhet sé sé sé

Greffier MUNGANYINKA Spéciose sé

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COUR D’APPEL

DE

RUHENGERI

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N°16

Arrêt de la Cour d’appel de RUHENGERIdu

25 novembre 1998.

Ministère Public et parties civiles C/ BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie.

ABSENCE DE CONDAMNATION – ACQUITTEMENT – APPEL – ASSASSINAT(ART. 312 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUT LA DEVASTATION, LEMASSACRE OU LE PILLAGE (ART. 168 CP) - COMPLICITE (ART.3 al.1 L.O.30/08/96) - CONDITIONS DE RECEVABILITE DE L’APPEL (ERREUR DE DROIT –ERREUR DE FAIT FLAGRANTE ; ART. 24 DE LA L.O. 30/08/96) – CRIME DEGENOCIDE – DELAI D’APPEL (ART. 24 L.O. 30/08/96) – DESTRUCTION DE BIENIMMEUBLE APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444 CP) – ENQUÊTESCOMPLEMENTAIRES – PREUVE (ABSENCE DE) - TEMOIGNAGES (A CHARGE;A DECHARGE) – VIOLATION DE LA LOI.

1. Procédure – descente sur les lieux – audition des prévenus – audition de témoins.

2. 1er prévenu - appel interjeté hors délai – responsabilité de la direction de la prison nonétablie – appel irrégulier – confirmation du premier jugement.

3. 2ème prévenue – moyen soulevé d’office – absence de condamnation – violation de la loi 4. 2ème prévenue – appel régulier - moyens d’appel – erreur de fait manifeste – appel

recevable. 5. 2ème prévenue – examen au fond - témoignages - enquêtes - infraction non établie -

acquittement.

1. Insuffisamment éclairée quant au bien-fondé des moyens d’appel, la Cour d’appel procèdeà une descente sur le terrain. Elle entend les prévenus et auditionne plusieurs témoins.

2. L’appel du premier prévenu interjeté, plus de deux mois après le jugement, est irrégulierquant aux délais et ne doit pas être examiné. L’argument du prévenu selon lequel ceretard serait imputable à la direction de la prison n’est pas fondé, car il est inconcevablequ’elle ait pu faire suivre le recours de la deuxième prévenue dans les délais, tout enretardant celui du premier prévenu.

3. Le jugement qui, tout en déclarant coupable la seconde prévenue, ne prononce pas de

condamnation à son égard viole la loi. Ce moyen est soulevé d’office par la Cour d’appel. 4. L’appel de la seconde prévenue est régulier quant aux délais. Il apparaît que la prévenue

n’a pas livré aux tueurs les personnes assassinées. L’appel fondé sur cette erreur de faitmanifeste est recevable.

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5. Aucun élément probant ne permet d’établir une complicité quelconque dans le chef de laseconde prévenue. Il apparaît au contraire qu’elle a porté assistance à ceux qui s’étaientréfugiés chez elle, y compris à ceux qui à présent la mettent en cause. Elle est acquittéede l’ensemble des préventions mises à sa charge, et sa libération immédiate est ordonnée.

(NDLR : le jugement dont appel, prononcé le 26/06/1997 par la Chambre spécialisé duTribunal de première instance de Gisenyi, est publié dans le présent Recueil, décision N° 5)

R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERIR.P.A. 24/GC/R1/RUHR.M. P.A 3/13/T.K

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(Traduction libre)1er feuillet.

LA COUR D’APPEL DE RUHENGERI SIEGEANT AU SECOND DEGRE ENMATIERE DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE A RENDUCET ARRET CE 25/11/1998:

EN CAUSE:

APPELANTS:

1. BARITIMA Jules fils de NSHIRAKERA et de BAVUGABWOSE, né en 1950, résidantdans la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU-GISENYI, marié àNYIRARUGERO, menuisier de nationalité rwandaise;

2. NYIRASHAKO Lénie fille de SEBARABONA et de NTACYOBAMPANZE, née dansla cellule KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU, préfecture GISENYI et yrésidant, mariée à RUDAHINYURA, cultivatrice de nationalité rwandaise;

CONTRE : LE MINISTERE PUBLIC

PREVENTIONS :

• Avoir, entre le 07/04/1994 et le 17/07/1994, dans le secteur GISENYI, communeRUBAVU-GISENYI, en République Rwandaise, comme auteurs, coauteurs ou complicestel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commis le crime degénocide prévu par la Convention du 09 décembre 1948 en ses articles 1, 2, 3 et 4, laConvention du 12 juin 1949 en ses articles 146 et 147 et la Convention du 26 novembre1968 en ses articles 1 et 2, toutes trois ratifiées par le Rwanda par le Décret-loi n° 08/75du 12/11/1975 et prévu par la Loi organique n° 08/96 du 30 août 1996 en ses articles 1, 2,3, 4, 5, 6 et 7 ;

A charge de BARITIMA

• Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur, coauteur oucomplice, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I , assassinéKARUHIMBI et RUTAYISIRE, infraction réprimée par l’article 312 du Code pénal livreII ;

A charge de tous

• Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme coauteurs, tel que prévupar les articles 89,90 et 91 du Code pénal livre I, tué le nommé KABALISA et sa mèreKARUHIMBI, infraction réprimée par l’article 312 du Code pénal livre II ;

2ème feuillet.

R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERIR.P.A. 24/GC/R1/RUHR.M. P.A 3/13/T.K

300

• Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs oucomplices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commisl’infraction de dévastation du pays, massacre et pillage, infraction réprimée par l’article168 du Code pénal livre II ;

• Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, intentionnellement détruit lesmaisons des particuliers, infraction prévue par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livreI et réprimée par l’article 444 du Code pénal livre II ;

LA COUR D’APPEL,

Vu que cette affaire a été introduite au premier degré devant la Chambre Spécialisée duTribunal de Première Instance de GISENYI, enregistrée sous le numéro R.P. 33/R1/97/G etjugée le 12/06/1997 et le 26/06/1997 de la manière suivante :

″Décide de recevoir l'action civile intentée par les parties civiles énumérées ci-avant ;

″ Déclare que les préventions à charge de BARITIMA sont en concours idéal, qu’ainsi il doitêtre condamné pour l’infraction la plus grave en l’occurrence celle de génocide ;

″ Déclare que BARITIMA perd la cause et le condamne à la peine de capitale ;

″Lui ordonne de verser au trésor public les frais d'instance équivalent à 4000 Frw, sous peinede s'exposer, en cas d'inexécution, à une contrainte par corps de 30 jours suivie d'uneexécution forcée sur ses biens;

″ Ordonne à BARITIMA Jules de verser, dans un délai de trois mois, solidairement avecNYIRASHAKO Lénie, à la famille KARUHIMBI la somme de 5.000.000 Frw, àMUREKATETE la somme de 4.000.000 Frw, à SAYIDI la somme de 2.000.000 Frw et àUWIMANA Jeanne d’Arc la somme de 2.000.000 Frw, que le total des dommages et intérêtsdont ils sont redevables est de 13.500.000 Frw, qu'ils sont tenus de payer cette somme dans undélai de trois mois, sous peine de s'exposer, en cas d'inexécution, à une contrainte par corpsde 10 jours suivie d'une exécution forcée sur leurs biens;

″ Leur ordonne de payer dès le prononcé de ce jugement la somme de 78.000 Frw au titre ledroit proportionnel de 4% sinon exécution forcée sur leurs biens en cas d’inexécution ;

″ AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE DU 30/06/1997 PAR LA CHAMBRESPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GISENYI, ENPRESENCE DES PREVENUS, DE BAMBANZA Grégoire (représentant le MinistèrePublic) ET DES PARTIES CIVILES.

3ème feuillet .

R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERIR.P.A. 24/GC/R1/RUHR.M. P.A 3/13/T.K

301

Vu que BARITIMA Jules qui a perdu la cause et NYIRASHAKO Lénie dont lacondamnation n’a pas été mentionnée dans le jugement ont respectivement interjeté appel endate du 05/08/1997 et du 10/07/1997 devant la Cour d’appel parce qu’ils n’ont pas étésatisfaits dudit jugement et que leur appel a été enregistré au rôle sous le numéro R.P.A.24/GC/R1/RUH ;

Vu la lettre du greffier près la Cour d’appel adressée au Tribunal qui a rendu le jugementquerellé pour transmettre à ladite Cour le dossier complet, ce qui a été fait le 13/07/1998 ;

Vu l’ordonnance du Président de cette Cour d’appel du 21/08/1998 fixant l’audience au16/09/1998 ;

Vu la lettre du greffier près cette Cour d’appel adressée au Parquet Général près ladite Courpour l’informer de l’appel interjeté et de la date d’audience fixée par le Président ;

Vu qu’à cette date la Cour a statué sur pièces, le Parquet Général près cette Cour d’appel étantreprésenté par le Substitut du Procureur Général MUSUHUKE François ;

Ouï le conseiller rapporteur relater l’origine de la présente affaire et reprendre les moyensdont se prévalent les appelants ;

Attendu que pour soutenir son appel, BARITIMA Jules argumente en disant que seuls lesrescapés du génocide appartenant à une même famille ont été interrogés au cours del’instruction, qu’il a caché puis nourri certains de ces rescapés jusqu’à ce qu’ils traversent lafrontière rwando-zaïroise et qu’il a réparé la maison de son voisin rescapé, mais que laChambre spécialisée n’a pas apprécié ce geste à sa juste valeur, que ladite chambre lui a déniél’accès au dossier en lui refusant de le faire lire, qu’ainsi il n’a pas eu assez de temps pourprendre connaissance de son contenu, qu’en outre cette chambre n’a pas tenu compte desrévélations qu’il lui a faites concernant les noms des tueurs et à partir desquelles elle pouvaitmener ses enquêtes, qu’elle a refusé d’interroger les témoins qu’il a cités et qui ont assisté aumeurtre des victimes, qu’en plus le greffier lui a attribué des mots qu’il n’a pas prononcés car,profitant de ce qu’il ne sait ni lire ni écrire, ils ont noté qu’il plaidait coupable alors que cen’était pas le cas ;

Attendu que les moyens d’appel de NYIRASHAKO Lénie sont libellés comme suit :

1er moyen :Je suis accusée par la nommée UWIMBABAZI qui soutient que j’aurais comploté contre sonfrère KABALISA Dieudonné qui a été tué le 08/04/1994 à 11 heures du matin après avoir étédélogé de mon domicile. Elle m’accuse également d’avoir comploté contre sa mèreKARUHIMBI qui, comme son fils KABALISA, a été victime du génocide d’avril 1994 ;

4ème feuillet.

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J’ai réfuté cette prévention aussi bien devant la Police Judiciaire et le Ministère Public quedevant le Tribunal ; raison pour laquelle j’ai demandé à toutes ces instances de mener desenquêtes sur les allégations de cette bande composée de membres d’une même famille.Pourtant cette enquête n’a jamais été menée tel que cela ressort des conclusions que j’airemises au Tribunal ;

2ème moyen :Les témoins à ma charge à savoir KAREMERA, NDAYISENGA et NYIRANGIRUMPATSEHélène alias ZALUNA appartiennent tous à une même famille et sont donc des frères, tandisque les nommés BAGAZA et MUKANYIRIGIRA sont leurs cousins. Par ailleurs ils viventtous dans une même maison. Pourquoi le Tribunal qui n’a pas ordonné l’enquête que j’avaisréclamée n'a-t-il pris en considération que leurs déclarations ?

3ème moyen :Les membres d’une même famille qui me chargent, en l’occurrence NYIRANGIRUMPATSEHélène alias ZALUNA et NDAYISABA se sont par la suite constitués partie civile. Commentles plaignants qui sont en même temps des témoins à charge peuvent-ils également réclamerdes dommages et intérêts ?

4ème moyen :Un autre témoin cité dans cette affaire nommé ROSE JEANNETTE, fille deNYARURWAMO, a déclaré qu’elle se cachait dans la bananeraie derrière mon domicile auxenvirons de 19 heures lorsqu’elle m’a entendue dire à feu KABALISA de mourir dignementparce que sa fin était arrivée. J’ai dit au Tribunal que cette déclaration était dénuée defondement et je lui ai demandé d’organiser une descente à cet endroit situé derrière mondomicile où ROSE prétend qu’elle se cachait. Je me suis engagé à reconnaître maresponsabilité au cas où le Tribunal y trouverait une bananeraie. Ce qui m’a le plus attristéeest que le Tribunal n’a pas fait cette descente pour vérifier si cette bananeraie existeréellement à cet endroit ; et ce alors qu’elle sait pertinemment qu’il ne peut y avoir debananeraie dans une circonscription urbaine ;

5ème moyen:KABALISA Dieudonné a été tué le 08/04/1994 à 11 heures du matin. Il a été emmené par desassaillants qui ont attaqué mon domicile à la recherche de ma belle-fille VESTINE. Cesassaillants étaient dirigés par MENYO Théoneste originaire de la commune MUKINGO,préfecture de RUHENGERI en compagnie de MANIRAFASHA, originaire de KARAGO, ex-aide chauffeur du véhicule de BYIRINGIRO ainsi que de THEOGENE, originaire deKIBUYE qui était le domestique DE RUKAZABIGONDO, ex-responsable de la celluleKIVUMU. Telles sont les personnes que j’ai pu identifier lors de l’attaque qui a été menéechez moi, en plein jour, au vu de la population qui observait ce qui m’arrivait. J’ai mêmedemandé que la population qui résidait à cet endroit au moment des faits et qui a vu ce quis’est passé soit entendue, dans la mesure où j’ai aussi été violée quand j’ai refusé de remettreaux assaillants la clé de ma chambre à coucher

5ème feuillet.

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jusqu’à ce qu’ils défoncent la porte. Une fois à l’intérieur, ils y ont trouvé KABALISA quiétait arrivé chez moi la veille, c’est à dire le 07/04/1994 à 21 heures. J’ai aussitôt été battue etmaltraitée parce qu’ils m’accusaient d’être la complice des Inyenzi et ce jusqu’à ce que je leurdonne quatre-vingts mille francs ( 80.000 Frw). Ils ont même forcé ma valise en y recherchantde l’argent. Comme ils n’ont rien trouvé, ils ont emporté une douzaine de bracelets-montrespour dames. Cela s’est passé au grand jour, au vu et au su de la population. J’ai demandé auTribunal de se transporter à mon domicile pour constater lui-même l’état de la porte de machambre et pour mener des enquêtes sur tout ce qui m’est arrivé et que j’ai exposé plus hautafin qu’il tienne compte des déclarations de cette bande qui vise à s’approprier mes biens ;

6ème moyen :En ce qui concerne la mort de KARUHIMBI, il a été dit que je l’ai trahie. C’est totalementfaux parce que j’ai passé plusieurs jours avec elle pendant lesquels je lui ai donné àmanger ainsi qu’à ceux qui l’accompagnaient à savoir BAGAZA et sa tante maternelleMUKANYIRIGIRA, et cela jusqu’à ce que les habitants de la cellule KIVUMU d’où ilsétaient venus aient trouvé refuge au Zaïre. Je dois dire que je n’étais pas là lorsque cettevieille femme a traversé la frontière puisque j’étais partie à RUHENGERI. Toutefois, celafaisait plusieurs jours qu’elle me disait qu’elle achèterait un jerrycan de bière de sorgho etjouerait à la vendeuse de cette bière pendant tout le trajet jusqu’à ce qu’elle atteigne GOMA.Il faut remarquer que nous vivions encore ensemble lorsqu’elle a décidé de partir. Commentaurais-je pu la trahir après l’avoir nourrie pendant tout ce temps ? J’ai pourtant demandé, envain, au Tribunal de mener une enquête sur la mort de cette vieille femme. Quant à dire quej’ai donné l’ordre à HABARUSHAKA Martin de battre MUKARUHIMBI, cela n’est pas dutout fondé dans la mesure où j’ai moi-même été attristée par ce qu’il a fait de sorte que je l’aichassé avec l’aide des autorités de la cellule parmi lesquelles Jules qui était un membre ducomité de cellule et qui est mon coprévenu dans ce procès. De plus, MUKARUHIMBI n’estpas directement partie après cet incident. Elle est plutôt partie plus tard comme je l’aiexpliqué plus haut ;

Attendu que la parole est accordée au Substitut du Procureur Général pour livrer à la Cour sesconclusions, qu’il demande à la Cour de déclarer irrecevable l’appel de BARITIMA Julesparce qu’interjeté tardivement, de recevoir et d’examiner au fond celui de NYIRASHAKOLénie parce que formé dans les délais légaux et que le premier juge n’a pas tenu compte decertains des moyens développés en appel et dont elle s’était pourtant prévalue au premierdegré ;

Attendu qu’il affirme que la Chambre spécialisée n’a pas pris en considération les argumentsdéveloppés par NYIRASHAKO Lénie pour démontrer qu’elle n’a pas comploté contre feuKABALISA, étant donné que ce dernier a été emmené de chez elle où il se cachait par desassaillants et que ceux-ci l’ont emmené après avoir battu NYIRASHAKO Lénie, détruit samaison et pillé ses biens ;

Attendu qu’il termine son intervention en demandant à la Cour d’appel d’ordonner la descenteque NYIRASHAKO

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6ème feuillet.

avait pourtant réclamée en vain à la Chambre spécialisée ;

Vu qu’après avoir délibéré, la Cour décide de se transporter sur le lieu des faits conformémentau souhait des prévenus qui s’étonnent de ce qu’ils sont uniquement accusés par les rescapésdu génocide et qui trouvent que des personnes neutres devraient être interrogées pourexpliquer la part de responsabilité des prévenus dans la mort des victimes, et cela dans lamesure où la rumeur dit que les victimes ont été assassinées par MENYO, MUSA et l’ex-responsable de la cellule KIVUMU, nommé Théogène ;

Vu que ce 20/11/1998 les envoyés de la Cour arrivent à la prison de GISENYI oùBARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie sont détenus et les interrogent, qu’ensuite ils serendent dans la cellule KIVUMU où ils interrogent trois personnes en l’occurrenceBABAJYA et NTIBATEGERA, tous les deux fils de NDIRIKIYE, ainsi que MUNDERA filsde MBIRIGA ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, ces trois personnes disent qu’elles connaissent très bienBARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie et que ceux-ci n’ont pas participé à l’assassinatdes victimes du génocide de 1994 qui leur est pourtant imputé à tort ;

Attendu que NYIRASHAKO Lénie s’explique en disant que ce qui lui fait de la peine estqu’elle est chargée par les membres d’une même famille qui auraient dû la remercier pour lesavoir cachés et nourris ainsi que pour des conseils qu’elle leur a prodigués jusqu’à ce qu’ilsarrivent au Zaïre dont elle est originaire, qu’elle n’a cependant pas pu faire la même chosepour KABALISA qui est arrivé à son domicile tardivement et que toutes les issues étaientsous contrôle des tueurs lorsqu’elle a cherché à l’aider à traverser la frontière ;

Attendu qu’à la question de savoir la raison pour laquelle il a interjeté appel tardivement,BARITIMA Jules répond qu’il a rédigé sa lettre d’appel dans les délais, qu’il l’a ensuiteremise à la direction de la prison qui l’a transmise à la Cour avec retard ;

Attendu que les deux prévenus sont invités à émettre leurs derniers avis, que NYIRASHAKOLénie déclare que la Cour devrait la rétablir dans ses droits dès lors qu’elle n’a jamais rien faitde mal et qu’aussitôt après la guerre elle a dénoncé les meurtriers de ces victimes innocentesdont l’assassinat lui est faussement attribué, que pour sa part BARITIMA Jules nie avoirtrempé dans les massacres pour lesquels il est poursuivi, dans la mesure où il souffrait de lamalaria au moment des faits et que cela est confirmé par NYIRASHAKO ;

Vu que tous les moyens sont épuisés et que le prononcé est fixé au 25/11/1998 ;

Que l’affaire est prise en délibéré et que l’arrêt est prononcé en audience publique dans lestermes ci-après :

7ème feuillet.

R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERIR.P.A. 24/GC/R1/RUHR.M. P.A 3/13/T.K

305

Constate que le jugement querellé a été irrégulièrement rendu quant à NYIRASHAKO Léniedès lors que la chambre spécialisée qui l’a reconnue coupable ne l’a pourtant condamnée àaucune peine ;

Constate que l’appel de NYIRASHAKO Lénie a été interjeté dans les délais légaux etqu’après l’examen de ses moyens d’appel, la Cour arrive à la conclusion que la prévenue n’ajamais signalé aux miliciens Interahamwe la présence des victimes que sont RUTAYISIRE,KARUHIMBI et KABALISA, que donc son appel doit être reçu et examiné ;

Constate que l’appel de NYIRASHAKO Lénie est fondé parce que rien ne prouve la trahisondont elle est accusée dès lors qu’elle a pu aider ceux qui avaient trouvé refuge chez elle, dontles plaignants, à traverser la frontière rwando-zaïroise d’où elle est originaire, qu'ainsi elledoit être acquittée ;

Constate que l’appel de BARITIMA Jules ne doit pas être reçu ni examiné parce qu’interjetéen dehors des délais, que son argumentation selon laquelle sa lettre d’appel aurait traîné à ladirection de la prison est dénuée de fondement parce qu’il n’est pas compréhensible que ladirection de la prison ait transmis à temps la lettre d’appel de NYIRASHAKO puis traînéavec celle de BARITIMA Jules ;

Constate qu’il n’y a plus rien à examiner ;

PAR TOUS CES MOTIFS :

Vu la Constitution du 10/06/1991 telle que modifiée à ce jour, spécialement en ses articles 12,14, 88, 92 et 94 ;

Vu le Protocole de l'Accord de Paix signé à Arusha le 30/10/1992 sur le partage du pouvoirspécialement en ses articles 25 et 26 ;

Vu le Décret-loi du 07/07/1980 portant Code d’organisation et de compétence judiciaires telque modifié par la Loi organique spécialement en ses articles 13, 18, 76, 109, 199, 200 et201 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,spécialement en ses articles 16, 18, 20, 53, 54, 61, 63, 67, 70, 76, 80, 83, 84, 90, 99, 100, 103,104, 107, 110, 138 et 139 ;

R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERIR.P.A. 24/GC/R1/RUHR.M. P.A 3/13/T.K

306

8ème feuillet.

Vu la Loi organique du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 jusqu’au 31/12/1994, spécialement en ses articles 1, 2, 14, 17, 24, 25 et 39 ;

Vu les articles 89-91, 93,168, 281, 282, 283, 304, 305, 312 et 444 du Code pénal livre II ;

Statuant sur pièces ;

CONTRADICTOIREMENT ET EN AUDIENCE PUBLIQUE,

Déclare irrecevable l’appel de BARITIMA parce qu’interjeté irrégulièrement ;

Déclare recevable l’appel de NYIRASHAKO Lénie qui n’a été condamnée à aucune peinepar le premier juge, dit son appel régulier en la forme et fondé ;

Déclare que NYIRASHAKO Lénie n’a jamais comploté contre les victimes dont il estquestion dans le présent dossier, qu’elle a par contre sauvé la vie de ceux qui l’accusentaujourd’hui et qu’ainsi elle est acquittée de toutes les préventions pour lesquelles elle étaitpoursuivie ;

Déclare que NYIRASHAKO Lénie obtient gain de cause, et que BARITIMA Jules perd lacause ;

Déclare que BARITIMA Jules est redevable envers le trésor public d’un montant de 4.758Frw représentant la moitié des frais de justice équivalant à 9.476 Frw, l’autre moitié étant àcharge du trésor public parce que NYIRASHAKO qui aurait dû la payer obtient gain de causeet, en cas de défaillance, édicte une contrainte par corps de 10 jours suivie d’une exécutionforcées sur ses biens ;

Ordonne la libération immédiate de NYIRASHAKO Lénie dès le prononcé du présent arrêt ;

Décide que le jugement n°R.P.33/R1/97/GB rendu le 30/06/1997 par la Chambre Spécialiséede GISENYI est uniquement réformé en ce qui concerne NYIRASHAKO Lénie qui estlibérée ;

9ème feuillet.

Rappelle que, conformément à la Loi organique du 30/08/1996, le présent arrêt n’est passusceptible de pourvoi en cassation ;

R.P. 33/R1/97/G ARRÊT DU 25/11/1998R.M.P. 01/S5/ML/GB CA RUHENGERIR.P.A. 24/GC/R1/RUHR.M. P.A 3/13/T.K

307

AINSI ARRETE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 26/11/1998 PARLA COUR D’APPEL DE RUHENGERI COMPOSEE DE GASORE Louis ( Président),MUKURA Léonidas ( conseiller rapporteur), et NDAGIJIMANA Timothée (conseiller),EN PRESENCE DE MUSUHUKE François (O.M.P) ET DE MUKAMUSONIBernadette ( Greffière).

CONSEILLER PRESIDENT ONSEILLER

NDAGIJIMANA Timothée GASORE Louis MUKURA LéonidasSé Sé Sé

GREFFIERE

MUKAMUSONI Bernadette

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309

TROISIEME PARTIE

JURIDICTION MILITAIRE

CONSEIL DE GUERRE

310

311

N°17

Jugement de la Chambre Spécialisée du Conseil de Guerre siègeant à KIGALIdu

26 novembre 1998.

Ministère Public et parties civiles C./ Sergent Gendarme BARAYAGWIZA Ildéphonse.

ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ART. 281 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUTDE PORTER LA DEVASTATION , LE MASSACRE OU LE PILLAGE (ART. 168 CP) –AVEUX (PARTIELS) – CATEGORISATION (2ème CATEGORIE ; ART. 2 L.O.30/08/1996) – COMPETENCE DU CONSEIL DE GUERRE (L.O. DU 06/12/95) – CRIMEDE GENOCIDE (ELEMENT MORAL) – DOUTE (BENEFICE DU, ART. 20 CPP) –DROITS DE LA DEFENSE – PEINE (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE ;DEGRADATION MILITAIRE) – PREUVE (TEMOIGNAGES) – RESPONSABILITECIVILE – RESPONSABILITE DE L’ETAT – TENTATIVE D’ASSASSINAT (ART 21ET 312 CP) – VIOL ET ACTES DE TORTURE SEXUELLE (ART. 360 CP ET ART. 2, 1d) L.O. 30/08/1996).

1. Conseil de guerre – compétence rationae personae - qualité du prévenu (art. 11 de la L.O.n°11/95 du 6/12/95 portant modification du décret-loi n°09/80 du 7 juillet 1980 portant Coded’organisation et de compétence judiciaire et instituant l’auditorat militaire)– momentd’appréciation de la qualité de militaire- militaire au moment de l’arrestation.

2. Procédure - remises d'audience – droits de la défense – constitution de partie civile – citationde l'Etat.

3. Viol (art. 360 CP), tortures sexuelles (art. 2, 1 d) L.O. 30/08/1996) et assassinat (art. 312 CP)– témoignages contredisant les déclarations de la plaignante – plainte tardive – doute(art.20 CPP) - acquittement.

4. Témoignages – entraînement des Interahamwe (Intention coupable : oui) – participation auxattaques criminelles – infractions établies – association de malfaiteurs (art. 281 CP) –assassinat (art.312 CP) – tentative d'assassinat ( arts. 21 et 312 CP) – aveux – pillage (art.168 C.P).

5. Génocide – élément moral spécifique – infraction établie.

6. Catégorisation – actes ayant entraîné la mort – deuxième catégorie –emprisonnement àperpétuité – dégradation militaire.

7. Action civile – recevable et partiellement fondée – deuxième catégorie – responsabilitépersonnelle.

8. Dommage matériel (âge de la victime)– dommage moral (sagesse du Tribunal) –

9. Responsabilité solidaire de l'Etat (non)

312

1. La qualité de membre des forces armées qui fonde la compétence du Conseil de Guerre peuts’apprécier au moment du début des enquêtes. Nonobstant les déclarations du prévenu selonlesquelles il ne faisait pas partie de l’armée à l’époque des faits, le Conseil de Guerre sedéclare donc compétent, retenant qu’au moment de son arrestation, il était soldat de l'ArméePatriotique car il avait suivi un recyclage et avait été intégré dans la nouvelle armée,conformément à l’article 8 de la Déclaration du FPR relative à la mise en place desinstitutions.

2. Une remise est accordée au prévenu afin de lui permettre de prendre connaissance desconstitutions de partie civile et d’organiser sa défense.Une seconde remise d'audience est accordée à la demande des parties civiles pour leurpermettre de préparer le dossier et pour que soit cité l’Etat rwandais comme civilementresponsable.

3. Les déclarations d’une plaignante qui soutient qu’après avoir tué son mari, le prévenu l’auraitenlevée, séquestrée et violée à de nombreuses reprises sont en totale contradiction avec laversion des faits présentée par le prévenu, qui déclare l’avoir protégée et hébergée. Lestémoignages recueillis et le fait que la plaignante n'ait pas alerté les autorités lorsqu'elle a reçula visite du prévenu dans son magasin postérieurement aux faits, jettent un doute sur lacrédibilité de son témoignage. Le prévenu est acquitté, au bénéfice du doute, des préventionsde viol et de torture sexuelles, ainsi que de la prévention d’assassinat du mari de laplaignante.

4. Les témoignages concordent à établir que le prévenu a entraîné des jeunes de la CDR, qui sesont ensuite rendus coupables de massacres dans la région. C’est en vain que la défensesoutient que les entraînements en question visaient la mise sur pied d’équipes de « défensecivile », ces jeunes ayant été entraînés à massacrer les gens plutôt qu’à les protéger. Il estégalement démontré que le prévenu a participé personnellement à au moins deux attaques quiont fait plusieurs victimes, et qu’il a frappé à la machette une personne laissée pour morte. Enoutre, le prévenu est en aveu d’avoir participé à des actes de pillages. Il est déclaré coupabled’association de malfaiteurs, d’assassinat, de tentative d’assassinat et d’attentats ayant pourbut de porter le pillage.

5. La prévention de génocide est établie, car le prévenu «avait pour but d’exterminer les Tutsilors des crimes qu’il a commis ».

6. En dépit des réquisitions du Ministère Public qui réclame le classement du prévenu enpremière catégorie en tant que planificateur et personne ayant agi en position d’autorité, il estclassé en deuxième catégorie comme auteur d’actes ayant entraîné la mort, le dossier nepermettant pas de retenir à sa charge les éléments qui appelleraient son classement enpremière catégorie. Il est condamné à l’emprisonnement à perpétuité et à la dégradationmilitaire.

7. Les actions civiles introduites sont recevables et partiellement fondées.Du fait de son classement en deuxième catégorie, le prévenu, en vertu de l’article 30 al. 2 dela Loi organique du 30 août 1996, est tenu de réparer uniquement les dommages causés parles actes qu’il a commis lui-même.

313

8. Les dommages et intérêts matériels liés à la perte d’un époux et d’un père sont fixés enfonction du nombre d’années qui séparaient la victime de l’âge de la retraite.Les dommages moraux réclamés étant exagérés, le Tribunal les évalue dans sa sagesse.

9. L'Etat ne peut être condamné solidairement au paiement des dommages et intérêts alloués, carle prévenu n’occupait aucune fonction publique au moment des faits.

(NDLR: ce jugement a été confirmé par la Cour militaire dans un arrêt en date du20/12/1999).

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315

(Traduction libre)1er feuillet.

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU CONSEIL DE GUERRE, SIEGEANT A KIGALIEN MATIERE DES INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDEOU D’AUTRES CRIMES CONTRE L’HUMANITE, A RENDU CE 26 NOVEMBRE1998 LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

Sergent GD BARAYAGWIZA Ildephonse fils de MUTARATAZA Léon et KAMASHAEuphrasie, né en 1966 dans la commune MUSASA, préfecture de KIGALI NGALI, marié àUWIMPAYE Rebeka, père de deux enfants, ex-militaire des FAR, sans biens ni antécédentsjudiciaires connus, actuellement en détention préventive.

PREVENTIONS :

1. Avoir, entre avril et juillet 1994, à CYAHAFI, commune NYARUGENGE, comme auteurou complice, commis le crime de génocide prévu par la Convention du 9 décembre 1948ratifiée par le Rwanda en date du 12 février 1975, et par la Loi organique n° 08/96 du 30août 1996 ;

2. Avoir encadré les miliciens Interahamwe et le génocide dans le secteur CYAHAFI,infraction prévue et réprimée par les articles 2, catégorie 1 a, et 14 a de la Loi organiquen° 08/96 du 30 août 1996 ;

3. Avoir créé des associations de malfaiteurs dans le but de commettre le génocide,infraction prévue et réprimée par les articles 2, catégorie 1 a, et 14 a de la Loi organiquen° 08/96 du 30/08/1996 ;

4. Avoir assassiné différentes victimes dont les nommés NDENGEYINGOMA Edouard etses 4 petits frères et d’autres qui n’ont pas été identifiés et ce, en raison de leur ethnieTutsi, infraction prévue et réprimée par l’article 312 du Code pénal et par les articles 2catégorie 1 b, et 14 a de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

2ème feuillet.

5. Avoir commis les infractions de tortures sexuelles et de viol, infractions prévues etréprimées par l’article 360 du Code pénal et par les articles 2, catégorie 1 d, et 14 a de laLoi organique n° 08/96 du 30/08/1996 ;

6. Avoir tenté d’assassiner NYOMBAYIRE Sixte, infraction prévue et réprimée par lesarticles 20, 21, 22, 24 et 312 du Code pénal ;

Vu que le sergent gendarme BARAYAGWIZA dont l’identité est reprise ci-dessus est

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poursuivi du chef des infractions libellées aux préventions ;

Vu que le dossier relatif à l’affaire en cause le Ministère Public contre le sergent gendarmeBARAYAGWIZA Ildephonse a été transmis à la Chambre Spécialisée du Conseil de Guerrepour fixation par lettre de l’Auditeur Militaire du 21 juillet 1998 ;

Vu que ce dossier a été inscrit au rôle sous le n° RP 0012/CG-CS/98 ;

Vu l’ordonnance du Président de la Chambre Spécialisée prise en date du 24 septembre 1998fixant la date d’audience au 12 octobre 1998 ;

Vu qu’à cette date le Ministère Public est représenté par le sergent NZAKAMWITA Faustin,que le sergent BARAYAGWIZA Ildephonse comparait assisté par Maître SONEVILLEIsabelle ;

Attendu qu’après lecture de son identité et des préventions à sa charge, le sergent gendarmeBARAYAGWIZA dit qu’il ne reconnaît pas la qualité de militaire qui lui est attribuée car iln’est qu’un civil ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir s’il plaide coupable des infractions qui lui sontreprochées, il répond qu’il en plaide non coupable ;

Attendu que la parole est accordée à l'Auditeur militaire qui dit que le Sergent gendarmeBARAYAGWIZA a été poursuivi comme militaire car il reconnaissait lui-même cette qualité,que l’Auditorat Militaire est compétent pour exercer des poursuites contre les militaires etleurs complices non militaires tel que prévu à l’article 3 modifié de la Loi fondamentale ainsique par la déclaration du FPR relative à la mise en place des institutions en son article 8 tellequ’agréée par les forces politiques appelées à participer aux dites institutions qui dispose quel’intégration des éléments des anciennes Forces Armées Rwandaises se fera par triage desindividus sains et qui ne se seraient pas personnellement compromis par des actesrépréhensibles, que c’est dans ce cadre que le prévenu est allé au regroupement qui a eu lieu àGAKO ;

3ème feuillet.

Attendu que l'Auditeur militaire dit qu’à l’époque du génocide, le sergent BARAYAGWIZAs’est comporté comme un militaire et que, usant de son rang, il a collaboré avec des militairesparmi lesquels figurent le caporal HATEGEKA dont l’adresse actuelle est inconnue et lelieutenant Richard qui lui a donné un fusil, qu’il y a dès lors opportunité des poursuites ;

Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA figure sur la liste nominative des élémentsdes anciennes Forces Armées Rwandaises ainsi que sur celle des militaires qui ont commisdes infractions, qu’il ressort du commentaire de la Loi organique par des juristes sur lacompétence des chambres spécialisées qu’il n’est tenu compte que des fonctions exercées parla personne poursuivie au moment de l’instruction préparatoire et que, dans le cas actuel,l’intéressé était un militaire quand les enquêtes ont commencé, que selon même la doctrine duGénéral LIKULIA BOLONGO, le Conseil de Guerre est seul compétent pour juger leprévenu ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il n’était plus membre des anciennes Forces

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Armées Rwandaises à l’époque des faits en 1994 parce qu’il avait été renvoyé en date du21/01/1990, qu’il ne devrait pas par ailleurs être encore au grade de sergent s’il est tenucompte de l’époque à laquelle il est censé avoir été réintégré dans l’Armée PatriotiqueRwandaise, qu’il n’a même pas de numéro matricule au sein de cette dernière et que, ayantété incarcéré en compagnie de militaires, ceux-ci ont continué à recevoir leurs soldes alorsqu’il n’en n’était pas de même pour lui, qu’il est considéré comme un élément de l’arméeactuelle alors qu’aucune tâche ne lui a été confiée au sein de celle-ci depuis sa mise endétention et qu’il avait l’étiquette d’un milicien Interahamwe lors de ses séjours respectifsdans les prisons de RILIMA, KIBUNGO et MULINDI ;

Attendu qu’il dit que le Chef d’Etat-Major est arrivé à KIBUNGO en août 1996 et leur a ditqu’ils n’étaient pas inscrits parmi les éléments de l’Armée Patriotique Rwandaise, qu’ilpoursuit en disant qu’il y a lieu, en ce qui le concerne, de consulter sa fiche individuelled’identification ou le Journal Officiel pour être suffisamment renseigné sur le motif de sonrenvoi, qu’il ne fait même plus partie des personnes affiliées à la Caisse Sociale ;

Attendu qu’il affirme avoir démontré au Ministère Public qu’il agissait en qualité de civil àpart que ses pièces ont été volées ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA n’a jamais été victimede vol, que ses moyens de défense tendant à nier sa qualité de militaire ne visent qu’àdétourner l’attention du Tribunal, qu’il demande que l’intéressé parle plutôt du lieu où il a étéarrêté ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a été arrêté à KIGALI par des militairesqui l’ont d’abord conduit à l’endroit où se trouve l’immeuble appartenant à KABUGA etensuite au lieu dénommé " la fraîcheur" où un officier qu'il pense être le capitaine Joseph l’atrouvé, que celui-ci a dit que BARAYAGWIZA n’était pas militaire ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que sergent BARAYAGWIZA ment car il a été arrêté aucamp militaire de "GAKO REORGANISATION SCHOOL" après sa formation, que ce campmilitaire est doté de structures administratives militaires effectives et que l’Armée PatriotiqueRwandaise n’a jamais procédé à la formation de personnes civiles ;

4ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir dans quelles circonstances le sergent BARAYAGWIZAest allé au camp militaire de GAKO, l'Auditeur militaire dit que l’intéressé s’est présenté deson plein gré à la suite d’un communiqué radiodiffusé qui invitait les anciens militaires à serendre à GAKO, que les concernés devaient d’ailleurs remplir les conditions prévues à la page40 des Accords de Paix d’Arusha pour être réintégrés dans le corps des sous-officiers àsavoir : en avoir la volonté, être un membre effectif de l’ex-armée, être de nationalitérwandaise, être physiquement apte et avoir l’âge requis ;

Attendu que l'Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA était un partisan fidèlede HABYARIMANA, la preuve étant qu’il a été son employé dans la boîte de nuit dénomméKIGALI- NIGHT, au TAM-TAM et EXOTICA, qu’il est poursuivi en qualité de militaire caril figure sur la liste exhaustive des militaires, sur la liste nominative et sur celle des militairesayant commis des infractions, qu’il est faux de prétendre qu’il avait été renvoyé de l’armée

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car la période à laquelle il prétend avoir fait l’objet de cette mesure ne s’y prêtait guère, àcette époque en effet, l’on rappelait plutôt sous les drapeaux des membres de la réservemilitaire en leur envoyant des télégrammes ;

Attendu qu’interrogé sur son numéro matricule à l’époque où il était sergent en 1988, lesergent BARAYAGWIZA dit qu’il avait le n° 7500, qu’à la question de savoir comment on aappris qu’il avait le grade de sergent, il répond qu’on demandait à chacun les renseignementssur son grade, les camps militaires où il a vécu, la date à laquelle il avait quitté l’armée, ous’il était encore en activités;

Attendu qu’à la question de savoir s’il lui est arrivé de déclarer ne pas vouloir continuer àservir au sein de l’armée, il répond qu’ils étaient nombreux à le souhaiter mais que certainsautres se sont laissés convaincre de rester ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a subi un quelconque interrogatoire sous la contrainte,il répond que cela a été le cas lors de son interrogatoire par le sergent KAMANZI, mais qu’ilapprouve cependant le procès-verbal de l’autre interrogatoire qu’il a subi, qu’à celle de savoirs’il y a des personnes qu’il a entraînées militairement, il répond par l’affirmative et dit qu’il apu identifier le seul sergent SEBITABI parmi ses collaborateurs mais qu’il ignore où iltravaillait, que c’est parce qu’il n’y avait pas longtemps qu’il habitait à cet endroit qu’il neconnaît pas les autres, que cette tâche leur a été confié au cours d’une réunion qui a eu lieu àune école située derrière son habitation et ce, sous la direction du conseiller RoseKARUSHARA, qu'il pense d'ailleurs que sergent SEBITABI logeait chez ce conseiller ;

Attendu que l'Auditeur Militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA a apposé sa signaturesans contrainte sur le procès-verbal de son audition portant le n° 7, qu’il y a un autre procès-verbal qu’il a signé lui-même sous le grade de sergent GD BARAYAGWIZA, ceci étant lapreuve qu’il se reconnaît militaire et qu’il n’a jamais déclaré ne pas vouloir rester en service,qu’il y a lieu pour le Tribunal d’apprécier souverainement tous ces éléments de preuve aumoment de prendre sa décision ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il lui est difficile de produire les preuves àl’appui de sa défense, mais qu’il y aurait lieu de chercher au Ministère de la Défense et àl’Etat-Major des pièces relatives aux circonstances de son renvoi, que la preuve manifestedont il dispose actuellement est qu’il aurait dû avoir le grade d’Adjudant mais qu’il a toujourscelui de sergent alors qu’il a été enrôlé dans l’armée en 1988, que compte tenu du règlement,il aurait dû déjà porter le grade de Sergent Major au moment de son arrestation ;

5ème feuillet.

Attendu qu’il dit que des discussions portant sur l’endroit où il devait être conduit ont eu lieulors de son arrestation, que le lieutenant qui l’a emmené du lieu dénommé "la fraîcheur" lui adit à son arrivée à RILIMA qu’il devait vivre avec les militaires, que ce n’est que quand sonidentité n’a pas pu être établie plus tard qu’il a été interrogé là-dessus, car à ce moment leMinistère Public voulait qu’il soit justiciable devant le Conseil de Guerre ;

Attendu que l’Auditeur dit que les conditions de promotion en grades sont énoncées à l’article34 de l’Arrêté Présidentiel n° 02/02 du 3 janvier 1977 portant Statut des Sous-Officiers telque figurant dans le Tome II des Codes et Lois qui dispose que la durée minimum de serviceeffectif dans chaque grade pour pouvoir être promu est de 3 ans, que la durée maximum n’est

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cependant pas indiquée et qu’il n’y a aucun acte administratif portant renvoi du sergentBARAYAGWIZA de l’armée ;

Attendu que Me Isabelle SONEVILLE dit que le problème est simple car il s’agit de savoir sile prévenu était militaire lors de la commission des faits qui lui sont reprochés ou lors de sonarrestation à GAKO, cela ne pouvant être prouvé autrement que par des pièces écrites car laqualité de militaire doit être confirmée pas le règlement et le n° matricule, qu’elle souhaitesavoir si, au cours de sa formation au camp militaire de GAKO, l’intéressé était considérécomme un militaire ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que les militaires sont des agents de l’Etat qui nesauraient être rémunérés sans être enregistrés, mais que le Ministère de la Défense ayant encharge la sécurité et la souveraineté du pays dans ses attributions, il ne leur est pas permis derendre publique la liste des militaires en service, que par ailleurs, non seulement ce pays aperdu les victimes qui ont été tuées, mais a également subi des actes de pillage ;

Attendu qu’il dit que les militaires n’avaient pas encore reçu leurs soldes et qu’ils ont étémaintenus aux grades qu’ils avaient en date du 06/04/1994, que c’est ainsi queBARAYAGWIZA a conservé le grade de sergent qu’il avait à cette date, que la formation aété clôturée publiquement en présence du Président de la République, du Ministre de laDéfense et des représentants du corps diplomatique, que le problème relatif au n° matriculeest d’ordre purement administratif ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA affirme avoir été renvoyé par le ColonelBAVUGAMENSHI pour abandon de poste et non respect des consignes du camp, que lelieutenant GATETE, actuellement militaire de l’APR et qui avait été renvoyé au mêmemoment que lui peut en témoigner, de même que les nommés NIBARERE et le caporalKARANGWA qui sont en détention à MULINDI, que quand ils étaient détenus avec desmilitaires de l’A.P.R., ces derniers ont reçu leurs soldes et des effets militaires sans qu’il ensoit de même pour eux, que suite à leur requête à cet effet, le Chef d’Etat-Major leur a ditqu’ils ne sont inscrits nulle part comme militaires ;

6ème feuillet.

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le fait que le sergent BARAYAGWIZA réclamait sasolde signifie qu’il reconnaissait sa qualité de militaire, que le non paiement de sa solde est unproblème d’ordre administratif qu’il ne devrait pas invoquer en rapport avec les infractionsqui lui sont reprochées, que le lieutenant GATETE qui est supposé avoir été renvoyé enmême temps que le prévenu est actuellement militaire et peut être invité à témoigner, qu’il y alieu de relever que le lieutenant colonel KANAMUGIRE et le Major NDAMAGE avaient euxaussi été renvoyés en violation de la loi, mais qu’ils ont été réintégrés, que les autresmilitaires dont parle BARAYAGWIZA sont à un échelon tellement bas qu’ils ne peuvent pasconnaître le motif de son renvoi, que la gravité de l’infraction d’abandon de poste aurait dûentraîner des poursuites à charge du prévenu qui aurait été par ailleurs mis en détention pource motif, qu’il estime que l’intéressé a été injustement renvoyé et que c’est pour cette raisonqu’il est revenu dans l’armée ;

Vu que le Tribunal se retire en délibéré pour prendre une décision sur cette exception;

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320

Attendu que le prévenu soulève l’exception d’incompétence du Tribunal en invoquant saqualité de civil estimant ainsi ne pas être justiciable de la Chambre Spécialisée du Conseil deGuerre ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il n’y a aucune preuve que l’intéressé a été renvoyé del’armée, surtout que le motif prétendu de son renvoi est une infraction pénale pour laquelle ilaurait dû être poursuivi, mais qu’il est établi qu’il n’a jamais été condamné par les juridictionspour ces faits ;

Attendu que l’Auditeur militaire invoque la déclaration du FPR du 17/07/1994 relative à lamise en place des institutions qui, en son article 8, dispose que l’intégration des éléments desanciennes Forces Armées Rwandaises se fera par triage des individus sains et qui ne seseraient pas personnellement compromis par des actes répréhensibles, qu’il soutient enconséquence que c’est dans le cadre dudit triage que le prévenu est allé à GAKO ;

Attendu que le Conseil du prévenu demande si le sergent BARAYAGWIZA était militaire àl’époque du génocide ou s’il existe un numéro matricule prouvant qu’il aurait réellement étéréintégré dans l’armée actuelle ;

Attendu que le prévenu dit que la preuve de son renvoi est qu’il n’a eu aucune promotion engrade jusqu’aujourd’hui et qu’il n’a jamais reçu de solde ;

Constate que le prévenu est allé au camp militaire de GAKO où devait avoir lieu la formationdes militaires des anciennes Forces Armées Rwandaises en vue de leur réintégration dansl’APR tel que prescrit par l’article 8 de la déclaration du FPR INKOTANYI du 17/07/1994 ;

7ème feuillet.

Constate qu’il a été arrêté pour crime de génocide après sa formation, qu’il avait ainsi étéréintégré dans l’APR ;

Constate que son moyen de défense tendant à renier sa qualité de militaire au motif qu’aucunnuméro matricule ne lui a été octroyé et qu’il n’a pas reçu de solde est non fondé car ceslacunes sont dus aux problèmes d’ordre administratif qu’avait le pays, surtout que lesmilitaires qui ont suivi la formation avec lui, mais qui n’ont pas été arrêtés, reçoivent leursolde et ont des numéros matricules ;

Déclare qu’il était militaire quand il a été arrêté et poursuivi, que le Conseil de Guerre estcompétent pour le juger ;

Attendu que la parole est accordée à l’Auditeur militaire pour un exposé détaillé des faitsreprochés au sergent GD BARAYAGWIZA et de leur qualification légale, qu’il commencepar un rappel de l’histoire et dit qu’en 1959, certaines personnes de l’ethnie Tutsi ont ététuées et victimes d’actes de pillages, que d’autres se sont exilées et sont devenues desréfugiés, que lors de l’attaque des Inyenzi en 1963 les Hutu ont tué les Tutsi, qu’il en a étéainsi en 1967 et qu’en 1973 des Tutsi ont de nouveau été tués et leurs cadavres jetés dans letrou dénommé RWABAYANGA, que les Tutsi ont été traités de complices des Inkotanyi en1990 et que quelques-uns ont été mis en prison tandis que d’autres furent tués, que les Tutside la région de GISENYI (LES ABAGOGWE) et ceux de celle du BUGESERA ont été tués

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en 1991, qu’en 1993 les miliciens Interahamwe ont été initiés à la perpétration d’actesméchants et pourvus de moyens à cet effet et qu’en 1994, il y a eu des tueries telles que mêmedes fœtus n’ont pas été épargnés, que les meurtriers ont été récompensés à l’exemple deRWAMBUKA qui, étant bourgmestre au moment des faits, a été d’abord promu Sous-Préfetet député ensuite ;

Attendu qu’il dit que des militaires ont été manipulés en avril 1994 tel que le sergentBARAYAGWIZA qui était un adepte de la CDR et travaillait au café TAM-TAM tout enétant membre du comité de crise de CYAHAFI composé des tueurs nommésBARARAMBIRWA, MUNYEZAMU F., GAHAMANYI Etienne, RWANDA Christophe,HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré, ce dernier étant chargé de chercherdes fusils et des munitions qui devaient servir à tuer les Tutsi ;

Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA, en collaboration avec ses collèguesmilitaires et Rose KARUSHARA, alors conseiller du secteur KIMISAGARA, ont soumis lesmiliciens Interahamwe à un entraînement militaire sur le terrain de l’école primaire deKIMISAGARA ;

Attendu qu’il dit qu’en date du 07/04/1994, le sergent BARAYAGWIZA et d’autresmalfaiteurs ont mené une attaque chez le nommé Narcisse originaire de NYANZA qui étaitun vendeur de vêtements de seconde main et qu’ils l’ont tué, qu’ils se sont ensuite renduschez le nommé François qui était un employé de MANUMETAL et l’ont tué avec son filsaîné âgé de 17 ans, et ce, à cause de leur ethnie Tutsi ;

Attendu qu’il dit qu’en date du 08/04/1994 aux environs de 16 heures et demie, des jeuneshommes ont attaqué le domicile de NYOMBAYIRE Sixte qui s’est défendu et les arepoussés, qu’ils sont revenus dans une attaque dirigée par le sergent gendarmeBARAYAGWIZA et dont faisait partie NZARIBARA alias GITENGE, qu’ils ont donné descoups de machette à l’intéressé et l’ont laissé pour mort, qu’en apprenant que la victimen’était pas morte, le sergent BARAYAGWIZA l’a poursuivie au Centre Hospitalier deKIGALI où elle se faisait soigner ;

8ème feuillet.

Attendu qu’il dit qu’en date du 14/04/1994, le sergent BARAYAGWIZA a dirigé une attaqueau cours de laquelle NDENGEYINGOMA Edouard et ses quatre petits frères KALISA,NIYIBIZI Anaclet, Vianney et Damien ont été tués, que le prévenu a emmené l’épouse deNDENGEYINGOMA à laquelle il a imposé une cohabitation forcée;

Attendu qu’il dit que la bande du sergent BARAYAGWIZA a détruit des maisons et commisdes actes de pillage chez Bosco et NDAYISABA dans le secteur CYAHAFI ;Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA s’était surnommé SHITANI à cause de saméchanceté ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il accepte de plaider mais relève qu’il n’apas eu le temps d’étudier le dossier, qu’il n’en a pas encore fait lecture pour qu’il puisse êtrerenseigné sur l’identité des personnes qui ont porté plainte contre lui car elle ne figurenormalement pas sur les assignations qui ne mentionnent que les seules préventions mises à

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charge du prévenu;

Attendu que l'Auditeur militaire dit que le prévenu doit présenter ses moyens de défense surles faits qui lui sont reprochés et non sur l’identité des plaignants, que par ailleurs, sonConseil ayant fait lecture du dossier, l’intéressé aurait dû lui aussi l’avoir fait ;

Attendu que Me SONEVILLE dit que son client n’a pas effectivement vu le dossier car celui-ci n’avait pas encore été traduit du Kinyarwanda quand ils ont eu leur première entrevue, quele dossier ne lui est parvenu qu’en date du 06/10/1998 et qu’elle a dû le faire traduire avantd’en communiquer le contenu au prévenu à travers les questions qu’elle doit lui poser, que cen’est que vendredi que le dossier lui a été retourné après traduction ;

Attendu qu’elle dit que, au cours de la matinée, l’audience a porté sur l’exceptiond’incompétence, qu’elle a demandé des explications et a appris que le sergentBARAYAGWIZA entend plaider non coupable, que le prévenu doit avoir la possibilité deprésenter suffisamment ses moyens de défense ainsi que des témoins à sa décharge ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que les moyens invoqués par le prévenu sont dilatoirescar il a été régulièrement cité à comparaître et que la négligence de la défense ne saurait êtreun motif de faire traîner le procès en longueur ;

Attendu qu’interrogé sur les difficultés qu’il a eu à prendre connaissance du contenu dudossier à sa charge, le sergent BARAYAGWIZA répond qu’il ignore même à qui il devaits’adresser à cet effet car on ne lui a pas indiqué la procédure à suivre ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit qu’il a facilité le contact entre le prévenu et sonConseil et leur a promis de leur permettre d’avoir une entrevue quand ils le voudraient ;

Attendu que le Conseil du prévenu dit que le Ministère Public leur a effectivement facilité lecontact mais qu’ils n’ont point la volonté de faire traîner le procès, qu’ils veulent plutôt que leprévenu puisse présenter des témoins à décharge en communiquant leur liste au greffier, qu’iln’est pas nécessaire que le prévenu fasse lecture de son dossier en sa présence, mais quel’intéressé doit être informé des réclamations des parties civiles ;

9ème feuillet.

Attendu qu’interrogé sur le temps dont il a besoin pour la lecture de son dossier, le sergentBARAYAGWIZA répond que deux semaines suffiront, mais demande également qu’on luiaccorde la possibilité d’avoir une entrevue avec son avocat ;

Vu que le Tribunal estime nécessaire de se retirer en délibéré pour l’examen de la requête duprévenu et de son Conseil ;Constate que sergent BARAYAGWIZA a été régulièrement cité à comparaître ;

Constate qu’il n’y a pas de motif valable qui l’a empêché de faire lecture de son dossier àtemps ;

Constate que la requête du Conseil du prévenu tendant à recevoir communication desconclusions des parties civiles est fondée, qu’elles doivent être déposées au Tribunal ;

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Décide de reporter l’audience au 19/10/1998 pour que les parties civiles puissent déposer augreffe du Tribunal leurs conclusions écrites ;

Attendu que l’audience reprend à cette date du 19/10/1998 par la prestation de serment dunouvel interprète MUSABYIMANA Mathias ;

Attendu que les avocats des parties civiles prennent la parole, que Me ClaudineGASARABWE demande au Tribunal de reporter l’audience à une autre date au motif qu’ilsont été tardivement informés de cette affaire, et de citer l’Etat rwandais en qualité decivilement responsable, que Me Bernadette KANZAYIRE dit que la citation de l’Etatrwandais en cette affaire est justifiée car le prévenu, sergent gendarme BARAYAGWIZA,était militaire au moment des faits poursuivis et qu’à cet égard, l’Etat rwandais représenté parle Ministère de la Défense, en sa qualité d’employeur, est solidairement responsable desdommages intérêts ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que pour pouvoir représenter valablement les partiesciviles, ces avocats doivent avoir le temps de lire le dossier, qu’il demande au Tribunal devérifier s’ils n’ont pas eu connaissance du dossier à temps et de prendre une décision enconséquence ;

Attendu que le Conseil du prévenu dit qu’il est compréhensible que ses confrères demandentdu temps pour lire le dossier, qu’il ne s’oppose pas au renvoi de l’audience à une autre datepour les motifs invoqués, mais demande plutôt à être autorisé à déposer une autre liste destémoins à décharge ;

10ème feuillet.

Attendu que Me Claudine GASARABWE dit que trois semaines leur suffiraient, qu’ensuite leTribunal se retire en délibéré ;

Attendu que les Conseils des parties civiles souhaitent qu’un délai leur soit accordé en vue dese préparer et que l’Etat rwandais, représenté par le Ministère de la Défense, soit cité àcomparaître ;

Vu les avis de l’Officier du Ministère Public et du Conseil du prévenu ;

Constate que la requête des avocats des parties civiles est fondée ;

Décide que l’audience est reportée au 5 novembre 1998 à 9 heures du matin pour permettreaux avocats des parties civiles de préparer leurs conclusions et pour que l’Etat rwandais soitcité en qualité de civilement responsable ;Vu qu’à cette date du 05/11/1998 l’audience a lieu, que Me DJOSSOU KOFFI qui a remplacéMe SONNEVILLE Isabelle produit son autorisation de plaider et que l’interprète ElyséeNTIVUGURUZWA prête serment ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public fait à nouveau un résumé des faits reprochés auprévenu ;

Attendu que dans sa défense sur l’infraction d’avoir donné des entraînements militaires auxInterahamwe, le sergent gendarme BARAYAGWIZA reconnaît les faits mais dit l’avoir fait à

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la demande de ce qui était appelé″ GARDE CIVILE ″, qu’il nie cependant avoir entraîné lesmiliciens Interahamwe car dit-il, au début du mois de juin 1994, le conseiller du secteurKIMISAGARA en la personne de Rose KARUSHARA a tenu une réunion à laquelle lamajorité des participants étaient des hommes et a dit que les personnes à entraîner seraientpréposées à la protection et la défense du secteur ou seraient enrôlées dans l’armée, que c’estainsi que le sergent BARAYAGWIZA et le sergent SEBITABI ont été désignés pourentraîner ceux qui y étaient aptes, que la liste a été établie au bureau du secteur et que lesconcernés ont été répartis en deux groupes de 28 personnes chacun ;

Attendu qu’il dit qu’ils sont retournés sur les lieux le lendemain et y ont croisé trois militairesqui avaient apporté des fusils devant servir à l’entraînement, lequel a commencé trois joursplus tard, mais que en raison des obus que les Inkotanyi tiraient sur le terrain choisi à ceteffet, il a eu peur d’y perdre la vie et n’y est pas retourné ;

Attendu que relativement à l’infraction d’encadrement du génocide il dit qu’il ne pouvait pasdiriger le génocide et n’y a même pas pris part, qu’il n’était qu’un simple citoyen et n’étaitpartisan d’aucun parti politique même s’il est faussement accusé d’avoir fait partie du comitéde crise de CYAHAFI ;

11ème feuillet.

Attendu qu’il dit qu’il se trouvait chez sa sœur à CYAHAFI au début des tueries où il a passétrois jours à cause du couvre-feu qui était en vigueur, qu'il a ensuite regagné son domicile àKIMISAGARA et n’a jamais résidé à CYAHAFI ;

Attendu qu’il déclare ne pas avoir commis l’infraction d’association de malfaiteurs, à moinsdit-il, qu’on ne veuille parler des gens qu’il a entraînés militairement sur ordre, encore qu’ilignore les actes qu’ils auraient commis ;

Attendu que dans sa défense sur l’infraction d’assassinat d’Edouard NDENGEYINGOMA etde nombreuses autres victimes, il dit que ce n’est pas lui qui les a tués mais que, tel qu’il l’aappris de la nommée Agnès KAGERUKA, l’ex-épouse de NDENGEYINGOMA, qu’il aaidée à s’échapper du domicile de HATEGEKA en lui envoyant le dénommé JEUNE,NDENGEYINGOMA a été tué par HATEGEKA et d’autres dont le nommé CYABINGO,qu’elle le lui a dit quand il l’a aidée à s’échapper de chez HATEGEKA, que d’autrespersonnes qui résidaient à CYAHAFI, dont le 1er sergent RWAMUNINGI, KAYIRANGAqui est détenu à RILIMA, MANZI et la nommée Maman HAMIMU, connaissent lescirconstances de la mort de NDENGEYINGOMA ;

Attendu qu’à la question de savoir quand il a fait la connaissance de Agnès KAGERUKA, ilrépond que c’est avant le génocide, qu’il dit qu’en avril ou au début de mai 1994, il setrouvait chez lui quand le dénommé JEUNE est arrivé et lui a dit qu’Agnès l’envoyait luidemander de la secourir et qu’elle était chez HATEGEKA, qu’il n’avait pas d’arme mais sesentait obligé de voler à son secours car elle était en danger et qu’à cet égard, il a usé de ruseen lui faisant parvenir un schéma indiquant le chemin à suivre, que cette démarche a aboutigrâce à Dieu et au fait qu’Agnès avait des pièces d’identité mentionnant qu’elle est Hutu,ainsi que parce que le sergent GD BARAYAGWIZA avait été militaire;

Attendu qu’il dit qu’Agnès lui attribue l’assassinat de son mari suite au conflit qui les oppose

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relatif notamment à une somme d’argent et d’autres biens de valeur qu’il lui a confiés quandil est allé à GAKO et que, à son retour, il a constaté, quand il est revenu au cabaret, qu’Agnèsétait entretenue par un autre homme, qu’elle a cru alors qu’il venait pour lui réclamer sesbiens, que c’est ainsi qu’après son départ, ils ont envoyé un message pour le faire arrêter aumotif prétendu qu’il constituait une menace à leur sécurité ;

Attendu que concernant l’infraction d’avoir forcé Agnès KAGERUKA à cohabiter avec lui, ildit qu’il n’apparaît nulle part qu’il l’a commise surtout si l’on examine les questions posées àAgnès et les réponses qu’elle a données lors de son audition, qu’il reconnaît seulement l’avoirsecourue et conduite chez lui à sa demande, que les accusations qu’elle porte contre luiaffirmant qu’il a tué les victimes qu’elle énumère et parmi lesquelles figurent même cellesqu’il ne connaît pas ne relèvent que de pures inventions qui semblent lui avoir été inspiréespar des tiers;

Attendu qu’il dit qu’elle ment quand elle rapporte les circonstances dans lesquelles il l’aconduite chez lui en date du 14 , qu’il peut présenter des témoins en vue de la démentir à cesujet, qu’il est également faux d’affirmer lui avoir échappé pendant trois semaines, commesont également fausses les allégations selon lesquelles il aurait à cette date, après avoirassassiné Edouard, pillé deux matelas doubles et une armoire, et emmené Agnès en étantarmé d’un fusil, car personne ne peut commettre tous ces actes seul ;

12ème feuillet.

Attendu qu’il dit que les infractions de tortures sexuelles et de viol ont été inventées parl’Auditorat Militaire car la victime de ces actes n’apparaît nulle part dans le dossier ;

Attendu que BARAYAGWIZA dit que l’infraction de tentative d’assassinat deNYOMBAYIRE n’a pas eu lieu car, à la date indiquée comme étant celle des faits, il setrouvait à CYAHAFI où il avait été bloqué à cause du couvre-feu qui venait d’être décrété,qu’il n’a appris cet assassinat qu’à son retour à son domicile quand on lui a dit queNYOMBAYIRE avait été victime de coups de machette au cours d’une attaque et qu’il setrouvait au Centre Hospitalier de KIGALI où il se faisait soigner, que le prévenu estime quece sont des gens qui sont en conflit avec lui qui l’ont impliqué dans ce crime ;

Attendu qu’interrogé sur la durée des entraînements ainsi que sur leur objectif, et à la questionde savoir s’il était payé pour cette tâche, et s’il a été poursuivi quand il l’a abandonnée, ilrépond que les gens qui ont participé aux entraînements militaires devaient assurer la défensedu secteur et que cette opération était supervisée par la Préfecture de la ville de KIGALI etl’Etat-Major représentés respectivement par le Préfet RENZAHO et le lieutenant Esdras quiont donné des instructions au conseiller du secteur qui, à son tour, a convoqué les candidatsen vue d’une sélection, qu’il n’était pas payé et qu’aucune poursuite n’a été exercée contre luipour avoir cessé de dispenser ces entraînements ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il n’avait pas de fusil, il répond qu’il n’en avait pas àcette époque et qu’il ne l’a obtenu que vers le 15/06/1994 lors de l’attaque deNYAMIRAMBO ;

Attendu qu’interrogé sur la différence entre la garde civile et les miliciens Interahamwe, ilrépond que c’est sur instruction officielle que les membres de la garde civile ont été entraînés,

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tandis que la milice Interahamwe était une branche du MRND et de la CDR, qu’à la questionde savoir s’il se souvient de quelques-uns des individus qu’il a entraînés, il répond que leurliste avait été établie mais que comme les gens fuyaient, il a perdu tout contact et n’a plussuivi de près les activités liées à ces entraînements, qu’il y avait cependant d’autres personnesqui les supervisaient ;

Attendu qu’interrogé sur les trois organes qui dispensaient des entraînements militaires, leursattributions respectives et leur collaboration, il répond qu’il y avait l’armée ainsi que la gardecivile elle aussi instituée par l’Etat pour la défense de la population mais dont certainsmembres étaient également enrôlés dans l’armée, que les Interahamwe constituaient quant àeux une branche d’un parti politique, que ce sont les miliciens Interahamwe et de la CDR quiont commis des tueries à KIMISAGARA, que les membres de la défense civile n’ont pascommis d’actes répréhensibles à part qu’il n’a plus eu connaissance de leurs activités aprèsavoir cessé de les entraîner, qu’au cours de cette période les massacres avaient cependantcessé car, ayant été déclenchés le 07/04/1994, ils ont pris fin en juin 1994 suite auxinstructions qui intimaient l’ordre d’y mettre un terme ;

Attendu qu’à la question de savoir quand il a fait la connaissance d’Agnès KAGERUKA, ilrépond que les parents de KAGERUKA étaient les voisins de sa sœur et qu’ils se connaissentdepuis bien avant le génocide car ils se rendaient même visite, qu’Agnès savait qu’il était unex-militaire, qu’à la question de savoir si elle savait qu’il était en vie quand elle lui a fait direde la secourir, il répond par l’affirmative, qu’à celle de savoir s’il connaissait bien l’endroitoù vivait Agnès il répond que c’est chez KAGERUKA qui était un voisin de sa sœur et d’oùelle est partie pour épouser Edouard même si l’Auditeur militaire dit que les intéressés étaientdes fiancés, que c’était également près de l’endroit où habitait Edouard ;

13ème feuillet.

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA tente de fuir lesaccusations portées contre lui, qu’il poursuit en disant que l’Etat prenait en charge laformation des militaires, des gendarmes et des policiers en vue de la protection du pays et queseuls ces corps avaient une existence légale alors qu’aucune loi n’avait institué la défensecivile, que ce sont plutôt des miliciens Interahamwe qui ont été entraînés, qu’il est faux de lapart du prévenu d’affirmer avoir reçu un message à lui envoyé par Agnès pour la secourir, quel’intéressé a au contraire pris part aux attaques comme les autres tueurs et que, en sa qualitéde sergent digne de sa réputation, il en est revenu emmenant Agnès ;

Attendu qu’interrogé sur quoi était fondé son optimisme quand il est allé secourir Agnès, ilrépond qu’il vivait à KIMISAGARA où Agnès a fait appel à lui par l’intermédiaire d’unmessager, qu’il lui a envoyé un schéma des endroits où les miliciens Interahamwe setrouvaient, qu’il poursuit en disant qu’il est un jour arrivé là où Agnès avait été séquestrée sibien que la sœur du milicien auteur de cette séquestration le sait, qu’Agnès est parvenue àquitter cet endroit car elle avait une carte d’identité portant la mention de l’ethnie Hutu et unpermis de résidence, qu’elle a croisé en cours de route l’enfant qui lui apportait le schéma quilui était envoyé par BARAYAGWIZA, qu’elle a ainsi rejoint ce dernier qui l’a conduite chezlui ;

Attendu qu’il dit que des miliciens Interahamwe envoyés par HATEGEKA après avoir apprisl’endroit où se trouvait Agnès sont venus chez lui en vue de se faire remettre l’intéressée,qu’il s’y est opposé et qu’ils l’ont depuis lors persécuté, ce que voyant, il a décidé de chercher

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un fusil en vue de sa défense et de la protection d’Agnès qui était recherchée, qu’il a obtenuce fusil du lieutenant Richard, qu’il n’a jamais violé Agnès durant cette période d'autant plusque sa sœur occupait une chambre dans la même maison ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles ils se sont réfugiés, il répond qu’ilssont allés à MUSASA d’où il est natif mais que la région a été vite occupée par l’APR etqu’ils ont dû rester à RUHONDO d’où les militaires les ont conduits dans un camp deregroupement où il a passé deux semaines en compagnie des membres de sa famille etd’Agnès, que lors d’une réunion organisée par ces militaires à cet effet, ils ont demandé auxparticipants de dénoncer les tueurs mais que personne ne l’a mis en cause jusqu’à ce qu’ilssoient rentrés ;

Attendu qu’interrogé sur la date à laquelle ils ont fui de KIGALI, il dit qu’ils ont quittéKIGALI le 04/07/1994 et que les militaires de l’APR sont arrivés à MUSASA le 07/07/1994et les y ont trouvés ;

Attendu qu’interrogé sur les biens qui sont à l’origine de son conflit avec Agnès ainsi que surleur destination actuelle, il dit qu’il s’agit de vêtements (jeans) d’une valeur de quatre vingttrois mille francs (83.000 Frw), d’un pantalon en laine d’une valeur de quinze mille francs(15.000 Frw), de chaussures souplesse d’une valeur de trente mille francs et d’autres demarque Adidas d’une valeur de vingt cinq mille francs (25.000 Frw),

14ème feuillet.

de chaussures de marque Puma d’une valeur de trente cinq mille francs (35.000 Frw), d’unechaînette en or, d’une montre SEIKO d’une valeur de douze mille francs (12.000 Frw), d’unesomme de soixante quinze mille francs (75.000 Frw), soit au total des biens d’une valeur detrois cent cinquante huit mille francs (358.000 Frw), qu’il se peut qu’Agnès les ait vendus etse serait servie du produit de cette vente pour l’ouverture de la boutique qu’il l’a vue exploiterquand il est allé la voir à son retour de GAKO ;

Attendu qu’interrogé sur ce qu’il sait des circonstances de la mort de NDENGEYINGOMAEdouard, il répond avoir appris d’Agnès que la victime a été tuée par HATEGEKA aliasCaporal qui a servi dans l’unité de BUTARE, ainsi que CYABINGO et d’autres, qu’interrogésur l’identité d’un témoin qui pourrait le confirmer, il cite le 1er Sergent RWAMUNINGI ;

Attendu qu’en réplique à l’argument selon lequel il est clair que, en se rendant à GAKO, c’estparce qu’il considérait Agnès comme son épouse qu’il lui a confié ses biens, il dit que cela estfaux, qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas laissé ces biens à sa sœur, il répond qu’ilne savait pas qu’ils allaient être emportés ;

Attendu qu’il dit qu’aucun autre conflit ne l’oppose à Agnès car elle n’a formulé aucune autreaccusation contre lui et qu’ils ne se sont jamais disputés, qu’à la question de savoir si Agnèsn’a pas pris ces biens parce qu’elle croyait qu’il allait l’épouser, il répond qu’elle ne pouvaitpas penser à une telle éventualité car elle était considérée comme une enfant de la famille oùelle vivait avec la sœur du prévenu, qu’interrogé sur la raison pour laquelle il lui a réservé untraitement privilégié en lui donnant de l’argent pour ses besoins personnels et sur lescirconstances dans lesquelles ils se sont séparés, il répond qu’ils se sont séparés quand il est

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allé prendre part à la formation à GAKO, qu’il ne l’a pas privilégiée en lui donnant del’argent car il en a donné également aux membres de sa famille ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas emporté avec lui sa chaînette et samontre il répond qu’il redoutait de les porter à cause de l’insécurité qui régnait à KIGALI,qu’à celle de savoir les circonstances dans lesquelles Agnès a quitté la maison où il l’avaitlaissée il répond qu’il n’en sait rien car il n’était pas là, mais que c’est elle qui a emporté cesbiens car personne d’autre n’avait les moyens d’ouvrir la valise dans laquelle ils setrouvaient ;

Attendu que Me Bernadette KANZAYIRE demande que le sergent BARAYAGWIZAexplique comment il a eu confiance en Agnès qui n’était qu’une réfugiée jusqu’à lui confierdes biens qu’elle a fini par emporter à l’insu des membres de sa propre famille et à lui donnerune somme de quinze mille francs alors qu’il n’a donné que dix mille francs à ses proches,qu’elle souhaite également qu’il indique comment il a obtenu une si grande somme d’argentalors qu’il n’était pas rémunéré ainsi que la date à laquelle il a cessé d’entraîner les membresde la défense civile et celle de la réunion qui a été dirigée par le conseiller KARUSHARA ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA répond avoir donné cette somme d’argent à Agnèspour l’aider car elle se trouvait dans une région où elle était inconnue, que rien ne manquaitaux membres de sa famille si bien que la somme d’argent qu’il leur a donnée ne devait queleur servir à se débrouiller, qu’il a eu confiance en elle car elle était considérée comme unmembre de sa famille, mais qu’il ignorait ses véritables intentions, qu’il a laissé ses biensparce qu’il croyait revenir le lendemain mais qu’il ne savait pas quand Agnès s’en irait carcela ne dépendait que d’elle,

15ème feuillet.

que la somme d’argent qu’il avait était de loin inférieure à ses revenus et ne constituait mêmepas la moitié de son salaire car il a respectivement travaillé à KIGALI-NIGHT CLUB, TAM-TAM et EXOTICA avant de revenir au TAM-TAM jusqu’au 06/04/1994 ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le procès-verbal portant le n° 9 fait apparaître lepouvoir du prévenu dans les entraînements des miliciens Interahamwe, qu’à la page 3 duditprocès-verbal le sergent BARAYAGWIZA parle des biens qu’il a pillés et vendus, quel’intéressé pillait les biens des victimes qu’il venait de tuer et qu’il a agi ainsi notamment chezEdouard, chez François et ailleurs ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que les actes de pillage qu’il a commis n’ontpas visé les domiciles des particuliers mais que, suite à la dégradation de sa situationfinancière, il est allé en ville et a aidé les gens à transporter à KIMISAGARA les vêtementsde seconde main qu’ils achetaient, qu’il était payé en fonction de la quantité d’habitstransportés, qu’il l’a fait à deux reprises, mais qu’ils ont été attrapés la troisième fois et qu’onleur a pris ces habits, qu’il ne se souvient pas de la somme d’argent qui lui a été payée à ceteffet ;

Attendu qu’interrogé sur l’origine de la somme d’argent qu’il a distribuée, il dit qu’il ne peutqu’assurer qu’il avait une somme de soixante mille francs lors de sa fuite, que les biens devaleur qu’il avait provenaient des dettes qu’il contractait au magasin de Marcel et des dons àlui faits par sa sœur qui vivait en Amérique, que sa famille également lui donnait de l’argent ;

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Attendu qu’il dit que la réunion dirigée par le conseiller du secteur KIMISAGARA a eu lieuau début de juin 1994, qu’il a entraîné les gens au maniement de fusils le premier jour, à latactique et à la progression le deuxième jour, qu’il n’est plus retourné là-bas quand on leur atiré dessus le troisième jour ;

Attendu que Me Bernadette KANZAYIRE demande au Tribunal de tenir compte descontradictions du sergent BARAYAGWIZA qui dit que la réunion a eu lieu en juin 1994 maisqui refuse d’indiquer l’origine de la somme d’argent qu’il avait ;

Attendu que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA dit avoir cessé lesentraînements quand les Inkotanyi leur ont tiré dessus alors que, dans ses déclarationsantérieures, il a dit d’une part y avoir mis fin à cause du désordre, et d’autre part qu’il usait deruse et s’absentait, qu’il devrait apporter des éclaircissements à ces divergences ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA déclare avoir expliqué que le désordre dont il aparlé était causé par les obus qu’on leur tirait dessus et qu’il a effectivement usé de ruse lejour où, ayant décidé de mettre fin à sa participation aux entraînements, il a fait semblant dene faire que s’absenter alors qu’il y avait en réalité renoncé ;

16ème feuillet.

Attendu que Me DJOSSOU KOFFI, Conseil du sergent BARAYAGWIZA, prend la parole etdit qu’il a de petites questions à poser dont le but n’est point de faire perdre du temps auTribunal, mais qu’il veut que la vérité triomphe, cette vérité qui permet au prévenu de sesentir à l’aise et au Tribunal d’être mieux éclairé sur les faits ;

Attendu qu’il dit que son client est sergent ou l’a été, qu’il veut lui demander d’indiquer ladate et les circonstances de son enrôlement dans l’armée ainsi que la façon dont il en a faitpartie jusqu’en 1990 et comment il a été un gendarme, que le sergent BARAYAGWIZA ditqu’il a été engagé dans l’armée à l’Ecole des Sous-Officiers en 1986 au grade de soldat, qu’ila été respectivement promu caporal en 1987 et sergent en date du 04/01/1988 jusqu'en 1990lors de son renvoi pour abandon de poste et non respect des consignes, qu’il y avait unediscrimination régionale au début de la guerre et que c’est pourquoi il a été renvoyé pour uneinfraction pénale sans qu’il lui soit permis de présenter sa défense ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a travaillé pour son propre compte, le sergentBARAYAGWIZA répond qu’il a travaillé dans différents services privés, qu’à celle de savoirs’il a été invité à réintégrer l’armée il répond par la négative, qu’interrogé sur lescirconstances dans lesquelles il a été chargé d’entraîner militairement les gens, il dit qu’audébut de juin 1994, le conseiller KARUSHARA a dirigé une réunion au bureau du secteurKIMISAGARA à laquelle il l’a invité et désigné parmi les personnes estimées compétentespour assurer ces entraînements militaires ;

Attendu que le Conseil du prévenu lui demande de dire s’il a pensé à ce moment qu’il étaitpromu en grade, acquitté ou réintégré dans l’armée, que l’intéressé répond qu’il a reçu l’ordred’assurer ces entraînements et qu’il ne pouvait pas s’opposer à l’ordre émanant du conseillerqui, tel qu’il en a entendu parler, n’était pas bon ;

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Attendu que le prévenu dit encore qu’il entraînait environ 28 personnes au démontage desfusils, à la tactique et à la progression, ces deux derniers termes militaires signifiant savoirutiliser le terrain sur lequel on évolue en se cachant de l’ennemi et en exploitantrationnellement son temps ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il avait des collaborateurs militaires subalternes lors deces entraînements, il répond que les ordres ont été donnés à partir des instances supérieures oùil y avait en l’occurrence un lieutenant de l’Etat-Major et le Lieutenant-colonel RENZAHO,Préfet de la ville de KIGALI, que seuls des militaires envoyés par l’Etat-Major leurapportaient des fusils devant servir aux entraînements, qu’il ne faisait qu’obéir aux ordres,que ces entraînements avaient lieu au bureau du secteur ;

17ème feuillet.

Attendu que Me DJOSSOU KOFFI dit que dans cette affaire, deux moyens, l’un relatif à laqualité de militaire et l’autre à celle de civil, ont été invoqués, qu’il ne va cependant pasaborder ce dernier pour le moment mais qu’il entend, lors des plaidoiries, développer demanière approfondie celui se rapportant à la qualité de militaire pour permettre au Tribunal desavoir si le prévenu a agi en cette qualité et au grade de sergent dans le respect de la disciplinemilitaire, ou s’il a agi en qualité de civil, qu’il ne faut pas se voiler la face car il est possibleque son client ait conscience d’avoir agi contrairement à la loi, qu’il estime nécessaire de luiposer deux ou trois questions pour clarifier les faits;

Attendu qu’interrogé sur l’objectif de l’attaque qui a eu lieu à NYAMIRAMBO ainsi que surson rôle et la mission dont il était chargé dans ladite attaque, le sergent BARAYAGWIZArépond avoir parlé de cette attaque pour expliquer les circonstances dans lesquelles il a obtenuun fusil, qu’il n’a cependant pas dit y avoir pris part, que cette attaque a été menée par lesmilitaires de l’APR à NYAMIRAMBO et qu’il se trouvait à la brigade quand il en a entenduparler, qu’il se souvient que c’est à ce moment qu’il a obtenu un fusil ;

Attendu qu’à la question de savoir si les miliciens Interahamwe étaient mieux équipés enarmes et à celle de savoir comment ceux-ci tenaient leurs positions, il répond qu’ils avaientété beaucoup formés auparavant et qu’ils collaboraient avec les miliciens de la CDR si bienqu’ils étaient plus forts qu’eux surtout que la majorité avaient reçu des fusils alors que ceuxqu’il a entraînés étaient peu nombreux et moins équipés ;

Attendu qu’à la question posée par son avocat de savoir si des Tutsi et des Hutu faisaientpartie des personnes qu’il a entraînées, il répond qu’il ne peut pas répondre avec précisionmais que, vu le contexte de l’époque, il était impossible que des Tutsi en fassent partie, qu’àla question de savoir s’il n’y a pas eu discrimination lors du choix des personnes à entraîner ilrépond que les Tutsi ne pouvaient pas prendre part à la réunion eu égard aux problèmes qu’ilsavaient, qu’il croit dès lors qu’ils n’en faisaient pas partie même s’il n’en a eu que la listeseulement, qu’à la question de savoir si les personnes qu’il a entraînées n’ont pas participé àune opération militaire il répond que ces activités n’ont pas duré plus d’une semaine ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a eu le temps de mener une attaque ou d’y prendre partdès lors qu’on était en guerre, il répond que cela n’a pas eu lieu car l’attaque à laquelle ons’attendait au bureau du secteur n’y a pas été menée, que quelques-uns des jeunes qu’il aentraînés ont été cependant acheminés au Mont KIGALI et enrôlés dans l’armée ;

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Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’on s’est attardé sur l’infraction liée à l’entraînementdes miliciens Interahamwe que le sergent BARAYAGWIZA qualifie quant à lui de gardecivile alors que le régime de l’époque a choisi cette appellation pour tromper la communautéinternationale, que des actes criminels ont particulièrement été commis dans le secteurKIMISAGARA et que ces miliciens Interahamwe ont été entraînés pour parachever le pland’extermination des Tutsi que l’APR voulait sauver et qu’une course contre la montre s’étaitengagée, les tueurs poursuivant les victimes jusque dans des plafonds et ailleurs ;

18ème feuillet.

Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA doit préciser s’ils auraient protégé desTutsi car l’ampleur des massacres aurait été moindre si le groupe des tueurs avec lequel il sepromenait n’avait pas existé, et spécialement les tueries qui ont eu lieu à CYAHAFI où ellesont été déclenchées par l’intéressé avec la collaboration de BARARAMBIRWA, RUBANDAChristophe, GAHAMANYI Etienne, HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré,ce dernier étant notamment chargé de chercher des fusils devant servir à tuer les Tutsi deCYAHAFI, que des gens ont vu le sergent BARAYAGWIZA en compagnie de ces tueurs derenom et se souviennent de ce qu’il a dit, que le prévenu a également pris part à d’autresattaques en compagnie du caporal HATEGEKA ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas présenté sesmoyens de défense sur les attaques qu’il a menées respectivement chez François etNYOMBAYIRE, que celui-ci est présent et va pouvoir témoigner sur les faits ;

Attendu qu’interrogé sur le rôle du sergent BARAYAGWIZA dans le comité de crise,l’Auditeur militaire répond qu’il s’agit d’un groupe qui était chargé de superviser les actes degénocide et que le sergent BARAYAGWIZA en faisait partie, qu’à la question qui lui estposée de savoir s’il connaît ledit comité de crise, sergent BARAYAGWIZA répond par lanégative et dit ne pas en avoir même entendu parler ;

Attendu qu’invité à décrire le déroulement des actes de génocide dans le quartier où il setrouvait, le sergent BARAYAGWIZA répond qu’il n’a pas vécu à CYAHAFI, qu’il n’y apassé que trois jours mais que selon les informations qu’il a eues, la population lui a dit que legroupe des miliciens de la CDR a continué à mener des attaques spécialement dans le quartierde KIMISAGARA situé en contrebas de la route, mais qu’aucune autre victime n’y a été tuéeà part NYOMBAYIRE qui a été gravement blessé à coups de machettes, qu’à la question desavoir pourquoi il n’y a pas eu d’autre victime dans cette partie de KIMISAGARA, il répondqu’ils ont réussi à repousser les attaques de la bande à Népo qui est justement l’auteur del’attaque au domicile de NYOMBAYIRE ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que dans sa déclaration figurant au procès-verbal portantle n° 7, le sergent BARAYAGWIZA s’est bien expliqué et a décrit le déroulement dugénocide dans son quartier en disant avoir vu sur un terrain se trouvant près de chez lui denombreux cadavres, qu’en réplique le sergent dit avoir trouvé sur les lieux le nommé Félicienqui avait attrapé le sieur Anthère résidant à CYAHAFI et qui s’occupait de faire enterrer lesvictimes tuées à KIMISAGARA, qu’il a été lui aussi forcé de participer à l’enterrement desvictimes car on les menaçait de mort en cas de refus ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que le groupe redoutable de tueurs était

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composé de NSHIMIYE Fils, du surnommé DEBANDE qui était un tueur de renom, Yves etle surnommé Zairois, qu’il passait quant à lui son temps en compagnie d’un jeune hommejournaliste à qui on avait donné un fusil pour se protéger et que c’est pour cette raison que lestueurs ont commencé à avoir peur de s’attaquer à ce quartier ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il ne connaît pas ceux qui l’accusent, il répond par lanégative mais dit qu’il connaît NYOMBAYIRE et KALISA seuls, depuis bien avant lesmassacres, qu’à celle de savoir d’où lui est venu le pseudonyme de SHITANI il répondl’ignorer, qu’à la remarque selon laquelle il a déjà dit connaître ce surnom il répond ne rienavoir dit à son propos ;

19ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir le temps qu’il venait de passer à KIMISAGARA demanière à justifier qu’il ne connaît pas son voisin TWAGIRAYEZU François, il répond qu’ilne connaissait pas cet homme entre le 11/04/1994 et la fin de la guerre car il venait à peinede s’installer dans ce quartier, qu’il ne connaissait pas tous ses voisins et que c’est suite à laguerre qu’il a fait connaissance avec quelques-uns d’entre eux car auparavant il était souventà son service ;

Attendu qu’il dit avoir habité à KIMISAGARA en janvier 1994 et que ses voisins étaientFélicien alias MUROKORE, Marcel, NYOMBAYIRE, Caritas, GATENGE, KAREMERA,Anatole, et HARUNA ;

Attendu qu’à la question de savoir si ceux qui ont tué les victimes dont il a vu les cadavresn’étaient point concernés par le couvre-feu, il répond que ce couvre-feu avait été décrété parl’autorité, qu’il ne comprend pas pourquoi ils ont passé outre ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que les tueurs n’ont jamais été régis par le couvre-feu,que celui-ci ne visait que les personnes que l’on voulait empêcher de sortir pour qu’ellespuissent être retrouvées à l’intérieur des maisons pour être tuées, que le SergentBARAYAGWIZA ne s’est jamais caché même quand il était chez Epiphanie et ce, jusqu’à lafin de la guerre ;

Attendu qu’invité à donner de plus amples explications sur les circonstances dans lesquelles ila emmené Agnès de l’endroit où elle se trouvait, il dit que lui et le dénommé JEUNE se sontrencontrés chez la sœur de ce dernier nommée MUKACYAKA qui est également l’épouse deSyrdion où ceux-ci étaient en train de lui raconter comment Agnès s’est fait séquestrer etavait été forcée par son ravisseur à cohabiter avec lui, qu’il a alors remis à JEUNE le schémaà apporter à Agnès ainsi qu’un message écrit recommandant à l’intéressée de mettre deschaussures dans un emballage et de faire semblant de se rendre chez un cordonnier et enfin desuivre JEUNE à environ 20 mètres pour qu’elle puisse voir où il se dirigeait afin que lesergent BARAYAGWIZA qui était prêt soit à même de la conduire chez lui ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort du nommé Edouard, il répond l’avoirappris des tiers dont le dénommé JEUNE qui lui a dit qu’Edouard avait été tué parHATEGEKIMANA et sa bande, qu’invité à expliquer comment Agnès pouvait prétendre serendre chez un cordonnier comme en temps normal alors qu’elle était pourchassée, il ditqu’Agnès venait de passer un temps long avec ces miliciens Interahamwe, qu’il n’a quant àlui pas pris des risques car il aurait été tué s’il avait été attrapé et qu’il n’avait aucun autre

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moyen de lui venir en aide ;

Attendu que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA continue de secontredire en disant d’une part avoir emmené Agnès et d’autre part qu’il est allé l’attendrequelque part, qu’il est incompréhensible par ailleurs qu’elle puisse oser l’accuser sachantqu’il l’a aidée, que le prévenu procède par des manœuvres destinées à induire le Tribunal enerreur ;

20ème feuillet.

Attendu qu’il dit que l’avocat de la défense a dit que sa plaidoirie portera principalement surla qualité de militaire, voulant peut-être dire par là que sergent BARAYAGWIZA ne peut pasêtre puni au motif qu’il n’a fait qu’obéir aux ordres, qu’il relève cependant qu’il existe troisthéories sur la cause justificative du commandement de l’autorité à savoir celle del’obéissance passive qui a été rejetée et désapprouvée, celle de la baïonnette intelligente quiconsiste à vérifier si les ordres reçus sont légaux, la troisième étant celle de l’illégalitémanifeste, que la législation rwandaise ne reconnaît que les deux dernières et qu’il demande àcet effet au Tribunal de tenir compte de la jurisprudence et notamment des jugements renduspar le Conseil de Guerre respectivement dans les affaires à charge du lieutenant MichelMUTABAZI, du capitaine NTUKAZAYAGEMO et du sous-lieutenant Pierre BIZIMANA,qu’il ne serait pas nécessaire de tenir compte de l’ordre que le sergent BARAYAGWIZAaurait reçu au cas où il devrait être puni pour avoir donné des entraînements militaires auxgens ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il ressort des moyens de défense présentés par leprévenu au cours de l’audience et de la façon dont il traitait Agnès à la maison quel’infraction de viol est établie, que par ailleurs le prévenu cite des témoins à sa décharge maisaffirme ignorer les témoignages qu’ils feront, qu’il a été démontré que le prévenu était trèsinfluent et que le fait pour lui de reconnaître avoir commis des pillages est la preuve dupouvoir qu’il avait même s’il déclare ne reconnaître que le seul fait d’avoir donné desentraînements militaires aux gens ;

Attendu que Me DJOSSOU KOFFI dit que le sergent BARAYAGWIZA a créé un doute dansl’esprit des gens, mais qu’il a lui-même constaté que son client se compromet tout en voulantinduire le Tribunal en erreur au vu des moyens de défense écrits qu’il a présentés tout au longde l’audience, qu’il dispose du droit de la défense même dans l’hypothèse où il seraitcoupable, mais qu’il veut lui rappeler que le Tribunal n’a point l’intention de l’enfoncer, qu’ill’invite à noter que ce qui est arrivé est grave et que tout le monde est concerné, qu’il fautcependant en identifier les auteurs et que le Tribunal doit découvrir la vérité, qu’il l’invite àse calmer et à donner des réponses pouvant permettre au Tribunal d’aboutir à la manifestationde la vérité ;

Attendu qu’à la question de savoir si c’est lui qui supervisait les entraînements militaires auniveau local, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il y a des caporaux qui étaient envoyés parl’Etat-Major, qu’ils étaient donc ses supérieurs car il n’était pas militaire, qu’interrogé surl’identité de la personne qui assurait leur commandement quand ils allaient en ville à larecherche des habits, il répond que c’était lui et qu’il avait un fusil ;

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Attendu qu’à la question de savoir si une personne de sexe féminin pouvait lui refuser desrelations sexuelles à l’époque du génocide alors qu’elle était pourchassée, il répond qu’AgnèsKAGERUKA ne l’accuse pas de l’avoir violée, qu’elle ne l’a accusé que de menaces lors desa première plainte et qu’il n’y a pas lieu de croire qu’elle était incapable de formuler cetteaccusation de viol, qu’elle occupait par ailleurs une chambre à elle seule, qu’il s’agit d’unefausse accusation de sa part de dire qu’il l’a violée dès lors qu’elle ne l’a pas dit auparavant ;

Attendu que l’Auditeur militaire demande que le sergent BARAYAGWIZA indique lescirconstances dans lesquelles il a obtenu un fusil, que l’intéressé répond qu’il en a fait lademande pour pouvoir protéger Agnès que des garçons venaient chercher et pour se protégerlui-même ;

21ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir comment on pouvait lui donner un fusil en vue de protégerune Tutsi, il répond qu'il ignore si le Lieutenant Richard qui le lui a donné faisait lui aussipartie de ceux qui troublaient la sécurité, auquel cas ce dernier aurait refusé de le lui donner,qu’ils se trouvaient à l’usine d’épuration d’eau de KIMISAGARA quand il le lui a donné enjuin 1994, que le Lieutenant Richard était chargé du maintien de la sécurité dans les quartiersde KIMISAGARA, GATSATA et MUHIMA ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que c’est le nommé Jean Paul MUTABARUKA quisupervisait ces quartiers, que le sergent BARAYAGWIZA réplique en disant que l’intéresséétait effectivement affecté dans ces quartiers, mais que le Lieutenant Richard y était lui aussià part qu’il ignore quelles étaient ses attributions, qu’à la question de savoir comment, selonlui, un seul fusil pouvait être efficace, le sergent BARAYAGWIZA répond que d’autrespersonnes en avaient obtenu auparavant et ajoute qu’ils n’ont plus été attaqués aprèsl’obtention de ces fusils ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité de la personne qui veillait sur Agnès en son absence quandil s’était rendu en ville, le sergent BARAYAGWIZA dit que c’est le nommé UWIMANA quiétait un agent de la radio, était son voisin, et avait un fusil;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il a accepté d’exécuter l’ordre du conseillerKARUSHARA en donnant des entraînements militaires aux gens, il dit qu’il était de notoriétépublique que cette dame est plus autoritaire que les hommes, que les gens la craignaient carelle supportait difficilement la non-exécution de ses ordres, que c’est pourquoi il a accepté des’exécuter surtout qu’il avait peur des miliciens Interahamwe qui étaient sous les ordres duditconseiller et qui étaient répartis en deux groupes, qu’interrogé sur ce que le conseillerKARUSHARA a dit aux individus qui ont été entraînés, il répond qu’elle leur a dit qu’ilsseraient chargés d’assurer la sécurité du secteur et que, si nécessaire, ils seraient enrôlés dansl’armée ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que l’ordre de mettre fin aux massacres a étédonné par le Préfet RENZAHO, mais que les tueries avaient à ce moment diminué d’intensité,qu’elles diminuaient d’ampleur aux endroits où l’APR arrivait ;

Attendu que les heures de service sont épuisées, qu'ainsi l’audience est reportée au 9novembre 1998 à 9 heures du matin ;

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Attendu que l’audience reprend à cette date, que l’interprète MUKANTAGARA Agnès, aprèsprésentation des pièces d'identité, prête serment ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA demande la parole et dit qu’il veut insister sur ladistinction entre le groupe des miliciens de la CDR, celui des miliciens Interahamwe et ladéfense civile, car le premier était dirigé par le nommé Népo alias CDR, le second par Claveralors qu’il y avait eu deux contingents de la défense civile, le premier ayant été mis sur piedvers le 10/04/1994 et le second en juillet 1994 et non en juin 1994, que quelques uns desmiliciens de la CDR et des Interahamwe avaient des fusils bien avant le début du génocide ;

22ème feuillet.

Attendu qu’il dit que certains des Interahamwe étaient célèbres à savoir RWARAHOZEAnastase, NYIRANTIBIMENYA Rose, KARUSHARA Rose, Maître GITOKI, deux fils dunommé Ezira dont l’un s’appelait FIFI, MUGENZI, RUTAYISIRE, KALISA et les fils deKARUSHARA, qu’on lui aurait donné lui aussi un fusil s’il en avait fait partie, qu’il est fauxde dire qu’il s’est fâché et a cassé un poste de radio à cause d’une femme qui venait de luiéchapper ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA est également poursuivipour appartenance à une association de malfaiteurs dont le but était de commettre lesmassacres, qu’il a reconnu qu’il en faisait partie en juin 1994 et a parlé des groupes desmiliciens de la CDR et des Interahamwe, qu’il a déclaré par ailleurs avoir été membre dudeuxième groupe en compagnie de Rose KARUSHARA comme cela ressort des 2ème et 3ème

préventions libellées par le Ministère Public ;

Attendu qu’il dit que sergent BARAYAGWIZA n’a pas pu expliquer les circonstances danslesquelles le lieutenant Richard lui a donné un fusil et a menti en prétendant que la défensecivile a été instituée par une loi, que la jeunesse en ville n’était pas composée des seulsmiliciens de la CDR et Interahamwe car il y avait aussi la jeunesse du Parti social démocrateet d’autres partis politiques, mais que ce sont les Interahamwe et les miliciens de la CDR quise sont le plus illustrés lors du génocide ;Attendu que Me DJOSSOU dit qu’il constate que son client plaide coupable au fil del’avancement des débats en audience, qu’il y a lieu d’en tenir compte sans devoir citer destémoins à comparaître ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité estrégie par la loi et qu’elle doit intervenir dans les délais légaux prévus à l’article 5 de la Loiorganique n°08/96, que l’intéressé n’y a jamais recouru et que s’il avoue certains faits, c’estparce qu’il existe des preuves à sa charge ;

Attendu qu’invité à préciser les modifications qu’il a à apporter sur ses moyens de défenserelativement aux faits qu’il avoue et ceux qu’il réfute, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’ilavoue seulement avoir dispensé des entraînements militaires aux gens qui n’étaient pas desmalfaiteurs et avoir commis des pillages ;

Attendu que le témoin SEDARI Anastase fils de MUHIZI et NKONGORO né en 1939 àNYABIKENKE, préfecture GITARAMA, résidant dans la commune NYARUGENGE ,préfecture de la ville de KIGALI, marié à KALISONI Rose, père de 8 enfants, sans biens niantécédents judiciaires connus, est appelé à la barre et prête serment de dire la vérité ;

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Attendu que l’Auditeur militaire dit que SEDARI Anastase va témoigner sur les circonstancesdans lesquelles il a vu le sergent BARAYAGWIZA dans un groupe de malfaiteurs composantle comité de crise à CYAHAFI ainsi que sur celles dans lesquelles il a eu connaissance de lamort de NDENGEYINGOMA Edouard et du viol de son épouse KAGERUKA Agnès;

23ème feuillet.

Attendu qu’invité à expliquer si ce qu’il qualifie d’entraînements militaires de la populationest une infraction prévue par la loi et si ces personnes qui ont été entraînées ont commis desactes criminels, l’Auditeur militaire répond que l’infraction de pillage que le prévenu areconnue est l’une de celles qui ont été commises par un groupe de malfaiteurs ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il a fait la connaissance du sergentBARAYAGWIZA, SEDARI répond l’avoir vu chez sa sœur qui est sa voisine de longuedate , qu’il l’y a vu en 1994 et que l’intéressé y passait de temps en temps la nuit, qu’il setrouvait là au début du génocide ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a connaissance des actes que l’intéressé aurait commis,il répond l’avoir vu piller le domicile de son voisin NDAYISABA et que le prévenu sedéplaçait à bord d’un véhicule en compagnie des membres du comité de crise dont faisaientpartie les nommés BARARAMBIRWA et Désiré avec lesquels il partageait à boire, qu’il aégalement enlevé la fille de KAGERUKA et l’a conduite chez lui où ils ont vécu comme mariet femme, qu’il portait une tenue civile et n’avait pas de fusil quand il venait chez sa sœur,qu’il était en compagnie d’un autre individu quand il a pillé une table, des lits et d’autresobjets qu’ils ont transportés chez sa sœur ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît SEDARI, le sergent BARAYAGWIZA répondpar l’affirmative et dit que SEDARI habitait juste en face du domicile de sa sœur, mais queses affirmations sont fausses car la bande à BARARAMBIRWA lui est inconnue tout commeil ne connaît pas NDAYISABA dont il parle, qu’il n’aurait pas transporté chez sa sœur lesbiens pillés alors que ce n’était pas chez lui ;Attendu qu’en réponse à la question de savoir s’il ne connaît pas réellement NDAYISABA, lesergent BARAYAGWIZA dit qu’il le connaît car il habite près de chez sa sœur, qu’à laquestion posée à SEDARI de savoir si la sœur de BARAYAGWIZA est toujours sa voisine,celui-ci répond qu’ils ont constaté à leur retour de refuge qu’elle avait déménagé tandis queNDAYISABA est mort en exil à l’étranger, qu’il poursuit en disant que lors de l’instaurationdu comité de crise, on disait qu’il était chargé de faire des patrouilles, d’assurer la sécurité etde superviser les barrières, que la structure de ce comité de crise ressemblait à celle d’unorgane de l’armée ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité du superviseur des fusils, SEDARI dit que c’est Désiré quia été présenté à la population par le conseiller lors d’une réunion qui a eu lieu à KANYANZAmais qu’il ignore les critères sur lesquels il se basait pour la distribution de ces fusils ainsi queles personnes auxquelles il les a donnés, mais que c’est lui qui faisait le tout des barrièrespour vérifier le nombre de fusils et en identifier les détenteurs ;

24ème feuillet.

Attendu qu’interrogé sur l’identité des victimes qui ont été tuées par ce groupe de malfaiteurs,

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il dit qu’il n’a pas connaissance d’un quelconque autre acte répréhensible sur le compte duditgroupe, mais qu’il estime que ses membres doivent répondre de tous les meurtres qui ont étécommis dès lors qu’ils étaient chargés de la sécurité ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité d’un membre de ce comité de crise qu’il connaît, le sergentBARAYAGWIZA cite le nommé Félicien MUNYEZAMU et dit qu’il le connaît parce qu’ilétait maçon et lui a construit ses maisons se trouvant à KIMISAGARA ;

Attendu que Me Bernadette KANZAYIRE demande que SEDARI parle de la sécurité dontétait chargé le comité de crise et des circonstances de la mise en place de la défense civile,que le témoin répond que concernant la défense civile, des personnes armées de fusils ont faitune réunion au bureau du secteur sous la direction du représentant du MRND et du conseiller,réunion à laquelle SEDARI et d’autres autorités locales de base qui étaient avec lui n’ont pasété admis à prendre part et dont quelques-uns ont d’ailleurs été tués par la suite, que cespersonnes armées étaient censées être chargées du maintien de la sécurité et notamment depourchasser les Inyenzi pour les empêcher de pénétrer dans le secteur en identifiant le lieu deleur provenance ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir si ces Inyenzi ont été attrapés et qu’interrogésur l’identité des victimes qu’il connaît, SEDARI répond qu’il n’a assisté à aucunearrestation, mais que des victimes ont été tuées par balles dans sa bananeraie où elles ont étéenterrées dans un trou qu’on y avait creusé, que l’endroit avait été dénommé KINIHIRA pourcette raison ;

25ème feuillet.

Attendu qu’interrogé sur la part de responsabilité de la population dans ces actes, il répondqu’elle a fait des rondes depuis bien avant la mort de HABYARIMANA car elle en avait reçul’ordre et était en cela supervisée par les personnes armées de fusils, qu’à la question desavoir qui, selon lui, était traité d’Inyenzi, il répond que ce sont ceux qui avaient attaqué lepays ainsi que les Tutsi, que ces derniers étaient par ailleurs qualifiés de complices, qu’à cellede savoir si ces personnes soi-disant chargées de la sécurité ont porté secours à des victimesmenacées ou ont empêché qu’elles soient tuées, il répond qu’elles n’ont secouru aucun Tutsi ;

Attendu que Me DJOSSOU demande que le témoin explique ce qui s’est passé quand il a vule sergent BARAYAGWIZA commettre des pillages, que l’intéressé répond avoir vu leprévenu quitter le domicile de sa sœur en compagnie d’un autre homme qui logeait dans unemaison se trouvant dans la cour arrière et qu’ils se sont dirigés chez NDAYISABA d’où il lesa vus emporter un lit et une table, qu’il se trouvait devant son domicile quand il les a vus etque l’épouse de NDAYISABA avait fui, que les faits ont eu lieu après la mort deHABYARIMANA ;

Attendu qu’invité par Me KOFFI à spécifier l’objet que chacun de ces deux individus aemporté lors de ce pillage, le témoin dit que tous les deux ont transporté ensemble des objetsqui ont été pillés, chacun le tenant d’un côté, que Me KOFFFI se déclare non satisfait de laréponse et relève que ce témoin SEDARI est un vieil homme infirme et qu'il faudrait qu’ildonne son emploi du temps pendant la journée et précise l’endroit où il voyait ces gens, queSEDARI répond qu’il était encore physiquement en bon état de santé avant la guerre et quel’infirmité dont il est question est intervenue au cours de la guerre, qu’il état donc capabled’atteindre la route avant son infirmité et que c’est ainsi qu’un jour, dans la matinée, en

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entendant une clameur faisant état du pillage de la maison de NDAYISABA, il est allé auxnouvelles et a vu le sergent BARAYAGWIZA et son compère, que relativement au fait que leprévenu partageait à boire avec les membres du comité de crise, il dit qu’il les voyait de laroute en train de boire et manger de la viande grillée, qu’il lui arrivait également de partager àboire avec un ami et les voyait alors rentrer après avoir commis des tueries ou faire uneréunion, que tous ces faits se sont déroulés devant le domicile de MUNYEZAMU ;

Attendu que le sergent BARAYAGWZA dit que SEDARI ment, qu’il sait bien que l’intéresséétait paralysé même avant la guerre et se déplaçait à l’aide de deux béquilles, que SEDARIréplique en disant que BARAYAGWIZA ment car il a été victime d’un accident de la route,un véhicule l’ayant cogné lors des travaux communautaires, qu’il a à un moment abandonnéla béquille et ne s’en est encore servi qu’au cours de la guerre pour fuir ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il était lui aussi pourchassé, SEDARI répond parl’affirmative et dit qu’il a été destitué de son poste de dirigeant et que sa maison a été détruite,qu’il a fui au moment où ses collègues Tutsi étaient tués mais que, avant de fuir, il sortaitmalgré qu’il était pourchassé car il devait aller chercher de quoi nourrir ses enfants ;

Attendu qu’à la question de savoir si sa vue est normale, SEDARI répond par l’affirmative etdit qu’il n’a aucun problème de ce côté là ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que le sergent BARAYAGWIZA fuit leschoses qu’il sait, qu’il faut qu’il explique pourquoi il a au début nié connaître NDAYISABApour finalement reconnaître qu’il le connaît, qu’il espère que le prévenu pourra reconnaître lesautres témoins ;

26ème feuillet.

Attendu qu’un autre témoin nommé NYOMBAYIRE Sixte fils de SEHENE Célestin etNYIRABAKIGA Anastasie, né en 1947 à RUSATIRA, préfecture BUTARE, veuf, résidant àKIMISAGARA, commune NYARUGENGE, préfecture de la ville de KIGALI, sans biens niantécédents judiciaires connus, également partie civile, est appelé à la barre ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que ce témoin va parler des entraînements militaires desmalfaiteurs par BARAYAGWIZA ainsi que des actes infractionnels dont il a étépersonnellement victime ;

Attendu que NYOMBAYIRE dit qu’il a fait la connaissance du sergent BARAYAGWIZAquand celui-ci était son voisin habitant à environ trente mètres de son domicile àKIMISAGARA, qu’interrogé sur la part de responsabilité de l’intéressé dans le génocide, ilrépond qu’il a connu BARAYAGWIZA en 1993 quand celui-ci venait d’acquérir une parcelleoù il a construit une maison et que les gens l’appelaient sergent, que le nom deBARAYAGWIZA n’a été connu que quand le prévenu s’est rendu célèbre en entraînant lesmiliciens Interahamwe à la fin de 1993 sur le terrain de l’école primaire, que le témoin passaitpar là en rentrant du service ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité des personnes que le sergent BARAYAGWIZA entraînait,il répond que ce sont environ 40 ou 50 jeunes hommes de KIMISAGARA qui normalementtenaient compagnie à KARUSHARA, qu’ils ont été entraînés par le sergentBARAYAGWIZA et NDUWAYEZU alias CDR qui était un agent de l'ONAPO;

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Attendu qu’à la question de savoir s’il a vu les concernés tuer des victimes, il répond avoir vuquelques unes de victimes qu’ils ont abattues par balles et qu’il a vu ces criminels mener uneattaque au domicile de Narcisse alias GICUMBA à CYAHAFI sous la direction du sergentBARAYAGWIZA en date du 07/04/1994, qu’ils ont donné des coups de machettes à Narcisseet qu’il est tombé par terre ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît NYOMBAYIRE, le sergent BARAYAGWIZArépond par l’affirmative et dit que celui-ci était son voisin, mais qu’il ment dans sesaffirmations car BARAYAGWIZA a acheté la parcelle en 1993 et que c’est en 1994 qu’il estallé habiter à KIMISAGARA, qu’il poursuit en disant qu’il ne connaît même pas la victimedénommée Narcisse dont parle l’intéressé ;

Attendu que le témoin dit qu’il a été attaqué à l’aube du 08/04/1994 par des jeunes hommesportant des armes traditionnelles et qui voulaient piller, qu’il s’est défendu et a réveillé sesenfants, qu’ils sont parvenus à repousser l’attaque, qu’il a à ce moment évacué ses enfants parla cour arrière jusqu’à l’endroit dénommé Maison des Jeunes ;

Attendu qu’il dit que ces malfaiteurs, armés de machettes et d’épées, sont revenus par la suiteen compagnie de KATARYEBA Patrick qui était un employé de HATTON & COCKSON,Emmanuel KANYAMANZA qui vendait de la bière de bananes, NDUWAYEZU alias CDRet le Sgt BARAYAGWIZA, qu’il a fui mais a glissé dans la bananeraie et est tombé, qu’ils luiont donné des coups de machettes à la cuisse, aux jambes et à la tête, que l’épée appartenant àBARAYAGWIZA fait partie des armes au moyen desquelles il a été blessé ;

27ème feuillet.

Attendu qu’il dit que son épouse en a informé le conseiller de CYAHAFI, que celui-ci aenvoyé deux gendarmes qui l’ont conduit à l’hôpital et ont également emmené ses enfants etson épouse, mais qu’il ignore l’endroit où ceux-ci ont été tués plus tard vers le 15/04/1994 ;

Attendu qu’il dit que l’attaque à son domicile a eu lieu au lendemain des meurtres respectifsde Narcisse, François et son enfant qui était âgé de 17 ans, juste au moment où les genscommençaient à fuir ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît François, Patrick et UWAYEZU, le sergentBARAYAGWIZA dit qu’il connaît seulement Népo et Emmanuel KANYAMANZA qui étaitun adhérent du MRND, mais qu’il n’a pas connaissance d’un acte répréhensible à leurimputer ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il sait dans quelles circonstances NYOMBAYIRE avaitété blessé à coups de machettes, il répond qu’il l’a appris de Félicien à son retour du domicilede sa sœur où il venait de passer trois jours, que celui-ci lui a dit que NYOMBAYIRE a étéblessé par un groupe de miliciens de la CDR et qu’il était au Centre Hospitalier de KIGALI,qu’à celle de savoir si NYOMBAYIRE l’a vu entraîner militairement les gens, il dit que lesentraînements ont eu lieu en juin 1994 et qu’à cette époque NYOMBAYIRE avait déjà étéblessé, qu’en 1993 il vivait quant à lui à MUHIMA et non à KIMISAGARA ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité d’autres victimes que le sergent BARAYAGWIZA aurait

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tuées, Sixte NYOMBAYIRE dit que l’intéressé, et ses coauteurs GITENGE et UZARIBARAGrégoire qui habitait en face de chez lui, ont tué à coups de machettes les enfants du nomméAnatole, SENDARASI et d’autres jeunes hommes natifs de NYANZA dont ils ont jeté lescadavres dans les latrines si bien qu’ils s’y trouvent encore, qu’à la question de savoir s’il y ades rescapés dans son quartier, il répond que c’est une famille composée de GASHUMBAMarcel, Caritas et BAYIHORERE Idrissa, qu’à celle de savoir s’il connaît Claver il répondne pas en être sûr ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir si un conflit l’oppose à NYOMBAYIRE, lesergent BARAYAGWIZA dit qu’il n’y a pas de litige entre eux mais qu’ils n’étaient pas nonplus des amis, qu’il n’a identifié aucune des victimes qui ont été tuées là où il habitait car il ya trouvé environ dix cadavres en présence d’autres hommes et que le nommé Anthère leur aenjoint de les enterrer sous menace de mort en cas de refus, qu’ils se sont exécutés et les ontenterrés en face d’un pont ;

Attendu qu’interrogé sur les autres actes dont il a connaissance à charge du sergentBARAYAGWIZA, NYOMBAYIRE répond que les entraînements militaires que l’intéressédispensait avaient lieu sur le terrain de l’école primaire et sur celui de la maison des jeunes,qu’il participait aux réunions dans lesquelles se retrouvaient les membres du MDR Powerdont faisait partie le nommé KANYAMANZA et ceux de la jeunesse du parti socialdémocrate, qu’après la mort de HABYARIMANA, ils ont mené une attaque chezKANYANZA qu’ils ont tué, que les enfants de ce dernier ont fui, que ces criminels se sontrépartis en deux groupes et ont emprunté deux chemins différents lors de cette attaque maisqu’ils n’avaient pas de fusils, que c’est par la suite qu’il a appris que UZARIBARA etNDUWAYEZU ont obtenu des fusils ;

Attendu que NYOMBAYIRE dit que les entraînements militaires avaient lieu sur le terrain del’école primaire, que le sergent BARAYAGWIZA réplique en disant qu’ils se déroulaient aubureau du secteur, qu’interrogés tous les deux sur ce qui sépare ces deux endroits, ilsrépondent que c’est une route ;

28ème feuillet.

Attendu que l'Auditeur militaire relève que la déclaration de sergent BARAYAGWIZAfigurant au procès-verbal portant le n° 9 concorde avec celle de NYOMBAYIRE relativementà la réunion qui a eu lieu, qu’elles sont également presque concordantes sur le nombre depersonnes que le prévenu entraînait surtout que NYOMBAYIRE ne pouvait pas les comptercar il ne les voyait qu’en passant sans pouvoir s’arrêter à cause de son ethnie Tutsi, que ladéclaration du sergent BARAYAGWIZA selon laquelle il a quitté le terrain de l’écoleprimaire à cause des obus qui y étaient tirés concorde avec celle de NYOMBAYIREnotamment en ce qui concerne l’endroit où se déroulaient les entraînements ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il y a également un terrain d’une école aubureau du secteur, que le Tribunal lui ayant rappelé qu’il lui est arrivé de dire s’être trompé etque la réunion s’est tenue plutôt au bureau du secteur et non à l’école primaire, il dit que laréunion a en réalité eu lieu au bureau du secteur ;

Attendu qu’interrogé sur l’endroit exact où habitaient François et les autres victimes qui ontété tuées, NYOMBAYIRE répond que François habitait à environ 150 mètres de la route

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asphaltée, qu’il habite quant à lui à 100 mètres à peu près de cette même route, tandis que 300à 350 mètres séparent les domiciles respectifs de François et du sergent BARAYAGWIZA,que les gens savaient que BARAYAGWIZA dispensait des entraînements mais sans autresdétails, que parmi les victimes qui ont été tuées figurent TWAGIRIMANA Vianney, PaulMURENZI, le domestique nommé Alphonse, Prudence et son petit frère, Alfred HAGUMA,SENDARASI qui vivait chez sa sœur Agathe, GATETE qui était un commerçant et tous lesmembres de sa famille, ainsi que Alexis KANAMUGIRE et tous les membres de sa famille ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA déclare ne pas connaître ces victimes à part lesmembres de la famille d’Anatole qui ont été tués plus tard, que NYOMBAYIRE intervient etdit que le prévenu devrait connaître Alfred HAGUMA car celui-ci était un handicapéphysique qui habitait près de chez NYOMBAYIRE et que son corps, ainsi que celui deSENDARASI, ont été jetés dans les latrines par le sergent BARAYAGWIZA, qu’interrogésur l’identité du coauteur du sergent BARAYAGWIZA qui est encore en vie,NYOMBAYIRE cite le nommé Népo alias CDR ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi selon lui NYOMBAYIRE le cite parmi ceux quil’ont blessé, le sergent BARAYAGWIZA dit que NYOMBAYIRE a été blessé en sonabsence, qu’il le met en cause sur incitation de ses voisins avec lesquels il a des litiges serapportant à sa maison, qu’il poursuit en disant qu’il y a lieu de demander au nommé Népoqui est détenu à GIKONDO s’il le connaît ;

Attendu qu’interrogé sur le litige relatif à la maison du sergent BARAYAGWIZA,NYOMBAYIRE dit qu’elle n’a subi aucun dégât matériel et qu’elle est occupée par un tiersnon rescapé du génocide, qu’il ne se pose aucun problème y relatif ;

Attendu que le témoin BAYIHORERE Idrissa fils de HITIMANA Issa et MWANAHARUSI,né en 1966 à NYARUGENGE, préfecture de la ville de KIGALI, marié à UMUREREHERehema, père de 4 enfants, chauffeur, sans biens ni antécédents judiciaires connus, est appeléà la barre ;

29ème feuillet.

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le témoin va dire au Tribunal ce qu’il sait sur lesentraînements militaires que le sergent BARAYAGWIZA a dispensés aux gens ainsi que surles circonstances de la mort de ses voisins ;

Attendu qu’à la question de savoir quand il a fait la connaissance du sergentBARAYAGWIZA, BAYIHORERE répond qu’il l’a vu au cours du génocide en date du07/04/1994 après la mort de l’ex-Président HABYARIMANA juste au moment où lesmilitaires ont déclenché les tueries, que le sergent BARAYAGWIZA, portant une épée, estpassé devant son domicile en compagnie des militaires dont deux gendarmes armés de fusils,et qu’il a appris dans la soirée que ces militaires avaient tué des victimes ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît lui aussi Idrissa BAYIHORERE, le sergentBARAYAGWIZA répond l’avoir connu au cours de la guerre car il était son voisin, qu’il ditque c’est à cette époque qu’il a fait connaissance de la majorité de ses voisins ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité d’autres personnes qui se déplaçaient en compagnie du

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sergent BARAYAGWIZA, BAYIHORERE répond qu’il l’a vu plus tard avec les jeuneshommes qu’il avait entraînés en mai ou juin 1994, qu’il ne sait pas bien quelle a été la duréede ces entraînements mais qu’ils ont duré plusieurs jours car ils se déroulaient à l’écoleprimaire qui se trouve en face de son domicile si bien qu’il pouvait les remarquer ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité des individus qui ont été entraînés par le sergentBARAYAGWIZA, il dit que ce sont DEBANDE, NSHIMIYE, MACUMU et d’autres, qu’àla question posée au Sgt BARAYAGWIZA de savoir s’il connaît les personnes ci-avantcitées, il répond par l’affirmative mais dit qu’il ne les a pas entraînées et qu’elles faisaient aucontraire partie du groupe de Népo alias CDR ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a vu le sergent BARAYAGWIZA dans d’autresattaques, Idrissa BAYIHORERE dit qu’une attaque a été menée au domicile de KALISA oùla fusillade a duré trois jours, attaque au cours de laquelle l’épouse de KALISA et ses enfantsont été tués, qu’il a alors appris que le sergent BARAYAGWIZA en faisait partie car il estpassé devant son domicile en se rendant sur les lieux de l’attaque en compagnie de jeuneshommes, de GITENGE et de Népo ;

Attendu qu’interrogé sur ce qu’il sait à propos du surnom SHITANI, il dit avoir entenduBARAYAGWIZA s’en prévaloir au cours de la guerre ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il ne connaissait pas KALISA mais qu’il aappris que son domicile a été attaqué par le bataillon HUYE et que des combats ont eu lieucar KALISA était armé de fusil si bien qu’il a même fallu l’intervention d’un véhicule blindé,que ce sont les militaires dudit bataillon qui ont tué les victimes dont il est question ;

30ème feuillet.

Attendu qu’interrogé sur ce qu’il sait des circonstances de la mort d’EdouardNDENGEYINGOMA, BAYIHORERE dit que celui-ci n’était pas son voisin mais que,comme BAYIHORERE habite à proximité d’un chemin très fréquenté, il a vu des gens passervers le 14 ou le 15/04/1994 en disant qu’ils allaient en renfort car il y avait des gens quirésistaient et qui devaient être tués, que BARAYAGWIZA, Emmanuel et DEBANDEfaisaient partie de ces malfaiteurs, qu’il a appris dans la soirée qu’ils avaient tué Edouard etses petits frères, qu’il les a vus quand ils se rendaient chez ce dernier ;

Attendu qu’il dit ne rien savoir concernant l’épouse d’Edouard mais qu’il a entendu à cetteépoque le nommé GITENGE qui était membre du comité de crise dire qu’il y a une dame quele sergent BARAYAGWIZA a forcée à cohabiter avec lui, qu’il l’a vue effectivement par lasuite, mais que ce n’est qu’après la guerre qu’il a appris qu’elle était l’épouse d’Edouard ;

Attendu qu’à la question de savoir quelles étaient les attributions du comité de crise, il répondne pas le savoir bien mais que, après avoir observé ses activités, il a constaté que ledit comitéavait pour mission de commettre des tueries sélectives en fonction de l’ethnie des victimes,qu’il ne connaît que GITENGE parmi ses membres ;

Attendu qu’à la question de savoir sur quel front le sergent BARAYAGWIZA est allé sebattre, il répond que l’intéressé était un militaire, qu’il est arrivé une fois vers 20 heures, vêtud’une chemise militaire et portant un fusil, disant qu’il venait de se battre avec les Inyenzi,que souvent les tueurs, quand ils allaient commettre leurs forfaits, disaient qu’ils allaient au

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champ de bataille ;Attendu qu’interrogé sur l’attaque qui a eu lieu au domicile de NYOMBAYIRE Sixte, ilrépond que les faits se sont passés à l’aube aux environs de 4 heures du matin, qu’il a vu lesnommés BIHINJIRI, MACUMU et DEBAND pousser des cris en disant à leurs acolytesd’amener un militaire pour les épauler, qu’il a compris qu’il s’agissait de sergentBARAYAGWIZA et que c’est pourquoi il l’implique dans cette attaque ;

Attendu qu’il dit que les nommés Vianney et Paul ont fui de KIMISAGARA et ont cherchérefuge à CYAHAFI, que les tueurs les y ont poursuivis en disant qu’ils allaient partir encompagnie de leur chef en la personne de Sergent BARAYAGWIZA, qu’ils ont tué Paul surle terrain et l’ont dépecé, tandis que Vianney a été tué sur le pont ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il connaît Idrissa car ils passaient lesjournées ensemble là où ils habitaient si bien qu’il a assisté aux attaques qui y ont été menées,qu’il allait des fois chez lui mais qu’il ment quand il le charge de participation aux attaquescar il était au contraire lui aussi victime d’attaques ;

Attendu que l’Auditeur militaire demande au Tribunal de considérer le témoignage deBAYIHORERE comme faisant foi car le sergent BARAYAGWIZA dit lui-même queBAYIHORERE a assisté à toutes les attaques ;

31ème feuillet.

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a été lui aussi victime des attaques de ceshommes dont parle BAYIHORERE, que celui-ci devrait plutôt indiquer l’arme queBARAYAGWIZA avait lors de l’attaque au domicile d’Edouard, qu’en répliqueBAYIHORERE dit avoir effectivement entendu ces hommes dire qu’ils allaient voir unmilitaire qui allait partir avec eux, qu’il l’a alors vu en leur compagnie après qu’ils venaientde traverser, que le sergent BARAYAGWIZA portait un pantalon jeans mais qu’il n’a pas puidentifier l’arme qu’il avait ;

Attendu qu’à la question de savoir ce qu’il faisait dès lors qu’il affirme qu’il n’a pasrecherché les victimes et qu’il n’était par ailleurs pas pourchassé, alors qu’il est de notoriétépublique que tous les jeunes hommes qui n’étaient pas recherchés étaient emmenés pourcommettre les tueries, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’en avril et mai 1994, ils passaientles journées à la maison sans occupation et que dans la soirée, ils allaient faire les rondes àl’école primaire pour se protéger contre une éventuelle attaque, qu’Idrissa était toujours aveceux, qu’ils étaient environ 8 à passer la nuit assis à cet endroit, munis d’un fusil appartenant àUWIMANA, qu’ils regagnaient la maison dès que le jour se levait ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi ils n’ont pas veillé sur les personnes qui ont ététuées à cette époque, il répond ignorer quand les victimes sont mortes dans son quartier etque leurs moyens étaient insuffisants, qu’il n’a pas été témoin d’attaques menées durant lanuit et qu’ils surveillaient ceux qui pourraient commettre des tueries ;

Attendu qu’à la question de savoir combien de fois ils se sont affrontés avec les

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Interahamwe, il dit que des attaques n’ont pas été menées pendant la nuit, que par ailleurs,durant la journée, le nommé UWIMANA qui se rendait au service à la radio emportait lefusil ;

Attendu qu’IDRISSA dit que le sergent BARAYAGWIZA prétend qu’ils passaient la journéeà la maison alors que le prévenu n’était jamais chez lui, que même les rondes dont il parlen’ont pas eu lieu dans leur quartier ;

Attendu qu’interrogé sur les personnes qui étaient pourchassées dans son quartier, il répondque ce sont les Tutsi ;

Attendu qu’à la question de savoir comment les Tutsi ont eu peur de participer auxentraînements militaires mais ont accepté de faire les rondes, le sergent BARAYAGWIZA ditque c’est parce que le fusil qu’avait UWIMANA leur inspirait confiance et qu’ils étaient aveceux et ne les quittaient pas, qu’à celle de savoir où ils les trouvaient pour les emmener faireles rondes, il dit qu’ils sont restés chez eux jusqu’à la fin de la guerre et qu’ils devaient veillereux-mêmes à leur sécurité ;

Attendu qu’il dit qu’il n’était pas pourchassé mais qu’il a accepté de faire les rondes avec lesgens qui l’étaient parce qu’ils en avaient pris l’initiative et étaient des voisins, qu’il nepouvait donc pas s’y refuser, que cela était fait à l’insu du conseiller, que les nommés Marcel,Idrissa, KAREMERA, UWIMANA et Félicien participaient également à ces rondes ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi Idrissa a eu connaissance des attaques qui ont eulieu mais que lui n’en a rien su alors qu’ils passaient leurs journées ensemble, le sergentBARAYAGWIZA répond que c’est parce qu’il ne connaissait pas les gens qui habitaient dansce quartier tandis qu’Idrissa les connaissait tous car c’est là qu’il est né, qu’ils ne se sontd’ailleurs jamais entretenus au sujet des victimes qui étaient tuées ;

32ème feuillet.

Attendu qu’en réponse à la question de savoir quand il a appris la mort de François, Idrissa ditque c’est après environ une heure car ils étaient voisins, leurs habitations étant séparées parune distance de 150 ou 200 mètres ;

Attendu qu’interrogé sur la date à laquelle Agnès est arrivée chez lui, le sergentBARAYAGWIZA dit que c’est au début du mois de mai 1994, que l’Auditeur militaire ditqu’il ment car, Edouard étant mort au début d’avril 1994, Agnès a été immédiatementemmenée, et que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas tardé à la conduire chez lui ;

Attendu qu’invité à expliquer les entraînements militaires que dispensait le sergentBARAYAGWIZA, Idrissa dit qu’ils ont eu lieu de la mi-avril au mois de juin 1994 à l’écoleprimaire et au bureau du secteur, que les participants commençaient à l’aube par une coursed’échauffement et faisaient d’autres exercices militaires, qu’il s’agissait des miliciens de laCDR et Interahamwe dont les chefs étaient Népo et Rose KARUSHARA ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas incorporé BAYIHORERE parmi lespersonnes à entraîner, le sergent BARAYAGWIZA répond que la liste des participants lui a

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été remise par le conseiller, qu’il ne lui revenait donc pas de le faire inscrire ;

Attendu qu’invité à décrire les circonstances de l’attaque dont il a parlé et qui a eu lieu vers 4heures du matin, BAYIHORERE dit qu’elle était composée des jeunes hommes que le sergentBARAYAGWIZA entraînait, qu’ils sont allés chez NYOMBAYIRE mais que celui-ci s’estdéfendu et que ces assaillants ont fui vers la route en disant qu’ils vont requérir l’interventiond’un militaire qui habitait près de là pour qu’il les aide, qu’il a alors compris qu’il s’agissaitdu sergent BARAYAGWIZA ;

Attendu que Me KOFFI relève que BAYIHORERE a dit que le sergent BARAYAGWIZAaurait participé à quatre attaques et qu’il l’a vu une fois de la fenêtre, qu’il devrait égalementpréciser où il se trouvait quand il l’a vu lors d’autres attaques, que BAYIHORERE répondqu’il habitait à proximité du chemin et qu’il l’a vu se rendre chez KALISA, chez François etau terrain de football ;

Attendu qu’interrogé sur la destination du fusil qu’il avait, le sergent BARAYAGWIZArépond l’avoir remis aux militaires avec les vingt cartouches, précisant n’avoir tiré aucuncoup de feu ;

Attendu qu’interrogé sur la date de l’attaque qui a été menée au domicile de KALISA,BAYIHORERE dit qu’elle a eu lieu le 09/04/1994 après celle qui a été menée chez Françoisle 7/4/1994, que le sergent BARAYAGWIZA dit quant à lui avoir seulement appris queKALISA a été tué ;

Attendu qu’à la question de savoir quand il a repris une tenue militaire et pourquoi on la lui adonnée, le sergent BARAYAGWIZA répond qu’Idrissa qui le dit ment, mais qu’il reconnaîtavoir eu un fusil ;

33ème feuillet.

Attendu que les heures de service sont épuisées, que l’audience est reportée au 12/11/1998 à 9heures du matin ;

Attendu que les parties comparaissent à cette date, le prévenu étant assisté par Me FerdinandNZEPA ayant pour interprète MUKAGIRIMANA Boniface ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA présente un écrit qu’il dit servir de preuve qu’iln’habitait pas à KIMISAGARA en 1993, voulant par là démentir NYOMBAYIRE qui aaffirmé que c’est au cours de cette année qu’il a entraîné les gens à KIMISAGARA ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il y a un autre témoin nommé MUKAZITONIDonatille qui va témoigner sur les circonstances dans lesquelles le sergent BARAYAGWIZAa donné des entraînements militaires et est allé au front, ainsi que celles dans lesquelles il aforcé une dame à cohabiter avec lui ;

Attendu que MUKAZITONI Donatille fille de Narcisse NYAKAYONGA etNYIRABAGENI, née en 1958 à SHYORONGI, préfecture de KIGALI-NGALI, mariée àGASHUMBA Marcel, mère de 3 enfants, possédant une maison et un véhicule, sansantécédents judiciaires connus, décline son identité et prête serment de dire la vérité ;

Attendu qu’elle dit qu’elle connaît le prévenu car ils étaient des voisins, que leurs enclos

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étaient mitoyens si bien que leurs maisons n’étaient séparées que par 5 mètres environ;

Attendu qu’à la question de savoir comment elle a su que le sergent BARAYAGWIZAdonnait des entraînements militaires, elle répond l’avoir appris de GITENGE chez qui elle secachait et qui le lui a dit, qu’elle n’en a pas été témoin oculaire mais qu’on disait que ceux quiparticipaient à ces entraînements sont DEBANDE, NSHIMIYE et d’autres jeunes gens quidevaient aller au front ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir si elle a connaissance des actes que ces gensauraient commis, elle répond qu’ils se sont livrés à des tueries et que les nommés KALISA,François, Alexis et un autre voisin dont elle a oublié le nom font partie de leurs victimes,qu’elle se souvient bien que François a été attaqué le 07/04/1994 à 15 heures ;

Attendu qu’interrogé sur l’endroit où se trouvait le sergent BARAYAGWIZA à ce moment,elle répond qu’elle l’ignore car elle se cachait chez son voisin GITENGE, qu’invitée àexpliciter les circonstances des meurtres de ces victimes dont il est question, elle dit qu’ellesont été tuées au cours des attaques auxquelles ces individus qui avaient reçu les entraînementsprenaient part, ils étaient nombreux à prendre part, qu’elle déclare ne pas avoir connaissancedes attaques que le sergent BARAYAGWIZA aurait repoussées ;

34ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir si, à sa connaissance, BARAYAGWIZA faisait la rondenocturne, MUKAZITONI répond par la négative parce que, précise-t-elle, elle ne sortait pasde la maison et qu’elle ne le voyait pas souvent, qu’à la question de savoir si, à saconnaissance, le sergent BARAYAGWIZA aurait porté atteinte à certaines personnes, ellerépond qu’il a violé une fille, qu’elle ajoute néanmoins que malgré que BARAYAGWIZA latrouvait souvent chez GITENGE et qu’il savait que son mari se cachait à CYAHAFI, il neleur a rien fait de mal et qu’à un certain moment la famille GITENGE qui lui avait accordé lerefuge l’avait renvoyé à son domicile pour la protéger sur place;

Attendu qu’à la question de savoir si le sergent BARAYAGWIZA était armé d’un fusillorsqu’il venait chez GITENGE, elle répond qu’elle ne l’a pas vu en possession d’un fusilparce qu’il ne venait pas chez GITENGE pour les attaquer, qu’elle ajoute cependant que lesergent BARAYAGWIZA était de connivence avec les autres tueurs sur ce qui se passait ;

Attendu qu’à la question de savoir le moment auquel la fille que BARAYAGWIZA a violéeest arrivée chez ce dernier, elle répond qu’elle l’a seulement vue là-bas mais qu’elle ne sauraitdéterminer le moment auquel elle y est arrivée, qu’elle précise cependant que cette fille l’aquitté peu avant la fin de la guerre, qu’elle poursuit en disant que le sergent IldéphonseBARAYAGWIZA n’a plus parlé à personne dès qu’il a commencé à aller au front, qu’ellepense qu’il rentrait tard dans la nuit puisqu’il avait un véhicule à sa disposition, qu’il étaitencore chez lui le 04/07/1994, et que lorsque les autres ont pris fuite MUKAZITONI et lessiens se sont enfermés dans leur maison ;

Attendu qu’à la question de savoir comment elle a su que le sergent BARAYAGWIZA estallé au front, elle répond qu’elle a entendu les gens dire qu’il est allé au front vers le20/06/1994, que s’agissant de la fille que BARAYAGWIZA a violée, MUKAZITONI ditqu’elle avait l’habitude d’aller voir cette fille et qu’elles causaient devant la maison;

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Attendu qu’à la question de savoir depuis quelle date le sergent BARAYAGWIZA est devenuson voisin, elle répond qu’elle ne s’en souvient pas, mais qu’elle se rappelle qu’elle a habitédans ce quartier avant le sergent BARAYAGWIZA qui ne s’y est installé que depuis 1992,qu’interrogée sur le comportement de GITENGE pendant le génocide, elle répond qu’elle a lesentiment qu’il ne s’est pas bien comporté parce qu’elle le voyait souvent partir et collaboreravec les meurtriers, qu’en plus il tenait toujours compagnie au sergent BARAYAGWIZApendant la journée, que GITENGE partait souvent la nuit et que de retour il énumérait lesnoms de ses victimes telles que la famille KALISA, la famille GATETE et d’autres victimesdont elle ne se rappelle plus les noms, qu’elle précise enfin que la responsabilité du sergentBARAYAGWIZA est engagée dans ces assassinats ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît GITENGE, le sergent BARAYAGWIZArépond qu’il le connaît et qu’ils sont des voisins, que cependant il ne connaissait pas les autrespersonnes qui étaient ses voisins, qu’il a pu en connaître quelques-unes à l'occasion desmalheureux événements qui sont survenus dans le pays, qu’interrogé au sujet de ses amisauxquels il avait l’habitude de tenir compagnie, il répond qu’il ne partageait à boire avecpersonne et qu’il ne tenait compagnie à personne, que ses voisins et lui-même passaient leurjournée à ne rien faire et que, la nuit tombée, il faisait la ronde nocturne avec HARUNA,IDRISSA, GITENGE, le mari de MUKAZITONI, FELICIEN et UWIMANA, queMUKAZITONI est au courant des attaques qui ont été menées chez CARITAS, chezMUKAZITONI et ailleurs et qu’ils ont pu les contenir, qu’ils ont gardé les biens deMUKAZITONI et que celle-ci a d’ailleurs pu récupérer tous ces biens après les événements,qu’ils disaient à MUKAZITONI et à son mari de rester sur place et leur assuraient qu’aucunmal ne leur arriverait, surtout que lorsque UWIMANA ne se rendait pas à son travail leursécurité était assurée parce que ce dernier avait un fusil et pouvait les protéger ;

Attendu qu’interrogé sur les faits que GITENGE aurait commis, le sergent BARAYAGWIZArépond qu’il n’en sait rien à moins que GITENGE ait commis ces faits en son absence audébut de la guerre, et que MUKAZITONI sait bien qu’il n’était pas là à ce moment-là ;

35ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir si elle a su que le sergent BARAYAGWIZA faisait partiedes meurtriers qui ont attaqué le domicile de NYUMBAYIRE, MUKAZITONI déclare que cedernier fut attaqué à l’aube aux environs de 4 heures du matin, qu’elle ne connaît pas lesassaillants qui ont mené cette attaque et qu’elle ignore si le sergent BARAYAGWIZA enfaisait partie, qu’elle dit que le sergent BARAYAGWIZA se trouvait à son domicile auxdates du 7, 8, 9/04/1994 car elle lui a confié ses biens le 08/04/1994 après s’être réfugiéechez GITENGE le 07/04/1994 et que même le domestique de BARAYAGWIZA a demandéà celui-ci à qui ces biens appartenaient ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que MUKAZITONI lui a confié ses biens le13/04/1994, qu’en plus il n’est pas allé au front, qu’il s’est plutôt rendu chez sa sœur où il aparticipé a l’inhumation des deux enfants de cette dernière qui avaient succombé aux éclatsd’un obus qui était tombé chez eux, qu’il y est resté pendant plusieurs jours, qu’il n’a jamaispossédé un véhicule surtout qu’il ne pouvait garer ce véhicule nulle part chez lui faute deplace ;

Attendu qu’interrogée sur l’identité de la personne qui vivait chez le sergent

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BARAYAGWIZA à l’exception de la fille qui vivait avec lui par force, MUKAZITONIrépond qu’elle ne se rendait pas souvent chez lui mais déclare avoir entendu dire que la sœurdu sergent BARAYAGWIZA y vivait également, qu’interrogée sur les dimensions de lamaison de BARAYAGWIZA et les circonstances dans lesquelles il a vécu avec cette fille,elle répond qu’il s’agit d’une maison de taille moyenne, que cette fille vivait avecBARAYAGWIZA contre son gré, que cependant elle a le sentiment qu’il la violaitpuisqu’après la guerre elle a appris que BARAYAGWIZA et sa bande avaient tué le mari decette fille ;

Attendu qu’invité à préciser la date à laquelle il s’est installé à KIMISAGARA, le sergentBARAYAGWIZA répond qu’il a habité ce quartier à partir de janvier 1994 mais qu’il avaitcommencé les travaux de construction en juin ou juillet 1993 pour les achever en décembre1993 ;

Attendu que MUKAZITONI réplique en disant que BARAYAGWIZA ne dit pas la vérité caril avait acheté cette parcelle depuis longtemps et avait démarré les travaux de constructiondirectement après l’avoir achetée, qu’invitée à dévoiler les noms de ceux auxquels il a achetécette parcelle car ils ne sont même pas mentionnés dans le contrat d’achat, elle répond queBARAYAGWIZA l’a achetée au vieux HARUNA, que lors de la conclusion de cette venteBARAYAGWIZA était avec sa sœur de sorte qu’elle ne se rappelle plus celui qui a contractéentre les deux ;Attendu que le Tribunal rappelle au sergent BARAYAGWIZA qu’il a déclaré avoir faitconnaissance de MUKAZITONI pendant le génocide, mais que celle-ci a pourtant apposé sasignature sur ledit contrat d’achat en qualité de témoin ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que concernant la conclusion dudit contrat il amandaté sa femme et que c’est celle-ci qui l’a signé, que contrairement aux affirmations deMUKAZITONI il ne s’agit donc pas de sa sœur;

Attendu qu’invitée à dire si elle aurait subi une quelconque contrainte lors de l’établissementdes procès-verbaux de son audition, MUKAZITONI répond par la négative ;

36ème feuillet.

Attendu que l’Auditeur militaire rappelle au Tribunal que le sergent BARAYAGWIZA a faitdu bien à MUKAZITONI en acceptant de garder ses biens, qu’il demande que le procèsverbal de MUKAZITONI qui porte le n°2 soit pris en considération car elle a affirmé savoirque le sergent BARAYAGWIZA dispensait des entraînements militaires aux gens, qu’il avécu avec une femme par force et qu’il est allé au front, qu’elle a ensuite cité les personnesqui étaient souvent en compagnie de BARAYAGWIZA notamment le mari de Donatille,même si cette dernière soutient que son mari restait terré dans sa cachette ;

Attendu que MUKAZITONI Donatille dit que BARAYAGWIZA et sa bande allaientchercher son mari à CYAHAFI quand ils voulaient pour faire la ronde et qu’ils le laissaientrentrer quand ils estimaient cela nécessaire, qu’ils disaient que toutes ces opérations avaientpour but d’assurer la sécurité de leur quartier ;

Attendu qu’interrogée sur les motivations du sergent BARAYAGWIZA lorsqu’il a suiviNYOMBAYIRE au Centre Hospitalier de Kigali, elle répond que ceux qui l’ont suivi là-bas

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sont les mieux indiqués pour répondre à cette question, qu’elle ne saurait dire s’ils voulaientle tuer ou simplement lui rendre visite ;

Attendu que l’Auditeur militaire soutient que le mari de MUKAZITONI queBARAYAGWIZA et sa bande emmenaient faire la ronde quand ils le voulaient, informait sonépouse de ce qu’ils faisaient au cours de cette ronde, qu’en plus MUKAZITONI a l’air d’êtremal à l’aise devant le Tribunal parce qu’elle doit témoigner devant le sergentBARAYAGWIZA qui l’a protégée et qui a protégé son mari et ses biens , qu’ainsi seul leprocès-verbal établi lors de son interrogatoire par le parquet doit faire foi et que dans le cascontraire le prévenu doit quitter la salle pour permettre au témoin de déposer à son aise ;

Attendu qu’il dit que le contrat d’achat que le sergent BARAYAGWIZA a produit devant leTribunal ne devrait pas faire foi dès lors que son nom n’y est pas mentionné et que la date àlaquelle il s’est installé à KIMISAGARA ne s’y trouve pas mentionnée non plus, qu’en plus ils’avère que la date et le mot ″ KIMISAGARA″ mentionnés dans ledit contrat y ont été inséréspar la suite, que par conséquent le Tribunal ne saurait les prendre en compte car ils ne setrouvent pas sur la même ligne que le texte original ;

Attendu qu’à la question de savoir si son mari est encore en vie, MUKAZITONI répond parl’affirmative, qu’interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à ne pas l’entendre, l’Auditeurmilitaire répond qu’il peut être interrogé si cela s’avère nécessaire, que néanmoins rien nejustifiait son audition au cours de l’instruction, qu’étant donné la composition de la famille,l’officier public qui était chargé de l’enquête a trouvé MUKAZITONI à son domicile et aestimé que son audition était amplement suffisante ;

Attendu que MUKAZITONI déclare que toutes les informations dont elle dispose lui ont étérapportées par GITENGE, que celui-ci lui a notamment dit que le sergent BARAYAGWIZAest allé au front, qu’il s’est également rendu en ville pour voir NYOMBAYIRE, qu’ellevoudrait que les déclarations qu’elle a faites au cours des ses différents interrogatoires fassentfoi ;

37ème feuillet.

Attendu que l’avocat de la défense fait remarquer qu’à la question de l’Auditeur militaireconsistant à savoir si le témoin aurait subi une quelconque contrainte lors de sa déposition,celui-ci a répondu par la négative, qu’il poursuit en disant qu’il est de notoriété publique quele témoin ne peut témoigner que de ce qu’il a vu, que s’agissant du contrat d’achat qui a étéévoqué, il est très facile d’interroger toutes les personnes qui y sont mentionnées pouréclaircir les points obscurs ;

Attendu qu’il dit qu’il est compréhensible et évident que le témoin n’a rien vu, que pourtantdepuis trente minutes on voudrait lui faire dire qu’il a vu quelque chose alors qu’en réalité iln’a pas vu le véhicule dont on parle, comme il n’a pas été témoin de l’enlèvement d’Agnès niété au front pour voir ce qui s’y passait, qu’il continue en disant que le témoin reconnaît avoirpu identifier la personne qui dispensait des entraînements militaire aux gens, qu’il appartientau Ministère Public de bien interroger le témoin afin d’avoir toutes les informations dont il abesoin et qu’en cas de défaillance de la part du Ministère public, son client ne saurait en êtreblâmé ;

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Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il n’est pas d’accord avec les propos du conseil deBARAYAGWIZA et fait observer que le Tribunal aurait réagi s’il avait constaté que letémoin avait subi une certaine contrainte surtout que le témoin lui-même demande que leprocès-verbal de son audition fasse foi, qu’en plus le dossier a été instruit dans la langue quel’avocat de la défense ne comprend pas, que concernant l’infraction de viol, le témoin nepouvait pas savoir ce qui se passait à l’intérieur de la maison, que tout ce que le témoin saitest que le prévenu n’était pas marié à Agnès ;

Attendu qu’il poursuit en disant que le contrat d’achat n’a pas été produit par le MinistèrePublic et qu’ainsi celui-ci n’a pas pu préalablement analysé son contenu, qu’il n’a faitqu’exprimer ses préoccupations, lesquelles persistent d’ailleurs aujourd’hui quant à la datequi y est mentionnée, qu’il n’a pas demandé que le prévenu sorte du prétoire car si tel avaitété le cas le Tribunal aurait donné suite à cette requête, que néanmoins le Tribunal peutentendre le témoin à huis clos dans la mesure où cette procédure est valable en matière degénocide ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que des réunions ont été organisées dans tousles secteurs en vue d’identifier les personnes qui ont commis des tueries pendant le génocideet qu’il demande au Tribunal de chercher les listes établies à cette occasion pour vérifier sison nom y est mentionné ;Attendu que le témoin cité par le sergent BARAYAGWIZA nommé MUKAMFIZI Thérèsefille de SHYIRAMBERE Basir et de KAMBUGU Marthe, née à NYARUGENGE/P.V.K. en1928, veuve, résidant à CHAHAFI-NYARUGENGE/ P.V.K., handicapée, sans biens et sansantécédents judiciaires connus, est appelé à la barre et qu’il prête serment ;

Attendu qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles elle a fait la connaissance dusergent BARAYAGWIZA, le témoin MUKAMFIZI répond qu’elle l’a vu pour la premièrefois aujourd’hui dans le prétoire et qu’elle se demande elle aussi comment le sergentBARAYAGWIZA la connaît ;Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité cette vieille femme à sa déchargeparce que le fils de celle-ci et lui se connaissaient, et que sa sœur UWIMANA est lavoisine de cette femme;

Attendu qu’invitée à dire si elle connaît UWIMANA, MUKAMFIZI répond qu’elle la connaîtet qu’on l’appelait ″Maman ERIC″, qu’elle ne connaît pas ses frères ni ses sœurs, quecependant UWIMANA lui disait qu’elle avait un frère dans l’armée ;

38ème feuillet.

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité ce témoin parce qu’il était le voisinde feu Edouard et qu’il estime qu’il pourrait être au courant des circonstances de la mort de cedernier, qu’interrogée à ce sujet , MUKAMFIZI dit qu’elle habitait loin du domicile de feuEdouard, mais qu’elle le connaissait et qu’elle a entendu les gens dire qu’il se trouvait dans sacachette lorsqu’il a été tué par les Interahamwe qu’elle ne connaît pas car, comme tout lemonde le sait, ces miliciens attaquaient en grand nombre ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît l’épouse de feu Edouard, MUKAMFIZIrépond qu’il y avait 4 ou 5 jours qu’elle s’était mariée lorsque un jeune homme qui étaitégalement son voisin et dont le nom pourrait être HATEGEKA l’a conduite chez lui et a vécu

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avec elle par force, qu’elle l’a su parce que ce jeune homme occupait illégalement unemaison située à côté de son domicile à elle, que cependant elle ne saurait dire si c’estHATEGEKA qui a tué Edouard ou si HATEGEKA a tué des gens ou s’il était unInterahamwe, de même qu’elle ne saurait dire pendant combien de temps HATEGEKA a vécuavec cette femme, que toutefois elle apprendra plus tard que cette femme a vécu avec un autrehomme dans les mêmes conditions ;

Attendu qu’interrogée sur l’endroit où ″Maman ERIC″ pourrait se trouver actuellement, ellerépond que Maman ERIC a déménagé et qu’on ne la voit plus, qu’interrogée au sujet desmeurtriers de ses voisins, elle répond qu’elle ne les connaît pas, que cependant beaucoup degens ont été tués près de son domicile, que ces gens ont été tués par balles dans un tournant etqu’ils ont même entendu des coups de feu ;

Attendu qu’à la question à lui posée par l’Auditeur militaire de savoir si l’un des membres desa famille n’aurait pas été persécuté pendant le génocide, le témoin répond que sa belle-sœura été emmenée à trois reprises à l’endroit où on conduisait les victimes pour les tuer,qu’interrogée sur la personne qui a pu la sauver, le témoin répond que c’est le sergentBARAYAGWIZA, que prenant la parole l’Auditeur militaire dit qu’il a posé ces questionspour exprimer ses inquiétudes par rapport aux déclarations de ce témoin ;

Attendu que l’Auditeur militaire demande que le témoin précise à partir de quel moment il aperdu la vue et que le témoin lui répond que cela s’est produit après la guerre, que l’Auditeurmilitaire fait observer que le sergent BARAYAGWIZA n’a cité à sa décharge que des gensauxquels il a rendu service, qui le respectent et qui ne peuvent pas le dénoncer, que celadémontre qu’il avait le pouvoir de décider de la vie ou de la mort de quelqu’un, qu’il sauvaitmême la vie à ceux qui, tel du bétail à l’abattoir, étaient déjà arrivés là où on conduisait lesvictimes pour être exécutées, qu’il trouve que les déclarations de ce témoin ne devraient pasfaire foi dès lors que les propos qu’il a tenus au sujet du sergent BARAYAGWIZA lui ont étérapportés et qu’il a refusé de dévoiler le nom de la personne qui a emmené Agnès, qu’ilconclut son intervention en disant qu’il est de notoriété publique que le sergentBARAYAGWIZA a trempé dans la mort de NDENGEYINGOMA Edouard;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il n’a pas sauvé la vie de la belle-fillede MUKAMFIZI dans la mesure où cette femme vivait chez sa sœur à lui lorsque le génocideest survenu et qu’elle y est restée pendant trois jours ;

Attendu que MUKAMFIZI déclare que sa belle-fille lui a dit qu’elle a été conduite à troisreprises là où elle devait être exécutée, que quelqu’un est intervenu et a empêché lesmeurtriers de la tuer et que cette personne qui lui a sauvé la vie lui a dit qu’elle était le frèrede EPIPHANIE ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité ce témoin afin qu’il explique la viequ’Agnès a menée pendant sa séquestration et la manière dont il l’a aidée à quitter l’endroitoù elle était séquestrée, qu’il aimerait que d’autres personnes qui sont au courant descirconstances de la mort de NDENGEYINGOMA soient entendues puisque les informationsqu’il détient à ce sujet lui ont été fournies par Agnès, laquelle a dit qu’il est mort le14/04/1994, date à laquelle BARAYAGWIZA ne se trouvait plus à CYAHAFI ;

39ème feuillet.

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Attendu qu’invitée à citer les noms de sa belle-fille et de son mari, MUKAMFIZI répond quesa belle-fille s’appelle MUREBWAYIRE Immaculée tandis que son mari s’appelle HAMIMUBIHAL, qu’interrogée sur le nombre de frères de EPIPHANIE, elle répond qu’elle ne leconnaît pas, tout comme elle ne connaît pas EPIPHANIE elle-même, qu’elle croit plutôt queson frère dont elle lui a parlé est le sergent BARAYAGWIZA ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il avait un frère qui habitait près de là, le sergentBARAYAGWIZA répond par la négative ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît le frère de MUKACYAKA surnommé″Jeune″, MUKAMFIZI répond qu’elle ne le connaît pas, qu’elle connaît plutôt ses deuxfrères nommés KAYIRANGA et INNOCENT ainsi que son mari, MUKACYAKA étantoriginaire de GIKONGORO ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que la preuve que le sergent BARAYAGWIZA ne dit pasla vérité est notamment cette personne que le témoin appelle ″ Jeune ″ et qui n’est pourtantpas connue par ses voisins, qu’en plus le témoin a dit que le caporal HATEGEKA fait partiedes assaillants qui ont attaqué le domicile de Edouard, qu’il a ensuite vécu avec Agnès parforce, que par ailleurs cette dernière a connu le même sort avec quelqu’un d’autre dontl’identité est restée inconnue, mais que cette personne est inévitablement BARAYAGWIZAqui était inconnu à cet endroit ;

Attendu que le témoin MUKAMAZIMPAKA Mariane fille de BWANAKWELI Vincent etde NZAKAMWITA Ancille, née à KIMISAGARA/NYARUGENGE/P.V.K, en 1955, veuve,résidant à KIMISAGARA, cultivatrice, propriétaire d’une maison et sans antécédentsjudiciaires, est invitée à faire sa déposition et prête serment;

Attendu qu’invité à dire s’il connaît le sergent BARAYAGWIZA, le témoin dit qu’il leconnaît, qu’ils étaient des voisins et que 500 mètres de distance séparaient leurs domicilesrespectifs;

Attendu que pour sa part le sergent BARAYAGWIZA déclare ne pas connaîtreMUKAMAZIMPAKA ;

Attendu que l’Auditeur militaire qui a fait citer le témoin demande que celui-ci dise si, à saconnaissance, le sergent BARAYAGWIZA a participé à des attaques, que le témoin dit que lesergent BARAYAGWIZA a pris part à l’attaque qui a été menée chez TWAGIRAYEZUFrançois et qui a coûté la vie à ce dernier ainsi qu’à son fils, que le sergent BARAYAGWIZAqui était mécontent de ce que la femme de François avait pu s’enfuir avec le concours decertaines personnes a laissé exploser sa colère en prenant à MUZEHE qui était avec lui letransistor qu’il avait et en le cassant, que le sergent BARAYAGWIZA était aussi encompagnie de l’un des fils du nommé KAZUNGU appelé "CDR", des fils de KARUSHARAet d’un militaire, que c’est KAZUNGU qui a rapporté cela au témoin et à d’autres personnes,qu’il leur a dit que le sort des Tutsi était réglé et que ceux-ci allaient être exterminés, queprenant la parole l'Auditeur militaire dit que François a été tué par le sergentBARAYAGWIZA avec le concours d’un autre militaire, qu’il termine en disant que ceKAZUNGU dont parle le témoin est le neveu du mari de MUKAMAZIMPAKA ;

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40ème feuillet.

Attendu qu’il dit que ce soir-là, BARAYAGWIZA et sa bande ont attaqué le domicile deKALISA et qu’ils se sont battus avec KALISA, que ce dernier a pu venir à bout de cesassaillants après avoir blessé certains d’entre eux à la grenade, que face à cette résistance lesassaillants ont sollicité le concours des militaires de la Garde Présidentielle, lesquels ontassassiné KALISA et massacré sa famille ainsi que les nombreuses personnes qui avaienttrouvé refuge chez lui ;

Attendu qu’il dit que par la suite le sergent BARAYAGWIZA, GITENGE et KAVAKUREont coupé la bananeraie de KALISA et ont appris aux gens à manier les fusils pendant tout lemois de mai 1994, qu’ils leur dispensaient ces entraînements quotidiennement et à longueurde journée, que ces entraînements consistaient en des culbutes qu’ils faisaient à travers lescollines de la région de KOVE, et que pendant ces entraînements le sergentBARAYAGWIZA avait un fusil et portait une chaîne de balles autour des hanches ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort de la nommée Maman CARINE, ilrépond que le mari de cette femme était originaire de CYANGUGU, que le sergentBARAYAGWIZA, KARUSHARA et le nommé ″ CDR ″ disaient qu’elle devait mourir le28/05/1994, que cela lui a été rapporté par un Interahamwe appelé MUZEHE qui a dit quecette dame a proposé à ces meurtriers la somme de 60.000 Frw pour qu’ils la tuent par uneseule balle, que cependant BARAYAGWIZA a refusé et a ordonné qu’elle soit tuée à coupsde poignard, que c’est dans ces circonstances qu’elle a été tuée par HABYARIMANAoriginaire de RUHENGERI ;

Attendu qu’interrogé sur les raisons qui ont conduit ces Interahamwe à leur rapporter ce qu’ilsfaisaient, le témoin répond que KAZUNGU était le neveu de son mari et que MUZEHE étaitle fils d’un voisin ;Attendu qu’interrogé sur le moment auquel il a vu le sergent BARAYAGWIZA, le témoinrépond qu’il l’a vu en 1993 puisque BARAYAGWIZA a acheté sa parcelle à HARUNA en1992 et s’y est installé en 1993 ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA déclare n’avoir pas vu le procès-verbal d’auditionde ce témoin dans le dossier, qu’il lui est néanmoins répondu que toutes les parties n’ont euaccès à ce procès-verbal qu’aujourd’hui et qu’il appartient au Tribunal de déterminer la valeurà lui accorder, mais que cela ne peut toutefois pas l’empêcher de formuler ses observations àce sujet;

Attendu que BARAYAGWIZA dit que les propos du témoin sont mensongers dès lors qu’iln’a pas vu se commettre les faits dont il parle, qu’il trouve que ces faits ont été rapportés autémoin, qu’il continue en disant que le témoin soutient à tort qu’il a attaqué chezTWAGIRAYEZU, chez KALISA et chez Maman CARINE, qu’il affirme n’avoir pas étémembre de la bande de NEPO et que tous les témoins l’ont déchargé en disant qu’il n’enfaisait pas partie;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît KAZUNGU et MUZEHE, le sergentBARAYAGWIZA dit qu’il connaît uniquement MUZEHE qu’il voyait parmi les assaillants,lesquels avaient l’habitude de mener des attaques dans leur quartier ;

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Attendu que MUKAMAZIMPAKA dit qu’elle croyait que le sergent BARAYAGWIZA étaitun militaire encore en service, qu’il collaborait avec KAVAKURE qui est actuellement endétention et qui entraînait les gens à manier les fusils, que pour étayer ses dires elle dit queKAVAKURE a les doigts coupés mais précise qu’elle ignore où ce dernier avait appris lemaniement des armes ;

41ème feuillet.

Attendu que Maître NZEPA demande au témoin d’expliquer pourquoi elle a attendu silongtemps pour ne livrer son témoignage que le 27/10/1998, qu’elle répond qu’elle a attendule retour des militaires pour porter plainte dans la mesure où elle était convaincue queFrançois avait été tué par un militaire et qu’ensuite elle n’a pas su exactement à quel momentle sergent BARAYAGWIZA est revenu, qu’en réplique à cette déclaration,BARAYAGWIZA dit qu’après son retour il a rencontré Agnès dans un cabaret et qu’à cetteoccasion il a discuté avec HARUNA et IDRISSA au sujet de son lit;

Attendu que Maître Bernadette KANZAYIRE dit que le sergent BARAYAGWIZA aprétendu ne pas posséder de biens alors que le Tribunal a lui-même constaté qu’il en dispose àKIMISAGARA, que le sergent BARAYAGWIZA réagit en disant que ces biensappartiennent à sa femme et sont enregistrés au nom de celle-ci, qu’il ajoute cependant que safemme et lui se sont mariés sous le régime de la communauté universelle des biens ;

Attendu qu’invité à préciser l’endroit où sa femme se trouve actuellement, BARAYAGWIZArépond qu’en 1993 sa femme s’est rendue à CYANGUGU avec pour objectif d’aller étudier àBUKAVU parce qu’elle avait une grande famille à KADUTU et qu’elle étudiaithabituellement au ZAIRE au collège ALFAJIRI ;

Attendu qu’il dit qu’ils se sont mariés en 1991 et qu’à cette époque elle était encore en 3ème

année secondaire, qu’après leur union ils ont résidé à MUHIMA , que cependant leur mariagea eu lieu chez sa sœur, qu’ils se sont installés à MUHIMA en 1992, que vers la fin de cetteannée ils ont déménagé du côté de NYAMIRAMBO près de l’hôtel BAOBAB, qu’ils sontretournés à KABAKENE au début de 1993, date à laquelle sa femme est partie, quefinalement il s’est installé à KIMISAGARA au début de l’année 1994 ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que tous les témoins qui ont déjà déposé soutiennentqu’ils l’ont vu prendre part à l’attaque menée chez François, que par ailleurs Marianne aappris cela d’un Interahamwe qui en a été témoin direct, que ce milicien informait lesmembres de sa famille des événements qui survenaient et dans lesquels il avait un intérêt ;

Attendu que le témoin NDUSHABANDI Augustin, fils de RURANGIRWA Laurent et deMUKARUTORE Adèle, né à KIMISAGARA, commune NYARUGENGE, P.V.K., marié àNAMAGARA Aimée, père de 5 enfants, commerçant sans biens et sans antécédentsjudiciaires, est appelé à la barre et prête serment ;

Attendu qu’interrogé sur la date à laquelle il a fait la connaissance du sergentBARAYAGWIZA, le témoin répond qu’il le connaît depuis le 07/04/1994 aux environs de 16heures et que depuis lors son visage est resté gravé dans sa mémoire ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît NDUSHABANDI, le sergent

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BARAYAGWIZA déclare que NDUSHABANDI ressemble au nommé MURUNDI, ce queconfirme NDUSHABANDI qui reconnaît que ce nom est le sien;

42ème feuillet.

Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il a vu le sergentBARAYAGWIZA, NDUSHABANDI déclare l’avoir vu près de chez sa tante paternelle où ila assassiné le mari de celle-ci ainsi que son enfant, qu'il venait de quitter le domicile de satante lorsque ces assassinats sont survenus, qu’il s’était rendu chez sa tante pour lui prendreau moins deux enfants afin de les évacuer à MUGANZA d’où ils sont originaires ;

Attendu qu’il poursuit en disant que sa maison était proche de celle de François et qu’ellesétaient séparées par une haie en euphorbe à tel point qu’à peine arrivé chez lui en provenancede chez François, il entendit les gens frapper avec force au portail du domicile de François,que voulant voir de qui il s’agissait il a vu deux militaires accompagnés de beaucoup desympathisants du parti C.D.R., parmi lesquels MUZEHE fils de TWAHA, que pendant qu’ilscreusaient la maison pour en arracher la porte, François leur a demandé ce qu’ils cherchaient,que le sergent BARAYAGWIZA lui a dit d’ouvrir la porte en lui assurant qu’ils ne luiferaient rien de mal et qu’ils voulaient seulement vérifier quelque chose ;

Attendu qu'il dit qu’une fois que François a ouvert la porte, ces meurtriers se sont rués àl’intérieur de la maison, que le sergent BARAYAGWIZA qui était resté légèrement en arrièrea essayé de pousser François à l’intérieur de la maison, que dans sa défense François a voulus'emparer du fusil dont BARAYAGWIZA était armé, ce que voyant le sergentBARAYAGWIZA a aussitôt ouvert le feu si bien que François est immédiatement tombé, queNDUSHABANDI qui suivait la scène à travers la haie en euphorbe s’est sauvé en courant etqu’arrivé dans la plantation de café il a entendu un autre coup de feu ;

Attendu qu’à la question de savoir si l’épouse de François était à la maison, le témoin répondque plus tard la femme de François lui dira qu’elle avait fui ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que les déclarations de NDUSHABANDI sontmensongères, que la preuve en est qu’il prétend l’avoir vu pousser puis tuer le mari de satante, mais que curieusement il ne l’a pas tué lui aussi alors qu’il était également recherché,qu’il réaffirme que NDUSHABANDI le charge à tort et qu’il n’a pas mis les pieds à cetendroit ;

Attendu que NDUSHABANDI affirme que le sergent BARAYAGWIZA l’aurait sûrementtué s’il l’avait vu ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il aurait vu NDUSHABANDI depuis la mort deHABYARIMANA ou s’il aurait eu connaissance du pillage du magasin de ce dernier, lesergent BARAYAGWIZA répond qu’il n’a plus revu NDUSHABANDI et qu’il n’était pasau courant du sort de son magasin;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que les témoignages ont prouvé que le sergentBARAYAGWIZA portait l’uniforme militaire et allait au front, qu’il demande le huis clos enfaveur du prochain témoin étant donné qu’il va témoigner sur des actes dont il a été victime;

Attendu que le témoin Agnès KAGERUKA , fille de KAGERUKA Claver et de

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MUKAMURIGO Marie Gorretti, née à RUNDA, préfecture de GITARAMA, en 1973, veuve,résidant à GIKONDO, commune KICUKIRO, P.V.K., étudiante, sans biens ni antécédentsjudiciaires, est appelé à la barre ;

43ème feuillet.

Attendu qu’interrogée sur la date à partir de laquelle elle a fait la connaissance du sergentBARAYAGWIZA, KAGERUKA Agnès dit qu’elle le connaît depuis 1994, vers le mois demars, qu’elle le voyait passer devant son domicile lorsqu’il se rendait chez sa sœurUWIMANA, qu’interrogée sur la date à laquelle elle s’est mariée, elle répond que sonmariage est intervenu le 02/04/1994 ;

Attendu qu’interrogé à son tour sur le moment où il a fait la connaissance d’Agnès, le sergentBARAYAGWIZA dit qu’il la connaît depuis qu’elle était petite et que ses parents à ellehabitaient à NYABUGOGO tandis que lui résidait à CYAHAFI, qu’il a connu Agnès à causede certains de ses proches, parmi lesquels le nommé ABRAHAM, qui étaient des voisins de lafamille d’Agnès et que cela remonte à 1979 et 1980 ;Attendu que KAGERUKA Agnès déclare que la guerre a commencé le 07/04/1994, que le14/04/1994 entre 9 heures 30 minutes et 10 heures beaucoup d’assaillants sont venus et onttué Edouard NDENGEYINGOMA et ses 4 petits frères, qu’elle a pu reconnaître parmi eux lesergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et HATEGEKA, que BARAYAGWIZA a aussitôtconduit Agnès chez lui à KIMISAGARA, qu’elle a vécu seule chez lui d’avril à juin 1994, àpart qu'il arrivait à la sœur de BARAYAGWIZA d'y séjourner de temps en temps, et que cettesœur ne les quittait que quand elle allait s’approvisionner en marchandises ;

Attendu qu’elle dit que le sergent BARAYAGWIZA participait aux combats aussi bien auxcôtés des militaires que des miliciens Interahamwe, que de retour à la maison il lui énuméraitles victimes qu’il avait tuées, que vers la fin du mois de juin elle l’a quitté parce qu’elleréalisait qu’il finirait par la tuer elle aussi, qu’elle est allée se cacher à CYAHAFI dans desbuissons où elle a passé trois semaines et mené une vie sauvage;

Attendu qu’interrogé sur l’uniforme militaire que portait le sergent BARAYAGWIZA, ellerépond qu’il en avait deux paires, et trois fusils dont l’un de marque ″ Uzi″ et qu’il y avaitbeaucoup de cartouches et de grenades à son domicile;

Attendu qu’Agnès déclare être retournée à KIMISAGARA le 04/07/1994, que le sergentBARAYAGWIZA l’a violée pendant tout le temps qu’elle a passé avec lui, excepté la nuit deson arrivée à son domicile;Attendu qu’à la question de savoir si elle n’aurait pas d’abord vécu chez HATEGEKA, ellerépond que le sergent BARAYAGWIZA l’a emmenée directement et qu’elle n’est pas arrivéechez HATEGEKA, qu’à la question de savoir si elle connaît le nommé ″ Jeune ″, elle répondpar la négative ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle a revu le sergent BARAYAGWIZA après la guerre,elle répond qu’elle l’a revu en août 1995 et qu’à ce moment il portait l’uniforme de l’ArméePatriotique Rwandaise ;

Attendu qu’interrogée sur le nombre des assaillants qui les ont attaqués, Agnès répond qu’ilsétaient environ dix personnes, que le sergent BARAYAGWIZA et HATEGEKA portaient

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l’uniforme militaire alors que d’autres assaillants avaient camouflé leur tête avec les feuillesde bananiers, que HATEGEKA était un militaire tandis que ces assaillants étaient desInterahamwe, que le sergent gendarme BARAYAGWIZA l’a emmenée parce qu’étant le plusgradé, le butin trouvé dans cette famille lui revenait de droit ;

44ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir comment il a su que HATEGEKA était un militaire, lesergent BARAYAGWIZA répond qu’Agnès lui avait dit qu’il avait le grade de caporal etqu’il avait tué son mari ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle aurait accompagné le sergent BARAYAGWIZA àMUSASA, Agnès répond par la négative ;

Attendu que Maître Ferdinand NZEPA demande qu’Agnès explique la contradiction quiexiste entre sa déclaration selon laquelle elle s’est mariée le 02/04/1994 et le contenu duprocès-verbal de son audition d’après lequel elle devait se marier le 09/04/1994, qu’enréponse à cette question Agnès dit qu’elle s’est installée chez NDENGEYINGOMA le jour deleur mariage civil du 02/04/1994, le mariage religieux étant programmé pour le 09/04/1994 ;

Attendu qu’interrogée au sujet des biens que le sergent BARAYAGWIZA aurait pillés, Agnèsrépond qu’il s’agit du lit sur lequel ils couchaient tous les deux et qu’il avait pillé chezNDAYISABA ainsi que des biens de la famille Louise KAYIBANDA et ceux de la familleBOSCO, qu’elle ne sait rien d’autre puisqu’elle était séquestrée dans une chambre ;

Attendu que Maître NZEPA Ferdinand déclare vouloir lever toute équivoque, qu’il préciseque le sergent BARAYAGWIZA n’a pas dit qu’il a emmené Agnès par force et qu’il estplutôt convaincu qu’ils se sont rendus au camp de MUHONDO ensemble;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il est allé chez Agnès à la demande decette dernière et que celle-ci dans ce sens avait sollicité son secours, qu’il trouve trèsétonnante la déclaration d’Agnès d’après laquelle elle est allée se cacher dans des buissons enjuin 1994 où elle est restée pendant trois jours parce qu’elle a quitté ce lieu le 04/07/1994, quecette déclaration est dénuée de fondement du moment qu’ils sont restés ensemble et ont vécuensemble au camp de MUHONDO et qu’elle n’a point dit aux militaires qu’il avait tué sesproches, qu’ils ont quitté ensemble ce camp pour s’installer à KABAGENDANA, qu’il estimequ’Agnès a préféré passer tout cela sous silence à cause du malentendu qui les oppose et qu’ila explicité plus haut ;

Attendu qu’il dit qu’il est venu dans un cabaret pendant la période où le gouvernement venaitde frapper la nouvelle monnaie, qu’il y avait des militaires dans ce cabaret qui était parailleurs situé près de la brigade, qu’Agnès qui s’y trouvait n’a pourtant rien dit à cesmilitaires, qu’ils ont par contre causé comme si de rien n’était, qu’il trouve que des poursuitesdevraient être engagées contre elle parce qu’elle a oublié qu’il lui a rendu service et qu’elle amenti en lui attribuant l’assassinat de ses proches ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il n’a jamais dormi dans un même lit avec Agnès, lesergent BARAYAGWIZA répond que cela n’a jamais eu lieu, que même dans sa déclarationactée dans un procès-verbal, Agnès a reconnu que lorsqu’elle était chez le sergent

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BARAYAGWIZA elle vivait avec la sœur de ce dernier et le domestique qui leur préparait àmanger ;

45ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir comment il n’a pas souhaité avoir des relations sexuellesavec elle alors qu’il venait de la secourir, le sergent BARAYAGWIZA répond que cela estconfirmé par Agnès qui reconnaît elle-même qu’il n’a pas couché avec elle le premier jour,qu’il ne pouvait pas la violer après l’avoir secourue, qu’il conclut en disant qu’il est capablede maîtriser son instinct sexuel devant n’importe quelle autre fille ;

Attendu qu’il dit que la seule occasion où ils ont dormi ensemble s’est présentée au camp desréfugiés, qu’il dormait avec elle sur un matelas simple et que d’autres personnes dormaient àmême le sol à côté d’eux de sorte qu’il ne pouvait pas lui faire l’amour, qu’ils étaient avec songrand frère, sa sœur et les enfants de son grand frère et qu’il l’a mise sur ce matelas parcequ’il ne pouvait pas faire autrement ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il n’y avait personne d’autre à KIMISAGARA pourlequel il pouvait avoir de la compassion et à qui il pouvait sauver la vie, le sergentBARAYAGWIZA répond qu’il a secouru Agnès parce qu’elle était une connaissance delongue date et qu’elle a sollicité son secours;

Attendu que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA a dit que sa sœur avécu chez lui pendant une courte période, que ses déclarations ne sont que des manœuvresdésespérées, que réagissant à cette intervention le sergent BARAYAGWIZA affirme êtreresté avec sa sœur jusqu’à ce qu’ils prennent fuite ;

Attendu que l’Auditeur militaire demande qu’Agnès explique les circonstances danslesquelles ce lit a été pillé, qu’Agnès répond qu’elle a trouvé ce lit au domicile deBARAYAGWIZA, qu’il l’avait pillé chez NDAYISABA et qu’après l’avoir pillé il est passédevant le domicile d’Agnès en le transportant, qu’elle connaissait ce lit et que celui-ci avaitun sommier en triplex ;

Vu que les heures de service sont terminées, que l’audience est suspendue puis remise au16/11/1998 à 9 heures du matin ;

Vu la continuation de l’audience en date du 16/11/1998 à 9 heures du matin et la prestationde serment de l’interprète MUKANTAMBARA Félicité;

Attendu que le témoin à décharge nommé 1er sergent RWAMUNINGI François, fils deBIRIRA Yavan et de NYIRAMARENGANE Félicitée, né en commune RUBAVU, préfectureGISENYI, en 1961, détenu à la prison de MULINDI pour génocide, marié àMUKANKURANGA Dorothée et père de deux enfants, sans biens, résidant à CYAHAFI,commune NYARUGENGE, P.V.K., est appelé à la barre et prête serment conformément à laloi ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît le sergent BARAYAGWIZA, le 1er sergentRWAMUNINGI François répond qu’il ne le connaissait pas auparavant, que bien qu’aprèsêtre renvoyé de l’armée le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse a résidé dans la celluleAKANYANZA du quartier CYAHAFI, le 1er sergent RWAMUNINGI François n’a fait sa

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connaissance qu’en septembre 1995 en prison ;46ème feuillet

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’avant la déposition du témoin il voudrait soulever lesproblèmes qu’on observe dans les affaires pénales ou dans les affaires de génocide, dans lamesure où les prévenus citent à leur décharge leurs codétenus poursuivis pour les mêmes faitsque ceux qui leur sont reprochés, que ceux-ci déroutent forcément le Tribunal parce qu’ilssont en contact permanent avec les accusés et qu’ainsi il trouve que le témoignage du 1er

sergent RWAMUNINGI n’est pas crédible, qu’il lui est néanmoins répondu que même s’il estbon de soulever ces inquiétudes, il appartient au Tribunal d’apprécier la déclaration dutémoin ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA demande que le 1er sergent RWAMUNINGItémoigne au sujet des événements qui sont survenus à CYAHAFI parce que c’est le quartierqu’il connaît bien et qu’il parle surtout de ce qu’il sait sur le sergent BARAYAGWIZA ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît la sœur du sergent BARAYAGWIZA, le 1er

sergent RWAMUNINGI répond qu’il ne la connaît pas, qu’interrogé surNDENGEYINGOMA Edouard et les circonstances de sa mort, il répond qu’il ne le connaîtpas non plus parce qu’il a habité le quartier CYAHAFI en 1993, que cependant il entendait lesgens dire que NDENGEYINGOMA avait une boutique, qu’il avait l’habitude de passer par là,que le 10/04/1994 il est allé à RUHENGERI pour participer à l’enterrement d’un enfant àMUKINGO, que le lendemain lui et les autres ont continué la route pour se rendre àGISENYI, qu’ils ont néanmoins passé la nuit à BYANGABO, que le jour suivant ils sontarrivés à GISENYI où il a passé huit jours avant de revenir à KIGALI ;

Attendu qu’interrogé sur le viol de l’épouse d’Edouard, le témoin répond qu’il n’en sait riendu tout si ce n’est que le sergent BARAYAGWIZA lui demandé s’il la connaissait et qu’il luia répondu qu’il ne la connaissait pas en lui précisant cependant qu’il a entendu dire qu’elleétait mariée ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a quelque chose à ajouter à cette déclaration, le sergentBARAYAGWIZA dit qu’il n’a rien à ajouter puisqu’il s’avère que le 1er sergentRWAMUNINGI ne sait rien en ce qui le concerne;

Attendu que le témoin Jean-Félix NYIRINDEKWE fils de KANYANDEKWE Alphonse etde NYIRAMUBI Thérèse, né à KABASENGEREZI, NYARUGENGE, P.V.K, en 1973,célibataire et chauffeur, actuellement détenu à la prison de MULINDI pour vol, propriétaired’un véhicule, sans antécédents judiciaires connus, est appelé à la barre et prête serment ;

Attendu qu’interrogé sur le moment où il a fait la connaissance du sergent BARAYAGWIZA,NYIRINDEKWE répond qu’il le connaît depuis qu’ils sont détenus ensemble, qu’à laquestion de savoir s’il résidait à CYAHAFI, il répond qu’il y était allé pour rendre visite àson petit frère qui habitait ce quartier, que le lendemain l’avion du président a été abattu etqu’ainsi il n’a pas pu rentrer chez lui;

Attendu qu’interrogé sur les motifs qui l’ont conduit à citer ce témoin, le sergentBARAYAGWIZA dit qu’il voulait que ce témoin confirme qu’il se trouvait à CYAHAFIchez sa sœur lorsque la guerre a éclaté ;

47ème feuillet.

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Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît la sœur du sergent BARAYAGWIZA nomméeUWIMANA, NYIRINDEKWE répond qu’il ne la connaît pas mais qu’il a entendu parler dece nom, qu’il ne connaissait même pas le sergent BARAYAGWIZA auparavant et que c’estaprès leur rencontre en prison que celui-ci lui a dit qu’il résidait dans le quartier CYAHAFI;

Attendu que Maître GASARABWE Claudine dit que Madame MUKAMURIGO Véronique,une partie civile, voudrait apporter d’autres précisions qui pourraient éclairer le Tribunal ausujet des tueries perpétrées par le sergent BARAYAGWIZA ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse,MUKANDORI (sic) répond qu’elle ne le connaît pas et soutient que c’est la première foisqu’elle le voit ;

Attendu qu'interrogée sur le quartier où elle résidait pendant la guerre, elle répond qu’ellevivait chez son frère à KIMISAGARA où elle est restée pendant de nombreux mois, que lessympathisants du parti C.D.R. les ont attaqués vers le 25 janvier 1994 à la recherche de sonfrère qu’ils accusaient d’avoir coupé la corde au moyen de laquelle ils hissaient le drapeau deleur parti, que ces mêmes assaillants parmi lesquels le sergent BARAYAGWIZA, NEPO,GITENGE, DEBANDE, KANYAMANZA, FIFI, GILBERT, les fils du ResponsableKAZUNGU et d’autres qui s’étaient camouflés au moyen des feuilles de bananiers sèchessont revenus le 13/04/1994 à leur domicile à CYAHAFI ;

Attendu qu’elle dit qu’aussitôt que le sergent BARAYAGWIZA est entré dans leur maison illui a donné un coup de poing au point qu’il lui a arraché des dents, qu’il lui a ensuite donnédes coups de bottes et un coup de poignard dans les côtes avant de la pousser vers DEBANDEet les autres assaillants, que ceux-ci lui ont demandé l’endroit où pouvaient se trouver Paul etTWIZEYIMANA, qu’ils les ont par la suite délogés de leur cachette et les ont emmenés àKIMISAGARA, qu’ils ont assassiné Vianney à coups de marteaux et de poignards, queconcernant Paul ils l’ont tué par balles après qu’il se soit précipité dans un égout, qu’ils onttraîné leurs corps jusqu’à un terrain de jeux pour célébrer leurs méfaits, qu’ils les ont dépecés,qu’ils ont ensuite mis des morceaux de leur chair sur des broches et qu’ils les ont grillés ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît Vianney, le sergent BARAYAGWIZA répondpar la négative ;

Attendu qu’à la question de savoir à partir de quel moment le sergent BARAYAGWIZA avécu à KIMISAGARA, MUKANDOLI dit que le sergent BARAYAGWIZA s’y est installéen 1993, qu’interrogée sur la tenue qu’il portait lorsqu’il les a attaqués, elle répond qu’ilportait l’uniforme militaire et était armé d’un fusil qu’il possédait depuis janvier 1994, etajoute qu’elle n’a jamais su qu’il avait été renvoyé de l’armée car elle ne l’a jamais vu entenue civile ;Attendu qu’invitée à dire à quoi ont servi les morceaux de chair humaine qu’ils avaient missur des broches, elle répond que lorsqu’elle a vu ces assaillants monter la colline, elle a cruqu’ils allaient les manger, qu’en plus ils les ont servis à une dame nommée CARITAS pour,disaient-ils, sceller un pacte de sang avec elle ;

Attendu que le témoin à charge du sergent BARAYAGWIZA nommé MUKASHEMACaritas fille de MUKANKWAYA Gaspard et de Véronique NYIRUBUYENZI, née en 1969

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en commune MUBUGA, préfecture de GIKONGORO, veuve, résidant à KIMISAGARA,commune NYARUGENGE, P.V.K., vendeuse de denrées alimentaires, sans biens niantécédents judiciaires connus, est appelé à la barre et prête serment ;

48ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît le sergent BARAYAGWIZA,MUKASHEMA répond qu’elle le connaît, qu’il était son voisin immédiat à KIMISAGARA;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA qui est, à son tour, invité à dire s’il connaîtMUKASHEMA répond par l’affirmative ;

Attendu qu’interrogée sur les faits qui ont été commis par le sergent BARAYAGWIZA,MUKASHEMA répond qu’à l’exception de quelques jours où il restait à la maison toute lajournée, le sergent BARAYAGWIZA ne passait pas ses journées à son domicile, qu’il donnaitdes entraînements militaires aux Interahamwe et aux sympathisants du parti C.D.R. avantmême le déclenchement du génocide, que lorsque la hampe sur laquelle était hissé le drapeaude la C.D.R est tombée, les gens l’ont ramassée et s’en sont servi comme bois de chauffage,qu'au vu de cela, les sympathisants de la C.D.R les ont attaqués ;

Attendu que poursuivant son témoignage, MUKASHEMA dit que chaque soir, après avoirterminé leurs entraînements, ils avaient l’habitude d’aller se positionner sur la route, destopper les véhicules et d’en sortir les occupants qu’ils tuaient par la suite, que NEPO étaitleur chef et qu’il les rejoignait après le service ;

Attendu qu’elle dit que pendant le génocide des assaillants ont jeté au fond de la toilette dechez NYOMBAYIRE 4 personnes parmi lesquelles HAGUMA qui était le voisin deNYOMBAYIRE Alphonse, le petit frère de HAGUMA et SENDARASI Alphonse qui futprécipité au fond de cette toilette à 10 heures étant encore en vie, qu’à ce moment-là elle a vule sergent BARAYAGWIZA, qui était armé d’un fusil et portait l’uniforme militaire, appelerle nommé GITENGE en lui disant ″ Nous allons vous casser la figure″ ;

Attendu qu’interrogée au sujet de KAGERUKA Agnès, MUKASHEMA déclare qu’en voyantcette dernière chez BARAYAGWIZA elle a cru qu’elle était sa femme, mais que par la suiteKAGERUKA Agnès lui a appris que cela n’était pas le cas et qu’elle vivait avecBARAYAGWIZA contre son gré;

Attendu qu’à la question de savoir ce qu’il attendait du témoin MUKASHEMA, le sergentBARAYAGWIZA dit qu’il voulait qu’elle parle du site où il donnait des entraînementsmilitaires aux gens, dans la mesure où les autres témoins ont fourni des précisions à ce sujet,qu’il réfute ensuite la déclaration de MUKASHEMA selon laquelle il était un militaire etpossédait un fusil et qu’il la qualifie de mensongère ;

Attendu que l’avocat de la défense demande que le témoin parle des conditions de vied’Agnès à cette époque, que le témoin répond que dans un premier temps elle est restée dansla maison sans jamais en sortir pendant de nombreux jours, mais que par la suite elle sortaitquelques fois de la maison car elle l’a vue dehors en train de donner du foin au bétail,qu’Agnès ne pouvait pas sortir les matins à cause de la clameur de ceux qui pourchassaientles gens, qu’elle voyait surtout la sœur du sergent BARAYAGWIZA qui avait l’habitude de

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séjourner au domicile de celui-ci lorsqu’il n’était pas là;

Attendu que MUKASHEMA dit que le sergent BARAYAGWIZA l’a protégée contre lestueurs pendant cinq jours, que par après il l’a livrée à trois militaires qui l’ont violée pendantque le sergent BARAYAGWIZA était en train de consommer de l’alcool en compagnie deDEBANDE ;

49ème feuillet.

Attendu qu’interrogée au sujet des personnes dont la chair a été grillée sur les broches, ellerépond qu’elle en sait quelque chose, que le sergent BARAYAGWIZA et sa bande se sontrendus à CYAHAFI et ont mis la main sur Vianney qui s’y était caché, que celui-ci y avaittrouvé refuge parce que les tueries n’avaient pas encore atteint leur paroxysme dans cequartier, qu’ils l’avaient activement recherché auparavant pour lui faire du mal, allant jusqu’àverser du pétrole dans sa bière, qu’ils l’ont emmené ainsi que ceux qui étaient avec lui, etquand ils sont arrivés au niveau du pont situé devant la maison du sergent BARAYAGWIZAelle a entendu des coups de feu ;

Attendu que poursuivant son témoignage MUKASHEMA dit que par la suite,BARAYAGWIZA et sa bande sont venus à son domicile, qu’ils avaient un morceau deviande et une bouteille de PRIMUS, qu’ils ont frotté ce morceau de viande contre la bouteillequ’ils tenaient, que par après ils lui en ont fait boire une gorgée en lui disant qu’il s’agissait làd’un pacte de sang scellé avec elle, qu’ils lui ont ensuite demandé la main de la fille qui vivaitavec elle, qu’à cette occasion le sergent était en compagnie de DEBANDE, NSHIMIYE etGITENGE et MUZEHE et qu’ils avaient un poste radio et un montant de 45.000 Frw ;

Attendu qu’à la question de savoir si UWIMANA possédait un fusil, elle répond qu’il en avaitun, qu’il l’avait reçu dans le cadre de son service et qu’il ne l’a jamais vu s’en servir dans lestueries, que le sergent BARAYAGWIZA avait le sien, que par contre UWIMANA etGITENGE se prêtaient mutuellement leurs fusils, et qu’elle n’a jamais vu UWIMANAcollaborer avec le sergent BARAYAGWIZA ;

Attendu qu’à la question de savoir celui qui, entre lui et UWIMANA, a reçu un fusil lepremier , le sergent BARAYAGWIZA dit que c’est bien UWIMANA ;

Attendu qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles la séparation du sergentBARAYAGWIZA et KAGERUKA Agnès est intervenue, MUKASHEMA répond que lors dela fuite massive de la population, Agnès s’est soustraite à la surveillance du sergentBARAYAGWIZA, qu’elle précise cependant qu’elle n’a pas su exactement comment cela aeu lieu parce que les gens se pressaient beaucoup dans leur fuite;

Attendu qu’invitée à dire si le sergent BARAYAGWIZA se trouvait encore à KIMISAGARAlorsque HABYARIMANA est mort, elle répond qu’il y était encore puisque c’est lelendemain, avant même que les tueries ne commencent, que les gens ont reçu injonction desortir de leurs maisons et d’aller pourchasser les Tutsi, et que dans la soirée ils ont attaqué ledomicile de KALISA qui était situé près de la route ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il livrera ses observations sur ce témoignage aumoment de la lecture de ses réquisitions ;

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Attendu qu’à la question de savoir si les personnes qu’il dit avoir enterrées sont celles dont letémoin a parlé, le sergent BARAYAGWIZA répond par la négative car, précise-t-il, il n’ajamais pris de houe pour aller boucher quelque fosse que ce soit, qu’il a inhumé les personnesdont il ne connaissait pas l’identité et qu’il ne connaît pas non plus les victimes dont le témoina parlé ;

Attendu qu’interrogée sur d’autres victimes tuées près de chez elle, MUKASHEMACARITAS répond qu’elle se souvient de celles qui ont été tuées près du domicile du sergentBARAYAGWIZA et dont ce dernier a jeté les corps dans la toilette avec le concours de leursmeurtriers;

50ème feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir pour quelle raison elle n’a pas porté plainte contre lesergent BARAYAGWIZA auparavant et pourquoi elle a attendu d’être convoquée par leTribunal pour le dénoncer, MUKASHEMA répond qu’elle ne le voyait pas, qu’à la questionde savoir si elle ne l’a jamais revu après la guerre, elle répond qu’elle l’a revu en 1996, maisqu’à cette occasion il était en tenue militaire, que le sergent BARAYAGWIZA lui a demandéceux qui avaient pillé ses biens à lui, mais qu’à ce moment elle souffrait gravement d’unemaladie qui lui avait été transmise par le sergent BARAYAGWIZA et sa bande;

Attendu qu’interrogée au sujet de FELICIEN, elle répond que celui-ci s’est installé àKATABARO après avoir vendu la maison dans laquelle il vivait, que pendant le génocide ilfut malmené par GITENGE et ses acolytes qui l’accusaient de ne pas les aider à faire la rondenocturne sous prétexte qu’il était chrétien;

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaissait TWAGIRAYEZU François, elle répondqu’elle le connaissait, qu’il fait partie des victimes de première heure et qu’il fut tué par lesassaillants qui l’ont surpris à son domicile, que ces derniers ont mené cette attaque chez luiavec le concours du sergent BARAYAGWIZA et que KANYAMANZA, DEBANDE, NEPOet d’autres y ont pris part ;

Attendu qu’interrogée sur les fonctions qui étaient exercées par le sergent BARAYAGWIZAavant le génocide, elle répond qu’elle n’en sait rien dans la mesure où il rentrait tellement tardque les gens n’arrêtaient pas de s’interroger sur les motifs de ces retards à répétition, que laseule fois où elle lui a adressé la parole c’était en 1993 lorsqu’elle lui disait que l’eau enprovenance de sa concession endommageait sa maison à elle ;

Attendu qu’interrogée sur les réunions auxquelles le sergent BARAYAGWIZA participait,elle répond que ce dernier et ses acolytes avaient l’habitude de se mettre à l’écart devant lecentre scolaire, qu’au terme de leur réunion ils faisaient des manifestations à tel point qu’unjour ils ont incendié un taxi ;

Attendu qu’à la demande du sergent BARAYAGWIZA, CARITAS est invitée à préciserexactement à quel moment BARAYAGWIZA a résidé à KIMISAGARA, qu’elle répond qu’ila acheté cette parcelle en 1992 et qu’il s’y est installé en 1993, qu’en réaction à cette réponsele sergent BARAYAGWIZA dit que CARITAS ne dit pas la vérité puisqu’il n’a pas achetécette parcelle en 1992 ;

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Attendu qu’invité à dire pourquoi il croit que CARITAS a survécu aux massacres, le sergentBARAYAGWIZA dit que c’est grâce à UWIMANA qui vivait à son domicile et qui avait unfusil, que lui et UWIMANA ont toujours dénoncé les tueries qui se commettaient dans leurquartier, qu’interrogé sur sa part de responsabilité dans ces tueries, le sergentBARAYAGWIZA répond qu’il n’y a pas trempé, qu’il appartient plutôt à CARITAS de dires’il a réellement participé à la perpétration des massacres et que, dans le cas contraire, leTribunal doit se transporter sur les lieux pour mener une enquête à ce sujet;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a un litige avec CARITAS, le sergentBARAYAGWIZA dit qu’il n’y a aucun problème entre eux, qu’il ajoute cependant queCARITAS a déposé en faveur de ses proches parce qu’elle doit forcément les défendre, qu’ilfait remarquer que CARITAS qui l’avait pourtant vu dans un cabaret après la guerre ne l'a pasdénoncé et insiste sur le fait que la déclaration actuelle de l'intéressée lui a été dictée par sesproches ;

51ème feuillet.

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA a cité à sa déchargeMUKAMFIZI Thérèse dont il a sauvé l’enfant et MUKASHEMA Caritas avec l’espoirqu’elles témoigneraient en sa faveur à cause du service qu’il leur a rendu, que c’était pourtantsans compter avec le tort qu’il leur a causé lorsqu’il a envoyé à MUKASHEMA les genspour la violer et qu’il lui a fait boire une bière mélangée avec du sang humain, que ladéclaration du sergent BARAYAGWIZA selon laquelle MUKAMFIZI a témoigné en faveurde ses proches est dénuée de fondement dans la mesure où même les propres voisins dusergent BARAYAGWIZA qui ont témoigné dans cette affaire à savoir NYOMBAYIRE etMUKAZITONI l’ont aussi chargé des faits dont ils ont été des témoins directs ;Attendu que les parties civiles sont invitées à présenter leurs conclusions, que prenant laparole Maître Bernadette KANZAYIRE dit qu’elle représente NYINAWABAGUNGALiberata, veuve de feu TWAGIRAYEZU François, qu’elle dit que les dommages et intérêtsréclamés par sa cliente sont motivés par la perte de son mari TWAGIRAYEZU François et deson fils TWAGIRAYEZU Félix qui ont été tués le 07/04/1994 au tout début du génocide ;

Attendu qu’elle dit qu’ils ont été tués au cours d’une attaque à laquelle prenaient part lesmiliciens Interahamwe et les partisans de la C.D.R., que tous ces meurtriers étaient dirigés parle sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et NDUWAYEZU Jean Népo alias CDR, que lors decette attaque ils ont blessé un autre enfant de TWAGIRAYEZU nommé MWISENEZA,actuellement rescapé du génocide.

Attendu qu’elle continue son intervention en disant que sur base de l’action intentée par leMinistère Public et des dépositions des témoins elle trouve que la famille TWAGIRAYEZUFrançois a été sérieusement ébranlée, qu’ainsi elle réclame des dommages et intérêts libelléscomme suit :• des dommages moraux d’un montant de 10.000.000 Frw pour NYINAWABAGUNGA

suite à la perte de son mari TWAGIRAYEZU François;• des dommages moraux d’un montant de 7.000.000 Frw suite à la mort de

TWAGIRAYEZU Félix, fils de feu TWAGIRAYEZU François ;

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• des dommages et intérêts d’un montant de 8.000.000 Frw chacun en faveur deMWISENEZA Placide, UMWALI Angélique, UMURERWA et DAMASCENE pour laperte de leur parent, ce qui revient à 8.000.000 Frw x 4= 32.000.000 Frw, et un montantde 5.000.000 Frw chacun pour la perte de leur frère, ce qui équivaut à 5.000.000 Frw x 4= 20.000.000 Frw ;

• des dommages matériels représentant un manque à gagner enregistré par la famille deNYINAWABAGUNGA suite à la perte du salaire de TWAGIRAYEZU François, c’est àdire 54.702 Frw x 12 mois x 20 ans= 13.128.480 Frw ;

• des dommages matériels d’un montant de 15.000.000 Frw suite à la destruction de leurmaison et de la clôture de cette dernière ;

52ème feuillet.

• des dommages matériels aux articles ménagers qui ont été pillés dans leur maison à savoir:

- Un montant de 250.000 Frw pour un frigo,- Un montant de 250.000 Frw pour un téléviseur,- Un montant de 150.000 Frw pour un poste radio double cassette avec doubles speakers,- Un montant de 100.000 Frw pour un porte téléviseur,- Un montant de 200.000 Frw pour une cuisinière,- Un montant de 5.000.000 Frw pour les meubles du salon, les lits, les armoires et divers

articles ménagers Le total = 103.078.480 Frw ;

Attendu qu’elle demande au Tribunal de faire application de l’article 1er de la Conventionrelative à la répression du crime de génocide, l’article 30 de la Loi organique n°08/96 du30/08/1996 et l’article 260 du Code Civil Livre III en ce qui concerne l’allocation desdommages et intérêts, que le sergent BARAYAGWIZA doit les payer solidairement avecl’Etat rwandais parce que le génocide n’aurait pas été possible si l’Etat avait correctementrempli sa mission d’assurer la sécurité à toute la population et s’il n’avait pas distribué desarmes à cette même population tel qu’il l’a fait à KIMISAGARA en avril 1994 et parce queles militaires à son service dont le sergent BARAYAGWIZA ont perpétré des tueries;

Attendu que les pièces justificatives relatives aux biens qui ont été pillés et détruits ainsi queles attestations de service et de salaire sont corroborées par le procès-verbal qui a été établi àcet effet et qui fut approuvé par les autorités du secteur KIMISAGARA et que toutes cespièces ont été intégrées dans le dossier ;

Attendu que pour toutes ces raisons elle demande au Tribunal de recevoir l’action intentée parNYINAWABAGUNGA Liberata et de lui accorder les dommages et intérêts qu’elle réclame ;

Attendu que la parole est accordée à Maître Claudine GASARABWE et que celle-ci déclarequ’elle représente les parties civiles suivantes :• MUKAMURIGO Véronique qui a perdu son frère ;• WIHOGORA Justine qui a perdu son mari et son enfant ;• MUKASHEMA Caritas qui a fait tout un récit de ce qui lui est arrivé ;

53ème feuillet.

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• UWINGABIRE Bernadette qui a perdu trois personnes dans sa famille ainsi queUWADUHAYE Immaculée qui a connu le même sort ;

• MUKAMFIZI Daphrose qui a perdu ses cinq fils,que Me Claudine GASARABWE s’engage à remettre au Tribunal des conclusions écrites à14 heures ;

Attendu que la parole est accordée à l’Auditeur militaire pour présenter son réquisitoire, qu’ildéclare que le Ministère Public a engagé des poursuites contre le sergent BARAYAGWIZAsur base des dispositions légales et notamment la Convention du 09/12/1948 ratifiée par leRwanda même si le Gouvernement de l’époque avait émis des réserves concernant l’article 9de ladite Convention qui l’invitait à instituer des peines contre les contrevenants auxdispositions de cette Convention que cependant le Gouvernement actuel a pallié cette lacuneen la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996, qu’il continue en disant que ces poursuites ontégalement été engagées sur base du Code pénal rwandais et de la jurisprudence deNuremberg ;

Attendu qu’il dit qu’il ne fait l’ombre d’aucun doute que les infractions qui ont été perpétréesdepuis octobre 1990 jusqu’en décembre 1994 sont constitutives du crime de génocide et quele sergent BARAYAGWIZA a une grande part de responsabilité dans les actes criminels quiont été commis contre les Tutsi avec l’intention de les exterminer ;

Attendu qu’il soutient que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse a planifié le génocidedans les secteurs CYAHAFI et KIMISAGARA, commune NYARUGENGE, P.V.K encollaboration avec les membres des anciennes Forces Armées Rwandaises parmi lesquels le1er sergent SEBITABI Vincent et d’autres militaires qui étaient envoyés par la hiérarchiemilitaire pour donner des entraînements militaires aux jeunes gens des secteurs précités, queces entraînements avaient lieu au centre scolaire de KIMISAGARA et sur le terrain de jeuxdu secteur KIMISAGARA, qu’on apprenait à ces jeunes le démontage des fusils, le tir et latactique militaire, que ces entraînements ont débuté en 1993 et se sont poursuivis en 1994 etqu’ils étaient réservés aux jeunes gens Hutu choisis par Rose KARUSHARA, une meurtrièrede grand renom, qui était conseiller du secteur KIMISAGARA, que KARUSHARA Rose étaittellement méchante que le sergent BARAYAGWIZA a même dit au Tribunal qu’elle étaittrès célèbre à cause de sa méchanceté ;

Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA avait appris à ces Interahamwe unetechnique sophistiquée pour commettre les tueries, que ces miliciens ont ravagé la Ville deKIGALI à la recherche des lieux où les Tutsi se cachaient, qu’il y avait une sorte de coursecontre la montre entre les Interahamwe et les militaires du F.P.R. Inkotanyi qui, en mêmetemps qu’ils se battaient, recherchaient les victimes potentielles dans leur cachette pour lessauver, que même au cours de leur fuite les Interahamwe n’ont cessé de tuer les Tutsi, qu’unefois arrivés dans la Zone Turquoise où ils étaient protégés, les Interahamwe ont continué demassacrer les Tutsi et ceux qui ne partageaient pas leurs opinions ;

Attendu qu’il dit que le moyen de défense du sergent BARAYAGWIZA selon lequel il aentraîné les gens pour assurer la sécurité dans le cadre de la ″Défense Civile″ est dénué defondement car, et cela a été prouvé, pas une seule personne n’a été sauvée par la ″DéfenseCivile″, que par contre ceux qui ont été entraînés ont mis à exécution le plan de génocide,qu’en plus les instances qui étaient chargées de la sécurité à savoir l’Armée Nationale, la

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Gendarmerie Nationale et la Police communale étaient bien connues même si elles ont aussiété utilisées dans l’extermination des Tutsi, que les autorités de l’époque ont mis sur pied lamilice Interahamwe pour peaufiner leur plan machiavélique;

54ème feuillet.

Attendu que poursuivant son réquisitoire l’Auditeur militaire dit que pour des raisonsdéveloppées plus haut le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse fait partie de ceux qui ontplanifié le génocide et qu’il doit en être puni, car il ne saurait invoquer l’ordre de sessupérieurs pour justifier les actes criminels qu’il a commis, dans la mesure où l’article 229 duCode pénal rwandais dispose qu’un militaire qui aura exécuté un ordre manifestement illégaldoit en être puni;

Attendu qu’il demande au Tribunal de condamner le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse àla peine de mort en application des dispositions de la Convention du 09/12/1948, du Codepénal rwandais et de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996, spécialement l’article 2,première catégorie et l’article 14, a ;

Attendu qu’il continue en disant qu’après avoir planifié le génocide en avril 1994, le sergentBARAYAGWIZA l’a ensuite encadré en commençant par le secteur CYAHAFI, que lesresponsables de ce secteur furent suspendus de leurs fonctions puis remplacés par unestructure dénommée ″ Comité de crise ″qui était composée par les meurtriers de grand renomqui ont supervisé et encadré le génocide, que le sergent BARAYAGWIZA a collaboré aveccette structure, qu’il était toujours en compagnie de ceux qui en étaient membres à bord duvéhicule qu’ils utilisaient pour superviser les tueries, que l’Auditeur militaire fait observerque BARAYAGWIZA n’est pas parvenu à expliquer pourquoi il leur tenait toujourscompagnie, qu’en plus, poursuit-il, BARAYAGWIZA reconnaît lui-même que certainsmembres de cette bande se sont rendus coupables d’actes criminels comme MUNYEZAMUFélicien, HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré qui était chargé de collecterdes fusils en vue d’exterminer les Tutsi à CYAHAFI ;

Attendu qu’il soutient que le sergent BARAYAGWIZA a personnellement dirigé desattaques, qu’il a personnellement tué TWAGIRAYEZU François et son fils lorsque lui-mêmeet les meurtriers à sa solde se sont introduits dans la maison des victimes précitées où ils ontd’ailleurs pillé des biens, que le sergent BARAYAGWIZA a personnellement tiré surTWAGIRAYEZU et son fils tel que rapporté par les témoins, que ces faits sont prévus par laConvention du 09/12/1948, le Code pénal rwandais en son article 312 et la Loi organiquen°08/96 du 30/08/1996, que le Ministère Public demande au Tribunal de faire application del’article 2, 1ère catégorie, a et b et l’article 14 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 et dele condamner à la peine de mort ;

Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA, KARUSHARA Rose ainsi que lesmilitaires parmi lesquels le 1er sergent SEBITABI Vincent ont formé une association demalfaiteurs quand ils ont créé la milice Interahamwe en vue d’exterminer le groupe ethniqueTutsi, qu’en collaboration avec les personnes précitées ils ont formé militairement lesInterahamwe et créé une bande de malfaiteurs auxquels ils ont appris la technique de tuer,qu’il a également créé une bande de tueurs baptisée ″ Comité de crise ″ lorsqu’il était àCYAHAFI, laquelle bande a supervisé les massacres dans ce quartier, qu’ainsi il demande auTribunal de faire application des articles 281 et 282 du Code pénal rwandais et de lecondamner à la peine d’emprisonnement de 20 ans ;

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55ème feuillet.

Attendu qu’il dit qu’outre l’association de malfaiteurs et l’initiation des tueurs à la meilleuretechnique pour massacrer les gens dont il s’est rendu coupable, le sergent BARAYAGWIZAa personnellement tué beaucoup de Tutsi uniquement à cause de leur appartenance ethnique,qu’en collaboration avec le caporal HATEGEKIMANA ils ont attaqué le domicile deNDENGEYINGOMA Edouard et tué celui-ci, ainsi que ses petits frères en l’occurrenceMUREKEZI Damien, KALISA Antoine, NIYITEGEKA Anaclet et TWAGIRIMANAVianney, que le sergent BARAYAGWIZA et les Interahamwe à sa solde ont tué beaucoupd’autres personnes parmi lesquels TWAGIRAYEZU François et son fils, qu’ainsi leMinistère Public demande qu’il soit fait application des articles 312 du Code pénal rwandais,l’article 2, 1ère catégorie, b et l’article 14, a, de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 et dele condamner à la peine de mort ;

Attendu qu’il dit qu’après avoir assassiné NDENGEYINGOMA Edouard, le sergentBARAYAGWIZA a emmené la fiancée de celui-ci nommée KAGERUKA Agnès chez lui eta vécu avec elle contre son gré, que le fait de forcer une femme dont il venait de tuer le mari àvivre avec lui constitue une torture morale, que cela a été confirmé par les témoins et parAgnès KAGERUKA elle-même, la victime de ces atrocités, qu’ainsi le Ministère Publicdemande au Tribunal de faire application de l’article 360 du Code pénal rwandais et desarticles 2, d et 14, a de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 et de le condamner à la peinecapitale pour s’être rendu coupable des actes de tortues sexuelles et de l’infraction de viol desfemmes tutsi ;

Attendu qu’il déclare que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et les meurtriers qu’ildirigeait, parmi lesquels NZARIBARA alias GITENG, ont attaqué le domicile deNYUMBAYIRE Sixte, qu’ils ont blessé celui-ci à la machette et l’ont laissé pour mort tel quecela a été confirmé par NYUMBAYIRE Sixte lui-même qui a vu cette attaque, que leMinistère Public demande au Tribunal de faire application des articles 21, 22, 24, et 312 duCode pénal rwandais et de le condamner à la peine de mort pour avoir commis l’infraction detentative d’assassinat ;

Attendu qu’il dit que le Ministère Public demande au Tribunal de prononcer la dégradationmilitaire visée à l’article 457 du Code pénal rwandais contre le sergent gendarmeBARAYAGWIZA ;

Attendu qu’il dit que les faits commis par le sergent gendarme BARAYAGWIZA Ildéphonsele rattachent à la première catégorie tel que prévu par l’article 2 de la Loi organique n°08/96du 30/08/1996, que le Ministère Public demande au Tribunal de faire application de l’article14, a de la loi précitée et de le condamner à la peine de mort qui est la peine la plus sévère dèslors que les infractions qu’il a commises sont en concours idéal tel que prévu par l’article 18de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

Attendu que la parole est accordée à Maître Ferdinand NZEPA, conseil du sergentBARAYAGWIZA, pour présenter ses conclusions, qu’il commence par remercier le Tribunalpour la manière dont les débats ont été dirigés, l’Auditorat Militaire et les parties civiles ;

56ème feuillet.

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369

Attendu qu’il revient sur la question de la compétence de la présente juridiction, qu’ildemande au Tribunal de motiver de manière détaillée les raisons pour lesquelles il s’estimecompétent pour juger BARAYAGWIZA comme un militaire qui était encore en service aumoment des faits, qu’il ressort des procès-verbaux établis par le Ministère Public queBARAYAGWIZA a été entendu comme un militaire, que pourtant il a été établi queBARAYAGWIZA travaillait au café TAM-TAM comme caissier à cette époque, qu’ilaimerait que le Ministère Public produise le Journal Officiel ou le Registre dans lequel le n°Matricule du sergent BARAYAGWIZA est mentionné;

Attendu qu’il dit que ce matin même certaines parties civiles se sont présentées à l’audienceet ont présenté leurs doléances, qu’il trouve que le Tribunal ne doit pas prendre ces demandesen considération parce que tardives ;

Attendu que Me NZEPA part de l’assassinat de NDENGEYINGOMA Edouard et de ses 4quatre enfants pour affirmer que tout le monde a constaté que son client est chargé par Agnès,Idrissa et SEDARI, qu’il continue en disant que dans la mesure où les procès-verbaux fontfoi, il voudrait relever certaines choses sur SEDARI, qu’il fait remarquer que celui-ci n’a pasdit qu’il a vu le sergent BARAYAGWIZA tuer, mais qu’il a plutôt déclaré l’avoir vu dans unebande de meurtriers, que SEDARI a également dit que ces tueries lui ont été rapportées par lepère de KAGERUKA Agnès, qu’ainsi il estime que ce témoignage ne doit pas faire foi;

Attendu que concernant le témoignage de BAYIHORERE Idrissa qui a déclaré avoir vu, àpartir de sa cachette, le sergent BARAYAGWIZA tuer Edouard et ses six petits frères, que leconseil du prévenu relève que tout le monde a dit qu'Edouard n’avait que quatre petits frères,qu'il trouve que le témoin a prétendu qu’Edouard avait six petits frères pour enfoncer sonclient surtout qu’il avoue qu’une partie de son témoignage lui a été rapportée, qu’ainsi ilestime que ce témoignage ne doit pas non plus faire foi ;

Attendu qu’il dit que le témoignage de KAGERUKA Agnès est très confus, que par exempledans le procès-verbal établi lors de son audition, Agnès KAGERUKA soutient qu’elle devaitse marier le 02/04/1994, et qu’elle le lui a confirmé de vive voix;

Attendu qu’elle a prétendu qu’elle était séquestrée alors que le témoin CARITAS a dit qu’ellesortait souvent de la maison et qu’elle conduisait les chèvres au pâturage, qu’il trouve trèsétonnant que la personne dont on a tué le fiancé et 4 beaux-frères ait vécu avec le meurtrier deces derniers et qu’elle soit restée à ses côtés alors qu’elle avait la latitude de lui échapper ;

Attendu qu’il dit qu’il est également étonnant qu’elle ait déclaré avoir croisé le sergentBARAYAGWIZA près de la brigade de la gendarmerie, juste à côté d’une boutique, etqu’elle ne l’ait pas fait arrêter alors qu’elle savait qu’il avait tué ses proches;

Attendu qu’il poursuit en disant que les interrogatoires de KAGERUKA Agnès par le parquetdémontrent qu’elle ne dit pas la vérité car lors de son audition devant le Tribunal elle a dit quela sœur de BARAYAGWIZA nommée Epiphanie venait de temps en temps à leur domicile, etcela alors que dans son procès-verbal établi par le parquet elle a dit que EPIPHANIE résidaitchez eux, qu’en plus elle a déclaré devant le parquet qu’elle a fait la connaissance du sergentBARAYAGWIZA en 1993 alors qu’à l’audience elle a dit qu’elle ne l’a connu qu’en 1994 ;

57ème feuillet.

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Attendu que Me NZEPA continue en disant que la nommée Donatille a dit au Tribunal que lesergent BARAYAGWIZA et Agnès KAGERUKA ont fui mais qu’elle ne saurait dire s’ils ontpris la fuite ensemble, que néanmoins Agnès soutient qu’elle s’est soustraite à la surveillancede BARAYAGWIZA pendant leur fuite, qu’elle s’est cachée par la suite dans des buissons oùelle est restée pendant trois semaines en menant une vie sauvage;

Attendu qu’il dit que telles sont les preuves sur lesquelles les témoins à charge fondent leursaccusations, que cependant il s’agit de déclarations dénuées de fondement et sur lesquelles leTribunal ne saurait baser sa décision ;

Attendu qu’il poursuit en disant que NYOMBAYIRE Sixte charge le sergentBARAYAGWIZA de l’assassinat de Narcisse, que même s’il n’a pas pu l’entendre témoignerdevant le Tribunal, il trouve qu’au regard du dossier, ce témoin n’a pas précisé l’auteur de cemeurtre ni le lieu où celui-ci a été perpétré, que pour cette raison il estime que nul ne peut sebaser sur le procès-verbal de NYOMBAYIRE pour établir la culpabilité du sergentBARAYAGWIZA ;

Attendu que concernant François TWAGIRAYEZU et son fils, Me NZEPA dit que dans sonprocès-verbal NYOMBAYIRE Sixte a accusé BARAYAGWIZA d’avoir tué des gens sansfournir aucune explication, qu’il continue en disant qu’il a par la suite déclaré que c’estBARAYAGWIZA et sa bande qui les ont tués, que sur base de cette déclaration le MinistèrePublic a poursuivi le sergent BARAYAGWIZA du chef de cette prévention, mais qu’ayantconstaté que cette accusation était sans fondement, le Ministère Public a interrogéMUKAMAZIMPAKA Marianne et NDUSHABANDI Augustin, que pourtant après lecturedu procès-verbal de Marianne on se rend compte qu’elle ne dit nulle part qu’elle a été témoindes faits mis à charge de son client, que par contre elle dit que cela lui a été rapporté parKAZUNGU et MUZEHE, qu’ainsi ce témoignage ne doit pas être pris en considération dèslors que NYUMBAYIRE prétend avoir tout vu à partir de sa cachette et que ce témoignage aété fait tardivement, qu’en outre il est étonnant que tous ces témoins qui ont vu ces faits secommettre en avril 1994 et qui n’ont jamais été malades depuis lors aient choisi de lesdénoncer aujourd’hui seulement ;

Attendu qu’il compare le témoignage de NDUSHABANDI Augustin à celui de SEDARI quia déclaré n’avoir jamais vu le sergent BARAYAGWIZA porter l’uniforme militaire alors queNDUSHABANDI soutient pour sa part que le jour où les faits à charge de BARAYAGWIZAfurent perpétrés celui-ci était en tenue militaire ;

Attendu qu’il explique que ses propos n’ont pas pour objectif d’innocenter le sergentBARAYAGWIZA, mais qu’il estime que le Ministère Public doit apporter les preuvesconsistantes, qu’il ne s’oppose pas à ce que les témoins précités soient entendus, le but viséétant de rendre les preuves plus compréhensibles, que s’agissant de ces témoignages il s’enremet à la sagesse du Tribunal ;

Attendu qu’en ce qui concerne le rattachement de son client à la 1ère catégorie pour avoirperpétré le crime de génocide, l’avocat de BARAYAGWIZA trouve que cette catégorisationde son client est très sévère et qu’au regard de la loi elle n'est pas appropriée en ce sens que,a-t-il poursuivi, l’Auditeur militaire a parlé des réunions qui se tenaient et des manifestationsqui étaient organisées sans pour autant accuser son client d’y avoir pris part ;

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Attendu qu’il dit que même s’il ne conteste pas la qualité de militaire du sergentBARAYAGWIZA au moment des faits, qu’il est évident que ce dernier n’avait aucun pouvoirpar rapport au colonel RENZAHO et au conseiller KARUSHARA Rose ;

Attendu qu’il dit que son client n’avait aucun pouvoir de superviser ce qui se passait et desauver des vies humaines, qu’au regard de l’article 2, I a, b, c, d de la Loi organique n°08/96il ne doit être rangé dans aucune catégorie ;

58ème feuillet.

Attendu que contrairement à certaines affirmations Me NZEPA soutient qu’aucune bande demalfaiteurs n’a été constituée ni formée militairement, que réagissant à ce proposBARAYAGWIZA dit qu’on lui a demandé de former des jeunes gens chargés d’assurer lasécurité du secteur et déclare qu’il n’a jamais nié avoir donné cette formation à ces jeunes,que le seul problème qui se pose consiste à savoir si des gens auxquels il a donné cesentraînements étaient des Interahamwe ou pas, ou s’il pouvait refuser d’obtempérer auxordres de ses supérieurs, qu’il faudrait arriver à déterminer si ces jeunes gens ont commis desinfractions ou s’il n’avait pas les moyens de les en empêcher, que jusqu’à présent il n’a pasété prouvé que ces derniers étaient des Interahamwe et qu’en plus personne n’a déclaré avoirété témoin des actes qu’ils auraient commis ;

Attendu qu’il dit que concernant l’infraction de tortures sexuelles il existe deux versionsdivergentes, que d’après Agnès KAGERUKA, le sergent BARAYAGWIZA l’a emmenéecomme un butin de guerre lorsque les tueurs étaient venus à son domicile pour enlever sonmari et ceux qui s’y trouvaient, que pour sa part le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’ill’a emmenée en vue de pouvoir lui assurer la sécurité et qu’il n’a jamais eu de relationssexuelles avec elle, que d’après Me NZEPA cela place le Tribunal dans une situation trèsdélicate dans la mesure où il y a également MUKAMFIZI qui déclare avoir entendu direqu’Agnès a été emmenée par HATEGEKA ;

Attendu qu’il dit que selon BARAYAGWIZA Ildéphonse, Agnès leur a envoyé le nommé″Jeune″ pour leur dire d’aller la secourir, que de son côté Agnès dit qu’elle ne pouvait passortir de la maison lorsqu’elle était chez le sergent BARAYAGWIZA, que la nomméeCARITAS a déclaré qu’elle se comportait comme la femme du sergent BARAYAGWIZA etvaquait aux travaux ménagers quotidiennement, qu’ainsi Me NZEPA dit qu’on ne peut pasaccepter la thèse selon laquelle elle était séquestrée dès lors que les témoins affirment qu’ellesortait de la maison et qu’elle n’a pas sollicité le concours de CARITAS pour lui trouver lesgens susceptibles de la sortir de là, d’où, conclut-il, BARAYAGWIZA n’est pas coupable del’infraction de tortures sexuelles car Agnès qui l’en accuse ne dit pas la vérité ;

Attendu qu’il dit que concernant l’infraction de tentative d’assassinat sur la personne de Sixte,il existe également plusieurs versions parce que BARAYAGWIZA ne se trouvait pas àKIMISAGARA le 08/04/1994, mais qu’il se trouvait bien chez sa sœur à CYAHAFI à la dateprécitée, qu’il est venu à KIMISAGARA à partir du 11/04/1994 et qu’il ne pouvait donc pasêtre à ces deux endroits au même moment ;

Attendu que Me NZEPA soutient qu’il n’est mentionné nulle part dans le dossier queBARAYAGWIZA a massacré la famille de Sixte, surtout que Idrissa affirme que cette famillea été massacrée à GAKINJIRO et que le Centre Hospitalier de Kigali où on dit que

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BARAYAGWIZA a suivi Sixte ne se trouve pas à GAKINJIRO ;

Attendu qu’il demande que le témoignage de CARITAS soit écarté parce que tardif, que ladéclaration de cette dernière selon laquelle elle a été violée par les gens qui étaient envoyéspar BARAYAGWIZA ne doit pas être prise en considération car elle n’avait jamais portéplainte auparavant, que même si elle dit avoir été malade pendant toute une année, ellepouvait toujours dénoncer ces faits après s’être rétablie, car il y a plein d’organisations d’aidequi pouvaient lui prêter leur concours en cette matière;

Attendu qu’il fait remarquer qu’il y a un fait qui est resté inaperçu à savoir le pillage par lesenfants de Donatille des biens qui se trouvaient dans la maison de BARAYAGWIZA et queBARAYAGWIZA a soutenu qu’Agnès a vu ceux qui ont pillé ces biens;

59ème feuillet.

Attendu qu’il dit que le Tribunal ne peut pas établir la culpabilité de BARAYAGWIZA surbase des preuves qui ont été produites jusqu’à présent, qu’il continue en disant queBARAYAGWIZA n’était sympathisant d’aucun parti politique, ni un militaire de gradesupérieur et qu’il était plutôt un simple agent, qu’au cas où le Tribunal aurait des preuves queBARAYAGWIZA aurait commis ces faits, il constaterait qu’il les aurait commis comme unsimple agent, qu’il dit que personne ne doute que ces faits ont été commis par des groupes demalfaiteurs, mais insiste sur le fait qu’il y a un doute quant à l’implication deBARAYAGWIZA dans la perpétration de ces actes et que par voie de conséquence, ce doutedoit profiter au prévenu dès lors que nous sommes en matière répressive;

Attendu qu’invité à émettre son avis sur le présent procès, le sergent BARAYAGWIZAIldéphonse dit que son conseil a soulevé la plupart des points sur lesquels il devait insister,qu’il voudrait simplement ajouter que l’Auditeur militaire a dit qu’il a attaqué le domicile deSixte le 18/04/1994, que pourtant ce dernier a soutenu au cours de son interrogatoire devant leparquet que cette attaque a eu lieu le 08/04/1994, qu’il trouve donc que ces déclarations sonttrès divergentes ;

Attendu qu’il dit que concernant François TWAGIRAYEZU, il y a un témoin qui soutient quece dernier résidait à GAKINJIRO tandis qu’un autre affirme qu’ils étaient des voisins, qu’àson avis les déclarations faites par Agnès sont mensongères parce que le jour où il l’a trouvéedans une boutique, elle ne l’a pas dénoncé aux militaires qui étaient non loin de là et qu’ellen’a pas non plus porté plainte à la Brigade, qu’elle a plutôt décidé de le dénoncerultérieurement à cause de ses biens qu’elle a détournés, et que pour arriver à ses fins Agnèsl’a accusé de menaces, qu’à la suite de cette accusation BARAYAGWIZA a été arrêté, etensuite remis en liberté par un agent des services de renseignements nommé RUKUNDOaprès que celui-ci eût constaté qu’il était innocent ;

Attendu que BARAYAGWIZA dit que dans son procès-verbal, il a réfuté l’accusation selonlaquelle il a blessé Sixte à la machette parce que, soutient-il, il ne se trouvait pas chez lui à cemoment-là, qu’il ne comprend pas comment Sixte a été au courant de la situation qui aprévalu après qu’il fut blessé, ni la façon dont il a été évacué par le conseiller avec leconcours des militaires qui montaient la garde au bureau de secteur, encore moins comment ila eu le temps de revenir à cet endroit pour envoyer son épouse solliciter le concours duconseiller, qu’ensuite il fait observer que Sixte a déclaré l’avoir vu dispenser desentraînements militaires aux gens pour pouvoir établir sa participation au génocide ;

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Attendu que s’agissant du contrat d’achat de sa parcelle, il dit qu’il y a un certainZIMULINDA alias ″bandit″ résidant près du bâtiment ″ KABUGA ″ qui pourrait dire la dateà laquelle ce contrat a été signé ;

Attendu qu’il dit qu’il n’était membre d’aucun parti politique et qu’il n’a participé à aucunmeeting politique ;

Attendu qu’il dit que concernant les accusations de Idrissa, son oncle maternel HARUNA etDonatille Caritas en ont parlé, qu’il poursuit en disant que certaines personnes lui ont dit quesa maison aurait été vendue et que cela pourrait avoir servi de prétexte à ses accusateurs pourle charger ;

Attendu qu’il dit avoir déclaré que KALISA a été tué par les militaires du camp HUYE, ques’agissant des accusations portées contre lui par Idrissa, il se demande comment ce dernier apu observer les faits dont il le charge à partir de sa cachette, qu’il trouve très étonnant queceux qui le chargent aujourd’hui ne l’ont pas dénoncé dès son retour dans le quartier;

Attendu qu’il procède à la lecture de la lettre qui lui a été adressée par son collègue ex-gendarme qui, à cette époque, a rallié la jeunesse de la branche modérée (Amajyojyi) duM.D.R. dont TWAGIRAMUNGU était le chef, qu’il dit que ce gendarme possédait uneboutique sur la route et participait activement aux activités des partis politiques, qu’il penseque les gens le confondent avec ce gendarme, que pour ce faire il estime qu’il appartient auTribunal d’apprécier souverainement les allégations de ceux qui l’accusent;

60ème feuillet.

Attendu qu’il estime que les déclarations faites par SEDARI au cours de son auditionsemblent lui avoir été extorquées parce que SEDARI lui-même déclare ignorer le procèsverbal qui a été établi à cette occasion, que tantôt SEDARI dit que les déclarations qu’il afaites lui ont été rapportées par Félicien qui construisait la maison de BARAYAGWIZA ettantôt qu'il voyait BARAYAGWIZA à partir de sa maison où il se cachait ;

Attendu que concernant le témoignage de MUKAZITONI Donatille il dit que celle-ci adéclaré qu’elle n’a vu BARAYAGWIZA tuer personne et qu’elle n’a entendu personned’autre accuser ce dernier d’avoir commis un meurtre, que s’agissant des entraînementsmilitaires il trouve qu’il aurait mieux valu qu’elle précise la période pendant laquelle il adonné ces entraînements, qu’il reconnaît néanmoins avoir détenu un fusil en juin 1994, qu’ilrelève que, concernant le fait qu’il a résidé à KIMISAGARA, MUKAZITONI ne dit pas lavérité lorsqu’elle dit qu’il a acheté la parcelle en 1992 et s’y est installé en 1993 et qu’il y avécu avec sa sœur qui vendait des habits, qu’à ce sujet il relève que sa sœur qui était un agentde l’Etat ne pouvait pas vendre des habits et résider en même temps à CYAHAFI;

Attendu qu’il dit que MUKAZITONI sait de quoi elle parle car elle dit l’avoir vu en tenuemilitaire et en possession d’un fusil, que pourtant invitée à dire s’il était un militaire encore enservice, elle a répondu qu’elle croyait qu’il était un sergent gendarme ;Attendu qu’il dit qu’il ne s’est pas exilé et qu’il n’est pas revenu sous la contrainte del’A.P.R., qu’après son retour, le Département des Renseignements Militaires a tenu à toutcontrôler en ce qui le concerne, qu’en outre il déclare avoir avoué quelques-unes desinfractions qui lui sont reprochées et présenté ses excuses par écrit, qu’il demande au Tribunald’examiner les preuves qu’il a produites en toute clairvoyance et de le rétablir dans ses

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droits ;

Attendu que l’avocat de la défense est prié de déposer ses conclusions écrites endéans troisjours ;

QU’APRES DELIBERE LE TRIBUNAL REND LE JUGEMENT DANS LES TERMESCI-APRES :

Constate que l’action du Ministère Public est recevable et qu’elle est régulière en la forme ;

Constate que, comme on a pu le remarquer dès le début de l’audience, le sergentBARAYAGWIZA et son conseil ont essayé de démontrer que la Chambre Spécialisée duConseil de Guerre n’est pas compétente parce que, soutiennent-ils, BARAYAGWIZA n’étaitplus en service militaire au moment des faits et qu’il ne fut jamais réintégré dans la nouvellearmée nationale, ce sur quoi le conseil de BARAYAGWIZA est revenu dans ses conclusions ;

Constate que, conformément à sa décision prise au début du procès, ce Tribunal est compétentpour juger cette affaire parce que le sergent gendarme BARAYAGWIZA était un militaire del’A.P.R. lors de son arrestation, car il avait terminé la formation militaire et avait été réintégrédans l’armée tel que prévu par l’article 8 de la Déclaration du F.P.R. relative à la mise enplace des institutions le 17 juillet 1994 ;

61ème feuillet.

Constate également que la compétence de la juridiction est déterminée par la fonction duprévenu au moment de l’ouverture de l’instruction tel qu’il ressort du commentaire de la Loiorganique du 30 août 1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives ducrime de génocide ou de crimes contre l’humanité, page 79;

Constate que, à l’image de ce qui s’est passé partout au Rwanda, des massacres ont étécommis contre la population Tutsi des secteurs CYAHAFI et KIMISAGARA de la Préfecturede la Ville de Kigali tel que de nombreux témoignages faits devant le Tribunal l’ontdémontré ;

Constate que pendant la préparation et l’exécution du génocide, des entraînements militairesont été donnés à la jeunesse ; laquelle a par la suite pris une part active dans les tueriesperpétrées à KIMISAGARA et à CYAHAFI tel que confirmé par les divers témoignages faitsà l’audience ;

Constate que le témoignage de NYUMBAYIRE Sixte qui était le voisin du sergentBARAYAGWIZA Ildéphonse prouve que le sergent BARAYAGWIZA a donné desentraînements aux partisans de la C.D.R. au centre scolaire de KIMISAGARA et que ce sontces derniers qui ont massacré des gens dans ce quartier, que le témoignage de MUKAZITONIDonatille consigné dans son 2ème procès-verbal démontre également que BARAYAGWIZA aparticipé à ces entraînements, qu’il en va de même du témoignage de MUKASHEMA Caritasqui prouve qu’il a entraîné militairement des Interahamwe qui ont massacré des gens dans lesquartiers de KIMISAGARA et CYAHAFI, ce que le prévenu ne nie pas, que dans ses moyensde défense le prévenu dit avoir formé les gens pour leur permettre d’assurer leur propresécurité dans le cadre de la ″Défense Civile″, que pourtant ce moyen est dénué de fondement

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dès lors que, tel qu’explicité plus haut, les gens qu’il a entraînés étaient destinés à commettredes tueries ;Constate que d’après le témoignage fait par NYUMBAYIRE Sixte, c’est l’attaque à laquelleprenait part le sergent BARAYAGWIZA qui a coûté la vie à TWAGIRAYEZU François quitravaillait au ″ MANUMETAL″ et à son fils aîné en date du 07/04/1994 à 16 heures, que celaa également été dit par MUKAMAZIMPAKA Marianne et NDUSHABANDI Augustin dansleurs témoignages et que tous ces témoins ont suivi ces faits de près ;

Constate que les assaillants parmi lesquels le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse, ontattaqué la famille NYUMBAYIRE Sixte en date du 08/04/1994 à 5 heures du matin, qu’ilsl’ont sérieusement blessé à la machette avant de le laisser pour mort, qu’il a cependantsurvécu à ses blessures par la suite tel que NYUMBAYIRE l’a lui-même expliqué auTribunal ;

Constate que les circonstances dans lesquelles Agnès est allée chez BARAYAGWIZA sonttrès confuses dès lors que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’Agnès a, à maintes reprises et àtravers des messagers qu’elle lui envoyait, sollicité son concours pour l’aider à quitter ledomicile de HATEGEKA, que c’est ce dernier qui , après avoir tué le mari d’Agnès, a forcécette dernière à vivre avec lui, qu’en réponse à cette déclaration, Agnès dit que c’est plutôtBARAYAGWIZA qui lui a imposé une cohabitation forcée après avoir tué son mariEdouard ;

62ème feuillet.

Constate que MUKAMFIZI Thérèse citée par le sergent BARAYAGWIZA à sa déchargedéclare avoir entendu que celui qui a tué le mari d’Agnès a par la suite forcé celle-ci à vivreavec lui, que cependant un autre homme est venu s’emparer d’Agnès par après et a aussi vécuavec Agnès contre son gré;

Constate qu’Agnès dit qu’elle s’est échappée de chez BARAYAGWIZA trois semaines avantque la population fuie en masse, et qu’elle s’est cachée dans des buissons où elle a mené unevie sauvage, que de leur côté les voisins du sergent BARAYAGWIZA, parmi lesquelsMUKAMAZIMPAKA Marianne et MUKASHEMA Caritas, soutiennent qu’Agnès setrouvait Chez le sergent BARAYAGWIZA jusqu’au moment de la fuite massive de lapopulation, cette déclaration étant corroborée par le fait que le sergent BARAYAGWIZAreconnaît être arrivé à MUSASA en compagnie d’Agnès, que donc toutes ces déclarationscréent un sérieux doute dans l’esprit du Tribunal quant à la véracité de la déclaration faite parAgnès ;

Constate également que le fait que le sergent BARAYAGWIZA soit parti voir Agnès dans saboutique à elle à GIKONDO et que, l’ayant vu, elle ne l’a pas dénoncé auprès des instanceshabilitées renforce le doute du Tribunal quant à la responsabilité du sergentBARAYAGWIZA dans l’assassinat de NDENGEYINGOMA Edouard, ex-mari d’AgnèsKAGERUKA, et dans le viol dont elle a été l’objet ;

Constate que les motifs développés dans le 4ème Constate font douter le Tribunal quant auvéritable meurtrier de NDENGEYINGOMA Edouard et quant à l’infraction de viol dontAgnès KAGERUKA a été victime, qu’ainsi le doute du Tribunal doit profiter au prévenu ;

Constate que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse s’est rendu coupable de l’infraction

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d’association de malfaiteurs lorsqu’il a entraîné militairement les Interahamwe et quand il apris part aux attaques menées chez TWAGIRAYEZU François et chez NYUMBAYIRESixte, infraction prévue et réprimée par les articles 281 et 282 du Code pénal rwandais;Constate que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse a commis l’infraction d’assassinat surla personne de TWAGIRAYEZU François et de son fils, infraction prévue et réprimée parl’article 312 du Code pénal rwandais ;

Constate que le sergent BARAYAGWIZA s’est rendu coupable de l’infraction de tentatived’assassinat lorsque lui et sa bande ont attaqué le domicile de NYUMBAYIRE Sixte et ontadministré plusieurs coups de machette à Sixte de sorte qu’ils l’ont laissé pour mort,infraction prévue et réprimée par les articles 21, 22, 24 et 312 du Code pénal rwandais ;

Constate que suite au doute qui s’est installé dans l’esprit du Tribunal, l’assassinat deNDENGEYINGOMA Edouard n’est pas établi à charge du sergent gendarmeBARAYAGWIZA Ildéphonse ;

Constate que conformément au prescrit de l’article 20 du Code de procédure pénale l’infraction de tortures sexuelles et celle de viol des femmes Tutsi ne sont pas établies àcharge du sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse dès lors que le Tribunal n’est pas convaincuque ce dernier a réellement violé Agnès KAGERUKA ;

63ème feuillet.

Constate que l’infraction de pillage reconnu par le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse lui-même est établie à sa charge;

Constate que le sergent BARAYAGWIZA a commis des infractions constitutives du crime degénocide prévues par la Convention du 09/12/19948 et par la Loi organique n°08/96 du30/08/1996 dès lors qu’il avait l’intention d'exterminer les Tutsi;

Constate que les faits reprochés au sergent BARAYAGWIZA le rattachent à la 2ème catégorieparce qu’ils le rangent parmi les meurtriers qui ne relèvent pas de la 1ère catégorie, et celaconformément à l’article 2 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

Constate que l’action en dommages et intérêts est recevable parce que régulière en la forme;

Constate que, étant classé dans la 2ème catégorie, le sergent BARAYAGWIZA n’estresponsable que pour les dommages qu’il a personnellement causés à ses victimes et à leursbiens tel que prévu par l’article 30 alinéa 2 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

Constate que l’Etat rwandais ne doit pas être condamné solidairement avec le sergentBARAYAGWIZA à payer les dommages et intérêts parce que ce dernier n’exerçait aucunefonction étatique au moment des faits ;

Constate que des dommages moraux doivent être allouées à la famille TWAGIRAYEZUFrançois représentée par Maître KANZAYIRE Bernadette compte tenu de ses liens deparenté avec TWAGIRAYEZU François et TWAGIRAYEZU Félix, que des dommagesmatériels doivent être accordés à cette famille en fonction des 13 ans qui restaient àTWAGIRAYEZU François pour atteindre l’âge de la retraite fixé à 55 ans, que les dommagesmatériels doivent également être alloués à NYUMBAYIRE Sixte tel que Maître

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GASARABWE Claudine, son conseil, les a détaillés dans les conclusions qu’elle a remises auTribunal ;

Constate que les dommages moraux réclamés par la famille de feu TWAGIRAYEZUFrançois et de feu TWAGIRAYEZU Félix sont très excessifs et que le Tribunal doit lesévaluer ex aequo et bono ;

64ème feuillet.

PAR TOUS CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT ETCONTRADICTOIREMENT QUANT AU SERGENT BARAYAGWIZA ET AUMINISTERE PUBLIC ET PAR DEFAUT QUANT A L’ETAT RWANDAIS ;

Vu la Loi fondamentale telle que modifiée le 18 janvier 1996 spécialement en son article 3 ;

Vu la Constitution de la République Rwandaise du 10 juin 1991 spécialement en son article14 ;

Vu le Protocole de l’Accord de Paix d’Arusha signé entre le Gouvernement de la RépubliqueRwandaise et le Front Patriotique Rwandais le 04 août 1993 en ses articles 25 et 26 alinéa 2du Chapitre V relatif au pouvoir judiciaire et en son article 50 et 49 tel que modifié à ce jour ;

Vu la Convention du 09 décembre 1948 sur la prévention et la répression du crime degénocide ;

Vu la Loi n°08/95 du 06 décembre 1995 modifiant le Décret-loi n°09/80 du 07 juillet 1980portant organisation et compétence judiciaires et instituant l’auditorat militaire spécialementen ses articles 1, 4, 11, 13, 25 et 26 ;

Vu la Loi n°09/80 du 07 juillet 1980 portant Code d’organisation et de compétence judiciairesspécialement en ses articles 58 alinéa 2 et 76 alinéa 1 ;

Vu la Loi du 23 février 1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée par leDécret-loi n°07/82 du 07 janvier 1982 et par la Loi n°09/96 du 08 septembre 1996spécialement en ses articles 16, 17 al.1, 19, 20, 58, 61, 62, 67, 71, 75,7 6, 78, 80, 84, 90 et138 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractionsconstitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 spécialement en ses articles 2 et 14 ;

Vu le Code pénal rwandais spécialement en ses articles 21, 22, 24, 281, 282, 312, 360, 361 et457 ;

65ème feuillet.

Déclare que la prévention d’association de malfaiteurs est établie dans le chef du sergentBARAYAGWIZA et qu’il doit en être puni ;

Déclare que la prévention d’assassinat est établie à charge du sergent

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BARAYAGWIZA Ildéphonse;

Déclare que le crime de génocide est établi dans le chef du sergent BARAYAGWIZA et qu’ildoit en être puni ;

Déclare que les préventions de tortures sexuelles et de viol des femmes Tutsi ne sont pasétablies à charge du sergent BARAYAGWIZA ;

Déclare que les préventions établies à charge de BARAYAGWIZA le rangent dans la 2ème

catégorie ;

Déclare que le sergent BARAYAGWIZA perd la cause ;

Le condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité et à la dégradation militaire ;

DECIDE D’ALLOUER LES DOMMAGES ET INTERETS DE LA MANIERESUIVANTE :

LA PARTIE CIVILE : NYINAWABAGINGA LiberataLES NOMS DES VICTIMES : TWAGIRAYEZU François

TWAGIRAYEZU Félix

I. LES DOMMAGES MORAUX :

1. Pour NYINAWABAGUNGA Liberata :

TWAGIRAYEZU François ( son mari ) : 7.000.000 Frw TWAGIRAYEZU Félix ( son fils ) : 4.000.000 Frw Le Total : 11.000.000 Frw

1. Pour les enfants à savoir MWISENEZA Placide, UMWALI Angélique, UMURERWA etDUSENGE, les dommages moraux sont accordés à chacun d’eux comme suit :Pour la perte de TWAGIRAYEZU François (leur père) : 5.000.000 Frw x 4 = 20.000.000Frw

Pour la perte de TWAGIRAYEZU Félix ( leur frère ) : 3.000.000 Frw x 4 = 12.000.000Frw

Le Total : 32.000.000Frw

Le Total de tous les dommages moraux alloués: 32.000.000 Frw + 11.000.000 Frw =43.000.000 Frw

66ème feuillet.

II. a) LES DOMMAGES MATERIELS : 54702 Frw x 12 x13 = 8.533.512 Frw

b) Les dommages matériels pour les biens détruits et pillés : 20.950.000 Frw Le total des dommages et intérêts alloués à NYINAWABAGUNGA Liberata : 43.000.000 Frw + 8.533.512 Frw + 20.950.000 Frw = 72.483.512 Frw

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LA PARTIE CIVILE : NYOMBAYIRE Sixte

Les dommages matériels : 30.220 Frw x12 x 8 = 2.901.120 FrwLes dommages matériels pour les biens détruits et pillés = 3.674.000 FrwLe total de tous les dommages matériels alloués à NYOMBAYIRE Sixte : 3.674.000Frw + 2.901.120 Frw =6.575.120 Frw

Ordonne au sergent BARAYAGWIZA de payer les dommages et intérêts d’un montantde 79.058.632 Frw ;

Déclare le sergent BARAYAGWIZA redevable d’un montant de 48.100 Frwreprésentant le droit proportionnel de 4% ;

Lui ordonne de payer ce droit proportionnel de 48.100 Frw dans les délais légaux souspeine de s’exposer, en cas de défaillance, à une contrainte par corps de 20 jours suivied’une exécution forcée sur ses biens ;

Rappelle que le délai d’appel est de 15 jours ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 26/11/1998, ENPRESENCE DU PREVENU, DU MINISTERE PUBLIC ET DES PARTIES CIVILES.

LE SIEGE

PRESIDENT

Jeannot RUHUNGA LT (Sé)

JUGE JUGE

Emmanuel NTAMBARA Charles MADUDU2LT 2LT(Sé) (Sé)

GREFFIER

Pte MUHIRE J. Claude(Sé)

381

ANNEXES

382

383

TABLE ALPHABETIQUE DES DECISIONS(les chiffres renvoient aux numéros des décisions).

B. :

BARAYAGWIZA Ildéphonse, N°17

BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie, N°5 et N°16.

BIZIMANA Antoine, N° 4.

BIZURU André et Consorts, N°7.

BUGIRIMFURA Emmanuel et Consorts, N°6.

BUREGEYA Edison et UWINTONZE Bernard, N° 8.

G. :

GASANA Appolinaire, N°12.

K. :

KANYIJUKA Célestin, N°14.

KANYABUGANDE ET Consorts, N°2.

M. :

MUKAKAYIJUKA Hadidja, N°9.

MUKANSANGWA Pascasie, N°10.

MUNYANGABE Théodore, N°13.

N. :

NEMEYIMANA Israël, N°15.

NTAHONDI Ildéphonse, N°11

NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts, N°1

R. :

RWAMULINDA Antoine et Consorts, N°3

384

385

INDEX ANALYTIQUE.(Les chiffres renvoient aux numéros des décisions).

AAbsence de condamnation: 16;Acquittement: 1; 2; 3; 7; 8; 10; 12; 13; 15; 16; 17;Actes de torture sexuelles: 17;Action civile: 3; 5; 7; 17;

disjonction de : 2; 14; fondement de : 1; lien de causalité : 1; 4; 6;

Appel: 13; 14; 15; 16;Arrestation illégale: 3;Assassinat: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 10; 11; 12; 13; 14; 15; 16; 17;Association de malfaiteurs: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 12; 13; 14; 15; 17;Attentat ou complot (ayant pour but de porter dévastation): 2; 5; 7; 10; 12; 13; 16; 17;Aveux:

partiels: 3; 6; 7; 17; complets et sincères: 1; 2; 3; 6; 7; 12; tardifs: rétractation d' : 2; validité/ recevabilité: 1; 2;

CCatégories (Loi Organique 30/08/96):

1ère catégorie: (instigateurs, position d'autorité, grands meurtriers, actes de torture sexuelle) 2; 3; 5; 6;

2ème catégorie: (auteurs, coauteurs, ou complices d'homicides volontaires ou d'atteintes graves contre lespersonnes ayant entraîné la mort). 1; 2; 3; 5; 7; 11; 12; 14; 17;

3ème catégorie: (personne ayant commis des actes criminels ou de participation criminelle la rendant coupabled'autres atteintes graves à la personne). 4; 9;

4ème catégorie:(personnes ayant commis des infractions conte les propriétés).

8;

Circonstances atténuantes: 2; 7;Compétence du tribunal: 17;Complicité: 5; 14; 15; 16;Concours d'infractions:

− concours idéal: 5; 6; 7; 11; 12;− concours réel: 2 ;

Condamnation in solidium: 1;

386

(prévenu et Etat).

Conflit d'intérêt dans la défense: 2; Connexité: 2; Contrainte: 2; Crimes contre l'humanité: 1; 3; 4; 7; 9; 10; 12; 13; 14; Crime de génocide: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 10; 11; 12; 13; 14; 15; 16; 17; Crimes de guerre:

D Dégradation (infraction contre la propriété): 1; 2; Dégradation civique: 1; 2; 3; 4; 6; 7; 12; 14; Dégradation militaire: 17; Déontologie des avocats : 2; Descente du tribunal sur le terrain: 1; 4; 9; 10; 11; 16; Destruction (infraction contre la propriété): 2; 3; 4; 5; 16; Détention illégale (armes): 2; Dévastation: 1; Diminution de peine: 3; 6; 7; 11; Dommages et intérêts:

− matériels: 1; 6; 7− moraux: 1; 3; 5; 6; 7

Double incrimination: Doute:

− bénéfice de : 8; 12; 13; 17;− sur la culpabilité: 12; 13;

Droits de la défense: 1; 2; 8; 9; 13; 14; 17;

E Egalité des armes: 12; Egalité devant la loi: Elément intentionnel: 11; 12; 17; Elément matériel: Emprisonnement:

− à temps: 2; 3; 6; 7; 9; 11; 12;− à perpétuité: 1; 2; 3; 6; 7; 12; 14; 17;

Enlèvement et séquestration: 12;Enquête: 2; 5; 16;Exception d'incompétence:Excuses: 6;

FFonds d'indemnisation des victimes:

GGrâce:Grands meurtriers: 1; 5;Grands responsables:

H

387

Huis clos: 4;

IIncitation au soulèvement des citoyens les uns contre les autres: 13;

JJonction de dossiers: 2;Juridictions militaires: 17;

LLibération

conditionnelle: immédiate: 1; 3; 7; 8; 10; 12; 16;

MMassacres:Menaces d'attentat contre les personnes: 9;Meurtres: 2; 12;Minorité (excuse de): 11;Mise à disposition du gouvernement:Motivation (jugement): 13;

NNon assistance à personne en danger: 2; 4; 6; 13;

OObéissance aux ordres d'un supérieur:Opposition: 15;

PPeine de mort: 2; 3; 5;Port illégal d'armes: 9;Preuve:

− absence de: 1; 2; 7; 8; 9; 12; 15; 16;− administration de la : 4; 5; 6; 12; 13;− admissibilité de la :− charge de la : 3;− force probante des : 1; 2; 4; 7; 9; 13; 15;− insuffisance de : 8; 9; 13;− production de pièces:

Procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité: 1; 2; 3; 6; 7; 12; 14;

Q Qualification:

R Responsabilité civile:

388

- de l'auteur: 17; - des ayants droits: - de l'Etat: 1; 17; Responsabilité pénale individuelle: 8; 9;

S Sursis: 8; Suspicion légitime: 4;

T Témoignages:

− a charge : 1; 2; 3; 4; 6; 8; 11; 12; 16; 17;− a décharge : 1; 2; 3; 4; 8; 11; 12; 16;− concordants: 1; 3; 5; 6; 11;− confus:− contradictoires: 4; 7; 8; 9; 10;− faux témoignages: 4; 10;− indirects : 10;− non - probants: 2;− récusation de : 7; 11; 12;− validité des :

Tentative d'assassinat: 2; 17; Torture: 9;

U Usurpation de fonctions ou titres: 2;

V Viol: 9; 17; Violation de domicile: 2; 4; 9; 14; Violation de la loi : 16; Voies de recours:

− appel:− cassation:− opposition:

Vol:Vol avec violences: 2; 15;

ZZèle et méchanceté excessive : 1; 5;

389

LOI ORGANIQUE N° 08/96 DU 30/08/96SUR L’ORGANISATION DES POURSUITES DES INFRACTIONS

CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTREL’HUMANITE, COMMISES A PARTIR DU 1ER OCTOBRE 1990

Journal Officiel n° 17 du 1/9/1996

CHAPITRE PREMIER : GENERALITES

Article premier

La présente loi organique a pour objet l’organisation et la mise en jugement des personnespoursuivies d’avoir, à partir du 1er octobre 1990, commis des actes qualifiés et sanctionnés par lecode pénal et qui constituent :a) Soit des crimes de génocide ou des crimes contre l’humanité tels que définis dans la

Convention du 9 décembre 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, dansla Convention de Genève du 12 août 1948 relative à la protection des personnes civiles entemps de guerre et les Protocoles additionnels, ainsi que dans celle du 26 novembre 1968 surl’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, toutes trois ratifiéespar le Rwanda ;

b) Soit des infractions visées au Code pénal qui, selon ce qu’allègue le Ministère Public ouadmet l’accusé, ont été commises en relation avec les événements entourant le génocide et lescrimes contre l’humanité.

CHAPITRE II : DE LA CATEGORISATION

Article 2

Selon les actes de participation aux infractions visées à l’article 1 de la présente loi organique,commises entre le 1 octobre 1990 et le 31 décembre 1994, la personne poursuivie est classéedans l’une des catégories suivantes :

Catégorie 1.

a) La personne que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi lesplanificateurs, les organisateurs, les superviseurs et les encadreurs du crime de génocide ou descrimes contre l’humanité ;

b) La personne qui a agi en position d’autorité au niveau national, préfectoral, communal,du secteur ou de la cellule, au sein des partis politiques, de l’armée, des confessions religieusesou des milices, qui a commis ces infractions ou qui a encouragé les autres à le faire ;

c) Le meurtrier de grand renom, qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou partoutoù il est passé, à cause du zèle qui l’a caractérisé dans les tueries, ou de la méchanceté excessiveavec laquelle elles ont été exécutées ;

d) La personne qui a commis des actes de torture sexuelle.Catégorie 2.

390

La personne que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi les auteurs,coauteurs ou complices d’homicides volontaires ou d’atteintes graves contre les personnes ayantentraîné la mort.

Catégorie 3.

La personne ayant commis des actes criminels ou de participation criminelle la rendant coupabled’autres atteintes graves à la personne.

Catégorie 4.

La personne ayant commis des infractions contre les propriétés.

Article 3

Pour l’application de la présente loi organique, le complice est celui qui aura prêté uneaide indispensable à commettre l’infraction, ou qui, par n’importe quel moyen, aura soustraitaux autorités les personnes dont il est question à l’article 2 de la présente loi organique ou auraomis de fournir des renseignements à leur sujet.

Le fait que l’un quelconque des actes visés par la présente loi organique a été commis parun subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s’il savait ou avait desraisons de croire que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte ou l’avait fait et que lesupérieur n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour en punir les auteurs ou pourempêcher que ledit acte ne soit commis alors qu’il en avait les moyens.

CHAPITRE III :DE LA PROCEDURE D’AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE

Section 1 : De l’entrée en vigueur, de l’admissibilité et des conditions

Article 4.

La procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité entre en vigueur le jour de lapublication de la présente loi organique au Journal Officiel et le demeure pendant dix-huit (18)mois, renouvelable par arrêté Présidentiel, pour une période ne dépassant pas la même durée.

L’officier du Ministère Public chargé d’une instruction est tenu d’informer le prévenu deson droit et de son intérêt de recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité. Il feramention dans un procès-verbal qu’il a ainsi informé le prévenu.

Article 5.

Toute personne ayant commis des infractions visées à l’article 1 a le droit de recourir à laprocédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité.

Ce droit, qui ne peut être refusé, peut être exercé en tout temps avant la communication

391

du dossier répressif au président de la juridiction. Il ne peut être exercé qu’une seule fois et ilpeut y être renoncé tant que l’intéressé n’a pas encore avoué devant le siège.

Sans préjudice aux dispositions de l’alinéa 1er, les personnes relevant de la catégorie 1prévue à l’article 2, ne peuvent bénéficier des réductions de peine prévues aux articles 15 et 16.

Article 6

Pour être reçus au titre d’aveux au sens de la présente section, les aveux doiventcomprendre :

a) La description détaillée de toutes les infractions visées à l’article 1 que le requérant acommises, et notamment les dates, heure et lieu de chaque fait, ainsi que les noms des victimeset des témoins s’ils sont connus ;b) Les renseignements relatifs aux coauteurs et aux complices et tout autre renseignement utile à l’exercice de l’action publique ;c) Des excuses présentées pour les infractions commises par le requérant ;d) Une offre de plaidoyer de culpabilité pour les infractions décrites par le requérantconformément aux dispositions du point (a) du présent article.

Les aveux doivent être recueillis et transcrits par un officier de Ministère Public.Si les aveux sont transmis par écrit, l’officier de Ministère Public en demande confirmation. Enprésence de l’officier du Ministère Public, le requérant signe ou marque d’une empreinte digitalele procès-verbal contenant les aveux ou la confirmation et s’il y en a un, le document remis parle requérant. L’officier du Ministère Public signe le procès-verbal.

Le Ministère Public doit informer le requérant de la catégorie à laquelle le rattachent lesfaits avoués, afin qu’il puisse confirmer son choix de poursuivre la procédure d’aveu et deplaidoyer de culpabilité ou y renoncer.

Si le requérant renonce, il a le droit de retirer sa confession. Dans ce cas, lors de touteprocédure subséquente, l’aveu et le plaidoyer de culpabilité sont inadmissibles comme preuvescontre l’accusé.

Article 7

A compter de la signature du procès-verbal visé à l’article 6, le Ministère Public disposed’un délai maximum de trois mois pour vérifier si les déclarations du requérant sont exactes etcomplètes, et si les conditions fixées à l’article 6 sont remplies.

Au terme de la vérification, il est dressé un procès-verbal mentionnant les raisons del’acceptation ou du rejet de l’aveu et de l’offre de plaidoyer de culpabilité. Ce procès-verbal estsigné par un officier du Ministère Public.

En cas de rejet de la procédure d’aveu, le Ministère Public poursuit l’instruction del’affaire selon les voies ordinaires. Aucune autre procédure d’aveu ne peut être requise au niveaudu Ministère Public.

Article 8

392

En cas d’acceptation de l’aveu et de l’offre de plaidoyer de culpabilité, le MinistèrePublic clôture le dossier en établissant une note de fin d’instruction contenant les préventionsétablies par l’aveu et il communique le dossier à la juridiction compétente pour en connaître.

Article 9

Au fur et à mesure que les enquêtes progressent, une liste des personnes poursuivies ouaccusées d’avoir commis des actes les rattachant à la première catégorie est dressée et mise àjour par le Procureur général près la Cour Suprême. Cette liste sera publiée trois mois après lapublication de la présente loi organique au Journal Officiel et republiée périodiquement par lasuite pour refléter les mises à jour.

Par dérogation aux dispositions de l’article 5 alinéa 3, la personne qui aura présenté lesaveux et une offre de plaidoyer de culpabilité sans que son nom ait été préalablement publié surla liste des personnes de la première catégorie, ne pourra pas entrer dans cette catégorie, si lesaveux sont complets et exacts. Si ses faits avoués devaient faire rentrer cette personne dans lapremière catégorie, elle sera classée dans la deuxième.

Les personnes qui auront présenté leurs aveux avant la publication de la liste des nomsdes personnes de la première catégorie sont classées dans la deuxième si c’est là que les rangentles infractions commises.

S’il est découvert ultérieurement des infractions qu’une personne n’avait pas avouées,elle sera poursuivie, à tout moment, pour ces infractions et pourra être classée dans la catégorie àlaquelle la rattachent les infractions commises.

Section 2 : De l’audience, du jugement et des effets

Article 10

En cas de procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, l’audience est organiséecomme suit :

1. Le greffier appelle la cause ;2. Le prévenu décline son identité ;3. Le président du siège demande à la partie civile son identité :4. Le greffier énonce la prévention ;5. Le Ministère Public est entendu en ses réquisitions ;6. Le greffier lit le procès-verbal d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, et s’il y en a un, le

document qui contient les aveux ;7. Le siège interroge le prévenu et vérifie que les aveux et le plaidoyer de culpabilité ont été

faits de façon volontaire et en toute connaissance de cause, notamment de la nature del’inculpation, de l’échelle des peines et de l’absence de recours en appel pour les dispositionspénales du jugement à venir ;

8. La partie civile prend ses conclusions ;9. Le prévenu et, le cas échéant, la personne civilement responsable, s’il y en a, présentent

393

successivement leur défense à l’action civile ou toute autre déclaration pour atténuer leurresponsabilité ;

10. Le siège reçoit le plaidoyer de culpabilité et les débats sont déclarés clos.

Article 11

Lorsqu’une procédure d’aveu a été rejetée par le Ministère Public au terme de lavérification prévue à l’article 7, le prévenu peut confirmer devant le siège sa demande derecourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité.

Le prévenu doit formuler sa demande après que le greffier ait énoncé la prévention et auplus tard lors de son audition.

Si, au terme de l’instruction d’audience, le siège détermine que les aveux étaientconformes aux conditions fixées à l’article 6, il fait application des articles 15 et 16.

Article 12

Si, au cours de l’audience, le siège détermine que ne sont pas réunies les conditions misesà la validité de l’aveu et du plaidoyer de culpabilité, il prononce un jugement de rejet de laprocédure d’aveu. Il en est de même si le prévenu a renoncé à la procédure d’aveu.

La juridiction peut qualifier autrement les faits dont elle est saisie. La disqualification parle siège d’un fait avoué n’emporte pas le rejet de la procédure d’aveu et de plaidoyer deculpabilité. Par contre, le siège ordonne la réouverture des débats afin que, avisé de la nouvellequalification, l’accusé puisse confirmer son choix de recourir à la procédure d’aveu et deplaidoyer de culpabilité, ou y renoncer.

Article 13

Dans le cas où le siège prononce un jugement de rejet de l’aveu et du plaidoyer deculpabilité, il peut fixer l’affaire à une date ultérieure pour être jugée sur le fond, ou se dessaisirde l’affaire et la renvoyer au Ministère Public pour complément d’information.

Lors de toute procédure subséquente, l’aveu et le plaidoyer de culpabilité sontinadmissibles comme preuve contre l’accusé.

CHAPITRE IV : DES PEINES

Article 14

Les peines imposées pour les infractions visées à l’article 1 sont celles prévues par lecode pénal, sauf :

a) que les personnes de la première catégorie encourent la peine de mort ;b) que pour les personnes relevant de la catégorie 2, la peine de mort est remplacée par l’emprisonnement à perpétuité ;c) lorsque les aveux et le plaidoyer de culpabilité ont été acceptés, dans lequel cas, il est fait application des articles 15 et 16 de la présente loi organique ;

d) que les actes commis par les personnes de la catégorie 4 donnent lieu à des réparations

394

civiles par voie de règlement à l’amiable entre les parties intéressées avec le concours deleurs concitoyens et à défaut, il est fait application des règles relatives à l’action pénale età l’action civile. Si le prévenu est condamné à une peine d’emprisonnement, il est sursis àl’exécution de la peine. Pour l’application du présent article en son point (d), lesconditions fixées par l’article 97 du code pénal ne sont pas observées.

Article 15

Lorsque la condamnation est prononcée à la suite d’un aveu et d’un plaidoyer deculpabilité offerts avant les poursuites, la peine est diminuée comme suit :a) les personnes de la catégorie 2 encourent une peine d’emprisonnement de 7 à 11 ans ;b) les personnes de la catégorie 3 encourent le tiers de la peine que le tribunal devrait

normalement imposer.

Article 16

Lorsque la condamnation est prononcée à la suite d’un aveu et d’un plaidoyer de culpabilité offerts après les poursuites, la peine est diminuée comme suit :

a) les personnes de la catégorie 2 encourent une peine d’emprisonnement de 12 à 15 ans ;b) les personnes de la catégorie 3 encourent la moitié de la peine que le tribunal devraitnormalement imposer.

Article 17

Les personnes reconnues coupables au terme de la présente loi organique encourent, de lamanière suivante, la peine de la dégradation civique :

a) la dégradation civique perpétuelle et totale pour les personnes de la catégorie 1 ;b) la dégradation civique perpétuelle telle que définie à l’article 66 du code pénale, points

2°, 3° et 5° pour les personnes de la catégorie 2. La condamnation des personnes relevant de la catégorie 3 emporte toutes les conséquences civiques prévues par la loi.

Article 18 :

En dépit de l’article 94 du code pénal, seront prononcées les peines déterminées par laqualification la plus sévère lorsqu’il y a concours idéal ou matériel d’infractions.

CHAPITRE V : DES CHAMBRES SPECIALISEES

Section 1 : De la création et de la compétence des chambres spécialisées

Article 19 :

Il est créé au sein des Tribunaux de première instance et juridictions militaires deschambres spécialisées ayant la compétence exclusive de connaître des infractions visées àl’article 1.

Chaque chambre spécialisée peut comprendre plusieurs sièges pouvant siéger

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simultanément.Au moins un de ces sièges est composé de magistrats pour enfants qui connaissent

exclusivement des infractions visées à l’article 1 et commises par les mineurs.Dans les limites du ressort territorial du tribunal et sur décision de son président, une

chambre spécialisée peut avoir plusieurs sièges, pouvant siéger comme chambres itinérantes auxendroits et pour la durée qu’il détermine.

En cas de privilège de juridiction en matière personnelle, les chapitres V et VI de laprésente loi organique ne sont pas applicables.

Article 20 :

Chaque chambre spécialisée est constituée d’autant de magistrats de carrière ou demagistrats auxiliaires qu’il est nécessaire, placés sous la présidence d’un des vice-présidents dutribunal de première instance ou des juridictions militaires.

Le Vice-président est chargé de l’organisation et de la répartition du service au sein de laChambre spécialisée.

Les affectations des magistrats de carrière et la désignation des Présidents des ChambresSpécialisées des Tribunaux de première instance sont arrêtées par ordonnance du Président de laCour Suprême, sur décision du collège du Président et des Vice-présidents de la Cour Suprême.Les magistrats de carrière sont choisis parmi ceux du Tribunal de première instance dont faitpartie la Chambre spécialisée.

Les affectations des magistrats auxiliaires et la désignation du président de la ChambreSpécialisée des juridictions militaires sont arrêtées selon la procédure en vigueur devant cesjuridictions.

Article 21 :

Le siège des Chambres spécialisées est composé de trois magistrats, dont le président estdésigné par le Président de la Chambre.

Article 22 :

Les Officiers du Ministère Public près les chambres spécialisées des Tribunaux depremière instance sont désignés par le Procureur général près la Cour d’Appel parmi ceux duParquet de la République sur proposition du Procureur de la République. Ils sont dirigés par unpremier substitut commissionné à cet effet.

Les Officiers du Ministère Public du Parquet général près la Cour d’Appel chargés desaffaires portées au degré d’appel devant cette Cour sont désignés par le Procureur général près laCour Suprême sur proposition du Procureur Général.

Le Procureur Général près la Cour Suprême assure la supervision et la direction généraledes parquets de la République et d’Appel pour les matières relevant de la compétence deschambres spécialisées.

Article 23 :

396

Les Officiers du Ministère Public près la chambre spécialisée du Conseil de Guerre sontdésignés et dirigés par l’Auditeur militaire.

L’Auditeur militaire général près la Cour Militaire désigne et dirige les officiers duMinistère Public chargés des affaires portées devant cette juridiction.

CHAPITRE VI : DES VOIES DE RECOURS

Article 24 :

Les jugements des chambres spécialisées sont susceptibles d’opposition et d’appel. Ledélai d’appel ou d’opposition est de quinze jours.

Seul l’appel sur les questions de droit ou des erreurs de fait flagrantes est recevable.Dans les trois mois au plus tard suivant le dépôt du dossier devant la juridiction d’appel,

celle-ci statue sur pièces quant à la recevabilité du recours. Dans l’hypothèse où il est jugérecevable, la juridiction d’appel statue sur pièces quant au fond.

L’arrêt n’est susceptible d’aucun recours.

Les jugements avant dire droit ne sont pas susceptibles d’appel. Il en est de même desjugements rendus sur acceptation de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, sauf enmatière d’intérêts civils.

Article 25 :

Par dérogation à l’article 24, dans le cas où la juridiction d’appel, saisie après unjugement d’acquittement au premier degré, prononce la peine de mort, le condamné dispose d’undélai de quinze jours pour se pourvoir en cassation. La Cour de Cassation est compétente pour seprononcer sur le fond de l’affaire. Seul le pourvoi fondé sur des questions de droit ou des erreursde fait flagrante est recevable.

Dans les trois mois au plus tard suivant le dépôt du dossier devant la Cour de Cassation,celle-ci statue sur pièces quant à la recevabilité du recours. Dans l’hypothèse où il est jugérecevable, la Cour statue sur pièces quant au fond. L’arrêt n’est susceptible d’aucun recours.

Article 26 :

Dans un délai de trois mois suivant le prononcé, le Procureur Général près la CourSuprême peut, d’initiative mais dans le seul intérêt de la loi, se pourvoir en cassation contre toutedécision en degré d’appel qui serait contraire à la loi.

CHAPITRE VII : DES DOMMAGES ET INTERETS

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Article 27 :

Le Ministère Public représente, d’office ou sur demande, les intérêts civils des mineurs etautres incapables dépourvus de représentants légaux.

Article 28 :

Depuis la phase des enquêtes préliminaires jusqu’au jour du jugement définitif, leprésident de la chambre spécialisée du ressort, saisi par requête écrite de la partie lésée ou duMinistère Public, peut prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires à la sauvegarde desintérêts civils de la partie lésée.

Article 29 :

Les règles ordinaires relatives à la dénonciation, à la plainte et à l’action civile sontd’application.

Les victimes, agissant à titre individuel ou par des associations légalement constituéesreprésentées par leur représentant légal ou par un représentant spécial qu’elles désignentconformément à leurs statuts, peuvent requérir la mise en mouvement de l’action publique parrequête motivée transmise au Procureur de la République du ressort. La requête vautconstitution de partie civile. La partie civile est exemptée du paiement des frais de justice.

Si, à l’expiration d’un délai de six mois à compter du dépôt de la requête, le MinistèrePublic n’a pas saisi la juridiction compétente, la partie civile peut la saisir par citation directe.Dans ce cas, la charge de la preuve incombe à la partie civile. La partie civile est exemptée dupaiement des frais de justice.

La condamnation, au civil et au pénal, est susceptible d’appel, selon les modalités fixéesà l’article 24. L’acte d’appel doit également être notifié au cité. La juridiction d’appel évoque deplein droit l’ensemble de l’affaire.

Article 30 :

La responsabilité pénale des personnes relevant de la catégorie 1 fixée à l’article 2emporte la responsabilité civile conjointe et solidaire pour tous les dommages causés dans lepays par suite de leurs actes de participation criminelle, quel que soit le lieu de la commissiondes infractions.

Les personnes relevant des catégories 2, 3 ou 4 encourent la responsabilité civile pour lesactes criminels qu’elles ont commis.

Sans préjudice des droits des victimes présentes ou représentées au procès, la juridictionsaisie alloue des dommages et intérêts, sur requête du Ministère Public, en faveur des victimesnon encore identifiées.

Article 31 :

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La juridiction saisie de l’action civile se prononce sur les dommages et intérêts même sil’accusé est décédé en cours d’instance ou s’il a bénéficié d’une amnistie.

Article 32 :

Les dommages et intérêts alloués en faveur des victimes non encore identifiées sontversés dans un Fonds d’indemnisation des victimes dont la création et le fonctionnement sontrégis par une loi particulière. Avant l’adoption de la loi portant création de ce Fonds, lesdommages et intérêts alloués sont versés au compte bloqué ouvert à la Banque Nationale duRwanda à cette fin par le Ministre ayant les affaires sociales dans ses attributions et ce fonds nepourra être affecté qu’après l’adoption de ladite loi.

CHAPITRE VIII : DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Article 33 :

Le Ministère Public peut citer en justice les personnes qui n’ont pas de domicile ni derésidence connus au Rwanda ou qui se trouvent à l’extérieur du territoire, et contre lesquelles ilexiste des preuves concordantes ou des indices sérieux de culpabilité, qu’elles aient pu être ounon préalablement interrogées par le Ministère Public.

Article 34 :

Lorsque le prévenu n’a ni domicile ni résidence connus au Rwanda, le délai d’assignationest d’un mois. Une copie de l’exploit est affichée à la porte principale du tribunal où siège lachambre qui doit connaître de l’affaire.

Article 35 :

Les exceptions de connexité ou d’indivisibilité doivent être soulevées devant lajuridiction saisie du fond qui les apprécie souverainement.

Les demandes en récusation et en prise à partie sont également portées devant lajuridiction saisie.

L’incident ou la demande peut être joint au fond ou il peut y être statué par jugement sansrecours.

Article 36 :

Les personnes poursuivies en application de la présente loi organique jouissent du droitde la défense reconnu à toute personne poursuivie en matière criminelle, et notamment le droitd’être défendues par le défenseur de leur choix, mais non aux frais de l’Etat.

Article 37 :

399

L’action publique et les peines relatives aux infractions constitutives de génocide ou descrimes contre l’humanité sont imprescriptibles.

Article 38 :

En attendant la publication de la loi générale sur le crime de génocide et les crimes contrel’humanité, quiconque commet, après le 31 décembre 1994, un des actes constitutifs de cescrimes, sera puni des peines prévues par le code pénal, et ne peut bénéficier des réductions depeines comme prévu par la présence loi.

Article 39 :

Sauf dispositions contraires à la présente loi organique, toutes les règles de droit,notamment celles contenues dans le code pénal, dans le code de procédure pénale et dans le coded’organisation et de compétence judiciaires, demeurent d’application.

Article 40 :

La présente loi organique est rédigée dans les trois langues officielles de la RépubliqueRwandaise, mais le texte original reste celui rédigé en kinyarwanda.

Article 41 :

La présente loi organique entre en vigueur le jour de sa publication au journal Officiel dela République Rwandaise.

Kigali, le 30/08/1996

400

La méthode d'indexation et la liste des verbo ont été élaborées en collaboration avec le Centre Droitsfondamentaux et lien social de la Faculté de Droit des Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur-Belgique).

REMERCIEMENTS

Ce troisième Recueil de jurisprudence a été réalisé par Avocats Sans Frontières-Belgique sous l'égide du Département des Cours et Tribunaux de la Cour Suprêmedu Rwanda.

Œuvre collective, ce Recueil doit beaucoup à Madame Caroline STAINIER, et àMessieurs Hugo JOMBWE MOUDIKI et Guy Hervé KAM, ainsi qu'à l'équipe detraducteurs et juristes de la Mission dont font partie Mlle Martine URUJENI etMessieurs Grégoire NTABANGANA, Albert MUGIRANEZA et Willy S.MUNYANTWALI.

La réalisation de ce Recueil, sa publication, sa diffusion n'auraient pas étépossibles sans l'appui financier de l'Agence Intergouvernementale de laFrancophonie, de la Commission Européenne, de la Coopération Belge(D.G.C.D.) et de la Coopération Néerlandaise.

Ces remerciements s'adressent enfin aux Barreaux d'Anvers, de Bruxelles et deLiège, qui soutiennent les activités d'ASF.

Sorti de presse en 2003Dépôt légal : D/2003/9711/3© ASF-B, 2003ISBN 90-77321-039

Diffusion générale : ASF-B, rue Royale, 123, 1000 Bruxelles

Editeur responsable : Caroline Stainier