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130ème

Anniversaire!

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Association des Anciens Elèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey

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Consultez notre site Internet à l’adresse suivantefoyercharlesfrey-asso-des-anciens.fr

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Association des Anciens Elèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey et de l’H

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L’Association des Anciens Elèves remercie chaleureusement tous les auteurs pour leur précieuse collaboration.

© Editions du Meiselocker Reproduction partielle interdite sauf autorisation écrite des auteurs et de l’éditeur.

Revue éditée parl’Association des Anciens Elèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey

et de l’Hospice des Orphelins de la ville de Strasbourg à l’occasion du 130 ème anniversaire de l’association.

Logo créé par Gaston Gorsy

Directeur de la publication Christian Pfeiffer

Conception réalisation et mise en page infographique Christian Pfeiffer

Page de couverture Elise Lambour

Coordination des textes Marianne Kurtz

Crédit photographique Photos d’archives du Foyer de la Jeunesse Charles Frey avec l’aimable autorisation de Renaud Hard - directeur

et de Dominique Balzinger, Georges Bickel, Joseph Cappelletti,

Stéphanie Gall, Jean-Claude Halter, Edwin Kuss,Marianne Kurtz, Christian Pfeiffer, Ginette Stadler.

Achevé d’imprimer Janvier 2007 Imprimerie Parmentier - 67610 La Wantzenau

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Chers amis,

Depuis 130 ans, à travers l’association des anciens élèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey, s’exprime une grande chaîne de l’amitié, dont le maître mot est « solidarité ».

Celle-ci est maintenue bien vivante grâce au Bulletin de liaison de l’association « l’Echo de la Villa », qui tisse les liens entre tous les membres de cette grande famille.

Si au fil des années, votre association a su perdurer, elle le doit sûrement à son caractère actif, et certainement aussi, au travail fourni tout au long de l’année par son dynamique Conseil d’Administration.

En effet, les soutiens, concrétisés par des aides financières, pour une installation professionnelle ou familiale, sont appréciés. La simple présence, aussi, de l’association à des fins de « soutien moral » est tout aussi importante.

Mais également, on ne peut dénombrer, de peur d’en oublier, toutes les rencontres et activités mises en œuvre par votre association. Tout le monde a en mémoire telle attribution de prix, telle fête annuelle, tel départ en retraite.

Je souhaite que votre journée du 24 février 2008 rejoigne ces événements au panthéon de vos bons souvenirs.

Le Conseil Général du Bas-Rhin ne peut être insensible à ces attentions et moyens, qui ne font que prolonger ses missions au bénéfice de la protection de l’enfance, au sein du Foyer Charles Frey.

Il s’associe donc à cet anniversaire en formulant des vœux de longévité pour l’Association des Anciens Elèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey.Puissent les années prochaines permettre la poursuite de vos actions !

Philippe RICHERTPrésident du Conseil Général du Bas-Rhinet Vice-Président du Sénat

Préface

de Monsieur Philippe RICHERTPrésident du Conseil Général du Bas-Rhin

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La vie continue ; elle ne s’arrête pas aux portes d’un établissement et ne se limite pas à l’enfance et à l’adolescence. L’association des Anciens Elèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey l’a bien compris et rassemble, depuis 130 ans, ceux qui ont confié au Foyer de la Jeunesse Charles Frey une partie de leur vie et souhaitent prolonger les liens qui les unissent.

Si la vie est un chantier, elle est aussi la démonstration de la capacité de chacun à dépasser les difficultés qui entravent son parcours. Le Foyer de la Jeunesse Charles Frey a constitué une étape, une respiration, une aspiration, à retrouver de la place pour soi, pour s’y poser, s’y apaiser, reprendre confiance.

Si les adultes peuvent véhiculer trop d’indifférence, d’incapacité ou de méfaits, d’autres adultes permettent d’espérer et l’engagement de l’association des anciens élèves témoigne de la nécessité de persévérer, de la capacité de tendre la main à son prochain et de la vitalité de l’entraide. Cet engagement est toujours présent, car les années qui passent n’ont pas altéré cet idéal et les membres actuels sont les dignes héritiers de leurs prédécesseurs. La voie est tracée pour les générations à venir et le Meiselocker du Foyer Charles Frey reste toujours le symbole de la fragilité de la Jeunesse et de l’espoir qu’elle incarne.

Avec toutes mes félicitations pour les années passées et mes voeux pour celles à venir.

Préface de Monsieur Jean-Philippe MAURERPrésident du Conseil d’Administration

Jean-Philippe MAURERDéputé du Bas-RhinConseiller Général canton 7 Strasbourg Meinau-Neudorf-Ouest (Neufeld-Schluthfeld)

Préface de Monsieur Renaud HARDDirecteur du Foyer de la Jeunesse Charles Frey

L’Association des Anciens Elèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey œuvre maintenant depuis 130 ans au rassemblement et au soutien des enfants qui ont été confiés, lors de leur enfance ou leur adolescence, au Foyer Charles Frey.

De ma place de directeur d’établissement, je me réjouis de l’existence d’une structure associative qui soutient matériellement et affectivement les anciens «pensionnaires» du Foyer devenus adultes; à 18 ans, le mandat s’arrête, certes, mais la vie continue avec son lot de difficultés, de joies et de peines, et ce dans un contexte socio-économique chaque jour plus difficile à appréhender.

C’est pourquoi l’action quotidienne de cette association me paraît fondamentale, car son souci permament est de maintenir le lien entre des personnes de générations différentes ayant vécu un moment dans notre établissement.

En tant que directeur du Foyer de la Jeunesse Charles Frey, c’est avec plaisir que je m’associe à la célébration des 130 ans d’existence de l’association et je la félicite pour tout le travail accompli et l’engagement durable de ses membres au service de l’autre.

Renaud HARDDirecteur du Foyer de la Jeunesse Charles Frey

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Préface

de Madame Fabienne KELLER Maire de la ville de Strasbourg

et de

Monsieur Robert GROSSMANN Président de la Communauté Urbaine de Strasbourg

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A l’occasion de cette 130ème année d’existence, nous saluons tout d’abord l’engagement des anciens du Foyer Charles Frey à faire vivre l’esprit d’amitié et de solidarité.

La Ville de Strasbourg a toujours été porteuse de valeurs humanistes, synonymes chez nous de respect et d’attention permanente à l’autre. Dans le passé, notre cité s’est ainsi illustrée par l’esprit de tolérance, notamment religieuse. Aujourd’hui ces principes de démocratie, de droits de l’homme, de solidarité sont toujours au cœur du projet strasbourgeois, portés par le Conseil de l’Europe qui veille à les promouvoir dans 46 états de la Grande Europe.

Cet humanisme, il est bien sûr, au cœur des missions de votre association qui a toujours œuvré pour maintenir une forte solidarité à la fois entre anciens, mais aussi entre générations.

Le Foyer de la Jeunesse Charles Frey demeure lié à la Ville de Strasbourg, par son histoire, par ses liens antérieurs, par sa situation, par son nom en hommage à notre ancien Maire. Certains ont eu le sentiment d’être abandonnés lorsqu’en janvier 2006 l’établissement est passé d’une vocation communale à une vocation départementale, mais il n’en est rien. Personne ne doit aujourd’hui se sentir oublié ou délaissé.

La Ville est et restera un partenaire du Foyer de la Jeunesse Charles Frey. Votre association continue à s’appeler association « …....de l’hospice des orphelins de la Ville de Strasbourg » pour rappeler cette filiation.

L’histoire du Foyer de la Jeunesse Charles Frey, c’est aussi celle de Strasbourg et de ce quartier du Neudorf, comme les récits de vie d’anciens élèves représentent des parcours de strasbourgeois.

A l’heure de la société de communication, les anciens ont souhaité être en phase avec leur époque en se dotant d’un site internet qui vise à mieux informer le public sur leur histoire, à rester en contact avec ceux d’entre eux qui ont quitté Strasbourg pour vivre leur vie aux quatre coins du Monde, mais aussi pour rester en lien direct avec chaque membre.

Beaucoup d’entre vous sont restés vivre ici à Neudorf. Il ne faut pas s’en étonner car l’environnement qu’ils ont connu durant leur jeunesse, la qualité de vie, la gentillesse des habitants, sont restés identiques.

Les liens nés dans l’enfance au Foyer de la Jeunesse Charles Frey ne se sont pas estompés avec les années, ils se sont même consolidés. Longue vie à votre association, au Foyer de la Jeunesse Charles Frey et à tous les anciens.

Robert GROSSMANNPrésident de la Communauté Urbaine de Strasbourg Maire délégué, chargé de la culture

Fabienne KELLERSénateur du Bas-RhinMaire de Strasbourg

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On sait que les anciens élèves de l’orphelinat de notre ville viennent, le 23 septembre de chaque année, tenir une réunion dans l’établissement où ils ont passé leur jeunesse et où ils ont reçu l’instruction nécessaire pour devenir des membres utiles de la société. Cette réunion fraternelle, qui maintient la solidarité entre les pensionnaires, coïncide avec la distribution des prix, provenant de legs institués par des personnes charitables pour récompenser les orphelins les plus méritants.Afin d’éviter un encombrement dans l’établissement, la direction de l’hospice des orphelins invite une année les anciennes élèves et l’autre année les hommes. Cette année c’était le tour ces derniers. La fête, qui a eu lieu avant hier, a été tout intime. A 9 heures, une messe a été célébrée à l’église Sainte Madeleine en souvenir du fils de M Humann, le fondateur des prix en faveur d’anciens élèves de l’hospice.A 10 heures a eu lieu, à l’hospice, la distribution des prix sous la présidence de M. Gustave Petiti, administrateur spécial de l’orphelinat, assisté de M. Scheer, directeur de l’établissement, auxquels étaient venus se joindre M. Eug. Zaepffel, secrétaire général, et M. Gerval, directeur des hospices civils, M. Schickelé, curé de la Madeleine, et M. le professeur Wieger, M. Perrin, architecte des hospices civils, et plus de cinquante élèves.

Après un premier chant exécuté par les orphelins, M. Petiti a adressé aux élèves l’allocution suivante :

« Chers enfants.« En ma qualité d’administrateur particulier de la maison des orphelins, je viens, au nom de la commission administrative des hospices, vous souhaiter à tous la bienvenue. C’est la première fois que cette mission m’incombe et je veux vous dire tout de suite que c’est pour moi un devoir bien agréable de venir vous exprimer les sentiments paternels dont la commission est animée à votre égard. Oui, chers enfants, il m’est doux de penser et de vous dire que si vos parents vous ont été prématurément enlevés, que si vous avez été privés des soins que d’autres enfants trouvent au sein de leur famille, vous avez trouvé du moins, dans une maison hospitalière, un nouveau foyer et une nouvelle famille, et que les personnes dévouées qui se sont consacrées à vous font tous les efforts pour vous faire oublier le malheur qui vous a frappés et pour remplacer auprès de vous les parents que vous avez perdus.« Bien plus, la sollicitude qui vous entoure ne se borne pas à ces soins : les dispositions que vous montrez pour l’étude sont cultivées soigneusement ; l’instruction, qui vous est dispensée avec la générosité la plus éclairée, vous permet d’aspirer à toutes les carrières, et vos maîtres ont la satisfaction de voir plusieurs d’entre vous arriver à des situations qui font le plus grand honneur à cette maison.« C’est pourquoi, mes enfants, laissez-moi vous le dire, votre devoir le plus sacré est la reconnaissance. N’oubliez jamais le nom des bienfaiteurs de la maison, dont la générosité nous permet de distribuer tous les ans les prix qui sont la récompense de vos efforts. Soyez reconnaissants à la commission administrative qui ne cesse de s’occuper avec sollicitude de tous vos intérêts. Soyez reconnaissants à votre excellent directeur, qui fait preuve à votre égard d’un dévouement si complet et dont la plus grande joie, je peux vous l’affirmer, est de vous voir réussir et tenir honorablement votre place dans la société. Soyez reconnaissants à vos maîtres, aux sœurs qui ne cessent de vous entourer de leurs soins maternels. N’oubliez jamais cette maison qui est devenue la vôtre, et que la mémoire des soins dont ont été entourées votre enfance et votre jeunesse fasse vivre à jamais dans vos cœurs le souvenir de tous vos bienfaiteurs ! » Ces paroles ont été couvertes d’applaudissements. Après un chœur chanté par les orphelins, M. Scheer, directeur de l’établissement, a fait l’appel des lauréats en donnant lecture pour chaque prix des dispositions spéciales des legs ou donations qui s’y rapportent. Voici la liste des lauréats et le montant des prix qui leur ont été accordés ……Cette cérémonie s’est terminée par un nouveau chœur exécuté par les filles. A 11 heures précises, les membres de l’association des anciens élèves se sont réunis en assemblée générale, sous la présidence de leur vice-président M. Scheer.

Le compte rendu de l’association devant paraître sous peu, nous nous contenterons de dire que cette utile association est des plus prospères, et que le capital social dépasse aujourd’hui 27 000 marks. A l’issue de la réunion, les invités se sont rendus dans la grande salle des garçons pour prendre place à une table dressée en fer à cheval. La plus franche gaîté n’a cessé de régner pendant le repas, qui s’est terminé à 3 heures. Au dessert, M. Scheer a pris la parole et a donné l’assurance à la commission administrative que la sollicitude toute particulière dont elle entoure l’orphelinat ne se dépensait pas en pure perte, que la plupart des anciens élèves réussissaient dans la carrière qu’ils ont embrassée, que quelques-uns occupaient des positions très honorables et très lucratives, et que tous fournissaient de fréquentes preuves de leur affection et de leur reconnaissance à l’établissement qui les a élevés. M. Scheer donne à ce sujet lecture d’une lettre de M. P., un ancien élève établi à Paris, et dont nous croyons devoir citer les lignes suivantes : « Je me procurerai le compte rendu de la cérémonie, écrit M. P., pour pouvoir, plus tard le mettre sous les yeux de mes enfants et leur faire voir qu’il vaut toujours mieux mettre à profit les principes qui leur sont inculqués dans leur jeunesse. Puissent-ils le comprendre à leur tour et me donner plus tard toute la satisfaction que j’aurais eu tant de plaisir à donner à mes parents, s’ils avaient été conservés, et que je crois avoir donnée à ceux qui ont été chargés de mon éducation … »M. Scheer a porté ensuite un toast à la commission administrative, et en particulier à M. Petiti, président de la fête. M. le pasteur Tubach, ancien élève de l’hospice, a bu à la santé de M. Scheer, qui est le fondateur de la fête et de l’association, et qui préside depuis dix ans la séance du comité. Un autre ancien élève, M. G. Jud, instituteur à Paris, a prié les convives de ne pas oublier les sœurs de la charité, et surtout sœur supérieure Marie Céleste, qui depuis trente ans a été la «mère» de presque tous les assistants de la fête.

Enfin, pour terminer par une bonne œuvre, on a fait en faveur des petits internes de l’orphelinat une quête qui a produit la somme de 50 marks.

in Elsässer Journal du dimanche 25 Septembre 1887

Il y a 120 ans - le 10 ème anniversaire de l’association

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1877 - 2007 une association à cheval sur trois siècles, voilà un événement pas commun. Dans une Alsace allemande naissait une association des anciens élèves de l’orphelinat, en même temps que la création d’une Compagnie municipale des transports qui deviendra la CTS, en même temps également que la reconstruction de l’Aubette, place Kléber, après les bombardements prussiens de 1870 et l’installation d’une très grande lunette sous la coupole de l’Observatoire astronomique. Je ne sais pas si en regardant dans les astres à partir de la coupole, on pouvait déjà y voir inscrit en lettres d’or ce destin tout à fait particulier. Déjà, lors du centenaire de l’association en juin 1977, François Beck Directeur et Président de l’association, écrivait que «le mouvement communautaire du XIXe siècle inspirait au comité un dessein plus large : poursuivre l’action sociale de l’établissement en assurant par la solidarité, le soutien de ceux qui se lançaient dans la vie familiale et professionnelle». . .

Trente ans après, la fidélité des membres, l’esprit de service désintéressé avec lequel le comité a œuvré est admirable de même que la volonté obstinée des six présidents dont le souvenir reste vivant parmi les anciens.Je serai incomplet – et même injuste- si je ne parlais pas du travail remarquable et engagé de nos administrateurs d’aujourd’hui. Lorsqu’en avril 2002, l’association était sans président, l’effort d’une poignée d’inconditionnels, leur enthousiasme sans faille ont été déterminants pour continuer la mission de l’association. Ils ont engagé un travail de réflexion sur la mise en conformité des statuts, selon les directives du Ministère de l’Intérieur, qui ont été approuvés le 6 décembre 2006. Les anciens pensionnaires ont souhaité longue vie à l’association. Ils méritent notre respect et nous pouvons les applaudir pour avoir assuré la pérennité de l’association. Depuis 2002, l’association a mené un travail de réflexion sur les valeurs qu’elle défend et sur les buts et missions qu’elle se donne et son seul souhait est de voir l’établissement encourager les enfants et les jeunes dès lors

qu’ils ont quitté le Foyer à maintenir ce lien. De très nombreux anciens, toutes générations confondues, reviennent voir les hommes et femmes qu’ils ont connu lors de leur placement et tiennent à partager avec eux leurs soucis, préoccupations et joies. L’association est présente et se donne le temps pour être à l’écoute de chacun et chacune. Tous les anciens ne sollicitent pas forcément une aide mais ils souhaitent simplement que nous soyons là, afin de les écouter quelques minutes.

Aujourd’hui également, l’Internet fait irruption dans notre vie associative, les anciens consultent les sites et envoient des messages du monde entier, Hollande, Allemagne, Angleterre, Corée du Sud etc. Le Conseil d’administration de l’Association des Anciens Elèves a pris la décision de «se mettre en ligne»: en clair, de créer un site Internet où les anciens peuvent consulter nos informations. Depuis quelques années, ils prenaient déjà contact avec nous par courriel et cette forme de communication devrait prendre encore dans les années à venir davantage d’essor. L’association a souhaité malgré son grand âge rester «branchée» et surtout en phase avec la société actuelle.

En tant que Président, je salue avec beaucoup de plaisir et d’impatience, tous ceux jeunes et anciens pensionnaires, anciens éducateurs et personnel en activité et/ou retraité, qui se joindront à nous pour fêter ensemble le 130 ème anniversaire de l’association le dimanche 24 février 2008. Christian PFEIFFER

130 ème anniversaire de l’Association des Anciens Elèves

du Foyer de la Jeunesse Charles Frey et de l’Hospice des Orphelins de la ville de Strasbourg

Le mot du Président

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Le récit de vie est l’une des pratiques les plus courantes de la conversation ordinaire : souvenirs d’enfance, récits de vacances, incidents de notre vie, événements vécus font partie des échanges quotidiens ; les repas entre amis à l’occasion d’un retour de vacances, fêtes familiales, comptes rendus en milieu professionnel sont quelques-unes des situations propices à la narration. Ce sont des tranches de vie qui s’échangent entre convives ou collègues, se croisent selon des styles de langage et des rituels de parole dans lesquels se jouent et se construisent ce que le philosophe Paul Ricœur appelle des « identités narratives », identités personnelles mais aussi identités familiales, associatives, professionnelles, religieuses, etc. Sur un plan personnel : « Je me raconte, donc j’existe et j’atteste de mon existence aux yeux des autres dans les récits de ma vie ». Sur un plan collectif, les célébrations, les commémorations sont des « lieux de mémoire » et d’élaboration de nos identités collectives.A moins d’être transcrits ou recomposés, les récits oraux disparaissent avec les occasions qui les ont vues se former.

Avec l’écriture se constitue l’histoire. L’écriture permet en effet que se créent des archives où la mémoire des hommes s’inscrit dans la durée. Au commencement étaient les légendes et les mythes. On se raconte alors des histoires et sans doute n’a-t-on pas fini !

Pour conforter son identitéDepuis longtemps, l’homme se raconte et crée ainsi sa propre histoire. Autrefois cependant, l’homme appuyait son récit de vie sur de grands récits religieux ou mythiques qui lui donnaient la clef de son existence. Aujourd’hui les peuples ont perdu la foi dans ces grandes références collectives en devenant de plus en plus individualistes. Reste alors à chacun de construire ses propres repères. Grâce à la lecture des événements de sa propre vie, ses expériences vécues deviendront structurantes et formatrices. Par l’énonciation de son récit il se donne une identité dans le monde où il vit, «identité narrative» qui l’aide à se faire reconnaître et à s’orienter dans la vie sociale et professionnelle. Cette mise en histoire provoque chez les auteurs, une réappropriation de leur passé, tel qu’il est, jeu de construction qui permet l’explication et la compréhension de son présent.En réalisant ces écrits les anciens pensionnaires et les membres du Conseil d’Administration de l’Association des Anciens Elèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey et de l’Hospice des Orphelins de la ville de Strasbourg ont voulu léguer à la postérité un travail issu de leur vécu pour matérialiser l’importance qu’a eu dans leur vie ce lieu d’accueil qui leur est cher.

Christian PFEIFFERPrésident

Pourquoi publier des récits de vie ?

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Dans la UtengasseC’est probablement vers 1316, après la grande peste qui ravagea la ville (1313-1315) et après le transfert «extra muros» de l’Hôpital près de la Porte de l’Hôpital que les orphelins furent séparés des malades tant pour des raisons sanitaires qu’éducatives.Un document du XVe siècle nous précise que l’orphelinat de la ville se situait alors dans la Utengasse non loin du Utentörlin.La «Utengasse» n’est autre que la rue Sainte-Madeleine. Cette première appellation apparaît en 1295 et vient probablement de la maison N° 2 dite «Zu Hern Uten», elle changera plusieurs fois de nom au cours des siècles pour devenir sous la Révolution «Rue de l’Amour maternel».A son extrémité, près du mur d’enceinte s’élevait une poterne «Le Utentörlin» datant de 1228 et détruite en 1779. Le plus vieil orphelinat de la ville de Strasbourg occupait donc vraisemblablement le secteur délimité de nos jours par l’impasse Sainte-Madeleine, la rue Sainte-Madeleine. (N°20 et suivant) et la Place des Orphelins juste à côté de l’enceinte médiévale (1228-1334) dont une petite partie est encore visible aujourd’hui rue du Fossé des Orphelins. Ce fossé : le «Waisengraben» a été comblé et transformé en ruelle vers 1822. En ce temps-là, le nombre des orphelins ne cessait d’augmenter. Comme l’institution était municipale et l’administration très soucieuse du sort de ces «pauvres enfants» de nombreuses quêtes furent organisées et l’établissement fut doté en 1500 d’un règlement très précis : « Ordenunge der Weysen in der unser Herren Meister und Rat, Schöffel und Ammann überein kommen sind. » Deux honnêtes et nobles bourgeois choisis parmi les membres du Conseil et de la Chambre des XXI furent chargés d’en surveiller l’application et furent désignés comme tuteurs ou directeurs des orphelins. Ils devaient veiller sur l’orphelinat et ses enfants et vérifier que le Receveur de l’orphelinat, le Père et la Mère des orphelins (Waisenvater und Waisenmutter) ainsi que les employés s’acquittassent avec zèle et probité de leurs tâches. Ces fonctions étaient honorifiques puisque leur seule rétribution consistait en deux fromages, l’un livrable à Noël, l’autre en été. Ce règlement fut à différentes reprises modifié et étendu mais subsista dans ses grandes lignes jusqu’à la Révolution française faisant de l’orphelinat une institution modèle qui témoignait de l’intérêt bienveillant que lui portaient les représentants et les habitants de la ville.

Au couvent Sainte-Catherine

La grande famine de 1518 et la guerre des paysans augmentèrent encore sensiblement le nombre des pauvres et des orphelins, pour se procurer de l’argent on eut recours pour la première fois au moyen des indulgences. Avec l’arrivée de la Réforme de nombreux couvents se vidèrent et la Ville employa leurs revenus pour l’enseignement et l’assistance des plus démunis. L’orphelinat fut transféré dès 1534 dans les locaux plus spacieux du Couvent Sainte-Catherine que les religieuses de l’ordre de Saint-Dominique venaient de quitter. Le Couvent avait été établi sur l’îlot de la Krutenowe (Krutenau-owe ou au signifiant aussi île) hors enceinte de la ville en 1243 et reconstruit en 1397 après l’incendie de la Saint-Julien. Il se trouvait non loin de l’actuelle rue Sainte-Catherine à l’angle de la Place de Zurich et de la rue des Orphelins - Waisengasse, rue de l’Adoption en 1794 et rue des Enfants de la Patrie en 1795. Le Couvent fut transformé en Orphelinat protestant en 1534 et devint après l’annexion française en 1687 Orphelinat pour les deux cultes puis Institut des Enfants de la Patrie en 1792 et Maison nationale des orphelins en 1794. En 1835 cet enclos fut annexé par la Caserne d’artillerie toute proche (Caserne d’Austerlitz). L’église Sainte-Catherine quant à elle servit dès 1557 de grenier à bois et surtout de grenier à blé.Jusqu’à la loi du 16 Vendémiaire de l’An V qui le rattacha aux Hospices civils, l’Orphelinat resta une Fondation autonome qui possédait un important

Histoire de l’orphelinat de Strasbourg

Le Foyer de la Jeunesse Charles Frey, qui a été longtemps plus connu sous l’appellation d’« Orphelinat » ou en alsacien « s’Waisehuess », fait historiquement partie, comme les Hospices civils, des plus anciennes institutions charitables de Strasbourg. En effet, dès le Moyen Age, la ville et ses habitants ont eu pour souci constant de secourir «les enfants victimes de la dureté de la vie ».

Vitrail de 1608 représentant la quête des orphelins

Couvent Sainte-Catherine

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patrimoine provenant de dons et legs divers. Entre 1527 et 1788 plus de trois cents habitants avaient laissé des biens à cet Hospice. Entre autres, Nicolas Berer avait légué pour le salut de son âme, celui de ses ancêtres et de ses descendants une redevance annuelle de sept sacs de seigle à la condition que chaque année, à la date du 6 décembre, Fête de Saint Nicolas, chaque orphelin sachant marcher seul recevrait une pomme rouge avec un nouveau Pfennig de Strasbourg ainsi qu’une belle paire de chaussures neuves en contrepartie d’une oraison dominicale de temps en temps et d’un Ave Maria. Les occasions de verser de simples aumônes étaient fort nombreuses et toutes les semaines la « boîte des orphelins » sorte de tronc ambulant, était portée à travers la ville.Cinq fois par an- à Nouvel an, Pâques et lors des trois grandes foires qui se tenaient alors à Strasbourg avait lieu le solennel «Waisenumzug» : la procession des orphelins. Un très beau vitrail de 1608, qui se trouve encore dans l’actuel Foyer de la Jeunesse Charles Frey, témoigne de cette coutume. « En compagnie du père et de la mère des orphelins, six couples d’orphelins parcouraient la ville en chantant ou en criant : le père et la mère veillaient à ce que les enfants aient un maintien convenable et poli. L’argent ramassé était mis dans une boîte que le père des orphelins portait à la main ou à sa ceinture. Les autres dons étaient mis dans une hotte, portée par un domestique qui accompagnait les quêteurs ; c’est surtout lors de la tournée de Pâques que le domestique ne devait pas manquer, car c’est à cette occasion qu’étaient ramassés les innombrables œufs de Pâques colorés. Pendant cette tournée les orphelins criaient : « n’oubliez pas les œufs de Pâques des pauvres orphelins ! Dieu vous le rende ! » Mais ces générosités donnèrent lieu à des abus, les ménagères strasbourgeoises gâtant trop les enfants, ces charmantes tournées furent peu à peu supprimées. Ce fut certainement au regret des orphelins car comme en témoigne le règlement de 1741 la vie à l’Hospice était très stricte et l’axiome « prie et travaille » à l’honneur.

Au couvent Sainte-Madeleine

En 1836, la Ville céda l’emplacement de l’orphelinat de Sainte-Catherine au Ministre de la Guerre qui souhaitait y élever une vaste caserne. En échange, elle obtint les bâtiments du Couvent Sainte-Madeleine alors occupés par les magasins d’équipement militaire depuis 1795. En 1225, cinq jeunes strasbourgeoises avaient fondé au

Waseneck (Contades) sous le vocable de Marie-Madeleine un Couvent de Repenties (Reuerinnen) soumis à la règle de Saint-Augustin. Agrandi en 1275, il fut démoli deux cents ans plus tard pour des raisons militaires. Les religieuses vinrent alors s’installer dans un vaste espace près de la Utengasse, l’actuelle partie de la Place Sainte-Madeleine –côté écoles. En 1478, on procéda en présence de Geiler de Kaysersberg à la pose de la première pierre de l’église Sainte-Madeleine. L’église qui était orientée différemment, donnait sur une place à l’époque fermée. En 1538, l’église fut utilisée par les Calvinistes et en 1789 seules trente et une religieuses demeuraient encore au Couvent. Avant l’arrivée des Orphelins, la Ville et les Hospices civils firent entreprendre d’importants travaux. Le nouvel Hospice des Orphelins comportait deux ailes de 40m, l’une donnant sur les jardins côté rue des Bateliers, l’autre sur la cour côté rue Sainte-Madeleine, une troisième aile de 60m qui longeait la rue du Fossé des Orphelins reliait le tout. Au rez-de-chaussée se trouvaient les locaux communs de l’école –au premier étage ce qu’on appelait à l’époque le «dépôt» c’est-à-dire l’Asile départemental des enfants trouvés et des orphelins. Mais à peine installés le bruit se répandit en ville que les Hospices civils souhaitaient récupérer ces nouveaux locaux et que l’enseignement et l’éducation des orphelins étaient nettement insuffisants par rapport aux besoins et aux dépenses effectuées. L’établissement fut défendu de façon véhémente par le Docteur Schneegans et le Pasteur Röhrig et la ville conserva cette institution municipale dont elle pouvait être fière et qui était si chère aux strasbourgeois. Un certain nombre de réformes furent entreprises en faveur des pupilles et une attention plus particulière fut accordée à leur éducation. Une école fut par exemple créée au sein de l’orphelinat mais très vite supprimée. On jugea en effet préférable pour les orphelins et leur future intégration dans la société de fréquenter les écoles du quartier afin de bénéficier de la même éducation que tous les autres enfants et d’avoir des contacts avec eux et le monde extérieur.

En 1875 fut organisée la première Fête des Anciens Pupilles et de là naquit l’idée de créer l’Association des Anciens Orphelins de l’Hospice de la ville de Strasbourg, qui fête ses 130 années d’existence, sous l’appellation «Association des Anciens Elèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey et de l’Hospice des Orphelins de la ville de Strasbourg».Dans la nuit du 6 au 7 août 1904, la cathédrale se mit à sonner peu après 23 heures. Un terrible incendie ravageait l’orphelinat et l’église Sainte-Madeleine détruisant ses célèbres vitraux. Malgré les efforts des pompiers les bâtiments et les biens ne purent être sauvés, par contre les cent trente quatre orphelins et les membres du personnel étaient tous sains et saufs. Durant les cinq années suivantes les enfants furent hébergés à l’Hôpital, à l’Ancien Dépôt et à l’Institution Jacoutot. En 1909, ils purent regagner leur nouvel orphelinat, un établissement moderne érigé d’après les plans du Professeur Vetterlein sur l’emplacement d’une ancienne gravière à Neudorf. M.K.

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La sonnerie du tocsin, qui n’avait plus été étendue depuis plus de cinq ans, a provoqué, samedi, à 11 heures et demie du soir, une vive émotion et a mis sur pied la majeure partie de la population de notre ville. Cette sonnerie inattendue indiquait, en effet, qu’un terrible incendie venait d’éclater. L’hospice des orphelins se trouvait en flammes. Vers 11 heures et demie, les gardiens de la plate forme de la cathédrale avaient averti le poste des pompiers du Finkwiller qu’un incendie s’était déclaré rue Sainte Madeleine. Le poste s’est rendu immédiatement sur les lieux du sinistre, mais en y arrivant, M. Vaulon, le chef de poste ayant constaté que ses hommes n’étaient pas assez nombreux pour combattre le feu, a donné téléphoniquement l’ordre aux gardiens de la cathédrale de sonner le tocsin, et en très peu de temps tout le bataillon se trouvait sur les lieux et organisait les travaux de sauvetage.M.Scheer, directeur de l’hospice avait été réveillé par le crépitement du feu qui s’était déclaré au dessus de la cuisine de l’établissement, laquelle, avec les salles de classe et le réfectoire, occupe le rez de chaussée d’un vaste bâtiment, au premier étage duquel se trouvent les dortoirs et le logement des sœurs et du personnel chargés de la surveillance des enfants. Également réveillés par le crépitement des flammes, les sœurs et les surveillants avaient fait habiller les enfants en toute hâte et les avaient fait descendre dans la cour. Mais en faisant l’appel, M.Scheer constata qu’une petite fille manquait ; avec un pompier, il remonta rapidement au dortoir et put sauver l’enfant qui dormait tranquillement dans son lit. Cependant les pompiers, sous le commandement de M. Hey, avaient attaqué énergiquement le feu, qui, avec une rapidité foudroyante, s’était étendu à toute la toiture du grand bâtiment. Les jets de quatorze lances déversaient bientôt des torrents d’eau sur les flammes mais tous les efforts n’ont pas réussi à sauver l’église Sainte Madeleine, dont la toiture reliée à celle du bâtiment en feu s’est subitement embrasée. Le spectacle était terrifiant ; en peu d’instants la tour brûlait comme un énorme fanal et bientôt les cloches se détachèrent de leurs supports et s’abîmaient dans le brasier. La toiture s’est ensuite écroulée sur le plafond, qui s’est effondré, et tout l’intérieur de l’édifice s’est trouvé en flammes. Les magnifiques verrières ont éclaté avec un bruit sinistre et bientôt il ne restait plus que des murs noircis par le feu. . . . .Les efforts des pompiers auxquels étaient venus se joindre un certain nombre de pompiers du Neudorf, ainsi que M. Nuss, le lieutenant des pompiers de Cronenbourg, ont dû se borner à préserver du feu les bâtiments avoisinants. Au bout de trois heures de travail tout danger était écarté, mais pendant de longues heures encore on a dû noyer les décombres d’où s’échappaient à tout instant encore des flammes. La pompe à benzine a rendu cette fois-ci de nouveau de très grands services. . . .Dès la première nouvelle du sinistre, des milliers de curieux s’étaient concentrés dans la rue Sainte Madeleine, sur le quai des Bateliers, dans la rue des Bateliers, sur la place du Sable, la terrasse du Château, bref partout d’où l’on pouvait apercevoir les bâtiments en feu et les gerbes de flammes lançant dans les airs des nuées de flammèches qui allaient s’abattre sur les maisons avoisinantes. Malheureusement la foule, en se pressant aux abords du théâtre de l’incendie et en obstruant le passage, a fortement paralysé au début les efforts des pompiers jusqu’à ce que la police et la troupe réunies aient pu faire évacuer la rue Sainte Madeleine. On nous affirme encore que des excès ont été commis par certains éléments douteux, qui se seraient, entre autres, précipités sur des provisions de vêtements et chaussures qu’on avait sortis en toute hâte de l’orphelinat en feu. Ce qui est certain, c’est que l’attitude d’une grande partie de la foule, qui

La nuit du 6 au 7 août 1904

semblait venue là comme à une partie de plaisir, a été des plus déplorables. Les propos qu’on entendait témoignaient rien moins que de la pitié pour les malheureux sinistrés et le regret des trésors perdus. Tous les orphelins, ainsi que nous l’avons dit, ont été sauvés. Les filles ont été conduites à l’établissement voisin de Saint Joseph, dont le directeur s’était empressé de mettre des locaux à la disposition des enfants. Les garçons ont été installés dans les chambres des enfants assistés qui se trouvent à l’extrémité du bâtiment servant de logement au directeur de l’orphelinat et où on les logera provisoirement. Les filles seront envoyées à l’hospice Lovisa, à la Robertsau.Pendant la journée d’hier, des milliers de curieux ont afflué dans la rue Sainte Madeleine et dans la rue des Bateliers pour jeter un coup d’œil sur les ruines fumantes et sur la tour noircie de l’église.Deux compagnies de pompiers sont restées pendant tout le temps sur les lieux du sinistre pour procéder aux travaux de déblaiement. On ignore la cause du sinistre. Tout était assuré.

Article in Elsässer Journal du lundi 8 août 1904

Incendie de l’Hospice des Orphelins et de l’église Sainte-Madeleine.

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Construction de l’Hospice des Orphelins à Neudorf 1907 à 1909

Il s’agissait à présent d’offrir un nouveau foyer à tous les enfants privés de parents dans notre ville. Il avait été initialement décidé de rebâtir l’institution sur l’ancien site de la Krutenau, mais le conseil d’administration des Hospices civils et le conseil municipal de la ville de Strasbourg décidèrent d’installer le nouvel orphelinat dans le faubourg lumineux et bien aéré de Neudorf, loin de l’atmosphère confinée et oppressante du centre de la ville.

Le bâtiment construit sur l’emplacement de l’ancienne gravière coûta environ 783 093,76 Marks. Il fut réalisé d’après le projet du Dr Vetterlein, architecte à Darmstadt, qui avait été retenu en première place lors d’un concours international.La construction débuta dès novembre 1907 et le bâtiment fut disponible fin 1909, au terme de seulement un an et trois trimestres de travaux.

Le nouveau bâtiment de l’institution peut être considéré comme un modèle du genre en ce qui concerne les progrès en matière d’hygiène et de maîtrise des techniques. Que de lumière, que d’air, que d’espace ! 12 000 mètres carrés de surface y sont disponibles tout espace construit confondu. Le bâtiment principal et les bâtiments annexes, logement du directeur, logement du portier, buanderie et logement du responsable de la chaufferie y forment un ensemble tout à fait harmonieux.Le bâtiment principal, long de 130 mètres et large de 16 mètres se compose d’un corps central et de deux ailes. L’aile droite est réservée aux filles et l’aile gauche aux garçons.

On trouve au sous-sol les locaux suivants : chaufferie, atelier des apprentis, local des chaussures, bains, cuisine, salle de repassage, magasin de l’économat. Le rez de chaussée est occupé par les bureaux de l’administration, les salles de séjour des garçons et des filles, la grande salle à manger des enfants, la salle à manger du personnel, la salle à manger des apprentis et la véranda. Le premier étage est occupé par les dortoirs respectifs des garçons et filles d’âge scolaire ainsi que par l’infirmerie.

Au deuxième étage, on trouve les dortoirs des apprentis et ceux des garçons scolarisés et des filles en apprentissage ainsi que la pouponnière. Le corps central du bâtiment a un étage de plus que les ailes ; on y trouve l’atelier de travaux manuels, des réserves de linge et de vêtements et la salle de couture.

La tourelle permet d’avoir une vue magnifique sur la ville, les Vosges et la Forêt Noire.

Les aires de jeux et le jardin de l’institution permettent aux enfants de se détendre dans d’agréables conditions. A.G. - 1934

Neudorf, le faubourg du soleil . . .

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Dortoir des petits - 1936

Plan original - façade avant

Salle à manger des petits - 1936

L’orphelinat au début du XX° siècle

Atelier pour travaux manuels - 1936 Couloir au rez-de-chaussée

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Le bâtiment à travers les âges

Après le terrible incendie qui a ravagé l’orphelinat et l’église Sainte Madeleine dans la nuit du 6 au 7 août 1904, la ville de Strasbourg décida de construire un nouvel établissement dans le «faubourg lumineux et bien aéré de Neudorf loin de l’atmosphère confiné du centre» tant pour des raisons financières que pédagogiques. Ce nouvel établissement moderne fruit d’un concours international auquel ont participé 30 architectes du Reich, a été érigé d’après les plans du lauréat le Prof. Dr Ing.Ernst Vetterlein sur l’emplacement de l’ancienne gravière (Giesgraben), en bordure de la nouvelle ligne de chemin de fer Strasbourg-Kehl déjà en chantier depuis 1906, au voisinage de « la maison de l’Enfant Jésus », institut catholique pour sourds-muets qui, en 1911, allait devenir la maison paroissiale des Sœurs de la Croix. La construction débuta dès novembre 1907 et le bâtiment fut disponible fin 1909, au terme de seulement un an et trois trimestres de travaux. En retrait de la route du Polygone déjà empruntée par le tram (ligne IV) depuis 1885 s’ouvrait sur un grand espace de jeu plus tard dénommé « Waisemättel » par la population. Une architecture novatricePrenant le contre-pied d’une période durant laquelle l’autorité allemande s’était attachée, au travers d’édifices pompeux tels que le Palais du Rhin à donner à la ville de Strasbourg un lustre « impérial », ce bâtiment édifié par l’architecte Vetterlein, auteur de la célèbre «Städtische Handels-Hochschule de Cologne» présentait toutes les caractéristiques d’une architecture novatrice. Celle-ci se caractérisait principalement par une orientation géographique idéale afin de doter le bâtiment d’un maximum d’ensoleillement grâce aux nombreuses fenêtres (625), vérandas et balcons et des installations modernes conformes aux nouvelles théories des «hygiénistes».Le nouvel orphelinat a été inauguré le 16 juin 1910. La cité Jules Siegfried, fleuron des cités ouvrières, ne sera édifiée qu’en 1927 alors que le monument aux morts le sera déjà en 1923. La présence des orphelins d’abord scolarisés à l’école toute proche de la Ziegelau sera un argument de poids pour obtenir la construction de l’école du Neufeld, mis en chantier dès 1908.

De l’orphelinat au Foyer de la JeunesseSuite aux dommages de guerre subis durant la seconde guerre mondiale le bâtiment sera reconstruit de 1946 à 1952 . L’extérieur ne sera longtemps plus modifié mis à part un simple recrépissage dans les années 1965. Par contre dès 1955, de nombreuses interventions viendront modifier l’agencement intérieur, la vie en grande collectivité étant de plus en plus mal supportée. Le réfectoire collectif est abandonné au profit de petites salles à manger et de séjour. Les dortoirs se situent toujours dans les étages, mais petit à petit des cloisons basses viennent compartimenter, pour plus d’intimité ces espaces collectifs. Par la suite, dans les étages, de véritables appartements avec cuisine, salle à manger, salle de bain, chambres de 1 à 4 lits maximum seront créés. Le rez de chaussée sera dorénavant réservé à la direction et à l’administration et l’accueil du public. Dans les années 80, le Foyer mènera une politique d’ouverture en créant les appartements extérieurs et le service de l’Externat. En 1990, le IIIe étage -service des adolescents sera entièrement rénové. Enfin les travaux de toîture et de ravalement extérieur donneront un look totalement nouveau à l’ancien édifice.

28 octobre 1995Le Foyer avait choisi de marquer le coup en inaugurant solennellement l’établissement enfin rénové au bout d’une dizaine d’années de travaux d’aménagements ou de réhabilitations intérieurs et extérieurs en présence de nombreux invités, parmi lesquels le Président du Conseil général Daniel Hoeffel, les Conseillers généraux Alphonse Beck et Fabienne Keller, le Maire Catherine Trautmann, ses adjoints Marie-Hélène Gillig –par ailleurs Présidente du Conseil d’administration du Foyer de la Jeunesse Charles Frey.

Offrir des perspectivesAprès la présentation de l’historique du Foyer et de sa ligne pédagogique, la Présidente du Conseil d’Administration Marie-Hélène Gillig a souligné « la pertinence de cette structure, espace indispensable avec son projet pédagogique fort et adapté aux réponses personnalisées à des besoins de vie ». Familière du Foyer, dont elle a été membre du conseil d’administration durant six ans, Catherine Trautmann dans son allocution rajoutera : «Il faut offrir des perspectives comme cela se fait à Charles Frey . . . et ne pas oublier que s’il est difficile d’être jeune, il n’est parfois pas facile d’être parents  ; la responsabilité collective est engagée pour les soutenir ».Quant au président du Conseil général Daniel Hoeffel, il a complété ces propos en soulignant l’importance du Foyer Charles Frey ouvert sur le quartier. « Ces enfants en difficultés familiales peuvent ainsi faire partie eux aussi de la vie de la cité ».

Un nouveau chantierSuite à un projet de restruturation indispensable, le Foyer Charles Frey est à nouveau en chantier depuis l’automne 2002. La première tranche des travaux qui devait aménager « les sous-sols et cave en rez de jardin » avec l’ensemble de tous les bureaux de l’Administration et des chefs de service éducatif, l’administration, ainsi que des salles de réunion, n’a pas été achevé complètement, en raison de nombreuses malfaçons (infiltrations, inondation suite à la montée de la nappe phréatique etc...). Un nouveau concours d’architectes a eu lieu en 2007 pour ré-engager la poursuite des travaux de rénovation.

De vocation «municipale» à «départementale»Au 1er janvier 2007 suite à une Convention entre la ville de Strasbourg et le Conseil général, le Foyer de la Jeunesse Charles Frey est érigé en « établissement public autonome à vocation départementale. » C.P.

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gauche, assis dans un coin ou bien suçaient un gant de toilette rafraîchi au robinet. Au lit, ils cherchaient le sommeil en remuant la tête comme ils remuaient le buste le jour. Ce qui était plaisant, c’était la présence de quelques jeux : cubes, puzzles et l’occasion d’apprendre ensemble des chansons. Il était de coutume de chanter tous les jours.

Après cette quarantaine, c’était l’orphelinat. Là, environ 200 enfants étaient regroupés par âge et par sexe, à gauche les garçons, à droite les filles, au milieu selon les étages, la cuisine, le réfectoire, l’infirmerie, le dépôt des tout petits. Les salles d’étude se trouvaient au rez-de-chaussée, les dortoirs dans les étages. En rang par trois, tous se rendaient à l’école du Neufeld. Là-bas, ils étaient mélangés aux autres enfants dont les vêtements et les goûters paraissaient somptueux. Chaque écolier portait un sac à dos d’où pendaient le chiffon et l’éponge de l’ardoise par contre les plus petits tenaient à la main un petit sac fait maison en tissu gris. La pèlerine « protégeait »le tout. Le dimanche matin, c’était la messe ou le culte, celles et ceux qui communiaient devaient rester à jeun. Le jeudi : après-midi, promenade trois par trois dans les rues du quartier ou en ville, quelquefois vers le Rhin, toujours à pied et accompagnés par les surveillants. Les seuls contacts avec l’extérieur étaient les visites éventuelles des membres de la famille et le dimanche après-midi, de temps en temps, des sorties en ville offertes par la municipalité: des séances de cinéma, de concert, des spectacles de cirque ou des visites à la foire.

Admission à l’orphelinat

Le premier jour, l’administration opérait sur l’enfant une transformation physique radicale. D’abord c’était le bain. On vous y plongeait dès l’arrivée, on vous savonnait de haut en bas, on vous y replongeait en enfonçant la tête quelques secondes pour être sûr que toute crasse était éliminée. On vérifiait qu’il n’y avait pas sur la tête quelque pou baladeur. Dans l’affirmative, vous aviez droit à un bonnet à pou (Lüskapp) saupoudré de DDT. Dans tous les cas, la chevelure devait être coupée au ras des oreilles, avec une petite frange sur le front.Les effets personnels ayant disparu, il fallait se vêtir de gris ou quadrillé. Tous les habits étaient en coton sauf la pèlerine et le béret, les chaussures montantes à crochets et à clous, même pour les filles. Les sous-vêtements étaient en tissu rêche : corselet avec élastiques pour attacher les bas, qui eux étaient faits de coton noir tricoté. La culotte était large, genre caleçon, le jupon avait une poche située vers le bas à droite pour y loger le mouchoir et la robe tombait toute droite sans marquer la taille ainsi que le sarrau.

La première étape se situait au Dépôt de l’hôpital civil où, durant quelques semaines, séjournaient, filles et garçons séparés, quelques dizaines d’enfants âgés de 6 à 21 ans. Le temps d’être inscrits, vérifiés, auscultés, vaccinés, observés, dispatchés, selon le sexe et l’âge, peut-être aussi, mais sommairement selon les facultés intellectuelles, on n’utilisait pas encore les tests de Binet ou de Rorschach, dont l’utilisation ne devint massive que vers les années 50. A l’hôpital, comme à l’hospice, pas d’accueil chaleureux. L’important était la propreté ainsi que le bon fonctionnement du système. Cependant, les enfants s’égayaient tous les jours quelques heures devant le Dépôt, même s’ils étaient ahuris et un peu honteux par leur nouveau look. . . Personne ne songeait à fuguer.

Celui qui avait été choyé avant de venir, restait prostré de nombreux jours. Certains petits se balançaient de gauche à droite et de droite à

L’enfant qui avait eu le malheur de perdre ses parents du jour au lendemain . . . était placé à l’orphelinat.

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A partir de 1946, avec l’arrivée de M. Jost commença une ère nouvelle, un espoir pour tous. Il mit en place un projet hardi et révolutionnaire qui permit à chacun de s’orienter professionnellement et se former selon ses goûts et ses capacités. Il ouvrit la maison au monde extérieur, invita des personnalités intéressantes de la ville de Strasbourg et même de Paris. Il changea les mentalités afin qu’il y ait le moins de différences possibles entre un pupille et un autre enfant en instaurant par exemple les «jeudis cinéma» au réfectoire, avec des documentaires et des films comiques. Il prépara le terrain aux futurs éducateurs...

Une journée bien réglée

Avant la guerre, les journées étaient bien réglées, tout devait se faire à heure fixe et les déplacements en rang par deux, en silence. Lever à 6 heures, petite toilette, réfection des lits avec l’édredon en forme de parallélépipède rectangle avec les coins rentrés. Petit déjeuner à 7 heures : café au lait, tartines à la confiture, beurre seulement le dimanche. 7 heure ½ : départ pour l’école.Midi : déjeuner avec soupe, viande et légumes. Goûter : pain barre chocolat ou pain et

pomme ou pain et amandes. Dîner : soupe et pudding ou autre chose de léger.Le coucher était fixé à 20 heures pour les petits et à 22 heures pour les grands et gare à ceux qui bavardaient ! Et pas de nounours. H.S.

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Tenue des enfants d’âge scolaire. Après la communion ou la confirmation, les garçons avaient le droit de se laisser pousser les cheveux et arboraient fièrement le costume des apprentis.

La tenue des tout petits La tenue d’été du dimanche des demoiselles

Tenue des adolescents-apprentis

La tenue des fillettes La tenue des jeunes filles

Nos vêtements

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Nos vêtements

l’orphelinat l’uniforme était de rigueur mais au moins nous étions propres et vêtus correctement de pied en cap. En ce qui concerne les filles, une chemise, une brassière avec deux boutons devant pour accrocher l’élastique qui rejoignait les bas où attendaient les deux autres boutons (il ne fallait pas les perdre) un jupon avec une poche en bas pour mettre le mouchoir, une robe et un tablier à manches genre sarrau. Tout cela en coton. Comme couleurs on trouvait du blanc, du gris, du bleu, du noir. Pour sortir, en semaine on mettait la pèlerine bleu marine et le béret. Aux pieds c’étaient des chaussures montantes à crochets et semelles à clous ce qui était très gênant l’hiver pour faire des glissades. On les appelait des Bochele, prononcez le « ch » comme un « r » dur au fond de la gorge (ch allemand). Un jour à Fouday, il n’y en avait plus. Il fallait mettre des chaussons et des sabots, des vrais en bois. L’été nous mettions des chaussures genre sandalettes à semelles de bois qu’on appelait des « Klepperle ». Le dimanche pour aller à l’église nous avions de vrais manteaux et des chaussures plus fines. On distinguait bien les différentes tenues. . . . Moi, je n’étais pas mécontente quand je pense que ma grand-mère m’habillait de bric et de broc car j’étais le dernier maillon de la « chaîne humaine » sous son toit puisqu’elle avait à 54 ans élevé non seulement ses huit enfants, et accepté d’héberger notre fratrie de quatre. Un jour on a parlé d’emplettes, on brandissait un papier appelé « Bezugschein » et on fait un tour à la ville voisine pour rapporter des vêtements. Je me souviens d’un joli manteau beige avec une broche polychrome représentant une fleur ou un animal et d’une paire de souliers magnifiques, jaunes, avec une lanière passant par-dessus le cou-de-pied fixée sur le côté par un bouton bombé. On m’a habillée et dit : «Tu vas aller maintenant dans une grande maison, avec un grand jardin, où il a beaucoup de gentils enfants et où tu pourras jouer toute la journée ! « Je ne disais rien, comme d’habitude. Je ne répète pas quel fut l’accueil, c’était en 1941.

Après la guerre les vêtements ont changé de style, pour deux raisons : d’abord, la direction avait choisi des tissus plus agréables pour que les couturières nous confectionnent des robes de dimanche, à petites fleurs – ensuite, il y eut un arrivage important de vêtements américains. Ça c’était rigolo. Il y avait de tout, formes, couleurs, textiles et on mettait ça allègrement. Il y avait aussi des chaussures, même à talons, et on les mettait !En ce qui concerne les chaussures en général, que ce soit à l’orphelinat ou plus tard, jusqu’à notre majorité, 21 ans, nous n’avions jamais celles qui allaient vraiment à nos pieds. Bien souvent elles n’étaient pas neuves, donc pas adaptées. Quelquefois suite à la croissance, elles serraient. Toujours est-il que bien des orteils ont été déformés définitivement. . . .Vous pouvez imaginer le regard des « étrangers » sur le chemin de l’école, à l’école, à l’église, en promenade. Il fallait une différence physique qui entraînait automatiquement une différence morale, une certaine honte, le sentiment qu’on n’aurait jamais les mêmes atouts que les « gens normaux ». Toute la vie, on se posera toujours la même question : « Est-ce qu’ils savent ? » et on aura envie de s’excuser d’être ce qu’on a été. Il n’y avait pas la force qui anime certaines communautés où la solidarité fait loi. Nous étions rapidement dispersées, jetées dans la vie, ahuries et gare si le discernement ne venait pas vite ! ou la chance. Question chance les garçons en avaient plus que les filles. Ils étaient appréciés par les patrons et ils trouvaient de gentilles épouses, en particulier les vrais orphelins, ceux de père et mère, et dont l’éducation était particulièrement soignées à la villa, au moins jusqu’en 1946.

Par la suite, cela devint plus équitable. H.S.

Jeunes filles en excursion - 1931

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En mémoire à mes deux sœurs Sans amertume, mon regard se tourne vers un passé lointain «être orpheline à douze ans». Nous étions trois sœurs, après le décès de mon père j’avais trois ans, nous passions notre enfance auprès d’une mère inoubliable. Puis notre sort fut  : «l’orphelinat». Une grande bâtisse propre, rangée, mais ô ! combien sans âme, ni chaleur. Austère ces longs couloirs, ce réfectoire, les dortoirs. Dès notre arrivée, nous recevions un numéro pour notre linge, pour moi le n°211. L’ uniforme gris et noir, table chaise et armoire, rien ne manquait si ce n’est l’essentiel : « la chaleur humaine ».Après le certificat d’études à l’école Ziegelau, nous montions dans une classe d’âge destinée aux travaux de ménage. Tous les six mois, nous passions dans différents services sans pouvoir choisir, lingerie, couture, cuisine, buanderie, pouponnière, nettoyage de la maison. Nous étions une trentaine d’adolescentes. Pour nos loisirs la lecture, broderie, peu de jeux, le sport et l’art interdits aux filles. Souvenir pour moi très apprécié nos heures de culture générale sous l’œil vigilant de notre très austère directrice.Les matinées du dimanche étaient consacrées à nos paroisses respectives et les après-midi à la promenade en rang avec interdiction de choisir sa compagne. Tout ce qui touchait à l’affection, la sympathie était bannie. Une fois par semaine, nous pouvions recevoir la visite de la famille et amis de l’extérieur. Ce jour permettait aux frères et sœurs de se voir sous surveillance .Bien sûr il y eu des révoltes, mais très vite on nous menaçait d’un internement au « Bon Pasteur » institut de redressement. A ma connaissance deux filles passèrent leur adolescence là-bas et furent marquées à vie. Il y a eu aussi des pensées suicidaires, des moments de solitude, lassitude, prétexte à un séjour à l’infirmerie. Le médecin et l’infirmière étaient très compréhensifs à notre égard. C’est là que j’ai pu enfin avoir quelques contacts humains

avec des adultes et des petits enfants.Un peu de baume au cœur les jours de fêtes de Noël, Pâques où nous recevions des cadeaux, du chocolat…Autre souvenir marquant les soirées de chant sous la direction d’un instituteur, musicien de la ville. Nous formions un très beau chœur qui fut apprécié par les autorités lors des différentes fêtes.Le soir, nous montions en rang dans nos dortoirs en silence. Souvent le soir un ancien orphelin « surveillant » des garçons jouait à la flûte de belles sérénades qui raisonnaient à travers le jardin. Bien à toi, Emile.

L’idée géniale de la municipalité était de nous offrir une villa - la maison de vacances à Saverne : de l’oxygène, des prés, où nous pouvions courir, nous épanouir et crier à cœur joie.Je fus une privilégiée. A 18 ans, le directeur, le «père Goetz» m’a envoyée à Paris pour suivre des études de puériculture. J’y suis restée deux ans ce qui m’a permis après la guerre grâce à mon assiduité d’être reclassée infirmière aux Hospices civils de Strasbourg, où j’ai travaillé pendant 25 ans. Je pense avec regrets à mes compagnons qui n’ont pas eu cette chance. Avec le recul du temps, l’expression « prison sans barreaux » ne serait-elle pas justifiée ?Au nom de tous les orphelins, je déplore la surdité, l’aveuglement, la lâcheté de la bourgeoisie de cette époque.Hélas ce fut le sort des orphelins des années 1930. A tous les anciens, filles et garçons, j’adresse ma sincère affection. J. E.W.

Orpheline à 12 ans

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de se faire soigner. La surveillante, avec un coton hydrophile, passait dessus un liquide incolore et inodore, probablement de l’eau oxygénée et qui faisait des bulles. Elle épongeait plusieurs fois puis elle badigeonnait la plaie avec de l’iode. Quelquefois elle arrachait la croûte. Le lendemain c’était le même scénario. Les plaies étaient longues à guérir et elles ont laissé des traces visibles encore aujourd’hui chez certaines personnes . . . Pour des questions d’hygiène et de propreté,chaque semaine on nous coupait les ongles, bien à ras, quelquefois ça saignait même un peu. Chaque semaine également les W. C. étaient passés au crésyl dont l’odeur caractéristique reste gravée dans ma mémoire. Par contre l’eau de vaisselle était plutôt grasse . . . nous ne disposions d’aucun produit mousseux et parfumé qui aurait pu rendre en même temps «nos mains si douces».. . H.S.

Hygiène et santé

La grande toilette se faisait le soir : figure, bras, pieds et brossage de dents. Même en temps de guerre, où la nourriture était à peine suffisante, on avait toujours du savon et du dentifrice, de petites savonnettes blanches, légères, qu’on appelait « Menschefettseif » et du dentifrice rose, un peu ocre, dans de petites boîtes rondes métalliques, un produit compact sur lequel on frottait la brosse pour en prélever un peu.Chaque samedi, séance de bain, collectif pour les petits, en cabine avec baignoire pour les grands. Chaque semaine également on changeait de linge. Pour les draps c’était chaque mois.Au printemps, par beau temps nous sortions les matelas. Quel joyeux branle-bas ! On les descendait tant bien que mal dans la cour, de préférence sur l’herbe et au soleil. On tapait dessus avec des bâtons, de chaque côté et on les remontait dans la journée.Avant mon arrivée je savais qu’il existait des maladies infantiles telles que rougeole et varicelle, mais là j’ai entendu parler de gale, scarlatine, coqueluche par des enfants qui revenaient de l’hôpital. A l’infirmerie ne se traitaient que les infections bénignes. On y montait pour un bobo au genou, on y restait pour une angine, pour une otite ou pour une jaunisse, deux ou trois semaines avec des repas différents, plus légers mais meilleurs à notre goût : pudding, semoule, compote. A aucun moment je n’ai été témoin de maladies graves ou fractures. Par contre, les petites plaies qui n’en finissaient pas de guérir étaient monnaie courante, surtout à Fouday où l’air de la campagne aurait dû nous faire du bien. Chaque jour nous faisions la queue pour montrer une croûte pas très jolie, un abcès qui se formait, au genou, à un doigt. La moindre chute, la moindre égratignure pouvait faire craindre le pire. On nous disait que si on voyait un trait rouge c’était dangereux. Le matin nous guettions une rougeur, un point de pus à un doigt ou au coin d’une croûte au genou. On pressait un peu l’endroit, pour faire glisser la sanie avant

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Tenue de sport des filles de l’orphelinat - 1940

Les passionnés de handball - 1973

ESPOR - club «Espérance Orphelinat» - 1941

Une vie en groupe

L’ouverture aux autres a été une des valeurs développée : c’est tout simplement l’école de la vie, là où on vit en communauté, on apprend à partager, on apprend la tolérance,

on acquiert l’autonomie et la débrouillardise.

Fête des anciens - 6 mai 1979

Saverne 1963

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Avec M. Rahn -professeur de sport

Les années 60 . . . «souvenirs, souvenirs ! »

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Tout d’abord les repas. Manger est une fonction vitale. Bien manger est un confort, voire un plaisir. Il faut dire que bien manger pour un orphelin est une chose rare, si rare qu’il oublie un peu à quoi cela ressemble, donc il ne revendique pas. Mieux, sa mémoire met vite au second plan les schémas d’avant, aidée par l’indifférence du staff et confortée par l’idée que désormais c’est ainsi. L’orphelin est perdu dans la masse des deux cent enfants qui subissent le même sort, au même endroit, ensemble, garçons et filles de 6 à 21 ans. Au milieu du réfectoire, se trouvaient les tables des petits et plus on s’en éloignait, plus augmentaient les âges, les garçons côté tribune et les filles côté salle à manger du personnel. Donc pas de promiscuité, pas de regard de connivence et surtout aucune parole. A part la prière, silence total, sauf les couverts en aluminium assez malléables, mais défense de les tordre. La galère ! Tous les jours, les filles passaient devant la salle à manger des surveillantes et leurs narines faisaient des comparaisons avec ce qui les attendait plus loin, qui n’était ni rissolé, ni gratiné.Le matin, on apportait d’énormes marmites contenant le « café » au lait mélangé et « sucré » où nageaient, ô merveille pour les uns et dégoût pour les autres, des lambeaux de peau qu’on nous persuadait être de la crème et qu’on nous forçait à avaler : « ça et rien d’autre. » Avec ça une tranche de pain noir, tartinée d’une espèce de marmelade ou d’un drôle de miel.A un moment donné, il y avait même au petit déjeuner un bol de soupe. A midi, de nouveau les grandes marmites et dedans un brouet de légumes et viande. En général, c’était comme cela. Et le soir, des pommes de terre en robe des champs avec un quart de lait froid aux reflets bleutés donc coupé d’eau ou

Le réfectoire

bien une espèce de fromage infâme appelé « Mainzerkäs ». Mais une chose m’a quand même étonnée : nos dents restaient belles, du moins dans mon souvenir, à croire que seul le brossage faisait ce petit miracle ? Question nourriture, nous avions droit de temps en temps à un petit plus apporté par la famille. Quand celle-ci venait, on se faisait appeler dans la véranda. On restait là à dévorer quelques friandises, les tantes pleuraient, gantées et chapeautées, tripotant leur sac à main d’où sortaient quelquefois des marks et quelques tickets de pain que ma sœur transformait en petits pains sur le chemin de l’école. Elle était débrouillarde.Le réfectoire changeait d’aspect lors des fêtes de Noël et lors de la fête annuelle. Tout le monde se réjouissait de voir le spectacle, d’entendre les chants magnifiques et même d’y participer tout en ayant très peur d’être mauvais. Chaque année c’était différent et pourtant chaque année la qualité y était. H.S.

Réfectoire des enfants à la colonie de vacances à Saverne. Traduction de l’inscription murale:

«La générosité des citoyens strasbourgeois apporte du bien-être à plus d’un enfant». 1936

Enfants à table en colonie de vacances à Saverne

Salle à manger du personnelcolonie de vacances à Saverne

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Tout le monde à table !

Le repas collectif de tous les pensionnaires était d’usage dans la très grande majorité des établissements d’hébergements ou de pensions scolaires et l’est encore actuellement lorsque les conditions matérielles réduites y contraignent. J’ai eu moi-même dans ma jeunesse le plaisir très partagé de prendre mes repas avec plus de 300 pensionnaires d’un établissement scolaire. Un système de monitorat permettait à deux « frères » d’assurer discipline et silence jusqu’au dessert.

L’orphelinat de Neudorf avait un trait distinctif : il était mixte et garçons et filles mangeaient dans la même salle, séparés et sans jamais se parler. Même le langage des regards était surveillé par la maîtresse de maison et son collègue, l’inspecteur des orphelins. Les jeunes gens avaient évidemment leur salle à manger à part ; ce qui avait permis antérieurement de supprimer les cloisons mobiles imaginées lors de l’installation. Le repas commençait et se terminait par une prière commune. Très pratique pour la mise en route mais qui s’était transformé par la transmission orale en incompréhensible salmigondis. Il faut ajouter que l’immeuble avait été conçu pour l’usage : la cuisine, au sous sol étant surmontée au rez-de-chaussée par le réfectoire alimenté par un monte charge. Cette grande salle, réfectoire et salle de fête, étant elle même le lieu de convergence des couloirs. Pendant que les enfants mangeaient, le personnel éducatif prenait lui aussi ses repas au « réfectoire » contigu : deux demi heures de congé bien nécessaire entre 6h30 et 14 heures, 16h et 20h45.Arrivèrent les psychologues. Les enfants, disaient-ils, avaient besoin d’intimité ; l’heure du repas était une heure bénie pour le contact ; ils devaient manger avec leurs éducateurs, substituts maternels. Branle-bas de combat ; il fallait bouleverser un système si bien huilé.

A partir de 1954, progressivement les enfants mangèrent dans leur salle d’étude, devenue salle de séjour. On acheta des plats, des gamelles supplémentaires pour des récipients isothermes, on créa de nouveaux circuits de service.Mais le cadre de vie ne respirait pas encore la douceur de l’intimité familiale et les silences imposés avec une discipline de fer restèrent identiques à eux- mêmes. Ce fut le point de départ de gros travaux d’aménagement et de changements dans le plan de service. Sur leur demande les éducateurs continuèrent à manger dans leur réfectoire avant les enfants, sans problème pour le déjeuner bien que les « promenades » pour aller quérir les enfants dans les écoles fussent violemment digestives. Le soir à 18h30, les deux éducateurs chefs se chargeaient de la demi-heure de surveillance, «chiens de garde» souvent portés à aboyer d’une salle à l’autre ou des salles de séjour vers la cour, tout en suivant d’un œil expert et d’une oreille attentive et sélective les leçons d’histoire ou de grammaire et les chahuts naissants en d’autres lieux. . . . Les jeudis et samedis plus de 60 garçons de 6 à 14 ans s’entassaient « sagement » sur 10 m² de plancher pour écouter la lecture d’un livre

ou un disque de musique classique. Une belle épreuve d’autorité et d’obéissance, pas toujours concomitantes, parfois très réussis cependant : grâce au choix de l’histoire on sentait parfois une communauté d’émotion artistique ou une tranquille torpeur due aux fatigues antérieures. Plus tard ces séances « culturelles » furent très heureusement suivies du prêt de livres de bibliothèque. Entre temps la télévision avait pris le rôle de baby-sitter.

Une nouvelle phase fut introduite en 1967. Suite à de nombreuses embauches et à une politique de formation persévérante le plan de travail des éducateurs avait été allégé et leur mission précisée. Toutes les salles, dortoirs compris avaient bénéficié d’un plan de transformation. La totalité des éducateurs décidèrent à l’initiative des plus jeunes de prendre tous les repas avec les enfants, à l’exception du petit déjeuner. Ce fut une révolution facile pour ceux qui venaient d’entrer dans la carrière mais plus dommageable aux estomacs des plus anciens. qui perdait aussi la seule occasion quotidienne d’échanger librement ! . . .. Mais la roue avait tourné . . . la vaisselle inox chères, bruyantes et «carcérales» fut remplacée par de la faïence. Certains menus subirent également l’outrage du temps en particulier le café au lait du vendredi soir, honnis par les médecins... La parole circula de plus en plus facilement à table, le nombre d’enfants par groupe diminua de 20 à 18, puis de 18 à 15 et enfin à 12 pour former presqu’une sorte (encore grande) famille autour de l’adulte. Cette révolution favorisa de nouvelles relations entre adulte et enfants qui devinrent plus intimes et plus conviviales et la découverte des arts et des saveurs de la table. F.B.

A la colonie de Saverne

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Je ne puis aborder le sujet « Etudes et Jeux » sans penser aux différents sens de ces deux termes. A l’époque, pour moi, jeune garçon, les «Etudes», dans le sens travail scolaire n’étaient pas ma préoccupation principale. Quant aux lieux, au foyer appelés « Etudes » où nous nous réunissions, enfants d’un même groupe, ils réveillent en moi une profonde tristesse et pour cause. Le premier endroit où l’on m’installa lors de mon admission fut l’Etude des petits. Cette salle de séjour pour enfants jusqu’à 10 ans fonctionnait sous l’autorité de Mam’zel Scheny. Deux rangées de table à trois places chacune avec ouverture pour rangement des sacs d’école flanquées de longs bancs bien costauds et très lourds à retourner sur ces tables pendant la corvée de balayage. Des petites armoires individuelles murales alternaient avec les très grandes fenêtres arrondies dans le haut toujours en place. Tout cela me semblait colossal, sans intimité.J’étais donc parachuté dans cette salle de classe, au plancher fraîchement huilé ressemblant à des milliers d’autres salles de classe que tout un chacun a connu. Je me retrouvais seul avec mon désarroi. D’autres orphelins comme moi vivaient certainement pareille tristesse à leur arrivée. Abandonné, je me trouvais tout miniaturisé dans ces lieux surdimensionnés où, il ne reste plus que le chagrin, la douleur de la perte des parents et de son foyer familial. Et encore le chagrin devait être caché camouflé vis-à-vis des autres.Du désespoir d’un enfant face à cet inconnu, jamais personne n’en a parlé dans l’histoire des orphelins. Aucune main ne se tendait vers l’enfant délaissé sauf celle de Mlle Scheny, au cœur gros et foncièrement bonne qui se débattait vaillamment, seule pour maîtriser les multiples corvées quotidiennes de notre groupe.Le groupe de retour de l’école s’annonçait par le martèlement de 50 chaussures sur le carrelage dans le corridor et faisait une entrée fracassante dans l’Etude. J’étais incorporé dans une nouvelle réalité d’autant plus que mon crâne rasé suscitait les railleries de ces saboteurs de moral de bas âge. Rien ne pouvait plus guère m’enfoncer d’avantage et l’attribution du trousseau uniformisé avalisait totalement l’internement. On m’a dit que je n’étais plus le « Robert » mais le n°231. Il ne me restait plus que les yeux pour pleurer et le meilleur endroit possible était en cachette au lit.Mais le temps a bien voulu arrondir les angles et l’Etude comme la vie de tous les jours, devenait petit à petit plus vivable; la camaraderie permettait de surmonter bien des épreuves.Malgré les quantités de devoirs pour l’école et les multiples prières récitées plusieurs fois par jour, le souvenir le plus marquant restera quand même celui des divers jeux qu’on y organisait. Ils différaient selon les âges et surtout en fonction de l’esprit inventif de certains. En grande ligne, ces jeux étaient une exclusivité et étaient propre au foyer. Le «top» étant bien entendu les matchs de football avec boutons (Knepfel’s). Ces boutons taillés, sélectionnés et préparés spécialement, propulsés par pression, devaient taper dans un petit bouton-ballon pour atteindre le but. Le tout

passionnait énormément notre petit monde et ni sur le chemin de l’école, ni en promenade, le moindre bouton parterre n’a échappé à nos yeux avertis et scrutateurs. Le Tour de France également nous donnait l’idée de créer des circuits sur carton où alternaient couleur et originalité. Tous les noms des grands coureurs figuraient actualisés sur nos pions. Mais par-dessus tout figurait notre «Racing». Nous étions invités pratiquement à chaque match et rarement punis de stade puisque nos surveillants en étaient également friands. Aussi avons-nous acquis non seulement de sérieuses connaissances sur les techniques et performances de chaque joeur mais aussi sur leur vie privée qui n’avait plus de secret pour nous. Aujourd’hui encore me reviennent les noms de l’équipe pro de 1932 avec Papas (après Oudet) Hummel, Scharwatt, Halter, Veillard, Schaden, Pawlac, Keller, Hawlicek, Rohr, Hiesserer, Hartong. De loin la table des logarithmes n’était pas aussi évidente à apprendre.

Les activités au grand air étant non négligeables, notre jeu préféré devint inévitablement le football. Une belle équipe étant sortie de ces presque journaliers matchs d’entraînement. Ce fut le début de l ‘équipe « l’ESPOR » (Espérance Orphelinat) avec tout le tralala : chaussures de football, culottes noires, maillots jaunes avec col noir et tout et tout…C’était sublime, nous étions et cela va de soi, des supporters inconditionnels de notre équipe Fanion.Après le football, je crois que le « Baches» était notre deuxième jeu préféré ; il consistait à envoyer avec un violent coup de poing, un ballon mousse dans le but adverse. On pouvait le jouer à 2 ou à 4. Les supporters étaient quand même moins nombreux qu’à Roland Garros.

Il y avait encore le «cheval long» (s’lange Ross). Ce jeu consistait à sauter sur l’équipe adverse courbée et alignée afin de supporter le plus de cavaliers possibles. Cela finissaient régulièrement par un effondrement, un pêle-mêle et dans l’hilarité générale. Je citerai aussi le polo et plus tard le basket. On se souvient avec beaucoup de plaisir de ce bon côté de la jeunesse, d’une bonne camaraderie qui tient pour certains encore après plus d’un demi-siècle... R.R.

Etudes et jeux

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Nous fréquentions l’école du Neufeld j u squ ’ en 1943 , puis après 1946. L’architecture est la même aujourd’hui. A l’entrée de la rue Jules Rathgeber il y avait la cour des garçons, les classes; à gauche les filles, à droite les garçons et entre les deux une cour avec une fontaine tarie au milieu. De 1941 à 1943, cette cour

servait aux récréations des filles. Il fallait marcher en cercle, lentement, par trois ou quatre, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Le goûter était inexistant pour nous avant 1943 et nos envies nous poussaient quelquefois à de petites mendicités. Après 1946, il y avait distribution de gâteaux secs, je suppose des surplus de l’armée car ils laissaient dans la bouche un goût un peu âcre de tabac. Pendant l’occupation, nous avions un maître dont je me rappelle vaguement les « leçons » de calcul, de lecture et de géographie. Pendant que nous lisions, il passait dans les rangs, lentement, les mains derrière le dos, ses longues jambes dans de grandes bottes et de temps en temps il disait : « Jetzt möchte ich gerne mal das Maüschen pfeifen hören ! »1 et il pinçait l’une ou l’autre fillette dans le gras du bras. Moi, j’ai eu de la chance, il ne devait pas me remarquer. Je me souviens de son nom : Herr K. » Nous en avions toutes peur. A Fouday entre 1943 et 1945, nous avions une institutrice adorable qui vivait avec sa sœur au bout du village en allant vers Solbach. Elle venait dans notre maison par demi-journées pour nous faire lire, calculer et chanter. Une fois par semaine le pasteur Rentz venait faire le catéchisme aux enfants protestants et je vois encore les livres de chants et de prières caviardés avec de l’encre de Chine noire. Mystère. Avec les enfants catholiques nous montions tous ensemble à Blancherupt chez les pères, probablement des franciscains car ils portaient de grandes bures couleur marron nouées de corde blanche. Ils donnaient à tout le monde des images pieuses. Pour y monter nous prenions un raccourci assez raide que nous avions toujours plaisir à dégringoler, même l’hiver et bizarrement, si nous avions toujours faim, nous avions rarement froid. En

Écoles

1945, j’ai dit ailleurs combien était pénible l’apprentissage de la langue française. Là aussi, en y réfléchissant bien, nous aurions dû connaître cette langue puisque nous vivions dans la vallée de la Bruche. Mais, nous n’avions pas de contact avec la population, donc nous n’avons même pas pu attraper l’accent vosgien en deux ans ! A Saverne nous fréquentions l’école communale.

Dans ma salle il y avait plusieurs cours. Je crois que j’étais au CE1et comme j’apprenais vite j’écoutais ce qui se disait au cours du rang voisin.De retour à Strasbourg, en 1946 nous avions déjà de bonnes bases et en travaillant beaucoup, nous pouvions avoir un niveau honnête et rattraper un peu le temps. Nous avions même l’espoir de pouvoir faire des études secondaires, grande nouveauté dont on imagine mal l’importance aujourd’hui où il y a tant de choix. Mais une chose m’étonnera toujours, c’est qu’à l’époque on ne contrôlait ni la vue, ni l’ouïe. Quand un enfant n’entendait pas bien il passait pour stupide (ma sœur). Un jour en passant dans notre étude, le directeur M. Jost m’a vu lire le nez collé à quelques centimètres du livre et il me dit : « Hélène regarde moi ! » J’avais certainement un air hébété. Le lendemain on m’a emmené, chez l’oculiste et j’ai eu des lunettes. Figurez-vous que j’étais déjà en 5ème et que mon défaut s’appelle «astigmatisme».

Dans ma famille, personne ne portait de lunettes. Ils n’ont trouvé rien d’autre à dire que : « Oh là là, tu vas faire peur à nos bébés ! »

En tout cas moi, j’ai étudié avec plus de plaisir encore. H.S.

1Traduction: maintenant j’aimerais bien entendre la petite souris parler.

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Du beau jardin . . .

Je découvris lors de mon entrée à l’orphelinat en 1932 avec beaucoup d’émerveillement malgré mon immense chagrin, ce grand et magnifique jardin, joyaux et ornement de la monumentale maison. Par sa symétrie et les constants soins apportés par le vaillant jardinier Fritz Rappolt, qui voulait en faire un vrai jardin à la française. Admirable petit parc, il avait tout pour plaire sauf peut-être son accès. « Accès réservé », il devait appartenir au monde select. Je ne me souviens pas d’y avoir mis les pieds à part l’une ou l’autre corvée de ramassage de petits papiers. La vue de ce jardin fut plus belle encore des étages supérieurs où se trouvaient les dortoirs, car c’est de là aussi que nous pouvions, le soir pendant la bonne saison, observer les grandes filles apprenties, Lehrmaedle, autorisées à tourner en rond, par deux, pendant toute une demi-heure. Je pense que le cœur de plus d’un des nôtres devait battre plus vite à ces moments.

Ni la petite porcherie ni les autres petites dépendances ordinaires qui entouraient les maisons de maître, ne dévalorisaient l’endroit. . . .Ce romantisme s’estompa doucement avec l’installation d’aires de jeux et du terrain de basket.

Cependant nous garderons le souvenir de cet endroit comme d’un havre de paix, propice aux rêves et à l’éclosion de notre jeune sensibilité. R.R.

Vu du réfectoire, de l’infirmerie ou, mieux, du dépôt, le jardin était magnifique à voir et semblait profiter des soins attentifs de jardiniers qualifiés. La partie centrale où des haies formaient des cercles concentriques était séparée par des allées nettes où l’on pouvait imaginer voir se promener quelque duchesse ou quelque roi. De quoi étaient composées ces haies ? Troène, Buis ? Aubépine ? Je pencherais plutôt pour le buis parce que l’ensemble était vert sombre. Mais seuls les spécialistes peuvent se prononcer ou alors ceux qui avaient le droit de s’en approcher pendant leur travail ou leurs loisirs. Les filles, quel que fut notre âge, nous n’avons jamais eu accès à ce jardin. A peine, si de temps en temps, nous pouvions rôder aux alentours des vieux pommiers qui poussaient devant notre aile, près de l’entrée de la cuisine. Au printemps, nous admirions leurs petites fleurs très claires presque blanches. Ensuite, par grand vent, nous pouvions ramasser des pommes minuscules, trop faibles pour rester accrochées et tombées dans l’herbe sous les rafales. Nous les goûtions pour les recracher car trop aigres et car on nous avait averties que nous en aurions mal au ventre. Quelquefois, quand d’aventure nous cherchions une balle égarée,il nous arrivait de sentir dans notre cou quelque chose bouger. C’était une petite chenille verte tombée de l’arbre qu’une camarade délogeait aussitôt, jetait à terre et écrasait de son pied en riant. Quant aux fruits mûrs, même s’ils étaient à portée de main, défense d’y toucher. C’était l’affaire de l’intendance. Et nous étions obéissantes.H.S.

Version fille Version garçon

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Au terrain de sport

Version d’un futur directeurCe beau jardin dura le temps de la pénurie consécutive à la guerre 1940-45 et surtout jusqu’à la mise à la retraite de M. Weber, factotum, chauffagiste, « porteur de la serviette du directeur» lorsque celui-ci se rendait à l’Hôpital et jardinier émérite. Il partageait avec son épouse le rôle de concierge. En ce temps là, l’apport d’une partie des légumes du jardin, des poules et des œufs ainsi que des porcs de l’élevage pratiqué dans les cabanes au fond du terrain représentait un supplément de revenus non négligeable dans un ménage. Et, comme les distractions étaient rares et chères, un excellent passe-temps par rapport au bistrot. Après son départ, lentement, insidieusement l’éclat du jardin alla pâlissant ; les porcs disparurent, les volailles se firent rares, une partie du jardin devint friche.A mon arrivée en 1953, M. Jost, directeur, m’alloua généreusement un avantage en nature non déclaré au fisc : l’usage de 100 m2 de terrain, juste sous les fenêtres de la salle des fêtes et pas loin du téléphone ! Hélas, pas de porcs, pas de fumier et donc de maigres légumes. Pire encore : les fenêtres des garçons s’ouvraient subrepticement laissant passer des tonitruants « Bur ». Curieuse manière de se venger de l’autorité difficilement établie du nouvel inspecteur que j’étais … ou de préparer leur futur métier d’involontaires garçons de ferme ! Passons … Plus grave encore, non contents d’envoyer des mots doux au jardinier amateur, ils le chargèrent du ramassage des détritus, chaussures, béquilles et autres préciosités. Les carottes n’avaient pas le temps de grossir et les tomates de commencer à rougir ; les pieds de salade servaient à l’entraînement au dribble. Si bien que les projets d’aménagement d’un terrain de sport me soulagèrent autant que le concierge M. Delfosse d’une tâche ingrate et je m’engageai

avec enthousiasme dans une opération destinée à amorcer la pompe à crédits. M. Angst, représentant régional de la ferme Lesieur trouva judicieux de faire désigner l’orphelinat seul représentant de Strasbourg et de l’Est dans un concours radiophonique inter villes. Il s’agissait de rassembler chaque semaine le maximum de réponses exactes à une question posée lors d’une émission publique à Radio Luxembourg. Les amis de M. Jost, directeurs d’école et leurs élèves, mirent dans le coup des maîtres et leurs élèves d’une dizaine d’établissements du centre ville et des banlieues. Et chaque semaine pendant cinq mois je fis le tour des écoles en mobylette pour ramasser les bulletins (de 10 à 40.000 environ) et encourager les troupes. L’Hospice des Orphelins gagna la demi-finale, puis avec l’aide des dieux, le marché des huiles à Strasbourg était prometteur la finale. Celle-ci contre Reims eut lieu dans la grande salle –encore réfectoire et gagnée haut la main par une valeureuse équipe du personnel et des collégiens aidée et stimulée par l’animateur de l’émission, Monsieur Champagne et, secrètement par une commission d’enseignants retranchés dans le bureau du directeur, mystérieusement averti de la teneur des questions. C’est ainsi que la Direction des Hospices Civils voulut bien inscrire au budget l’aménagement du terrain de sport en supprimant néanmoins le projet d’écurie à poneys et la mare aux canards dont rêvait M. Jost pour la joie des petits. Cette action intéressa de nombreux amis qui nous restèrent fidèles et, subsidiairement, m’apprit à me servir d’une mobylette et à jeter un coup d’œil indiscret dans les coulisses des jeux radiophoniques. F.B.

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On dit que les premières années de la vie d’un enfant sont déterminantes pour toutes les autres à venir. En partie cela doit être vrai. Ainsi, quand, comme moi, vous avez passé votre petite enfance à la campagne, vous serez toujours à la recherche de la liberté de mouvement propice dans un village où tout le monde se connaît, où tous les adultes jettent un œil sur les enfants des uns et des autres et où les dangers physiques et moraux sont moins courants qu’à la ville. En effet, les cours, les granges et les jardins nous étaient accessibles. Souvent restions-nous à l’autre bout du village où on nous donnait une tartine et une boisson pour ne rentrer qu’à l’heure des principaux repas et pour dormir. Le soir, les gens disaient : « Rentrez vite, sinon le Nachtgrapp (corbeau de la nuit) va vous emmener ». Nous connaissions des recoins, des greniers, des caves, toujours ouverts, nous montions sur les murs et même sur les toits et parfois nous pouvions surprendre la vie intime des animaux. Aussi, une fois de retour dans le dédale des villes, plus rien . . si ce n’est les quatre murs de l’étude, du dortoir, des toilettes, du réfectoire, de la classe, et les longs couloirs .

Étonnez-vous que nous ayons eu envie de nous échapper. Pas au début, nous étions trop accablées. Ne plus rester derrière des portes fermées, ne plus rencontrer l’œil sévère de la surveillante, ne plus marcher en rang, ne plus faire telle chose à telle heure, ne plus avaler un plat qu’on n’aimait pas même si on avait faim, ne plus mettre les horribles vêtements gris même s’ils sentaient le neuf ou la bonne lessive, rien qu’une petite fois.C’est pour cela sans doute qu’un jour j’ai suivi une « étrangère » chez elle après la classe, certes pas longtemps, juste pour un goûter et pour admirer ses poupées.

C’est pour cela certainement que je me suis jointe au groupe qui ramassait des habits destinés à la N. S. V. et qu’avec Rose-Marie, j’ai séché une séance de plein air pour aller prendre le thé chez une dame qu’elle connaissait. C’est pour cela également qu’avec des copines de classe, j’ai été au cinéma un après-midi de cours pour voir un navet. Le comble est que je n’ai subi aucune sanction ! Est-ce pour cette raison que je n’ai pas pris l’habitude de fuguer et que j’ai opté pour une autre forme d’évasion, la lecture qui dans cet univers était possible.

Entre 1941 et 1945 on ne peut pas dire qu’il y avait pléthore de livres, les seuls dont nous disposions étaient les manuels scolaires, assez pauvres en illustrations, quelques Max und Moritz et des livres religieux.Les catéchismes catholiques débutaient par des questions et des réponses : « Pourquoi sommes-nous sur terre ? ». . . - Nous sommes sur terre pour servir Dieu et par ce moyen gagner le Ciel...Certaines camarades possédaient des missels aux pages fines, délicates, en couleur et aux images entourées de dentelles de toute beauté,

Liberté

représentant la Vierge vêtue de bleu portant l’enfant Jésus ou Jésus adulte avec un cœur resplendissant sur la poitrine ou encore des Saints en robe brune, noire ou blanche. Nous possédions aussi des médailles en alu à l’effigie de Sainte-Thérèse.Pour les protestantes, il existait un gros livre de cantiques écrit en lettres gothiques avec des partitions austères et majestueuses comme leurs temples. Point de Bibles, du moins pour les plus jeunes à cette époque . . . à croire que notre éducation avait pour but de former des ménagères obéissantes, dans l’esprit KKK (Kinder, Küche, Kirche), «l’idéal féminin» pour les hommes de cette époque.

Il est clair que notre vie fut bien étriquée, éloignée des réalités et une fois les corvées ménagères terminées, plus d’une se mettait à rêver en écoutant quelques chansons sentimentales ou en lisant des romans à l’eau de rose. Il eut mieux valu que le personnel nous informe davantage sur le monde alentour et nous éveille aux débats afin d’accroître nos connaissances intellectuelles. . . .

Heureusement, maintenant, il existe des structures pour adolescents où ceux-ci peuvent s’exprimer, échanger, apprendre, se reconstruire . . . Là, la parole est libre, enfin un pas de plus dans l’éducation ! Une liberté intelligente. H.S.

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Nous ne passions pas inaperçues dans les rues du quartier avec nos robes à carreaux l’été et nos pèlerines l’hiver. Nous marchions trois par trois, les plus dégourdies devant pour montrer le chemin et derrière pour activer le pas des traînards, la surveillante sur le côté ou un peu partout.

En général ces sorties duraient deux heures, prétextes à marcher parce qu’on ne nous rendait jamais attentives à observer ceci ou cela, sauf pour visiter des églises ou des cimetières, lieux de silence magnifiquement décorés. Avant d’entrer dans un cimetière la surveillante nous prévenait : « Surtout ne touchez à rien, n’arrachez aucune fleur, sinon le diable va venir cette nuit vous tirer par les cheveux ». Je ne pense pas que nous ayons essayé pour voir, nous l’avons cru sur parole. Nous étions tellement dociles que, plus tard, une autre surveillante nous emmenait souvent du côté de la place des Pierres, nous laissait seules de longues minutes en bas d’un immeuble où elle allait faire une visite.L’été nous allions à la piscine du Ziegelwasser à côté de la ligne de chemin de fer, dont l’eau était propre et peu profonde. Nous y pataugions avec les enfants du quartier. Le Kurgarten était un lieu de promenade et de jeux. Pour y aller nous passions à côté de l’immeuble où logeaient les familles des gendarmes et où se trouvait la stèle de Clemenceau, celle qui a été installée plus tard sur le boulevard du même nom.

A Fouday, les promenades étaient beaucoup plus intéressantes. Le paysage, déjà, s’y prête. Eté comme hiver, presque tous les jours nous faisions des sorties de plusieurs heures. Là nous n’étions pas obligées de marcher en rang. Pourvu que nous restions plus ou moins groupées.Un jour, nous sommes parties de bonne heure le matin et nous avons poussé jusqu’au Champ du Feu, en passant par Solbach qui est un cul de sac et en grimpant la pente abrupte de ce qu’on appelait la « Perreux ». Nous avions emporté des sandwichs et buvions aux fontaines, très nombreuses dans ce secteur. Comme nous avions beaucoup transpiré on nous avait conseillé de bien mouiller les poignets et les tempes d’abord. On nous disait aussi que pendant une randonnée, par exemple celle qui nous mena un jour au Col de la Charbonnière, il fallait marcher d’un pas régulier, ne jamais s’arrêter pour s’asseoir car alors on n’aurait plus le courage de continuer. Nous aimions beaucoup ces promenades dans ces coins perdus où l’herbe et les fleurs sont si petites et si jolies au printemps ! Où parmi les sapins et les rochers vous ne rencontriez pratiquement personne et où les gens, malgré leur pauvreté, n’avaient pas le cœur sec, car combien de fois ils nous offraient des pommes de terre, du lait et des œufs et nous disaient une parole aimable. Notre cuisinière, Mme Scheidecker, était du pays. Peut-être ceci explique cela !

Mais les plus belles promenades et là je ne vous apprends rien, peuvent se faire à Saverne. Vous avez le choix entre la plaine et la montagne. Je

Promenade

ne veux pas énumérer tous les châteaux forts et autres lieux touristiques, ni raconter le canal et ses écluses. Tout le monde est au courant et tout le monde sait qu’on peut monter cent fois au Haut Barr, cent fois c’est avec plaisir. Il est un endroit que j’ai aimé par-dessus tout, étant gamine. Quelque part vous traversez la ligne de chemin de fer, vous tournez à gauche, vous marchez un certain temps et vous arrivez à un tout petit bassin où l’eau de source chante parmi les cailloux. Vous pouvez vous asseoir et tremper les pieds dedans, un délice. Connaissez-vous la Fontaine Mélanie ? Ne le racontez à personne. Elle est trop jolie pour être envahie. D’ailleurs elle n’est pas accessible en voiture et il n’y a ni bistrot, ni aire de jeux, on ne saurait où les mettre. Je pense que nous devons remercier nos éducateurs de nous avoir montré les joies de la marche à pied. . .

Par contre, nous rêvions de faire du vélo et ce n’était jamais possible. Il n’y en avait pas, tout simplement. Un jour notre cheftaine d’éclaireuses a bien voulu nous prêter le sien. Nous sommes allées dans un endroit calme en ce temps-là, rue des Vanneaux et là, à tour de rôle, nous avons fait des essais.

Vous auriez vu ces grandes biques de quatorze ans sur un engin aussi peu commode à manier ! Plus tard j’en ai acheté un d’occasion que j’ai gardé très longtemps, presque quarante ans. . . J’ajouterai que dans l’ensemble on n’encourageait pas les filles à pratiquer des sports. A Fouday, nous rêvions de faire du ski et nous en aurions eu le courage et le lieu s’y serait prêté. Hélas ! Pour la natation également, nous avons dû attendre d’être adolescentes pour apprendre à plonger. H.S.

. . . par contre, nous rêvions de faire du vélo et ce n’était jamais possible - Photo Chamrousse en 1962.

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Yvonne est très gentille et ne rechigne pas à la tache. Elle accomplit toutes les corvées ménagères qu’on lui ordonne de faire avec beaucoup de patience et de soin. Mais il y a une chose qu’elle n’aime pas, mais alors pas du tout, c’est d’aller à la cave pour chercher des pommes de terre. Pourquoi ? Elle a peur du noir et des petites bêtes qui grouillent dans l’obscurité. Elle y va quand même, la mort dans l’âme, tant elle est obéissante et tant elle a peur d’être battue. Ensuite, elle s’assied sur un tabouret et s’applique à débarrasser les tubercules des germes qui ont commencé à pousser et des cloportes qui ont élu domicile, quelle horreur ! Mais il faut récupérer tout ce qui est mangeable car c’est la guerre.

Hélène aussi est gentille et fait tout ce qu’on lui dit de faire. Devant elle, un tas impressionnant de chaussettes rêches à raccommoder. Bon, elle s’y met penchée toute l’après-midi sur les satanés tricots dont les propriétaires jouent au football ou au ping-pong, elle s’use les yeux. Elle fait de son mieux. N’empêche qu’après la prochaine lessive tout sera à recommencer. En général la couturière est satisfaite. Un jour pourtant celle-ci dit : « Tu ne pars pas, tu as oublié de réparer deux paires de chaussettes ! ». Ce n’est pas vrai. C’est Denise qui a fait un échange habile et qui est déjà retournée dans son étude. Les camarades l’ont vu faire. Mais inutile de discuter. Hélène serre les dents. Elle fait le travail et ne se vengera pas.

Marlise adore faire la vaisselle. Elle n’est pas la seule. Toute une équipe se propose régulièrement à ce poste comme si c’était un privilège et pourtant c’en était un. Pas à cause des assiettes innombrables, ni des couverts qui n’en finissent pas, ni des énormes marmites grasses et lourdes, mais à cause des restes. Madame Berthe est d’une bonté sans égale et lorsque les plats descendent par le monte-charge, que ce soit de la salle à manger du personnel avec des mets normaux ou du deuxième étage, où logent les tout petits, avec du pudding au sirop rouge, elle ne les jette pas dans les cuves destinées à la porcherie de l’hôpital. Madame. Cette brave dame, à laquelle nous n’avons pas assez témoigné notre reconnaissance, nous laissait finir les plats. . . .

Jeannette et Lucie font les vitres. Pas comme vous, jeunes filles et jeunes gens d’aujourd’hui, qui passez un coup de bombe aérosol, pschiiiit, puis un léger coup de chiffon, ça y est, ça brille ! Presque comme dans la pub. Non, non, vous n’imaginez pas la procédure. Elles disposent d’une cuvette, inox ou émail peu importe pourvu qu’elle ne fuit pas, remplie aux trois-quarts d’eau froide additionnée d’un peu de vinaigre. Ensuite, elles préparent des feuilles de journal qu’elles froissent habilement, pas de papier de magazine qui serait glacé donc inutilisable (avis aux connaisseurs). Grimpées sur une chaise, les voilà en train de frotter, c’est long, pénible et pas

Corvées

toujours tout à fait efficace, surtout quand le soleil donne. Vous allez dire qu’en ce temps-là toutes les ménagères devaient se contenter du même matériel rudimentaire. Seulement, elles faisaient nettement moins de carreaux et donc nettement moins d’heures.

Emma n’est pas sotte. Elle a même été l’une des meilleurs au certificat d’études. Elle paraît souvent rêveuse. En réalité son oreille gauche est très faible mais personne n’en à cure. Donc elle entend mal, quelquefois de travers. Comme elle n’est qu’à moitié orpheline, elle sera bonne à tout faire dans une famille bourgeoise de la ville, une famille très bien qui avait plusieurs enfants. Les journées étaient longues. Levée avant les patrons, Emma prépare les petits déjeuners, fait le ménage, les courses, la lessive, le repassage, la cuisine... jusque tard dans la nuit et elle se couche la dernière. Un jour la patronne lui dit : « Emma, tu vas acheter deux douzaines d’œufs et tu nous fais une omelette ». Emma obéit et commence à casser la première douzaine, puis continue allégrement avec la deuxième en pensant qu’il y a sûrement des invités. Ses patrons étant radins, les œufs étaient censés faire l’affaire. Une fois tous les oeufs cassés, la patronne surgit : « Que fais-tu malheureuse ? ». Emma est réprimandée et les enfants gloussent de joie. Emma n’a même pas un coin à elle pour pleurer car la nuit elle dort sur un lit de camp dans le couloir.

Charlotte, elle aussi, est placée dans une famille dont elle assure le confort quotidien. Elle occupe une chambre tout en haut de l’immeuble sous les toits. Lorsqu’elle vient faire une petite visite aux copines restées à la Villa le dimanche après-midi, elle leur raconte comment elle prend sur ses heures de sommeil pour aller danser à l’Odéon, le fameux dancing du côté de la place Kléber. Choquant pour nous les orphelines de l’époque. H.S.

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Il est 11h30 . . . Le premier dimanche du mois de mai à « la Villa », tout le «petit» et le «grand» monde se masse au pied de l’escalier d’honneur haut de ses 15 marches de pierre. Un micro est posé au sommet et, apparaît non pas Line Renaud, mais le Directeur du Foyer. . . Il reste devant le micro, les « officiels » se tiennent, tels des choristes, debout près de lui. Il va sûrement se passer quelque chose. Et moi, le Meiselocker, assis dans la cour, chaque année, j’ai un torticolis : comme s’ils n’avaient pas pu construire l’escalier en face de moi ou me placer tout simplement en de face de l’escalier ! Et chaque année, j’attends : le prix du directeur pour le Meiselocker . . . Tout ce que je pourrais faire avec un prix ! D’abord une toilette complète et puis m’acheter un lit : c’est dur de rester assis et ensuite une articulation pour mon cou pour qui me permettrai de regarder ailleurs. Mais, par contre, je suis le seul à connaître tous les bénéficiaires de ces fameux prix.

Le Meiselocker raconte

Statue du Meiselocker, taillée par un orphelin apprenti à l’Oeuvre Notre Dame - offerte par les apprentis au directeur en poste avant la guerre, en signe de reconnaissance. En 1995 l’ancien Meiselocker, rongé par la maladie, a été remplacé aux frais de l’association des anciens par une copie taillée à l’identique. L’original est désormais installé dans le hall d’accueil de l’établissement.

Dispositions judiciaires et réglementaires créées dans le cadre des Lois allemandes sur la tutelle.

Depuis des siècles, l’orphelinat de la ville avait pour unique mission d’accueillir les orphelins strasbourgeois de 0 à 21 ans et naturellement, sur demande des intéressés, bien au-delà. On ne s’étonnera pas que des liens très forts aient été établis ainsi entre substitut paternel légal et pupille. Ce système a progressivement diminué en importance dans l’institution avec l’arrivée des pupilles du Département car il n’y avait plus d’orphelins. Il a été entièrement supprimé en 1971 par décision conjointe du Maire et du Directeur de la DASS, suite à la proposition du Directeur du Foyer Charles Frey. Celui-ci avait été consulté sur les modalités de l’opération. Le signataire, nommé directeur en 1967, s’était vu confié la tutelle de onze enfants et adolescents.

La décision de 1971 a mis fin à ce lien légal avec ces derniers « orphelins ». Il n’est pas question de ressusciter ce système car les familles en demande d’adoption sont plus nombreuses que les enfants restés seuls par le coup du sort. Cependant, quand on considère la qualité et la permanence des attachements qu’une simple disposition légale est susceptible de mettre en place, on peut se demander si ce modèle ne pourrait pas être adapté à certaines mesures de garde afin d’assurer aux enfants non adoptables, mais néanmoins isolés, la permanence et la solidité des liens affectifs et la fiabilité de l’autorité par la personnalisation du représentant légal entouré d’une équipe persuadée de la portée de la mission éducative.Une réalité demeure. Par nature l’enfant est dépendant de l’adulte, il a besoin d’aimer et d’être aimé, il a besoin de savoir que ces liens seront stables. Bien des choses ont changé depuis l’extinction du système du « directeur tuteur ». Ce besoin est resté. Il convient d’y répondre en fonction des données d’aujourd’hui. F.B. - 1991

Orphelins sous tutelle

Distribution des prix

Au fait connaissez-vous l’origine de la distribution des prix ? Le plus ancien prix fut fondé en 1824 par Georges Humann - commerçant strasbourgeois, futur ministre des finances du Roi Louis Philippe. Il a perpétué de la sorte le souvenir de son fils mort prématurément. Vingt sept autres fondations se sont ajoutées au fil des ans. En 1875, la distribution des prix se fera à l’occasion d’une rencontre des anciens et sera à l’origine de la création de l’Association des Anciens en 1877. Au début, les hommes venaient une année, les femmes l’année suivante. Voilà, vous savez tout ! Vous savez aussi pourquoi je l’aime bien cette cérémonie, parce qu’elle est encore plus ancienne que moi et puis parce que c’est la seule fois dans l’année où les jeunes, les anciens et les amis du Foyer sont réunis autour de moi, dans ma cour. En attendant, que vous méritiez un prix ou pas, si d’aventure vous passez devant moi, faites moi un petit signe, cela me fera toujours plaisir. M.M. - 1981

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de la première guerre mondiale

A peine installés dans leur nouvel orphelinat, les orphelins furent contraints de déménager à l’Hospice Lovisa car leur établissement avait été réquisitionné, comme les écoles et bâtiments religieux et sanitaires de Neudorf, par les Services de l’armée pour former le Festungs-Lazarett X.L’Orphelinat, transformé en « Seuchenlazarett », accueillait alors les militaires souffrant entre autres de dysenterie, typhus et méningites et dans les baraques qui s’élevaient devant l’orphelinat les victimes de la variole mis en quarantaine.Comme le relate Denis Durand de Bousingen dans le Journal de médecine de Strasbourg (1984-15-8), cet hôpital militaire était alors dirigé par un bien étrange et imposant personnage : le Professeur Demeter von Tabora. D’origine autrichienne, ce médecin germanophile menait une vie mondaine avec son épouse l’actrice Emmy Schroth. Il possédait une importante clientèle privée et faisait régner une discipline à la fois draconienne et surprenante. Comme en a témoigné le futur artiste et écrivain Robert Heitz alors infirmier, la mortalité y était importante et les malades principalement soignés à l’aide d’huile de ricin, d’aspirine et de morphine. Le jeune personnel paramédical, quant à lui, largement abreuvé de vin rouge et de cognac, était, malgré les interdictions de sorties, vivement encouragé à pratiquer le football, tant et si bien qu’il constitua avec celle des aviateurs du Polygone une des meilleures équipes d’Alsace. R. Heitz sera par la suite élu Président d’un Comité de soldats quant à D. von Tabora, il quittera la ville pour Francfort en 1919 où il se suicidera.Durant toute la guerre, les orphelins furent hébergés à l’Hospice Lovisa, une ancienne propriété de la Robertsau acquise par les Hospices civils en 1876 grâce au legs du banquier Jean Auguste Ehrmann, transformée par l’architecte Perrin et

Dans les tourments . . .

baptisée d’après le prénom germanisé de la mère du généreux donateur Louise Treitlinger. Dans cet établissement, qui avait à l’origine pour vocation d’accueillir une soixantaine de convalescents, les cent vingt cinq orphelins furent à l’étroit d’autant que leur nombre ne cessa de croître au fur et mesure des années. Malgré leur sort, ils n’eurent cependant pas trop à souffrir de malnutrition car ils bénéficièrent des ressources naturelles que leur offraient les cinq hectares de prés, jardins et vergers qui appartenaient à l’établissement. Mais 1916 fut aussi pour les orphelins une année particulièrement douloureuse. Le 21 septembre, à la place de la traditionnelle fête annuelle, on marqua le deuil en rendant un vibrant hommage à deux anciens orphelins tombés à Verdun, à cinq jeunes orphelins décédés suite à une épidémie de dysenterie qui avait frappé quarante personnes et à une jeune orpheline de seize ans mourante et lauréate du prix Julius Klein.Le 1er avril 1920, les orphelins purent réintégrer leur établissement de Neudorf. En 1934 ils étaient 241, en vingt ans leur nombre avait quasi doublé.Quant à l’Hospice Lovisa, il servit par la suite de refuge aux pupilles anémiques et enfants chétifs puis en 1935 d’ouvroir pour femmes enceintes, accouchées indigentes et mères célibataires. M.K.

de la seconde guerre mondiale Au début de la seconde guerre mondiale en 1939, durant la « Drôle de guerre », 430 000 personnes vivant le long de la ligne Maginot furent évacuées vers le Sud-Ouest de la France. Les 320 orphelins, déjà hébergés au Hohwald depuis le 26 août, quittèrent eux aussi l’Alsace au soir du 9 septembre. Après un long et pénible voyage en train de 68 heures, ils arrivèrent à Hautefort d’où des camions les emmenèrent à Clairvivre, une station de repos qui accueillait les blessés de la première guerre mondiale. Leurs premiers mois en terre « étrangère » furent particulièrement durs. La première nuit fut même dramatique ; à l’arrivée pas d’accueil, une désorganisation complète, les 350 adultes et enfants furent entassés dans trois pavillons habituellement destinés à accueillir six familles , des locaux insalubres avec des toilettes

hors d’usage, dépourvus d’éclairage, d’eau courante et de mobilier. Mais grâce aux matelas qu’ils avaient pris soin d’emporter, ils purent, entassés et alignés les uns à côté des autres, tant bien que mal se reposer. Au bout de quatorze jours, ils réussirent enfin à obtenir de l’eau courante et un WC pour cinquante personnes. Ils étaient désormais « des réfugiés de l’est » qui essayaient quotidiennement d’améliorer leurs conditions d’hébergement et réapprenaient à vivre normalement.

Dès novembre, l’école redémarra pour les plus jeunes et les apprentis furent embauchés dans les ateliers de l’immense hôpital et de la cité. Les achats indispensables étaient effectués à soixante km de là, à Périgueux, siège de l’administration strasbourgeoise.

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Le bombardement du 6 septembre 1943

Noël fut tout de même fêté, certes en français et non en alsacien aux consonances trop germaniques. Et en février 1940, une délégation se rendit à l’orphelinat de Strasbourg pour expédier le mobilier qui manquait encore. Enfin, le 25 mai, tout le monde était à peu près correctement installé dans dix-sept pavillons et le dimanche 26, les communions et confirmations purent être célébrées dignement. Le 27, le Directeur et son adjoint, mobilisés, partirent pour Epinal mais revinrent rapidement, soit quinze jours après, car l’armée française venait de subir ses premières défaites. Les allemands avaient franchi le Rhin et les villes alsaciennes étaient maintenant entre leurs mains. En juin, le Directeur quitta Clairvivre pour Strasbourg où il négocia avec les autorités allemandes, ravies de cette demande, le retour des orphelins. Le 31 août, la Wehrmacht quitta l’orphelinat qui fut immédiatement désinfecté et nettoyé. Le 1er septembre, en fin d’après-midi, les orphelins débarquèrent en gare de Strasbourg après un périple de deux jours et un contrôle d’identité à Beaune. A leur arrivée, un comité d’accueil composé de la direction des hospices civils et des dignitaires allemands les attendait et le directeur, au nom de tous, remercia chaleureusement tout ce monde ainsi que le Führer. L’Alsace venait d’être annexée et l’Orphelinat allait connaître les heures les plus troubles de son histoire. Le 9 décembre 1940, l’établissement, désormais Jugendpflegeheim, devint officiellement le «Karl Roos Haus». En présence de l’Oberstadtkommissar SS-Standartenführer Dr. Ernst et de nombreuses personnalités, une grande cérémonie fut organisée dans la salle des fêtes, avec «Kaffee-Kuchen» et une exposition en hommage à l’autonomiste alsacien, ancien administrateur de l’orphelinat fusillé par les français. Le drapeau nazi flottait sur la tourelle, les orphelins âgés de 10 à 18 ans étaient enrôlés dans la Hitler Jugend et les jeunes filles dans le Bund Deutscher Mädel, quant aux plus âgés, ils étaient destinés au Reichsarbeitsdienst. En août 1942, le service militaire devint obligatoire, les jeunes nés en 1928 jusqu’aux plus âgés nés en 1907 furent incorporés de force. La plupart des orphelins, vu leur éducation, n’avaient guère conscience de ce qui se passait réellement autour d’eux. Certains de leurs aînés subirent le RAD et l’incorporation de force, d’autres rejoignirent l’armée française ou s’engagèrent dans la résistance. En somme, le sort de bon nombre de jeunes alsaciens.

Durant cette période, l’établissement fut plusieurs fois bombardé par les troupes alliées et tout particulièrement le 6 septembre 1943 comme tout le quartier alentour. Le bâtiment fut sérieusement endommagé, l’aile des filles complètement détruite. Cette terrible attaque qui causa 185 morts parmi la population ne fit que 25 blessés à l’orphelinat. Les enfants et le personnel furent alors répartis dans divers centres de repli (Saverne, Scharrachbergheim, Hohwald, Fouday, Marienthal, Gensbourg et Solberg). Seules les sections des apprentis filles et garçons restèrent à Strasbourg, mais eux aussi furent transférés dans d’autres établissements suite aux attaques de 1944.

En 1945, après la libération définitive de l’Alsace, tous les orphelins retrouvèrent progressivement leur établissement. Mais après la joie de la Libération vînt aussi l’heure du bilan et de l’épuration. Les dommages de guerre concernant le bâtiment s’élevaient à douze millions de francs et à plus de six pour le mobilier.

Parmi les orphelins, on dénombrera six morts au front, cinq disparus, deux invalides. Douze orphelins s’étaient engagés dans l’armée de la Libération, cinq étaient décédés en camp de concentration comme patriotes français, deux furent reconnus «Mort pour la France» en tant que résistants dont Ceslav Sieradzki et un sera décoré de la Médaille de la Résistance. Le 1er mars 1946, Edmond Jost, «Papa Jost» comme l’appellent encore affectueusement les anciens, un pédagogue qui insufflera un nouvel esprit, sera nommé Directeur et dès octobre 1946 la vie à peu près normale reprendra son cours.

Puis, en 1957, après le décès du Maire de Strasbourg Charles Frey, «le maire des réfugiés», l’Orphelinat deviendra le «Foyer de la Jeunesse Charles Frey». M.K.

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La chape du silence Il y a cinquante ans déjà, Nous étions des enfants à ce moment là.Le destin nous frappa durement, En nous sortant de nos rires d’enfants.Habillés en vert de gris, Éparpillés sur les terres de RussieMalgré Nous sans notre accord, Nous avons subi ce mauvais sort.Beaucoup n’en revinrent pas. Enfouis sous les terres là-basOu dans un camp de prisonniersDe tous presque oubliés.Pour ceux qui purent s’échapperIls devaient encore bien se cacherPour rejoindre le maquisAfin de défendre leur pays.Que cela ne se produise plus jamaisQue la terre puisse vivre en paixN’acceptons plus de pareille choseEn faisant taire ceux qui osent.On a déjà beaucoup écrit sur ce thèmeMais pour ceux qui en ont souffert à l’extrêmeNe tombons pas dans l’indifférenceNe disons pas adieu à la chape de silence.René Wagner

Malgré-Nous et soldat oublié Après une jeunesse marquée par la perte de ses parents alors qu’il a tout juste 5 ans, un début d’apprentissage comme vendeur et une évacuation temporaire avec l’orphelinat en 1939 en Dordogne, René Wagner ancien pensionnaire, a vécu les vicissitudes des alsaciens abandonnés par la France. A 17 ans, en septembre 1940, il retourne avec son orphelinat en Alsace occupée où il se retrouve sans emploi, son employeur israélite ayant fui la région. Quelques jours après son retour à Strasbourg , il est enrôlé de force dans « les Jeunesses hitlériennes » au sein desquelles il connaît quelques démêlés avec l’encadrement allemand. Il suit ensuite une formation de mécanicien de moteur d’avion dans une école dirigée par un cadre SS et, en fin de stage est envoyé à Neubrandenburg, une base aérienne située à l’Est de Berlin, avec la promesse de revenir en Alsace au bout de six mois. Après 9 mois de travail sous-payé, il demande à son supérieur de rentrer à Strasbourg. L’entretien est orageux et il est menacé d’un rapport à la Gestapo. Enervé par la discussion et les menaces, il fait le même jour, en préparant un Junker 52, une fausse manœuvre qui rend les trois moteurs de l’appareil hors d’usage. Affolé, il décide de rejoindre Strasbourg en train via Berlin et Offenbourg où il est arrêté par deux agents de la Gestapo qui découvrent dans sa valise des manuels d’entretien de moteurs d’avion. Après interrogatoire, il est ramené à Neubrandenburg, mis en prison, inculpé pour désertion, sabotage, espionnage et considéré comme ennemi du Reich. La condamnation du tribunal de la Luftwaffe se limitera pourtant à des sanctions disciplinaires car son défenseur, commis d’office, plaida le manque d’expérience et l’orphelinat le déclara « personne irresponsable ». A 19 ans, le 12 décembre 1942, il est incorporé de force dans la Wehrmacht et envoyé sur le front russe. Il participe aux combats

des saillants de Koursk et d’Orel puis à la retraite de l’Armée allemande vers la frontière polonaise. Après de nombreuses péripéties, perte de son unité, évacuation d’un hôpital de campagne, il se retrouve en 1944 à Berlin pour être affecté à la « Stamm Kompagnie du Panzer-Grenadier Bataillon 8 » en partance pour la France. A Saint Jean de Vedas, dans la région de Montpellier, première destination du bataillon, il perd ses illusions en découvrant que certains français ont choisi de servir les nazis au sein de la Milice. Ainsi, après la désertion d’un sergent alsacien « Malgré-nous » comme lui, il subit un interrogatoire « musclé » et il assiste aux exactions des miliciens à l’égard de la population locale, ce qui le conduit à modifier ses projets : « déserter oui, mais en évitant des représailles à l’encontre des civils ». Son bataillon est ensuite dirigé vers le Vercors avec mission de contrôler les accès du massif où les SS ont débarqué en planeurs. Au cours de cette période, il sert d’interprète et tente alors de limiter les crimes de guerre …contre les villageois. Fin août 1944, son unité est relevée par les russes et envoyée en raison de l’avance rapide des alliées, sur Paris, à Champagne sur Seine du côté de Fontainebleau. Alors que sa compagnie est installée en défensive, un officier français se présente pour parlementer. René Wagner est appelé pour le prendre en charge, l’amener au PC allemand et servir à nouveau d’interprète. A l’issue des discussions, l’officier français obtient la reddition de l’unité, qui comprend quelques 250 vétérans du front russe, aux conditions suivantes : respect de la Convention de Genève, remise aux troupes américaines, René Wagner devant rester comme «otage » sous uniforme allemand jusqu’à l’arrivée des Américains. Après le franchissement de la Seine en barque et passage au PC du général Patton, à Fontainebleau, René Wagner rejoint un camp américain de prisonniers. Dirigé vers un camp de triage, il est remis aux autorités françaises et demande alors à s’engager dans l’Armée française. Il rejoint Saint Raphaël, où il parvient à revoir son frère aîné de 15 ans, adjudant de compagnie dans un bataillon de Tirailleurs Sénégalais. Mais le Conseil de Révision le réforme et il est démobilisé à Strasbourg le 25 juillet 1945. . . R.W.

La deuxième guerre mondiale

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Nous étions trois frères et une soeur placés à l’Hospice des Orphelins de la ville de Strasbourg, aujourd’hui Foyer Charles Frey., l’aîné Charles né en 1919 - Marie née en 1920 - moi-même né en 1924 - Louis le cadet, né en 1927.En septembre 1939, début de la seconde guerre mondiale, l’Hospice qui dépendait des Hospices civils de Strasbourg fut évacué à Clairvivre en Dordogne.

A ce moment-là, Charles effectuait son service militaire obligatoire. Marie a pu travailler à Périgueux dans un collège avec deux autres filles. Louis et moi avons passé la drôle de guerre à Clairvivre jusqu’en septembre 1940. (J’avais été à l’école primaire jusqu’en 1937 et à l’école pratique du commerce de septembre 1937 à juillet 1939). En septembre 1940, avec Louis et l’ensemble des pupilles de l’Hospice, nous sommes revenus à Strasbourg. Marie nous rejoindra un peu plus tard, très mécontente, ayant laissé là-bas un ami, le fils d’un employé du collège à Périgueux. Charles sera d’abord fait prisonnier par les allemands, puis libéré car alsacien. Une certaine faveur ! Nous voici à nouveau réunis dans une Alsace annexée. Je passe ma 3ème année d’études à la Hermann Goering Schule, Höhere Handelschule in Strassburg » - (École Supérieure de Commerce Hermann Goering de Strasbourg) de fin juin 1940 à juillet 1941. Une fois mes études terminées, je me présente avec deux amis de la classe, chez Obbo-Manné, fiduciaire rue du Dôme. Déçus, plutôt furieux, nous apprenons que nos deux années passées avant la guerre à l’école pratique de commerce ne sont pas validées et que nous sommes obligés de signer un contrat d’apprentissage de deux années. Soit du 15 juillet 1941 au 14 juillet 1943. Toutefois, du 19 avril 1942 au 25 septembre 1942, je suis incorporé au R.A.D. (Reichsarbeitsdienst) et le 23 mars 1943 dans la Wehrmacht. Le 3 mai 1943 je bénéficie d’une permission exceptionnelle pour les épreuves du CAP d’aide-comptable à Stuttgart. Étant le seul des candidats en uniforme, je ne risquais pas de le rater. Entre-temps, Charles, notre aîné, n’a pas été oublié et a été obligé de changer d’uniforme. Le voilà à nouveau militaire, mais sous une autre nationalité. Marie, comme la plupart des jeunes filles de son âge est contrainte de travailler en Forêt Noire. Louis est en apprentissage depuis juillet 1941. Nous arrivons à la fin de la guerre. En faisant route en direction de Berlin avec mon unité, j’ai été fait prisonnier par les anglais au nord de l’Allemagne. Malgré une évasion avortée par suite de l’incompréhension et de la mollesse d’un officier français, je suis libéré le 15 août 1945. De retour à Strasbourg, je retrouve Charles et Marie. Charles a été encore fait prisonnier, mais cette fois-ci par les russes, dont il a pu se sauver pour revenir à Strasbourg. Le garçon que Marie a connu à Périgueux est venu à Strasbourg avec les troupes de Libération. C’est à M.Goetz, directeur de l’hospice qu’il a demandé l’adresse de Marie en Allemagne et avec sa Jeep, il est allé la chercher. Ils sont mariés depuis 1946 et habitent Maison Alfort. Mais où est passé Louis ? J’apprends qu’il est engagé volontaire dans l’armée française et se trouve avec les troupes d’occupation en Forêt Noire. En résumé:

Charles a porté deux uniformes différents et a été fait prisonnier deux fois. Marie a retrouvé Fernand, son futur époux, venu en libérateur à Strasbourg.Louis a porté l’uniforme français au même moment où Charles et moi-même étions dans l’armée allemande, incorporés de force. Heureusement que tous les quatre nous sommes rentrés sains et saufs. Remarquez que j’ai débuté mes études commerciales à l’âge de 13 ans et suis entré dans la vie active à 21 ans, avec mon CAP d’aide-comptable, soit huit années après! Mais je ne tiens pas à me plaindre mais plutôt penser à mes nombreux camarades d’école ou de l’Hospice des orphelins qui n’ont pas survécu à la guerre. Ils sont environ une cinquantaine, dont 17 de l’Hospice des orphelins. G.B.

Malgré-Nous

Vue générale de Clairvivre en Dordogne en septembre 1939

Devant un pavillon d’accueil

Photo avant de reprendre le train du retour

Retour à Strasbourg en septembre 1940

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La cérémonie de la commémoration de la Victoire a pris une dimension particulière à Barr où a été dévoilée, près du lycée, une plaque intitulée « Square Ceslav Sieradzki, 1925-1941, résistant et mort pour la France ».Les parents immigrés polonais de Ceslav Sieradzki s’étaient installés à Barr en 1924. Ceslav devenu plus tard orphelin et apprenti travaillant à Strasbourg, avait fait dès 1940 le

choix de la liberté, par double haine des allemands qui avaient envahi à la fois la Pologne et la France. Aujourd’hui « l’esprit et le souvenir tatoués par l’histoire », comme a dit Jean-Jacques Bastian, l’un de ceux qui furent, il y a 60 ans, les très jeunes résistants du groupe « La Main Noire », « il est réconfortant pour nous de voir l’initiative prise par la ville de Barr». Si rien n’effacera de leurs yeux les images du martyre de Ceslav, massacré à 16 ans au camp de Schirmeck, ces anciens de la Main Noire savent qu’à présent le souvenir de son courage et de son amour inouï de la France est inscrit dans sa commune de naissance. Un hommage auquel se sont associés Georges Bickel (photo ci-dessous), lui aussi ancien de l’orphelinat et la soeur de Ceslav Annie Desmond, venue de Périgueux avec sa fille Jeanine, ainsi que Piotr Szymanoski, Consul de Pologne, qui relève que cet événement a pu avoir lieu grâce à la réconciliation franco-allemande et à l’heure de la réunification européenne. François Beck, président honoraire, et Christian Pfeiffer, président de l’association des anciens élèves du Foyer Charles Frey et de l’hospice des orphelins de la ville de Strasbourg ont assisté à l’inauguration du square le 8 mai 2004 avec une bonne dizaine d’autres anciens de l’orphelinat.

Après la perte de ses parents, Ceslav entre à l’orphelinat en 1932. En 1939, il commence son apprentissage chez un boulanger rue du Faubourg de Saverne. Dès 1940, il rejoint Marcel Weinum et son groupe d’une trentaine de jeunes résistants «la Main Noire». Il est incarcéré à la prison Sainte Marguerite (aujourd’hui l’ENA) de décembre 1940 à avril 1941, après avoir été interpellé lors d’un retour de Suisse où il avait contacté le consulat britannique pour demander des subventions en vue de mener la lutte contre les allemands. C’est à Strasbourg aussi que « La Main Noire » mène ses actions : bris des vitrines présentant la presse du parti nazi ou des commerces affichant le buste du Führer, arrachages d’affiches de propagande et de drapeaux, sabotages d’installations de la Reichsbahn (signaux et commandes d’aiguillage de trains), peinture aux couleurs tricolores de boîtes aux lettres de la Reichspost ou, dès octobre 1940, inscriptions « Vive la France », « Vive De Gaulle ». Ceslav est à nouveau arrêté le 20 mai 1941 avec son ami Marcel Weinum partis en bicyclette pour se rendre en Suisse pour recontacter les représentants britanniques. Interpellés par les douaniers, Marcel blesse par balle l’un deux et avec Ceslav réussit néanmoins à s’échapper. Alertés, les autorités parviennent à arrêter les deux fuyards près de la frontière. Ils sont transférés à la prison de Mulhouse puis soumis aux interrogatoires. Dénoncés par un co-détenu qui leur

arrache des renseignements, 26 autres jeunes gens sont appréhendés au mois de juillet 1941. Ceslav, vu son âge, ne peut pas être condamné, mais est transféré au camp de Schirmeck.Un ancien rescapé du groupe de « La Main noire », M. Jean Jacques Bastian décrit avec émotion : «Je nous revois dans une baraque du camp de Schirmeck, en train de regarder derrière les grillages de la fenêtre le 12 décembre 1941. Une meute hurlante de Kapos avec des gourdins pourchasse un prisonnier en hurlant des ordres : lever, coucher, sauter, à genoux… la loque humaine ensanglantée, la tête rasée, est piétinée sur le gravier. Mais la frêle silhouette se relève, étend les bras et crie « Vive la France ». Les Kapos entraînent leur victime et une demi-heure après les haut-parleurs du camp annoncent que « Ceslav Sieradzki a été abattu lors d’une tentative de fuite  ». Dans un communiqué officiel du Reichsführer SS et chef de la police allemande annonçant que Ceslav était fusillé «wegen Widerstandes », était employé pour la première fois le terme de «résistance». L’attitude de Ceslav au cours de sa mise à mort a fait de lui un héros de la résistance. Il est à considérer comme le premier résistant de la jeunesse alsacienne tué par les allemands. Le 21 novembre 2002, la mention «Mort pour la France» a été attribuée à Ceslav Sieradzki. Son ami Marcel Weinum est condamné à mort le 31 mars à Strasbourg et exécuté le 14 avril 1942 à Stuttgart. A Neudorf, une rue porte le nom de Marcel Weinum et son corps repose au cimetière du Polygone.

Une reconnaissance posthume à Strasbourg ?

Ceslav n’a pas de tombe et aucune rue ne porte son nom.66 ans après sa mort, il est resté orphelin d’une reconnaissance posthume. L’actuel Président de l’association des anciens Christian Pfeiffer a contacté en octobre 2007 les autorités municipales, pour leur proposer, à l’occasion du 130ème anniversaire de baptiser le square de jeu devant le Foyer «square Ceslav Sieradzki, ancien orphelin, jeune résistant mort pour la France». Les anciens survivants de la Main Noire ont souscrit sans hésiter à cette initiative. Cette reconnaissance posthume sera aussi l’aboutissement du travail acharné de Georges Bickel, lui aussi un ancien pensionnaire. C.P.

Le jeune orphelin Ceslav Sieradzki

Ceslav Sieradzki - enfant

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Gabriel ANQUEZ dit «Ankes»,

Un jeune orphelin en Autriche au Reichsarbeitsdienst

L’été 1944 fut pour Gabriel Anquez, comme pour beaucoup de jeunes alsaciens, celui du Reichsarbeitsdienst (RAD), le service du travail du Reich.C’est le 10 juillet, à Strasbourg, qu’il a embarqué dans les trains pour le R.A.D. Gabriel était alors adolescent, apprenti dans un magasin de confection de Strasbourg. Il était orphelin, son père était mort en 1931, sa mère en 1940 pendant l’évacuation. Avec son frère et sa sœur, ils étaient tous les trois à l’orphelinat. Et sur ce quai de gare, partant au RAD, il n’avait personne à embrasser, personne avec qui pleurer. Son identité a changé : il s’appellait désormais « Ankes ». Depuis le conseil de révision de janvier 1944, il se doutait que le départ était programmé. Mais ce qui le travaillait, c’est qu’il savait les américains pas loin. Après un jour de train, la centaine de jeunes alsaciens débarquèrent dans un camp à Unterthal, en Haute-Styrie (Autriche).

Baratin politique

La réalité du camp était spartiate. Lever à 6 heures, toilette dehors, lit à faire de façon élaborée, travail, sport et propagande. Les allemands débitaient leur programme politique. Mais où étaient donc les américains ? Le régime disciplinaire était sévère. Ils étaient traités de tous les noms, mais toujours vouvoyés , c’était assez perfide.Le soir, silence absolu dans les baraquements. Le seul moment où il pouvait un peu bavarder, c’était en fin d’après-midi, en cirant les bottes . Pourtant les nouvelles circulaient. Le 21 juillet, il était déjà au courant pour l’attentat raté contre Hitler. Au-dessus des montagnes du Dachstein, il voyait passer les forteresses volantes américaines. Les rares moments de détente, c’était le dimanche, quand il pouvait aller boire une limonade dans une ferme proche du camp. Le fermier s’appelait Pilz, ils avaient sympathisés et il lui avait dit : «Monsieur Champignon, je reviendrais». Gabriel tiendra parole, retournera sur les lieux en 1956 pour nouer là-bas de solides amitiés.

A la frontière yougoslave

Le 13 août 1944, mouvements dans le camp. Tous les alsaciens avaient été regroupés à part et les alsaciens des autres camps les avaient rejoints. Ils avaient tous été envoyés en train, tout près de la frontière yougoslave, au Sud de Graz. Là, les RAD avaient été mis sous commandement de la Wehrmacht. Ils étaient armés et devaient monter la garde autour des civils qui creusaient des fossés antichars. La situation était tendue. Les partisans de Tito faisaient souvent des incursions et leur tiraient dessus, ou en enlevaient certains en leur prenant armes et uniforme pour les relâcher en caleçon.

Aujourd’hui encore, Gabriel s’étonne de la chance qu’a eu ce groupe de la classe 27 alors que la guerre s’amplifiait. Il était resté là-bas jusqu’en novembre et le 14, il avait pu rentrer. Le train, passant près de Munich bombardé, ramènait en effet les jeunes alsaciens à Strasbourg, quelques jours avant la libération de la ville.

Gabriel est aujourd’hui retraité à Strasbourg et a pu être indemnisé grâce au combat juridique d’un de ses camarades du RAD. C.P.

. . . dans une ferme proche du camp

Montagne du Dachstein 3000 m d’altitude

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Quinze jours par an à Saverne

Nous nous réjouissions longtemps à l’avance. La direction de l’époque avait eu une excellente idée en acquérant cette villa avec jardin et pré pour en faire notre maison de vacances. Après n’avoir connu que les quatre murs de la cour de Neudorf où le football était roi, nous allions faire connaissance avec les promenades en montagne, l’évasion. Le départ de Strasbourg se faisait en autocar. Tout le monde était gai, un peu excité ; on chantait. A Saverne, nous retrouvions les époux Koenig qui s’occupaient de l’entretien des lieux. De braves gens qui ont eu le grand malheur de perdre leurs deux fils incorporés de force par l’autorité allemande. René et Robert, ils étaient nos camarades de jeux. Il y avait aussi Ali, le chien de la maison. Ici notre mode de vie changeait totalement. Qui ne se souvient des promenades au Haut Barr, Géroldseck, Koepfel, Griffon, Brotsch, etc. Et Dabo, aller-retour, la plus longue des excursions. Et cette marche de nuit au Haut Barr à la lumière des lampions. Au retour, chacun avait une bûche de bois sur l’épaule ; ni vu ni connu. Un jour au Hexentisch, nous avons rencontré une femme, seule, qui avait étalé des dizaines de champignons sur la table. Nous n’étions pas très rassurés en voyant cette personne en train de trier tous ces champignons. Elle nous dit être institutrice et surtout que nous ne la prenions pas pour la sorcière du Hexentisch. Mlle Irène, employée de l’orphelinat était native de Haegen, petit village au pied du Haut Barr. Grâce à sa bienveillance, nous allions ramasser des pommes pour les ramener à Strasbourg. Qui ne se rappelle la cueillette des mûres à Bonne Fontaine. Quand il faisait chaud, on allait se baigner dans le canal où les chalands étaient encore tirés par des chevaux ou des mini tracteurs électriques. Des fois en revenant d’une promenade et pour éviter le détour par Saverne, on traversait le canal à la nage avec les habits noués sur la tête pour ne pas les mouiller. Fatigués, mais contents de notre journée passée au grand air, on se reposait dans les petits dortoirs bien plus agréables que les grandes salles de repos de la « Villa ».J’ai relaté ces quelques souvenirs qui restent gravés dans ma mémoire. Je possède encore de nombreuses photos de cette époque. Je suis resté un fervent de la marche en montagne et chaque fois que je revois Saverne, que ce soit avec mon épouse ou des amis, je ne manque pas de passer rue de la Garenne avec une pointe de nostalgie, un petit serrement de cœur. G.B.

Colonie de vacances à Saverne

Ah Saverne, mot magique de notre enfance,

Eden de notre première jeunesse, comme nous t’aimions, t’apprécions et te respections. Pour ce camp «évasion» tout était organisé du côté matériel; un morceau de savon de toilette, reçu pour Noël, se gardait bien évidemment pour le séjour à la Tourelle. Aussi, tout effet vestimentaire « civil » était-il exceptionnellement autorisé là-bas. A Saverne, plus d’uniforme, plus d’uniformité ! Des semaines à l’avance, nous attendions et comptions les jours qui nous séparaient de cet événement magique. Et le jour arrivait, et c’est en gosses surexcités que nous scrutions depuis la véranda, le nez collé à la fenêtre, l’arrivée du bus qui devait nous y emmener. Plus rien alors ne pouvait empêcher le départ et ouf il devenait réalité. Après une installation bousculée et bruyante nous partions et sortions de la ville et déjà, nous commencions à découvrir à chaque tournant de nouvelles choses. . . En comparaison avec les locaux du foyer, nous étions en premier surpris par les petites dimensions des pièces où nous devions vivre. Des pièces comme dans le « privé ». Soudain . . . nous étions humanisés.Quel plaisir d’être lâchés dans les prés en face de la « Tourelle et quel délice que ces pommes vertes que nous récoltions avant terme!La route carrossable s’arrêtait bien sûr au numéro 23 rue de la Garenne. Terminus ! Un chemin creux et caillouteux menait alors vers la forêt du Haut-Barr. Il n’y avait pas de maison évidemment mais des deux côtés du chemin des mûriers, des framboisiers qui offraient leurs fruits aux petits clients de passage. A l’arrivée des fraises des bois constituaient notre dessert. Et c’est ainsi que chemin faisant nous découvrions les châteaux et ruines des environs de Saverne . . . La promenade aux Quatre Vents et à Phalsbourg se faisait par la route nationale, peu large et plantée d’arbres des deux côtés. L’événement majeur était le passage presque exceptionnel de voitures auxquelles nous faisions de grands gestes amicaux qu’on nous rendait en retour. Comme nous nous sentions libres! Tout cela était si différent de la vie de tous les jours à Neudorf ! R.R.

Maison de vacances acquise en 1932

Vendue le 03.09.1990.

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Colonie de vacances à . . . Dabo

Colonie de vacances «Belle Vue» rue Léon IX. Cette colonie acquise en 1952 est toujours en activité.

Groupe de garçons en colonie de vacances à Dabo en 1967

Quarante ans après, la plupart de ces jeunes ci-dessus sont membres du Conseil d’aministration de l’association !

Montage des tentes dans le pré à Dabo - 1961

Dabo en 2006

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I RAPPEL HISTORIQUE

La maison des orphelins, Waisehuess, été fondée au cours de la première moitié du XIV° siècle, à l’instar de celles de Florence, Bruxelles et Bâle, pour faire face aux suites des épidémies de peste qui sévissaient en ce siècle.Elle s’installa du côté de la Porte Sud de la ville mais changea plusieurs fois d’emplacement. En particulier au temps de la Réforme, lorsqu’en 1530 lui échut le couvent Sainte Catherine, puis le couvent Sainte Madeleine, qui fut détruit en 1904 par un violent incendie. Mais dès 1909, l’établissement a pu s’installer dans un immeuble neuf, construit dans un style apparenté à l’art nouveau, dans le faubourg de Neudorf sur concours architectural qui avait mis en compétition une trentaine d’architectes du Reich. La maison fut l’objet de soins constants de la part des Strasbourgeois. On s’en aperçoit en examinant les projets pédagogiques successifs élaborés au cours des siècles.En 1500, «Die Ordnung der Waisen» rappelle les règles qui organisent la vie collective et assurent une bonne éducation.En 1778, la « Société Patriotique » étudie en particulier l’éducation des garçons soumis à une «influence trop féminine», règle le travail de production accompli par les enfants pour une meilleure formation scolaire et humaine et institue le premier conseil de discipline.En 1865, le Pasteur Roehrig s’oppose à la fermeture de l’établissement pour favoriser le placement familial, qui serait plus propice à l’épanouissement affectif. L’établissement est maintenu pour protéger les enfants de l’exploitation. A ce moment, ils sont placés en nourrice en famille et à 14 ans garçons et filles vont faire leur apprentissage de la vie professionnelle en privé ou chez l’artisan. Ils sont admis d’office dans la corporation de leur profession.En 1877 est créée l’Association des Anciens, une société mutuelle de prêt basée sur la cotisation des membres et que préside de droit le directeur.En 1900, le directeur est nommé par le Tribunal tuteur légal des orphelins municipaux. Mais avec l’amélioration des conditions d’hygiène, le décès des parents est moins fréquent et le nombre d’orphelins pris en charge par la maison est en régulière diminution, excepté au cours de la guerre de 1914 -1918.En 1925, pour assurer la pérennité de l’Hospice des Orphelins sont admis les premiers pupilles de l‘Assistance Publique. Ils sont regroupés dans une section appelée «le dépôt» : ils constitueront progressivement la majorité de l’effectif, puisqu’en 1950 on ne comptera plus qu’une vingtaine d’orphelins pris en charge par la ville sur un effectif de 230. L’évolution du statut de l’établissement est alors clairement dessinée. Alors qu’au départ, les enfants étaient entièrement en charge de la ville, soit par le biais de son budget, soit par l’apport de quêtes annuelles, les revenus des biens ruraux, étaient presque suffisants vers 1910 pour répondre aux besoins. Des dons et legs importants avaient été institués au cours des siècles : par exemple cette donation du pasteur de Baldenheim qui devait assurer pour toujours l’admission des orphelins de ce gros bourg du Ried alsacien.

Au cours de la révolution, l’administration du domaine fut confiée aux Hospices Civils de Strasbourg par une décision centralisatrice du pouvoir jacobin qui aliéna jusqu’en l’an 1985 le pouvoir de décision du directeur et changea la dénomination d’orphelinat municipal contre celle d’Hospice des Orphelins.

II EVOLUTION PEDAGOGIQUE

Traditionnellement l’action régulatrice de la morale du groupe et de la discipline des apprentissages est déterminante.Psychologiquement, l’enfant orphelin connaît sa situation. La cause de son placement échappe à toute interprétation. Il accepte avec reconnaissance la suppléance par les images traditionnelles du père (surdéterminée en la personne du directeur) et de la mère (l’éducatrice omniprésente). Il reste en relation avec sa famille d’origine. En général, on ne décèle aucun sentiment de ressentiment contre la société. Dans l’ensemble, chacun suit le sort du groupe. Celui-ci prime sur l’individu à qui il assure la sécurité affective entre égaux. Il en résulte pour l’avenir une excellente adaptabilité à la vie sociale et à la prise de responsabilité en société. Les enfants fréquentent les établissements scolaires du quartier où ils sont remarqués du fait de leur uniforme, ce qui les isole souvent. Les devoirs du soir règlent la vie à l’internat. Les éducatrices, une par groupe, sans remplacement institué, sont de fortes personnalités entièrement consacrées à leur tâche, ce qui en fait parfois des mères abusives.La vie religieuse est fortement réglée par la vie des paroisses. A partir de la Réforme, les enfants sont regroupés par sexe et par confession. Mais en 1924, à la suite du conflit entre le directeur et la sœur supérieure catholique, les enfants sont regroupés uniquement par âge, les prières sont communes, les cérémonies religieuses (communion, confirmation) sont fêtées à l’établissement après les cultes ecclésiaux. C’est l’occasion pour le maire ou son représentant de manifester sa sollicitude par sa présence. En raison du compromis historique entre les Eglises, le directeur est alternativement protestant et catholique.

III REMISE EN ROUTE : 1939 - 1945 L’INDIVIDUALISATION

La guerre fut très funeste pour l’établissement réfugié à Clairvivre, puis bombardé à Neudorf. De 1940 à 1944, il souffrit de l’engagement trop prononcé avec les nazis de son directeur, lié aux édiles de la ville et de l’hôpital. Puis après un passage à vide dû à une affaire judiciaire, il put démarrer sur un projet basé sur l’individualisation dans l’esprit psychopédagogique. Mais quelques vacations du psychiatre et de la psychologue ne suffirent pas pour vaincre l’inertie des structures administratives et la lourdeur des effectifs, éreintante pour le personnel. Cependant, dès 1949 des éducateurs suivirent une formation d’éducateur spécialisé, de moniteur-éducateur ou de confirmation de leur grade par l’action d’adaptation. La création de deux groupes supplémentaires permit la réduction de l’effectif des groupes d’enfants et le remplacement hebdomadaire des éducateurs.

Evolution pédagogique de l’établissement

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La systématisation du travail en équipe poussa à la recherche, action collective grâce à deux heures de réunion de toute l’équipe auxquelles s’ajoutèrent deux heures supplémentaires des éducateurs de chaque groupe, devenues nécessaires du fait de la composition de chaque équipe.Educateurs chefs et psychologue élaborèrent des projets de rattrapage scolaire et incitèrent aux relations avec les maîtres des écoles. La collaboration avec les rééducateurs et autres psychothérapeutes se fit grâce aux observations écrites et aux réunions de synthèse.Progressivement, grâce aux réunions pour l’orientation professionnelle avec le personnel de la DDASS, les jeunes furent orientés vers des formations scolaires ou professionnelles sur place, plutôt que vers des placements traditionnels chez les maîtres d’apprentissage. Les groupes d’adolescents(es) devinrent de plus en plus nombreux.

IV TRAVAUX

Corrélativement des travaux de personnalisation des locaux sont accomplis grâce à l’acquiescement du Conseil d’Administration des Hospices Civils dûment argumenté.1. De 1953 à 1956 : suppression du grand réfectoire après

installation de coins repas dans les salles de séjour.Création de deux salles de séjour supplémentaires par dédoublement.Transformation du jardin en terrain de sport et de jeux grâce à un jeu radiophonique gagné avec la collaboration des écoles de la ville.

2. 1956 à 1967 : l’Hospice des Orphelins devient Foyer Charles Frey Achat et transformation de la maison de vacances de Dabo.Cloisonnement des dortoirs en vue de création de chambres pour les adolescents au 3ème étage.Modernisation de la cuisine.

3. 1967 à 1975 : installation de l’Externat par création de classes et suppression de dortoirs.Installation des groupes indépendants dans les étages par création de salles de séjour à deux niveaux (mezzanines).Réinstallation de la salle de gymnastique.Mise en conformité de la maison de vacances de Saverne.Installation de chambres à trois au 3ème étage pour les jeunes filles.

4. 1975 à 1984 : installation d’un groupe d’adolescents par la modernisation de la partie centrale du grenier.En raison du manque d’autonomie, ces travaux sont souvent rendus difficiles ou retardés. Notons en particulier que le responsable de l’établissement ne discute jamais son budget avec l’inspecteur de la DDASS.

V BILANS

Les améliorations du projet pédagogique et changements d’organisation sont souvent précédés de journées d’étude ou de bilan pour l’ensemble de l’équipe éducative, certaines fois avec la collaboration d’un spécialiste extérieur à l’établissement. La cohésion de l’ensemble de l’équipe (éducateurs et personnel technique) est assurée par un conseil de maison élu. Certaines observations ponctuent heureusement les étapes :- la constatation de l’état physique des enfants (moins pâles ou blafards que ceux d’un orphelinat vus à Mons en Belgique) après les premiers progrès pédagogiques,- la diminution très importante du nombre d’enfants énurétiques (passé du 1/3 à moins de 5 % de l’effectif après l’humanisation des locaux et la diminution du nombre d’enfants par groupe),- l’effet de détente dans la vie collective après le lancement des équipes sportives de l’USON (handball et rythmique),- la prise de responsabilité à travers le fonctionnement de cette même association sportive intégrée à la Société des Amis du Foyer Charles Frey,

- l’intensification des relations extérieures par l’organisation des vacances, dont les échanges internationaux avec l’Allemagne ou la Hollande (photos ci-dessus),- la facilitation des échanges avec les familles par le nombre accru de visites et de sorties,- l’établissement de liens de parrainages demande des efforts importants de contact (65 sorties le 1er Noël d’ouverture) mais apporte à ceux qui s’y prêtent et trouvent une famille favorable aux liens continus, un meilleur épanouissement affectif qui se prolonge souvent au-delà du placement.

Ces contacts ouvrent même pour certains la possibilité de placement familiaux ou d’adoption, mais représentent un travail suivi en collaboration avec la DDASS.

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VI NOUVELLE OUVERTURE

Mais nous sommes obligés de constater que ces améliorations dépendent nécessairement de l’état affectif des intéressés et de leur situation familiale : la mesure de retrait du droit de garde et la limitation des relations avec la famille est génératrice de ressentiment, d’incompréhension et de réactions inconscientes incontrôlables. Malgré les efforts de tous les membres de l’équipe, la situation de certains jeunes, et donc leur état affectif, ne peuvent s’améliorer. Le rapport Bianco-Lamy en 1980 va faire le point de l’évolution depuis la précédente étude (Dupont Fauville) et vient à point dans l’évolution des méthodes médico-psycho-socio-pédagoqiques. Ce rapport administratif ouvre un champ d’actions qui sera exploité lorsque se développe la collaboration des travailleurs sociaux dans la région. Désireux de pratiquer un travail en équipe pluridisciplinaire sur le terrain, ils provoquent la modification des statuts du CREAI et entrent à son Conseil d’Administration. Des commissions de travail par catégorie de handicaps qui réunissent les éducateurs, assistantes sociales, psychologues, responsables d’établissement se forment. La commission cas sociaux collabore avec l’inspectrice de la DDASS pour étudier les problèmes et proposer des projets à l’établissement. La Commission Paritaire Régionale de la Formation réunit syndicats employeurs et employés pour harmoniser les formations avec les besoins en personnel.La Conférence des Etablissements Publics regroupe les responsables d’hôpitaux publics qui accueillent des handicapés ou des cas sociaux ; elle s’ouvre aux responsables de ces services afin d’étudier objectifs et moyens de l’évolution.On constate corrélativement la diminution du nombre d’enfants placés « en garde » et de la durée du retrait. Les placements en famille à partir des établissements deviennent plus fréquents raccourcissant de plus en plus la durée des séjours.Les spécialistes préconisent le maintien et l’intensification des relations avec les familles, la prise en compte des droits de l’enfant et de la famille devient une obligation.Au Foyer Charles Frey un nouveau projet, qui régule les relations avec les familles, est étudié en équipe, particulièrement lors d’une journée de mise en commun et soumis pour approbation à la DDASS vers 1973.Durant la même période sont admis les premiers enfants musulmans. L’établissement considère que c’est une 3ème confession qui entre dans le système inter-confessionnel et tente d’assurer la formation religieuse mais il n’existe pas de spécialistes.Dans la vie quotidienne, les éducateurs acceptent de partager leurs repas avec les enfants et rapidement ressentent cette innovation comme un progrès relationnel. Les trousseaux sont définitivement individualisés par l’achat personnel chez le fournisseur sur un crédit affecté à chacun et le recours à une banque intérieure d’échange.Pour les adolescents à partir de 17 ans la préparation à l’autonomie se fait par la vie par groupes de 3 en logements HLM loués par l’établissement. Les dépenses sont assurées par une allocation forfaitaire à disposition des intéressés. Une équipe d’éducateurs se spécialise pour ce service.

VII L’EXTERNAT

La modification la plus importante de l’établissement est réalisée par la création de l’Externat en septembre 1980. Le Ministère de la Santé a approuvé le plan de rénovation du Foyer Charles Frey le 23 juillet 1980. La mise en place de l’Externat scolaire s’est faite à partir de la rentrée scolaire de septembre 1982. Dès mars 1982 deux étapes prévoyaient d’une part l’installation d’un groupe classe de douze places en septembre 1982 et de douze places en 1983 pour atteindre le total de 24 élèves. Un poste d’instituteur fut créé en 1983 pour la 1ère classe. L’ouverture de la 2ème classe fut néanmoins possible grâce à l’affectation au poste d’enseignant d’une éducatrice spécialisée ayant l’expérience de l’enseignement dans les classes de S.E.S.

Une 3ème classe sera créée ultérieurement à l’école primaire du quartier ce qui permettra de parfaire la collaboration pédagogique avec tous les maîtres.Elle part de la dynamique d’amélioration des relations familiales prônées par le nouveau projet. Une enquête d’opportunité et de faisabilité de quelques mois est réalisée par des entretiens et questionnements à la DDASS, auprès des services de psychiatrie pour enfants aux Hospices civils. Le médecin scolaire de la ville appuie chaleureusement la proposition du foyer «qui répondra à la détresse de certaines mamans isolées».Ainsi, on a vu mettre en place au cours d’une trentaine d’années, par une évolution progressive basée sur le travail en équipe et le recours aux spécialistes extérieurs, une pédagogie incluant la totalité de l’établissement et animant les relations avec les parents, afin de permettre un retour adapté au milieu naturel ou le choix du maintien en collectivité avec l’accord de toutes les parties intéressées. Ainsi, les enfants appelés cas sociaux bénéficient d’une prise en charge totale des problèmes individuels ou du groupe familial et de l’insertion dans le milieu de vie. La spécialisation, longtemps jugée inutile, est devenue une réalité créatrice de lien. F.B.

NDRL : Les deux classes internes ont été intégrées dans les écoles de la Ziegelau et d’Albert Legrand dès septembre 2003.Les trois sections d’Externat, devenues Accueil de Jour, ont été implantées dans les quartiers de Strasbourg au printemps 2007 : Cronenbourg-Meinau-Neudorf.Ci-dessus: Accueil de Jour en maison individuelle à Cronenbourg

Accueil de jour - M

einau

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Une maison jaune aux volets bleus

Dans cette maison jaune aux volets bleusIl s’en passe des choses - Des choses heureusesNous sommes uniquesDans ce monde magique - La liberté y estLa beauté aussi - Aux infinités de limite,Nous partons loin - Où nous, nous sentons bienOn vit, rit, sourit sans soucis On nous aide, on nous soutientLe bonheur règne - Les amours tiennent,La joie est au rendez-vous On peut même dire toujoursVenez visiter - Et vous y reviendrez.

C. D.

Poésie lue lors de l’inauguration des bâtiments rénovés en octobre 1995.

1995le nouveau look !

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ainsi que les différentes démarches et modifications des statuts pour la reconnaissance de la personnalité juridique

Historique de l’Association des Anciens Elèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey et de l’Hospice des Orphelins

de la ville de Strasbourg

Lettre au Gouvernement à propos de la personnalité juridique de l’association.

Monsieur le Président de la Basse Alsace.Au commencement de l’année 1878, il s’est formé à Strasbourg une Association des anciens Élèves de l’Hospice des Orphelins, ayant pour but de constituer un capital dont les intérêts devront être employés à des avances à titre de prêt aux membres actifs de la dite association, afin de faciliter leur établissement professionnel ou matrimonial. Telle est la teneur de l’article I des statuts votés en assemblée générale du 24 février 1878, approuvés par la Commission administrative des Hospices civils le 13 mars suivant et par M. le Président de la Basse Alsace le 29 du même mois. Placée sous le patronage de la Commission des Hospices, qui ne pouvait voir d’un œil indifférent se créer entre ses anciens pupilles de nouveaux liens de solidarité fraternelle et d’assistance, elle a dès l’origine, témoigné de sa bienveillance envers l’association, en lui assurant avec l’autorisation de l’autorité supérieure une dotation d’un capital de 5000 marks. L’association va compter prochainement 10 ans d’existence de fait ; le nombre des membres actifs est de 152, sa fortune atteignait au 31 août dernier le chiffre de 27.193 marks 29 Pfennigs, le montant des prêts s’élève à 12.940 marksPar les services qu’elle a déjà rendus, par ceux plus importants, qu’en raison du développement croissant de ses moyens d’action, elle est capable de prendre à l’avenir, cette œuvre, qui dès ses débuts, a su attirer sur elle la sympathie de nos concitoyens, nous paraît avoir acquis des droits à l’existence légale. A cet effet nous avons l’honneur, Monsieur le Président, de vous soumettre la présente supplique, sollicitant pour notre association la reconnaissance de la personnalité civile, grâce à quoi lui sera conférée la capacité légale de recevoir des dons et legs, d’ester en justice, et lui sera assuré un nouvel élément de force et de vie. Nous prenons la liberté de joindre à la présente pétition les statuts et les comptes rendus de l’association et nous avons l’honneur d’y apposer nos signatures avec l’assurance de nos sentiments de respect et de dévouement.Ont signé : Mrs A. Sengewald, Président – Ch. Scheer, vice-président – Bernhard, receveur – Tubach, 1er secrétaire – Bettig, 2ème secrétaire. Strasbourg le 12 Novembre 1887.

Reconnaissance d’utilité publique par Décret le 25 août 1888.

Débats préalables . . . Séance du comité du 7 novembre 1887. . . Enfin le comité débat la question de savoir s’il convient de demander pour l’association la reconnaissance de la personnalité juridique. Cette question ayant été résolue dans un sens affirmatif, le comité prend une décision conforme et charge le bureau de rédiger une demande formelle à adresser au gouvernement d’Alsace-Lorraine.

Délibération lors de la séance du 7 novembre 1887Le comité après avoir entendu l’exposé de son vice-pré-sident sur l’opportunité d’une demande à adresser au gouvernement d’Alsace-Lorraine pour obtenir en faveur de l’association des anciens orphelins la reconnaissance de la personnalité juridique,

- considérant que les statuts de l’association votés en assemblée générale le 24 février 1878 ont été approuvés par la commission administrative des Hospices civils le 13 mars suivant et par M. le Président de la Basse Alsace le 29 du même mois

- considérant que l’association va compter pro-chainement dix ans d’existence

- de fait considérant que le nombre des membres actifs est de 192 et celui des membres honoraires de 300,- considérant que la fortune atteignait au 31 août dernier le chiffre de 27.193,29 marks et que le montant des prêts s’élève à 12.540 marks,

- considérant que par les services que l’association a déjà rendus et par ceux plus importants qu’en raison du développement croissant de ses moyens d’action, elle est capable de rendre à l’avenir, cette œuvre, qui dès ses débuts a su attirer sur elle la sympathie et des marques

En septembre 1875, les anciens élèves (garçons) de l’Orphelinat, répondant à l’appel qui leur fut adressé par le directeur de l’Hospice, se réunirent pour la première fois, au nombre de 60 environ, dans l’antique établissement qui avait donné asile à leur jeunesse, pour rehausser par leur présence la solennité de la distribution des libéralités faites par de généreux donateurs en faveur de ceux d’entre eux, reconnus pour s’être le plus distingués par leur bonne conduite et leur amour du travail.Au repas commun, que l’administration voulut bien leur offrir, naquit, par échange d’idées et de sympathies fraternelles, la pensée d’une association à fonder entre les élèves sortis de cette vieille maison hospitalière strasbourgeoise.En septembre 1877, ils se réunirent pour la deuxième fois en plus grand nombre. Sur la proposition du directeur de l’Orphelinat, appuyée chaudement par le représentant de la Commission administrative, les élèves présents votèrent par acclamation la création immédiate d’une Association des « anciens orphelins », et chargèrent un comité de douze membres de rédiger les statuts de la future association. En conséquence fut élaboré un projet de statuts qui a été voté en assemblée générale le 24 février 1878.

de générosité du public, paraît aux membres du comité avoir acquis des droits à l’existence légale,

décide :à cet effet une pétition sera soumise à Monsieur le Président du Bezirk (Arrondissement), sollicitant pour l’association des anciens orphelins la reconnaissance de la personnalité juridique, grâce à quoi lui sera confié la capacité légale de recevoir des dons et legs, d’ester en justice et lui sera assuré un nouvel élément de force et de vie. Le bureau est chargé de faire les démarches nécessaires pour arriver à ce but.

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Séance du 13 février 1888. . . Le comité en adoptant le procès-verbal décide qu’à l’avenir ce dernier devra être rédigé en allemand.

Sitzung vom 4 Mai 1888 (traduction) . . . le Président du Bezirk dans son courrier et notamment par rapport aux articles 15-28-30-36, demande soit leur changement ou un complément d’information. Pour cette révision des statuts, le comité met en place une commission....

Sitzung vom 16 Mai 1888 (traduction) . . . la commission mise en place le 4 mai pour la révision des statuts fait part aux membres de l’évolution de son travail et propose de soumettre à l’approbation définitive les nouveaux statuts lors de l’assemblée générale extraordinaire du dimanche 10 juin 1888. . .

Sitzung vom 1. Oktober 1888 (traduction) . . . le vice-président fait part au comité de la bonne nouvelle : l’association a été reconnu d’utilité publique par un décret souverain du 25 août 1888.

Seconde modification en 1984-1985

. . . nous vous présentons aujourd’hui le projet de nos nouveaux statuts. Il devra être ratifié par l’Assemblée générale extraordinaire qui suit, avec un quorum de la moitié plus une voix des membres inscrits, conformément à l’article n° 3 de nos statuts. . Plusieurs éléments ont guidé ces travaux. Le but de l’association, qui statutairement se limite à « venir en aide à ses membres actifs en leur accordant des prêts, lors de leur établissement professionnel ou matrimonial, demandait à être élargi en fonction de l’expérience des solidarités dont elle s’est enrichie. Les conditions d’octroi des prêts demandaient à être revues parce que trop exclusives. Le nom du Foyer ayant changé il y a vingt sept ans, il convenait de revoir l’appellation de l’association (L’association des Anciens Élèves de l’Hospice des Orphelins de la ville de Strasbourg devint : »Association des Anciens Élèves du Foyer de la Jeunesse Charles Frey et de l’Hospice des Orphelins de la ville de Strasbourg). La rédaction des statuts demandait aussi une reformulation pour les mettre en conformité avec les exigences administratives et juridiques actuelles. . .

Troisième modification des statuts 2006

D’avril 2002 jusqu’au 17 mars 2005, la Présidence est assurée par l’administratrice Yolande GOMEZ en l’absence d’un Directeur au Foyer de la Jeunesse Charles Frey. Le Directeur par intérim ne souhaitant pas présider l’association, le conseil d’administration de l’Association a proposé comme président : Christian PFEIFFER qui a engagé une modification des statuts.Le Ministère de l’Intérieur, sur recommandation du Conseil d’État par courrier du 22 février 2006 a demandé la mise en conformité des statuts. L’Assemblée Générale Extraordinaire réunie le 24 mars 2006 procède au vote à l’unanimité des membres présents, pour l’acceptation des nouveaux statuts.

Le Ministère a approuvé la modification des nouveaux statuts par décret n° INTA 0600274D publié au Journal officiel 284 du 8-12-2006.

Cet arrêté précise :

«Nous, Guillaume, par la grâce de Dieu, Empereur d’Allemagne, Roi de Prusse, ordonnons au nom de l’Empire, pour l’Alsace-Lorraine ce qui suit :

* 1. L’association des anciens élèves de l’Hospice municipal des orphelins existant à Strasbourg est une fondation reconnue d’utilité publique.

* 2. Les statuts ci-contre de cette association sont approuvés.

Publiés avec l’apposition du cachet impérial.St Petersbourg le 25 août 1888

Par ordre sérénissime de sa Majesté l’EmpereurHOHENLOHE

Le Secrétaire d’ÉtatPar ordreVON PUTTKAMER

Première modification des statuts 1919 Assemblée générale extraordinaire du 23 septembre 1919.

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Wiehnachte, Noël . . . un conte, une fête

Traditions

A tous ceux qui se demandent pourquoi cette énorme bâtisse de Neudorf est surmontée d’une petite tourelle, il suffit de raconter l’histoire suivante que certains prennent cependant pour une légende. Cette tourelle, apparemment inutile avait pour unique fonction de permettre au Chreschkendl de se rendre dans l’établissement la Nuit de Noël. Comme le rapporte Henri Will le rôle du directeur était d’en ouvrir le 24 décembre toutes les fenêtres afin que celle-ci puisse s’illuminer à minuit. Une échelle dorée reliait alors cette tourelle à la voûte céleste où s’activaient et chantaient des anges pendant que l’Enfant Jésus apportait mille et un cadeaux à tous les enfants de l’établissement. Pour ces derniers, Noël a toujours été et restera encore un moment magique. Le moment des cadeaux certes, mais aussi celui d’un spectacle qu’ils présenteront fièrement à leurs parents et amis. Au début du siècle dernier, cette fête était particulièrement importante puisque c’était la seule période où les orphelins étaient non seulement gâtés en oranges, Bredle, jouets et invitations multiples mais aussi mis à l’honneur et soutenus par des personnalités aussi diverses que Gustav Stoskopf ou Albert Schweitzer.

A cette époque, la radio locale retransmettait en effet, régulièrement, au moment des fêtes, un conte, créé et mis en scène par Fritz Stephan sur une musique de Joseph Ernst, joué par les orphelins. Cette tradition qui a longtemps perdurée est tombée au fil du temps en désuétude. Actuellement, les enfants, du moins les plus jeunes, sont toujours aussi émerveillés par les nombreux cadeaux, société de consommation oblige, qu’ils trouvent sous le sapin et que leur apporte maintenant le Père Noël. Ils produisent toujours un spectacle mais l’établissement s’est laïcisé. La fête de Noël a changé de look et la tourelle s’est éteinte en même temps que le siècle passé. M.K.

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Traditions

Les fêtes de Saint-Nicolas au Foyer de la Jeunesse Charles Frey

Au Foyer de la Jeunesse Charles Frey, il est, comme en Alsace, en Lorraine et dans bien d’autres pays, une fête qu’aucun enfant sage ou moins sage ne voudrait manquer le 6 décembre c’est celle de Saint-Nicolas. Car le Saint-Nicolas, dont le nom signifie en grec «Victoire du peuple», est, entre autres, depuis le XIIe siècle non seulement le « Patron des écoliers » mais aussi celui des hôpitaux et des établissements charitables. Aussi surprenant que cela paraisse, son histoire et celle de l’établissement sont intimement liées.En effet, pratiquement chaque année, Saint-Nicolas rend visite à tous les enfants du Foyer selon une très ancienne coutume qui remonte au XVIe siècle et que mentionne les archives de l’établissement.En 1517 le sénateur Nicolas Berer en présence du receveur Jean Hackfurt, de l’ancien Stettmeister Louis de Müllenheim et du directeur Nicolas Munch , légua – pour le salut de son âme , celui de ses ancêtres et de ses descendants- une redevance annuelle de sept sacs de seigle, à la condition que chaque année , à la date du 6 décembre, fête de Saint-Nicolas , chaque orphelin sachant marcher seul, recevrait une pomme rouge avec un nouveau Pfennig de Strasbourg et en même temps une belle paire de chaussures neuves , comme motif de cette fondation il donnait les touchantes raisons suivantes :« Puisque les enfants conservent pendant longtemps le souvenir des bienfaits, plaisirs et amusements qu’on leur donne et ne les oublient que difficilement ; qu’ils n’en sont que plus disposés à prier Dieu pour le salut des âmes de ceux qui leur accordent ces mêmes bienfaits et plaisirs : pour cela le susnommé Nicolas Berer a voulu , ordonné, institué, qu’à l’avenir et à perpétuité, chaque année , au jour de la Saint Nicolas , on donne à chaque enfant de la Maison des Orphelins, sachant marcher seul, pour cadeau de Saint-Nicolas, une paire de souliers neufs, conservant bien le mollet au dessous du genoux, une pomme rouge et dedans un pfennig de Strasbourg. Par contre chaque enfant qui peut prier pour le salut de l’âme du donateur, de ses ancêtres et héritiers, sera tenu par le receveur ou le père des orphelins de prier de temps en temps une oraison dominicale et un Ave Maria ».

Actuellement, même si au Foyer Charles Frey, établissement public et laïc, on ne prie plus pour le salut de la famille Berer et qu’à Strasbourg l’Euro a remplacé le Pfennig, la tradition de la Saint-Nicolas perdure toujours. Aussi, comme autrefois, tous les enfants chaussés maintenant des inévitables baskets, se réjouissent-ils encore, avec parfois un soupçon d’inquiétude, d’accueillir le Grand Saint-Nicolas qui leur apporte des Maennele, des mandarines et des cadeaux. D’autant que ce même Saint-Nicolas leur est très familier car il leur rend visite depuis plus de trente cinq ans. Ceux qui ont eu le plaisir de le rencontrer, s’en rappellent encore et le remercient chaleureusement pour les instants magiques qu’ils ont pu partager avec lui. M.K.

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Société des Amis - Kermesse annuelle et Fêtes des Anciens

Chorale des enfants avec Jules Kauffmann - 1983

L’origine du mouvement associatif au Foyer qui perdure jusqu’à aujourd’hui, date de la fondation de l’Association des Anciens Elèves de l’Orphelinat du Neudorf en 1877 – donc il y juste 130 ans.En 1958, l’association des Anciens crée l’USON [Union Sportive Olympique du Neudorf]. Ce club interne a permis aux jeunes de pratiquer l’athlétisme et le handball. Dès la 1ere année, il y a eu 104 participants affiliés à la Fédération de gymnastique et 35 licenciés à la Fédération de handball. L’équipe de handball a connu ses heures de gloire ces années-là, se classant 1ère dans la catégorie junior.Mais une association « légalement reconnue » était indispensable pour la pratique de certains autres sports. C’est pourquoi, la Société des Amis du Foyer de la Jeunesse Charles Frey fut fondée en 1961, par les membres de l’Association des Anciens Elèves. Le but de cette Société des Amis est de créer, gérer, tous services, oeuvres et activités en faveur des jeunes pensionnaires. C’est ainsi qu’en 1966, les jeunes créent le Centre de Loisirs de l’USON ( CLU) qui se donne pour but d’animer des activités récréatives et culturelles.En 1972, la Société des Amis achète la première télévision couleur. Il n’y en avait qu’une, placée dans la salle des fêtes ! A partir de 1973, en raison des impossibilités de procéder à des avances de trésorerie de la part de l’Administration des Hospices civils et pour permettre les départs en vacances, la Société alloue les avances pour les camps d’été.En 1978, la Société des Amis fait un don de 23 000 francs pour l’achat d’une «estafette». Le parc automobile se composait alors d’un véhicule 9 places et d’une 4L blanche.En 1979, le Conseil d’Administration de la Société des Amis adapte sa mission aux nouveaux besoins des jeunes en leur facilitant l’insertion sociale et professionnelle à la sortie de l’établissement. C’est ainsi que lors des réunions de la Société des Amis s’élabore le projet de l’ouverture des trois appartements extérieurs, mettant fin ainsi aux départs non choisis des plus âgés vers le Foyer de l’adolescent d’ Illkirch ou vers celui d’Albert Legrand. En octobre 1993, la Société des Amis est récompensée pour son projet de «prépa-école de conduite» déposé dans le cadre de l’opération nationale « Label Vie ».Longtemps, la Société des Amis a organisé la kermesse annuelle aujourd’hui disparue mais elle continue de financer dans la mesure de ses moyens des activités sportives, culturelles et de loisirs. C. P.

Sous le chapiteau, lors de la distribution des Prix.

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Les anciens aiment se retrouver pour partager un moment d’amitié et raviver les souvenirs passés pendant que les plus jeunes . . .

Soirée annuelle des anciens élèves

s’exercent au karaoké . . . ou à la farandole.

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Une simple rencontre

Il nous arrive chaque jour des choses. Certaines sont banales et d’autres non. Je vais vous en raconter une, qui pour moi restera unique dans le genre. Ceux qui me connaissent, ma famille surtout et mes amis, tous savent que j’aime marcher. Dans notre belle ville, on a le choix entre le vélo, le tram, le bus ou la voiture et c’est bien. Mais dans la mesure du possible, je préfère me déplacer avec ma BM-double pieds, sauf bien sûr pour aller de l’autre côté, en Allemagne. Là, la question ne se pose même pas; si on a un véhicule on le prend. Ce matin donc, je sors mais, chose curieuse, vu l’explication que je viens de donner, j’hésite la voiture parquée à quelques mètres ou le bus dont l’arrêt le plus proche est à plus de 10 minutes à pied, sans oublier que des N°21 il n’en vient que deux ou trois par heure à ce moment de la journée. Encore quelques pas et je dois me décider. Et je ne sais pas pourquoi; enfin je ne savais pas encore, je prends à droite et me dirige vers l’arrêt de bus de l’avenue Jean Jaurès. J’ai un dernier doute quant à ma «bonne idée» de prendre le bus, car je vois qu’il me faudra encore patienter pas mal de minutes et tout le monde sait que les minutes qu’on passe à attendre quelqu’un ou quelque chose sont toujours très longues. Je monte dans le bus et prends place. Après un petit moment, là aussi je me surprends à me lever. Je cherche une autre place où je serai assis dans le sens de la marche. C’est ainsi que je me retrouve à côté d’un homme d’un certain âge en train de discuter avec la personne assise en face de lui. J’ai vite compris qu’ils ne se connaissaient pas, l’un parlait, l’autre approuvait vaguement ... bien sûr.... oui oui.... eh oui.» De quoi parlait ce vieil homme? Un seul mot suffit pour tout résumer «augmentation». J’écoute. «Tout augmente..... vous avez vu, le pain, la viande.... les cigarettes coûtent maintenant .... puis arrive ce moment où je trouve bon d’intervenir, le bonhomme d’en face répondant guère, pour lui dire que tout n’augmente pas! «Ah bon ?» - les salaires eux n’augmentent pas, ou si peu. Alors là, il est complètement d’accord avec moi et il continue de plus belle, en s’adressant à moi cette fois. Et là tout cela devient plus sérieux, il se met à parler de lui. Il a commencé à travailler à 13 ans et toute sa vie, il n’a fait que ça..... il a du mal à joindre les deux bouts.... il se retrouve avec une très faible retraite. Dans ce cas là, on essaye quand même de donner un peu de courage, de ne pas tout voir en noir. Je lui dis: « Je vous comprends, c’est pas facile à vivre, d’avoir bossé si dur pendant si longtemps; même avec deux retraites, la vôtre et celle de votre femme». Il me coupe. Je n’ai pas de femme, pas d’enfant, je suis seul, j’ai toujours été seul. Entre temps la personne d’en face est descendue du bus et on se retrouve juste à deux. Je sens qu’il a besoin de parler et j’ose quelques questions. «Vous êtes vraiment seul ? » Sa réponse est simple, crue, directe et j’avoue qu’à ce moment je réalise que je suis assis à côté d’un homme qui n’a vraiment pas eu de chance.

«Écoutez, je suis né en 42 pendant la guerre. Je ne connais pas mes parents, on ne sait pas ce qu’ils sont devenus. J’ai toujours été seul». Il me parle un peu de sa jeunesse, de son patron qui profitait de lui etc. A mon tour, je me hasarde à lui poser la question : «Vous avez grandi dans un orphelinat ?» Il me répond que oui. Et même si je n’ai pas eu une vie aussi difficile, je sens qu’il y a, autour du mot «orphelinat» sans doute quelque lien et je sens qu’il est bon que je lui parle de moi.... qu’il sente que je peux le comprendre, ayant moi aussi connu un peu ça. Je lui dis que j’ai grandi dans un orphelinat au Neudorf. Il me regarde avec de grands yeux tout ronds.... Et alors on peut dire qu’on a causé, de la même chose, mieux encore, des mêmes personnes: Papa Jost, M.Beck, tante Germaine... En effet, nous avons vécu dans les mêmes murs, descendu et monté les mêmes escaliers, pris notre bain au même endroit, joué dans la même cour.

Voyez-vous, je réalise maintenant que ce jour là, je ne devais pas aller en Allemagne en voiture et je comprends pourquoi j’ai pris ce bus, pourquoi j’ai changé aussi de place. Et j’étais vraiment heureux pour lui et pour moi. Il m’a posé pas mal de questions sur le foyer. Jamais il n’y était retourné et n’avait jamais revu quelqu’un. Et pourtant..... il habite au Neudorf ! Il m’a laissé ses coordonnées et par le biais de l’association, nous l’avons contacté puisque tel était son souhait. Voilà, je voulais partager cela avec vous. Pour conclure, je reviens au début de ce petit écrit : il nous arrive toujours des choses chaque jour. Restons attentifs, on ne sait jamais de quoi est fait demain. J.S. 2007

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BECK François

Tout le monde à table - page 23

Ce beau jardin - page 27

Du père des orphelins à la tutelle - page 31

Evolution pédagogique de l’établissement - page 40-42BICKEL Georges Quinze jours par an à Saverne - page 38 Malgré-Nous - page 35DUNAND Christelle Une maison jaune aux volets bleuets - page 45

EGLE - WESTBUNK Jeanne Orpheline à 12 ans - page 18GOETZ Albert Neudorf le faubourg du soleil - page 11 KURTZ Marianne Histoire de l’orphelinat de Strasbourg - page 8-9Dans les tourments . . . - page 32-33Wiehnachte, Noël ... un conte, une fête - page 46 Les fêtes de Saint Nicolas - page 47MARTZLOFF Martial Le Meiselocker raconte . . - page 31PFEIFFER Christian Le bâtiment à travers les âges - page 13Ceslaw Sieradzki, jeune orphelin - page 36 Gabriel Anquez dit Ankes, jeune orphelin - page 37Historique de l’association des Anciens Elèves - page 44-45Pourquoi publier des récits de vie - page 47La Société des Amis-kermesse annuelle et fête des anciens - page 48REISS Robert Etudes et jeux - page 24Le jardin - page 26Ah Saverne ! mot magique de notre enfance - page 38SCHMITT Hélène Admission à l’orphelinat - page 14-15Nos vêtements - page 17Hygiène et santé - page 19Le réfectoire - page 22Ecoles - page 25Le jardin - page 26 Liberté - page 28 Promenade - page 29Corvées - page 30 SIEGEL Joseph Une simple rencontre - page 52WAGNER René La chape du silence - page 34Malgré-Nous et soldat oublié - page 34

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Bibliographie:PITON Fréd. Strasbourg illustré ou panorama pittoresque,historique et statistique de Strasbourg et de ses environs, Strasbourg, 1855. Tomes I et II. WILL Heinrich. Das stadtische Waisenhaus in Strassburg im Elsass. Strassburg: Waisenhaus, 1918.WILL Henri. L’orphelinat de la ville de Strasbourg. Strasbourg: la vie sociale en France et dans ses colonies, 1926. coll.d’études économiques et sociales.GOETZ Albert. Das Waisenhaus der Stadt Strassburg: l’Hospice des Orphelins de la ville de Strasbourg. Strasbourg: Imp. Solidarité, 1934.SPEICH Eugen. St. Magdalena in Strassburg. . . Strassburg : E. Speich, 1937.

Association des Anciens Elèves 1- place Henri Will - 67100 STRASBOURG